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L
Application d’une méthode a dégradation des forêts est observer la dégradation des forêts. Il
d’interprétation des images de devenue un problème grave,
télédétection à l’observation en particulier dans les pays en la relation existant entre les indicateurs
de l’évolution de la santé des développement. En 2000, on estimait des fonctions des forêts et l’indice diffé-
que la superficie totale des forêts dégra- rentiel normalisé de végétation (NDVI,
dées, réparties sur 77 pays, s’élevait à de l’anglais *
800 millions d’hectares; sur ces der- vegetation index). Cet indice fournit
niers, 500 millions d’hectares étaient des valeurs estimées de «l’intensité de
passés d’une végétation primaire à une vert» des forêts, résultant de l’analyse
végétation secondaire (OIBT, 2002). de données satellitaires. La démarche
Parmi ses divers impacts négatifs, le pro- part du principe que le NDVI est un
cessus de dégradation des forêts consti- indicateur de la santé végétale, dans la
mesure où une dégradation de la végéta-
de gaz à effet de serre. Il apparaît urgent tion d’un écosystème, ou une diminution
de mesurer et analyser ce processus, en de l’intensité de vert, se traduirait par une
vue de concevoir une action susceptible diminution de la valeur du NDVI. Par
de l’inverser.
Cet article décrit la façon dont a été dans divers écosystèmes forestiers une
mise en pratique une méthode associant relation entre le niveau d’un indicateur
( +FA l’analyse de données de télédétection
est Sous-directrice de la télédétection à la et l’analyse de données de terrain pour
Commission nationale des forêts du Mexique. '* +$
FAO/C. PALMBERG-LERCHE
donné – la biomasse aérienne – et le purs» (à savoir constituées de peuple- l’intensité de vert d’une zone donnée,
NDVI, il est aussi possible de suivre ments équiennes). Durant ce temps, on c’est-à-dire indiquant la masse de végé-
l’évolution du processus de dégradation. peut distinguer les phases allant de la tation présente dans celle-ci, ainsi
plantation, de l’établissement des plants que son état de santé ou sa vigueur
+B/;B;B/(N-)@B+B)A/ et de la croissance active jusqu’à celle de croissance. Le NDVI est un indice
A ! # de la maturité commerciale, au sein sans dimension, aussi sa valeur est-elle
L’une des applications majeures de la desquelles s’inscrit la dynamique plus comprise entre –1 et +1.
télédétection est le suivi des processus complexe constituée par la floraison, Dans la pratique, les valeurs situées
advenant sur la planète. la fructification, les mutations de en dessous de 0,1 correspondent aux
Les images peuvent être utilisées pour feuilles et de branches et l’épaississe- étendues d’eau et aux sols nus, tandis
analyser des processus de court terme, ment des troncs, au cours d’un processus que les valeurs plus élevées indiquent
par exemple pour observer le cycle de constant de changement de la matière une forte activité de photosynthèse,
croissance de certaines cultures en vue vivante présente au-dessus du sol, ou propre aux terres arbustives, aux forêts
d’évaluer les rendements d’une récolte biomasse aérienne. tempérées, aux forêts humides et aux
donnée. On analyse alors des images L’observation des processus phéno- terres agricoles.
satellitaires prises à différentes étapes logiques est plus compliquée dans un
du cycle au cours de l’année, notamment: peuplement primaire ou naturel com- ?A>B
préparation des sols, ensemencement, prenant des individus d’âges et espèces Contexte, séries de données
établissement des plants, croissance différentes, où chaque exemplaire a son S’appuyant sur l’imagerie par télédétec-
! - propre rythme ou comportement phéno- tion et les enquêtes de terrain, l’étude
location des nutriments ou mûrissement ¬! visait à établir une relation entre le NDVI
des fruits, et récolte. de feuilles et de branches et repousse –, et la biomasse aérienne. Tout d’abord, des
Les images peuvent aussi servir à étu- et sa stratégie de survie en termes de images devaient être recueillies. Ensuite,
dier des processus de moyen et long compétition pour la lumière, les nutri- il fallait établir les valeurs du NDVI
terme. Les analyses de la dégradation des ments et l’eau. grâce à l’analyse de ces images. Puis
forêts et des changements d’affectation ces valeurs devaient être appliquées à
des terres représentent des exemples )>H=! # diverses formations végétales, à la fois
majeurs d’application de cette approche. Il existe diverses méthodes permet- pour valider la méthode et pour établir
Il est en effet possible de comparer des tant d’étudier les changements saison- un scénario de référence pour les obser-
images issues d’années différentes. Ces niers de végétation à travers des images vations. Des observations ont ainsi été
images doivent être prises à la même satellite, l’une d’entre elles consistant effectuées au cours du temps. Enfin, le
période de l’année, de façon à réduire au à appliquer des indices de végétation NDVI a pu être corrélé à la biomasse
maximum l’expression de variables telles associés à l’intensité de vert (Chuvieco, aérienne – un indicateur de la santé des
que la qualité de la lumière, la géométrie 1998). Le NDVI est une mesure du bilan forêts –, au moyen de données de terrain.
de l’observation et, dans le cas d’écosys- entre l’énergie reçue et l’énergie émise Cela a permis d’établir la validité de la
tèmes végétaux, les différences de com- par les objets sur la Terre. Lorsqu’il est méthode pour le suivi des forêts.
portement d’une communauté au cours appliqué à des communautés végétales, L’étude s’est concentrée sur le Mexique,
de l’année (Singh, 1986; Mouat et al., cet indice établit une valeur mesurant dont les terres émergées s’élèvent à
cité par Chuvieco, 1998).
Ces deux approches sont phénolo- A-&B-$I( " 8.
giques. La phénologie est l’étude de 8 ')>H=
la séquence des événements du cycle
Communauté Désignation de l’Institut national de Nombre
de vie des végétaux et des animaux, végétale statistiques et de géographie de sites
notamment en rapport avec les chan- Forêt de chêne vert Chêne vert et chêne vert-pin 20 139
gements de saison et de climat. Dans le
Forêt de pin Pin, sapin, genévrier, cyprès, genévrier et 6 276
cas des cultures annuelles, l’observation pin-chêne vert avec prédominance de pin
des changements sur les images est Désert et dune Terrain broussailleux désertique microphylle 199
relativement aisée. Les changements
Mangrove Rhizophora spp. 980
de réflectance de la lumière au cours
Terrain broussailleux Divers types de terres broussailleuses 10 945
de la croissance sont évidents et se
produisent sur de brèves durées. Dans Forêt mésophile Forêt de montagne très humide 1 526
le cas des écosystèmes forestiers, les Terres de parcours Parcours naturels – présence de sodium et de craie 235
processus naturels, et les approches Forêt humide de haute Forêt humide de haute et moyenne altitude 16 976
visant à les observer, sont prolongés. Le et moyenne altitude (décidue ou persistante)
comportement d’un individu s’étend sur Forêt humide de Forêt humide de basses-terres (décidue ou 6 470
basses-terres persistante)
une longue période (de 5 à 25 ans), et la
même règle s’applique aux plantations Joncs Thyphus spp. 190
forestières qualifiées d’«écosystèmes Sans couvert végétal Sans couvert végétal 1 229
1
NDVI moyen par mois, pour les Forêt humide de haute
catégories de végétation établies et moyenne altitude
Forêt mésophile
NDVI
Forêt de chêne vert
des images satellite que des informa-
tions issues d’inventaires. Les images Forêt humide de
ont été obtenues grâce au spectrora- basses-terres
diomètre imageur à résolution modérée Terrain
broussailleux
(MODIS), un capteur présent à bord de
deux satellites lancés par l’Adminis- Désert
tration nationale pour l’aéronautique
et l’espace (NASA) des États-Unis Terres de parcours
2
Comportement annuel du 210,0
NDVI en saison sèche pour
divers types d’écosystèmes
190,0
Forêt mésophile
saisonnier, une partie des couches her- Forêt humide de
beuses s’assèche complètement dans 170,0 haute altitude
ces forêts. Forêt de sapin sacrée
Les communautés végétales ayant les
3
Comparaison entre le NDVI en saison
sèche et le volume de la biomasse aérienne
y = 4E-11x5,6919 par type de communauté végétale
R2 = 0,8334 BA
4
Comportement général du NDVI,
2005-2009, d’après les échantillons
à nouveau mesurés en 2009
sous-estimées dans le modèle. Cepen- croissance et l’évolution des fonctions 56 890 – Campeche. Ce point faisait
dant, le modèle produit par ailleurs un des forêts continuent et continueront à partie de ceux pris au hasard en vue
effet de «surestimation», dans la mesure être disponibles pour 20 pour cent des de montrer en même temps la situation
où seuls les arbres ayant un diamètre à 25 000 placettes établies. Des informa- lors de la première et de la seconde
hauteur de poitrine supérieur à 7,5 cm sont tions sur les sols, les feux et la santé des mesure de terrain, et la manière dont le
pris en compte dans l’estimation de la bio- forêts peuvent être estimées (interroga- NDVI peut varier. Plus loin (figure 5),
masse, tandis que les mesures du NDVI tion de la base de données INFyS, 2010). sont présentés les résultats pour un
par satellite considèrent l’ensemble de la Lors de la première opération de mise groupe – les terres sans couvert végé-
réponse de l’écosystème (couches arbo- à jour des mesures, on a pris en compte tal. Il faudrait tenir compte du fait que
rées, arbustives et herbeuses). les valeurs du NDVI correspondant aux les points mesurés sur le terrain ne
La figure 3 montre un déclin de la mesures de terrain de l’INFyS de 2009, permettent d’évaluer que 1 600 m 2 et
relation entre biomasse aérienne et et analysé aussi bien les points ayant ne sont représentatifs que de 1 hectare,
NDVI, selon la condition ou les états subi quelque perturbation que ceux n’en alors que l’ensemble de la zone des
successifs. Cette tendance indique que, ayant pas souffert. pixels est de 6,25 hectares.
dans une communauté végétale donnée, Sur les 3 533 placettes mesurées en Sur les 3 533 placettes mesurées en
il y a plus de biomasse aérienne dans les 2009, 3 486 indiquaient une augmen- 2009, 47 ont affiché une réduction
écosystèmes primaires que dans ceux tation du NDVI en regard de la mesure du NDVI.
qui sont affectés par des perturbations. initiale. Le comportement général du Dans l’échantillonnage de 2009, les
NDVI est montré à la figure 4. Le com- placettes dont il a été reporté qu’elles
/=H= portement de catégories spécifiques de étaient sans couvert végétal étaient au
Une initiative a été lancée en vue d’effec- végétation a aussi été analysé. nombre de 258 (figure 5).
tuer de nouvelles mesures sur les sites L’encadré – de même que le tableau, Au sein de ce groupe, quatre catégories
visités lors du premier tour. Les sites ont la figure et les photographies qui ont été identifiées:
été revus en 2009 et le seront à nouveau l’illustrent – présente les données de ® -
en 2012. Ainsi, les informations sur la l’un des points du groupe – la placette tées lors du premier tour car elles
Suivi: 0%* F B 80
0%*( ! I)>H= ! " ! '
8* $*8 "
" I ! # !I
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# ' # !
I " I
5
semblaient tomber dans la catégorie (6)(/=6)/ Placettes signalées comme étant
«sans couvert végétal» dans
«utilisation des terres», ce qui avait Il existe certes des limites à l’utili-
l’enquête de 2009, par cas
été validé par l’interprétation des sation du NDVI comme mesure de la
images; aucune réduction du NDVI dégradation des forêts, mais aussi des
n’a été relevée pour aucun de ces cas aires de perfectionnement possible. de la dynamique de la forêt à chacun
(points verts sur la carte). Dans la mesure où la phénologie joue des points observés – ou, dans les
® un rôle important dans l’analyse des formations de conifères, l’âge de la
catégorie «sans couvert végétal» en processus de changement, les dates des population examinée. La plupart des
2004-2007 et demeuraient telles en images MODIS employées pour évaluer équations allométriques visant à esti-
2009; aucune réduction du NDVI ces processus doivent être sélection- mer la biomasse aérienne s’appuient
n’a été relevée pour aucun de ces cas nées très soigneusement. En matière uniquement sur la taille de l’individu et
(points jaunes sur la carte). de traitement des images, il convient le diamètre à hauteur de poitrine, tandis
® de s’appliquer à éliminer les nuages, que des aspects tels que la couverture
façon incorrecte en 2004-2007. En les ombres projetées par les nuages, les arborescente, le diamètre des branches
effet, la présence de forêt avait été ombres créées par la topographie et les et la surface terrière ne sont pas pris
signalée, alors qu’un nouvel examen valeurs de saturation dans les nombres en compte. Au fur et à mesure que les
des photos et des données a permis dues à la géométrie de l’observation du estimations de la biomasse dans la forêt
d’indiquer que ces placettes étaient satellite ou à la présence d’eau sur les de montagne mésophile et les écosys-
en réalité «sans couvert végétal»; feuilles des arbres. tèmes forestiers humides s’affineront, la
aucune réduction du NDVI n’a été Les modèles de régression peuvent méthode se révélera plus représentative
relevée pour aucun de ces cas (points également être améliorés. L’un des du changement.
rouges sur la carte). moyens est de comparer deux mesures Il faudrait prêter attention à d’autres
®¡¨ temporelles d’un point particulier de aspects tels que les anomalies clima-
2004-2007 présentait un couvert l’INFyS. Un autre moyen consiste à tiques ayant un impact majeur sur la
végétal correspondant à quelque prendre en compte des facteurs tels que vigueur de croissance. Par exemple,
type de forêt, tandis que l’observa- la repousse. L’INFyS contient d’autres les années «humides» associées à des
tion de 2009 montrait qu’elles étaient variables mesurables, comme les arbres phénomènes tels que la Niña/el Niño
dénuées de couvert végétal (points morts sur pied et les souches – qui per- conduiront à une augmentation du
bleus sur la carte). mettraient une meilleure compréhension NDVI, tandis que les années «sèches»