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Comment estimer la lumière dans le sous-bois forestier à

partir des caractéristiques dendrométriques des


peuplements ?
Philippe Balandier, A. Marquier, Sandrine Perret, Catherine C. Collet, B.
Courbaud

To cite this version:


Philippe Balandier, A. Marquier, Sandrine Perret, Catherine C. Collet, B. Courbaud. Comment
estimer la lumière dans le sous-bois forestier à partir des caractéristiques dendrométriques des peu-
plements ?. Rendez-vous Techniques de l’ONF, 2010, 27-28 (27-28), p. 52 - p. 58. �hal-00504405�

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Comment estimer la lumière dans le sous-


bois forestier à partir des caractéristiques
dendrométriques des peuplements ?
La lumière pilote de nombreux processus en forêt. Son dosage est souvent à la base
de la sylviculture. Elle n’est cependant pas facilement appréhendable ou mesurable
sur le terrain. C’est pourquoi son estimation, par exemple en établissant des relations
entre la lumière sous couvert et les caractéristiques dendrométriques des peuplements,
serait une aide précieuse pour définir différents itinéraires techniques. Dans quelle
mesure cela est-il possible ? Cet article fait le point des connaissances actuelles en
la matière, en peuplements réguliers puis irréguliers et/ou mélangés.

La lumière pilote de C’est la combinaison de tous ces essences forestières, on dispose de


nombreux processus en forêt facteurs qui va déterminer la quan- valeurs seuils de quantité de lu-
tité et la qualité de la lumière par- mière nécessaire à la survie, à la
La lumière (voir encadré 1) a un rôle venant au niveau du sol et donc le croissance et au bon développe-
biologique fondamental. Elle a proba- microclimat du sous-bois, la com- ment des arbres dans les jeunes
blement été un facteur essentiel de la position et la dynamique de la flore stades (Dreyer et al., 2005 ; Vinkler
formation et du développement de la (Balandier et Pauwels, 2002), les et al., 2007). Ces valeurs diffèrent
vie sur terre, tant par le maintien d’une possibilités de régénération des ar- fortement entre les essences et le
température ambiante favorable que bres et les habitats de la faune et de dosage de la quantité de lumière
par les réactions photochimiques la microfaune. Les plantes, et en parvenant au sol permet de contrô-
qu’elle permet, notamment la photo- particulier les jeunes arbres fores- ler leur développement relatif.
synthèse. En forêt la lumière traverse tiers, réagissent souvent très vite
une structure complexe constituée aux modifications de l’environne- La sylviculture vise à doser
d’éléments (feuilles, branches, troncs) ment lumineux (voir Collet, ce la quantité de lumière
ayant des propriétés optiques spéci- même numéro). Quand la lumière dans le sous-bois
fiques, qui tour à tour la réfléchissent, est réduite, elles entrent en compé-
l’absorbent ou la transmettent. Sa tition pour accéder à cette res- Pour toutes ces raisons le forestier
quantité et sa qualité sont fortement source devenue limitante. Elles a de tout temps cherché à doser la
modifiées au fur et à mesure de sa tra- adaptent leur appareil foliaire pour quantité de lumière parvenant au
versée de la canopée. De plus, l’hété- capter le maximum d’énergie lumi- sol, par le biais de la sylviculture
rogénéité du couvert crée de nom- neuse ainsi que leur croissance et pratiquée et plus spécifiquement
breuses taches d’ombre ou de leur forme pour continuer à accéder des éclaircies. Si les niveaux de lu-
lumière, de tailles variables et se dé- à la lumière. De la même façon, à mière requis pour diriger la dyna-
plaçant avec le temps, depuis les pe- l’échelle des communautés végé- mique des différents processus
tites taches centimétriques jusqu’aux tales, les populations évoluent en dans une direction souhaitée sont
grandes trouées décamétriques. En fonction de la lumière disponible : plus ou moins bien connus, il
fonction de leur dimension, elles re- apparition ou disparition d’espèces, manque encore au sylviculteur des
çoivent un éclairement direct sur des changement de leur proportion re- outils qui lui permettent d’estimer
durées variant de quelques secondes lative ou de leur recouvrement, en les niveaux de lumière régnant sous
à plusieurs heures. Les effets de la sai- fonction de leur tolérance à l’om- le couvert. Mesurer directement la
son ou des conditions météorolo- brage. Pour beaucoup d’espèces, lumière dans le sous-bois n’est pas
giques du moment (journée ensoleil- nous possédons un certain nombre aisé à cause de la grande variabilité
lée ou bien nuageuse) sur les de données pour quantifier (au spatiale et temporelle de sa distri-
caractéristiques de l’éclairement inci- moins de façon grossière) ces di- bution, mais aussi parce que les sys-
dent ne sont pas moindres. verses relations. Pour les grandes tèmes de mesure existant actuelle-

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ment sont fragiles, coûteux, et sou-


1 - Lumière, loi de Beer-Lambert et transmittance du couvert
vent lourds à mettre en œuvre. Une
Le spectre solaire correspond à la répartition des ondes du rayonnement électro- alternative est de disposer de rela-
magnétique du soleil. Le rayonnement solaire est modifié quantitativement et qua- tions liant le niveau de lumière sous
litativement lors de son passage dans l’atmosphère ; cette dernière l’absorbe et le couvert à certaines caractéristiques
disperse sélectivement, changeant le flux et le spectre atteignant la terre. Le rayon- dendrométriques du peuplement,
nement solaire parvenant au sol est appelé rayonnement global. Il est constitué de que le sylviculteur pourrait aisé-
deux types de rayonnement : ment mesurer. Ces relations per-
- le rayonnement direct, qui parvient directement du disque solaire après la tra- mettraient ainsi d’estimer assez
versée de l’atmosphère. simplement la lumière. Dans cet ar-
- le rayonnement diffus, qui provient de la diffusion dans l’atmosphère d’une par- ticle, nous présentons certaines re-
tie du rayonnement solaire ; il parvient de l’ensemble de la voûte céleste.
lations obtenues entre différentes
La qualité du rayonnement global incident résulte de l’importance relative de ces
deux composantes et dépend donc de la latitude, de l’heure, de la saison, de l’al-
caractéristiques dendrométriques
titude du lieu et des conditions atmosphériques. et la quantité de lumière disponible
en sous-bois et nous discutons des
Le spectre solaire s’étale entre 300 et 3 000 nanomètres (nm). La lumière est l’en- perspectives ouvertes par cette ap-
semble des rayonnements électromagnétiques visible par l’œil humain, dont les proche et de ses principales limita-
longueurs d’onde sont comprises entre 380 et 780 nm. Le rayonnement photosyn- tions, notamment pour les peuple-
thétiquement actif (RPA) correspond à la fraction du rayonnement utile pour la ments irréguliers et/ou mélangés.
photosynthèse (400 – 700 nm).
La surface terrière est un bon
La loi de Beer-Lambert décrit la diminution exponentielle d’un rayonnement lors de indicateur de l’éclairement
sa traversée d’un milieu trouble. Par analogie on peut appliquer cette loi aux cano- en peuplement régulier
pées végétales. On considère alors les houppiers comme remplis uniformément et
aléatoirement de petites particules de feuilles ayant une densité D (figure ci-des- En peuplement pur et régulier, dans
sous). Soit un rayon incident I0 parvenant à la surface d’un houppier. Sa probabilité lequel les arbres appartiennent à
d’interception par le houppier est fonction de la longueur L du trajet dans le houp- une même strate et ont une répar-
pier et de sa densité foliaire D. I est le rayon finalement transmis par le houppier. tition relativement uniforme dans le
peuplement, la distribution de la lu-
La relation de Beer-Lambert s’écrit alors : mière dans le sous-bois peut être
I = I0.exp (-k.L.D), assez facilement appréhendée par
k étant le coefficient d’extinction des variables dendrométriques sim-
du couvert. I/I0 définit la transmit- ples. Le pourcentage de couvert, la
tance T du couvert, c’est-à-dire la densité du peuplement, le facteur
proportion de lumière parvenant d’espacement, parfois la hauteur
au sol. En pratique elle peut s’esti- des arbres sont des variables perti-
mer par la mesure sous la canopée nentes pour estimer la lumière.
de I et simultanément de I0 dans Cependant, la variable la plus sim-
un lieu à découvert proche du ple qui permet d’estimer avec une
peuplement forestier. D et L ne se assez bonne précision la lumière
mesurent pas facilement. C’est dans le sous-bois est encore la sur-
pourquoi on utilise plus fréquem- face terrière du peuplement,
ment l’indice foliaire IF qui corres- G (m² ha-1). La surface terrière rend
pond à la surface foliaire de la ca- assez bien compte de l’indice fo-
nopée par unité de sol (m² de liaire du peuplement (voir encadré
feuille par m² de sol) qui prend en 1), tout au moins en absence de
quelque sorte en compte D et L. perturbations récentes. Par analo-
La relation s’écrit alors : gie à la loi de Beer-Lambert on
T = I/I0 = exp (-k. IF). montre alors que la transmittance
Comme l’indice foliaire n’est lui- moyenne journalière T décroît de
même pas toujours facilement me- façon exponentielle quand la sur-
surable, on lui substitue souvent face terrière du peuplement aug-
des variables plus facilement ap- mente : T = exp (-k. G), k étant le
préhendables, comme par exem- coefficient d’extinction du peuple-
ple la surface terrière, avec les- ment (voir Sonohat et al., 2004 et
quelles il est lié. Balandier et al., 2006 pour le détail
des calculs). Le paramètre k est dif-

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férent d’une espèce à une autre ; à


0,9
surface terrière égale elles n’inter-
ceptent donc pas toutes la lumière 0,8
de la même façon (figure 1). 0,7

L’existence d’une bonne relation 0,6


T chêne
entre la surface terrière et la trans- 0,5 T douglas

T
mittance suppose que la relation T épicéa
0,4
qui lie la surface terrière du peuple- T mélèze
ment à son indice foliaire, à la base 0,3 T pin
de l’interception de la lumière, soit 0,2
stable dans le temps. Dans le cas
contraire, il est nécessaire d’intro- 0,1
duire dans l’équation des variables 0
supplémentaires, qui permettent 0 10 20 30 40 50 60
de tenir compte de ces variations G
temporelles. Ainsi, la prise en
Fig. 1 : décroissance exponentielle de la lumière moyenne journalière
compte de l’âge du peuplement ou
transmise dans le sous-bois (T, transmittance), au milieu de la saison
bien des caractéristiques de la der-
de végétation, par diverses essences en peuplements réguliers en fonction
nière éclaircie (temps écoulé depuis
de leur surface terrière G (m² ha-1)
la dernière éclaircie et intensité
d’éclaircie) peuvent améliorer sen-
siblement la prédiction de la trans- ture du couvert (chablis, coupes…) Les variables caractérisant des
mittance (Sonohat et al., 2004). Sur le plan de la variabilité spatiale, grandeurs moyennes de peuple-
L’âge rend compte d’une augmen- même en peuplement pur et régulier, ment ne suffisent donc plus pour
tation de la surface foliaire des ar- la lumière transmise présente une va- prédire un éclairement local.
bres dans le jeune âge et d’une di- riabilité significative. Cette variabilité, Cependant, même des variables re-
minution progressive avec leur mesurée par le coefficient de variation flétant la structure locale du peu-
vieillissement, toute proportion gar- ((écart-type/moyenne)*100) s’établit plement ne permettent pas de
dée par rapport à leur surface autour de 20 %, quelle que soit la par- bonnes prédictions de la lumière,
conductrice de tronc et indépen- celle considérée et sa surface terrière. ou bien demandent des mesures
damment de la densité du peuple- trop lourdes pour pouvoir être utili-
ment. Les caractéristiques de la La variabilité spatiale sées en routine (surface de houp-
dernière éclaircie ont un peu un augmente très fortement pier des arbres par exemple, voir
rôle semblable mais sur le court en peuplement hétérogène encadré 2). Par ailleurs les variables
terme (quelques années). dendrométriques qui pourraient
En peuplement hétérogène, c’est- être utilisées sur une parcelle ne le
La lumière n’est jamais à-dire présentant une forte variabi- seront pas forcément pour une
uniforme sous le couvert lité de structure spatiale verticale autre. Il est aussi intéressant de si-
ou horizontale (présence d’arbres gnaler que la distance sur laquelle
La lumière transmise dans le sous-bois de différentes espèces, de diffé- les variables du peuplement dé-
présente une forte variabilité tempo- rentes dimensions, de trouées de crites localement permettent d’es-
relle et spatiale autour de la moyenne. dimensions et de formes variées), la timer la lumière dépend de la fer-
La variabilité temporelle intègre diffé- variabilité spatiale de la lumière meture du couvert local, et donc de
rentes échelles de temps : des varia- transmise au sol augmente très for- la quantité de lumière transmise.
tions journalières déterminées essen- tement. En moyenne à l’échelle Ainsi dans une étude sur la forêt de
tiellement par la trajectoire du soleil, d’une placette la transmittance Lorris (voir encadré 2) les mesures
des variations saisonnières (diminu- peut être prédite par la surface ter- montrent qu’à faible niveau de
tion très rapide de la transmittance rière du peuplement (voir encadré transmittance (0-0,1), la densité des
avec la mise en place des feuilles en 2) mais cette moyenne n’a guère de arbres précomptables sur un rayon
début de saison, notamment pour les sens quand la transmittance mesu- de 6 m centré sur la zone d’intérêt a
essences feuillues, puis augmentation rée à quelques mètres de distance donné une bonne indication de la
significative dès le mois d’août peut varier de plus de 120 %. Cette lumière, alors qu’à fort niveau de
lorsque les feuilles sénescentes com- variabilité est forte pour tous les ni- transmittance (0,2-1), c’est la den-
mencent à tomber) et enfin des varia- veaux de surface terrière (sauf bien sité sur un rayon de 20 m qui fournit
tions interannuelles déterminées par sûr en peuplement complètement le meilleur estimateur.
les épisodes d’ouverture et de ferme- fermé).

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2 - Prédire la lumière en peuplement hétérogène : des résultats contrastés

Dans le cadre du projet ECOGER sur les forêts mélan- hauteur totale du pin étudié, soit entre 0,5 et 6 m. Le peu-
gées, 11 placettes présentant différents niveaux d’hété- plement environnant a été décrit (essence, diamètre, hau-
rogénéité du couvert et réparties dans la chaîne des Puys, teur du plus gros arbre) sur trois disques concentriques
en forêt d’Orléans et sur le Mont-Ventoux, ont été sélec- emboîtés de rayon égal à la hauteur du pin, égal à 6 m
tionnées pour étudier les relations entre structure du cou- ou bien égal à 20 m. La transmittance mesurée varie de
vert et éclairement transmis. Une caractérisation dendro- 0,03 à 0,93 pour une gamme de surface terrière allant de
métrique fine de leur structure (cartographie des arbres, 8 à 31 m². Dans ce contexte de peuplements hétérogènes
de leur diamètre, hauteur, longueur et surface de houp- présentant une forte variabilité horizontale, la surface ter-
pier) et des mesures de lumière selon un maillage régulier rière mesurée sur 20 m explique peu les variations du
ont été faites. Sur l’ensemble des sites, les essences transmis (R² = 28 %). L’introduction de la proportion de
considérées, souvent en mélange, étaient principalement chêne et de pin n’améliore pas l’estimation, contraire-
le pin noir, le pin sylvestre, le chêne sessile, le bouleau, le ment à ce que l’on aurait pu attendre compte tenu des
hêtre, l’alisier torminal et le sapin. La surface terrière différences entre les coefficients d’extinction des deux es-
moyenne variait de 14 à 54 m², avec parfois de très fortes pèces (figure 1). Les variables mesurées sur un cercle plus
hétérogénéités locales. La transmittance moyenne par restreint – surface terrière sur 6 m, densité totale sur 6 m,
placette a varié de 0,05 à 0,54 et l’application de la rela- distance à l’arbre précomptable le plus proche — utili-
tion liant la transmittance à la surface terrière du peuple- sées seules, ne sont pas plus performantes. Il est néces-
ment, T = exp (-k. G), donne une prédiction correcte saire d’associer plusieurs variables pour obtenir une indi-
(R² = 57 %). Cependant cette moyenne n’a pas vraiment cation satisfaisante de la lumière transmise : surface
de sens si l’on considère la très forte variabilité spatiale au terrière du peuplement environnant, hauteur de mesure
sein même des placettes (coefficient de variabilité dépas- de la lumière, nombre de tiges du sous-étage, distance à
sant parfois les 120 %). Sur une parcelle du Mont-Ventoux l’arbre précomptable le plus proche et surface terrière lo-
nous avons par exemple relevé des transmittances s’éche- cale (6 m) (R² = 68 %).
lonnant de 0,006 à 0,56 sur les 64 points de mesure. Nous
avons tenté de relier la transmittance mesurée par un cap- En forêt du Graoully (57), dans un ancien TSF contenant
teur à différentes variables dendrométriques relevées sur de nombreuses essences en mélange, nous avons étudié
des disques de rayons variables (de 0,5 à 2 fois la hauteur les relations entre structure du couvert et éclairement
de l’arbre moyen) centrés sur la mesure de lumière. Parmi transmis. Une description de l’ensemble du peuplement
les différentes variables testées, la somme des surfaces (1 ha) a été effectuée (localisation, hauteur, diamètre et
des houppiers, la densité des arbres ou la surface terrière dimensions des houppiers de tous les arbres). Un modèle
sont les variables rendant le mieux compte de la transmit- de transmission de lumière a été appliqué sur une ma-
tance mais avec une prédictibilité moyenne à faible quette du peuplement. Les valeurs fournies par le modèle
(R² = 62 %, 50 % et 24 %, respectivement). La prise en ont été mises en relation avec différentes variables den-
compte de l’azimut des arbres apporte un gain de préci- drométriques caractérisant la structure locale du peuple-
sion (R² = 38 %) mais cette variable n’est pas aisée à me- ment : surface terrière ou somme des surfaces de houp-
surer en routine. Il faut noter qu’en fonction des placettes pier, calculées sur des cercles de rayon variable (de 10 à
et de leur structure spatiale, ce ne sont pas les mêmes va- 50 m) et sur différents secteurs angulaires (est, ouest,
riables qui donnent les meilleurs résultats. nord, sud) et pondérées ou non par les hauteurs de houp-
piers. Les différents indices dendrométriques calculés ont
En forêt d’Orléans, massif de Lorris, 40 placettes circu- montré que la surface terrière ou la somme des surfaces
laires ont été implantées dans des peuplements mélan- de houppiers avaient un lien évident avec la quantité de
gés à base de chêne et de pin sylvestre pour étudier la lumière transmise. Néanmoins, ces variables se sont ré-
croissance de semis et gaules de pin sylvestre dans des vélées insuffisantes pour prédire de manière satisfaisante
conditions de luminosité contrastées. Une mesure de lu- la lumière transmise en un point donné du peuplement
mière a été réalisée par un capteur positionné au centre (Piboule, 2005).
de la placette, à une hauteur variable correspondant à la

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Définir l’hétérogénéité Peut-on utiliser facilement Cependant ces démarches de mo-


du peuplement l’outil de modélisation délisation ne sont fonctionnelles
pour prédire la lumière ? que si l’échelle de description du
Un problème majeur est donc de peuplement est suffisamment fine,
quantifier l’hétérogénéité d’un peu- S’il est difficile d’utiliser directement par exemple description des houp-
plement et la valeur seuil d’hétéro- des variables dendrométriques piers des arbres, cartographie de
généité où l’utilisation de variables pour calculer la lumière en un point l’emplacement des arbres. Or,
représentant des grandeurs donné, une alternative est l’utilisa- comme précédemment, ces varia-
moyennes calculées à des échelles tion de maquettes informatiques de bles ne sont pas mesurées en rou-
locales ou plus larges ne permet peuplement et des modèles de tine par le forestier et la méthode
plus de prédire la lumière transmise transmission de lumière simulant la utilisant la modélisation a donc ses
en un point du peuplement. Or, la distribution de l’éclairement sous le limites.
structure spatiale de peuplements peuplement (figure 2).
hétérogènes est difficile à décrire. Vers de nouveaux outils
La définition même de ce qu’est Cette approche est très coûteuse en
une trouée et comment la mesurer termes de données à acquérir pour Des pistes sont cependant possi-
reste assez polémique. Si l’on dis- constituer les maquettes. bles. D’une part, utiliser l’outil de
pose d’une cartographie des arbres Néanmoins, elle constitue un outil modélisation en lui-même pour tes-
(leur localisation au sol), la structure pour étudier les relations entre struc- ter la pertinence de différentes va-
spatiale en deux dimensions du ture du couvert et éclairement trans- riables dendrométriques, et les re-
peuplement peut être caractérisée mis et pour analyser les consé- tenir ou non, dans l’estimation d’un
par des indices mathématiques, par quences de modification du couvert éclairement réaliste localement.
exemple basés sur les distances sur l’éclairement (éclaircies, chablis, D’autre part, à partir des outils de la
entre arbres. On peut alors situer le dépérissement). Par exemple statistique spatiale, développer des
peuplement par rapport à des dis- Gauquelin et al. (2008) utilise de méthodes de reconstruction de
tributions théoriques régulières, telles approches pour simuler un peuplements virtuels réalistes
aléatoires ou agrégées (Goreaud et marteloscope (voir ci-contre). La si- (Goreaud et al., 2007). Il s’agit de
al., 2007). L’utilisation d’un tel indice mulation des interventions propo- générer une liste d’arbres définis
de structure spatiale, en complé- sées par les participants débouche par leur position, hauteur, diamètre,
ment du couvert par strate ou de la généralement sur des distributions à partir d’un jeu de données limité
surface terrière permet d’améliorer d’éclairement au sol très variables pris sur un échantillon d’arbres et
la prédiction par les modèles de la suivant les stratégies d’éclaircies : en vérifiant certaines contraintes de
lumière moyenne au sol et de sa va- éclaircies par pied d’arbre ou par structure. Le peuplement (virtuel)
riabilité. Cependant une difficulté trouées, détourage d’arbres d’avenir. obtenu ne correspond pas à la ré-
supplémentaire s’ajoute lorsque la En analysant a posteriori le résultat partition spatiale réelle des arbres
structure verticale du peuplement de différentes interventions, les par- mais en présente les mêmes pro-
est également hétérogène. Il faut ticipants acquièrent progressivement priétés structurelles (présence
alors obtenir une description en une meilleure appréciation de l’effet d’agrégats, ou au contraire de
trois dimensions du peuplement. de la sylviculture sur l’éclairement. trouées, etc.) Ces voies sont en

Fig. 2 : reconstitution informatique d’une placette mélangée essentiellement à base de pin sylvestre et de chêne
(vue de 3/4 et de dessus) et simulation de la carte d’éclairement (Da Silva, 2008)

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Utilisation pratique d’un modèle de croissance simulant la distribution de la lumière


Application en martéloscope

par Xavier Gauquelin, ONF-DTCB

Dans le cadre de formations sur la sylviculture en forêt de L’évolution du peuplement est principalement simulée sur la
montagne, l’ONF Rhône-Alpes utilise depuis l’année 2000 un base de la lumière reçue par chaque houppier d’arbre (qui
réseau de martéloscopes, dont certains ont été couplés au commandera croissance ou mortalité), mais aussi de la lumière
modèle de croissance SAMSARA pour les peuplements reçue au sol (qui permettra ou non l’installation de semis).
irréguliers des Alpes du nord. Sur ces placettes ont été notés
pour chaque arbre : essence, diamètre, hauteur, hauteur de L’illustration ci-dessous donne l’exemple d’un exercice sur le
la base du houppier, quatre rayons du houppier. martéloscope de Crest-Voland (Savoie). L’intervention fictive
a permis :
Les simulations d’interventions proposées par les stagiaires - la mise en place de 3 petites trouées (dimensions
sont saisies : moyennes de 25 à 40 m) apportant localement une lumière
- sur un tableur permettant d’analyser les caractéristiques importante ;
quantitatives (nombre de tiges, surface terrière et volume - la récolte privilégiée de gros bois de qualité (diamètres 50
prélevés ; dimensions de l’arbre moyen martelé) et à 70 cm).
qualitatives (évolution du mélange et du type de
peuplement, nature de la coupe) du martelage fictif ; Après 25 années, le renouvellement du peuplement est
- sur le logiciel CAPSIS en utilisant le modèle SAMSARA, pour assuré par l’obtention d’une régénération acquise d’Épicéa
apprécier la répartition spatiale des arbres martelés (pied à dans les seules trouées créées ; la structure irrégulière du
pied, par grandes ou petites trouées) et l’évolution probable peuplement est ainsi maintenue. Sans attendre jusque-là, une
du peuplement sur 20 à 25 années (croissance, mortalité, nouvelle récolte analogue est envisageable 15 à 20 ans après
régénération). cette première intervention.

Marteloscope de Crest-Voland (Savoie) - Evolution probable du peuplement


(Utilisation du modèle SAMSARA sous le logiciel CAPSIS)

Année 0
Avant intervention
5m Année 0
Après coupe de 100 m3/ha,
en 3 trouées de 5 ares environ Année 25
Régénération installée
5 m
dans les trouées ;
irrégularisation du peuplement
5 m

zone tourbeuse

zone tourbeuse

Légende
Vert : Epicéa zone tourbeuse
Bleu : Sapin
Rouge : Sorbier Conditions stationnelles du site
La densité des couleurs correspond
Etage subalpin (1 600 m d'altitude)
à la hauteur des 4 strates observées
(strate haute : couleur foncée ; Pente faible (0 à 30%) - Exposition nord-est
strate basse : couleur claire) Alternance de zones rocheuses (Pessière
Carrés jaunes : présence de régénération très acidiphile) et de zones tourbeuses
inférieure à 1,30 m (tourbière de pente partiellement boisée)

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cours d’évaluation. Enfin, utiliser les distribution de la lumière dans un DA SILVA D., BOUDON F., GODIN
nouvelles technologies comme le peuplement à partir de variables C., SINOQUET H., 2008. Multiscale
laser scanner terrestre ou le LIDAR dendrométriques caractérisant sa framework for modeling and analyz-
pour obtenir des descriptions réa- structure. ing light interception by trees.
listes des peuplements. Ces appa- Multiscale Modeling and
reils permettent d’obtenir une Simulations vol. 7, n° 2, pp. 910-933
« photographie » en trois dimen- Philippe BALANDIER
sions des peuplements. Ces « pho- Cemagref Nogent-sur-Vernisson GAUQUELIN X., COURBAUD B.,
tographies » pourraient alors être à Unité Écosystèmes Forestiers 2006. Guide de sylviculture des fo-
la base des maquettes informa- et INRA Clermont-Ferrand rêts de montagne - Alpes du Nord
tiques pour simuler l’interception UMR547 PIAF françaises. Cemagref - CRPF
de la lumière. Ces techniques sont philippe.balandier@cemagref.fr Rhône-Alpes - Office National des
également en cours d’évaluation. Forêts, 289 p.
André MARQUIER
En pratique INRA Clermont-Ferrand GAUQUELIN X., COURBAUD B.,
UMR547 PIAF FAY J., BERGER F., MERMIN E.,
La prédiction de l’éclairement sous 2008. Conduite de peuplements
couvert forestier à partir de varia- Sandrine PERRET mélangés en forêt de montagne :
bles dendrométriques simples, Cemagref Nogent-sur-Vernisson exemple d’un transfert chercheurs-
prises en routine lors d’inventaires, Unité Écosystèmes Forestiers gestionnaires. Revue Forestière
est possible en peuplements régu- Française vol. LX, pp. 207-214
liers. L’éclairement y est en effet Catherine COLLET
peu variable, de sorte que le fores- INRA/ AgroParisTech Nancy GOREAUD F., RÉGIS A., COURBAUD
tier peut calculer, par exemple, une UMR1092 - LERFoB B., NGO BIENG M.A., PÉROT T.,
surface terrière moyenne qu’il fau- PIROCHE J.N., 2007. Simuler des
drait enlever en éclaircie pour favo- Benoît COURBAUD peuplements de structures variées
riser la régénération de certaines Cemagref Grenoble pour faciliter l’utilisation des mo-
espèces, favoriser certaines struc- Unité Écosystèmes Montagnards dèles «arbre» spatialisés. Revue
tures végétales pour créer des ha- Forestière Française vol. LIX, pp
bitats particuliers ou bien d’autres 137-161
processus dont nous connaîtrions
l’optimum lumineux. La situation Bibliographie PIBOULE A. 2005. Influence de la
est plus complexe en peuplements structure du peuplement forestier
mélangés et/ou irréguliers puisque BALANDIER P., PAUWELS D., 2002. sur la distribution de l’éclairement
la variabilité de l’éclairement La lumière, outil sylvicole pour favo- sous couvert. Cas d’une forêt hété-
conduit à une mosaïque d’optimum riser la diversité végétale ou la ges- rogène feuillue sur plateau calcaire.
lumineux correspondant à divers tion cynégétique des peuplements Thèse de doctorat, ENGREF. 147 p.
processus ou objectifs. Localement de mélèze (Larix sp.). Forêt
tel éclairement peut favoriser la ré- Wallonne n° 61, pp. 9-13 ONF, 1997. La lumière et la forêt.
génération d’une espèce donnée Office national des forêts, Bulletin
mais quelques mètres plus loin, BALANDIER P., SONOHAT G., SINO- Technique n°34,167 p.
l’éclairement sera suffisamment dif- QUET H., VARLET-GRANCHER C.,
férent pour favoriser une autre es- DUMAS Y., 2006. Characterisation, SONOHAT G., BALANDIER P., RU-
pèce. Dans ce type de peuplement prediction and relationships be- CHAUD F., 2004. Predicting solar ra-
le forestier doit donc plus raisonner tween different wavebands of solar diation transmittance in the under-
en terme de distribution de l’éclai- radiation transmitted in the under- storey of even-aged coniferous
rement (pourcentage de surface du storey of even-aged oak (Quercus stands in temperate forests. Annals
peuplement recevant 5, 10 ou x % petraea, Q. robur) stands. Trees, of Forest Science vol. 61, pp. 629-
de lumière) plutôt qu’en terme de vol. 20, pp. 363-370 641
moyenne. La mesure de variables
dendrométriques simples ne peut DREYER E., COLLET C., MONTPIED VINKLER I., NINGRE F., COLLET C.,
pas répondre à cet objectif. En re- P., SINOQUET H., 2005 Caractérisation 2007. Comportement du hêtre sous
vanche, différents outils (statis- de la tolérance à l’ombrage des abri : les intérêts d’une bonne ges-
tiques, LIDAR), actuellement en jeunes semis de hêtre et comparai- tion du couvert. Rendez-vous
cours d’étude et qui sont basés sur son avec les espèces associées. Techniques de l’ONF, hors-série n°
des approches de modélisation, Revue Forestière Française vol. 57, 2, pp. 48-58
permettront sans doute d’estimer la pp. 175-188

RDV techniques n°27-28 - hiver-printemps 2010 - ONF 58

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