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La quantité chez Aristote
Son rôle en physique, mathématique et métaphysique
RÉJANE BERNIER
Université de Montréal
ABSTRACT : The article first presents a few epistemo logical considerations and
recalls that, for Aristotle, the principle of knowledge of the quantity is the
common meaning which regroups and unifies the data of the meanings
relative to each one of the objects. The study goes on to analyse the different
modes of quantity : discreet and concrete and shows that, in physics, it is
especially the concrete quantity which plays a role in material being, it being
at the origin of the determinations of the kinds of qualities : 1 ) states -
dispositions and aptitudes - inaptitudes ; 2) sensible qualities ; 3) form-
figure. The article raises the difficulties of going from physics to mathematics
and looks into the nature of the quantity used in geometry. Finally, it proposes
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596 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 597
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598 R. BERNIER
3. Kahn rappelle ici (1966 : 75) le parallélisme entre la doctrine de Descartes et celle
d'Aristote : « Both philosophers connect the soul with the body as a whole ; and both recognize
its special relationship to a central organ ».
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 599
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600 R. BERNIER
I. La quantité dans l
A. La quantité discrète
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 601
5. Pour les Pythagoriciens, Y occasion était identifiée avec le nombre 7, le juste avec le 5, ou
avec le 4 ou le 9 et le mariage avec le 5 (somme du premier nombre pair et du premier nombre
impair) (n. 1 de Tricot, p. 734 du tome II de Mét.). « Le nombre Sept présentait, pour les
Pythagoriciens, une importance particulière, car c'était, de toute la Décade, le seul qui ne fût ni
produit, ni facteur » (n. 3 de Tricot, p. 838 de t. II de Mét.).
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602 R> BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISŤOTE 603
B. La quantité concrète
Cette quantité peut être continue (lorsque les extrémités de ses parties
sont une seule chose), contiguë (lorsque les extrémités sont ensemble) et/ ou
consécutive (lorsqu'il n'y a aucun intermédiaire du même genre entre les
extrémités) (. Phys ., VI, 1, 231a22-23). Au sens strict, la continuité appartien-
dra surtout aux corps simples et aux homéomères, tant animés qu'inanimés.
Les parties anhoméomères, de natures différentes, (p. ex. les organes com-
posés de différents tissus) peuvent être contiguës les unes aux autres. Elles
sont aussi consécutives. On peut cependant considérer l'organisme comme
une unité, une totalité, et en ce sens toutes ses parties seront continues (cf.
Phys., V, 3). La continuité de la quantité des êtres physiques peut donc être
soit celle des parties, soit celle du tout.
D'après les Catégories (6, 5b 11), la quantité n'a pas de contraires. Elle
est, par contre, susceptible d'augmentation et de diminution. Ce type de
changement est différent, pour Aristote, de la génération, car celle-ci est
accompagnée de la destruction de la substance tandis que dans les cas
d'augmentation et de diminution, la substance persiste et est modifiée
uniquement selon sa quantité et éventuellement ses qualités. Dans son étude
des éléments, le G. & C., Aristote est aux prises avec le problème posé par le
fait qu'une certaine quantité d'eau engendre une quantité d'air d'un volume
supérieur à celui de l'eau. Ici intervient la notion de densité avec laquelle
Aristote n'est pas très à l'aise en raison du fait qu'il nie l'existence du vide
entre les parties. Selon lui, les contraires, tels que rare et dense, chaud et
froid, ont une matière une et « la génération se fait de l'existence en puis-
sance à l'existence en acte » (Phys., IV, 9, 217a23-24). Ainsi, c'est la même
matière qui est à l'origine d'un corps, grand ou petit. La génération va tantôt
de la grandeur à la petitesse, tantôt de la petitesse à la grandeur. Une masse
devient moindre ou plus grande parce que sa matière est en puissance ceci ou
cela (Phys., IV, 9, 217a26sq.). « Aussi la grandeur et la petitesse d'une masse
ne se développent pas par addition de quelque chose à la matière, mais parce
que la matière est en puissance l'une et l'autre ; ainsi c'est la même chose qui
est dense et rare, et pour ces deux qualités, il n'y a qu'une matière » (Phys.,
IV, 9, 217b8-ll). Pour Aristote, « ... si de l'air se forme à partir de l'eau, ce ne
sera pas parce que l'eau se transforme, mais parce que la matière de l'air sera
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604 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 605
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606 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 607
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608 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 609
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610 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 611
ne joue aucun rôle spécifiant. Chez les organismes engendrés par reprodu
tion végétative ou sexuée, la situation est différente et le principe psychique
joue un rôle de plus en plus spécifiant au fur et à mesure que l'on s'élève dans
la hiérarchie des vivants. Cependant, Aristote a toujours soutenu que l'âm
de chaque vivant correspond à un corps d'une nature déterminée (D. A.,
2, 414*22).
Plus récemment (Bernier, 1995, sp. p. 19-22), j'ai rappelé comment
Aristote tente de rendre compte de la formation des parties homéomères
animées en montrant le rôle qu'y jouent l'eau, la terre, l'air et le feu. Je me
permets de citer un passage de cet article :
D'après Aristote, le cœur est le premier organe formé ; il est le principe des
vaisseaux [Des parties des animaux (= P. A.), II, 9, 654bll] et il élabore le sang
[II, 1, 647b 5-6]. Les fibres du sang sont d'origine terreuse et le sérum, qui est
tout le reste du sang, est d'origine aqueuse [P.A., II, 4, 650b 18]. Du sang se
forment les chairs qui se condensent sous l'action du froid [G. A., II, 6, 743a
8-10] ; puis les tendons et les os se forment des chairs par dessèchement de
l'humidité, sous la chaleur [G. A., II, 6, 743al7-18]. La peau se forme par
dessèchement de la chair [G. A., II, 6, 743b5-7] : ongles, poils et cornes viennent
de la peau [G. A., II, 6, 745a20-21].
Le sang est également à l'origine des résidus que sont la graisse et le suif qui sont
les corps huileux qui participent de l'air et du feu [P.A., II, 5, 651a 20-25]. Le suif
est terreux avec peu d'eau car il se fige [P.A., II, 5, 651a27-29]. Semblable à la
graisse et au suif est la moelle des os, provenant également du sang [P.A., II, 6,
651a22-24]. Le sang produit aussi, après coction, le résidu séminal, tant chez la
femelle que chez le mâle, à cette différence près que chez la femelle, en raison
d'un degré de chaleur inférieur à celui qui existe chez le mâle, le résidu est moins
pur [G. A., 1, 19, 728al8-21], de sorte qu'il ne peut transmettre la forme. (Bernier,
1995, p. 21).
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612 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 613
en vertu du fait qu'ils se solidifient au froid que l'on peut dire que l'urine, le
vinaigre, la lessive, le sérum du sang sont, eux aussi, à base d'eau ( Météo
IV, 10, 389a7-ll). On doit dire que le mode de raisonnement que l
physico-chimistes expérimentalistes d'aujourd'hui utilisent est assez sem
blable à celui qu'employait Aristote : aller des propriétés à l'identification du
corps. Sauf que le tableau des éléments comporte aujourd'hui 110 élémen
(offrant la possibilité de synthèses innombrables) alors qu'Aristote n'e
possédait que 4 pour rendre compte de tous les corps de la nature, tan
animés qu'inanimés. Le jeu de toutes les combinaisons possibles des
éléments était rendu encore plus difficile par le fait que deux d'entre e
sont des éléments passifs (sec et humide) alors que les deux autres (froid
chaud) sont actifs. Aujourd'hui, personne ne reconnaîtra de valeur scien
fique aux explications proposées par Aristote, p. ex., celles relatives à
formation des métaux et des roches non-métalliques par les exhalaisons
l'eau et de la terre. Ce qui est intéressant, c'est l'idée de base qui demeur
valable : la quantité des composants est à l'origine des propriétés.
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614 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 615
Suivant que l'un des deux éléments l'emporte, chaque corps se présente
avec la qualité correspondante » ( Météor. ;, IV, 4, 382a3-4) et plus loin
« Parmi les qualités des corps, celles qui nécessairement appartiennent e
premier lieu au corps délimité, sont la dureté et la mollesse. Car ce qui e
fait de sec et d'humide est nécessairement dur ou mou. Est dur ce dont la
surface rigide ne se laisse pas enfoncer ; est mou ce qui cède... » (Météor., IV,
4, 382a8-10).
La totalité des êtres matériels possède donc l'une ou l'autre des qualités
de chaud et de froid, de sec et d'humide. Dans le cas des mixtes, les qualités
tactiles reflètent, d'après Aristote, les qualités des constituants.
Aristote avait déjà soutenu dans G. & C. la distinction entre les éléments
actifs (chaud et froid) et les éléments passifs (sec et humide). Dans les
Météorologiques , il applique de façon systématique l'opposition matière-
forme à l'opposition éléments passifs / éléments actifs. Si Aristote considère
que ce sont le chaud et le froid qui jouent un rôle actif dans l'être corporel
alors que le sec et l'humide jouent un rôle passif, c'est parce que ce sont le
chaud et le froid qui sont à l'origine des corps et qui produisent soit la
génération, soit la corruption, ainsi que les états des corps, comme je l'ai
montré plus haut. Dans un grand nombre de textes, Aristote considère le
chaud et le froid comme étant la cause d'un corps soit en éliminant l'humi-
dité soit en desséchant un solide, par exemple un os ou de l'argile, etc. De
même, c'est le froid qui congèle les exhalaisons et forme les métaux et les
pierres non-métalliques. Aristote utilise souvent l'idée de détermination par
le froid ou par le chaud ; ainsi dit-il que le sec et l'humide qui sont contenus
dans la terre et l'eau « sont déterminés par le froid » (Météor., IV, 11,
389a31-32) ou par le chaud. Qu'est-ce que cette détermination : est-ce une
action productrice ou une qualification inhérente ? Le froid externe qui
refroidit l'eau jusqu'à la congeler devient aussi à ce moment une caractéris-
tique intrinsèque de la glace. La même question se pose en ce qui concerne la
chaleur. Comment distinguer la chaleur qui produit et la chaleur inhérente à
ce qui est produit ? C'est que, pour Aristote « dans tous les corps qui sont
passés au feu, il reste toujours de la chaleur en plus ou moins grande
quantité » (Météor., IV, 11, 389b3-5).
Aristote distingue la chaleur interne ou intrinsèque et la chaleur externe,
provenant du milieu. Dans le chapitre 1 du livre IV des Météorologiques , il
considère surtout la chaleur du vivant, celle qui opère la digestion, la
coction, la maturation, etc. C'est la chaleur interne qui détermine la consis-
tance du corps par son action sur la matière : la solidité des os, le caractère
fluide du sang, etc. C'est également elle qui assure la maturation des fruits
dont le terme est la production de la semence, fin du végétal. Pour Aristote,
en effet, la fin de tous les composés naturels est la décomposition, la
corruption, la putréfaction (destruction naturelle). Mais il soutient aussi que
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616 R. BERNIER
15. Ces auteurs soutiennent que la notion de matière première n'appartiendrait pas à
Aristote mais proviendrait de la tradition postérieure. Pour eux, la matière première désigne les
éléments. Je reviendrai plus loin sur la question.
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 617
16. On peut s'interroger sur la signification de ce nombre sept qui était un nombre-c
pythagorisme.
17. L'énumération varie dans le D.S. où Aristote parle des odeurs douces, rudes, f
grasses, fétides (D.S., 5, 443b9-10).
18. Voir à ce sujet Johansen (1996).
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618 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 619
pertinent qu'il considère que c'est la figure qui donne à toute chose
qualification et que tout être a une figure. C'est par la figure que la grandeu
est connue.
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620 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 621
organes. Pour lui, l'âme est exprimée dans la matière par la figure, le p
structural ou le type de proportions des organes et de l'organisme. On pe
signaler que cette interprétation dépasse les textes d'Aristote mais je cr
cependant que ceux-ci la justifient. Aristote dit bien, en effet, que c'est l'âm
qui contrôle la forme des organes afin que ceux-ci soient en mesure d'exercer
leurs fonctions vitales y compris la reproduction.
Aristote a cependant établi une profonde distinction entre les organis
mes apparus par génération spontanée et ceux nés par reproduction asexu
ou sexuée. Dans leur article de 1989, Bernier et Chrétien ont analysé le r
que jouent la forme et la matière chez les différents vivants. Elles ont mont
que, au niveau des organismes produits par génération spontanée, l'âme e
le principe de vie, mais que c'est la nature des éléments matériels constituant
le vivant qui détermine la nature du vivant. Le principe psychique n'est
spécifique ni spécifiant. La situation change lorsque l'on s'élève dans la
hiérarchie des vivants. A partir des organismes qui se reproduisent, il y a un
continuité entre l'organisme souche et les êtres engendrés et cette continuit
spécifique est assurée par l'âme qui joue alors un rôle spécifiant aussi bie
dans les cas de reproduction asexuée que dans ceux de reproduction sexué
En ce qui concerne les organismes qui apparaissent spontanémen
Aristote n'a pas véritablement traité les problèmes que présente leur mo
phogenèse. On ne trouve pas non plus d'explication relative aux limitatio
de la quantité. « On n'a, par exemple, aucune information relative à la
quantité de matière nécessaire pour la production d'un organisme donné.
fait qu'un limon bourbeux produise des huîtres et un limon sablonneux d
conques ne nous donne pas la raison de la production d'un organisme uniq
plutôt que de plusieurs organismes, ni la raison de la dimension (ou de
quantité de matière) de l'organisme produit. Pourquoi les puces sont-el
minuscules et les anguilles sont-elles de dimension respectable alors qu'el
sont, selon Aristote, également produites par génération spontanée » (Be
nier et Chrétien, 1989 : 22). Rappelons que la plupart du temps, ces organ
mes ne se reproduisent pas.
D'autre part, chez les organismes qui se reproduisent, que ce soit de
façon asexuée ou sexuée, la morphogenèse est dirigée par l'âme « primaire
ou végétative. L'âme qui intervient dès les toutes premières étapes
l'ontogenèse est toujours forme spécifique du vivant qu'elle anime et c'e
elle qui dirigera ici le développement du bec de tel oiseau, là les glande
mammaires de tel mammifère (différentes, p. ex. chez la jument et la truie),
etc. C'est donc l'âme qui est à l'origine des formes vivantes.
J'ai déjà examiné l'ontogenèse du vivant et je renvoie à mon article d
1995 où j'ai analysé le rôle de la quantité dans la détermination de
structure de l'organisme. J'ai signalé combien Aristote était conscient d
l'allométrie que présentent les structures morphologiques, soit au cours
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622 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 623
n'en est pas une de créature à créateur mais de mobile à moteur. Pour
Aristote, et la matière et les formes sont éternelles. Il est donc difficile
parler de finalité intentionnelle quoique certains commentateurs aient c
possible de le faire, mais cela déborde les cadres de la physique et débouc
sur une théologie naturelle. La finalité conçue par Aristote correspond à
finalité de fait dont a parlé Cuénot (1941) : la constatation d'un lie
harmonieux entre une structure et une fonction. Dans un contexte fixiste
comme celui qu'imagine Aristote, où les espèces sont stables et éternelles,
une telle finalité ne peut présenter aucune valeur explicative. La stabilité des
espèces supprime la question de la construction des structures qui ont
toujours été et seront toujours adaptatives. L'âme qui dirige la construction
des formes à un moment donné est spécifiquement identique aux âmes des
individus passés de cette même espèce éternelle. On n'a donc pas de vérita-
ble réponse à la question de l'origine de la forme-figure, ni dans le cas de la
génération spontanée puisqu'Aristote ne traite pas de la morphogenèse des
organismes qu'elle produit, ni dans les cas de reproduction asexuée ou
sexuée puisque les espèces sont éternelles. La finalité est constatée, mais il
est impossible de savoir si la cause finale a joué quelque rôle dans l'élabora-
tion des formes des vivants. Le fait de soutenir l'éternité de la matière et de
la forme ne permet pas d'expliquer un type particulier d'organisation.
Comme Aristote considère que les variations individuelles soit quantita-
tives, soit qualitatives (altérations) n'affectent pas la forme spécifique au
point de la modifier, il n'offre de véritable explication ni des formes ni des
structures.
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624 R. BERNIER
22. Il existe également plusieurs articles sur la philosophie des mathématiques d'Aristote
qui débordent le cadre de mon analyse de la grandeur. Je renvoie le lecteur intéressé à Mueller,
1970, Hussey, 1991, White, 1993, Lear, 1982, Mansion, 1946, Annas, 1987, Barreau, 1992,
Granger, 1969.
23. Cleary (1994 : 59) a examiné la possibilité que la matière intelligible joue un tel rôle
d'individuation, mais il semble toutefois l'exclure car elle lui paraît entrer en conflit avec
certaines positions d'Aristote.
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 625
comme étant à la base des autres propriétés sensibles du monde physique 24.
Quoique le géomètre considère les propriétés géométriques comme sépar
des choses physiques, les objets géométriques n'en sont pas moins d
composés de ces propriétés et de la matière intelligible, comprise comm
l'étendue. Nous ne voyons pas l'étendue pure, mais toujours l'étend
avec une certaine forme. L'étendue pure est atteinte de façon rationnelle
c'est sur elle que, d'après Mueller, les propriétés géométriques sont imp
sées, ce qui fait que les objets qui en résultent sont plus intelligibles q
sensibles. Annas (1975 : 30) trouve que cette distinction proposée p
Mueller, entre l'objet (étendue) et les propriétés qui lui sont imposées, e
intéressante mais constitue une reconstruction qui outrepasse les textes
Philosophe.
Aristote a voulu fonder sa distinction de la physique et des mathémat
ques sur les degrés d'abstraction. Il existe plusieurs études relative
l'abstraction comme source des différents niveaux de connaissance. Voir
spécialement Philippe (1948), Mansion (1946), Cleary (1985), Annas (1987)
et Modrak (1989). L'abstraction des qualités sensibles individuelles permet
d'obtenir la notion de solide ou de corps à 3 dimensions (profondeur, largeur,
longueur). L'abstraction de la profondeur où de l'épaisseur nous laisse avec
la surface, à deux dimensions (largeur et longueur) ; par la suite, l'abstrac-
tion de la largeur conserve la dimension unique (longueur) de la ligne. Enfin,
l'abstraction de toute dimension permet d'atteindre le point (cf. Mueller,
1970 : 166 ; Hussey, 1991).
D'après Mansion (1946) et également d'après Annas (1987), l'abstrac-
tion n'est pas un critère suffisant pour distinguer physique et mathémati-
ques car le même intelligible, la matière étendue conserve la corporéité, ce
qui aurait comme conséquence que les mathématiques et particulièrement
la géométrie ne constituent pas une science distincte de la physique car
« l'étendue, en effet, qu' Aristote appelle grandeur (fiéysOoç) est sous-jacente
à tous les effets et à toutes les déterminations dont traite le géomètre, et c'est
en même temps un attribut commun à tous les corps de la nature » (Mansion,
1946 : 144). De sorte que « la tentative ď Aristote en vue de fonder la
distinction du physique et du mathématique sur les degrés d'abstraction
apparaît comme avortée » d'après Mansion (1946 : 169).
Etant donné que chez Aristote, les mathématiques comprennent l'arith-
métique et la géométrie, mon analyse devrait reprendre ici les principaux
éléments de la première partie de la section précédente consacrée à la
quantité discrète et traitant du nombre. Je renvoie le lecteur à ces quelques
pages qui contiennent l'essentiel en ce qui concerne le thème de mon analyse
et, pour un traitement plus approfondi de la question, à Heath (1949). Cette
24. Panza (1992) croit au contraire que pour Aristote le concept de continuité serait
antérieur à celui d'objet continu.
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626 R. BERNIER
A. Définition de la figure e
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 627
25. Pour ce qui concerne la notion de divisibilité infinie chez Aristote, voir Lear (1979-
1980) et plus récemment, Bolotin (1993). Pour une analyse de la continuité en Physique , VI,
voir Bostock (1995).
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628 R. BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 629
mais selon ses trois dimensions, i.e. en tant que matière intelligible, l
grandeur continue, sujet des propriétés géométriques, est l'objet de
géométrie. Mais la géométrie ne pose la question de l'être de la quantité
dans le contexte de la théorie platonicienne des Idées. Pour Aristote, ni l
nombres ni les figures n'ont une existence « idéale » au sens platonicien.
peut donc se demander avec Cleary (1994) de quelle discipline relève la
connaissance ontologique de la grandeur.
Un texte important pour la réflexion ontologique est précisément cel
de Mét ., Z, 3, 1029al6-18, mentionné dans la section précédente et qu
m'apparaît opportun de rappeler. Aristote y affirme que « si nous supp
mons la longueur, la largeur et la profondeur, nous voyons qu'il ne reste rie
sinon ce qui est déterminé par ces qualités : la matière apparaît do
nécessairement, à ce point de vue, comme la seule substance ». Ce texte,
Schofield (1972 : 99) a considéré comme « an inept glose », a été abondam
ment commenté. L'opinion de Schofield n'a pas été partagée par les co
mentateurs (cf. Stahl, 1981) dont les principaux sont Mueller (1970) et
Sorabji (1988). D'après ce dernier auteur, aucune des différentes interpré
tions qui ont été proposées de ce texte n'est totalement satisfaisante ; ce
défendue par Simplicius lui paraît la plus acceptable.
Se fondant sur un texte de Phys ., IV, 2, 209b6-12, où, dans son étude du
lieu, Aristote distingue l'étendue (SiàaxìQfxa) qui est définie par la form
(p. ex. une surface, s7U7ue8ov ou une limite 7répoc<;) et la grandeur ([iiyeOoç),
commentateur du VIe s. a.D. pense que l'étendue est identique à la matiè
première ou au sujet premier d'Aristote. Cette étendue pourrait recevoir une
longueur, une largeur et une profondeur déterminées ; elle peut être pensée
sans ses déterminations, mais cela ne signifie pas qu'elle existe sans se
dimensions. Aristote lui-même, en Phys. IV, 2, 209b6-9 compare la mati
à l'étendue : toutes deux sont indéterminées et indéfinies. Elles deviennent
déterminées par la forme. Pour Simplicius, la matière première peut être une
étendue indéfinie (Siáarrjjjia ou SiáaTaaLç) et ne pas avoir de grandeur
(fiiyeeoç).
Ce que, en certains textes, Aristote appelle matière correspond exacte-
ment à ce que, en d'autres textes, il appelle étendue. Si l'on veut arriver aux
principes de l'être matériel, on peut abstraire aussi bien des qualités sensi-
bles que des dimensions individuelles et spécifiques, mais on ne peut se
passer de l'étendue. La matière ou l'étendue reçoit ses déterminations de la
forme. L'étendue n'existe pas sans qualification, pas plus que la matière
première. L'étendue est toujours l'étendue de quelque chose, d'une nature.
Même au niveau des éléments, l'étendue de l'eau ne se confond pas avec celle
du feu, de la terre ou de l'air. Aristote nous dit que ce sont les qualités
élémentaires qui donnent existence à la matière première. Dans le cas du
vivant c'est la forme qui détermine la grandeur et lui donne sa configuration.
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630 R' BERNIER
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 631
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 633
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634 R. BERNIER
RÉFÉRENCES BIBLIOG
Aristote, 1956. - La physique , livres V-VIII, trad. H. Carteron, Les Belles Lettres,
Paris.
Aristote, 1956. - Des parties des animaux , trad. P. Louis, Les Belles Lettres, Paris.
Aristote, 1965. - De la respiration , in Parva Natur alia, trad. R. Mugnier, Les
Belles Lettres, Paris.
Aristote, 1989. - De l'âme, trad. E. Barbotin, Les Belles Lettres, Paris.
Aristote, 1973. - Le mouvement des animaux , trad. P. Louis, Les Belles Lettres,
Paris.
Aristote, 1982. - Météorologiques , tomes I et II, trad. P. Louis, Les Belles Lettres,
Paris.
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 635
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LA QUANTITÉ CHEZ ARISTOTE 637
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