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C
’est une vieille idée, ou plutôt une envie Malgré ses imperfections, que nous sommes les
récurrente qui trouve enfin sa forme premiers à voir (et à déplorer) et qu’il serait
(définitive ?) : consacrer un espace agréable de voir mises sur le compte du temps
rédactionnel digne de la part que représente, dans réduit dans lequel le travail a été réalisé, nous
l’édition française, le livre au format de poche. n’avons pas voulu miser sur la curiosité provoquée
S’il faut en croire le site de Lire en poche 2010, par un numéro zéro.
une manifestation qui se tient pour la sixième fois Donc, tout de suite dans le grand bain !
à Gradignan (voir les actualités, page 3), il se vend Mais en sachant très bien qu’il faudra, dès le mois
cent cinquante millions de poches par an, et il en prochain, augmenter la pagination pour donner de
sort quatorze mille. l’air à certaines rubriques sans réduire celles qui
Or, le plus sont ici déjà à l’aise.
souvent, si les Par exemple, il est évident que les essais et les
Il se vend cent cinquante journaux et les documents méritent une meilleure visibilité. Ce
millions de poches par rubriques sera fait dès le numéro de novembre.
an, et il en sort quatorze littéraires Certains domaines échappent à la compétence
mille. consacrent réduite de l’équipe rédactionnelle réduite (une
quelques personne pour l’instant). Ils ne pourront être
articles au livre abordés qu’avec des revenus publicitaires
de poche, c’est en proportion réduite – pour ne pas suffisants pour payer des collaborateurs. Plutôt
dire ridicule. On peut comprendre : la plupart sont après-demain que demain, probablement.
des rééditions, dont il a déjà été question, et Il faudra aussi multiplier les articles, ce qui ne
pourquoi donc y revenir ? signifie pas les raccourcir à tout prix. Sans
Tout simplement parce que beaucoup de lecteurs négliger la valeur d’une information brève, qui
(la majorité ?) font leur miel de ces rééditions, soit permet en outre à la mise en page de respirer un
qu’ils ont manqué l’occasion de découvrir les peu, nous publierons des articles assez longs pour
textes au moment de leur publication originale, dégager (espérons-nous) l’essentiel de chaque
soit que les moyens manquent pour acquérir tout livre.
ce qu’ils auraient voulu lire. Nous ne
C’est dans la poche, le magazine électronique que sommes pas
Il faudra, dès le mois
vous avez sous les yeux, est une production de la opposés à prochain, augmenter la
Bibliothèque malgache – eh ! oui ! il y a de ces avoir de pagination pour donner
détours curieux, qui s’expliqueraient si nombreux de l’air à certaines
l’explication n’était trop longue. lecteurs et à rubriques.
Toujours est-il que la Bibliothèque malgache accueillir leurs
possède l’expérience de la production de livres réactions par
électroniques gratuits, l’un ou l’autre pavé le courrier électronique pour les publier ici. Une
signalera dans ce premier numéro. seule adresse pour les contacts avec C’est dans la
Le choix de la gratuité, il ne faut pas le cacher, a poche : danslapoche@bibliothequemalgache.com.
été fait pour donner l’accès le plus facile possible L’aventure est lancée, à vous de la suivre pour
à ce magazine. Sa confection nécessite une belle justifier son existence dans la durée.
débauche d’énergie, une foi inébranlable, une Ah ! Dernier vœu : penser à raccourcir cet
sottise congénitale (biffez les éventuelles mentions « éditorial » dès le mois prochain, puisqu’il ne
inutiles) mais de faibles investissements sera plus nécessaire de présenter le magazine en
financiers. Cela tombe bien, nous n’en avons long et en large…
guère… Pierre Maury
1
Sommaire
Fiction étrangère
Mo Yan, La dure loi du karma .......................... 14 À venir
Kate Atkinson, On a de la chance de En poche le mois prochain ................................ 24
vivre aujourd’hui ; Andrés Trapiello,
Le club du crime parfait .................................... 15
Bret Easton Ellis, Lunar Park ............................ 16
2
Actuallité
Sortie ciném
S ma
L Livre de po
Le oche, n° 310
002
4 pages, 6,95 €
416
Lire
e en poche
G
Gradignan
http://wwww.lireenpoch
he.fr/
OC TOBRE
E 2010
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2 30 331
Adaptation télévisé ée
France 2, 6, 13 et 200 octobre
Le Livre
e de poche, n°
n 30497
829 pagges, 8,50 €
Voir article page 12
Prix des
d lecteurs littérature : Ursula Heggi, Trudi la naine
Prix des
d lecteurs policier/thrriller : Philipp Kerr, La trilogie
t berllinoise
Coup de cœur dees lecteurs : Mathieu Béélézi, C’était notre terrre
Choixx des librairees : R.J. Elllory, Seul lee silence
3
Fiction française
Antoine Bello :
un monde construit sur le mensonge
A
ntoine Bello avait frappé fort dans Les détournés et dangereux pour favoriser une prise de
falsificateurs. Le jeune Sliv, islandais, y conscience qui aide à la reconstruction. Ce fut le
était engagé dans une organisation secrète, cas (selon le roman, bien sûr), dans l’Allemagne
le Consortium de Falsification du Réel (CFR). des années soixante : Andreas Baader a été
Mission : remodeler un certain nombre de faits, désigné comme le leader de la Fraction Armée
accréditer des thèses sans fondement. Raconter des Rouge alors qu’il était « en fait le leader d’un des
histoires et y faire croire en accumulant les groupuscules les moins structurés ». L’adversaire
preuves inventées de toutes pièces. La célèbre connu, il ne restait qu’à l’éradiquer. Selon la
chienne Laïka, premier être vivant à avoir été même méthode, le Consortium a ensuite monté en
envoyé autour de la Terre, aurait ainsi été inventée épingle le personnage d’Oussama Ben Laden,
par un scénariste du CFR afin de provoquer les faisant de lui le dirigeant d’Al-Qaida – nom
Américains et d’accélérer leur entrée dans la inventé par le CFR et adopté par Ben Laden. Puis
course à l’espace. la création a dépassé ses créateurs, aboutissant au
Les débuts de Sliv dans la falsification du réel ont 11 septembre et à l’inquiétude morale de Sliv.
été encourageants : son premier scénario frôlait la Après une parenthèse au cours de laquelle les
perfection en imaginant un peuple bochiman talents du héros font merveille pour l’entrée du
menacé par une multinationale décidée à Timor-Oriental au sein de l’ONU, Sliv revient à sa
l’exproprier de ses terres. Le deuxième, en préoccupation principale et tente de comprendre
revanche, avait été construit d’une manière plus où les choses ont dérapé. Comme il le disait un
désinvolte et il avait fallu le talent de Lena, une jour à Youssef, leur travail est un jeu. Et ce n’est
collègue ambitieuse, pour empêcher une pas un jeu…
catastrophe. La légèreté de Sliv avait entraîné Du 11 septembre 2001 à la veille de l’entrée en
l’assassinat d’un fonctionnaire néo-zélandais – du guerre des États-Unis et de leurs alliés sur le
moins le lui a-t-on laissé croire jusqu’au moment territoire irakien, Antoine Bello démonte, par le
où il a appris que tout cela était un autre montage truchement de Sliv, la manière dont les
destiné à lui faire comprendre les risques Américains imposent l’idée de la présence
engendrés par les défauts d’un scénario. d’armes massives. Ainsi que les implications du
Quand commence Les éclaireurs, suite annoncée à CFR dans l’évolution de la tension internationale :
la fin des Falsificateurs, Sliv est agent des
Opérations spéciales. Il retrouve Gunnar, qui
l’avait engagé, et Nina, qu’il a connue à
l’université toujours prête à militer pour les
bonnes causes – elle n’a pas changé.
Surtout, il part au Soudan pour assister au mariage
de ses amis et collègues, Magawati et Youssef. Il y
découvre la montée d’un islam radical et assiste
presque en direct, sur Al-Jazira, aux attentats du
11 septembre. Ils sont accueillis autour de lui avec Antoine Bello
enthousiasme. Quant à Sliv, il est dès ce moment Les éclaireurs
taraudé par une question qui sera au centre de ce Folio, n° 5106
deuxième volume : « le CFR portait-il une part de 448 pages
6,60 €
responsabilité dans les attaques qui avaient
ensanglanté l’Amérique ? »
Œuvrant, semble-t-il, en faveur d’un monde
meilleur, le CFR utilise parfois des moyens
4
Fiction française
si son Comité exécutif reconnaît en se sabordant le une déception. Et l’occasion d’inverser quelques
rôle qu’il a joué, pourra-t-il désamorcer la crise et propositions : « la vérité n’est qu’un scénario
éviter la guerre ? parmi d’autres », voilà qui mérite d’être pris en
De plus en plus proche des têtes pensantes de considération.
l’organisation, Sliv réussit à percer le secret de sa Le montage époustouflant d’Antoine Bello
création, deux cents ans plus tôt, ainsi que celui du ressemble à un thriller qui nous donnerait les clés
but poursuivi. Une surprise de grande dimension, du monde. Et une raison d’y vivre, d’y agir.
5
Fiction française
Patrick Besson
sur les traces de John Le Carré
6
Fiction française
authentiques. Était-il pour autant indispensable de fils qui dépassent. Ils sont nombreux, dans une
les exposer dans tous leurs détails ? En avions- pelote qui semble longtemps inextricable.
nous besoin ? Patrick Besson s’est laissé déborder L’intrigue se démultiplie au fur et à mesure que
par ce qu’il avait envie de dire et n’a pas vraiment nous apprenons à mieux connaître les personnages
dominé le matériau, très riche il est vrai, dont il qui se croisent et dont le passé expliquera toujours,
disposait. mais pas tout de suite, le présent.
Ce n’est pourtant là qu’un reproche mineur. Car il Mais le fleuve tuera l’homme blanc aurait pu être
a aussi accompli d’énormes efforts pour ne jamais un très grand livre. Il s’agit quand même d’un
lâcher le fil de son récit. On ne le lâche pas non excellent roman, et ce n’est pas rien.
plus. Ou plutôt : on s’accroche à tous les bouts de
Frédéric Beigbeder
préfacé par Michel Houellebecq
7
Fiction française
8
Fiction française
U n personnage d’amné-
sique présente des
caractéristiques
intéressantes pour un romancier
heurte d’abord au manque de
coopération de Nexus, puis à
trop d’explications.
Le psychanalyste Joachim
qui, comme Vincent Message Traumfreund, qui a accueilli le
dans son impressionnant premier condamné dans sa clinique de
roman, a décidé d’explorer Bentlam après son transfert
toutes les sphères du possible d’une prison plus fruste, a beau
autour d’un geste inexplicable. être prêt à aider Rilveiro, toutes
Nexus est descendu dans la rue, ses théories sont impuissantes à
a abattu trois personnes au reconstituer une énigme dont les
hasard et, satisfait d’avoir éléments ne semblent pas
accompli ce qui devait l’être, appartenir à la même catégorie.
s’est assoupi sur les cadavres au Il ne faut d’ailleurs pas chercher
milieu de la foule. la cohérence dans les faits. La
Rarement coupable aura opposé part du rêve, qui remplace tant
moins de résistance à la horde bien que mal la mémoire abolie,
policière venue l’arrêter. est ici trop importante pour
Rarement autant de témoins s’inscrire dans la logique du réel.
auront été rassemblés pour dire Nexus est, aux yeux de
ce qu’ils ont vu. Rarement Traumfreund, « un fabulateur Vincent Message
Les veilleurs
inculpé aura montré moins de pathologique. Il a une forte Points, n° 2467
remords : au tribunal, il est muet propension à raconter des 760 pages, 8,80 €
et absent. Il regarde se dérouler histoires qu’il fabrique de toutes
le procès comme si la perpétuité pièces. Il est lui-même persuadé
dont on le menace ne le de leur réalité et s’efforce de
concernait pas. Et pour cause : convaincre son entourage. »
l’éveilleur, qui aurait pu se Devant ce tableau clinique, la
substituer au titre Les veilleurs, théorie d’un complot destiné à
semble ignorer ce qui s’est modifier la structure de l’État
passé, ou au moins la raison pour paraît évidemment bien fragile.
laquelle il en est arrivé là. En revanche, elle s’inscrit à la
Dans la ville de Regson, cinq perfection dans la logique d’un
millions d’habitants sur lesquels roman qui part dans tous les sens
règne le gouverneur Drake, et retombe toujours sur ses
l’affaire fait grand bruit. Drake pieds…
lui-même tremble de s’être senti Ouvrage ambitieux, Les veilleurs
visé à travers une des victimes n’est pas fait pour les lecteurs à
du meurtrier. Elle était sa l’appétit limité. Les boulimiques,
maîtresse, il est impossible que en revanche, auront plaisir à se
le hasard l’ait désignée comme perdre et à se retrouver dans
cible. C’est donc qu’il y a autre cette mécanique hors normes où
chose, sur quoi il demande au les articulations semblent si
policier Paulus Rilviero parfois lâches qu’elles doivent
d’enquêter. Mais l’enquête se bien finir par se resserrer.
9
Fiction française
O
n l’a beaucoup dit : donne une autre identité, Yvan Deroy le Fou, filant vers Rome et
Zone, le troisième roman Deroy, empruntée à un fou. la fin du monde au milieu des
de Mathias Énard, Francis-Yvan a été combattant collines toscanes invisibles en
présente une particularité en Bosnie, une guerre pas compagnie de voyageurs
typographique inhabituelle : pas toujours propre, puis il s’est mis fantômes et de souvenirs de
de points pour finir les phrases à utiliser d’autres armes, non massacres dans ma valise ».
dans un texte pourtant moins meurtrières, celles qu’on Ces massacres débordent de la
volumineux et découpé en met à la disposition des espions. valise et de la mémoire. Ils
chapitres. Ceux-ci s’ouvrent sans Il a accumulé des remontent aussi plus loin dans le
majuscules et ne se ferment pas. renseignements discréditant bien temps. Ce sont des dizaines de
Le procédé n’est pas inédit, des acteurs de la politique et des milliers de cadavres accumulés
d’autres l’ont employé à plus ou guerres de la fin du 20e siècle. au cours de guerres
moins bon escient. Est-ce une Aujourd’hui, après avoir pris interminables, des violences
pose gratuite ou une nécessité ? beaucoup d’autres trains dans sa auxquelles renvoient des destins
Une envie de dérouter le vie, après avoir aimé (peut-être) d’écrivains, des images de films
lecteur ? On penche pour la trois femmes dont il se souvient, – et l’implacable réalité
nécessité : le long monologue il transporte une mallette où sont historique. Assis dans le train, ou
intérieur ruminé par le narrateur enfermés des secrets destinés à en route vers le bar pour y boire
se déroule pendant un trajet en être vendus au Vatican qui, on encore un gin, Francis ou Yvan
train entre Milan et Rome. La l’imagine, les fera ensuite parcourt des champs infinis
phrase presque unique suit un disparaître, s’ils arrivent à jonchés de corps mutilés.
rythme ferroviaire, avance au fil destination. Un tour de force saisissant.
des kilomètres sans rompre le fil Les épisodes du passé se mêlent
de la pensée – pensée soumise, sans se confondre. Les nombreux
bien entendu, aux digressions qui personnages qui ont accompagné
amènent d’un sujet à un autre. les années d’activité, et dont
Avant d’en venir à la matière certains ont fait l’actualité,
même du livre, matière dense, surgissent sans prévenir. On les
liée à l’histoire récente de suit dans les méandres d’une
l’Europe et du Proche-Orient mémoire à laquelle aucun détail
(celui-ci étant la Zone, au sens n’a échappé.
géographique), il faut quand Plusieurs fois déjà le narrateur a
même préciser que le temps du failli disparaître à ses propres
voyage est aboli à trois reprises, yeux, basculer dans l’absence :
quand le personnage principal lit « j’étais un fantôme enfermé au
un livre de Rafaël Kahla, un royaume des Morts, condamné à
Libanais qui raconte un épisode errer sans jamais imprimer une
de combats à Beyrouth. Kahla pellicule photographique ou me
écrit des phrases « normales », refléter dans un miroir jusqu’à
avec des points et des ce que je brise le sort », se
paragraphes. Et son texte fait disait-il déjà à Salonique. Pour Mathias Énard
écho au récit principal. en arriver à ce train : « je suis un Zone
Celui-ci, en effet, retrace une fiancé de la Moire implacable Babel, n° 1020
part de la vie de Francis Servain alliée d’Hadès dans mon train 516 pages, 10,50 €
Mirković, l’homme qui est dans grondant vers le néant, affublé Et Bréviaire des artificiers,
ce train et auquel le passeport du masque mortuaire d’Yvan Folio, n° 5110, 126 pages, 4 €
10
Fiction française
D
sérénité,
eux pages, d’entrée,
introduisent le sentiment
trompeur d’une totale
voire même
bonheur. Éric Holder tutoie son
du
paroles surviennent en italien, le
roman touche à son terme. Il y
aura encore un coup de gueule
entre hommes, histoire de
marquer le coup, ou de dessiner
personnage qui file en vélo avant un territoire.
le lever du jour. Les odeurs et les Mais, comme souvent chez Éric
sons nous sont donnés dans Holder, le récit n’est pas
l’instant, comme autant de l’essentiel. Il y a, dans ses livres,
cadeaux précieux. plus de contemplation que de
C’est l’hiver. Les cheminées mouvement. Une attention
fument. Les oiseaux chantent. Le portée aux choses simples dont
cycliste se rend à la scierie où il la plupart des autres écrivains
travaille. Huit heures pour un font l’économie, et qui sont pour
maigre salaire. Mais un salaire lui le sel même de la vie. Si son
quand même. À la page suivante, personnage travaille le bois après
on comprend combien c’est avoir raboté les mots, c’est bien
essentiel. « Je n’avais plus parce que la matière et les gestes
travaillé depuis des années, ont aussi un sens. Et fournissent Eric Holder
passées à boire. » Et combien à l’homme une raison d’être. Bella Ciao
aussi la sérénité induite par le Dit de cette manière, cela peut Points, n° 2468
153 pages, 5,50 €
début a dû être le résultat d’un sembler un rien moralisateur. En
combat mené contre soi-même, réalité, pas du tout : dans sa
parce que Myléna, après trente- quête obstinée de la simplicité,
trois ans de vie commune, a dit Holder atteint une sorte
pour la première fois : « J’en ai d’évidence. Aucune théorie ne
assez. » vient gâcher le sentiment d’être
Alors, il a voulu mourir. Et a au plus près de celui qui
survécu. Comme une nouvelle recommencera à écrire. La
chance, une nouvelle donne, gueule de bois s’est presque
peut-être même une vie mieux effacée. Et rien n’est jamais tout
réglée, loin de ses à fait perdu définitivement.
préoccupations du temps où il D’ailleurs, les premiers mots du
était écrivain et, surtout, livre reviennent plus loin, quand
plongeait dans l’alcool à défaut renaît le goût des phrases. La
de trouver encore en lui la force pirouette n’a rien de gratuit, elle
de rester debout. s’impose dans la structure du
Bella Ciao est l’histoire d’une roman. Celui-ci est assemblé
dérive et d’une possible comme une marqueterie où
résurrection. C’est aussi une chaque pièce est à sa place,
chanson, dont voici la indispensable pour faire tenir
traduction : « Un matin je me l’ensemble. Et, sous les
suis réveillé / Adieu la belle, apparences de la banalité, ce
adieu la belle, adieu la belle, livre nous parle de choses
adieu, adieu / Un matin je me importantes.
suis réveillé / J’ai trouvé
l’envahisseur. » Quand les
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Fiction française
12
Fiction française
L ’histoire est
particulièrement
atroce, et en même
V ictor Barrucand est mort en
1934 (il avait 70 ans) et son
roman Avec le feu est paru en
1900. Ce n’est pas tout neuf. Mais il
temps si ordinaire… Un jeune fut un homme étonnant. Il côtoyait,
homme apprécié de tous va au outre Mallarmé, l’écrivain Félix
marché, il n’en reviendra Fénéon, le peintre Paul Signac et le
jamais, exécuté avec une compositeur Ernest Chausson. Ces
sauvagerie rare par une foule trois derniers se retrouvent ici sous la
embarquée dans un délire forme de personnages fictifs. (On doit
criminel comme on l’information à Éric Dussert dont
s’embarque pour nulle part. l’érudite préface est bourrée
De cette anecdote authentique d’informations.)
survenue en août 1870 à C’est aussi grâce à Éric Dussert que
Hautefaye (Dordogne), Jean nous apprenons que Victor Barrucand
Teulé a fait un petit roman vif a fréquenté les anarchistes dont il fait
et non dénué d’humour ici le portrait, tout en se tenant à
malgré son sujet. distance. Il a bataillé contre Victor Barrucand
Les événements se l’antisémitisme, pour le pain gratuit, Avec le feu
précipitent, l’écriture prend en faveur des Algériens colonisés, il a Libretto, n° 325
du recul. Le fait divers donne poussé Isabelle Éberhardt à écrire et a 255 pages, 11 €
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Fiction étrangère
Mo Yan :
cinquante ans de réincarnations
14
Fiction étrangère
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Fiction étrangère
regards se portent vers les jeu intellectuel se complique de coupable. Il n’a été que le bras
étranges adeptes de ce qu’on données imprévues, parmi armé d’une justice immanente.
appellera une secte, de quoi lesquelles l’état psychologique Une belle démonstration,
faire d’eux de parfaits suspects. de Paco, quand il renonce au construite comme un drame
Andrés Trapiello n’a pas basé polar, n’est pas la moindre. De humain et inscrite dans une
son roman sur une enquête. vieilles histoires sont exhumées Espagne pas encore guérie de
Celle-ci est pourtant présente, pour expliquer l’inexplicable. ses plaies.
enfouie sous plusieurs couches Le crime était presque parfait.
d’un récit brillamment mené. Le Et peu importe, au fond, qui est
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Fiction étrangère
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Fiction étrangère
Le provincial et le New-Yorkais
18
Fiction étrangère
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Noir, policier, thriller
Georges Simenon
Un nouveau dans la ville
Patrick Bauwen
Le Livre de poche, n° 31923
Monster
190 pages, 5 €
Le Livre de poche, n° 31918
605 pages, 7,50 €
20
Noir, policier, thriller
21
Noir, policier, thriller
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