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Apollinaire
Apollinaire
Esthétique d’Apollinaire
Tout principe organisateur est à ses yeux source d’académisme. C’est pourquoi il est
hostile aux écoles et à leurs manifestes, qui appellent une codification de l’art.
Il n’a cessé de rêver à un mouvement qui réunirait toutes les lignes de force qui se
dégagent d’une époque et sont supérieures aux querelles et aux rivalités des groupes
et des chapelles.
Il lance un nouveau mot: l’Orphisme, qu’il commente ainsi: « Le cubisme est mort,
vive le cubisme. »
Un point de vue fondamental est que l’art ne peut se réduire à une simple
reproduction du réel. Mais, si éloigné qu’il soit de la nature dans son œuvre, l’artiste
se doit de bien la connaître et de scruter la réalité visible pour s’en dégager sans la
trahir. Aller plus loin que la perception du réel quotidien pour atteindre à la vérité
des choses est ainsi une démarche fondamentale.
L’œuvre d’art n’est pas un reflet de la nature, elle est une réalité nouvelle qui s’y
ajoute, à la fois vraie par sa présence au monde et par ce qu’elle révèle du réel, et
fausse, puisqu’elle est fiction.
Les poètes ne peuvent pas s’enfermer dans les modèles figés du passé comme le
voudraient les traditionalistes que se projeter dans l’avenir en refutant ce passé à la
manière des avant-gardes.
On ne peut prolonger, répéter le passé; mais on ne peut plus le refuser, s’en détacher.
L’œuvre de fiction
L’Enchanteur pourrissant.
Formules apollinairiennes:
- relation de la création à la nature;
- combinaison de la liberté et de l’ordre dans l’œuvre;
- refus de l’esthétisme.
Deuxième thème: réflexion sur le travail du poète, une assimilation, symbolisée par
Orphée, de la création poétique et de la recherche de la perfection à la création et à
la perfection divine.
La poésie. Alcools
Il y supprime tous les signes de ponctuation. Cette décision brusque a été souvent
interprétée comme une volonté de faire preuve d’originalité à tout prix dans le
climat d’innovation et d’émulation de l’époque.
Il suffit de lire un de ses manuscrits pour constater qu’il use de façon très
personnelle de la ponctuation. Tantôt il la néglige totalement; tantôt il la pratique
moins en application des règles de la grammaire que pour souligner la dynamique
de la phrase comme on le fait quand on parle.
Thèmes de’Alcools:
- la fuite du temps; apporte une difficulté d’être, une interrogation sur l’identité
auxquelles la poésie tente d’apporter une réponse; le monde n’est que fuite,
effacement, la vie qu’éloignement de moments présents à jamais disparus.
- l’amour n’est jamais heureux;
- la création poétique triomphe de la misère de l’homme;
- la quête du moi, le problème d’une identité qui ne cesse de se diluer dans le passé.
Apollinaire est fasciné par le vocabulaire. Il se plaît à utiliser dans Alcools, des mots
rares.
Les enchaînements sonores, dans lesquels on aurait tort de ne voir que de simples
jeux de mots, sont un élément essentiel de sa magie verbale.
Le poème est emblématique parce que, plus peut-être que tout autre, sa genèse, sa
composition, son écriture nous font pénétrer au cœur de la création apollinarienne
et illustrent la relation fondamentale de la vie à la poésie.
La poésie. Calligrammes
Par quel cheminement le poète en est-il venu à ces compositions où les mots et les
lettres s’organisent sur la page pour former un dessin, et que signifiaient-elles à ses
yeux?
Guillaume Apollinaire
Accusé d’un modernisme ouvert à toutes les tendances littéraires, plus ou moins
fondées. Possesseur d’un lyrisme hérité des romantiques mélancoliques et ouvreur
d’une nouvelle ère littéraire du discours poétique.
Apollinaire a mis en confusion ceux qui l’ont connu par les mythes dont l’écrivain
même s’est entouré: le mal-aimé, le héros de la guerre, le fantaisiste, le maître du
scandale, le défenseur d’une cause aussi désespérée que le cubisme.
Le poète s’est lancé dans l’acte d’écrire avec une telle richesse d’idées et de langages
que l’œuvre qu’il a créé a l’aspect d’un collage de textes appartenant à des âges et à
des manières littéraires différentes.
Alcools comprend des poèmes de fin d’amour et fin de la foi. C’est la recherce de
l’Absolu d’un poète qui a perdu “l’habitude de croire”.
C’est un recueil de poésie brûlante comme l’alcool, qui traduit l’ébriété d’une
conscience neuve usant des pouvoirs qu’elle se découvre sans cesse.
Le désir du poète de sentir la vie par tous les sens caractérise les deux. Boire la vie
comme une eau-de-vie est une constante d’Alcools, reprise dans Calligrammes.
La position d’Apollinaire est entre la tradition poétique et la modernité. Il est un
poète conciliateur, qui veut mettre d’accord la tradition et l’innovation.
Il désire frayer une nouvelle voie à l’inspiration, qui doit se déployer librement et
sans contraintes; l’écrivain doit s’y abandonner, ce qui explique la multitude de voix
intérieures.
Son lyrisme particulier fait naître, avant l’aventure surréaliste, un discours qui tend
à se libérer des cadres de la pensée et qui, refermé sur le discours critique, interroge
le langage, forcé par le langage même, étant lié à la dérision et au scandale.
Comme Rimbaud, il mise sur les effets de la surprise du mot dans le contexte. Le
lecteur est provoqué par des jeux textuels, par les incohérences verbales et les
ruptures syntaxiques.
L’impudeur dont le poète fait souvent preuve, surtout dans la poésie d’amour est
aussi l’impudeur de l’innovateur qui entend rafraîchir à tout prix les zones
archiconnues de l’expression lyrique en vue de libérer le poème.
Il ouvre la voie par laquelle des images appartenant à la tradition poétique font
carrière dans le discours poétique moderne.
Pourtant, le mal-aimé n’est pas un être tragique. Il rejette le passé et tout ce qui
aurait pu l’entraîner dans sa descente intérieure. Il est le poète qui a la confiance
dans les pouvoirs de son langage et rejette toute tentation pour se dédier à son
métier.
Le mal-aimé se guérit de son mal en devenant enchanteur. Les deux thèmes sont
chez Apollinaire l’espace du jeu avec les mythes. Il est préfiguré par l’attirance pour
le mythe d’Orphée, le dompteur et l’être sensible qui veut accéder à la lumière et au
soleil par le charme de son chant.
Dans sa poésie se rencontrent les grands héros des mythes (Ulysse, Icare, Orphée,
Dionysos, Héraclès). Mais dans sa vision chaque héros mythique devient un anti-
héros et démystifie le mythe jusqu’à le rendre égal de la vie même.
Les expériences du langage installent le poète dans un présent qui lui fait vivre
simultanément le passé et l’avenir sous la protection du soleil. La technique du
simultanéisme lui a été inspirée par la peinture.