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Résumé
L'influence du platonisme doit être prise en compte si l'on veut approcher les fondements philosophiques du romantisme et du
symbolisme français. Certes, au XIXe siècle, on ne connaissait plus guère la lettre des œuvres de Platon, néanmoins, cette
époque se révèle intellectuellement très imprégnée par la tradition platonicienne, qui compose dans l'histoire de la pensée une
lignée alliant Plutarque aux illuministes du XVIIIe siècle et aux romantiques allemands. Comment se marque cette influence
platonicienne? Que nous apprend-elle sur le phénomène romantique? Le XIXe siècle littéraire fut-il tout entier platonicien? C'est
à ces questions que notre article voudrait répondre.
Abstract
The influence of Platonism should not be ignored when studying the philosophical fundamentals of French romanticism and
symbolism. In the XIXth century, Plato 's work was not known with precision. This period however was strongly influenced by the
platonic tradition, which dates back to Plutarch, up to the XVIIIth century theosophists and German romantics. What
characterizes this platonic influence ? What can we learn from Platonism on French romanticism ? Was the XIXth century in
literature entirely platonic ? This paper gives a tentative answer to these questions.
Brix Michel. Platon et le platonisme dans la littérature française de l'âge romantique. In: Romantisme, 2001, n°113. L'Antiquité.
pp. 43-60;
doi : https://doi.org/10.3406/roman.2001.1028
https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_2001_num_31_113_1028
De Platon au platonisme
Celui qui veut déterminer la part qui, dans la littérature française du XIXe siècle,
revient à l'influence de Platon doit éviter de tomber dans deux pièges. Le premier de
ces pièges consisterait à travailler avec, dans une main, les dialogues de Platon, et
dans l'autre les œuvres représentatives du romantisme. La confrontation, en effet, ne
serait guère fructueuse: le Platon que nous connaissons aujourd'hui, tel qu'il se dégage
par exemple des études savantes et des traductions de Luc Brisson, n'est pas — et le
fossé est parfois important - celui que connaissaient les érudits du XIXe siècle. Le
second piège à éviter ne se trouve pas loin du premier: il consisterait à parler de
Platon en s' inspirant de ce que les romantiques disaient de lui. Au XIXe siècle, on
platonise, certes, et on platonise même beaucoup, mais on connaît mal la lettre des
œuvres de Platon. Et pour cause: quand, en 1822, Victor Cousin s'avise de traduire en
français l'ensemble des dialogues platoniciens — l'entreprise ne sera achevée qu'en
1840 -, il est le premier à faire passer en français tout Platon. Seuls les plus connus
des traités du philosophe grec, comme Le Banquet ou le Phèdre, avaient déjà eu les
honneurs de traductions isolées. Et il s'en faut de beaucoup que les versions de Cousin
— et surtout les commentaires dont il les assortit — soient toujours fidèles à l'esprit de
l'original.
Au XIXe siècle, les mentalités apparaissent beaucoup moins nourries de la pensée
de Platon que d'éléments ressortissant d'une tradition platonicienne, au sens large,
certes issue des dialogues grecs, mais qui a notablement transformé, parfois déformé,
ou encore simplifié, le texte de départ. La doctrine originelle est passée par toute une
série de prismes: les disciples de Platon et les moralistes qui viennent après lui en
Grèce (Plutarque, notamment), les néoplatoniciens d'Alexandrie, les Pères de l'Église,
les penseurs persans et arabes, Pétrarque et les poètes pétrarquisants, les mystiques
rhénans, les néoplatoniciens de Florence, les illuministes du xvilF siècle, les
romantiques allemands ... Et la liste est loin d'être exhaustive. Ces relectures successives ont
modifié en de nombreux points le contenu précis des dialogues. Quelques exemples
suffiront. Ainsi la question de la pédérastie: dans Le Banquet et le Phèdre, Platon
situe au-dessus de toutes les autres - et notamment au-dessus de la relation conjugale
- la relation amoureuse qui lie un homme adulte et un jeune garçon. Plutarque, déjà,
tait ce point dans son traité Erotikos des Œuvres morales, et donne à la relation
conjugale la première place, au détriment des amours pédérastiques. Celles-ci resteront
ignorées dans la tradition platonicienne — de Plotin à Victor Cousin —, jusqu'à ce que
le XXe siècle, par la voix d'un Michel Foucault, ne redécouvre ce qu'était en vérité la
hiérarchie amoureuse établie par Platon.
Autre élément négligé, voire oublié, par les épigones du philosophe grec: la
question de la métempsycose. Platon expliquait notre élan spontané vers les valeurs
absolues par le cycle des réincarnations de l'âme: la métempsycose permet aux âmes
bonnes de retourner périodiquement au ciel et, là-haut, de suivre le cortège des dieux
et de contempler les essences; ensuite, c'est pétrie de nostalgie pour cet idéal que
l'âme s'incarne à nouveau et revient sur terre. À partir de Plotin, cette théorie de la
réminiscence induite par les souvenirs liés à une contemplation antérieure des idées va
se trouver éclipsée par l'affirmation qu'existe une sorte d'harmonie préétablie entre
l'âme et l'Esprit. Platon avait pris soin de montrer les sources de cette harmonie; ses
successeurs ont choisi de laisser son argumentation dans l'ombre.
Par surcroît, tout en se réclamant de lui, les épigones du philosophe grec vont aussi
donner à certaines des intuitions platoniciennes un aspect systématique qu'elles ne
possédaient pas si l'on se réfère au texte des dialogues. Ainsi, Platon avait évoqué
l'existence, au ciel, de valeurs absolues comme la beauté, la sagesse, la justice en soi,
la science, etc. Dans ce cortège de valeurs, Plotin isole le beau, il en fait l'Idée
majeure et l'assimile à l'Esprit lui-même, qui engendre et contient en lui toutes les Idées
pures. Cette tendance à transformer le platonisme en système apparaît plus nettement
encore chez Victor Cousin, selon lequel Platon aurait défini, au sommet de la
pyramide des Idées, une triade majeure composée du Bien, du Beau et du Vrai, - triade au
sein de laquelle le Beau occuperait la première place.
On observera que certaines de ces adaptations ont pu être déterminées par les
contradictions apparaissant dans le texte même de Platon, qui n'en est pas avare. Ainsi le
Phèdre et Le Banquet varient dans leurs définitions de l'amour (un dieu [dans le
Phèdre], un daimon [dans Le Banquet], un état de l'âme [pathos; dans le Phèdre]). De
même, l'éloge - dans le Phèdre encore - de la fureur poétique (définie comme la
faculté de saisir, grâce à un don divin, le langage des Idées) ne s'accorde guère avec la
condamnation des poètes, exclus de la cité idéale, dans La République. La plupart des
«arts poétiques» de la Renaissance se sont réclamés du Platon de Phèdre, sans faire
état des blâmes que le même philosophe avait pu adresser ailleurs aux poètes. Il est
probable que le platonisme n'aurait pas modelé, comme il l'a fait, la pensée
oc identale, si les héritiers du philosophe grec n'avaient ainsi «normalisé» sa doctrine.
Tous les spécialistes de l'histoire du platonisme sont donc conscients de l'écart qui
existe entre le texte des dialogues et la tradition platonicienne, ou platonisante. Ainsi
Jean-Louis Vieillard-Baron 1 a montré comment un Hegel avait dû écarter les images,
plus ou moins éloignées, du platonisme, qui dressaient comme un écran entre le
philosophe grec et lui, afin de pouvoir accéder à une vision précise et fidèle de la
métaphysique platonicienne. Les poètes et les romanciers français du XIXe siècle n'ont
pas eu le souci d'Hegel et, de ce côté-ci des Alpes, Victor Cousin avait au contraire
contribué à éloigner un peu plus encore la copie du modèle. Jean-Louis Vieillard-
Baron fait bien de rappeler qu'à l'époque romantique, «[1]' expression de platonisme
[même étendu de Platon à Proclus] a[vait] pris en philosophie un sens plat, vague et
imprécis, [...]» 2. De la pensée du maître grec ne subsistait plus, au début du XIXe
siècle, qu'une doxa, ou une sorte de vulgate, produite par une longue tradition et où
l'on pouvait déceler quelques options fondamentales dérivant des dialogues de Platon3:
l'opposition sensible/intelligible; l'hypothèse de l'existence de valeurs absolues qui
constituent le fondement de la réalité, et qui rendent possibles la connaissance et
l'éthique; l'idée que les choses sensibles seraient toutes la copie d'un modèle
intelligible; l'orientation ascendante de la recherche intellectuelle vers l'initiation
ROMANTISME n° 1 13 (2001-3)
Platon et le platonisme à l 'âge romantique 45
d' August Wilhelm Schlegel adoptent comme prémisses que la nature est un «poème
hiéroglyphique» et que la beauté constitue la représentation symbolique de l'infini par
le fini; de même, son frère Friedrich suit les enseignements du dialogue de Y Ion en
affirmant, dans son Histoire de la poésie des Grecs et des Romains (Geschichte der
Poésie der Griechen und Rômer) que la poésie vient des dieux et que l'enthousiasme
des poètes sacrés était dans l'Antiquité le signe d'une possession et d'une inspiration
venue d'en haut9. On pourrait multiplier les citations: le platonisme dessine l'horizon
philosophique des romantiques d'Iéna, - lesquels se donnaient pour tâche de
supprimer la «cloison invisible qui sépare le monde réel et le monde idéal» 10, afin de rendre
sensibles les Idées, et notamment celle qui les unit toutes, l'Idée de la beauté.
Les vues des romantiques d'Iéna furent diffusées en France par le traité De
l'Allemagne de Mme de Staël, écrivain qui fut liée aux frères Schlegel et les utilisa comme
principales sources d'informations sur la littérature et la pensée allemandes. Mme de
Staël défend la thèse selon laquelle il existe un Beau, un Vrai et un Bien universels. Si
l'on en croit l'auteur de De l'Allemagne, les populations germaniques seraient plus
aptes que les autres à ressentir et à exprimer les idées innées. Les Allemands se
plaisent en effet «dans l'idéal», la quête de la Beauté constitue selon eux le principe de
tous les arts, leur métaphysique idéaliste «a [comme chez les Grecs] pour origine le
culte de la beauté par excellence, que notre âme seule peut concevoir et reconnaître»;
naturellement portée vers le platonisme, l'Allemagne a produit une poésie qui
constitue «le miroir terrestre de la divinité» et qui s'attache à exprimer «l'éternel et l'infini»
ainsi que l'« alliance secrète de notre être» avec l'âme de la nature u.
En 1813, le traité de Madame de Staël (qui avait paru déjà en 1810 mais avait été
envoyé au pilon par le gouvernement impérial) invitait donc les écrivains français à se
renouveler en puisant leur inspiration dans la pensée platonicienne. L'auteur de
Corinne allait trouver quelques années plus tard un allié de poids en la personne de
Victor Cousin: futur maître à penser de l'Université et de la philosophie française sous
la Monarchie de Juillet, Cousin rencontra Schelling à Munich en 1818, s'employa à le
faire traduire, correspondit régulièrement avec lui et surtout publia, nous l'avons dit, la
première traduction française complète des écrits de Platon. À la Sorbonne, Cousin
donna en 1818 un cours de philosophie qui sera publié, avec quelques modifications,
en 1853, et dont l'intitulé ne laisse aucun doute sur le contenu platonicien: Du Vrai,
du Beau et du Bien n. L'auteur y proclamait la réunion, dans le Beau, de l'infinité
divine avec la finitude du monde sensible et de l'esprit humain: d'où le rôle majeur de
l'artiste, découvreur et interprète du Beau, appelé à réveiller dans les objets sensibles
l'intuition des réalités éternelles.
De telles doctrines ne sont pas restées sans écho dans la littérature, et Jacques
Seebacher a pu écrire, à propos de Victor Hugo: «La plus grande partie de l'esthétique
9. Voir L'Absolu littéraire..., ainsi que E. Behler, Le Premier Romantisme allemand, trad, française
Elisabeth Décultot et Christian Helmreich, PUF, 1996, p. 81. Il n'est pas question, bien sûr, de vouloir
expliquer l'ensemble du romantisme allemand - phénomène littéraire complexe - par le seul platonisme (ce
qui reviendrait à en exclure Goethe au moins).
10. Citation de Schelling extraite des Leçons sur l'art et la littérature d' August Wilhelm Schlegel
(L'Absolu littéraire..., p. 342).
11. De l'Allemagne, éd. citée, 1. 1, p. 166, 187, 232, 207 et 237.
12. Éditions Didier. Voir aussi, du même, Cours de philosophie sur le fondement des idées absolues, du
Vrai, du Beau et du Bien (Hachette, 1830), l'introduction aux Œuvres philosophiques du Père André
(Charpentier, 1843), ainsi que l'article «Du Beau et de l'art» paru en 1845 dans la Revue des Deux Mondes (voir
ci-dessous).
de Victor Hugo n'est [...] pas originale. Indépendamment de toute question de source,
nous en trouvons le modèle chez Victor Cousin. » 13 La poétique du romantisme
français prend appui sur quelques-uns des axes principaux de la tradition platonicienne.
res. Les romantiques d'Iéna ont isolé les trois aspects qui caractérisent, selon eux, le
Beau idéal: l'unité, l'universalité et l'harmonie.
Ce Beau ne saurait, bien sûr, être réduit à des questions de forme ou d'apparence
physique. Dans Le Banquet, Platon explique, par la médiation de Diotime, que le
chemin menant au royaume des beautés incorporelles passe par le spectacle des «beaux
sentiments» (traduction de Cousin: le Bien) et des «belles connaissances» (traduction
de Cousin: le Vrai). Novalis établissait dans un de ses fragments l'équivalence entre le
Beau et le Vrai 18. Dans De l'Allemagne, Mme de Staël observe, de son côté, que «le
bon et le vrai sont inséparables» et qu'en outre le génie poétique «est une disposition
intérieure de la même nature que celle qui rend capable d'un généreux sacrifice: c'est
rêver l'héroïsme que composer une belle ode; le talent, qui tire son origine de la
conscience du beau, n'inspire pas moins les actions sublimes que les belles paroles» 19.
Les figures hugoliennes qui incarnent le Beau sont aussi des modèles de vertu: qu'on
pense à Esmeralda, dans Notre-Dame de Paris, ou à Dona Sol, dans Hernani. De
même, la beauté physique de Mme de Mortsauf, personnage du Lys dans la vallée et
objet de l'amour pétrarquisant de Félix de Vandenesse, constitue le reflet de sa
perfection morale : l'héroïne de Balzac est vertueuse, pure, généreuse même au-delà de ses
ressources (pour secourir les pauvres, elle économise sur sa toilette, quand ses
épargnes ne suffisent plus). Les romantiques n'ont pas moins clairement associé le Bien et
le Vrai. On lit, dans La Légende des Siècles:
Quiconque est bon voit clair dans l'obscur carrefour;
Quiconque est bon habite un coin du ciel. O sage,
La bonté qui du monde éclaire la visage,
La bonté, ce regard du matin ingénu,
La bonté, pur rayon qui chauffe l'Inconnu,
Instinct qui dans la nuit et dans la souffrance aime,
Est le trait d'union ineffable et suprême
Qui joint, dans l'ombre, hélas! si lugubre souvent,
Le grand ignorant, l'âne, à Dieu, le grand savant20.
Enfin, la «Préface» de Marie Tudor du même Hugo indique que le drame
romantique est sous-tendu par la corrélation étroite entre la vérité, la moralité et le beau.
L'indissolubilité de la triade Beau-Bien- Vrai est longuement démontrée par Victor
Cousin lui-même, en 1845, dans un article très argumenté de la Revue des Deux
Mondes, «Du Beau et de l'art». Après avoir soutenu que le Beau était inséparable de
connotations comme la chasteté ou la pureté et qu'il s'opposait à la sensualité ou à la
grossièreté, Cousin se fonde sur l'analyse consacrée par Winckelmann à l'Apollon du
Belvédère pour montrer que «la vraie beauté de l'admirable statue réside
particulièrement dans l'expression de la beauté morale» 21. De même, le Beau est Vrai, puisque
18. «La poésie est le réel véritablement absolu et véritable. C'est là le noyau de ma philosophie. Plus
c'est poétique plus c'est vrai.» (Cité par Ernst Behler, Le Premier Romantisme allemand, p. 42.)
19. Voir De l'Allemagne, éd. citée, 1. 1, p. 205-206, et t. II, p. 101.
20. Œuvres complètes. Poésie II, Robert Laffont, 1985, p. 793 (XIII. Maintenant).
21. «Du Beau et de l'art», p. 787. De nombreux autres penseurs ont souligné, au XIXe siècle,
l'indissolubilité de la triade Vrai-Beau-Bien ; voir par exemple les Œuvres posthumes du peintre Girodet, citées par
P. Bénichou dans Le Sacre de l'Écrivain, 1750-1830. Essai sur l'avènement d'un pouvoir spirituel laïque
dans la France moderne, losé Corti, 1973, p. 226: «"Le génie est le frère de la vertu: c'est à leur union
indissoluble que sont désormais confiés les destins de l'univers" ; "l'amour céleste du beau et
l'enthousiasme de la vertu», imprimés en nous par les ouvrages de génie, portent l'âme à la «contemplation de tout ce
qui lui fait vivement sentir l'excellence de sa propre nature et la grandeur de sa destinée"».
éternel et infini; et lorsque la vérité se montre dans les actes humains, elle devient la
vérité morale, la sainteté, la justice, en un mot le Bien.
Si le Beau équivaut au Bien et au Vrai, autant dire que ces trois idées pures
constituent la manifestation, abordable et intelligible, d'une substance éternelle, que le Beau
se confond, en dernière analyse, avec le «divin» et que le sentiment qui nous pousse à
aimer le Beau est de nature religieuse. Ce sentiment nous rappelle qu'à notre âme est
accordée une existence immortelle et divine; en outre, il nous donne à connaître les
vrais rapports qui existent entre la terre et le ciel, entre le cœur humain et Dieu. Ainsi
Lamennais déclare que «Dieu est le type essentiel du beau»22; l'écrivain suisse
Rodolphe Tôppfer renchérit dans ses Réflexions et menus propos d'un peintre genevois en
écrivant que «le beau dans son essence absolue, c'est Dieu» 23. La doctrine harmonien-
ne des fouriéristes se fonde sur l'identification du Beau, du Bien et de Dieu24. Pareille
union, dans le Beau, de la raison et de la religion a favorisé la diffusion, au XIXe
siècle, d'une sorte de «spiritualisme rationnel», pour reprendre la formule appliquée
par Jean-Philibert Damiron à Mme de Staël25. L'idée de beauté ne relevait pas
seulement de l'esthétique mais aussi d'une certaine forme de mystique: le «spiritualisme
rationnel» de Mme de Staël, de Victor Cousin et des éclectiques, s'était donné pour
double objet Dieu et le Beau, - le deuxième étant conçu comme l'allégorie du
premier. L'art devenait ainsi la forme majeure de la pensée religieuse et surtout la voie
d'accès privilégiée vers Dieu. Dans cette optique, la poésie est la religion, l'art s'offre
comme le lieu où s'exprime une parole transcendante venue de l'invisible:
Ce qui est vraiment divin dans le cœur de l'homme ne peut être défini; s'il y a des mots
pour quelques traits, il n'y en a point pour exprimer l'ensemble, et surtout le mystère de
la véritable beauté dans tous les genres. Il est facile de dire ce que n'est pas la poésie;
mais si l'on veut comprendre ce qu'elle est, il faut appeler à son secours les impressions
qu'excitent une belle contrée, une musique harmonieuse, le regard d'un objet chéri, et
par-dessus tout un sentiment religieux qui nous fait éprouver en nous-mêmes la présence
de la divinité. La poésie est le langage naturel de tous les cultes.26
2. Amour et religion
Le romantisme a non seulement identifié l'art et la religion, mais aussi l'amour et
la religion. Il est intéressant à cet égard d'aller consulter la définition du mot
«amour», dans le Grand Dictionnaire universel (GDU) de Pierre Larousse:
«Sentiment qui porte l'âme vers ce qui est beau, grand, vrai, juste, et en fait l'objet de
nos affections et de nos désirs. » 27 II est clair que pareille définition ne recueillerait
plus aujourd'hui l'assentiment des lexicologues, qui confèrent plutôt au terme les
acceptions de « disposition à vouloir le bien d' un autre que soi et à se dévouer pour
lui» ou d'« inclination envers une personne, le plus souvent à caractère passionnel».
L'évolution est significative (les dictionnaires récents ne font plus référence, pour
22. Esquisse d'une philosophie, 1840, 1. 1, p. 313 (cité par Claude Pichois dans Ch. Baudelaire, Œuvres
complètes, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», t. II, 1976, p. 1421).
23. Réflexions et menus propos d'un peintre genevois, ou Essai sur le beau dans les arts, avec une
introduction par Albert Aubert, Victor Lecou, 1853, p. 225.
24. Voir P. Bénichou, Le Temps des prophètes. Doctrines de l'âge romantique, Gallimard, 1977, p. 370.
25. J.-Ph. Damiron, Essai sur l'histoire de la philosophie en France, au XIXe siècle, 3e édition, Hachette,
1834, t. II, p. 66.
26. Mme de Staël, De l'Allemagne, ouvr. cité, 1. 1, p. 205.
27. Grand dictionnaire universel du XIXe siècle..., par Pierre Larousse, Administration du Grand
Dictionnaire universel, 1. 1, 1866, s. v. «Amour».
expliquer le mot, à une aspiration de l'âme vers des idées absolues) et montre que la
définition fournie par le GDU est historiquement datée: elle apparaît conforme à la
conception romantique de l'amour, qui a régné de façon dominante sur les esprits
pendant la presque totalité du XIXe siècle. On n'aura guère de peine à identifier les
sources de cette conception. Dans le commentaire de sa traduction du Phèdre de
Platon, Victor Cousin écrivait: «Le mouvement de l'âme vers l'idée du beau, c'est-à-dire
vers une des idées éternelles, est l'amour.»28 La traduction du Phèdre datant de 1831
et le 1. 1 du GDU, qui contient le mot «Amour», ayant été publié en 1866, on peut
ainsi mesurer combien le platonisme a imprégné profondément les mentalités, au XIXe
siècle.
L'amour donne des ailes, dit-on familièrement, sans se douter que l'on exprime
ainsi une donnée majeure de la pensée platonicienne. C'est encore l'idée du Beau qui
est ici en jeu: nous sommes attirés par la beauté d'un corps parce qu'elle est le reflet
de la Beauté éternelle. Et nous n'aimons pas un beau corps pour lui-même, nous
chérissons en lui l'incarnation du Beau immuable et absolu; autant dire que - pour que le
sentiment amoureux reste vif — nous en arrivons rapidement à aimer - plutôt que le
corps, sujet à la dégradation et qui ne peut s'offrir longtemps en image de la
perfection - l'âme, c'est-à-dire la part non corporelle, non soumise au temps, de l'être aimé.
L'amour nous élève, de l'attirance éprouvée pour les images terrestres du Beau, au
désir de chérir les belles âmes et in fine à la contemplation du Beau en soi. Cette
élévation personnelle se manifeste de façon privilégiée dans les relations amoureuses
qui restent chastes. En tant qu'image du Beau, de la perfection, la bien-aimée devient
l'objet d'un culte; elle ne peut être possédée charnellement sans risque de la voir perdre
son aura spirituelle et de voir ainsi s'éteindre le mouvement même de l'idéalisation.
Dans la longue tradition du platonisme amoureux — ou religion sentimentale -,
depuis la Grèce antique jusqu'à l'époque moderne, on trouve des noms ou des
courants bien connus : Dante, Pétrarque et tous ses épigones, Marsile Ficin, les précieuses
au XVIIe siècle, le théosophe Swedenborg (auteur d'une théorie du mariage céleste) au
XVIIIe ... Il serait trop long de nommer ici les œuvres innombrables qui - à la suite des
poésies et des romans de Lamartine, qui s'était érigé en Pétrarque du romantisme -
manifestent que la religion sentimentale se trouve au cœur de l'erotique des écrivains
français du XIXe siècle. Volupté, Le Lys dans la vallée, les œuvres autobiographiques
de Nerval, puis plus tard L'Éducation sentimentale, dépeignent, à l'instar du Raphaël
de Lamartine, les mentalités dominantes du temps en matière amoureuse. On se
limitera à évoquer plus longuement, pour la première moitié du siècle, le seul nom de
l'utopiste Auguste Comte. À l'instar de beaucoup de ses contemporains, celui-ci a
longuement réfléchi sur la nécessité impérieuse d'émanciper l'amour des désirs
physiques qui en ternissent l'éclat originel. Ainsi, après le décès de son égérie Clotilde de
Vaux, Comte n'a pas craint de prêcher dans son œuvre le veuvage comme chemin
vers le parfait amour. Le Système de politique positive recommande «le devoir du
veuvage éternel, complément final de la vraie monogamie » 29. Selon Comte, entre tous
les hommes, les privilégiés et les bienheureux sont ceux qui, après avoir juré de ne
point commettre de secondes noces, ont cette «chance» de perdre l'épouse qu'ils
chérissent :
28. Œuvres de Platon traduites par Victor Cousin, t. VI, Pichon et Didier, 1831, p. 455 (note de Victor
Cousin).
29. Système de politique positive, t. I, 1851, p. 238; cité par René de Planhol, Les Utopistes de l'amour,
Garnier Frères, 1921, p. 246.
ROMANTISME n° 113(2001-3)
Platon et le platonisme à l'âge romantique 53
dans lequel le poème intitulé «Pan» proclame que le monde est le «temple» de Dieu,
son «[œ]uvre vivante, où tout l'écoute et le contemple!»37. De même, quelques années
plus tard, Hugo invite ses lecteurs à diriger leur attention vers la nature, qui s'offre
comme un grand livre ouvert: «Écoute la nature aux vagues entretiens. Entends sous
chaque objet sourdre la parabole. Sous l'être universel vois l'éternel symbole [...]»38. La
nature «sait ce que l'homme ignore», «[tjoute création est du secret d'en haut / Une
explication flamboyante et superbe», le spectacle de l'univers révèle Dieu: «Tout cet
ensemble obscur, végétation sainte, / Compose en se croisant ce mot énorme : DIEU. » 39
Le trait majeur de la poétique hugolienne réside dans cet effort pour s'élever
jusqu'à l'Être éternel, qui se laisse progressivement appréhender à travers les formes du
divin recueillies dans la création. Hugo accentuera même la dimension quasi-mystique
de sa quête, notamment à partir de l'exil, quand le poète tiendra commerce avec les
morts et que, ouverts à l'action des forces de l'esprit, ses textes répéteront les paroles
que l'écrivain a entendues - ou qu'il a cru entendre - de «la Bouche d'ombre».
La foi en une vie mystique de la nature se trouve largement partagée dans le
romantisme français. Pierre-Simon Ballanche affirme que «[1]' ordre matériel est un
emblème, un hiéroglyphe du monde spirituel»40, tandis que les Méditations poétiques
de Lamartine décrivent l'univers comme une métaphore de Dieu:
L'étendue à mes yeux révèle ta grandeur,
La terre ta bonté, les astres ta splendeur.
Tu t'es produit toi-même en ton brillant ouvrage;
L'univers tout entier réfléchit ton image [...|41
Les romantiques identifient la nature avec un vaste dictionnaire qui s'offrirait au
déchiffrement des intentions célestes. Certains esprits ont même tenté d'établir plus
précisément la nature des correspondances qui relient le monde naturel et le monde
spirituel: ainsi le swedenborgien Guillaume Oegger, qui fut premier vicaire à Notre-
Dame de Paris, publia en 1.831, sous le titre Essai d'un dictionnaire de la langue de la
nature, une sorte de répertoire de symboles sur lequel était appelé à se fonder la science
des correspondances42. L'utopiste Charles Fourier considérait aussi la nature comme le
lieu où Dieu parlait aux hommes: ainsi la présence sur terre d'espèces animales
malfaisantes ou nuisibles constituerait un message divin visant à faire prendre conscience
aux hommes de leurs erreurs.
Les romantiques ont voulu aussi approfondir le rapport qui lie Dieu et la création,
en cherchant à définir la part proprement divine de la nature. On trouve déjà l'idée de
l'unité de la création dans la cosmogonie du Timée. Le néoplatonisme, d'où procèdent
plus ou moins tous les savoirs ésotériques et hermétiques, repose sur la thèse de l'unité
de la nature. Les éléments de l'univers seraient constitués d'un principe formateur
37. V. Hugo, Œuvres complètes. Poésie I, éd. citée, p. 670.
38. V. Hugo, Œuvres complètes. Poésie I, éd. citée, p. 1018 (vers extraits du poème intitulé «Que la
musique date du seizième siècle», dans Les Rayons et les ombres).
39. Extraits cités par P. Bénichou dans Les Mages romantiques, ouvrage cité, p. 315, 321 et 320. Voir également
p. 323 la mention de ce passage des Travailleurs de la mer: «L'univers est [la] synonymie [de Dieu)». Sur la quête
hugolienne des analogies terre-Ciel, voir aussi Marcel Raymond, Romantisme et rêverie, J. Corti, 1978, p. 253-270.
40. Palingénésie sociale. Deuxième partie, dans Œuvres de M. Ballanche, Paris, Bureau de
l'Encyclopédie des connaissances utiles, t. IV, 1833, p. 212.
41. «La Prière», Œuvres poétiques, éd. Marius-François Guyard, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la
Pléiade», 1963, p. 46.
42. Sur cet ouvrage, voir P. Bénichou, Le Sacre de l'Écrivain..., p. 271-272.
identique qui se retrouverait dans toute la création. Émanant du souffle de Dieu, cet
agent universel engendrerait, une fois diversifié et grâce aux combinaisons infinies de
la matière, la multiplicité des formes de la vie et des objets. Ces conceptions se
retrouvent dans la pensée des alchimistes, des cabalistes et des illuministes de tous bords.
Ainsi, la quête de la pierre philosophale, ou du «Grand Œuvre», par exemple, ne
représente rien d'autre qu'un effort pour retrouver la substance primitive, l'Un, que les
alchimistes tentaient d'appréhender en isolant le moment où la lumière se fait matière.
On aura reconnu, dans cette ambition de rejoindre l'Un, l'entreprise menée par Balthazar
Claës, le héros de La Recherche de l'Absolu de Balzac. Charles Fourier, de son côté, a
proposé de voir dans l'« attraction passionnée» le principe unificateur du vivant,
auxquels seraient soumis non seulement les êtres terrestres mais aussi les astres. Enfin, on
a inscrit une théorie comme le mesmérisme dans cette problématique, en faisant dire
au médecin allemand (dont la doctrine originelle était plutôt matérialiste) que la
substance créatrice émanant de Dieu, l'équivalent de la pierre philosophale des alchimistes,
se confondait avec le fluide magnétique: celui-ci habite toute la matière, anime les
corps et détermine l'unité du monde sensible. Au-delà donc de la simple valeur
thérapeutique qu'on lui reconnaissait, le magnétisme a ainsi été considéré comme une
science totale, capable d'isoler l'agent créateur, de remonter à l'âme, aux principes
supérieurs et invisibles, à Dieu. À l'image des occultistes, les mesméristes français
laissaient entendre qu'il n'existait - pour le «magnétisé» en tout cas - aucune frontière
ni rupture entre le visible et l'invisible, et qu'on pouvait ainsi franchir les obstacles qui
nous séparent du monde divin.
4. Sacerdoce poétique et inspiration sacrée
Par la médiation du Beau s'unissent l'éternité et le temps, l'infinité divine et la
finitude du monde sensible. Mais l'homme doit se montrer capable de découvrir le
Beau dans la nature, d'interpréter le message divin, de déchiffrer les symboles. Si
l'intervention humaine fait défaut, le temple reste «sans voix» - pour reprendre une
formule des Méditations poétiques de Lamartine 43 -, le monde d'en bas ne laissant
filtrer qu'une imparfaite lumière du monde idéal. Les artistes - et plus
particulièrement les poètes - se trouvent de la sorte investis d'une sorte de ministère spirituel:
c'est à eux qu'il appartient de chanter l'hymne de l'univers, de mettre au jour les
correspondances qui unissent la terre et le Ciel, et de donner à la communauté des
êtres humains la possibilité de remonter en esprit vers la triade platonicienne. Éclairant
la nature et la destinée humaine, l'artiste explique, pour ainsi dire, l'œuvre divine et
réalise l'accord du fini et de l'infini.
Semblable conception tire son origine de plusieurs passages des dialogues de
Platon, dans lesquels on lit que les poètes sont de race divine (Lois) ou que la poésie
s'apparente à un délire d'origine céleste (Phèdre, Ion). Au XVe siècle, Marsile Ficin
développera longuement ces idées, qui deviendront des leitmotive en France, à la
Renaissance. Au XIXe siècle, Victor Cousin interprète en ces termes l'intuition
platonicienne :
Selon moi, [...] l'humanité est inspirée. Le souffle divin qui est en elle lui révèle
toujours et partout toutes les vérités sous une forme ou sous une autre [...]. L'âme de
l'humanité est une âme poétique qui découvre en elle-même les secrets des êtres et les
exprime en des chants prophétiques qui retentissent d'âge en âge. À côté de l'humanité est
la philosophie qui l'écoute avec attention, recueille ses paroles; [...] et quand le moment
43. Dans «La Prière», pièce déjà évoquée de ce même recueil (Œuvres poétiques, éd. citée, p. 46).
de la réflexion est passé, les présente avec respect à l'artiste admirable qui n'avait pas la
conscience de son génie et qui souvent ne reconnaît pas son propre ouvrage44.
L'esthétique romantique a ainsi élevé la poésie au rang de discours le plus haut: le
poète parle la langue des dieux, son inspiration est sacrée. Ce n'est pas l'homme qui a
inventé la poésie ; Dieu la lui a donnée. Devançant toutes les autres activités humaines
dans la représentation de la beauté universelle, la poésie est appelée à supplanter la
philosophie, l'histoire, les sciences, les arts, et à rester - selon les termes de Hegel -
seule institutrice de l'esprit, religion suprême et dernière du genre humain45.
La poésie est «d'origine céleste» confirme Emile Deschamps dans un texte
fondateur du romantisme français, l'introduction aux Études françaises et étrangères:
Deschamps invite tous les hommes de talent à se réunir et à tourner «vers le bien et vers
le beau»46 les facultés qu'ils ont reçues du ciel. L'artiste est l'oracle qui déchiffre les
hiéroglyphes du monde, qui y perçoit le message divin et qui supprime la cloison
séparant le monde réel du monde idéal. L'imagination du poète secrète les métaphores
qui révèlent les correspondances verticales. Franz Liszt écrit en 1835 47:
[les artistes sont] ces hommes d'élite qui semblent choisis par Dieu même pour rendre
témoignage aux plus grands sentiments de l'humanité et en rester les nobles dépositaires
[...], ces hommes prédestinés, foudroyés et enchaînés qui ont ravi au ciel la flamme
sacrée, qui donnent une vie à la matière, une forme à la pensée et, réalisant l'idéal, nous
élèvent par d'invincibles sympathies à l'enthousiasme et aux visions célestes [...], ces
hommes initiateurs, ces apôtres, ces prêtres d'une religion ineffable, mystérieuse,
éternelle, qui germe et grandit incessamment dans tous les cœurs.
Liszt fut très proche des penseurs humanitaires et, au reste, toutes les utopies qui
fleurirent au XIXe siècle donnent aux poètes et aux artistes la primauté sur les hommes de
science, les intuitions de la poésie devançant la connaissance rationnelle. Selon une
formule maintes fois utilisée pendant l'âge romantique, les écrivains «inventent le vrai », à
charge pour la science de confirmer, au cours d'une étape ultérieure, ces intuitions.
En 1864, Victor Hugo consacre, sous le titre «Le Beau serviteur du Vrai», un
chapitre de son William Shakespeare au sacerdoce poétique. Depuis la «Préface» de
Cromwell jusqu'à William Shakespeare - en passant par «Fonction du poète» (dans
Les Rayons et les Ombres) et surtout par «Les Mages» en 1855 (dans Les
Contemplations) -, la pensée de Hugo sur ce point n'a pas varié, même si au Poète-prêtre ou au
Poète-saint succède, après le 2 décembre 1851, le Poète- vengeur, également porteur de
la parole d'en haut. Selon Hugo, la conscience de l'écrivain est destinée à devenir, à
l'égal de la nature, le miroir de l'universel. L'ambition de l'auteur, sans cesse
réaffirmée à travers ses écrits théoriques, consiste à représenter les vérités ontologiques de
l'être humain à partir de la peinture de la nature éternelle que le poète porte en lui.
44. Passage de Victor Cousin cité par Emile Bréhier (qui ne mentionne pas sa source) dans son Histoire de la
philosophie. H. La Philosophie moderne. 3. Le XIXe siècle — Période des systèmes (1800-1850), PUF, 1946, p. 663.
45. «La poésie trouve par là une dignité supérieure, elle redevient enfin ce qu'elle était initialement -
l'institutrice du genre humain; car il n'y aura plus ni philosophie ni histoire: la poésie survivra seule à
toutes les sciences et à tous les arts. [...]. Un esprit supérieur, venu du ciel, doit fonder cette nouvelle
religion parmi nous: elle sera la dernière grande œuvre du genre humain.» (Hegel, Le Plus Ancien
Programme systématique de l'idéalisme allemand, 1796 ou 1797; cité et traduit par Stéphane Michaud, Muse et
Madone. Visages de la femme de la Révolution française aux apparitions de Lourdes, Seuil, 1985, p. 100.)
46. É. Deschamps, Études françaises et étrangères, 4e édition, A. Levavasseur et U. Canel, 1829,
p. XXI et XXVI-XXVII.
47. «De la situation des artistes et de leur condition dans la société», Gazette musicale de Paris, 3 mai
1835 (passage cité par P. Bénichou, Le Temps de prophètes..., p. 419).
66. Citations tirées des annotations aux pages CXVIII-CXIX du «Discours extrait des différentes
préfaces que les éditeurs de Shakespeare ont mises à la tête de leurs éditions», texte commenté par Le Tourneur
et qui figure dans le 1. 1 (vol. cité) du Shakespeare traduit de l'anglois, dédié au Roi. Voir aussi Claude
Pichois, «Préromantiques, rousseauistes et shakespeariens (1770-1778)», Revue de Littérature comparée,
1959, p. 348-355; H. Peyre, Qu'est-ce que le romantisme?, PUF, 1971, p. 71; Max Milner et Claude
Pichois, Littérature française. 7. De Chateaubriand à Baudelaire, 1820-1869, ouvr. cité, p. 11-12.
67. Pour l'étude de cette famille d'esprits hostiles au platonisme esthétique, nous nous permettons de
renvoyer à nos ouvrages Le Romantisme français. Esthétique platonicienne et modernité littéraire (Louvain,
Peeters, coll. «Collection d'Études classiques», 1999) et L'Erotique du romantisme, à paraître.
ROMANTISME n° 1 13 (2001-3)