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Jean-Marie Klinkenberg

Groupe µ, Université de Liège


Président de l’Association internationale de sémiotique visuelle

Visualité et potentiel argumentatif1

1. Introduction : rhétorique et médiation

Les deux néo-rhétoriques nées au XXe siècle, et que l’on a à tort 2 opposées l’une à l’autre, ont
toutes deux mis au centre de leur intérêt des techniques médiatrices. La première de ces
rhétoriques a pris la figure comme objet d’étude principal. Or la figure consiste à associer
dialectiquement deux sens différents, donc à les médier (cfr Klinkenberg, 2000b). Les concepts
centraux de la seconde sont les schèmes, ou processus généraux de l’argumentation. Or
l’argumentation consiste toujours en une renégociation d’une opposition, dans laquelle les
termes sont à la fois conjoints et disjoints 3. Argumenter, c’est réaménager cette opposition,
donc recourir à une médiation.

Mais qu’est-ce qu’une médiation ? On sait que les oppositions élaborées par les cultures
structurent l'univers en réseaux antinomiques : par exemple haut vs bas, chaud vs froid,
mais aussi vie vs mort, matérialité vs spiritualité, nature vs culture, ou encore humanité
vs transcendance, horizontalité du monde vs verticalité des pulsions. Différentes
techniques permettent de dépasser ces polarités et de rendre dynamique le rapport
entre les unités sémiotiques : on peut les regrouper sous le nom de médiation. Les
oppositions structurant le sens ― et fondant donc les encyclopédies ―, toutes les
médiations ont pour effet de réorganiser, momentanément ou durablement, ces
encyclopédies.

Les oppositions peuvent être dépassées grâce à des techniques médiatrices variées.
Nous en distinguerons trois, organisées en deux séries (cfr Klinkenberg, 2000a). Les
premières sont les médiations symboliques, qu’on pourrait nommer aussi archétypiques
ou référentielles. Référentielles, car elles consistent à mobiliser explicitement dans un
énoncé des signes désignant des processus ou des objets à quoi une culture donnée a
conféré une valeur médiatrice (le vol, le labour, le jeu, le sport, la création artistique, la
domestication, la libation, l'ingestion...) Archétypiques,parce que les récits mythiques,
les folklores, les rituels religieux et les arts en général ont abondamment exploité cette
réserve d’imaginaire. Mais ce sont bien les processus comme tels ou les objets qui sont
ici médiateurs. Dans la seconde série de médiations, par contre, l’opposition est posée
dans un énoncé sémiotique et est résolue dans ce même énoncé. Mais cette résolution
peut être immédiate ou progressive. Dans la locution célèbre « une obscure clarté », elle
est instantanée, puisque la structure prédicative de l’énoncé résout les oppositions au
moment même où il en pose les termes. La figure rhétorique est donc une médiation
produite instantanément. Dans la même série discursive, une seconde catégorie
rassemble les médiations progressivement élaborées au long de l’énoncé, soit grâce à
1 Le présent texte applique les rectification orthographiques de 1990, recommandées par
tous les instances francophones compétentes, y compris l’Académie française.
2 Cfr Klinkenberg, 1990, 1998, 2000b.
3 Il n’y a en effet échange que dans la mesure où il y a à la fois distance et proximité entre
les partenaires. Une identité totale supprime tout besoin de communication, et celle-ci est
impossible dans le cas d’une altérité totale.

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une argumentation soit grâce à une intrigue. Au côté de la narration, l’argumentation
est donc typiquement une médiation discursive progressive.

La présente contribution, qui fait suite à d’autres où j’ai examiné les conditions
auxquelles on pouvait transposer les concepts de la rhétorique figurale à la
communication visuelle (Klinkenberg, 1993, 1994) vise à répondre à cette double
question : à quelles conditions peut-on parler d’argumentation dans l’énoncé visuel ?
quelles spécificités les sémiotiques visuelles confèrent-elles à l’argumentation ?

2. Rhétorique figurale et rhétorique argumentative

L'idée d'une rhétorique visuelle est ancienne, et même commune. Prenons l’exemple de
Charles-Antoine Coypel (1694-1752), Premier peintre du Roi et du Duc d'Orléans, issu
d’une dynastie de peintres et de graveurs qui compte un Directeur de l'école de Rome,
deux Directeurs de l'Académie et deux Premiers peintres du Roi. Dans le troisième tome
de L'art de peindre à l'esprit (1758), ouvrage qu’il signe en sa double qualité d'écrivain
et de plasticien, figure une annexe intitulée Parallèle de l'éloquence et de la peinture.
Dans cet essai (pp. 293-320), Coypel pose l'hypothèse que la peinture constitue un
langage, dont il perçoit parfaitement les spécificités 4, et lui applique la théorie
aristotélicienne des trois discours (judiciaire, épidictique, délibératif), celle des quatre
composantes du système et celle des trois styles communément présentés dans la roue
de Virgile. Mais contrairement à nos contemporains ― à de rares exceptions près,
comme celle de Kibedi-Varga, 1989 ―, c'est au moment d'aborder le problème des
figures que Coypel se montre le plus évasif : il n'envisage guère que les figures
argumentatives, comme l'hyperbole, l'allégorie, l'apostrophe, la feinte, le silence et la
description, glissant rapidement sur la métaphore et la comparaison.

Cette orientation contraste fortement avec celle qu’a majoritairement prise la rhétorique
visuelle de ces bientôt cinquante dernières années (depuis le travail éponyme de
Barthes en 1964) : cette rhétorique est en effet essentiellement figurale. Et si nous-
mêmes ― le « nous » visant ici le Groupe µ ― avons sous-titré Pour une rhétorique de
l’image notre Traité du signe visuel de 1992, c’était surtout une rhétorique figurale ―
fidèle au programme collectif lancé avec notre Rhétorique générale de 1970 ― qui était
visée par cet intitulé.

Pourtant, depuis les années 1950 (qui virent la parution de La nouvelle rhétorique de
Perelman et Olbrechts-Tyteca comme les propositions programmatiques de Jakobson)
et 1960 (décennie des premiers travaux de Barthes, Todorov, Genette, du Groupe µ), un
certain discours polémique n’a cessé d’opposer radicalement rhétorique de
l’argumentation et rhétorique figurale, s’inscrivant dans une tradition remontant à
l’Antiquité, radicalisée au temps de Ramus 5, et reprise un peu vite par Perelman et

4 Ainsi, Coypel discerne bien les trois composantes du signe plastique, que sont la forme, la
couleur et la texture : il les nomme « dessin », « couleur » et « pinceau » (p. 298). Il oppose
aussi correctement langage verbal et langage visuel selon le critère successivité vs
simultanéité (pp. 300-301).
5 « L’opposition populaire entre un discours orné-rhétorique et un discours argumentatif
remonte au moins à l’école de Ramus » et « La rupture entre inventio et elocutio est
généralement attribuée à Ramus, qui a réduit la rhétorique ancienne à l’elocutio avec
l’actio, alors que l’inventio, la dispositio et la memoria sont réaffectées à la dialectique »
(Plantin, 2009).

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Olbrechts-Tyteca. « La rhétorique dite classique », rappelle Perelman, « que l'on oppose
à la rhétorique ancienne, s'était réduite à une rhétorique des figures, se consacrant au
classement des diverses manières dont on pouvait orner son style (...) Déjà dans
l'Antiquité certains rhéteurs s'étaient spécialisés dans la déclamation et dans les
exhibitions littéraires, sans grande portée, et les philosophes, tel Epictète, n'ont pas
hésité à s'en moquer : 'Et cet art de dire et d'orner notre langage, s'il y a là un art
particulier, que fait-il d'autre (...) que d'enjoliver et arranger notre langage comme un
coiffeur fait d'une chevelure ?' ». Condamnation qui trouve ses expressions les plus
nettes chez Vasile Florescu (1971, 1973) et José-Maria Pozuelo (1988). J’ai démontré
ailleurs (Klinkenberg, 1990, 1998, 2000b ) qu’on ne pouvait pas en droit opposer les
deux néo-rhétorique, qui sont des sœurs et non des ennemies. D’autres chercheurs sont
allé dans la même direction, mettant en évidence la fonction argumentative de la figure
(e.g. (Lempereur, 1991 Plantin, 2009, Bonhomme, 2009).

Toutefois, les affiliations de fait sont là : la rhétorique visuelle qui s’est constituée à
l’époque contemporaine a de toute évidence surtout relevé de la seconde rhétorique. Et
tous les débats sur la transposition des concepts rhétoriques ont surtout tourné autour
de la métaphore. Et cela en dépit du fait que les deux perspectives étaient conjointes
chez Barthes, et que l’image joue de manière évidente un rôle important au cœur de
manœuvres de persuasion comme la publicité ou le discours religieux. C’est aussi cette
prépotence du figural que le présent congrès entend interroger. La question que je pose
― à quelles conditions peut-on parler d’argumentation dans l’énoncé visuel ? ― est donc
suspendue à une autre : quelles sont les raisons historiques et épistémologiques de ce
paradoxe apparent ?

Pour cela, j’examinerai les contraintes qui ont pesé sur l’adaptation de la notion de
rhétorique à la communication visuelle. Ces contraintes sont de plusieurs types : tantôt
objectives, reposant sur les spécificités de la vision ou de l’image, tantôt idéologiques.
J’envisagerai les premières au paragraphe 3, et commencerai par décrire, au paragraphe
2, comment les contraintes idéologiques ont pesé sur l’image et le regard tout au long de
leur histoire.

3. La rhétorique visuelle : hypothèques idéoolgiques

3.1. Connaissance, vision et langage

Le primat de la vision dans le processus de la connaissance est explicitement


affirmé par une longue tradition qui va de Plotin et de Saint-Augustin à Barthes. La
plupart des spéculations sur la vision ont ainsi dépeint cette sensorialité comme
permettant de passer de la sensation immédiate à la pensée immédiate. Dans cette
pensée, la vision a donc un caractère double, et même paradoxal. C’est en effet à la fois
le plus objectif des sens ― voir, ce serait s'assurer un commerce direct avec la chose ―,
mais aussi le lieu où se prend un élan idéal vers le monde des idées, permettant un
contact libéré de tout substrat matériel. Plus qu'une représentation, l’image serait ainsi
« mode de présence » et « plénitude d'adéquation à soi » (Wunenburger, 1997). Du
coup, l’image se voit créditer d’un haut potentiel cognitif : pour Aristote la vision n’était-
elle pas, de tous nos sensorialités, « celle qui nous fait acquérir le plus de
connaissances » ? Cette tradition, la sagesse populaire l'a pleinement assumée, comme
en témoignent maintes expressions comme : « je l'ai vu comme je vous vois », « il faut le
voir pour le croire », etc. Nombreuses sont encore les manifestations d’une pensée qui

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en appelle à une vision holiste, dans laquelle les sens sont submergés par ce qui est
extérieur dès lors qu’on a mis cette vision à l’abri du « hors champ », du « non-présent »
et des perversions que font peser sur elle les langages verbaux et mentaux (e. g.
Beltzung, 1998).

Depuis l'Antiquité, c’est donc seul le langage stricto sensu permet de dire la vérité
sur l'Être et le monde (cf. Eco, 1987, 1988). Dans la foulée, on a largement valorisé le
travail sur la langue, que celui-ci incombe aux écrivains ou aux philosophes. Si l’image
donne un accès immédiat au réel, la langue, établissant entre le sujet le monde un
rapport qui apparait moins directement, nécessite un degré plus élevé d’élaboration 6.

L'image, pour sa part, souffrait de relever du monde du sensible. Ce qui n'est


évidemment pas exact ― ou ne devrait pas être exact ― aux yeux ni du sémioticien ni
du psychologue cognitiviste et a fortiori du sémioticien cognitiviste. Tous deux mettent
en effet en avant l'existence de modèles de la perception ou de la lecture. Et des modèles
ne peuvent évidemment être du ressort du « sensible ». Mais cette illusion reste si bien
partagée qu'elle domine tout l'article célèbre de Barthes (1964), qui fantasmait sur
l'absence de « codes » dans l'image, et qu'elle affecte encore nombre d'études
sémiotiques contemporaines.

3.2. Histoire du regard : du basilic au télescope

L’image en tant que produit du regard est aussi le produit d’une pratique. En effet, le
regard a une histoire. Carl Havelange (1998) décrit bien le moment où nait en Occident
« l’institution moderne du regard » : vers les XVIe et XVIIe siècles.

L’ordre ancien du regard est dominé par l’idée de présence naturelle. Dans ce régime, le
regard est actif, opérant sur le monde. La culture populaire ― encore elle ― témoigne
de ce pouvoir de l’œil, qui survit dans l’expression de « mauvais œil ». C’est l’ère du
basilic, du nom de cet animal fabuleux qui tue l’homme s’il le voit le premier, mais qui
est anéanti par lui s’il est vu le premier. Ce regard-là fait donc fait partie d’un système de
réciprocité haptique : voir c'est saisir ou être saisi. Une double saisie qui confère aux
acteurs une existence sociale, et qui est donc aussi le lieu des prises du pouvoir.

Mais quoique le pouvoir soit ici impliqué, un tel univers ne saurait accueillir une
rhétorique du visuel. En effet, le regard y obtient immédiatement, sans médiation, le
pouvoir qui est assuré par le verbe dans la tradition ouverte par Gorgias.

6 On ne peut toutefois opposer, jusqu'à la caricature, une image qui serait toute matérialité
et un langage tout pensée : Foucault (1983) a bien montré qu'au Moyen âge tant la langue
que l'image jouent le même rôle de relais vers le sacré. Et dans la conception ancienne, le
langage verbal repose lui aussi sur un principe de motivation généralisée. Celui-ci connaît sa
première élaboration chez Aristote, et, développé par Thomas d'Aquin, il a affecté toutes les
conceptions de la langue jusqu'à l'ère moderne (cfr e.g. Rastier, 1991b, ou Eco, 1987,
1988) : selon ce principe, si les langues sont variables, elles renvoient toutes à des « états
de l'âme » qui sont universels, et ce que ces « états de l'âme » représentent, ce sont des
choses, elles aussi identiques pour tous les sujets. Cette tradition remonte aussi à Aristote,
du raisonnement de qui l’on ne retient que la première étape. Mais celle-ci a la vie plus dure
que la première, puisqu'elle affecte même les travaux les plus récents et les plus en pointe
de la sémantique cognitive et de la pragmatique (cfr Rastier 1991). Dans un tel système de
pensée, un signe sera d'autant plus iconique qu'il sera plus proche de cette réalité, au point
d'autoriser la confusion avec elle.

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Dans l’ordre moderne du regard, l’altérité et la distance se substituent à la présence. La
médiation fait à présent place à l’immédiateté du contact. Car c’est à ce moment là
qu’advient l’image, dont le caractère de fabricat est affirmé dans la perspective
albertienne : l’image est dorénavant non plus un fragment de réel, mais la manifestation
d’un système géométrique. Dans son Astronomia pars Optica (1604) et dans ses
Dioptricae (1611), Kepler donnera toute sa place à la médiation, en posant d’une part les
principes fondamentaux de l’optique moderne, de l’autre part ceux des mécanismes de
la vision tel qu’on les décrira jusqu’à l’ère neuronale. À la figure du basilic s’est
dorénavant substituée celle du télescope : captant les stimuli du monde, l'œil est devenu
un instrument d'optique.
Il empêche que c’est encore bien le réel qu’entend saisir le regard : si l’image construit,
c’est pour révéler un réel solide, situé au-delà des apparences données par la confiance
aveugle dans le sensible, et le faire advenir dans le monde de la raison. Rendre la vision
fiable, tel est bien le rôle assigné par Galilée aux instruments qui se mettent alors au
point, et dont théorisera le rôle avec enthousiasme : voir, c’est désormais saisir le réel
dans sa plénitude. son Mysterium Cosmographicum (1596), Kepler verra encore dans
les lois qui régissent les mouvements des corps célestes un message divin adressé à
l’Homme. Et c’est bien cette conception de la dialectique entre le visible et l’invisible qui
règne sur la science entre le XVI et le XXe siècle et qui y détermine le statut de l’image.
« Les théories de la physique classique », nous dit le Prix Nobel Louis de Broglie, « se
sont développées en admettant la réalité du monde physique et en cherchant à en
obtenir des représentations concrètes » (1967 : 706). L’observation elle-même portait
bien atteinte à l’état de chose existant à l’instant précédant la mesure ou l’observation,
« mais il n’y avait là rien qui parût porter atteinte à l’idée qu’il existe à chaque instant
une réalité physique bien déterminée, extérieure aux hommes qui l’observent ». Et
même si dans la science d’alors, les représentations théoriques obtenues par la
recherche tendaient à s’exprimer essentiellement dans le formalisme mathématique, il
n’en restait pas moins que ce formalisme ne remettait pas en question « le caractère
concret du monde physique dont les formules mathématiques n’avaient pour but que de
donner une description plus ou moins exacte ». On voit donc que l’ère du télescope n’est
que le second temps d'une dialectique. Car le nouveau rôle donné à la vision sert encore
une idéologie objectiviste : l’instrument reçoit les stimuli, mais ne les traite pas.
On pourrait croire que l’avènement de l’ère de la médiation devait fatalement ouvrir la possibilité d’une
rhétorique du visuel. En effet, à la certitude donnée par l’immédiateté est venu se substituer le caractère
questionnable du percept (la chose vue est désormais à la fois une construction optique et une
représentation culturelle). L’altérité fondamentale qui sera le signe de la modernité (le signe de l’objet
n’est pas l’objet) est en place, et fait donc de l’image un objet potentiel de rhétorique. Mais la nouvelle
objectivité devait entraver le développement de cette possibilité. Car à ce mompent, la ressemblance cesse
d’être source de savoir, l’ordonnancement du monde étant désormais révélé par l’organisation de la
pensée rationnelle. Et dans le nouvel ordre du regard, il s’agit précisément d’éliminer tout ce qui n’est
fondé que sur la doxa et le vraisemblable. C’est donc encore une fois le langage articulé qui, de par sa
structure, apparait comme le meilleur instrument d’appréhension du monde. Moins que jamais, cette
mission ne pourra être confiée à une image qui n'introduit ni distorsion ni distance dans la perception de
ce monde.
Ce qu’on verra donc se développer, c’est une rhétorique verbale portant sur l’objet donné par la vision :
celle du discours scientifique. Rhétorique donc, mais dans le discours commentant le regard, et non dans
le regard comme discours. Et le régime de cette rhétorique sera un balancement. D’un côté la vision
positiviste, radicalisant la confiance dans l’instrument optique. De l’autre, un anti-réalisme textualiste,
bien représenté par les travaux d’un Bruno Latour, qui prend acte du rôle constructiviste joué par la
médiation verbale7.

7 Je reviendrai à cet anti-réalisme textualiste dans mon introduction aux journées de l’ANR
« Images et dispositifs de visualisation scientifique", qui feront suite au présent congrès.

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3.3. Pratiques de l’image

Dans le régime moderne, l’image ne pouvait se donner la même légitimité que le verbe.
Du coup, le travail sur la matière visuelle devait être abandonné aux fabricants. On le
note en effet aisément : jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les producteurs d’images sont
institutionnellement vus comme des artisans et non comme des artistes. Dans la
conception classique de l'être humain, « l'honnête homme » s’intéresse en effet à toutes
sortes de domaines, et par exemple au langage, mais récuse d'une part toute
spécialisation et d'autre part toutes les pratiques qui le mettent en contact avec la
matière (cfr Veblen, 1978) : aussi la matière première du peintre est-elle considérée
comme salissante, au sens figuré comme au propre.

C'est tardivement qu'on commence à prendre l'image au sérieux : au siècle des


Lumières, qui tenta de donner une dignité aux arts mécaniques 8. Mais cette époque
d'émergence d'une bourgeoisie pragmatique est aussi, paradoxalement, celle qui
condamne définitivement la spéculation rhétorique (cf. Florescu, 1973). D’ailleurs, la
terminologie qui se met alors en place pour rendre compte de l’image désignera donc
tantôt des techniques ― réalités complexes et empiriques ―, tantôt des effets précis
fédérant des mécanismes différents mais liés dans un même usage social, tantôt encore
des effets très généraux liés à des moments historiques. Techniques : le collage, le
pointillisme, la silhouette, etc. Usages sociaux : la caricature, la publicité, etc. Moments
historiques : l'impressionnisme, l'hyperréalisme, etc. Aucune de ces catégories n'a
évidemment la même généralité formelle que les noms désignant les figures
linguistiques ou les schèmes argumentatifs.

Le premier défi que la sémiotique visuelle aura à relever sera donc le retard
qu'avait pris, depuis les origines, la réflexion sur la communication et la signification
visuelles, retard spectaculaire lorsqu'on compare cette réflexion à celle qui avait porté
sur d'autres sémiotiques (cfr Klinkenberg, 2005). On peut dire qu'il a fallu attendre le
XIXème siècle pour voir se développer une description technique de l’image et pour voir
se modifier le statut de ceux qui les produisaient ou en traitaient. Avec l’avènement de la
Modernité, nait l’image de l’artiste peintre : les notions de création et d’inspiration,
valant pour l'écrivain, sont dorénavant portées à son bénéfice. Par ailleurs le progrès des
sciences positives, lié à cette nouvelle donne sociologique, aura pour la première fois un
impact sur la production picturale, avec les impressionnistes, qui assumeront un statut
de théoriciens du visuel. Enfin, peu après, l'avènement de nouvelles techniques ―
photographie, cinéma puis télévision ― assurera le primat social de l'image 9. L’image
apparait alors non plus seulement comme un acte unique issu de la subjectivité d’un
producteur, mais comme une technique socialisée qui peut, comme telle, peut être

8 Je n’en veux qu’un indice, que je prendrai à nouveau chez Coypel : celui-ci sent bien qu'il
doit justifier son projet, qui semble en contradiction avec l’esprit nouveau. Il met dès lors en
scène un contradicteur qui s'exclame : « Quelle audace d'oser comparer l'Art de Peindre au
Prince des Arts; à cet Art qui...» (suivent dix lignes à la gloire de la rhétorique). Mais sa
réponse est toute de modestie, cette modestie qui sied à son médium : « Mon dessein n'est
point, en comparant l'Art de peindre à l'Art de bien dire, de soutenir que l'un soit aussi
nécessaire que l'autre à la Société » (pp. 293-294).
9 Sans que se réalise pour autant la prévision de Marshall McLuhan : l'évolution de l'écrit ―
avec notamment sa digitalisation et les relations qu'elle renoue avec l'image (cfr
Klinkenberg, 2008) ― fait mentir les prophètes qui voyaient déjà notre vaisseau sortir de la
Galaxie Gutenberg.

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étudiée et maitrisée. Un tel corpus, nouveau en qualité et en quantité, nécessitera bien
évidemment l'avènement d'un nouveau langage critique. Ou plutôt de nouveaux
langages critiques, la sémiotique visuelle étant l'un d'eux.

3.4. L’ère de la transparence

Sur d’autres bases, les temps contemporains renouent toutefois avec l’idéologie
de l’immédiateté qui caractérisait l’ère du basilic. La « société de transparence »
construit en effet l'idole d'un rapport parfait et absolu avec les choses, un rapport sans
histoire et sans temporalité10.

Lorsqu'on parle de transparence, on a affaire à un déplacement de sens. Avant de


désigner « le caractère de ce qui est visible par tous » ou la « qualité de ce qui, dans la
personnalité ou les actions de quelqu'un, est sans mystère, se laisse aisément pénétrer
ou deviner » ou encore la « qualité des choses intelligibles qui sont faciles à saisir, à
comprendre, à apprécier » (Grand Larousse de la langue française, p. 6 208, s.v.
Transparence), le mot désigne en effet la « propriété des milieux, des corps
transparents » (id., p. 6 208) ou « l’effet dû au passage de la lumière à travers un milieu
plus ou moins transparent » (ibid.). Ce trajet sémantique est intéressant à étudier,
surtout quand la qualité devient celle de la société. On voit en effet que la propriété a
cessé d'être celle du corps qui laisse paraitre ce qui n'est pas lui pour devenir celle de la
chose éclairée ou regardée. La substance qui autorise le regard a disparu dans la
manœuvre. Tout se passe comme si le corps transparent l’était tellement qu'il avait
disparu : hyperbole de la transparence. Car enfin, ce n'est pas la société qui est
transparente : ce sont les corps à travers lesquels on peut l'observer et l'appréhender,
voire la manipuler. Parler de transparence de la société, c'est donc avant tout qualifier
les signes qui la disent et formuler un idéal assigné à la communication dans cette
société : celui de la disparition de tout relais, et donc de toute sémiose. En affirmant que
la transparence réside dans la communication elle-même, on envisage une
communication qui serait pure transitivité, et qui donnerait immédiatement accès aux
choses en se dérobant devant elles. Communication paradoxale, puisqu'elle existerait
sans qu'il y ait médiation. Loin de toute technê rhétorikê, on caresserait ainsi le rêve de
parler sans mots. De convaincre sans qu’il soit besoin d’argumenter. Nous sommes bien
ici devant l'exacerbation de la croyance aux choses. Cette croyance encourage la
multiplication de la chose à travers le media qui n'a pour fonction que de la
présentifier : le poids des mots, le choc des photos ne sont pas là pour eux-mêmes, mais
en tant que serviteurs des choses. C'est l'instauration du réel dans sa nécessité, exacte
négation de la croyance au sens des choses. Car elle mise sur une totale motivation des

10 En tant qu'art comme en tant qu'artisanat, la photographie a volontiers relayé cette


illusion. L'usage du papier glacé est peut-être son meilleur indice : summum du lisse, cette
pure surface géométrique tend à faire oublier les opérations chimiques dont elle est le
support. Cette immédiateté a même reçu le renfort de théories sémiotiques, lorsqu’on on a
mal interprété le caractère indiciel de la photo, bien mis en évidence par P. Dubois (1983).
Comme la société de transparence, un certain discours sur la photographie accrédite l’idée
d’un lien avec le référent dépourvu de technicité, la relation de transformation étant
parfaitement occultée. Si la conception objectiviste a déterminé le discours sur la photo, en
retour, la photo a été appelée à garantir l’objectivité du regard. La description de l’œil
comme une chambre noire, qui traine encore dans la plupart des manuels scolaires, est sans
doute la meilleure illustration de cette fonction.

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signes. Le paradigme de la transparence est donc la négation du sens, au profit d'un
référent mythifié11.

Nous en arrivons ainsi à une position qui est l'exacte inverse de celle de M.
Mc Luhan. Car avec la transparence ainsi comprise, ce n'est pas le media qui
s'érige en message, c'est le media qui se résorbe dans le message, ou plutôt dans
le référent du message. Et nous aboutissons ici à ce paradoxe historique :
l'époque réputée la plus médiatique de l’histoire serait celle qui méprise le plus le
media au point de le dissoudre dans l’immédiateté.

Notre parcours historique débouche donc sur une conclusion générale : l’absence
de rhétorique visuelle argumentative n’est qu’un cas particulier du statut ambigu de
l’image. D’une part, celle-ci s’est méritée un discrédit séculaire, parce que, proche des
sens, elle n’aurait pas le caractère médiateur du langage. Mais d’autre part, son
caractère immédiat suggère qu’elle offre un accès direct à la vérité. Mais dans ce cas elle
échappe nécessairement à l’opinion. Or la rhétorique est liée à la notion de doxa et ne
peut donc s’épanouir que dans une pensée du relativisme culturel.

4. Spécificités visuelles et argumentation

Mais des contraintes autres qu’idéologiques pèsent aussi sur l’avènement


d’une rhétorique visuelle . Si la rhétorique est une technique discursive
permettant la négociation de la distance entre certaines positions (cfr Meyer,
2008), certaines contraintes techniques rendent peut-être malaisé l’usage
argumentatif des produits de la vision aux yeux de ceux pour qui une
argumentation passe nécessairement par le langage articulé. Mais ce sont sans
doute aussi ces contraintes qui fourniront ses spécificités à l’argumentation
visuelle. Nous les passerons en revue en les rassemblant sous deux titres.

4.1. Tabularité et simultanéité

On sait que la puissance du canal visuel se caractérise par une grande puissance de
traitement, nettement supérieure à celle du canal auditif. Le premier permet en effet de
faire transiter 107 fois plus d’informations que le second, dans le même laps de temps 12.
Cette différence de puissance a des répercussions non négligeables sur les modes
d’organisation des unités sémiotiques dans un syntagme. On peut aisément constater
que les sémiotiques s’appuyant principalement sur l’ouïe privilégient les syntaxes

11 Cette mythification de la référence est corrélative d'un effacement des corps sociaux. Ou
plutôt d'une impasse sur la conscience de ces corps sociaux, lesquels élaborent les discours,
sur l'identité de ceux qui donnent sens aux choses. Frappés de transparence, ces corps
sociaux cèdent la place aux choses, qui auraient depuis toujours sens par elles-mêmes. À la
rigueur, les corps sociaux laissent une place aux individus, mais à des individus désormais
coupés des structures qui leur confèrent leur sens et leur orientation.
12 Par canal, j’entends d’une première part l’ensemble des stimuli des signes, qui
dépendent du support matériel permettant leur transmission, et de seconde et troisième
parts les caractéristiques des appareils émetteurs et récepteurs. C’est que la configuration
des énoncés dépend de ces instances de transmission. Les appareils visés ne sont en effet
sensibles qu’à une gamme spécifique de phénomènes physiques (cfr Groupe µ, 1992).

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linéaires (où les informations se présentent pour être traitées les unes après les
autres13), et que celles qui exploitent la vision font un usage de syntaxes tabulaires, où
l’on traite simultanément un certain nombre d’informations. Les esthéticiens avaient
déjà été attentifs à cette distinction, eux qui distinguaient d’un côté les arts du temps ―
avec les productions verbales ou la musique ― et de l’autre les arts de l’espace, avec la
peinture, le dessin ou la sculpture.

Lessing faisait de ces deux séries deux catégories étanches. Dès lors, le modèle
rhétorique peut-il être généralisé aux arts de l'espace, où n'existe en principe aucune
structure discursive, l'image étant réputée par essence a-temporelle ?

En fait, comme nous l’avons montré ailleurs (Groupe µ, 1997), il est erroné
de croire que l’icône dénote toujours un état ponctuel, renvoyant à un référent
sans temporalité. Une image fixe peut parfaitement signifier la durée, grâce à une
série de techniques. Toutes ces techniques ont un point en commun : elles
injectent le trait « durée » dans un type iconique. Ces familles de techniques sont
au nombre de quatre. (1) L’injection par l'encyclopédie : parmi les traits non
spatiaux du type, certains impliquent le signifié « mouvement », notamment ceux
qui correspondent à des référents dont la représentation est habituellement
associée à un processus, qui présuppose la temporalité. (2) L’injection par les
indices : alors que la première famille de techniques mobilisait les traits du type,
cette deuxième technique d'importation du temps concerne les traits du
stimulus : certains de ceux-ci sont interprétés comme le produit d'un processus
(exemple du flou ou du tremblé). (3) L’injection par les signes indexicaux : le trait
général « processus » peut faire partie du signifié de certains index, de sorte que
ceux-ci peuvent introduire la temporalité dans la lecture du signe iconique qu'ils
accompagnent14. (4) L’injection par des sémiotiques extérieures. Cette technique
réclame peu de commentaires : bandeaux du genre « plus tard », ou « le
lendemain » de la bande dessinée, où le temps interstitiel est nommé (et souvent
mesuré) explicitement par le code linguistique.

Comme on le voit, l’image présente une certaine discursivité, qui la rend en principe
propre à l’argumentation, puisque les médiations peuvent advenir non seulement dans
des objets, mais aussi dans des procès auxquels l’icône réfère.

Il n’en reste pas moins qu’un corollaire de la tabularité des sémiotiques visuelles est que
dans les médiations présentées au paragraphe 1, ce sont les immédiates ― donc les
figurales ― qui sont apparemment les plus aisément réalisables par l’icône. Et dans les
médiations discursives, ce seront les narratives qui seront le plus aisément privilégiées,
du moins si l’on se borne aux signes visuels iconiques : en effet, l’icône est dépourvue
des marques logiques (subordination, coordinations, connecteurs logiques ou
dialogiques) aptes à produire une argumentation. récit consistant en la production de
relations chronologiques, souvent requalifiées en relations causales en vertu du principe
Post hoc, ergo propter hoc, le récit iconique est potentiellement riche de schèmes
rhétoriques. On sait par exemple que dans l’argumentation par les conséquences, le

13 Ce qui ne signifie pas qu’elles font l’objet d’un traitement linéraire : leur simultanéité est
en tout cas assurée par la mémoire.
14 La bande dessinée comporte un grand nombre de ces index : /filets/ situés derrière un
personnage ou un véhicule et signifiant la « rapidité de leur déplacement », /étoiles/
accompagnant un « coup », /gouttelettes/ signifiant « intensité de l'effort », etc.

17
jugement de valeur porté sur une conséquence est transféré à sa cause. Un tel schème
est parfaitement réalisable par l’icône.

Si l’icône est dépourvue de marques logiques spécifiques, on peut toutefois


donner un sens large au mot image, sens qui rend cette fois possible la médiation
argumentative. Autrement dit, si le mot vise aussi le schéma, le tableau et le
diagramme, alors la visualisation apporte une contribution spécifique à
l’argumentation. Et cela pour deux raisons.

Tout d’abord, il faut noter que la puissance du canal visuel confère aux à ses produits
une forte valeur opérationnelle. Si toute sensorialité autorise la catégorisation, le
jugement et la décision, et permet ainsi au sujet de simuler l’action, d’anticiper ses
conséquences, d’adopter les attitudes et les comportements adéquats, distance et
puissance donnent aux catégories établies grâce à la vision une forte valeur de survie
dans l’environnement.

Ensuite, la tabularité de l’image, entendue au sens large, lui donne une puissance
cognitive érable. Et celle-ci ne pouvait pas être négligée par une pratique qui s’assigne
explicitement la connaissance comme fonction : la science. Or on le sait, l’image
abondamment exploitée dans le discours scientifique, qui est assurément une des
manifestations les plus spectaculaires de l’argumentation. Pourquoi ce tropisme du
discours scientifique pour l’image ?

Comme je l’ai démontré ailleurs ((Klinkenberg, 2009 et 2011), on ne saurait expliquer le


rôle confié à l’image par la rhétorique scientifique en se contentant de verbes passe-
partout comme « illustrer », « rendre frappant », « expliquer ». Toutes ces expressions
renvoient à des raisonnements tautologiques, et, quand ils le le sont pas, à des réponses
simplistes et incomplètes. L’examen que j’ai mené des schémas (Klinkenberg, 2009)
permet de leur substituer une réponse double, qui vaut pour l’image scientifique en
général et non pour le seul schéma, et qui prend acte de la puissance et de la tabularité
de l’image.

Dans le régime qui est le sien à l’époque contemporaine, l’image apporte au discours
scientifique un formalisme qui, en associant le spatial et le linéaire, permet de
réconcilier le paradigme et le syntagme, comme de réconcilier le général et le
particulier. En ce qu’elle produit une analyse, l’image donne en effet bien à lire le
paradigme des phénomènes étudiés, et ― le paradigme se caractérisant par son
intemporalité ― renvoie à leur généralité. Mais elle a aussi la particularité de constituer
également un syntagme, car, saisissant un phénomène en procès au moment où elle le
produit, elle rend compte de l’actualisation de ce phénomène. Comme la formule
mathématique, l’image a une fonction d’analyse. Mais si la formule exprime toutes les
potentialités de cette analyse, elle le fait de manière intemporelle, et donc statique. Par
son caractère d’actualisation, l’image introduit dans l’analyse une dimension
dynamique. Et sa puissance explicative provient donc, en définitive, du fait qu’elle
associe, dans une perception globale, voire immédiate (ce qu’elle doit à son caractère
visuel), le général du paradigme avec l’appréhension des particuliers exprimée par sa
structure syntagmatique, appréhension facilitée par son pouvoir discriminateur. Cette
conjonction du dynamique et du tabulaire assure une connaissance sensible des
phénomènes décrits, connaissance impossible à dériver directement depuis les données
ou depuis les équations qui en sont la source.

17
4.2. Image et catégorisation

La signification visuelle, comme toutes les autres manifestations de la signification, a


affaire à des catégories, ce que la fondatrice de la sémantique du prototype, Eleanor
Rosch (1977) avait parfaitement vu. rhétorique étant une médiation entre systèmes
catégoriels, nous devons donc aussi nous interroger sur l’aptitude de l’image à opérer la
confrontation entre catégories. Pour cela, encore faut-il que l’image soit dotée d’un
potentiel catégorisateur. A mes yeux, il en va bien ainsi, et je me suis d’ailleurs exprimé
à plusieurs reprises sur ce sujet (e.g. 2010).

Cette idée ne fait certes pas l’unanimité. En effet, on l’a vu, l’image est pour certains une
réplicat du réel. Et si c’est bien là sa nature, elle doit nécessairement être jugée inapte à
la catégorisation. En effet, si les théories du sens sont nombreuses, elles ont toutes en
commun « de supposer une sorte de relation d’équivalence entre signifier et catégoriser,
ces deux activités consistant essentiellement dans une mise en forme d’un continuum
plus ou moins amorphe » (Bordron, 2000 : 9). Nous avons vu combien cette position
était idéologique. Elle a d’ailleurs été vigoureusement contestée par Derrida. Ce dernier
critique la position de Benveniste (poussée à l’extrême chez Sapir et Whorf) selon
laquelle les outils intellectuels dont nous disposons ― id est les catégories que nous
formons ― découlent intégralement de la langue que nous pratiquons. Derrida relève
qu’il s’agit d’une confusion, dans le chef de Benveniste, entre deux ordres de choses bien
distincts : d’une part les catégories particulières et de l’autre l’aptitude à former des
catégories, aptitude qu’il appelle catégorialité. La catégorialité ― précondition pour
opérer un jugement quel qu’il soit ― est donc la faculté de comparer des entités et de les
rassembler selon des caractères déterminés. Comme toute sémiotique, l’image est donc
une manifestation de cette catégorialité. Et, pour peu qu’elle présente les
caractéristiques syntaxiques nécessaires, elle rend possible la comparaison de
catégories.

Or de telles relations syntaxiques existent, à condition de donner à « syntaxe » le sens


général de règle de combinaison fonctionnelle d'unités co-présentes (cfr Klinkenberg,
1993, Edeline, 1972, 2004). Par exemple (1978) a démontré que deux manifestations
visuelles s’influencent d’autant plus qu’elles sont proches. La proximité de deux images
permet donc d’émettre l’hypothèse qu’elles font partie du même ensemble sémantique.
Les relations de suborndination, de superordination ou de coordination. Il reste donc à
voir quelle spécificités présente la catégorisation visuelle.

4.2.1. Modalités catégorielles : sémantique conceptuelle et sémantique méréologique

Repérage des traits catégoriels, opération de segmentation du continuuum, et


agencement de ces traits dans un système, telles sont les deux opérations à la base de
toute catégorisation. Mais deux grandes familles de systèmes sont possibles (cf. Groupe
µ, 1970, Edeline, 1972) : ceux qui articulent le général et le particulier, et ceux qui
corrélent le tout et la partie. Dans le premier type d’analyse ― assurément le plus
connu ―, on obtient des classes qui s’emboitent. Chaque classe se définit par deux
sortes de traits définitoires : d’une part ceux qui, pris ensemble, constituent la définition
de la classe qui l’englobe, et d’autre part les marques qui permettent de l’isoler au sein
de cette dernière ; c’est ce que l’on appelle classiquement le genre proche et la différence
spécifique. Une telle décomposition qui va du général au particulier, peut être dite
conceptuelle. Nous préférerons la nommer décomposition sur le mode ∑. Pourquoi

17
« mode ∑ » ? Parce que, dans cette décomposition, les sous-classes obtenues forment
une disjonction au sein de la classe qui les surplombe15

Mais ce type de décomposition sémantique, et donc de catégorisation, n’est pas le


seul possible. Il y a d’autres modalités de catégorisation, dont la décomposition
cognitive ou méréologique, ou encore décomposition sur le mode ∏. Ici, il n’est plus
question de le ranger le référent dans des classes emboitées selon un critère de
généralité, mais de procéder à une décomposition du tout en ses parties (ou encore, de
l’associer à d’autres entités pour constituer une nouvelle entité d’un rang supérieur) 16.

Ces deux types de décomposition sémantique peuvent en principe s’appliquer


indifféremment à toutes les unités d’un système. Appliquées au linguistique, elles
donnent une assise logique à la distinction lexique concret vslexique abstrait ; mais elles
relativisent cette distinction, puisque la concrétude et l'abstraction ne résident plus dans
les choses, mais bien dans l'analyse à laquelle elles sont soumises. Comme on va le voir
(xxx suivant) cette possibilité d’opter pour le ∏ ou le ∑ aussi dans le signe iconique, où
on trouve donc pas que des relations ∏ : le cerf du panneau du code de la route vaut
pour tout « cervidé » (y compris les faons et les biches, bien pauvres en ramure) et
même pour tout « gibier » (y compris les sangliers, morphologiquement très
différents) : on a dans ce cas une hyperonymie, actualisant une articulation
conceptuelle, sur le mode ∑. Un même domaine conceptuel peut être structuré sur l’un
et l’autre mode : par exemple, le temps connait des relations ∏ (comme la relation
antécédent-conséquent, deux parties d’un même processus) comme ∑. Ainsi, à partir
d’une même donnée expérientielle de base, on peut aboutir à des modes de
décomposition, et donc de catégorisation, fort différents.
15 il y a équivalence entre la proposition « x est un arbre » et les propositions « x est un
chêne », « x est un peuplier », etc. Ces propositions sont mutuellement exclusives : on ne
peut être à la fois chêne et peuplier. Or des propositions mutuellement exclusives sont dans
un rapport de somme logique, et le signe conventionnel de la somme est ∑. Dans la langue
courante, ce rapport sera exprimé par la conjonction « ou » (un « ou » exclusif) : si « x est
un arbre », alors « x est un chêne » ou « un peuplier », etc.
16 Or les parties sont entre elles en rapport de produit logique, et le signe
conventionnel du produit est ∏. Dans la langue courante, ce rapport est
exprimé par la conjonction « et » : il y a équivalence entre la proposition « x
est un arbre » et le produit logique des propositions « x a des feuilles » et « des racines » et
« un tronc », etc. On pourra objecter que la décomposition ne porte pas ici sur le sens, mais
sur l’objet lui-même. Or, pour le linguiste et le sémioticien, confondre le signe et l’objet
représente une sorte de péché mortel ! Je m’en laverai en insistant sur le fait que c’est non
pas l’objet lui-même qui subit le découpage sur le mode ∏, mais bien sa représentation.
Ainsi, si un écolier dessine un bateau, il ne négligera pas de munir son bateau de voiles ou
d’un panache de vapeur : en mettant en avant de tels détails, il insiste sur ce qui va
permettre l’identification aisée du signe. Car ce type de décomposition vaut autant pour le
signe iconique que pour le linguistique : je puis reconnaitre un dessin de « cerf » parce que
j’y vois un produit de « pattes », de « ramure », etc. : articulation référentielle, sur le mode
∏. Ces détails sont donc bien une partie essentielle non du bateau ou du cerf en tant
qu’objets (qui osera soutenir devant un ingénieur en constructions navales que la fumée est
une partie d’un bateau ?) mais de la représentation culturelle que l’on s’en fait, bref, du
signe et non de la chose. On remarquera d’ailleurs que dans une décomposition sur le mode
∏, les traits en relation de produit logique (« tronc », « feuille », « racines » dans l’exemple
de l’arbre) sont les traits saillants de ce que la psychologie cognitive appelé prototype ; Or
les parties sont entre elles en rapport de produit logique, et le signe conventionnel du
produit est ∏. Dans la langue courante, ce rapport est exprimé par la conjonction « et » : il y
a équivalence entre la proposition « x est un arbre » et le produit logique des propositions
« x a des feuilles » et « des racines » et « un tronc », etc.

17
La sémantique traditionnelle, comme aussi la sémantique linguistique structurale
moderne et la sémiotique qui en est issue, reposent sur une logique du genre et de
l’espèce, et ignorent le rapport du tout et de la partie. Ces disciplines, descendant toutes
de la philosophie du langage, se sont en effet appliquées à bien distinguer le mot et la
chose, le signe et son référent. Et prendre en compte le rapport des parties au tout
aurait été considéré comme portant atteinte à ce principe. Avant que la psychologie
cognitive, avec Palmer notamment (1975), ne réhabilite les relations ∏, celles-ci n’ont
guère eu droit de cité que dans une toute petite province de la logique ― la
méréologie ― ou dans certaines pages des Logische Untersuchungen de Husserl. Il faut
aussi noter qu’il y a plusieurs façon de concevoir les relations ∑ : on peut tantôt les voir
comme déterminant des ensembles logiques stricts ―ce que la sémantique a tenté de
faire à ses débuts17 ― tantôt les voir comme constitutives d’ensembles flous, ce que font
la psychologie et la sémantique cognitives, avec la notion de prototype 18.

Comme on vient de le dire, les analyses ∏ et ∑ sont théoriquement possibles dans


l’icône, comme elle le sont dans le langage au sens strict. Mais il est de fait le type de
connaissance liée à la perception visuelle (cfr Edeline, 1991), dont on a vu la tabularité,
lui permet une exploitation plus approfondie des relations ∏. L’argumentation par
juxtaposition, comparaison, par pars pro toto ou par l’englobement sont donc
potentiellement plus exploitables sur le canal visuel.

4.2.2 Modalités d’actualisation de la catégorie

Pour comparer sur un autre point la signification visuelle à la signification


linguistique, on peut commencer par rappeler que de ce dernier point de vue, « les
exemples particuliers ne sont pas retenus comme prototypes » et que « les meilleurs
exemplaires sont, en fait, des entités non particulières, non contingentes, à savoir des
sous-catégories » (Kleiber, 1990 : 50 et 59-60). Il en va de même dans le domaine de
l'icône : contrairement à ce que l'on voit fréquemment affirmé, il n'est pas vrai que celle-
ci serve à la désignation de particuliers (comme le font les noms propres dans la

17 Dans une telle logique, le rangement en catégories s'opère sur la base de propriétés
communes à plusieurs membres. Pour faire partie d'une catégorie, une unité donnée doit
vérifier ces propriétés. La catégorisation ainsi conçue répond donc à un modèle de
conditions nécessaires et suffisantes. Dans l'hypothèse d'une telle catégorisation,
(i) les catégories sont séparées les unes des autres par des frontières nettes;
(ii) les catégories étant homogènes, tous les membres des catégories sont équivalents et
représentent par conséquent celles-ci avec le même niveau de validité;
(iii) les traits catégoriels, constituants atomiques de la catégorie, sont indépendants les uns
des autres;
(iiii) les catégories incluses et les catégories incluantes s'organisent hiérarchiquement de
manière continue, sans saut qualitatif.
18 On voit que dans cette perspective cognitiviste, les catégories ont des propriétés qui les
distinguent fortement à celles du modèle logiciste :
(i) les frontières entre catégories sont floues;
(ii) corrélativement, une entité donnée peut avoir un degré plus ou moins élevé
d'appartenance à la catégorie, étant dotée de traits catégoriels qui assurent sa plus ou
moins grande représentativité; les traits (i) et (ii) font donc des catégories cognitives des
ensembles flous ;
(iii) les traits catégoriels ont des relations de plus ou moins grande solidarité;
(iiii) il existe des niveaux privilégiés dans la hiérarchie des catégories.

17
langue), même si elle se comporte différemment des mots de ce point de vue. En effet,
l'icône peut parfaitement représenter une catégorie dans sa généricité.

En affirmant ceci, nous nous opposons à Anna Wierzbiecka (1985 : 83, citée par
Kleiber, 1990 : 67) pour qui « l'image ne saurait avoir qu'un rôle d'illustration et non pas
un rôle théorique dans l'analyse d'un prototype. On ne peut tracer l'image d'une tasse
prototypique », argumente-t-elle, « parce qu'une image n'a qu'une forme et ne peut
saisir le continu de la série des formes compatibles avec le concept de tasse ». La
prémisse du raisonnement est exacte (une image n'a qu'une forme et ne peut saisir le
continu de la série des formes compatibles avec le concept), mais non sa conclusion
(selon laquelle on ne pourrait tracer une image prototypique). Il est en effet exact que
l'icône se conduit différemment du mot quant à son extension : le mot /bœuf/ permet
d'atteindre la totalité des instances visées par le signifié « bœuf », et non seulement les
occurrences particulières, dotées d'une existence réelle, mais même les instances
virtuelles. Comparée au mot, l'icône de bœuf a une extension nécessairement
inférieure : on a pu, plaisamment, faire observer qu’en tant qu'icônes, les bovins des
panneaux du code de la route ne renvoient pas au bœuf dans toute son extension, mais
bien à un « charolais ». Toutefois, on ne peut ainsi raisonner par tout ou par rien, et
refuser le rôle d'indicateur de prototypicalité à l'image, sous prétexte d'une différence,
bien réelle avec la langue, qui permet, elle, la saisie de ce « continu de la série ».

L’image permet donc des argumentations exploitant des mécanismes de type ∑, comme
les inductions et les déductions, qui sont des passage du genre à l’espèce ou de l’espèce
au genre, et les abductions.

Quoique dotée d’un capacité à abstraire et à généraliser, L'image ne permet toutefois


pas de procéder à des opérations d'abstraction et de généralisation de la même manière
que le langage, comme l'ont rappelé tous nos devanciers (e.g. Kibédi Varga, 1989, 1990,
Kerbrat-Orecchioni, 1979). Servons-nous d'un exemple déjà commenté ailleurs. Si je dis
d'une dame qu'elle a « un cou de cygne », on focalise bien l'attention sur le caractère
allongé et délié du cou. On pourra bien rendre compte de ce caractère de dessin. Mais il
s'agira alors d'un simple « cou ». Cou allongé certes, mais qui ne sera « de cygne » que si
je lui ajoute ces /plumes/ qui autoriseront la reconnaissance du type « cygne », avec
l'effet ridicule que cela comporte. Les traits sémantiques du signe iconique font en effet
l'objet de manifestations à la surface de l'énoncé. Dans le linguistique, les propriétés des
composants sémantiques font que le problème ne se pose pas : l'emploi d'un terme
suppose non seulement la mobilisation des traits prototypiques, mais la mise entre
parenthèses des traits non prototypiques. En d'autres termes, énoncer le mot oiseau est
faire un pari sur le fait qu'il y a de fortes probabilités pour que le référent vole et soit
muni de bec; mais ce n'est en rien se prononcer sur le fait qu'il a un bec crochu ou
allongé, qu'il a des plumes jaunes ou vertes. Il s'agit là de variantes libres,
stylistiquement exploitables dans le cadre de l’elocutio.

Dans l'icône, on peut certes tendre à éliminer un certain nombre d'éléments non-
prototypiques (et c'est la stylisation), mais on ne peut éliminer totalement la
manifestation accidentelle de traits non prototypiques : il sera impossible de dessiner
un bec d’oiseau sans que celui-ci soit crochu, ou allongé. On ne peut donc rendre
compte du « continu de la série ». Ceci nous permet de noter que la répartition entre
niveaux de base et niveau et superordonné n'est pas exactement la même dans la langue
et dans l'icône. Le niveau de base linguistique peut atteindre un taux de généralité
supérieur à celui qu'atteint le niveau de base iconique.

17
Ceci constitue évidemment non une hypothèque pesant sur l’argumentation visuelle,
mais une simple contrainte. Pour atteindre certains niveaux d’abstraction par exemple,
l’argumentation visuelle devra s’inscrire dans le cadre de stratégies de pluricodie (cf.
Klinkenberg, 2000a).

5. Perspectives

Comme on a pu le voir, les produits de la vision sont parfaitement exploitables, même


sans un recours à la pluricodie, en vue de leur insertion dans un discours argumentatif.

On pourrait donc s’étonner de la quasi-inexistence à l’ère contemporaine d’une tradition


sémiotique prenant à bras le corps cette rhétorique argumentative visuelle (sauf,
précisément dans des familles d’énoncés pluricodes, comme la publicité, l’émission de
télévision ou le journal). Ce n’est pas là un simple effet de la timidité (ou de la méfiance)
que les courants dominants de la sémiotique éprouvent face aux perspectives
pragmatiques, qui font sortir le monde du sens de sa pureté idéale. En effet, en même
temps qu’il pointait ses potentialités rhétoriques, l’exposé a mis en lumière certaines
spécificités de la sémiose visuelle, qui expliquent qu’elles puissent avoir été méconnues.
D’autant plus qu’une idéologie séculaire vient peser sur la conception de l’image pour
lui refuser d’être l’instrument du débat rhétorique.

Mais l’invasion des nouvelles technologies multimédia dans notre paysage va peut-être
bouleverser la donne décrite au paragraphe 2. Il ne faut certes pas surévaluer leur
impact sur la nature de l’image : digitalisée ou analogique, elle présente la même nature
phénoménolgique. Mais l’impact pragmatique ― et donc idéologique ― de ces nouvelles
technologies est considérable, dans la mesure où elles permettent à quiconque de
manipuler l’image. L'œil reste certes un théâtre où le monde vient jouer, mais le regard
recouvre le pouvoir qu'il avait de modifier ce monde. Une ère dialectique s’ouvre ainsi.
Dialectique : en effet, il ne s'agit pas de nier ce que la rétine reçoit de l’extérieur ; mais
l’on peut au même moment pointer l'existence d’un travail qui se fait au-delà d’elle.
Grâce à une telle posture médiatrice, le sujet est simultanément le reflet de l'univers et
l'acteur qui lui donne son sens. De sorte que, par elle-même, l’image s’offre désormais
comme une activité argumentative.

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