Loi Sur Les Fake News

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Loi sur les "Fake news" ou haro sur la liberté de la

presse !
JRCF

La proposition de loi relative à la


manipulation de l’information en
période électorale,
communément appelée loi « anti
fake-news », provoque de
nombreuses interrogations et
inquiétudes, voire même un
certain tumulte, au sein de
l’Assemblée nationale et du
monde journalistique. Le gouvernement justifie ce projet par la lutte contre la
propagation, de plus en plus courante et médiatisée, de fausses nouvelles
sensées induire le public en erreur.

Si ce projet dérange tant, c’est qu’il n’est techniquement pas adapté au défi que
représentent les fausses nouvelles. Surtout, il fournit toute une série d’outils qui
faciliteront la censure.

Flou linguistique concernant les notions, urgence procédurale (le juge ayant 48
heures pour décider de la véracité de l’information), imprécision (qui pourra saisir
la justice et qui pourra être mis en cause ?)... Ce projet n’est tout simplement pas
au point et techniquement difficile à mettre en place. Surtout, un arsenal juridique
existe déjà pour aborder le problème des fausses nouvelles (loi du 29 juillet 1881,
code électoral), et la nouvelle loi n’apporte rien sinon la confusion.

Si ce projet n’est pas utile, il est en revanche dangereux car potentiellement


liberticide. La loi définit une fausse information comme étant « toute allégation ou
imputation d’un fait dépourvu d’éléments vérifiables de nature à la rendre
vraisemblable ». Mais une information non vérifiable n’est pas nécessairement une
information fausse. Les enquêtes seraient mises en danger car les sources
peuvent être protégées pour le bien de l’enquête et des individus. C’est ce que
craint Mediapart, et l’on peut citer les affaires Cahuzac, Sarkozy, et Fillon, qui
nécessitaient une protection des sources pour être menées correctement. Cela ne
veut pas dire que les sources devraient rester éternellement anonymes : il est
nécessaire de les dévoiler en cas de procès pour diffamation. Dévoiler les sources
en cas de procès est bien plus adapté qu’une répression systématique en cas de
discrétion.

On peut aussi parler de la censure privée, censure préventive mise en place


notamment par les GAFAM pour correspondre à la législation. Cela a pour
conséquence une censure arbitraire en amont. Ce que l’on constate dans d’autres
pays comme les États-Unis, c’est une limitation de la liberté d’expression de ceux
qui critiquent la politique américaine, notamment de ceux qui s’opposent au
capitalisme et à l’impérialisme.

La grande question de l’objectivité de la presse est également remise en jeu. On


peut craindre un retour à la séparation fantaisiste entre la presse « objective » et la
presse « d’opinion » ; la presse « objective » n’étant pourtant souvent qu’une
presse « d’opinion » pour les grands capitalistes, à l’image de BFM-TV.

En attribuant au CSA la compétence pour supprimer l’autorisation de diffusion


d’une chaîne de télévision si cette autorité administrative considère qu’elle diffuse
de fausses nouvelles ou qu’elle œuvre pour un gouvernement étranger, on lui
donne des compétences qui vont trop loin par rapport à sa fonction ordinaire.
Attribuer cette fonction de juge au CSA n’est pas tolérable et va dans le sens du
jugement arbitraire. Savoir si un pays cherche à nous nuire est une question
géopolitique qui mérite un débat approfondi au sein des institutions compétentes,
et non pas une décision d’un organe administratif.

Un usage politique de cette censure est aussi à craindre. On pense


immédiatement aux journaux russes RT et Sputnik, accusés par Macron d’avoir
propagé des fausses nouvelles lors des « Macron Leaks », et qui sont
particulièrement visés depuis plusieurs mois par le gouvernement. Ce que l’on
peut donc craindre, c’est que les pays soient traités différemment par le CSA,
reflétant ainsi une certaine atmosphère politique au sein du gouvernement. Les
médias influencés par les pays « alliés » comme les États-Unis, Israël, ou les pays
du Golfe, seront sans doute moins attaqués et représentent pourtant un danger
potentiel pour la fiabilité de la presse et les intérêts français. On peut citer l’odieux
reportage de Fox News sur les « no go zones » contrôlées par des musulmans à
Paris. Ces médias influencés par des pays « alliés » seront ils traités, dans
l’ambiance actuelle russophobe, comme le seront les médias sous influence russe
ou autre ? Que penser des nombreuses fake news concernant la Corée du Nord
(comme la fausse rumeur massivement relayée par les médias français
concernant la condamnation de l’oncle de Kim Jong Un à être dévoré par des
chiens) ou bien le Venezuela (comme l’attribution massive et hasardeuse au
gouvernement des victimes des violences urbaines) ? Serons nous aussi
scrupuleux dans la lutte contre les informations fausses concernant les « pays
voyous » sanctionnés et menacés par le gouvernement français aligné sur
l’Europe et les Etats-Unis ?

Le projet ne s’attaque pas au poids des propriétaires et actionnaires des grands


médias, poids qui pèse sur la production médiatique française qui doit plier de plus
en plus face aux exigences financières mais aussi propagandistes de ceux qui
possèdent la presse. Nous pourrions citer, à titre d’exemple, la censure imposée à
Canal + par Vincent Bolloré. Favoriser une presse saine et déliée des intérêts
politiques et financiers de ceux qui la possèdent serait alors un véritable pas en
avant... que le gouvernement ne fera pas.
Ce projet a été construit avec l’idée que les individus n’étaient pas capables de
distinguer les informations fiables de celles qui ne le sont pas. Comment avancer
cela à l’ère d’Internet, quand il est bien plus simple de vérifier les informations qu’à
l’époque de l’hégémonie de la radio, du papier et de la télévision ? Nous devrions
chercher à éduquer davantage les citoyens face aux fake news. Cela ne veut pas
dire que rien ne doit être entrepris pour lutter directement contre les fausses
informations. De nombreuses mesures efficaces existent déjà dans le monde et
sont proposées par différents syndicats, associations et professionnels du
journalisme en France. On peut citer les créations (ou propositions de créations)
de conseils déontologiques du journalisme. Ces mesures ne sont cependant pas
entendues par le gouvernement.

Loin de répondre au problème des fake news, et ne portant pas attention à la


situation dramatique de concentration de la presse française entre quelques mains
capitalistes ; ce projet constitue essentiellement une menace liberticide pour la
presse française et la liberté d’expression.

»» http://jrcf.over-blog.org/2018/06/loi-sur-les-fake-news-ou-haro-sur-la...
URL de cet article 33490
https://www.legrandsoir.info/loi-sur-les-fake-news-ou-haro-sur-la-liberte-de-la-presse.html

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