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Utilisation de séries temporelles d’images satellitales

pour cartographier le dépérissement des boisements


résineux du Sud Massif Central
Véronique Cheret, Jean-Philippe Denux, Christelle Gacherieu, Jean-Pierre
Ortisset

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Véronique Cheret, Jean-Philippe Denux, Christelle Gacherieu, Jean-Pierre Ortisset. Utilisation de
séries temporelles d’images satellitales pour cartographier le dépérissement des boisements résineux
du Sud Massif Central. Rendez-vous Techniques de l’ONF, 2011, 31, pp.55-62. �hal-01511003�

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To cite this version: Cheret, Véronique and Denux, Jean-Philippe and


Gacherieu, Christelle and Ortisset, Jean-Pierre Utilisation de séries
temporelles d’images satellitales pour cartographier le dépérissement des
boisements résineux du Sud Massif Central. (2011) Rendez-vous
Techniques de l'ONF (n° 31). pp. 55-62. ISSN 1763-6442

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Utilisation de séries temporelles d’images
satellitales pour cartographier
le dépérissement des boisements résineux
du Sud Massif Central
La canicule de 2003 a provoqué dans le Sud Massif Central des dépérissements
résineux brutaux et massifs. Après la crise est venu le temps de l’analyse, en
évaluant d’abord l’étendue des impacts, ne serait-ce que pour organiser les
reconstitutions à l’échelle régionale. La méthode de télédétection imaginée et mise
en œuvre avec succès est bien adaptée à ce type de phénomène, avec ceci
d’original qu’elle intègre les coupes sanitaires d’urgence comme indicateur de
l’intensité du dépérissement. Mais gardons-nous de généraliser, car de ce fait
même elle ne se prêterait pas à l’évaluation d’autres types de dépérissement, plus
diffus ou aux symptômes plus « subtils ».

es conditions climatiques le sapin pectiné ou de Vancouver. (DSF), le quantifier à l’échelle régio-


de 2003 ont été excep- L’affaiblissement des peuplements nale et analyser les facteurs de cau-
tionnelles et se sont caractérisées, a permis le développement de pa- salité. [CRPF Midi-Pyrénées et al.,
en France et dans une grande par- rasites en particulier sur le sapin de 2008]. Pour l’aspect quantitatif, ce-
tie de l’Europe, par de très hautes Vancouver et l’épicéa. Plusieurs mil- pendant, les données sur les
températures durant l’été associées liers d’hectares de forêts privées et coupes de dépérissement ne don-
à un déficit de pluviométrie qui publiques sont affectés par le phé- nant qu’une vision incomplète de la
s’est prolongé dans certaines ré- nomène : de 2003 à 2005, 1 700 ha situation, l’École d’ingénieurs de
gions jusqu’au printemps 2004 au moins ont fait l’objet de coupes Purpan (EIP) a été sollicitée pour
[Rebetez et al., 2006]. À la suite de d’urgence (récolte anticipée) et en une approche complémentaire
cet épisode de nombreux impacts 2007 le total dépassait 4 000 ha. d’évaluation cartographique par té-
se sont fait ressentir sur les milieux D’où l’inquiétude des propriétaires lédétection. Cette démarche s’est
forestiers, avec notamment des dé- publics et privés : quelle était l’am- imposée comme la seule économi-
ficits foliaires d’intensité variable pleur réelle du phénomène ? quement acceptable dans le cadre
selon les espèces et une mortalité, Comment évoluerait-il et, dans la de la commande, pour une obser-
plus importante chez les résineux mesure où ce type d’événement ris- vation rapide et complète sur un
que chez les feuillus (Pauly, 2006). quait de se « banaliser » avec le territoire étendu : les surfaces en ré-
changement climatique, comment sineux couvrent plus de 90 000 ha
D’importants dépérissements ont orienter la reconstitution ? répartis sur deux départements.
alors été constatés dans les peuple-
ments de résineux des deux dépar- Début 2006, la Commission Nous ne traitons ici que de la mé-
tements du Sud Massif Central, le Régionale de la Forêt et des thode de télédétection proposée
Tarn et l’Aveyron. Les symptômes Produits Forestiers de Midi- (et mise en œuvre), par traitement
observés sont des rougissements, Pyrénées a chargé l’Office national de séries temporelles d’images sa-
puis des dessèchements partiels ou des forêts (ONF) et le Centre régio- tellitales. Les surfaces analysées se
totaux de certains arbres. Dès la fin nal de la propriété forestière (CRPF) basent sur les données cartogra-
de l’été 2003, ces symptômes sont de dresser l’état des lieux : décrire phiques de l’Inventaire forestier na-
apparus massivement sur le dou- le dépérissement en s’appuyant sur tional (IFN) pour les résineux, les-
glas et l’épicéa avec, au printemps le réseau d’observation du quelles ne permettent pas de
2004, des mortalités en taches sur Département santé des forêts distinguer chaque essence, mais
cit foliaire ou un dessèchement du
feuillage.

Cet indice, dont la robustesse est


démontrée, est fortement corrélé à
des paramètres biophysiques de la
végétation. Il peut être considéré
comme étant un bon indicateur de
l’activité chlorophyllienne et donc
de la vigueur de la végétation.
Sensible aux variations spatiales et
temporelles il est adapté pour le
suivi de la dynamique de la végéta-
tion (Huete et al., 2002). Des appli-
cations ont montré son intérêt pour
l’évaluation du dépérissement fo-

A. Triou,ONF
restier, la détection des dommages
dus à la sécheresse ou encore la
cartographie de la défoliation des
arbres, dans le cas où ces phéno-
seulement trois groupes : végétal, la réflectance augmente mènes entraînent une modification
« sapins/épicéas », « douglas » et dans le rouge du fait d’une baisse brutale et importante de l’activité
« autres conifères ». Au-delà des ré- du taux d’activité de la chlorophylle. photosynthétique (Deshayes et al.,
sultats obtenus pour l’étude de ce Parallèlement, la déstructuration du 2006; Solberg et al., 2007).
dépérissement à échelle régionale, mésophylle s’accompagne d’une
nous évoquons aussi l’intérêt de ce diminution de la réflectance dans le Choix des images : séries tempo-
type d’« outil » pour la détection proche infrarouge. relles à moyenne résolution
des situations à risque au regard Lorsqu’elle concerne un massif ou
des changements climatiques. Choix d’un indice synthétique ca- un suivi de parcelles, la cartogra-
ractérisant l’état de la végétation phie de dommages forestiers est
Des données Dans notre démarche, la première généralement abordée par analyse
de télédétection adaptées étape est de caractériser l’état de la d’images à haute, voire très haute
au suivi de l’activité végétale végétation (peuplements résineux) résolution spatiale qui permet une
par un indice qui combine, en tout observation à une échelle fine.
Les images satellitales peuvent ap- point de l’image, les valeurs de ré- (Morin et al., 2007). Mais ces
porter une aide significative pour la flectance de différentes longueurs images, qui ne couvrent que des
connaissance de la couverture vé- d’onde. Il existe un grand nombre surfaces relativement restreintes
gétale et le suivi de son état. Les d’indices construits pour diverses (quelques dizaines de km), convien-
capteurs embarqués recueillent applications : la plupart combinent nent mal à l’échelle régionale qui
l’énergie solaire réfléchie et la trans- les valeurs de réflectance mesurées nous concerne ici et présentent en-
forment en images qui peuvent être dans le proche infrarouge (NIR : core des contraintes d’acquisition
analysées, à partir des propriétés near infrared) et dans le rouge (R) et ou de disponibilité (coût, dates, ar-
de réflectance des objets étudiés le plus largement utilisé est le NDVI chive). De plus, leur répétitivité limi-
(partie de l’énergie réfléchie, diffé- (Normalized Difference Vegetation tée dans le temps rend difficile le
rente selon les longueurs d’onde). Index ou indice de végétation nor- suivi d’un phénomène qui résulte-
Pour la végétation, les ondes dans malisé) : rait de mécanismes continus et pro-
le rouge sont absorbées par les pig- gressifs perturbant par exemple la
ments chlorophylliens ; à l’inverse, NDVI = NIR - R phénologie.
NIR + R
les ondes dans le proche infrarouge
sont fortement diffusées par la Pour un végétal sénescent ou su- En revanche, les images du capteur
structure du mésophylle des feuilles bissant un stress hydrique la me- MODIS embarqué sur le satellite
et en particulier du parenchyme la- sure du NDVI est plus faible que Terra sont particulièrement bien
cuneux, lieu d’échange entre l’oxy- pour un végétal en pleine activité adaptées au suivi continu de la cou-
gène et le gaz carbonique pour la photosynthétique. Des variations verture végétale. Il s’agit d’images
photosynthèse et la respiration. En anormales de NDVI peuvent être à moyenne résolution spatiale (pixel
situation de stress hydrique ou dans liées à une perturbation environ- de 250 m) couvrant chacune une
le cas de sénescence naturelle du nementale ayant entraîné un défi- très grande surface (1 200 km x
Fig. 1 : profils pluriannuels de NDVI pour trois groupes de résineux de la zone d’étude

1 200 km), ce qui permet un traite- pluriannuels de NDVI établis pour du printemps, puis la phase de
ment homogène à l’échelle régio- les trois types de peuplements (fi- croissance jusqu’au maximum at-
nale. De plus, leur couverture jour- gure 1) mettent en évidence le teint en fin de printemps, mar-
nalière permet une approche basée cycle saisonnier ainsi que les varia- quant la fin de la production de
sur le suivi de la dynamique des tions de comportement interan- biomasse. Cette saison de crois-
couverts végétaux en lien avec leur nuelles. Les courbes des deux sance est suivie d’une phase de
phénologie. Enfin, la disponibilité groupes sapin-épicéa et douglas décroissance estivale indiquant la
des images en archive permet une sont très proches. Pour les « autres sénescence progressive de la vé-
analyse rétrospective des événe- conifères », c’est-à-dire ici les pins, gétation, plus ou moins rapide
ments depuis 2000. les valeurs sont nettement plus fai- selon les années. On peut obser-
bles pour l’ensemble du cycle, mais ver que la sécheresse de 2003, par
Nous avons choisi de travailler sur la forme de la courbe est globale- exemple, se traduit par une chute
une série d’images MODIS pour ment similaire. très brutale de NDVI dès le début
deux raisons principales : la couver- du mois de juillet. Une remontée
ture journalière de l’ensemble de la Repérer les stades phénologiques de NDVI est parfois observée en
zone d’étude et la résolution spa- clés automne, celle-ci accompagne la
tiale, qui est la plus fine parmi les sa- On peut clairement identifier sur reprise des précipitations. En hiver,
tellites à haute répétitivité tempo- les courbes les phases importantes les mesures de NDVI peuvent être
relle. Afin de s’affranchir pour partie de la dynamique saisonnière cor- extrêmement perturbées par le
des effets liés aux différences de respondant au démarrage de l’ac- couvert neigeux pour les sites les
conditions d’acquisition des images tivité photosynthétique au début plus élevés en altitude.
d’un jour à l’autre, tels que les per-
turbations du signal liées aux condi-
tions atmosphériques, nous avons
utilisé des synthèses représentant le
NDVI de chaque pixel calculé sur 16
jours. La série d’images disponible
couvre la période 2000-2007. Les va-
riations temporelles des valeurs de
NDVI que l’on peut mesurer avec
ces images accompagnent l’évolu-
tion saisonnière de l’activité végé-
tale forestière.

Profils temporels de NDVI et


mesure de l’activité végétale

En établissant les profils temporels


de NDVI on peut caractériser le
cycle phénologique spécifique des
formations considérées. Les profils Fig. 2 : profil annuel de NDVI et « phenologic metrics » (d’après B.C. Reed)
Comme le montre un profil type de
NDVI (figure 2 page précédente), on SG = Σ NDVI du 07/04 au 26/06
peut repérer des stades phénolo-
giques « clés » et relever ainsi une série Soit, pour chaque année, cumul de 5 images de synthèse de 16 jours
d’observations liées au comportement couvrant les mois d’avril, mai et juin
de la végétation telle que : la date de
démarrage de l’activité printanière, les
valeurs de NDVI indiquant le niveau
d’activité photosynthétique au début
et en fin de la saison de croissance, la
durée de la saison de croissance…
(Jackson et al., 2001; Reed, 2006).

Calculer un indicateur d’activité


de la végétation (SG) à partir des
profils de NDVI
Ces observations, nommées « phe-
nologic metrics » par B.C. Reed ne
correspondent pas directement à
des mesures conventionnelles de
phénologie faites sur des individus
ou des espèces in situ, mais fournis-
sent des indicateurs du comporte-
ment et de la dynamique du cou-
vert végétal (Moulin et al., 1997).

L’activité printanière correspond à la


phase d’accroissement maximal et
peut être définie comme sur la fi-
gure 2, à partir des principaux « phe-
nologic metrics ». Par le cumul de
NDVI sur cette période d’accroisse-
ment végétal (avril-juin), on obtient
un indicateur annuel du niveau d’ac-
tivité de la végétation que l’on
nomme SG (spring greeness) et qui
est lié à la production primaire nette.

Méthode d’identification et
cartographie des variations
de l’activité végétale

Pour donner une vue globale du


dépérissement et de son évolution,
l’objectif du travail était de localiser
cartographiquement les situations
où les peuplements forestiers ont
présenté des perturbations physio-
logiques suffisamment fortes pour
engendrer des variations significa-
tives de l’indicateur annuel de vi-
gueur SG. La valeur de SG de
chaque pixel a été calculée comme
indiqué figure 3 pour chacune des Fig. 3 : calcul de l’indicateur de vigueur SG pour notre étude et extrait
années de la période 2000-2007, de cartographique pour l’ensemble du couvert forestier de la Montagne
manière à montrer, par comparai- Noire (Tarn)
son, les fluctuations interannuelles.
Les valeurs négatives significatives au
seuil de probabilité de 0,01 tradui-
sent une baisse d’activité végétale.
Les valeurs positives significatives tra-
duisent au contraire le maintien,
voire une augmentation, de la vi-
gueur de la végétation. La pente (a)
de la ligne de tendance, calculée
pour chaque pixel, constitue notre
indicateur de « changement » ou de
perturbation observé sur la période
de 2000 à 2007. Celui-ci, nommé
RGR2000-2007 peut être cartogra-
phié pour toutes les surfaces en rési-
neux comme le montre la figure 4.

Étalonnage des 4 classes de perte


de vigueur
Pour établir la validité de cette carto-
graphie et donner une définition
concrète aux classes de tendance
proposées, nous avons fait l’hypo-
Fig. 4 : cartographie des tendances d’évolution de l’indicateur de vigueur
thèse que les zones de forte chute
entre 2000 et 2007 ; les valeurs négatives indiquent une perte de vigueur
d’activité végétale, sur la période
(activité printanière) d’autant plus aiguë qu’elles s’éloignent du zéro
d’observation, correspondaient aux
dépérissements et/ou coupes sani-
Variabilité spatiale et interan- peut être caractérisée par une ten- taires, pour l’essentiel bien docu-
nuelle de l’activité végétale dance qui rend compte de la varia- mentés par l’ONF et le CRPF. Le
La figure 3 est la représentation car- tion de l’activité végétale entre deux croisement avec des données d’in-
tographique de l’indicateur SG extrêmes : tendance à la baisse en ventaire localisées de coupes sani-
pour le massif forestier de la cas de perturbation physiologique, taires, certaines déjà réalisées à la
Montagne Noire, pour les huit an- ou à la hausse si accroissement de la date des images (situation extrême),
nées d’observation. végétation. La tendance de la série d’autres programmées (permettant
des SG annuels d’un pixel donné ré- d’identifier des surfaces dépéris-
On peut constater une hétérogé- pond au calcul d’un coefficient de santes) a permis de définir les seuils
néité intra-massif faisant ressortir les pente (a) qui donne le sens (positif ou de regroupement des valeurs en
secteurs de plus forte activité végé- négatif) et l’importance (valeur) de classes correspondant à des niveaux
tale printanière. À cette variabilité l’évolution de l’activité. de dépérissement ou de comporte-
spatiale s’ajoute une variabilité tem- ment de peuplement sain.
porelle : le niveau d’hétérogénéité Ce coefficient peut être cartogra-
intra-massif se maintient, mais avec phié pour représenter l’intensité du Seules les coupes de plus de 4 ha
des valeurs de SG globalement plus « changement » ou de la perturba- ont été retenues pour cet « étalon-
faibles à partir de 2004 sur l’ensem- tion observé(e) sur la période 2000- nage », soit un total de 114 points
ble du couvert végétal. Clairement, 2007 dans les peuplements rési- de coupe. La nomenclature finale
l’activité printanière globale est rela- neux. Il fait d’abord l’objet d’un test distingue 4 classes (figure 5 page
tivement stable de 2000 à 2003 (voire statistique pour identifier les situa- suivante) :
légèrement « boostée » au prin- tions où il traduit une tendance si- 1- très forte chute de l’activité végé-
temps 2003, avant que se manifes- gnificative (Reed, 2006), c’est-à-dire tale, peuplements dépérissants et
tent les phénomènes de stress), puis les cas où il est significativement coupes rases,
elle chute en 2004 et peine à se réta- différent de la pente de référence 2- chute importante de l’activité vé-
blir ensuite. a0 (pente nulle). gétale, peuplements souvent dépé-
t = (a – a0)/(σ/℘n) rissants et/ou à évolution incertaine,
Caractérisation de l’évolution de a : pente de la tendance 3- faible chute de l’activité végétale,
la vigueur de la végétation au a0 : pente de référence considérée peuplements à évolution incertaine,
cours de la période 2000-2007 nulle 4- chute très faible, voire augmen-
Pour chaque pixel, l’évolution des va- σ: écart-type tation de l’activité végétale, peu-
leurs de SG sur plusieurs années n : nombre d’années d’observation plements a priori sains.
Fig. 5 : carte du phénomène de baisse de l’activité végétale des peuplements résineux entre 2000 et 2007 (Sud du Tarn)

Résultats et bilan de l’étude Par ailleurs, cette exploitation des doivent pas être utilisées à une
du dépérissement données de télédétection a aussi échelle plus détaillée. En effet, la
contribué à l’étude des facteurs de taille des pixels des images satelli-
L’utilisation des données de télédé- causalité, par croisement avec les tales utilisées n’est pas adaptée à
tection a permis de mettre en évi- données cartographiques disponi- une lecture locale : petite forêt et
dence et de cartographier une bles (d’échelle compatible). S’il n’a encore moins parcelle. De même, la
baisse d’activité végétale sur l’en- pas été possible d’explorer de cette méthode ne permet pas de tenir
semble des deux départements façon l’ensemble des facteurs sta- compte des peuplements fragmen-
concernés. Les observations de ter- tionnels, l’utilisation d’un modèle tés ou de petite taille.
rain ayant confirmé le lien entre cet numérique de terrain a montré que Les données cartographiques
indice et l’état de vigueur des peu- l’altitude est un facteur explicatif si- IFN des limites de peuplements uti-
plements, ces cartes indiquent les gnificatif. Dans le Tarn, on observe lisées pour l’analyse n’ont pas per-
grandes zones dépérissantes ou qu’au-delà de 750 m pour le dou- mis de distinguer chaque essence.
susceptibles de l’être. glas et de 800 m pour le sapin-épi- Ainsi, l’épicéa et le sapin sont
céa, le risque semble réduit. Pour confondus en un groupe d’es-
L’extraction des surfaces par classe l’Aveyron, seul le cas du douglas est sences unique.
de baisse d’activité a permis de significatif (le groupe sapin-épicéa L’analyse des données sur l’acti-
quantifier globalement le phéno- y est beaucoup moins représenté vité végétale printanière, fournie
mène sur l’ensemble de la zone que dans le Tarn) : les dépérisse- par les images satellitales, reflète
d’étude. Il en ressort qu’en 2007, la ments ne diminuent fortement bien la souffrance des peuplements
surface des peuplements sujets à qu’au-delà de 900 m. résineux et la probabilité de dépé-
dépérissement, avéré ou probable rissement. Pour autant, on ne doit
(classes 1 et 2), représente 29 % des Bilan de l’étude pas tirer de conclusion hâtive et
surfaces résineuses. L’analyse par La méthodologie utilisée dans cette alarmiste sur l’avenir des peuple-
groupe d’essences (selon la typolo- étude a montré son intérêt pour ments à partir de ces seuls résul-
gie de l’IFN) indique que 5 400 ha analyser un phénomène de dépé- tats : il faut aussi une analyse par es-
pour le douglas, essentiellement si- rissement sur une grande zone géo- sence, complétée d’observations
tués dans l’Aveyron et 5 800 ha pour graphique. Cependant il est impor- de terrain. En l’occurrence, une dif-
l’ensemble épicéa-sapin, en majo- tant de signaler les éléments férence nette de comportement est
rité dans le Tarn, ont été significati- suivants : apparue entre les essences : si le
vement affectés par la canicule de Les cartes obtenues donnent une groupe épicéa-sapin a présenté
2003. bonne vision d’ensemble, mais ne des dépérissements justifiant de
nombreuses coupes rases, les peu- mais, pour travailler sur des don- ture et surtout l’échelle des phéno-
plements de douglas ont souvent nées continues dans le temps, il est mènes comparés ; les valeurs mesu-
pu être maintenus. L’absence de nécessaire de réduire ces erreurs en rées et l’échelle spatiale des images
cortège parasitaire pour cette es- appliquant une correction de type MODIS sont difficiles à relier à des
sence « exotique » pourrait fournir « lissage » calculée de pixel à pixel, observations de terrain. Dans notre
un élément d’explication. en comparant les dates entre elles. étude, le croisement avec des infor-
Plusieurs techniques de lissage sont mations disponibles sur des coupes
Malgré ces limitations, L’utilisation utilisées et répertoriées en deux sanitaires localisées, consiste davan-
de la télédétection s’est confirmée types : tage à rechercher le seuil de l’indica-
comme la seule méthode économi- 1) le filtrage : les valeurs aberrantes teur le plus adapté pour rendre
quement pertinente dans le cadre sont détectées à partir de leurs pro- compte de la baisse de l’activité vé-
de l’étude commandée. Elle a per- priétés originales et de règles pré- gétale qu’en une véritable validation.
mis une observation rapide et com- définies et remplacées par combi- Et bien que la méthode basée sur
plète sur une large zone géogra- naison des valeurs voisines des données MODIS ait déjà montré
phique pour un coût réduit, et 2) l’ajustement à une fonction : qui son utilité pour détecter des dom-
pourra orienter les futures observa- consiste en la construction d’une mages forestiers [Eklundh L. et al.,
tions de terrain. La localisation et la nouvelle série temporelle suivant un 2009], sa capacité à estimer une in-
quantification des zones à risque de modèle théorique ajusté aux don- tensité du phénomène reste à dé-
dépérissements tirées de cette nées disponibles. montrer. Pour appréhender cette in-
étude vont permettre de revoir les tensité on peut envisager, en
recommandations de choix d’es- Pour chacun de ces deux types il complément des données à
sences dans les documents direc- existe des méthodes relativement moyenne résolution, un recours à
teurs utilisés par les forestiers. Ainsi, robustes, mais aucune n’est « par- des données de télédétection à
un projet de modification des ta- faite » et il est nécessaire de faire un haute résolution spatiale ce qui né-
bleaux maîtres de la DRA-SRA choix selon le contexte, générale- cessiterait de mettre en œuvre une
« Sud Massif Central » est en cours. ment sur la base de tests. Les mé- procédure spécifique de combinai-
En particulier, la relation établie thodes par ajustement de fonction son de données d’échelle diffé-
entre le dépérissement et le facteur (groupe 2) sont adaptées à l’étude rentes.
altitude permet de préciser les de cycles caractéristiques d’un dé-
conditions d’utilisation du douglas. veloppement régulier de la végéta- Bien que des tests et des proto-
tion, mais pas à celle de phéno- coles de validation soient encore
Contraintes de la méthode mènes exceptionnels et nécessaires, cette étude ainsi que
accidentels. Nous considérons que les résultats publiés dans la littéra-
Ce bilan encourageant ne doit pas les méthodes de filtrage (groupe 1) ture indiquent que des outils pour
faire oublier que les développe- sont mieux adaptées à notre type la surveillance générale des chan-
ments basés sur l’exploitation des d’étude. Toutefois un choix appro- gements des forêts peuvent être
séries temporelles d’images à prié et surtout un travail d’ajuste- développés sur la base de données
moyenne résolution spatiale pré- ment et de paramétrage sont indis- MODIS.
sentent un certain nombre de pensables pour obtenir un
contraintes. compromis entre l’élimination de L’utilisation de séries
variations en « dents de scie » des temporelles : un potentiel réel
Contraintes de prétraitement des valeurs de NDVI dues à des erreurs pour le suivi des changements
séries d’images de mesures, et la conservation de d’état des forêts
La première concerne la qualité ini- variations même brutales dues à
tiale des images et la nécessité de des modifications du comporte- L’exploitation d’images de télédé-
prétraitements adaptés. Les images ment de la végétation (mortalité, tection à haute répétitivité tempo-
peuvent présenter des niveaux de coupe, incendie…). relle présente un grand intérêt pour
qualité variables du fait de pertur- la caractérisation et le suivi de la
bations du signal liées aux condi- Difficultés de validation des résul- phénologie des peuplements fores-
tions atmosphériques, à la topogra- tats tiers à une échelle régionale.
phie et aux effets de sols, aux Parmi les nombreuses applications L’accès à des informations sur la
caractéristiques de prise de vue. basées sur l’exploitation d’images phénologie nécessite de disposer
Ces principales sources de pertur- MODIS, peu présentent des élé- d’observations acquises à des dates
bations ont généralement pour ments de validation des informations très proches, sur toute la période
effet de faire baisser les valeurs de produites, très souvent par manque de végétation. La dimension spa-
NDVI. Elles existent pour tous les ou insuffisance de références de ter- tiale de ces images répond bien au
types de données de télédétection, rain. La difficulté réside dans la na- besoin d’analyse à échelle régio-
nale pour une vision globale des Véronique CHÉRET Morin N., Jolly A., Legay M., Kochert
impacts et de devenir des peuple- Jean-Philippe DENUX T., 2007. Operational prospects in the
ments. C’est bien sûr cette double Laboratoire de Télédétection et use of remote sensing for the moni-
composante « spatiale » et « tem- Gestion des Territoires toring of forest decline potentially re-
porelle » des séries d’images utili- École d’Ingénieurs de Purpan, lated to climate change, In
sées que se basent les développe- Toulouse Proceedings of the ForestSat’07
ments de modèles régionaux, dont International Conference: spatial op-
cette étude fait partie. Christelle GACHERIEU erational tools for forestry,
ONF, agence de Castres Montpellier (France), 7p.
Les développements en cours Unité spécialisée aménagement
dans ce domaine visent à transfor- Moulin S., Kergoat L., Viovy N.,
mer les informations issues des Jean-Pierre ORTISSET Dedieu G., 1997. Global-scale as-
images en indicateurs d’état et du CRPF Midi-Pyrénées sessment of vegetation phenology
comportement de la végétation, using NOAA/AVHRR satellite meas-
pour repérer des dégâts ou des urements, Journal of Climate, vol.
changements de phénologie, et à Bibliographie 10, pp. 1154-1170
caractériser leurs tendances
d’évolution temporelle. Il s’agit, CRPF Midi-Pyrénées, ONF, EI-PUR- Pauly H., 2006. Résultats 2005 du ré-
d’une part, de mesurer des ano- PAN, 2008. Dépérissement des re- seau complémentaire canicule,
malies que l’on peut assimiler aux boisements du Sud Massif Central - Bilan de la santé des forêts en 2005.
« effets immédiats » d’une pertur- État des lieux et propositions d’ana- Ministère de l’agriculture et de la
bation environnementale (crise sa- lyse, 2ème tranche - Départements pêche, Département de la santé
nitaire, effet sécheresse…) et, de l’Aveyron et du Tarn, Rapport de des forêts. 9 p.
d’autre part, d’approcher les « ef- fin d’étude, 43 p.
fets retardés » d’une perturbation Rebetez M., Mayer H., Dupont O.,
sur un pas de temps pluriannuel : Deshayes M., Guyon D., Jeanjean Schindler D., Gartner K., Kropp J.P.,
tendance à la dégradation conti- H., Stach N., Jolly A., Hagolle O., Menzel A., 2006. Heat and drought
nue de l’état de vigueur des peu- 2006. The contribution of remote 2003 in Europe : a climate synthesis,
plements et à l’amplification des sensing to the assessment of Ann. For. Sci., vol. 63, pp. 569-577
dégâts ou, au contraire, à une ré- drought effects in forest ecosystems,
cupération progressive. Il existe Ann. For. Sci., vol. 63 pp.579-595 Reed B.C., 2006. Trend analysis of
désormais des outils de modélisa- time series phenology of North
tion des séries temporelles de Eklundh L., Johansson T., Solberg America derived from satellite data,
type STL, BFast [Verbesselt et al., S., 2009. Mapping insect defoliation GIScience & Remote Sensing of
2010] permettant de qualifier les in Scots pine with MODIS time-se- Environment, vol.43 n°1, pp. 1-15
tendances d’évolution du compor- ries data, Remote Sensing of
tement saisonnier des peuple- Environment vol. 113, pp. 1566 - Solberg S., Eklundh L., Gjertsen A.K.,
ments en réponse aux facteurs du 1573 Johansson T., Joyce S., Lange H.,
milieu, et que l’on pourra appli- Naesset E., Olsson H., Pang Y.,
quer à ce type d’analyse. Ces tra- Huete A., Didan K., Miura T., Solberg A., 2007. Testing remote
vaux sur le suivi phénologique Rodriguez E.P., Gao X., Ferreira sensing techniques for monitoring
s’inscrivent dans le développe- L.G., 2002. Overview of the radio- large scale insect defoliation, In
ment d’outils adaptés à la veille et metric and biophysical performance Proceedings of the ForestSat’07
au repérage des situations à of the MODIS vegetation indices, International Conference: spatial
risque, en anticipation de possi- Remote Sensing of Environment, operational tools for forestry,
bles déplacements d’aire poten- vol.83, pp. 195-213 Montpellier (France), 5p.
tielle des essences résineuses sous
l’influence du changement clima- Jackson R.B., Lechowicz M.J., Li X., Verbesselt J., Hyndman R.,
tique. En combinant les résultats Mooney H.A., 2001. The roles of Newnham G., Culvenor D., 2010.
de télédétection avec des don- phenology, growth, and allocation Detecting trend and seasonal
nées descriptives des conditions in global terrestrial productivity. In changes in satellite image time
d’environnement et de station, ils Terrestrial Global Productivity : Past, series, Remote Sensing of
contribuent à fournir des éléments Present and Future, edited by H.A. Environment, vo. 114 n°1, pp.
de caractérisation de la vulnérabi- Mooney, and J. Roy, Academic 106-115
lité des forêts et du devenir des Press. pp. 61-82
peuplements.

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