Flagrant Octobre2010_Octobre 2010 10-10-04 13:20 Page1
Le Flagrant Délit
Les femmes ont le droit
Philippe Cordisco
pcord080@uottawa.ca
Rencontrer des filles de la Section
de droit civil n’a jamais été aussi
facile. Elles sont non seulement
plus nombreuses en quantité,
mais aussi en proportion. Les pre-
mières années à la licence ont ra-
rement atteint cette masse
démographique et les deux der-
nières cohortes comptent deux
étudiantes pour un étudiant.
Alors qu’en 2008, 59 % des 229
membres du corps estudiantin
était de sexe féminin, ce rapport
passe en 2009 à 66  % des 244
inscrits et en 2010 à 65 % des 300
inscrits. « Ce n’est pas une dispa-
rité épouvantable, nous sommes
une faculté assez équilibrée » sou-
tient la vice-doyenne aux études,
Mistrale Goudreau. Aucune étude
administrative ne permet actuelle-
ment de déterminer si la plus
grande quantité de femmes ac-
ceptées est due à leurs meilleurs
résultats scolaires antérieurs ou
simplement à la plus grande pro-
portion de demandes d’admission
par celles-ci.
Une dépêche de l’Agence France-
Presse relatait récemment que
plus de femmes que d’hommes
obtiennent dorénavant des docto-
rats aux États-Unis. À Fauteux,
cette réalité est frappante. Les
femmes dominent les études su-
périeures en droit.  La tendance
statistique de deux femmes pour
un homme semble se confirmer au
niveau des études doctorales.
En dehors de Mcgill, une re-
cherche non-exhaustive effectuée
rapidement sur les sites Internet
des universités montre que la plu-
part des corps professoraux des
MENTOR 2010/2011
Octobre 2010 Vol. 4 No 1
facultés de droit du Québec sont à
parité homme-femme. La direc-
trice du doctorat Marie-Ève Syl-
vestre soutient que l’université
d’Ottawa a fait un grand effort à ce
sujet sous l’impulsion de l’ex-
doyenne Nathalie Desrosiers. Ce-
pendant, à son avis, certaines
difficultés structurelles sont encore
présentes dans l’univers des
grands cabinets. Même si la pra-
tique privée s’est modernisée, les
adaptations faites dans les der-
nières années ne reflètent pas
idéalement les sensibilités asso-
ciées à la natalité, ou encore aux
longues heures de travail qui ac-
compagnent le grade hiérar-
chique. La lutte pour les droits des
femmes est en évolution et selon
la professeure Sylvestre, « il s’agit
plus d’un discours de revendica-
tions que d’un discours de vic-
time. »
Les deux intervenantes de la Sec-
tion s’entendent sur le besoin
VOUS VOYEZ-VOUS
CHEZ NOUS?
www.stikeman.com
d’améliorations en droit du travail.
La disparité homme-femme est
toujours d’actualité sur le marché
du travail privé, alors que la majo-
rité des associés des grandes
firmes sont des hommes. Mme
Goudreau explique cette situation
par une problématique de concilia-
tion travail-famille. « Le vrai pro-
blème, c’est l’harmonisation des
Photo: Philippe Cordisco
demandes de la vie familiale avec
le travail… et par famille j’entends
aussi les personnes âgées. Il n’y a
pas de souplesse qui permette
d’être absent au travail en droit.
On peut difficilement se faire rem-
placer quand il faut plaider devant
la cour suprême et on remarque
que les femmes ont davantage
tendance à raccourcir leurs heures
de travail pour accommoder leur
famille. »
La Section prend du poids
Selon la professeure Goudreau,
les grandes quantités de de-
mandes d’admission sont conjonc-
turelles et le millier de tentatives
de cette année est exceptionnel.
Plus de premières années que
d’habitude ont accepté l’offre de la
Section en s’inscrivant, ce qui en-
traîne une maximisation des res-
sources. Des classes bondées
entraînent aussi des inconvé-
nients au niveau de la proximité
professeur-étudiant. La faculté
déjà optimisée, l’administration
semble victime de son succès.
Bien que certaines mesures aient
été prises pour faire face aux dé-
bordements, Mme Goudreau re-
connaît d’office les problématiques
à venir et semble confiante en la
capacité de la Section à s’en tirer
sans trop de heurts. « On ne pré-
tend pas que c’est l’idéal d’en-
voyer les étudiants au pavillon
Lees, mais on vit dans un système
d’offre et de demande… et il faut
répondre à la demande. » Les pro-
fesseurs de première année sont
certainement les plus sollicités par
la hausse d’admissions et les
heures de bureau risquent d’être
assiégées. Quoi qu’il en soit, les
quelques professeurs rencontrés
par le Flagrant semblent occupés
comme à leur habitude sans né-
cessairement être épuisés en ce
début d’année.
Pour permettre à un professeur de
contribuer de façon majeure à la
recherche juridique, et ainsi pas-
ser de professeur agrégé à titu-
laire, la faculté devrait en fait
réduire les tâches d’enseignement
de ses professeurs. Pris entre l’en-
seignement et la recherche, la
Section s’est rajeunie dans les
dernières années et les profes-
seurs sont très sollicités par leurs
tâches scolaires, ce qui peut être
un enjeu quant à la publication du
savoir selon Mme Goudreau.
STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. AVOCATS
Flagrant Octobre2010_Octobre 2010 10-10-04 13:20 Page2
Octobre, 2010
Délai d’attente record à la Cour suprême?
Catherine Blanchard
cblan016@uottawa.ca
Alors que la population québécoise
jouit de services assurés en ma-
tière de procréation assistée, Qué-
bec attend toujours la décision qui
confirmera – ou affaiblira – ses
pleines compétences en la ma-
tière.
Le 5 août dernier, la population
québécoise voyait son système de
santé public entrer dans le do-
maine de la procréation assistée.
Depuis cette date, le Québec fi-
nance les activités médicales et les
médicaments liés à l’insémination
artificielle et à la fécondation in
vitro.
Auparavant, le régime de santé pu-
blic québécois donnait un crédit
d’impôt aux familles ayant recours
aux méthodes de procréation as-
sistée. Avec l’entrée en vigueur de
la Loi sur les activités cliniques et
de recherche en matière de pro-
création assistée, ce sont les frais
totaux couvrant jusqu’à trois essais
par femme que Québec s’est en-
gagé à débourser pour les couples
infertiles.
3500 cycles de fécondation in vitro
sont prévus pour 2010-2011. On
prévoit atteindre la capacité maxi-
male du projet en 2014-2015, avec
un total de 7000 cycles pour un
montant de 63 millions de dollars.
Face de livre, un ami empoisonné
Gabrielle Fortier-Cofsky
gfort099@uottawa.ca
Tout le monde peut penser à une
photo d’un moment embarrassant,
de type party-de-faculté-trop-ar-
rosé, qu’un ami s’est assuré d’affi-
cher sur Facebook le lendemain.
La plupart du temps, ces photos
ont des conséquences relative-
ment inoffensives, mais qu’arrive-
rait-il si elles servaient comme
preuve au niveau criminel ou en
instance de divorce, ou encore
comme critère décisif dans l’obten-
tion d’un emploi? Avec ses plus de
400 millions d’utilisateurs, Face-
book pose de nouveaux problèmes
qui dépassent largement le cadre
virtuel.
En matière de Charte, l’utilisation
de Facebook comme preuve au ni-
veau judiciaire amène certaines in-
terrogations quant à la protection
de la vie privée, droit garanti par
l’art.5 de la Charte québécoise des
droits et libertés. La multinationale
a récemment adopté un niveau de
sécurité minimal automatique pour
les comptes, faisant en sorte que
n’importe qui peut accéder aux in-
formations personnelles et aux
photos d’une personne. Ces para-
Le Flagrant délit
Nouvelles
La Loi, de même que deux règle-
ments connexes, encadre aussi,
dans une certaine mesure, la pra-
tique au Québec. En effet, on y
édicte entre autres, les conditions
de délivrance de permis pour les
cliniques qui voudront pratiquer les
interventions, les personnes à qui
le service peut être délivré, les
conditions de conservation du ma-
tériel nécessaire pour procéder aux
interventions.
En coulisse
Alors qu’il s’agit d’une victoire pour
les couples infertiles québécois,
dans les coulisses juridiques, l’his-
toire ne s’arrête pas là… et ne date
pas d’hier!
La Loi sur la procréation assistée,
adoptée par le Parlement fédéral le
29 mars 2004, interdit et sanc-
tionne certaines pratiques, telles
que le clonage. Ce premier objectif
entre dans la compétence crimi-
nelle du Parlement. Or, le second
objectif de la Loi vise à encadrer et
réglementer les pratiques directe-
ment liées à la procréation assis-
tée.
Le gouvernement québécois a
perçu cette initiative fédérale
comme un empiétement sur son
champ de compétence en matière
de santé. C’est pourquoi la déci-
sion du 19 juin 2008 de la Cour
d’appel du Québec, Québec (pro-
mètres ont été très critiqués au Ca-
nada et ailleurs dans le monde.
Un recours collectif a récemment
été intenté au Québec contre le ré-
seau social, après la même initia-
tive au Manitoba. Le plaignant
avance qu’avec environ 42% des
Canadiens membres de Facebook,
il est nécessaire que le géant as-
sure certaines normes pour proté-
ger ses utilisateurs. Il ajoute que
les données des utilisateurs de-
meurent leur propriété malgré leur
publication sur le site, et que, par
conséquent, diminuer le niveau de
sécurité sans demander le consen-
tement des membres constitue une
faute. La politique de sécurité de
Facebook confirme que la pro-
priété du contenu reste celle de
l’utilisateur. Cependant, il semble-
rait qu’il existe un manque de
contrôle dans l’utilisation des don-
nées.
S’agit-il d’un manque de diligence
de la part des utilisateurs, ou doit-
on blâmer les administrateurs de
Facebook qui permettent un aussi
grand déploiement des informa-
tions?
D’après Tamir Israel, avocat de la
cureur général) c. Canada (Procu-
reur général), a fait le bonheur de
la province. En concluant que
«  l’objectif du Parlement n’[était]
pas de combattre une activité illi-
cite, mais de remettre entre les
mains du gouvernement fédéral le
pouvoir de réglementer la procréa-
tion assistée », la Cour a déclaré
inconstitutionnels 22 articles de la
Loi fédérale.
Entre temps, Québec a entrepris
l’écriture de sa Loi sur les activités
cliniques et de recherche en ma-
tière de procréation assistée. Les
circonstances entourant son élabo-
ration si rapide ont laissé entendre
une prise de position constitution-
nelle du Québec, selon qui la santé
est l’affaire des provinces.
« À qui la compétence? » se de-
mande-t-on en fin de compte. La
question, portée en appel, a été
entendue par la Cour suprême le
24 avril 2009, deux jours seule-
ment après l’adoption de la Loi pro-
vinciale par l’Assemblée nationale.
L’entracte
La réponse à cette question, Qué-
bec l’attend depuis bientôt un an et
demi. Une attente considérée
comme l’une des plus longue de
l’histoire de la Cour.
Selon les statistiques de la Cour
suprême, le temps moyen d’attente
entre l’audition et le jugement en
2009 était de 7,4 mois. Il s’agit du
Clinique d’intérêt pu-
blic et de politique
d’internet du Canada
(CIPPIC), la loi cana-
dienne sur la protec-
tion des
renseignements per-
sonnels créés une obligation addi-
tionnelle pour les utilisateurs.
Ceux-ci ont la responsabilité de
s’informer sur les modalités du ré-
seau en matière de vie privée. Ce-
pendant, les internautes ne
peuvent raisonnablement pas s’in-
former de toutes les modifications
que Facebook fait à ses paramè-
tres. La CIPPIC soutient donc qu’il
existe un déséquilibre entre les
obligations de Facebook et de ses
membres, et que par conséquent
la législation devrait être modifiée
afin d’augmenter le fardeau du ré-
seau social.
En matière d’emploi, un sondage
mené en 2009 a permis de consta-
ter que 45% des employeurs amé-
ricains utilisaient les réseaux
sociaux pour trouver des informa-
tions sur les candidats. Une étude
française a quant à elle révélé que
47% des employeurs utilisaient les
réseaux sociaux pour s’enquérir de
potentiels employés.
p.2
délai moyen le plus long depuis la
fin du XXe siècle, la moyenne entre
1999 et 2008 étant de 5,4 mois.
Dans l’affaire en l’espèce, nous en
sommes maintenant à 17 mois
d’attente.
L’attente la plus longue de l’his-
toire? Aucun chiffre ne le confirme.
Mais sa durée paralyse. «  Avant
même que ça ne soit contesté de-
vant les tribunaux, c’était tout l’as-
pect règlementaire des pratiques
de procréation assistée qui était
mal définie  », explique la profes-
seure à la Section de droit civil Mi-
chelle Giroux. «  Oui, les délais
actuels participent au flou en ma-
tière d’encadrement, mais des dé-
lais, il y en a depuis le début. »
Comme le mentionne Mme Giroux,
il est compréhensible que les deux
niveaux de gouvernement fassent
preuve de déférence envers la
Cour suprême, pour ne pas agir
sans qu’elle ait définitivement
rendu une décision. « Pendant ce
temps, on demeure avec une acti-
vité règlementaire faible. Que la
Cour penche pour l’un ou l’autre
des paliers, cela ne devrait pas
empêcher Québec ou Ottawa
d’édicter des mesures claires en
matière d’encadrement. Celles-ci
pourraient simplement être ulté-
rieurement ajustées en fonction
des compétences de chacun  »,
ajoute-t-elle.
En droit du travail français, le cas
Boulogne-Billancourt a créé un
nouveau précédent quant à la l’in-
gérence des employeurs dans la
vie du personnel. Trois employés
qui ont critiqué leur lieu de travail
sur Facebook ont été congédiés
sous motif de faute lourde lorsque
ces plaintes sont venues à la
connaissance de l’employeur.
S’agissait-il d’un congédiement
justifié? La question reste litigieuse
en France, la jurisprudence n’ayant
jamais fait face à un problème si-
milaire.
Internet et Facebook continueront
de créer de nouvelles situations
auxquelles le législateur n’avait
pas prévu faire face. Jusqu’à ce
que des mesures législatives
soient prises, les usagers devront
faire preuve de diligence dans le
partage d’informations afin de s’as-
surer que leur droit à la vie privée
soit respecté.
Flagrant Octobre2010_Octobre 2010 10-10-04 13:20 Page3
p.3
Aide alimentaire et châtiment
Chronique associée au club de droit de l’environnement
Nikola Todorovic
ntodo008@uottawa.ca
Les populations du Sahel sont ac-
tuellement dans une situation pré-
caire de malnutrition aigüe
laissant prévoir inévitablement
une famine régionale de grande
envergure. Pourtant en 1974 lors
de la dernière famine de la sorte
qui avait frappé la région et
condamné à mort 25 millions d’in-
dividus, la société internationale
avait dit  : Plus jamais  ! et avait
promit de prendre les mesures
nécessaires pour enrayer le pro-
blème. Néanmoins aujourd’hui
plane sur le Sahel le même scé-
nario, ressemblant fortement à la
vision cataclysmique décrite dans
l’apocalypse selon St-Jean.
Certes, nous ne sommes pas
dans l’attente d’observer un cava-
lier monté sur un destrier noir por-
tant une balance semant la
faim.  Les changements clima-
tiques, les conflits armés et la dé-
sertification des terres arables
sont plutôt les investigateurs de
telles souffrances humaines à
grande échelle dans la région.
Comment combattre ce fléau qui
frappe le Sahel et les autres ré-
gions dans le monde qui connais-
sent le même châtiment? Telle est
la question qu’on pose habituelle-
ment aux organisations internatio-
nales, ONG et aux
Cristina Rogov
crogo040@uottawa.ca
Elles sont peu nombreuses et leurs
tristes histoires varient, mais les
femmes qui tuent leurs enfants ont
un point en commun : la possibilité
d’être traitées moins sévèrement
que les autres accusés qui tuent un
être humain.
Au Canada, l’infanticide est une
forme d’homicide coupable en
vertu de l’article 222 du Code cri-
minel du Canada. Durant l’au-
dience de l’affaire R. c. L.B. qui est
passée devant la Cour d’appel de
l’Ontario le 23 septembre 2010, la
Couronne a allégué qu’une femme
souffrant de dépression post-par-
tum ou autre type de troubles psy-
chiatriques accrus dus à ne pouvaient pas entretenir un en-
l’accouchement ne devrait subir
une condamnation d’infanticide. Ce
type de crime est punissable d’un
maximum de cinq ans de prison.
D’autre part, la défense a allégué
que dès qu’il y a preuve de dépres-
sion post-partum, cela est suffisant
Le Flagrant délit
Nouvelles
gouvernements bailleurs d’aide
internationale. Une solution pro-
posée dans ce cas-ci ne vient pas
de ces groupes traditionnels,
mais des multinationales semen-
cières. Avec le développement
des biotechnologies dans les an-
nées 90, on remarque un accrois-
sement de l’aide alimentaire
contenant des produits généti-
quement modifiés. Cette aide
peut prendre deux formes, soit la
distribution de semences GM
pour l’agriculture ou simplement
par la donation de denrées ali-
mentaires contenant des OGM.
Selon les compagnies, le remède
est simple. Implanter dans les ré-
gions non autosuffisantes sur le
plan alimentaire des semences
génétiquement modifiées pour
accroitre la production et la qua-
lité nutritionnelles des aliments
produits localement1. Le cas du
Golden Rice, même si hautement
controversé, représente un bon
exemple de ce type d’aide ali-
mentaire2. L’implantation des bio-
technologies agronomiques dans
le sud est une préoccupation im-
portante pour la Food and Agricul-
ture Organisation (FAO), afin de
soutenir durablement la produc-
tion alimentaire nationale dans les
pays ayant un faible taux d’indé-
pendance alimentaire3.
À la suite des sauterelles bi-
bliques destructrices de la pro-
duction agricole et de la cavalerie
de la famine, les régions qui re-
çoivent l’aide ne semblent pas
Tuer son enfant
pour une condamnation d’infanti-
cide au lieu de meurtre. La ques-
tion qui se pose dans cette affaire
est de savoir si la femme était ra-
tionnelle ou non lors de l’acte,
preuve qui pourrait mener à une
condamnation d’infanticide ou de
meurtre.  fanticide du Code criminel. Comme
«  Les femmes ont d’autres solu-
tions face à une grossesse non dé-
sirée  » dit la juge en chef de la
Cour suprême Beverly McLachlin
dans son rapport intitulé Crime and
Women - Feminine Equality and
the Criminal Law. Il faut noter qu’en
1955, au moment de l’introduction
du crime d’infanticide dans le Code
criminel, le but était de condamner
moins sévèrement les femmes qui
auraient commis l’adultère ou qui
fant à cause de leur situation finan-
cière. De plus, la vie d’un enfant
était considérée moins importante
que la vie d’un adulte. Aujourd’hui,
par contre, le crime d’infanticide tel
que défini dans le Code criminel
canadien n’est pas adapté aux
vouloir de l’achèvement, le troi-
sième malheur apocalyptique. En
effet, la croissance des OGM
dans l’aide alimentaire internatio-
nale ne fait pas l’unanimité et
porte inévitablement au débat.
Lors de la conférence sur la fa-
mine au Sahel tenue à l’Univer-
sité d’Ottawa, les représentants
d’ONG au Sahel ont observé une
position contre ce type d’aide dû
à l’incertitude scientifique sur la
question. Cette attitude nous rap-
pelle celle de la Zambie, de l’Inde,
des groupes paysans des Philip-
pines et de l’Amérique latine qui
ont tous refusé d’accepter de
l’aide alimentaire GM provenant
des États-Unis. Ces groupes mo-
tivent leurs réticences par le prin-
cipe de précaution5 retenu dans la
Déclaration de Rio sur l’environ-
nement et le développement.
Ainsi, l’incertitude scientifique sur est un enjeu de taille qui
les OGM et ses conséquences
potentiellement irré-
versibles représente
Club de droit de l’environnement
une raison suffi-
sante pour appliquer
ce principe de pré-
caution. La préoccu-
pation est
également retenue
pour la dépendance
des agriculteurs de
produits GM aux
grandes firmes mul-
tinationales semen-
cières. Les
compagnies militent
donc contre la des-
mœurs sociales, et on se retrouve
parfois devant des cas où des
femmes cherchent une accusation
d’infanticide au lieu de meurtre
pour la simple raison de subir une
sentence de moins de cinq ans à la
place de 25 ans.  pas figurer dans la définition d’in-
Un point soulevé récemment par la
Couronne dans l’affaire R. c. L.B.
est que pour subir une condamna-
tion d’infanticide, le crime doit plu-
tôt ressembler à un homicide
involontaire coupable. Dans le cas
de L.B., elle a asphyxié son pre-
mier enfant quand elle avait 17
ans, et commis le même acte en-
vers son deuxième enfant quatre
ans plus tard. Compte tenu de la
définition d’homicide involontaire
coupable inscrite dans le Code cri-
minel, ces deux actes ne ressem-
blent pas à un homicide
involontaire coupable. L’intention
de L.B. de tuer ses deux enfants a
été soulevée par l’État à maintes
reprises durant le procès. Dans ce
cas, le procureur public allègue
qu’une conviction d’infanticide ne
Octobre, 2010
truction de l’indépendance et de
l’autonomie de l’agriculteur, une
conséquence structurelle qui
pourrait s’avérer beaucoup plus
onéreuse et dévastatrices que la
malnutrition actuelle. Ce compor-
tement, même s’il est bien sou-
vent interprété par une ingratitude
de la part des pays récipients
d’aide, peut aussi être traduit par
une prise de conscience beau-
coup plus réfléchie. Ce n’est pas
parce que le Très-Haut semble
les délaisser que ces populations
feront un pacte avec le diable.
Surmontant le cavalier de la fa-
mine par des solutions autres que
celle de la biotechnologie, ils évi-
tent peut-être une catastrophe
plus grande pour les générations
futures. Reprenant le principe de
l’équité sociale, un pilier reconnu
du développement durable, la dé-
fense pour l’autonomie fermière
n’épargne aucun mangeur.
devrait pas être admissible. 
Malgré le fait que la dépression
post-partum soit une maladie réelle
et sérieuse, prendre intentionnelle-
ment la vie d’un enfant ne devrait
la Couronne l’a mentionné dans R.
c. L.B., l’infanticide devrait être très
différent d’un meurtre. On se de-
mande alors où faire la distinction
entre le meurtre et l’infanticide. La
réponse à cette question fait l’objet
d’un débat flagrant. 
La définition d’infanticide introduite
dans le Code en 1955 a été basée
sur la supposition que les femmes
étaient des créatures faibles et ir-
rationnelles. Aussi, le législateur
s’est appuyé sur des données
scientifiques discréditées. Il semble
qu’un amendement législatif soit
dorénavant nécessaire afin d’adap-
ter la définition du crime d’infanti-
cide à la réalité moderne de la
société canadienne.
Flagrant Octobre2010_Octobre 2010 10-10-04 13:20 Page4
Octobre, 2010 Le Flagrant délit
Vie Campus
Mot de bienvenue de la présidente de l’AEEDCO
En approchant le Pavillon Fau-
teux, le 6 septembre dernier, pa-
pillons dans le ventre, tous se
posaient les mêmes questions; un
mélange d’excitation, de nervosité
avec fierté et ambition; exacte-
ment comme la première d’un
grand spectacle. Une fois les ri-
deaux levés, tous sont prêts pour
le début de l’histoire. Une se-
maine d’accueil fabuleuse où
énergie et enthousiasme ont su
régner.
Photo Philippe Cordisco
Que faire maintenant? C’est le
début d’une aventure pour cer-
tains, et pour plusieurs un retour à
la source. Parce que, sans aucun
doute, Fauteux fera, s’il ne le fait
pas déjà, partie de votre vie quoti-
dienne. C’est pourquoi l’AÉÉDCO
Alik Angaladian n’arrête jamais; dans l’unique but
aanga029@uottawa.ca de rendre votre environnement fa-
vorable aux rencontres, aux car-
«Attention, mesdames et mes- rières et, évidemment, à civil de l’université d’Ottawa.
sieurs, dans un instant on va com- l’apprentissage. Mais, le rôle de
mencer. Installez-vous dans votre l’AÉÉDCO ne sera pas tout sim-
fauteuil bien gentiment… 5, 4, 3, plement de mettre en place le
2, 1... décor. C’est aussi d’agir à titre de
monteur de scène et de produc-
Le financement gouvernemental dans
les réserves comme motif de discrimination
Stephanie Morin
smori056@uottawa.ca Si je n'étais pas un autochtone,
serais-je mieux traité?
Les services de soutien à l’en-
fance et à la famille en milieu au- Cette question soulevée par une
tochtone sont sous financés femme de caractère, Mme Cindy
d’environ 22 % en comparaison Blackstock, se retrouve mainte-
aux organisations provinciales. Le nant devant les tribunaux cana-
gouvernement fédéral verse un diens. Malgré l'acharnement du
montant peu élevé sur la base que gouvernement (tentative d’annula-
seulement 6 % des enfants dans tion de la cause pour des irrégula-
les réserves en bénéficient. En rités techniques, déclaration de la
réalité, le ratio d’enfant sur les ré- demande inconstitutionnelle, sup-
serves à avoir besoin de tels ser- pression du financement de l’orga-
vices s’estime à près de 28 %. La nisation dont elle est la directrice,
statistique fait peur, surtout etc.), elle persiste dans l’espoir
lorsqu’on la compare à celle des d’un changement pour les généra-
non autochtones, où près d'un en- tions futures. Lors de la touchante
fant sur 200 nécessite le soutien conférence du 22 septembre à
des organisations gouvernemen- l’auditorium des anciens de l’uni-
tales. versité d’Ottawa, son dévouement
fut à l’honneur. Des collègues et
militants ont souligné qu'elle le fait
par altruisme, car « en fin de
compte, il n’y a pas de millions qui
attendent Cindy si elle remporte
cette cause ».
Photo: Liam Sharp et Cindy Blackstock
Les causes de justice sociale et de
droit humain ne sont pas parmi
celles qui gonflent beaucoup le
portefeuille des avocats. Ce sont
toutefois ces causes qui forment
l’avenir d’une société et les
normes d’équité pour demain. La
présente affaire ne fait pas excep-
tion à cette règle. First Nations
Child and Family Caring Society et
al. c. Procureur général du Ca-
nada est aujourd’hui la cause du
tribunal canadien des droits de la
teur. C’est donc de dire que cette
année, tout en conservant les
classiques de la faculté de droit
civil, nous travaillons à la création
de nouveaux évènements qui
pourront vous intéresser; portes
ouvertes dans des cabinets, dé-
gustation de vin, création de
cartes professionnelles parfaites
pour le réseautage, dîners-confé-
rences, juste pour en nommer
quelques-uns.
Ainsi, que vous soyez de type
classique, ou extravagant, il y
aura de la place pour vous dans
notre pièce de théâtre, notre mise
en scène pour l’année 2010-2011.
Des fidèles cocktails aux insolites
law games, en passant par le sou-
per étiquette et les partys du co-
mité social, tous les moyens
seront bons pour mettre en valeur
les couleurs de la faculté de droit
Comme vous le constaterez vous-
même, chaque année est diffé-
rente. Si elles commencent toutes
avec un rideau qui se lève sur une
scène de septembre, ce n’est que
personne la plus suivie par les mé-
dias et la population canadienne
de toutes les provinces confon-
dues.
Depuis 2008, le gouvernement fé-
déral, dans un rapport de la vérifi-
catrice générale du Canada, a
reconnu que le sous-financement
des services d’aide à l’enfance et
à la famille entraine des répercus-
sions majeures pour les enfants
autochtones puisque ces derniers
ne peuvent bénéficier d’un place-
ment dans une famille vivant dans
les réserves. Alors que les enfants
non autochtones sont placés pour
avoir subi agression sexuelle ou
violence, les enfants autochtones
le sont pour négligence induite par
la consommation, la pauvreté et le
logement inadéquat.
De nos jours, trois fois plus d’en-
fants sont placés en dehors de
leurs familles qu’au temps des
pensionnats indiens.
À l’heure où le premier ministre
Harper fait des excuses officielles
pour ce qui s’est produit durant
l'épisode des pensionnats indiens,
on se demande quelle fut la leçon
tirée de cette triste période. Le
gouvernement du Canada se bat
encore contre l’égalité des droits
de la nouvelle génération autoch-
tone de notre pays. Son argument
principal dans la présente affaire
est que le financement ne peut
être considéré comme discrimina-
toire puisqu’il n’est pas inclus dans
p.4
pour mieux prendre un envol
unique à vos désirs et ambitions
par la suite.
En tant qu’étudiants et étudiantes,
nous sommes tous plongés un
jour ou l’autre dans un courant où
le temps semble nous manquer.
Par contre, il faut toujours savoir
trouver ce temps. Attention! Ce
n’est pas une invitation à malme-
ner vos études non plus! C’est
plutôt une invitation à trouver
l’équilibre parfait pour vous étu-
diants et futurs juristes. Voilà pour-
quoi je vous invite, tout
particulièrement aujourd’hui, à ré-
fléchir à ce que vous attendez de
votre expérience à la faculté de
droit de l’université d’Ottawa.
C’est pour cela que l’AÉÉDCO
vous encourage à partager toutes
vos suggestions, ainsi que vos
idées, pour faire de cette histoire
votre chef-d'œuvre.
le terme « service » qu’on retrouve
à l’article 5 de la loi canadienne
sur les droits de la personne.
Lorsque le gouvernement accorde
200 millions pour un G8 et G20,
139 millions par avion F-35, 2,5
millions en bouteilles d’eau
(presque seulement dans la région
de Gatineau-Ottawa) et 63 millions
en affiches pour inviter les jeunes
à s’enrôler dans l’armée, n'est-il
pas légitime de se demander si les
droits humains ont toujours une
place importante au Canada?
L'éternel débat fédéral-provincial
Le provincial doit gérer les centres
d’aide aux familles, mais tout ce
qui touche aux autochtones doit
être règlementé par le fédéral.
Sommes-nous dans une im-
passe? Le tribunal canadien des
droits de la personne a terminé les
audiences en juin 2010 et le juge-
ment se fait maintenant attendre.
Mme Blackstock est déterminée.
Si le tribunal donne raison au gou-
vernement, elle veut se rendre
jusqu'à la Cour suprême.
First Nations child and family ca-
ring Society of Canada est tou-
jours à la recherche de bénévoles
intéressés à participer à la rédac-
tion et à l’analyse de documents
légaux.
Flagrant Octobre2010_Octobre 2010 10-10-04 13:21 Page5

Octobre, 2010 Le Flagrant délit p.6

Le pouvoir de l’opposition
Jo-Annie Charbonneau
jchar151@uottawa.ca
« Nous gagnons constamment du
terrain, mais pas assez pour reven-
diquer le gouvernement » déclare
en entrevue le chef adjoint du Nou-
veau Parti démocratique (NPD),
Thomas Mulcair. De passage au
pavillon Fauteux, le bouillant Irlan-
dais soutient qu’il est réaliste de
croire que le parti occupera le rôle
de l’opposition officielle à la suite
des prochaines élections.
Le chef néo-démocrate Jack Lay-
ton était à l’horaire de la confé-
rence depuis un certain temps,
mais comme c’est souvent le cas
en politique, un changement de
dernière minute est survenu, et
c’est Thomas Mulcair qui s’est pré-
senté. Sa conférence portait sur le
rôle des partis de l’opposition dans
un gouvernement minoritaire.
Natif d’Ottawa, formé en droit à
l’université McGill et ancien ensei-
gnant de l’Université du Québec à
Trois-Rivières, M.  Mulcair entre-
prend sa carrière comme député
provincial du Parti libéral du Qué-
bec. Il a rejoint les rangs du Nou-
Vie Campus
veau Parti démocratique en élec-
tion partielle en 2007, et a été réélu
lors de la campagne de 2008
comme député d’Outremont. Sa
vaste expérience lui a permis de
venir poser un regard extérieur sur
ce qui pourrait bien être le « nou-
veau gouvernement ».
La conférence a d’abord débuté
par un bref historique gouverne-
mental rappelant aux étudiants que
le premier gouvernement au Ca-
nada, en 1867, en était un de co-
alition. «  Le Canada est
présentement dans une situation
historique. C’est la première fois de
l’histoire que nous avons un troi-
sième gouvernement minoritaire
d’affilé » a indiqué M Mulcair. De ce
fait, il s’agit d’une situation d’adap-
tation constante, tant de la part des
membres du gouvernement, que
de l’opposition et de la population.
En étant minoritaire, le gouverne-
ment a besoin d’un parti de l’oppo-
sition pour faire adopter les projets
de loi qu’il veut, ce qui est superflu
dans un gouvernement majoritaire.
Selon M. Mulcair, le NPD a grande-
ment profité de la minorité. Cette
partie de la conférence a d’ailleurs
permis la promotion de certaines
idées du NPD. Le chef adjoint ne
s’est pas caché d’avoir une ligne
de parti, et a tenté de promouvoir
les réalisations de son chef. Il a
donc affirmé que les négociations
entre Jack Layton et Stephen Har-
per ont souvent été bénéfiques
pour le parti. Il est souvent question
de voter avec le gouvernement au
pouvoir en échange de certaines
concessions. C’est de cette façon
que le NPD a obtenu de l’argent
pour les municipalités, le transport
en commun, l’assurance maladie
et les régimes de retraite.
M Mulcair soutient que « le principe
de gouvernement minoritaire est
dorénavant la nouvelle norme au
Canada  ». Ce qui constitue, en
quelque sorte, un certain retour
aux sources.
M. Mulcair a alloué une grande
partie de sa conférence à une pé-
riode de questions, ce qui l’a fait
dévier du sujet principal tout en lui
permettant d’émettre des opinions
sur certains sujets. Voici ce qui est
ressorti de ses réponses :
En tant que représentant du NPD,
il est en faveur du système électo-
ral proportionnel et il est également
pour le gouvernement de coalition.
Il croit en sa validité, puisqu’il pré-
tend que le NPD est prêt à travail-
ler avec tous ceux qui seront au
pouvoir;
Petite primeur, le prochain slogan
du parti est : « NPD, plus que ja-
mais »;
À ses yeux, le faible taux de parti-
cipation aux élections doit être pris
en considération puisqu’il s’agit
d’un grave problème de démocra-
tie;
Il considère comme un affront im-
pensable que la seule province
majoritairement francophone du
Canada n’ait pas encore signé la
Constitution;
M Mulcair est pour l’abolition de la
monarchie, car il est contre la suc-
cession héréditaire. « On en a déjà
assez de Justin Trudeau  », a-t-il
maugréé.

Les frontières invisibles

Caroline Bédard
cbeda060@uottawa.ca
Les barreaux ont été retirés depuis
bien des années, mais au sein
même de la collectivité une fron-
tière persiste.
Au cours de l’été, plusieurs étu-
diants de droit ont eu la chance de
partir à la recherche de l’ordre juri-
dique innu dans la région de Sept-
Îles. Il s’agit d’un cours optionnel,
offert simplement durant l’été. L'ex-
périence gagne chaque année en
popularité, l’administration scolaire
ayant même dû ouvrir un deuxième
groupe pour combler l’achalan-
dage. Les trois crédits permettent
non seulement d’en apprendre da-
vantage sur les Innus (termes qui
traux qui sont enseignés à l'inté-
rieur des murs de Fauteux. Il ne
s’agit plus ici d'exprimer comment
la société majoritaire régit les au-
tochtones, mais plutôt comment
ceux-ci vivaient avant notre arri-
vée. Le cours remplit très bien sa
fonction première, soit de mettre
les étudiants face à la réalité des
Innus. Durant la totalité du séjour à
Sept-Îles, il est possible de comp-
ter sur les doigts d’une main les
discussions qui n’ont pas tourné
autour des autochtones. La prise
de conscience est forte. Les étu-
diants se questionnent sur la majo-
rité des aspects de la vie des Innus
et sur le comportement que la so-
ciété majoritaire entretient à leur
égard.
nauté. Les Sept-îliens
évitent les rapports
entre autochtones et
non-autochtones.
Certains étudiants ont
pu constater cette rup-
ture lors d’une journée
sans classe. Ils ont fait
une visite de la ville
avec une citoyenne qui
leur a mentionné que
c’était seulement parce
qu’ils insistaient pour
passer par la réserve
de Uashat qu’elle leur
montrait ce côté de la
ville. Elle a souligné que
les habitants évitent
normalement cette sec-
tion.
Crédits Philippe Cordisco

signifient être humain, nous Au sein même de la communauté

sommes donc tous Innus), mais
aussi de découvrir leur habitat.
Avant la sédentarisation, les au-
tochtones de tous les clans se re-
groupaient sur les rives de la baie
de Sept-Îles durant l’été.
Pendant les dix jours que dure le
cours, les étudiants ont la chance
d’entrer en contact avec de nom-
breux aînés innus qui racontent
leur vie dans les bois, la sédentari-
sation et même l'épisode plus dur
des pensionnats. L'expérience n’a
rien à voir avec les cours magis-
de Sept-Îles, les préjugés à l’égard
des autochtones persistent. Le bar-
man local a rapporté au Flagrant
qu’un jeune couple autochtone lui
avait demandé s’il pouvait être
servi dans son bar avant de s’as-
seoir à une table. Ce geste laissant
sous-entendre que ce n’était pas
tous les établissements qui accep-
taient de servir les Innus. C’est ef-
fectivement ce que le couple a
confirmé au barman. Il est même
rare de voir des autochtones dans
les magasins qui ne sont pas tenus
par des membres de leur commu-
Les autochtones, pour
la plupart, évitent de
croiser, ou de soutenir,
le regard de la société
majoritaire. Les étu-
diants ont pu vivre cette
expérience lors de la vi-
site de la réserve. En sourire. Lorsque la barrière invisi-
s’arrêtant pour manger un mor- ble s'abaisse avec les autochtones
ceau sur la route du retour, un cou- de Sept-Îles, ils se révèlent être
ple autochtone à une table voisine d’excellents orateurs. Ils n’atten-
n’osait plus lever le regard en leur dent qu’un geste pour parler de
direction. Ce n’est que lorsque les leur vie présente et passée, de
étudiants les ont salués qui les ont leurs sentiments et bien entendu
regardés et leur ont offert un grand des droits qu’ils revendiquent.
Flagrant Octobre2010_Octobre 2010 10-10-04 13:21 Page6

p.5 Le Flagrant délit Octobre, 2010

Les belles histoires des pays d’en droit
Nouvelle Numéro Un
Nikola Todorovic
ntodo008@uottawa.ca
Séraphin Poudrier, inlassable
créancier, a une réputation bien
établie dans les Pays d’en Droit.
Plus craint que respecté,  une
bonne partie du comté lui appar-
tient déjà et tout le monde ou sauf
quelques rares exceptions lui doit
de l’argent. En plus d’être créan-
cier, il est également habitant,
maire de Ste-Adèle, préfet de
comté, organisateur politique et
inspecteur des lots de la couronne.
Armé du Code civil, l’infatigable
Séraphin travaille vingt heures par
jour toujours à la recherche de pro-
fits, ce qui lui vaut le qualitatif
d’avaricieux. Mais cela ne le gêne
nullement, puisqu’il agit dans les li-
mites du droit, ce qui le met à l’abri
des poursuites pour enrichisse-
ment injustifié. De plus, il accomplit
un travail exemplaire pour le gou-
vernement ce qui lui attire la bien-
veillance de ce dernier.
Une journée agréable pour Séra-
phin
Dès l’aube, il a vent au village de la
récente mise en vente de la terre
de Bidou Laloge, le frère de sa
sainte femme Donalda. Séraphin
connait bien la situation financière
précaire de son beau-frère et
Arts et culture
pense bien pouvoir mettre la patte
sur l’immeuble à un très bon prix.
En effet, Bidou pourri de vices est
un fainéant, ivrogne, courailleur de
jupons, en plus d’être un inlassable
joueur aux cartes et il doit de l’ar-
gent à la moitié du comté. Après
avoir épuisé ses minces écono-
mies et soutirer les dernières
cennes noires de son pauvre père,
Bidou n’a plus d’autres choix que
de ventre la terre pour satisfaire
ses créanciers qui se font de plus
en plus menaçants. Séraphin va
donc rencontrer Bidou qui prend un
coup à l’auberge de Ti Père. Il offre
à Bidou la somme de 600 piastres
pour sa terre qui comprend aussi pour des
les bâtiments, la maison et les y prendre un petit verre de blanc et soins médicaux à son père. En
agréments agricoles. Même si jouer une partie de cartes dans échange Bidou avait consenti une
Bidou désire plutôt 900 piastres l’assurance bien sûr de gagner une hypothèque de premier rang sur
pour la vente, il accepte tout de grosse somme d’argent! son immeuble. La lettre demande
même l’offre de Séraphin car il sait à Séraphin de payer l’hypothèque.
pertinemment que personne C’est ainsi que M le maire ajoute Passé maître dans l’art des
dans  la région ne dispose d’une une nouvelle acquisition à ses créances, Séraphin avait pourtant
pareille somme à l’heure actuelle. nombreuses propriétés terriennes. omis de se rendre au registre fon-
Satisfait de son achat, il continue cier pour vérifier les hypothèques
Les beaux frères se rendent donc son train quotidien aux bâtiments. de l’immeuble. Il a pourtant un
chez le notaire Potirons sur la prin- Malheureusement, sa joie n’est doute à propos de sa responsabi-
cipale pour signer l’acte de vente. que de courte durée. En effet, il re- lité à rembourser la veuve Babie. Il
Bidon empoche la somme promise çoit la visite de l’Huissier qui lui s’empare de son Code civil pour
avec laquelle il rembourse les transmet une lettre recommandée. trouver la réponse qui le sauvera
dettes envers son père et ses nom- Cette lettre provient de la riche hé- de sa mégarde. L’avaricieux par-
breuses autres créances. Après les ritière Babie, une bonne chrétienne viendra-t-il à se sortir de sa situa-
paiements faits, il ne lui reste qui avait prêté une somme de 300 tion?
qu’une maigre somme et il s’em- piastres pour Bidon, pour procurer
presse de se rendre à l’auberge

De l’origine des lois

Les folies du Législateur:
Chronique d’humour surréaliste
Photo: Charlotte Chicoine-Wilson

Charlotte Chicoine-Wilson
cchic041@uottawa.ca
L’été m’a apporté repos et ré-
flexion. De retour à mon poste, je
me sens prête à affronter LA ques-
tion. Celle que vous avez toujours
voulu poser, celle pour laquelle les
professeurs vous disent qu’il n’y a
pas de réponse, celle sur laquelle
les auteurs de doctrine eux-mêmes
restent muets. Vous vous triturez
les méninges à la recherche d’une
réponse plus encore que lorsque
vous avez cherché à percer le se-
cret des Caramilks ou encore à
comprendre comment le Père-Noël
arrivait à rentrer chez vous même
s’il n’y avait pas de cheminée!
Et voilà qu’aujourd’hui, je brise le
silence, mets fin à l’omerta et
Je dois donc vous avouer qu’au-
jourd’hui le processus législatif est
long et fastidieux. Si la lecture du
Code de procédure civile ne vous a
pas déjà tué d’ennui, nul doute que
l’histoire de son origine vous achè-
verait. Ce n’est d’ailleurs pas pour
rien que les sénateurs sont nom-
més à vie, ils ne resteraient sûre-
ment pas longtemps en poste si ce
exauce n’était de cette condamnation à
votre vœu le plus cher. Prenez perpétuité.
place, faites comme chez vous, ou-
vrez les yeux bien grands (et les Mais ne faites pas le deuil de vos
oreilles encore plus), roulez un espoirs trop vite! Au cours de mes
tambour imaginaire et préparez- années de bons et loyaux services
vous à lire sur la naissance des (hum, hum!), j’ai quand même pu
lois. accumuler quelques anecdotes
passablement croustillantes. C’est
Tout d’abord, je tiens à vous de- qu’il fut une époque où la création
mander pardon pour ce qui va sui- des lois relevait à la fois de l’épo-
vre. Je crains de vous décevoir, pée, de l’aventure en mer, de la
tout comme vos parents l’ont fait en mythologie grecque et du magouil-
vous annonçant que le Père-Noël lage de fonds de ruelles.
n’existait pas. Mes explications ris-
quent fort de ne pas être à la hau- Et pour vous ouvrir l’appétit, voici
teur des affabulations que vous en grande primeur une (courte) his-
inventiez lors de vos longues nuits toire de poulet, des plus savou-
d’études pour tâcher de compren- reuses, il va sans dire.
dre d’où venaient les lois que vous
vous enfonciez dans le crâne à
Un agent de la paix qui trouve des
force de trucs mnémotechniques
coqs dans une arène pour les com-
plus tordus les uns que les autres.
bats de coqs ou sur les lieux où est
située une telle arène doit s’en em-
parer et les transporter devant un
juge de paix qui en ordonnera la
destruction. (Art. 447. (3) Code cri-
minel.
En fait, il n’y a pas grand-chose à
dire sinon que cet article a été ré-
digé moins pour combattre le fléau
des combats de coqs que pour
améliorer le régime alimentaire des
juges. Il faut admettre qu’une
armée de juges affamés repré-
sente une bien plus grande me-
nace pour l’ordre public que
quelques volailles se chamaillant
clandestinement.
Il ne reste plus qu’à leur souhaiter
bon appétit!
* Notez qu’aucun animal n’a souf-
fert lors de la rédaction de cette
chronique.
Le droit mène à tout disent les
qu’en-dira-t-on. Même à l’hu-
mour? N’est-ce qu’une fanfaron-
nade législative de
plus?
http://fabuleuxprecedent.word-
press.com/
Flagrant Octobre2010_Octobre 2010 10-10-04 13:21 Page7
p.7
Du pain et des jeux
Philippe Coderre
pbour083@uottawa.ca
Les scandales affluent de toute
part au Québec par les temps qui
courent. Alors que les jeunes
hockeyeurs s’apprêtent à fouler la
patinoire des divers amphithéâtres
de la province, qui n’ont rien à en-
vier à nos viaducs au niveau de
leur rigidité, il semble que ce soit le
reste de leurs comparses qui ont
décidé de s’approprier la glace afin
de faire figer tous leurs grands pro-
jets.
Après l’épisode du stade de base-
ball et du casino en plein centre-
ville de Montréal, le feuilleton sur
l’hôpital ultramoderne que s’annon-
çait être le CHUM et la tragédie
que risque de représenter l’échan-
geur Turcot dans un avenir rappro-
ché, voilà que l’érection d’un aréna
multifonctionnel à Québec semble
s’effondrer lui aussi sur un terrain
qui n’en finit plus de niveler vers le
bas.
Le mois dernier, le gouvernement
québécois annonçait qu’il paierait
45 % de la facture totale de l’éven-
tuel aréna de Québec. Ce com-
plexe révolutionnaire servirait
d’habitacle aux futurs Nordiques et
serait l’argument principal de la ca-
pitale provinciale en vue d’obtenir
les Jeux olympiques d’hiver de
2022. De quoi faire rêver même les
villes les plus prospères de la pla-
nète.
Il ne manque plus que l’approba-
tion du gouvernement fédéral pour
que le rêve devienne réalité. Si on
ne peut blâmer le fermier albertain
d’exprimer son mécontentement
devant un tel don fait à une pro-
vince qui a empêché son parti po-
litique d’entrer majoritairement au
pouvoir, il est à se demander pour-
quoi les Québécois refuseraient
eux-mêmes pareille offrande. Les
derniers sondages révèlent pour-
tant que 59 % d’entre eux souhai-
tent que le projet demeure
strictement privé et s’objectent
corps et âme contre sa mise en ap-
plication tant que la rétribution sera
faite à même les deniers publics,
Le Flagrant Délit
Journal étudiant de la Faculté de droit
Section de droit civil
Rédacteur en chef
Philippe Cordisco
Rédacteurs en chef adjoints
Philippe B. Coderre
Gabrielle Fortier-Cofsky
Le Flagrant délit
Sports
ce qui risque de retarder de plu-
sieurs années la première pelleter
de terre.
Il est évident que le banlieusard,
bien installé en périphérie de LA
grande ville de Montréal avec sa
somptueuse demeure doublement
hypothéquée, sa carte VISA OR
partiellement payée et sa boîte vo-
cale remplie de 13 messages pro-
venant de ses divers créanciers à
qui il a prudemment emprunté,
trouve qu’il serait irresponsable fi-
nancièrement que de se lancer
dans de telles idées de grandeur.
Le financement public d’un aussi
grand projet ne peut qu’être ap-
prouvé par des ignares névrosés et
nostalgiques qui ne sont pas capa-
bles de surmonter le départ des
Nordiques, tel un adolescent de 16
ans qui continue de s’amouracher
en sanglot du soutien-gorge de son
ex-copine qui l’a trompé trois mois
plus tôt.
Le même citoyen a sans doute en
mémoire la catastrophe écono-
mique qu’a représentée le Stade
olympique de Montréal lors des
jeux d’été de 1976. L’évergète
qu’était Jean Drapeau, bien mal lui
en a pris, n’avait pas été en me-
sure de prédire que ses propres
travailleurs iraient en grève pour
une période de six mois lors de la
construction de ce qui devait être
le bijou de Montréal. Ces honnêtes
hommes qui se servaient de l’am-
bition populaire pour en faire de
l’extorsion refont la Une chaque
année pour étaler au grand public
leurs prouesses syndicales. Les
Québécois n’ont pas oublié les
coûts excédentaires du stade, mais
ne se souviennent plus qu’ils en
sont eux-mêmes les responsables.
L’inutilisation du bâtiment depuis
le début des années 2000 n’est
également pas sans faire passer
l’ex-maire pour le dernier des ban-
quiers. Il était pourtant bien difficile
pour lui d’imaginer que son héri-
tage aurait été laissé pour compte
par la génération ultérieure qui ne
pense à rien d’autre qu’aux nids-
de-poule lorsqu’il est question de
projet sociétal.
À cet effet, outre leurs démons du
passé, l’esprit des gens est habité
par une incompréhension omnipo-
tente lorsqu’il est question d’inves-
tissement massif dans des
domaines qui ne freinent pas la dé-
gradation des acquis sociaux.
Pourquoi aider les millionnaires du
sport alors que notre système de
santé souffre? Alors que nos
jeunes sont de moins en moins
éduqués? Il est manifeste que le
projet de Québec, rentable au bout
de quelques années seulement en
raison des taxes associées aux
nombreux événements majeurs
qu’il attirera, ne freinera pas les hy-
pocondriaques qui assistent mas-
sivement chaque semaine à la
comédie dramatique que repré-
sente leur club social, l’hôpital, et
n’injectera pas une dose de matu-
rité aux nombreuses mères mono-
parentales de 18 ans qui tentent
tant bien que mal d’inculquer des
valeurs à leurs flots.
Visons donc moins haut puisque la
chute sera moins grande. Il est pré-
férable d’opter pour la stagnation et
reléguer aux oubliettes tout docu-
ment taché par la couleur du mo-
dernisme. Il faut que la terre arrête
de tourner, que Montréal continue
de dépérir et que les projets de so-
ciété croupissent sur les tablettes
parce que nous n’avons pas su
comment, malgré les investisse-
ments majeurs représentant plus
de la moitié des budgets annuels,
régler nos problèmes sociaux. Une
privation continue, une anorexie
collective.
Les ambitions, désormais des es-
pèces en voie disparition, sont les
proies favorites des Québécois qui
sont passés maîtres dans l’art de
se dire «  à la prochaine fois  ».
Pourtant, si Montréal jouit d’une re-
nommée mondiale en 2010, c’est
parce qu’il y a eu des visionnaires
qui ont mis la ville sur un piédestal
lors de la Révolution tranquille. Le
même vent souffle sur Québec de-
puis deux ans et la construction
d’un bâtiment de calibre internatio-
nal ne ferait que confirmer cette
cité parmi les destinations les plus
Le Flagrant délit est toujours à la recherche de jour-
nalistes, anglophones et francophones, afin d’offrir
aux étudiants et au personnel de la Section un journal
de qualité.
Soyez informés de notre prochaine rencontre en nous
suivant sur Facebook.
flagrant@uottawa.ca
Octobre, 2010
attrayantes de l’Amérique du Nord.
Une trappe à touriste qui ne peut
que renflouer les coffres de l’État.
Les partisans du statu quo, aussi
volubiles que Stéphane Ouellet,
défendent tout de même coûte que
coûte l’idée que de s’acheter une
Ferrari quand on n’en a pas les
moyens est synonyme de suicide
financier. Vaut mieux choisir l’acci-
dent meurtrier inévitable dans le-
quel nous entraînera la Lada 110.
Plusieurs questionnent par ailleurs
les motifs qui pousseraient le gou-
vernement libéral à signer un
chèque en blanc au maire La-
beaume. Si la télésérie de l’heure,
la Commission Bastarache dans
laquelle le premier ministre campe
le rôle du vilain, donne de bonnes
idées à Jean Charest, aussi bien le
laisser agir à sa guise pour contre-
balancer toutes les lois 103 de ce
monde.
Dans son article intitulé « Du pain
et des jeux », publié le 9 septembre
dernier, Jean-Paul Gagné traçait
de façon très habile l’hyperbole sui-
vante : « Les empereurs romains
ont vécu pendant des siècles en
donnant du pain et des jeux à leur
peuple... jusqu’à ce qu’un jour leur
empire s’effondre, croulant sous
les dettes accumulées par la folie
des grandeurs de leurs diri-
geants. »
M. Gagné, de grâce, dormez sur
vos deux oreilles. Le gigantesque
empire québécois dont vous rêvez
ne compte plus que sur son stade
à la toile galbée, sa culture à l’égo
morcelée et sa capitale aux ambi-
tions freinées par l’imaginaire col-
lectif pour justifier sa place parmi
les pays les plus développés.
Quand bien même Christophe Vas-
seur offrirait un buffet de ses meil-
leures baguettes à tous les
habitants de la Belle Province,
ceux-ci trouveront toujours le
moyen de répondre  : non merci.
Nous sommes nés pour un petit
pain seulement.
Flagrant Octobre2010_Octobre 2010 10-10-04 13:21 Page8

VOUS
VOYEZ-VOUS
CHEZ NOUS?
www.stikeman.com

STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. AVOCATS

www.stikeman.com