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Roques René. H. de Lubac. Exégèse médiévale : les quatre sens de l'Écriture. In: Revue de l'histoire des religions, tome 158
n°2, 1960. pp. 204-219.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1960_num_158_2_9102
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en sera de même pour tous les renvois que nous ferons à l'ouvrage du P. de L. au
cours de cette étude.
1) Outre la Préface et l'Introduction de l'ouvrage, on verra, sur ces points
essentiels de méthode, les pp. 118,* 204-235 (où, surtout contre H. A. Wolfson,
le P. de L. souligne les différences entre l'exégèse chrétienne d'Origène et celle de
Philon) ; 291, n. 1 (même thèse défendue contre F. Cumont) ; 318-328, 355-333,
384-ЗЭ6, 498-533, 657-667, par ex. Mêmes thèses dans Histoire et Esprit et A propos
de Г Allégorie chrétienne (cités ci-dessus, p. 20>, n. 1).
2) Introd., p. 23 ; cf. Sur un vieux distique..., l. c, p. 347.
3) A propos d'Origène et de son respect de la lettre de l'histoire, voir encore
pp. 198-304, et Histoire et Esprit, chap. Ill, pp. 92-138, en particulier.
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1) Ces pages opposent avec une extrême vigueur le Fait du Christ aux. doc
trines intemporelles et impersonnelles de l'Antiquité païenne : « Sommet de
l'histoire, le Fait du Christ supposait l'histoire, et son rayonnement transfigurait
l'histoire » (p. 520). Le Christ est lui-même « la vraie philosophie », comme il est
lui-même le Royaume : Ipsa philosophia Christus (p. 516). Avec la même fermeté,
le P. de L. marque les différences qui séparent les distinctions propres à l'allégorie
chrétienne (figure c\> accomplissement ; ombre сч> vérité) de la distinction plato
nicienne entre opinion et connaissance vraie (8ó£a cv> áXÝ)0eta) retenue par tels
commentateurs d'Homère, par ex. (pp. 516-517).
2) Cité p. 525. Une des meilleures illustrations de cette affirmation est ce
rtainement le Liber exceptionum de Richard de S.-V.
ANALYSES . ET COMPTES RENDUS 209
14
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1) A propos de Gassien, Grégoire, Eucher et des historiens qui ont fixé l'ordre
et l'emploi de la tropologie, le P. de L. fait la remarque suivante : « Avant lui
[Cassien], l'explication de l'Écriture donnait lieu tantôt à une tropologie plus ou
moins profane et tantôt à une tropologie sacrée. Quand la tropologie venait après
l'allégorie — et même, quelquefois, après l'anagogie — elle était sacrée ; elle
dépendait de la foi ; quand elle venait avant, elle était profane, au moins en prin
cipe. Mais on conçoit qu'un auteur chrétien ne pouvait toujours s'y tenir ; et c'est
pourquoi nous voyons Gassien, qui a placé d'abord la tropologie aussitôt après
l'histoire, ne la commenter qu'en tout dernier lieu, comme pour lui rendre toute
sa signification chrétienne. Il reste que la tropologie profane qui n'aura pas sa place
marquée dans la formule de saint Grégoire, pourrait l'avoir dans la formule de
Cassien » (chap. Ill, pp. 192-193). Sur ce même point, on lira les remarques concer
nantla position ď Eucher, dont la division tripartite (littera, sensus moralis, supe
rior inlelledus) reproduit la division de la philosophie profane (physica, ethica,
logica) (pp. 193-198).
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** *
Le quatrième sens de l'Écriture est l'anagogie. C'est le plus relevé
de tous. Bien qu'intimement lié aux autres, il en représente le dernier
et le plus haut achèvement : « Le premier avènement [du Christ],
« humble et caché », sur notre terre, opère l'œuvre rédemptrice, qui
•
se poursuit dans l'Église et dans ses sacrements : c'est l'objet de l'all
égorie proprement dite. Le deuxième avènement; tout intérieur, a lieu
dans l'âme de chaque fidèle, et c'est la tropologie qui l'expose. Le
troisième et dernier avènement est réservé pour la « consommation
des siècles », quand le Christ apparaîtra dans sa gloire et viendra
chercher les siens pour les emmener avec lui : tel est l'objet de l'ana
gogie » (p. 621). Ici encore, l'exégèse du Cantique a fourni tout un jeu
de métaphores qui ont pu rendre compte de cette hiérarchie des
divers sens : à titre d'exemple, voici ce qu'Alexandre de Cantorbéry
peut en tirer : « Valde dulcis potus est historia ; sed et dulcior in
allegoria ; dulcissimus vero in moralitate ; longe autem incompara-
biliter dulcior in anagogen2. »
Assez indéterminé à l'origine, comme l'allégorie et la tropologie3,
le sens anagogique s'est progressivement limité à la recherche des
1) Dans le même sens, voir les pp. 640-641 sur Denys, Jean Scot Érigène et la
tradition qu'ils influencent, et dans laquelle, selon le P. de L., « une dissociation
tend à s'opérer entre les invisibilia et les futura, comme entre la vie mystique et la *
méditation de l'Écriture » (p. 641).
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1) Sur ce même sujet, voir encore Chenu, La théologie au XIIe siècle, déjà cité.
2) La fin de la citation est empruntée à J. Gonsette.
3) On notera que les deux formules comprennent seulement trois termes,
dans lesquels, il est vrai, on peut faire entrer les quatre « sens » de la formule
devenue classique et que nous venons d'étudier.
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