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Biodiversité, seuils de tolérance des écosystèmes,


résilience et dégradation des forêts
I. Thompson

L
Suivre certains principes es forêts comprennent de mul- <    
écologiques en matière de gestion tiples écosystèmes associés à une de celles-ci à produire les biens et services
 +    grande diversité de conditions attendus (par exemple, FAO, 2009), la
  }   édaphiques et microclimatiques se décli- perte de biodiversité constitue un critère
et contribuer à l’adaptation au nant à travers de vastes paysages. La majeur pour mesurer cette dégradation.
changement climatique. composition et la nature des écosystèmes La conservation de la biodiversité est
forestiers varient au cours du temps, en donc une pierre angulaire de la gestion
fonction des perturbations naturelles durable des forêts (voir Processus de
et des changements du régime clima- Montréal, 2009) et un facteur clé pour
tique. Cependant, elles demeurent plus le maintien du fonctionnement des éco-
ou moins les mêmes dans les limites systèmes forestiers.
d’une variation naturelle (voir la figure), Cet article explore les façons dont les
considérée comme état stable. Dans un forêts maintiennent leurs états stables au
état stable, une forêt peut produire une fil du temps et expose ce qui se passe
série de biens et services représentant lorsque les perturbations dépassent
une valeur pour les hommes. les capacités des mécanismes naturels
C’est la biodiversité qui sous-tend la de récupération. Il décrit comment la
plupart des biens et services environne- gestion durable des forêts, notamment
mentaux; et de nombreuses forêts tro- la conservation de la biodiversité, est
picales en particulier maintiennent des essentielle pour appuyer les mécanismes
niveaux élevés de biodiversité. La perte de remise en état des forêts, et présente
de biodiversité est susceptible d’avoir des les principes écologiques pouvant être
conséquences négatives considérables appliqués à la gestion forestière.
sur la capacité productive des forêts (voir
Thompson et al., 2009; Bridgeland et al., ;?/==B)(BBA;?/=/A-)(B
2010; Cardinale et al., 2011) et la fourni- >  
ture de biens et services. Aussi, dans la Une caractéristique importante des
mesure où la dégradation des forêts peut forêts est leur résilience, à savoir leur

Illustration des points de basculement,


ou seuils, des écosystèmes
Pression Seuil
critique

Diversité
biologique É TAT M O D I F I É
existante

Mesures pour
accroître la
résistance

E S PAC E /  : 
Moins de services fournis
D ’ E X P L O I TAT I O N par les écosystèmes
S É C U R I TA I R E Dégradation du
bien-être humain

Diversité
= A!  X## biologique
travaille pour le Service canadien des forêts # 
à Sault Ste. Marie, Ontario, Canada. Source: Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, 2010.

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capacité de se rétablir suite à des per- sont à la fois résilientes et résistantes hautement fonctionnelles dans les éco-
turbations importantes (voir Gunderson, à diverses sortes de changements. systèmes, et sans eux, de nombreuses
2000). Dans le cadre de la plupart des La perte de résilience peut être causée plantes ne pourraient pas se reproduire.
régimes de perturbations naturelles, par la perte de groupes fonctionnels La résilience d’une forêt dépend large-
les forêts maintiennent leur résilience (voir Mécanismes et Points de bascu- ment de ces espèces clés et des fonc-
dans le temps. La résilience d’une forêt lement) résultant de mutations envi- tions qu’elles remplissent, ainsi que de
est une propriété émergente d’un éco- ronnementales tels qu’un changement la façon dont elles recommencent à se
système qui résulte de la biodiversité à climatique à grande échelle, une mau- développer au fur et à mesure que la
de multiples échelons, allant de la diver- vaise gestion forestière ou une altéra- forêt se rétablit après les perturbations,
sité génétique à la diversité paysagère tion suffisamment vaste ou continue des en particulier les perturbations liées à
(Thompson et al., 2009). Pour être en régimes des perturbations naturelles des interventions de gestion forestière.
mesure de fournir les biens et services (Folke et al., 2004). Sur le plan génétique, la capacité de
que les hommes tirent des forêts, les résilience réside dans l’aptitude d’une
écosystèmes forestiers doivent pouvoir Mécanismes espèce à persister au sein d’une série
se rétablir après avoir subi des perturba- Selon toute évidence, la résilience d’une de variables environnementales, par
tions et ne pas se dégrader dans le temps. forêt est étroitement liée à la biodiver- exemple en tolérant divers niveaux de
Lié au concept de résilience, se trouve sité se manifestant normalement dans températures ou un certain degré de
celui de résistance, à savoir la capa- l’écosystème (voir Folke et al., 2004; sécheresse. Au niveau des espèces, il
cité d’une forêt de résister à des per- Thompson et al., 2009). En particulier, existe divers types de réponses com-
turbations mineures au cours du temps, certaines espèces et certains groupes portementales et fonctionnelles sus-
comme la mort de quelques arbres ou d’espèces remplissent des fonctions clés  ^ " 
un niveau chronique d’herbivorie de dans les forêts et sont donc essentiels une zone perturbée ou à réagir à des
la part d’insectes. Les forêts sont en pour que celles-ci soient en mesure de changements environnementaux. En
général stables et changent peu suite à conserver l’ensemble de leurs processus  ^  ^
des perturbations non catastrophiques. fonctionnels (Díaz et Cabido, 2001). $" !"   
Les changements mineurs sont atténués, Ainsi, les oiseaux prédateurs permettent    ^"   
comme cela advient lorsque les trouées de contenir le nombre d’insectes pré- paysage (voir Tylianakis et al., 2008) de
dans le couvert forestier créées par la sents dans une forêt, réduisant les pro- même que la connectivité de ce dernier.
mort d’arbres individuels ou de petits babilités que la pression d’herbivorie ¢ ^ #  $  ^#     
groupes d’entre eux sont rapidement à de la part de ces derniers atteigne des des blocs forestiers peut être une mesure
nouveau comblées par de jeunes arbres. niveaux catastrophiques, et accroissant de redondance entre espèces et consti-
Les forêts peuvent aussi se montrer ainsi la productivité des arbres (voir tuer une source de végétaux pionniers
résistantes à certains changements envi- Bridgeland et al., 2010). Les pollini- qui sont susceptibles, quand la forêt
ronnementaux, tels que l’évolution des sateurs, notamment divers types d’in- commence à se développer à nouveau
tendances météorologiques au cours du sectes, chauve-souris et oiseaux, sont ou à se rétablir après une perturba-
temps, du fait d’une redondance au sein aussi d’excellents exemples d’espèces tion, de permettre aux communautés
des espèces ayant un rôle fonctionnel (la
redondance désigne la superposition ou
la duplication des fonctions écologiques
assumées par un groupe d’espèces, voir
Mécanismes) (Díaz et Cabido, 2001).
Des écosystèmes peuvent être hau-
tement résilients mais peu résistants
à une perturbation donnée. Ainsi, de
nombreuses forêts boréales ne sont pas
particulièrement résistantes au feu,
mais sont fortement résilientes à l’égard
de ce dernier et se rétablissent d’habi-
tude complètement au bout d’un certain
nombre d’années. En général, la plupart
des forêts naturelles, tout particuliè-
rement les forêts primaires anciennes,

Forêt feuillue composée principalement


FAO/A. YANCHUK

de trembles dans la forêt boréale du


Canada septentrional. Les forêts peuvent
ne pas être particulièrement résistantes
#    $  
elles sont pourtant résilientes

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Forêt dégradée de genévrier


(Juniperus thurifera) dans
le Haut-Atlas, Maroc

de converger vers les types caractérisant


 <^%* # 
question de la résilience implique néces-
sairement de prendre en compte aussi
bien les petites que les grandes échelles.

Perte de résilience et dégradation


des forêts
=^  ^ $"   
composition botanique (arbres) domi-
nante et la structure de peuplement
attendue pour un peuplement donné.

FAO/A. PERLIS
=# ^  ^ <  
^    
par un passage partial ou complet vers
 $ ^ $"         ^   ^ état. Par exemple, une sécheresse et des
 ^    ‚ espèce envahissante qui a pris le dessus incendies sévères peuvent convertir une
considérée. Une telle évolution conduit à sur des espèces endémiques, restreignant forêt sèche en savane, voire en prairie.
une réduction de la production de biens      ^ $"% Le plus souvent, le nouvel état fournira
et de services. Par conséquent, le «chan- Dans chacun des cas décrits, si les aux hommes un niveau moins élevé de
^  ^ $"„< changements sont suffisamment accusés produits et de services.
retenu comme indicateur de la dégrada- # ^   Les points de basculement peuvent
tion. Par exemple, si une forêt est censée la mesure dans laquelle une forêt a été être atteints rapidement ou bien être
être mixte mais est en revanche dominée dégradée peut être déterminée grâce ^ ^# #-
  ^" à la télédétection. Ainsi, utilisant des nique annulant la capacité de récupération
^   données satellite, Souza et al. (2003) ^ $"    
 ^  ont pu cartographier les forêts amazo- de la diminution graduelle des espèces au
 <  ^ niennes du Brésil ayant été excessive- cours du temps. Ainsi, le morcellement
^ $ # ^  %~  ment brûlées ou lourdement exploitées des forêts est un processus qui ouvre
# ^  < - et brûlées, et Strand et al. (2007) ont une brèche dans les forêts continues au
rés comme négatifs, dans la mesure où ils signalé plusieurs cas où la télédétection travers de multiples perturbations. Une
dégradent la forêt du point de vue de la a été employée pour effectuer le suivi de forêt peut aisément tolérer quelque perte
biodiversité comme de la production, et <   "^   de continuité spatiale tout en conservant
affectent en général le niveau des biens ^ #   ses espèces et ses fonctions, mais des
et services disponibles. régions du monde. études montrent que certains degrés de
Souvent, la dégradation des forêts morcellement constituent en réalité des
 ^   #- 96=)A/>B&-/(B+B)A points de basculement, marqués par une
^     Les forêts peuvent ne pas toujours se perte de la biodiversité et des fonctions
période. Cependant, les forêts peuvent rétablir suite à des perturbations graves forestières et une diminution de la capa-
se dégrader pour de nombreuses raisons et prolongées. Des seuils existent pour cité de produire des biens et services
 ^  %¡  -  ^"  (voir Andrén, 1994; Arroyo-Rodríguez
taines forêts peuvent apparaître intactes et pour les processus individuels au et al., 2007).
alors que la plupart des espèces animales sein des écosystèmes, et en dernier res- Les écosystèmes peuvent être utilisés
de grande taille leur font défaut, du fait sort pour les écosystèmes eux-mêmes. et exploités pour leurs services mais
^   #  Le point auquel un écosystème perd sa le recours à ces derniers ne peut pas
Redford, 1992). Cela pourrait avoir des capacité de récupération, ou auquel sa dépasser les niveaux garantissant leur
conséquences à long terme pour la santé résilience et son intégrité sont perdues, durabilité, de même que les biens
de ces forêts, comme un accroissement est désigné comme point de basculement, issus de la forêt ne peuvent pas être
 ^#        ou seuil écologique. Si les perturbations    ^ \   
  ^ £  -       ^  détruire les processus écosystémiques
dateurs, ou comme une diminution de des effets en cascade se traduisant   %? ^
la dissémination des graines, autant de par des changements marqués dans basculement est atteint, les changements
fonctions qui auraient été remplies par les ^ $"       ^ $"   
animaux manquants. Autre exemple de en dernier lieu la forêt vers un nouvel et non linéaires, souvent imprévisibles,

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Montagnes de l’Himalaya oriental, Dans les négociations sur le change-


Inde. La biodiversité est à la base
de la résilience d’une forêt et
ment climatique relatives aux forêts,
représente une question clé pour les ^     
responsables de gestion forestière "^    
du changement climatique, tandis que la
changeront aussi car il se peut que le seuil   ^     \ 
de tolérance physiologique de certaines ^ % =^     < 
espèces soit dépassé et que les rythmes de changement climatique consiste avant
nombreux processus biophysiques fores- tout dans le maintien de leur résilience,
tiers soient altérés (voir Scholze et al., <   $ ^ $" 
2006). La plupart des études suggèrent appelés à changer. Et si les écosystèmes
que de nombreuses forêts tropicales ne changent effectivement, il est essentiel
seront pas résilientes face au change- de comprendre comment répondre à cela
ment climatique sur le long terme si la à travers la gestion forestière. Dans la
tendance actuelle et prévue, marquée par plupart des cas, certaines formes actives
une diminution des précipitations et un de gestion seront nécessaires pour per-
FAO/T. HOFER

accroissement de la sécheresse, se pour-   <^   # -


suit (voir Betts, Sanderson et Woodward, ment climatique. Conserver la résilience
2008; Malhi et al., 2008). des forêts peut ainsi constituer un méca-
et le plus souvent dramatiques (voir Les écosystèmes forestiers se composent nisme important, tant pour atténuer les
Scheffer et Carpenter, 2003). Ainsi, ^"%¢ effets du changement climatique que
 ‚^* ¤ travers les diverses régions, les zones ^   4%
subi une mutation plutôt spectaculaire,   # ^ 
passant de la forêt sèche au désert en !"  # #$   @?;B;B/36;DA/96;
raison du changement climatique advenu écologiques qui leur correspondent; et, ?H=AB;>-AAB=)>;BB/
dans la région (Kröpelin et al., 2008).   #!"   /B=/(;=A=<B/
Malheureusement, souvent nous ne où les conditions environnementales sont Une gestion forestière durable est une ges-
reconnaissons un point de basculement les plus favorables. Ainsi, des espèces tion écosystémique des forêts ayant pour
^ ^        ^   #$- une large part comme objectif sous-jacent
conséquences en général négatives pour logique pourraient être extrêmement de favoriser le maintien de la résilience
^ $"   % résilientes, y compris à un changement naturelle. L’une des tâches essentielles
Par conséquent, gérer une forêt de climatique significatif. De même, des en matière de gestion consiste à aider
 "    ^  espèces liées à des niches écologiques les forêts à se rétablir après la récolte de
    ^      apparemment étroites pourraient se bois ou d’autres produits, en faisant en
basculement possibles.      ^ ^$  _ sorte que les propriétés de l’écosystème
les nouvelles conditions leur fournissent perdurent sur le long terme. Au cours
Considérations sur le un avantage aux dépens de compétiteurs. des dernières années, cette tâche s’est
! #    Dans chacune de ces deux situations singulièrement compliquée du fait de la
Le changement climatique global sur-   ^    pression supplémentaire exercée par le
plombe les nombreux autres impacts des à des espèces ayant des réserves géné- changement climatique sur les écosys-
activités humaines sur les écosystèmes tiques suffisamment vastes et variables tèmes terrestres. Tandis qu’une gestion
    ^   ^       forestière appropriée et saine sur le plan
  ^     % X    ^ biologique consiste essentiellement à
incertaine. Le climat a une influence pas le cas pour de nombreuses espèces. conserver la résilience des forêts, faire
décisive sur les rythmes de respiration Là où la taille des populations et/ou la face au changement climatique requiert
et de production forestiers ainsi que sur diversité génétique ont été réduites, ou une planification et une action supplé-
^ ¥      bien là où la mobilité des espèces est mentaires. Si nous comprenons mieux
de la température, du forçage radiatif   ^#   - les écosystèmes et sommes en mesure
    ^  - cellement ou est naturellement faible, de prévoir précisément quels niveaux
   ^ #"  une adaptation autonome réussie aux d’exploitation peuvent correspondre à
hydriques, sur le moyen et le long termes. mutations environnementales devient des seuils, la gestion des biens et services
Le climat et les conditions météorolo- moins probable. Les populations pour- issus des forêts peut se révéler de nature
giques influencent de même directement   <     ^ plus bénigne.
les processus à court terme intervenant si elles sont exposées à un rythme de
dans les forêts, tels que les incendies, changement environnemental excédant +   "   
^#   "% $#   ^   Le maintien de la biodiversité est essen-
Au fur et à mesure que le climat glo- ou celui auquel les individus peuvent se tiel si l’on veut préserver la résilience des
bal changera, les écosystèmes forestiers disséminer (voir Schwartz et al., 2006). forêts et éviter d’atteindre des points de

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basculement. Étroitement liée à l’éco- productivité, et des niveaux de pertur- composition que l’on trouve dans
système, la diversité biologique d’une bation que les écosystèmes concernés les peuplements naturels, en termes
forêt en sous-tend la productivité, la sont en mesure de tolérer. de composition des espèces et struc-
résilience, la résistance et la stabilité ture des peuplements, en utilisant des
dans le temps et l’espace. Une réduction - ## méthodes de sylviculture qui tiennent
de la biodiversité dans les systèmes fores- Lorsque la forêt se modifie suite à une compte des types de perturbations
tiers a des implications claires, souvent coupe ou à une attaque d’insectes, ou naturelles les plus importantes.
négatives, sur leur fonctionnement et sur bien en raison du changement climatique 15. Maintenir la connectivité au sein
la quantité de biens et services que ces ou d’autres événements météorologiques des paysages forestiers en réduisant
systèmes sont en mesure de produire. extrêmes, les aménagistes doivent se le morcellement, en restaurant des
Comprendre comment la biodiversité soucier de ramener la forêt dans des habitats perdus (types de forêts) et en
contribue à la résilience et à la résistance conditions lui permettant de fournir les étendant les réseaux d’aires proté-
des forêts locales peut fournir des clés biens et services qui étaient attendus gées. Les forêts intactes sont plus
importantes pour l’amélioration de la d’elle. Comprendre l’écologie forestière résilientes que les forêts morcelées
gestion forestière. Ainsi, tandis qu’il est locale, sur laquelle devra s’appuyer la aux perturbations, notamment au
relativement simple de planter des arbres gestion durable de la forêt, et comprendre changement climatique.
et de produire un peuplement ligneux à la façon dont la forêt est susceptible de 16. Maintenir la diversité fonctionnelle
court terme, la remise en état d’un écosys- changer en réaction au changement cli- (et la redondance des espèces) et
tème est bien plus ardue. Le manque de matique, constituent un aspect essentiel réduire la conversion de forêts natu-
diversité à tous les niveaux (gène, espèce de tout plan se proposant de maintenir relles diversifiées en plantations
!  $    le flux de biens et services forestiers. monotypiques ou à espèces réduites.
plantations forestières simples réduit la Les actions suggérées ci-après ont été 17. Réduire la compétition non naturelle
capacité de résilience et de résistance élaborées à partir de principes écolo- en contrôlant les espèces envahis-
aux perturbations, altère l’approvision- giques visant à maintenir et à renforcer santes (ainsi que leurs voies d’accès),
nement en nombreux biens et services la résilience forestière à long terme, et et éviter que les projets de plantation,
que l’écosystème est susceptible de four- notamment à favoriser l’adaptation des boisement et reboisement s’appuient
nir et rend ce dernier vulnérable aux forêts au changement climatique: sur des espèces d’arbres étrangères.
perturbations catastrophiques. Grâce 1ˆ% ¡    4 18. Réduire l’éventualité d’évolutions
à l’application de principes de gestion diversité à chaque échelon de la forêt négatives en effectuant dans cer-
écologiques, les plantations forestières (peuplement, paysage, région) et pour taines zones des interventions de
peuvent fournir bien plus qu’un simple tous les éléments (gènes, espèces, régénération assistée, qui consistent à
peuplement d’arbres, et les écosystèmes communautés), en s’appuyant sur planter des arbres issus de régions et
forestiers peuvent être rétablis, en même une compréhension des seuils et des climats s’approchant des conditions
temps que les capacités productives conditions climatiques futures atten- attendues à l’avenir. Par exemple,
relatives au produit choisi sont renfor- %X    dans des zones pour lesquelles il
cées (voir Parrotta et Knowles, 1999; de faire reposer les actions sur des est prévu qu’elles deviendront plus
Brockerhoff et al., 2008). connaissances spécialisées et des sèches, envisager de planter des
principes écologiques permettant de espèces d’arbres ou des individus
(    conserver la biodiversité pendant et de provenances susceptibles d’être
Les écosystèmes forestiers changent après l’exploitation forestière. plus résistantes à la sécheresse que
continuellement en réponse aux pres- 12. Maintenir la diversité génétique des les espèces et provenances locales,
sions environnementales de court et forêts grâce à des pratiques de en portant une attention particulière
long terme, ce qui se traduit par une gestion qui ne visent pas uniquement aux espèces régionales.
variation intrinsèque au fil du temps. à sélectionner certains arbres et à 19. Protéger les populations d’espèces
En conséquence, les indicateurs de leurs les exploiter, sur la base du type de isolées ou disjointes, telles que celles
fonctions, tels que la production de cer- site, du taux de croissance et de la qui vivent aux marges de leur zone de
tains biens, fluctuent de même dans le supériorité de la forme. répartition naturelle, en tant que pos-
temps. Aussi les seuils devraient-ils être 13. Ne réduire les populations d’aucune sibles habitats d’origine futurs. Ces
perçus comme une fourchette de valeurs espèce d’arbre à l’échelon du paysage populations pourraient représenter
tenant compte à la fois de cette fluctua- à un niveau où l’auto-remplacement des réservoirs génétiques adaptés
tion et de l’incertitude statistique inhé- devient impossible. à l’avance à répondre au change-
rente à une compréhension insuffisante 14. Maintenir la complexité structurelle ment climatique et pourraient former
du fonctionnement des écosystèmes. En des peuplements et des paysages en des populations noyaux au fur et à
vue d’éviter la dégradation des écosys- utilisant les forêts naturelles comme mesure que les conditions changent.
tèmes forestiers, il est essentiel que les modèles et points de repère. Lorsqu’ils 10. S’assurer qu’il existe des réseaux
responsables de gestion forestière aient œuvrent à la gestion forestière, les nationaux et régionaux d’aires pro-
une connaissance de base de la façon responsables devraient essayer tégées exhaustives et représenta-
dont la biodiversité locale est liée à la de reproduire les processus et la tives, ayant été établies sur la base

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de principes judicieux et scienti- &   K   !     B I @ I   ”      N I  9    ”I-I   ’  6INI 1999.


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