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Le mythe de la liberté et l'impérialisme

démocratique 1

Réflexions sur l'inconscient religieux de la politique


mondiale

1 - La bête et ses miroirs sacrés


2 - Sur quel pied faudra-t-il apprendre à danser ?
3 - Les instruments de notre vassalité
4 - La nef des fous
5 - Les derniers goupillons
6 - Le vocabulaire des assassins
7 - Le plus malheureux des Dieux uniques
8 - Le 6 juin 2014 et les carnassiers de la Liberté

1 - La bête et ses miroirs sacrés

Comment se fait-il que, sous les lambris et les lustres de leurs palais,
les chefs d'Etat du monde entier s'entourent de gardes au casque
baissé jusque sur les yeux, au sabre tiré du fourreau, la pointe levée
devant leur visage? Jusque sous la pourpre des Républiques, l'or et
l'acier rappellent que nous sommes des animaux armés jusqu'aux
dents. Quand les anthropologues de salon se souviendront de ce qu'il
n'est pas de nation digne de considération qui puisse renoncer aux
symboles les plus éloquents de la politique de la bête, ils
comprendront que l'héroïsme est toujours sanglant, parce que ce
bas-monde hume l'odeur des carnages.

Mais, dans le même temps, le simianthrope ne se veut pas


seulement teinté de rouge et bardé de piques sur les champs de
bataille. Cet animal ne cesse de ruser avec son effigie et d'en planter
l' image menaçante autour de lui - il lui faut se rappeler sans se
lasser que l'existence qui lui appartient en propre, il ne la partage
avec aucune autre bête. Sa vraie vie est toute intérieure, prétend-il,
donc mentale au premier chef et nullement redoutable. Puisque les
semi évadés actuels de la zoologie jouent avec leurs silhouettes
apaisées et en multiplient l'image adoucie dans les miroirs mentaux
dont ils s'entourent en tous lieux, c'est que ce bimane n'est pas
seulement un guerrier, un tueur et un carnassier: le plus souvent il
se contente d'afficher des banderoles, des auréoles et des couronnes
iréniques. Aussi, ces ombres en représentation sur les planches d'un
théâtre fleuri permettent-elles à grand peine de distinguer l'histoire
des épées de celle des affaires.

2 - Sur quel pied faudra-t-il apprendre à danser ?

Les Etats enlacés à leur chef d'au-delà des mers sont des plantons en
tenue de service. Leur employeur s'appelle le Traité de l'Atlantique
Nord (OTAN). Sont-ils, pour autant, des acteurs en chair et en os
sur la scène du monde ou jouent-ils seulement un rôle d'apparat sur
les planches d'un Continent définitivement vassalisé? Lorsque, en
mars 2014, la Russie a retrouvé la Crimée dans le cliquetis discret
des armes et aux applaudissements plus bruyants de la population, il
ne semble pas que les endimanchés de l'histoire aient jugé utile de
déplacer leurs dentelles de quelques pas au profit ou au détriment de
ces villages lointains. Mais ils savaient, semble-t-il, que leur
souverain d'outre-Atlantique se trouverait gravement offusqué par ce
remue-ménage. Aussi, dans toute l'Europe, les lustres ont-ils
tremblé. C'est dire que le Vieux Monde n'est pas livré seulement au
jeu des masques et des panaches de la servitude de ses
Républiques: les valets prennent au pied de la lettre les histoires de
sang qu'on raconte à toute leur maisonnée.

Flottant, oscillant, en suspens entre ses feintes et le monde,


pourquoi ce fuyard, ici des ténèbres et là de la lumière, n'est-il plus
une bête entièrement sauvage? Parce qu'il est embarrassé par son
capital génétique disjoncté. Aussi se demande-t-il sans cesse à quel
endroit il se trouve arrêté entre sa tête et son ossature. Ses
comportements chaotiques ne lui sont pas dictés entièrement par la
rigidité de ses uniformes, mais également par la mobilité de ses
intérêts financiers bien compris.

Du coup, ce marchand avisé se trouve coincé entre les contraintes


que sa domesticité lui impose jusque dans ses chaumines et les
vaines rodomontades auxquelles il s'exerce sur la scène du
commerce international. C'est ainsi que ce négociant s'est vu
rudement rappeler à l'ordre en Ukraine. L'enfant indocile n'avait-il
pas prétendu qu'il lui demeurait du moins permis de s'occuper de ses
propres affaires, et cela, tenez-vous bien, de Brest au Caucase, alors
que ce vaste territoire se trouve - à titre exclusif et depuis belle
lurette - dévolu à un affairiste plus gros que lui?

Mais, dans le même temps, ce marmot prétend livrer effrontément,


en grande pompe et en toute innocence des navires de guerre de sa
fabrication à la Russie et conclure en catimini des affaires pour son
propre compte avec le Soudan, l'Iran et Cuba, ce qui le place sous la
menace d'une amende de dix milliards de dollars que l'appareil des
châtiments de son souverain s'apprête à infliger à ses vanteries. Mais
alors, sur quel pied devons-nous apprendre à faire danser la vertu?
3 - Les instruments de notre vassalité

D'un côté, nous demeurons pieds et poings liés à la machinerie


judiciaire d'un chef du Bien et du Mal campé à plusieurs milliers de
kilomètres de nos rivages, de l'autre, nous enrageons dans nos
berceaux et nous tentons d'en briser l'osier. Que ferons-nous de nos
corbeilles tressées quand nous serons devenus grands?

Certes l'animal toisonné des forêts dont nous sommes issus se


trouve désormais scindé entre ses sabres d'apparat et les langes de
ses démocraties. Notre armement brille entre les mains de nos
gardes de la République, mais notre goupillon est devenu celui de
l'Eglise que nous appelons la Démocratie. L'hostie qu'elle nous
présente sur ses autels est celle de la Liberté. Mais le ciboire dans
lequel nous buvons ce breuvage est de factures fort diverses : tantôt
encensoir, offertoire ou brûle-parfums, tantôt bête du sacrifice, nous
retrouvons toujours et partout les deux acteurs principaux de notre
servitude, le sabre et le saint suaire de la Justice et du Droit dont
notre maître se fait les instruments de notre vassalité.

C'est pourquoi, nos gardes du palais s'enveloppent d'un étendard


tricolore, tellement le tranchant de nos armes et la gloire de nos
bannières font une alliance que nous appelions l'Histoire.
Décidément nous appartenons à une espèce voyageuse et parée
d'une majuscule révérentielle. Mais ce sera dans nos têtes qu'il nous
faudra partir en expédition.

4 - La nef des fous

Embarquons sur la nef des fous de la démocratie mondiale. Pourquoi


l'Amérique fait-elle semblant de croire que la Russie, dont la
population s'élève à quelque cent cinquante millions d'habitants
seulement, songerait à se lancer tête baissée à la conquête du globe
terrestre tout entier ? Notre astéroïde ne compte-t-il pas six milliards
d'habitants? Comment la Russie n'en ferait-elle qu'une bouchée? Et
puis, si une folie de ce calibre existait ailleurs que dans l'encéphale
embrumé de notre maître, pourquoi se contente-t-il de placer de loin
en loin quelques gardes, sabre au clair et le casque sur le nez aux
frontières d'un ennemi aussi redoutable?

Il est donc démontré que notre souverain de là-bas ne croit pas un


traître mot de ce qu'il nous raconte. Mais comment se fait-il que, de
son côté, la Russie rivalise avec ces enfantillages et fasse semblant
de se trouver menacée par la prêtrise défroquée qu'exerce la fausse
démocratie mondiale? Quel intérêt, pour un grand et puissant Etat,
de paraître prendre au sérieux des guenilles, des chimères, des
fariboles ? Pourquoi feindre de pointer des canons sur des
épouvantails plantés dans les champs?
Les métazoologues qui ont collé nos effigies dans leurs herbiers nous
disent que le simianthrope ne sait exactement ni ce qu'il croit, ni ce
qu'il ne croit pas, ni dans quelle direction son navigateur d'outre-
Atlantique le fait ramer. Ce flottement de la voilure de la bête l'a
conduite à recourir à des dérobades dans lesquelles le réel et l'irréel
se laissent de plus en plus difficilement séparer.

5 - Les derniers goupillons

C'est ainsi qu'une Europe privée de pilote croit le plus sincèrement


du monde et ne croit pas du tout que l'OTAN soit un timon utile ou
nécessaire à la navigation entre la paix et la guerre; c'est ainsi que
ce continent ignore ou affiche fièrement ce que son capitaine lui fait
dire. Cette confusion mentale découle de ce que les évadés partiels
de la zoologie ne savent que vaguement à quel point ils sont la proie
des songes qu'ils ont logés sous le crâne de leur divinité. Depuis
deux siècles, le monde tout cérébral qu'ils habitent ou désertent tour
à tour est celui d'une mythologie démocratique et républicaine dont
les auréoles s'appellent la Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Ils se
veulent confusément les ouvriers et les rebelles de la sainteté qu'ils
habitent dans leur tête.

D'un côté, ils se disent qu'ils se trouvent en sûreté dans l'enceinte


vertueuse de l'OTAN, mais, in petto, ils ne savent contre quels
pécheurs il leur faut hisser les voiles, de l'autre, les dirigeants d'une
Russie convertie aux droits de la raison ne sont pas suffisamment
initiés aux méthodes et aux découvertes de la métazoologie moderne
pour savoir que leur histoire et celle de toute l'humanité ne sont
qu'un songe éveillé dont nos simianthropologues décryptent les
arcanes depuis plus d'un demi-siècle. C'est pourquoi le Kremlin se
comporte encore en dormeur mi-éveillé, mi-effrayé, mi-rieur. Tantôt
il s'indigne haut et fort qu'on le juge redevenu aussi menaçant qu'au
temps de la guerre froide, tantôt il enrage de ce que le gigantesque
simulacre militaire dont on l'entoure ne soit pas compris par l'Europe
des vassaux au titre d'une fantasmagorie délirante, celle d'un empire
sur le déclin et qui se réfugie dans d'ultimes attrape-nigauds.

Car le simianthrope s'enivre à la fois à l'école de ses armes et à celle


de ses frasques, mais toujours dans des proportions variables et dont
il ne connaît pas les dosages. Personne ne croit que la Russie soit
menacée par des envahisseurs au sens musculaire du terme,
personne n'imagine des nuées de fantassins en chair et en os et des
essaims de tanks qui courraient occuper physiquement le territoire
de la Russie ou de la Chine; et pourtant tout se passe comme si la
bête projetait son ossature et toute sa charpente sur les lopins de
l'ennemi. Les armes de sa folie batailleuse ne sont plus bardées de
bouches à feu; néanmoins l'imagination guerrière de la bête la hisse
encore à la hauteur de ses canons de Marignan devenus seulement
plus obèses, et l'humanité se cherche des repères du fabuleux
quelque part entre ses tonnerres devenus obsolètes et ses derniers
goupillons.

6 - Le vocabulaire des assassins

La même duperie s'offre au regard de nos métazoologues en Asie:


tout le monde sait que l'Amérique consacre chaque année six cent
cinquante milliards de dollars à fourbir les armes de guerre dont
l'univers mental des démocraties messianiques se nourrit, tout le
monde sait que l'empire du mythe de la Liberté fait naviguer de jour
comme de nuit sa flotte de guerre sur tous les océans du monde à
seule fin d'exorciser un ennemi onirique, donc campé seulement dans
les têtes. Et voici que cette sotériologie sanglante s'indigne ou feint
de s'indigner de ce que, cette année, la Chine ait triché quelque peu
sur le montant de ses dépenses militaires- elle aurait déboursé cent
quatre vingt cinq milliards de dollars au lieu des cent quarante qu'elle
avait prévus et pieusement annoncés à ses confesseurs.

Pourquoi le grand culpabilisateur américain peut-il, à lui seul, jeter


davantage de dollars par les fenêtres que tous les autres Etats de la
planète qu'il cite à comparaître devant son tribunal et pourquoi le
modeste dépassement d'un budget se trouve-t-il dénoncé par le roi
du gaspillage au double titre d'une supercherie éhontée et d'un
sacrilège indigne du paradis de la démocratie universelle, sinon parce
que la fascination accusatoire qu'exerce un monde ensorcelé par son
maître culpabilise, en retour, l'encéphale naïf de la bête, laquelle ne
semble pas avoir changé de candeur depuis le Moyen-âge?
Simplement, la cosmologie de la Genèse a emprunté un autre
revêtement de l'innocence et du crime. Car si le cerveau d'outre-
Atlantique ne croyait pas - mais seulement à demi - à la légitimité de
l'habillage punitif des guerriers du ciel d'aujourd'hui et à la validité
des châtiments qu'ils infligent saintement et si, de leur côté, la
Russie et la Chine ne croyaient pas également à ces dévotion, et cela
en dépit des protestations véhémentes du rationalisme qu'elles ont
hérité du marxisme, le simianthrope contemporain ne présenterait
pas peu ou prou le même étalage de ses piétés qu'à l'âge du
fantastique religieux dont s'alimentaient les cosmologies primitives.

En réalité, c'est le Dieu tartuffique de l'apocalypse de Saint Jean en


personne qui déambule sur les planches d'un théâtre démonisé par le
nouveau Belzébuth, celui d'une apocalypse nucléaire angélisée par la
démocratie d'un côté et par un mythe religieux vieilli de l'autre. Mais
alors, comment voulez-vous que le Créateur d'un cosmos
vertueusement flanqué de son enfer de tortionnaire éternel
n'ébouillante pas jusqu'au dernier les damnés qu'il a enfouis sous la
terre? Comment mettre à mort la moitié seulement des équipiers de
la nef des fous, comment faire briller de tout l'éclat de la "vérité" du
ciel une portion congrue des casques, des glaives et des cuirasses de
la créature?

7 - Le plus malheureux des Dieux uniques

Il faut donc que le démiurge de la Genèse recoure, lui aussi, à une


sainte fraction seulement de ses victimes et qu'il les arme des glaives
de leur ubiquité verbale, afin de tenter de se rendre crédible à l'école
du fantastique de type religieux, c'est-à-dire aux yeux encore mal
dessillés des piétons de son dictionnaire. Une apocalypse terminale
d'un côté, un enfer des souffrances expiatoires de l'autre, quels
garants verbaux de la justice idéale du plus malheureux des dieux
parfaits, celui de son propre pénitencier! Une seule fois, cet otage de
son lexique a tenté de prêter la main à son langage et de mettre en
branle sa puissance physique sur nos pauvres charpentes; mais pour
cela, il lui a fallu déclencher le génocide du Déluge. Or, son glossaire
céleste lui-même, tel qu'il est censé en avoir dicté les vocables aux
prophètes de sa grammaire, nous apprennent que ce laboureur de la
mort s'en est mordu les doigts et qu'il s'est juré, le pauvre, de ne
plus jamais recourir à ce genre de syntaxe de sa sainteté musculaire
sur la terre.

Il en est ainsi de l'Amérique, de la Russie, de la Chine et de l'OTAN.


Ces Etats en chair et en os ne disposeront jamais ni du Déluge
charnel d'un vrai massacreur et dépeceur de nos carcasses, ni des
empires souterrains d'un vrai tueur de notre viande, ni des
ressources d'une apocalypse d'exterminateurs et de broyeurs
infernaux. Il leur faut donc remédier à leurs handicaps corporels et
tenter de régner, eux aussi, par les seules armes qui leur restent
entre les mains, celles du fantastique langagier dont le monothéisme
leur a enseigné le maniement sous la terre. Aussi une catastrophe
boiteuse et une apocalypse claudicante s'étalent-elles désormais
sous les yeux éberlués des premiers métazoologues du vocabulaire
trans-musculaire que la bête et son ciel trucidatoire se partagent.

8 - Le 6 juin 2014 et les carnassiers de la Liberté

Voyons de plus près ce que nous disent les calendriers de nos


massacres oniriques. Nos armes de guerre, qui s'étaient de plus en
plus mécanisées depuis notre migration de l'âge de la pierre taillée à
celui du bronze ont changé peu à peu de stratégie pour glisser, en
quatre décennies seulement, du règne des dieux de nos songes
proprement théologiques au triomphe, non moins rêvé, de notre
langage de la mort sur les champs de bataille nouveaux de la
Démocratie, ceux des carnassiers de la Liberté.

En 1969, le Général de Gaulle avait échoué à libérer la France et


l'Europe du joug de la Démocratie messianisée, celle dont les Etats-
Unis brandissaient sur nos têtes le sceptre et les galons dorés.
Georges Pompidou s'était vu contraint d'ouvrir la porte de l'Europe à
l'Angleterre, alors qu'il était évident à tout le monde qu'en raison de
ses gènes insulaires, ce pays ferait farouchement obstacle à toute
tentative du Vieux Monde de s'armer de l'épine dorsale d'une
politique militaire face à ses rivages.

Aussi, en 1964, le Général de Gaulle avait-il refusé tout net de


commémorer le vingtième anniversaire du débarquement allié en
Normandie. Ecoutons-le: "La France a été traitée comme un
paillasson! Churchill m'a convoqué d'Alger à Londres, le 4 juin, il m'a
fait venir dans un train où il avait établi son quartier général, comme
un châtelain sonne son maître d'hôtel. Et il m'a annoncé le
débarquement, sans qu'aucune unité française ait été prévue pour y
participer. Nous nous sommes affrontés rudement."

Mais, en 1974, le Président Giscard d'Estaing et tout son


gouvernement avaient marché non moins humblement que
docilement à la rencontre de son délivreur, M. Jimmy Carter, lequel
avait débarqué à la première heure, ce matin-là, sur les côtes de la
Normandie afin de commémorer sous la forme la plus vassalisatrice
possible le trentième anniversaire du débarquement du 6 juin 1944.
Et pourtant, quarante ans plus tard, le 6 juin 2014, l'heure de la
revanche du Général humilié a commencé de sonner: l'Europe
vassalisée a saisi cette opportunité stratégique pour s'ingénier à
retirer de la tête du Président Barack Obama la tiare de la
souveraineté démocratique à l'américaine, qui a fait de la statue de
la Liberté le symbole de l'assujettissement de l'Europe.

Un demi siècle après l'abaissement de 1944, une phrase du Général


de Gaulle à Alain Peyrefitte prenait tout son sens prophétique: "Et
vous voudriez que j'aille commémorer leur débarquement,
alors qu'il était le prélude à une seconde occupation du pays?
Non, non, ne comptez pas sur moi!"

La religion de la liberté et l'impérialisme américain 2

Esquisse d'une psychanalyse de l'inconscient


théologique de la démocratie
1 - La dictature angélique
2 - La légitimation du prédateur et l'effondrement du droit
international
3 - La France aux yeux crevés
4 - La France sous le fouet
5 - L'expérience chrétienne et le marxisme
6 - Trois métazoologues en vadrouille
7 - Mme Mireille Delmas-Marty
8 - Une religion carnassière
9 - Les cambrioleurs de Dieu
10 - Le Dieu de la terreur du monde

1 - La dictature angélique

En 2014, on avait oublié le programme monétaire de l'"Allied


military government for occupied territories" de 1944,
(Gouvernement militaire allié pour les territoires occupés) qui devait
diriger la France au fur et à mesure que les armées de la Liberté
progresseraient sur son sol.

Voir : Le mythe de la liberté et l'impérialisme démocratique


1, Réflexions sur l'inconscient religieux de la politique mondiale

Le vainqueur avait massivement imprimé la fausse monnaie qui


aurait cours sur le territoire de la Gaule asservie. Les billets,
habilement libellés en francs, avaient été fabriqués par tonnes aux
États-Unis dès le mois de février 1944. On mesure la titanesque
méconnaissance des lois de l'histoire et de la psychologie des
peuples à laquelle les Etats-Unis ont été conduits par leur obsession
de couper le cordon ombilical qui s'entête à les raccorder à la
civilisation du péché dans laquelle le reste de l'humanité demeure
plongée: il aura suffi de deux siècles pour que la classe dirigeante de
l'Eden du Beau, du Juste et du Bien aille se lover sur une autre
planète. Pas un cerveau issu des universités pré-adamiques de la
nouvelle innocence n'a su expliquer à Franklin Roosevelt l'évidence
qu'aucun gouvernement français ne serait en mesure de placer la
population sous le joug d'une vassalisation par le Bureau of
Engraving and Printing américain. Jamais les envahisseurs
d'autrefois, les Huns, les Burgondes et les Wisigoths n'auraient songé
à imposer un joug aussi puissant à un empire romain pourtant
mourant.

Mais ce fut avec la candeur d'Abel le Juste que, deux jours seulement
avant le 6 juin 2014, le Président des Etats-Unis avait tenté, au
sommet du G8-1 de Bruxelles, d'évangéliser l'une après l'autre la
France, l'Allemagne, l'Italie et la Grande Bretagne et de les
convaincre de mettre le pécheur Vladimir Poutine en pénitence au
cours des cérémonies commémoratives du soixante dixième
anniversaire du débarquement. Naturellement, sitôt sur place, ce fut
autour du Président russe que les Etats d'une repentance avortée, au
nombre de dix-neuf, se sont empressés. Ils s'étaient donné le mot
pour voler ses ailes de séraphin au souverain du Nouveau Monde, qui
s'est trouvé empêché de mettre en scène la prééminence apostolique
qu'il avait solennellement étalée à Johannesburg quelques mois
auparavant à l'occasion des funérailles messianisées de M. Nelson
Mandela.

2 - La légitimation du prédateur et l'effondrement du droit


international

Huit jours seulement après le raté confessionnel du 6 juin 2014, Le


Monde révélait que l'Elysée avait capitulé en catimini et sans
l'avouer à personne. L'Etat légitimait secrètement l'hérésie
diplomatique - elle sera confirmée le 1er juillet - selon laquelle tous
les peuples de la terre se soumettraient docilement à la juridiction
doctrinale qu'exercerait dorénavant le droit national américain. La
BNP ayant entretenu des relations d'affaires libellées en dollars avec
trois Etats censés souverains, le Soudain, Cuba et l'Iran, la "Justice"
américaine entend infliger à la banque française une amende de neuf
milliards de dollars. Le 1er juillet, la presse et la radio transmettaient
de larges extraits du réquisitoire du Procureur général américain. Le
1er juillet, Mireille Delmas-Marty, professeur honoraire au Collège de
France, ironisait dans Le Monde: "Le droit américain n'a pas
vocation à régner sur le monde …sauf quand la vision
américaine du monde est concernée."

Et maintenant, c'était au nom de l'universalité d'un mythe de la


Liberté motorisé au profit d'un empire que la France de Montesquieu
valide subrepticement le principe de la damnation de la planète des
pécheurs; c'est le peuple souverain de 1789 qui plaide auprès de son
maître pour un geste de bienveillance de la part du propriétaire de
l'escarcelle des idéalités. Les héritiers de Valmy se trouvent réduits
au rang de pieux majordomes du vassalisateur de la Démocratie
mondiale. L'heure de pardonner aux sans-culotte n'avait-elle pas
sonné? Pourquoi ce retard? Quatre décennies de dévotions des
maîtres d'hôtel de la France n'avaient-elles pas suffi pour rentrer en
grâce auprès du dompteur angélique? N'y comptez pas, séraphins !
Maintenant le procureur de tel ou tel des " Etats " microscopiques -
et privés de la souveraineté - qui composent la puissante fédération
des Etats-Unis d'Amérique se voit autorisé à fouler aux pieds le droit
local des derniers survivants de la parenthèse gaullienne.

Lorsque M. Barack Obama avait publiquement menacé M. Hollande


de lui verser une "tonne de briques" sur la tête s'il s'avisait de
signer des contrats avec l'Iran - ce grand Etat se trouvait sur la liste
des excommuniés de l'empire, aux côtés de Cuba et du Soudan - le
Président de la République française, alors en visite officielle aux
Etats-Unis, n'avait pas fait entendre le moindre grommellement sous
une telle insulte à son pays.

3 - La France aux yeux crevés

Mais voyez combien, sous des dehors apparemment humiliants pour


les dernières raideurs de nos échines, le 6 juin 2014 a changé en
douce les cartes de la dignité et du rang de la France; jusqu'alors, on
observait les initiatives diplomatiques avortées de l'Elysée sur la
scène internationale avec des maugréements à peine irrités ou des
haussements d'épaules impatients, et maintenant on regarde sans
colère et en connaisseurs désillusionnés comment l'histoire s'y prend
pour façonner la taille de ses vrais et de ses faux serviteurs. Le
Général de Gaulle avait illustré en pleine lumière la dignité et le rang
qu'un vrai chef d'Etat confère à sa nation, même vaincue. Ses
successeurs se voient dessinés en garçons coiffeurs calamistrés sur
la scène internationale.

Désormais, une foule de citoyens ont rangé leurs ailes d'angelots au


placard et sont devenus des spectateurs tranquilles d'une France aux
yeux crevés. Une élite nouvelle juge froidement et sans fureur
affichée dans la rue un chef de l'Etat indigne de leurs espérances.
S'ils avaient gardé l'espoir de redresser l'épine dorsale de l'Etat post-
gaullien, ils se tiendraient désormais pour des naïfs inguérissables :
ils ont compris qu'un homme politique né inapte à exercer la plus
haute fonction qu'un Etat puisse confier à un citoyen ne changera
jamais de calibre sur les planches où l'histoire l'aura placé par
inadvertance.

Dorénavant des Français mûris par l'expérience de l'adversité qui


frappe leur nation se contenteront de nourrir le dossier de
l'invalidation d'un chef d'Etat élu à la suite d'un fâcheux concours de
circonstances. Puisque, de son côté, la France a obtenu de
Washington une légère réduction de peine en échange de la
légitimation de l'exercice arbitraire d'une juridiction étrangère sur
son sol, la France citoyenne, de son côté, ne s'en fâche plus sur les
places publiques - elle aura mieux à faire qu'à vociférer vainement -
parce qu'elle saura combien la balance à peser la souveraineté des
peuples juge au-dessous de la suprématie des grands Etats de se
venger de la petitesse d'esprit d'un valet - elle exercera seulement
ses prérogatives naturelles sur les laquais au service de l'étranger
sur son territoire.

4 - La France sous le fouet

Comment, dit la France "des armes et des lois", un Etat de droit se


remettrait-il du désastre d'avoir sacrifié la lettre et l'esprit du jus
gentium à une diminution condescendante du montant d'une
"amende" illégale par nature? Quel est le prix d'achat de
l'anéantissement du droit public dans l'esprit des nations civilisées?
Si un vassal supplie son maître d'alléger des coups de bâton dont il
confesse le bien-fondé et s'il invoque "l'équité" d'un tyran armé de
son gourdin, il donne force de loi à la "peine" corporelle qui lui est
infligée, puisqu'il n'en conteste plus l'arbitraire, mais seulement le
montant. Voici la France des héritiers du Général de Gaulle convertie
à l'enseignement des juristes d'un Coran musclé, qui ne condamnent
pas la peine du fouet, mais seulement le nombre de coups que subira
une carcasse et qui triomphent à la barre d'afficher leur vassalité
judiciaire, celle d'avoir obtenu un dosage réduit de la mise à la
torture bien méritée de leur charpente. Mais un Etat souverain
n'achète pas sa philosophie de la Justice sous le fouet du bourreau.

Le peuple français commence d'enfanter des citoyens informés des


lacis de la jungle. Ceux-là savent que les lois de la brousse ont
seulement changé de vêtements. Ils ont découvert qu'une nation ne
règne plus sur une autre avec des piques, de hallebardes et des
grenadiers, mais avec des signes et des emblèmes de sa grandeur ou
de sa honte. L'OTAN règne seulement d'aligner des baudriers aux
frontières de la Russie - c'est l'habillage de quelques gardes en
uniformes qui insulte une grande nation, c'est l'effigie de la pleutrerie
internationale qui illustre la vassalité d'une Europe tremblante.

5 - L'expérience chrétienne et le marxisme

Et pourtant, le coup de semonce du 6 juin 2014 portera ses fruits. La


preuve en est que, dès le 11 juin 2014, Mme Susan Rice, Conseillère
militaire du Président des Etats-Unis cédait à l'urgence diplomatique
de rappeler à la face du monde que les Etats-Unis avaient "mérité
leur position sans égale dans le monde pour l'avoir, durant plusieurs
décennies, dirigé avec sagesse". Car, ajoutait-elle "aucune autre
nation ne rivalise avec les fondements inébranlables de notre
puissance. Notre force militaire n'a pas d'équivalent sur la terre,
notre réseau d'alliances fait de nous une nation vers laquelle le
monde se tourne quand nous sommes défiés par des provocateurs.
Le rôle dirigeant des Etats-Unis demeurera central et sans
concurrence." Mais, dans le même temps, les peuples doivent
"prendre leur part à la sécurité" du monde, parce que "l'Amérique ne
parvient plus à assurer seule la police de l'univers". Quand un empire
se résigne à afficher sur le mode oratoire son invincibilité tant
physique que doctrinale et appelle ses vassaux à secourir sa voix
affaiblie, c'est qu'il court à la ruine en vêtements d'apparat.

Les funérailles du sauveur sont désormais programmées: en 1949, il


était relativement rationnel d'inonder l'Europe de bases militaires et
d'ogives nucléaires réputées salvatrices, puisqu'il n'était nullement
absurde de prévoir qu'une mythologie politique crépusculaire
s'emparerait de l'encéphale délirant de l'humanité - une ultime
utopie évangélique déclencherait la même prosternation universelle
que le mythe de la Croix vingt siècles auparavant. Mais comment
élever les retrouvailles légitimes de la Russie capitaliste avec le port
de Sébastopol au rang d'une menace sotériologique, eschatologique
et parareligieuse? L'Amérique est passée du rang d'un messie
rédempteur à celui d'un empire en expansion militaire banalisée -
mais c'est retourner à l'âge de la massue et du gourdin que de
rebrousser chemin d'un siècle et demi et de revenir à l'expédition de
Crimée de Napoléon III en 1856.

Déjà, tous les lundis et dans plus de cent villes allemandes, des
manifestations populaires proclament: "Soixante-dix ans
d'occupation, ça suffit. US go home." Une première marche sur Berlin
aura lieu le 27 juillet. Même les Bâlois s'y mettent. Seule la presse
française laisse la nation dans l'ignorance des signes avant-coureurs
de la chute inéluctable de l'empire américain.

6 - Trois métazoologues en vadrouille

En vérité, je crois connaître un secret d'Etat: trois métazoologues


avertis se promènent dans les couloirs du Quai d'Orsay. Ce sont eux
qui ont convaincu - mais pour quelques heures seulement - un
Président de la République qui ne comprend goutte aux lois qui
pilotent le destin des empires de rappeler les bombardements
aveugles de la population normande par l'aviation américaine en
1944. Le bilan de ces massacres s'était élevé à quelque vingt mille
morts, et, depuis soixante-dix ans, tout le monde faisait silence sur
des à-côtés aussi subalternes.

Mais, le 5 juin 2014, la reine d'Angleterre débarquait en France pour


une visite d'Etat de trois jours - la date en avait été choisie avec le
plus grand soin. Après s'être acquittée, à l'arc de triomphe, du devoir
traditionnel des souverains étrangers de rendre hommage au soldat
inconnu, Elisabeth II descendait les champs Elysées aux côtés du
chef de l'Etat. Elle seule bénéficiait, dans l'ordre des solennités du
protocole de cour que les démocraties elles-mêmes ont officiellement
adoptées, d'un rang supérieur dis-je, à celui du cinquième
successeur de Jimmy Carter.

C'était à l'armure mentale et parareligieuse de la sotériologie


démocratique que la pompe royale faisait prendre une direction
nouvelle, ce qui démontrait à nouveau, s'il en était encore besoin,
que le véritable enjeu de la guerre des images, celui des dentelles et
des rubans dont se pare le salut démocratique, n'est autre que le
maniement des hochets et des symboles que le mythe de la Liberté
met en scène et dont les républiques enferment le trésor conceptuel
dans le temple de la sotériologie verbale des modernes.

Du coup, le champ de bataille de la catéchisation lexicale sur laquelle


se joue la parure confessionnelle du monde n'est plus, comme il est
dit plus haut, celui des affrontements armés entre des mécaniques
militaires devenues obsolètes sous le ciel sanglant de trois
monothéismes, mais entre les paradis mentaux d'un livre d'images
colorié à l'usage des enfants. Le mythe du salut que prêche une
Liberté de type eschatologique ne cesse de se diviser entre des
trônes doctrinaux en rivalité entre eux, des capitales verbifiques
confuses, des royaumes du langage agrémentés de figures d'une
rhétorique de la délivrance du monde.

7 - Madame Mireille Delmas-Marty

Depuis 1944, la Liberté incantatoire - donc de type sotériologique,


tant par nature que par définition - avait valorisé les invocations
messianiques de la démocratie auréolée de ses idéalités, mais au
seul profit d'une Maison Blanche élevée au rang de rédemptrice
surnaturelle du monde. Ce royaume des nourrissons d'une
Démocratie miraculée par son auto-sanctification se retrouvait entre
les mains d'une Europe encore démantelée dans l'ordre politique,
mais déjà forte de l'appui juridique de la Chine, de la Russie, du
Japon, de la Corée du Sud, qui ont pris la décision de renoncer au
règne unilatéral du dollar dans leurs échanges commerciaux entre
eux. Entre une Europe encore asservie à Washington et une Russie à
nouveau en ascension, le "pacte d'acier" du XXIe siècle est
désormais signé dans les têtes.

Dans ce contexte, la contre-offensive proposée par Mme Mireille


Delmas-Marty, citée plus haut, est sans doute la plus pragmatique et
d'une belle cohérence juridique- mais le droit n'est jamais que
l'expression d'un rapport des forces politiques - et ce rapport renvoie
à une philosophie de la condition humaine.

Qu'est-ce à dire? Qu'en est-il de l'universalité nouvelle de la pensée


rationnelle dont l'Europe devra accoucher ? Il faudra bien que le
christianisme se confère une autre ubiquité que celle de sa théologie.
Du reste, le pape François lui-même a dû renoncer à l'entreprise de
faire réciter à l'intention d'une divinité censée solitaire la prière
commune que MM. Peres, Abbas, le patriarche orthodoxe et lui-
même auraient saintement prononcée en commun dans les jardins
du Vatican le 8 juin 2014, parce qu'une oraison adressée à un ciel
unifié dans l'ordre spirituel aurait posé des problèmes théologiques
insolubles aux quatre Dieux farouchement individualisés et tout
artificiellement proclamés se fondre en un seul; il a fallu se résigner
à recourir à une simple "invocation collective", mais seule jugée
audible à un Zeus morcelé et dur d'oreilles. Comment articuler entre
eux des monothéismes aux théologies incompatibles entre elles,
alors que la mondialisation d'une Démocratie faussement séraphique
et auréolée d'abstractions résolument ennemies du surnaturel n'est
pas près de conduire à la mondialisation d'un chœur de dogmes que
tiendrait d'une main ferme une doctrine ecclésiale logicisée.

Mais si ni la théologie, ni la science juridique actuelle ne sont de taille


à lutter contre la vassalisation de l'Europe, quel est le défi cérébral à
relever?

8 - Une religion carnassière

Naturellement, la résistance féroce des Etats-Unis à l'abaissement de


leur sainteté politique et à la dépossession de leur sotériologie
impériale se prolongera longtemps encore; mais le XXIe siècle fait
courir le mythe du salut politique dans une direction nouvelle et
irréversible. Plus question d'évangéliser des abstractions verbifiques.
Le déclencheur de l'inversion cérébrale de la course des armes et des
songes va se révéler le détonateur d'une révolution plus secrète de
l'intelligence politique mondiale, celle d'une anthropologie ennemie
des politologies fétichisées par le droit. En vérité, cette mutation
méthodologique de la raison politique progressait depuis un demi-
siècle au sein des phalanges d'avant-garde de la métazoologie.

D'un côté, une scolastique greffée sur le concept universel de Liberté


demeurera, pour longtemps encore, hélas, l'axe central et l'emblème
d'une démocratie théologisée en sous-main et à l'échelle planétaire
par son lexique messianisé. Mais, de l'autre, l'analyse du contenu
psycho-politique de cette mythologie mettra en lumière l'inconscient
religieux qui pilote le mythe d'une Liberté abstraite et conduira à une
connaissance concrète de la planète du sacré. La métazoologie
spectrographie l'animalité spécifique de la bête cérébralisée par les
divinités semi-animales que sécrètent ses neurones. Mais, alors que
l'expansion territoriale du rêve du salut avait recouru au tranchant
des glaives et au fil de l'épée des chrétiens, les armes hyper
mécanisées du monde moderne sont devenues inutilisables depuis
Hiroshima. Le champ de bataille des armes traditionnelles de la
sanctification de la mort demeurera-t-il désert? Nenni: le nouveau
théâtre de la glorification du trépas guerrier sera celui des batailles
économico-juridiques. La guerre d'Irak de 2003 a fait cinq cent mille
cadavres d'enfants et de nourrissons.

Interrogée sur l'adéquation du montant de cette pieuse facture aux


résultats positifs obtenus sur le terrain de l'histoire et de la mort,
Mme Albright, ancienne Secrétaire d'Etat, a estimé que ce sacrifice
dévot en valait la peine - la pendaison légale d'un tyran est toujours
civilisatrice. La famine moderne engrangera demain les carnages
sacrés d'une nouvelle politique universelle, celle de la morale
démocratique messianisée par un Département d'Etat meurtrier.
On voit que l'approfondissement de la simianthropologie conduit à la
connaissance des relations que l'impérialisme juridico-américain
entretient avec la barbarie et qu'il s'agit de l'avenir cérébral de la
civilisation mondiale. Mais, alors seulement, la vie ascensionnelle de
la conscience universelle connaîtra un nouvel élan trans-sépulcral.
Car, chez les Grecs déjà, les dieux stomacaux du polythéisme
avaient été dénoncés comme des animaux gigantifiés par leur
ventre. Il n'y avait pas de raison que la mystique chrétienne ne
poursuivît pas l'analyse anthropologique de l'animalité carnassière et
de la cruauté infernale des trois dieux proclamés uniques, puisqu'ils
se civilisent lentement et seulement peu à peu depuis le Déluge et
que les progrès moraux de ces monarques universels de leur propre
férocité demeurent entrecoupés de terribles rechutes. Mais quel
territoire intellectuel ouvert à l'humanisme fondateur d'un "connais-
toi" en mesure de radiographier l'animalité spécifique du Dieu des
tortures et de mettre sa bestialité en parallèle avec celle de l'histoire
universelle!

9 - Les cambioleurs de Dieu

Dans un premier temps, la bombe atomique avait paru délivrer les


Etats des bandelettes qui paralysaient leurs fulminations ridiculement
mécaniques et construites sur le modèle de la dissuasion
apocalyptique des religions. Depuis les Grecs, l'Olympe proclamait
que la "sagesse commence avec la peur des dieux". Ce serait donc,
pensait-on, à l'instar des trois terroristes d'un ciel sous-tendu par
une chambre des tortures qu'un seul Etat devenu meurtrier à
l'échelle biblique, donc privé de tout rival de ses crocs, allait régner à
la faveur d'une épouvante plus universelle et plus salutaire que
jamais - celle d'un souverain dont l'éthique serait calquée sur un
renouvellement de la sainteté multiséculaire des empires infernaux.

Mais le contraire s'est trouvé démontré: qu'est-ce qu'une dissuasion


désormais servie par une explosion proclamée terminale, et conçue
sur le même modèle de l'auto-propulsion vertueuse que celui des
religions vengeresses, sinon la preuve indirecte, mais irréfutable, de
ce que Dieu, s'il existait - au sens animal que les théologiens
donnent encore à ce vocable - ne disposerait de l'arme de la mort
universalisée qu'à une seule condition, mais irréalisable: qu'ils en
mettraient farouchement le monopole à l'abri des malandrins
spécialisés dans le cambriolage des arsenaux du ciel.

Si par malheur, huit co-propriétaires, tous meurtriers de naissance,


arrachaient à Zeus la sainte prérogative d'un assassin absolu, il
aurait bonne mine, le pauvre, de se trouver à la merci d'une
effraction profanatrice de sept rivaux de sa foudre! C'est ce qui est
arrivé aux vantards qui se partagent le secret de leur piteuse auto-
pulvérisation réciproque. Mais voyez comme ils sont de mèche pour
cacher au monde entier le ridicule de la foudre et des châtiments du
ciel collectif qu'ils sont devenus à eux-mêmes, voyez comme ils
dissimulent que chacun d'eux a perdu en route l'exclusivité des
apanages et de la pavane du massacreur glorifié des origines. Que
faire d'un Dieu dévalisé et métamorphosé en détonateur du suicide
de tous les dieux uniques?

10 - Le Dieu de la terreur du monde

Mais pourquoi juger blasphématoire de démontrer l'absurdité de la


dernière massue du ciel des magiciens, sinon parce que le capital
psychogénétique de la bête ensorcelée par ses propres sortilèges
demeure branché sur vingt siècles des gourdins de l'absolu - ceux de
la fournaise verbale qui sanctifie encore dans les têtes les souterrains
enflammés d'un exterminateur adoré. On ne saurait à la fois nier
l'existence du Dieu des tueurs qu'une espèce meurtrière s'est
nécessairement donné à son "image et ressemblance" et ne pas
conduire par la main un Prométhée plus décidé que le précédent à
radiographier les ardeurs crématoires d'un personnage céleste calqué
sur l'histoire du cerveau de la bête pseudo cogitante.

Mais si vous ne visitez pas les souterrains simio-anthropologiques du


droit international actuel, si votre science juridique et votre
radiographie de la bête théologisée demeurent en panne d'une vision
entière de la condition simiohumaine, comment l'Europe de la pensée
aurait-elle encore quelque chance face à son vassalisateur
"démocratique" et à sa mythologie de la vocation planétaire et
apostolique du droit américain?

Par bonheur, le seul animal épouvanté d'habiter l'infini se voit


désormais contraint de regarder en face la machine de la mort
montée sur les ressorts du fabuleux et du fantastique que le mythe
mondial de la Liberté met en scène. L'évolution malencontreuse de la
bête a rendu la cervelle des détoisonnés prisonnière de la
simiohumanité de leur idole des bûchers. Impossible à l'humanité de
fuir plus longtemps le spectacle de son écartèlement infernal dans le
miroir des tortures où son saint exterminateur lui renvoie sa propre
image, celle du Dieu de l'effroi des vivants et des morts.

Puisse le réquisitoire d'un petit procureur américain qui a cité la


France et l'Europe à la barre du Dieu sans tête de l'Amérique ouvrir
les yeux d'une civilisation sur la superficialité de son "connais-toi" et
sur la nécessité de boire la ciguë ressuscitative de la pensée
rationnelle.

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