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6. Séries. Résidus et pôles

1. Introduction
Les fonctions analytiques peuvent être représentées par des séries de puis-
sances ou séries entières et par leur généralisation, les séries de puissances positives
et négatives de z − a.
Les développements des fonctions en séries présentent non seulement un intérêt
théorique, mais aussi un intérêt pratique. Par exemple, à l’aide de séries, on peut
calculer approximativement la valeur des fonctions. En outre, il existe de nom-
breux problèmes (résolution des équations différentielles, etc...), dont la solution
peut être trouvée sous la forme d’une série.

2. Séries de Taylor
2.1. Théorème de Taylor
La formule de Taylor connue dans le cours d’analyse réelle peut être étendue
aux fonctions d’une variable complexe.
On a le théorème de Taylor : Si f est une fonction analytique à l’intérieur
d’un cercle C de centre a et de rayon R, on a, pour chaque point z intérieur à C :

f 0 (a) f (n) (a) n


f (z) = f (a) + (z − a) + · · · + (z − a) + · · · . (2.1)
1! n!
La série de puissances (2.1) converge donc vers f (z) lorsque |z − a| < R.
Autrement dit, chaque fonction analytique dans le cercle |z − a| < R peut être
représentée dans ce cercle par sa série de Taylor :

X n
f (z) = cn (z − a) . (2.2)
n=0

Les coefficients de la série de Taylor sont donnés par la formule

f (n) (a)
I
1 f (z)
cn = = dz, n = 0, 1, 2, . . . , (2.3)
n! 2πi C (z − a)n+1
60 Chapitre 6 : Séries. Résidus et pôles

où C est un contour fermé simple contenant le point a et intérieur au cercle


|z − a| = R.

2.2. Exemples
Exemple 1
La fonction ez est analytique dans tout le plan complexe (c’est une fonction
entière). Elle a donc une représentation en série de Taylor autour de z = 0 valable
pour tout z. Ici f (n) (z) = ez . Comme f (n) (0) = 1, on a :

X zn
ez = , |z| < ∞. (2.4)
n=0
n!

Exemple 2
Si f (z) = sin z, alors on a :

f (2n) (0) = 0 (n = 0, 1, 2, . . .), f (2n+1) (0) = (−1)n (n = 0, 1, 2, . . .). (2.5)

On en déduit :

X z 2n+1
sin z = (−1)n , |z| < ∞. (2.6)
n=0
(2n + 1)!

De manière analogue, pour |z| < ∞, on a les développements :



X z 2n
cos z = (−1)n ,
n=0
(2n!)

X z 2n+1
sh z = , (2.7)
n=0
(2n + 1)!

X z 2n
ch z = .
n=0
(2n)!

Exemple 3
La représentation en série de Taylor autour de z = 0 de la fonction f (z) =
1/(1 − z) est

1 X
= zn, |z| < 1. (2.8)
1 − z n=0

En effet, les dérivées de la fonction f (z) = 1/(1 − z), qui n’est pas analytique en
z = 1, sont :
n!
f (n) (z) = n+1 , n = 0, 1, 2, . . . . (2.9)
(1 − z)
En particulier, on a f (n) (0) = n! .
Séries de Laurent 61

3. Séries de Laurent
3.1. Théorème de Laurent
Si une fonction f n’est pas analytique au point a, on ne peut pas appliquer le
théorème de Taylor en ce point. Cependant, il est souvent possible de trouver pour
f (z) une représentation en série faisant intervenir à la fois des puissances positives
et négatives de z − a. De telles séries sont appelées séries de Laurent.
À partir de la formule intégrale de Cauchy, on peut démontrer le théorème
de Laurent (P. Laurent, 1843) : Si C0 et C1 désignent deux cercles orientés
positivement centrés au point a, tels que C0 soit intérieur à C1 , et si une fonction
f est analytique sur C0 et sur C1 ainsi que dans la couronne comprise entre ces
deux cercles (Fig. 1), alors, en chaque point z de la couronne, f (z) est représentée
par le développement

∞ ∞
X n
X bn
f (z) = an (z − a) + n, (3.1)
n=0 n=1
(z − a)

où I
1 f (z)
an = n+1 dz, n = 0, 1, 2, . . . , (3.2)
2πi C (z − a)
et I
1 f (z)
bn = −n+1 dz, n = 1, 2, . . . . (3.3)
2πi C (z − a)
C est un contour fermé entourant a et situé dans la couronne. Une telle série est
appelée série de Laurent.
y

C1

C
C0

•a

O x
Figure 1
62 Chapitre 6 : Séries. Résidus et pôles
n−1
L’intégrand dans l’expression (3.3) de bn s’écrit f (z)(z − a) . Dans le cas
où f est analytique en tout point intérieur à C1 ainsi que sur C1 lui-même, c’est-
à-dire y compris au point z = a, tous les coefficients bn sont nuls, et la série (3.1)
se réduit à la série de Taylor de f autour de a.
Les séries de Laurent sont une généralisation des séries de Taylor. Elles permet-
tent de représenter les fonctions analytiques dans les couronnes r < |z − a| < R :


X n
f (z) = cn (z − a) . (3.4)
n=−∞

Les coefficients de la série de Laurent sont donnés par les formules


I
1 f (z)
cn = n+1 dz, n = 0, ±1, ±2, . . . , (3.5)
2πi C (z − a)

où C est un contour fermé simple appartenant à la couronne et contenant sa


circonférence intérieure.
Dans certains cas particuliers, quelques-uns des coefficients cn peuvent être
nuls.

3.2. Exemples
Exemple 1
La fonction
1
f (z) = 2, 0 < |z − 1| < ∞, (3.6)
(z − 1)

a déjà la forme (3.4), avec a = 1. Ici c−2 = 1, et tous les autres coefficients sont
nuls. Ceci est en accord avec l’expression (3.5) des cn , dans laquelle C peut être
un cercle orienté positivement d’équation |z − 1| = R. Plus précisément, la formule
(3.5) donne dans ce cas :
I
1 dz
cn = n+3 , n = 0, ±1, ±2, . . . . (3.7)
2πi C (z − 1)

Les valeurs de cn peuvent être trouvées en évaluant les intégrales (3.7).


Exemple 2
A partir du développement en série de Taylor de ez autour de z = 0, on a :

ez 1 1 1 z z2
= + + + + + ···, 0 < |z| < ∞. (3.8)
z2 z2 z 2! 3! 4!
Résidus 63

4. Résidus
4.1. Définition des points singuliers
D’après le théorème de Cauchy, si une fonction est analytique en tous les
points intérieurs à un contour C ainsi que sur ce contour lui-même, l’intégrale de
la fonction sur ce contour est nulle. Si au contraire, en un nombre fini de points
intérieurs à C, la fonction n’est pas analytique, il existe un nombre spécifique,
appelé résidu, par lequel chaque point de non analyticité contribue à la valeur de
l’intégrale.
Un point a est appelé point singulier d’une fonction f si f n’est pas analytique
en a, mais si, dans chaque voisinage de a, on peut trouver un point où elle est
analytique. Un point singulier est dit isolé si, de plus, il existe un voisinage de a
dans lequel f est analytique (à l’exception de a lui-même).

4.2. Exemples de points singuliers


Exemple 1
Puisque 1/z est analytique partout sauf en z = 0, l’origine est un point
singulier isolé de cette fonction.
Exemple 2
La fonction
z+1
(4.1)
z 3 (z 2
+ 1)
possède trois points singuliers isolés, z = 0 et z = ±i.

4.3. Définition des résidus


Si a est un point singulier isolé de f , la fonction f est représentée par la série
de Laurent
∞ ∞
X n
X bn
f (z) = an (z − a) + n, 0 < |z − a| < R1 , (4.2)
n=0 n=1
(z − a)
dans laquelle les coefficients an et bn ont des représentations intégrales connues.
En particulier, on a
I
1 f (z)
bn = dz, n = 1, 2, . . . (4.3)
2πi C (z − a)−n+1
où C est un contour fermé simple quelconque orienté positivement autour de a et
situé dans le domaine 0 < |z − a| < R1 . Lorsque n = 1, l’expression de bn peut
s’écrire :
I
f (z) dz = 2πib1 . (4.4)
C

Le nombre complexe b1 , qui est le coefficient de 1/(z − a) dans le développement


(4.2), est appelé le résidu de f au point singulier isolé a.
64 Chapitre 6 : Séries. Résidus et pôles

5. Partie principale d’une fonction


5.1. Définition
La partie de la série (4.2) qui contient des puissances négatives de z − a est
appelée la partie principale de f en a.
Si tous les coefficients bn de la partie principale de f en un point singulier
isolé a sont nuls, le point a est appelé un point singulier éliminable de f . Dans ce
cas, la série de Laurent se réduit à une série entière. Le résidu en un point singulier
éliminable est donc toujours nul. Si on définit f (z = a) comme égale au coefficient
a0 , la fonction devient analytique en a.
Si la partie principale de f en a contient au moins un terme non nul, mais que
le nombre de termes qu’elle contient est fini, il existe un entier positif m tel que
bm 6= 0 et bm+1 = bm+2 = · · · = 0. Autrement dit, le développement (4.2) prend
la forme

X n b1 b2 bm
f (z) = an (z − a) + + 2 +···+ m, 0 < |z − a| < R1 .
n=0
z − a (z − a) (z − a)
(5.1)
Dans ce cas, le point singulier isolé a est appelé pôle d’ordre m. Un pôle d’ordre 1
est appelé un pôle simple.
Lorsque z tend vers un pôle, f (z) tend toujours vers l’infini.

5.2. Exemples
Exemple 1
Soit la fonction
ez − 1 z z2
f (z) = =1+ + + ···, 0 < |z| < ∞. (5.2)
z 2! 3!
Le point z = 0 est un point singulier éliminable. Si l’on pose f (0) = 1, la fonction
f devient entière.
Exemple 2
La fonction
z 2 − 2z + 3 3 3
=z+ = 2 + (z − 2) + , 0 < |z − 2| < ∞, (5.3)
z−2 z−2 z−2
a un pôle simple en z = 2. Le résidu en ce pôle est 3.
Exemple 3
La fonction
sh z 1 z3 z5  1 11 1
= z + + + · · · = + + z + ···, 0 < |z| < ∞, (5.4)
z4 z4 3! 5! z3 3! z 5!
a un pôle d’ordre 3 à l’origine, avec le résidu 1/6.
Théorème des résidus 65

6. Théorème des résidus


Le théorème des résidus s’énonce comme suit : Considérons un contour
simple fermé C, orienté positivement, à l’intérieur duquel et sur lequel une fonc-
tion f est analytique excepté en un nombre fini de points singuliers z1 , z2 , . . . , zn
intérieurs à C. Si B1 , B2 , . . . , Bn désignent les résidus de f en ces points, on a :
H
C
f (z) dz = 2πi(B1 + B2 + · · · + Bn ). (6.1)

Pour démontrer ce théorème, on entoure les points singuliers de cercles Cj ,


orientés positivement, intérieurs à C et assez petits pour n’avoir aucun point en
commun (Fig. 2). Les cercles Cj et le contour fermé simple C forment ensemble la
frontière d’une région fermée dans laquelle f est analytique. D’après le théorème
de Cauchy, on a :
I I I I
f (z) dz − f (z) dz − f (z) dz − · · · − f (z) dz = 0. (6.2)
C C1 C2 Cn
Comme I
f (z) dz = 2πiBj , j = 1, 2, . . . , n, (6.3)
Cj
la formule (6.2) conduit à l’équation (6.1).

• z
1

C1
•z
2

C2

O
x

Figure 2
66 Chapitre 6 : Séries. Résidus et pôles

7. Détermination des résidus


La méthode de base pour trouver le résidu d’une fonction en un point singulier
isolé a consiste à écrire la série de Laurent appropriée et à regarder quel est le
coefficient de 1/(z − a).

7.1. Cas d’un pôle simple


Supposons qu’une fonction f (z) puisse être mise sous la forme
φ(z)
f (z) = , (7.1)
z−a
où φ(z) est analytique en a et où φ(a) 6= 0. De la série de Taylor de la fonction φ,

X φ(n) (a)
φ(z) = (z − a)n , (7.2)
n=0
n!

valable dans un disque ouvert |z − a| < R, on déduit la série de Laurent de la


fonction f :
φ(a) φ0 (a) φ00 (a)
f (z) = + + (z − a) + · · · , 0 < |z − a| < R. (7.3)
z−a 1! 2!
Comme ce développement est la représentation unique en série de Laurent de f (z)
dans le domaine 0 < |z − a| < R, et comme φ(a) 6= 0, f a un pôle simple en a et
le résidu b1 correspondant est donné par :

b1 = φ(a). (7.4)

7.2. Cas d’un pôle d’ordre m


Cette discussion peut s’étendre aux fonctions du type
φ(z)
f (z) = , m = 2, 3, . . . , (7.5)
(z − a)m
où φ(z) est analytique en a et où φ(a) 6= 0. De la série de Taylor de φ (équation
(7.2)), on déduit le développement de Laurent de f ,
φ(a) φ0 (a) 1 φ(m−1) (a) 1
f (z) = m
+ m−1
+ · · · + + ···, (7.6)
(z − a) 1! (z − a) (m − 1)! (z − a)
valable dans le domaine 0 < |z − a| < R. La fonction f a un pôle d’ordre m en a
et le résidu correspondant est donné par :

φ(m−1) (a)
b1 = . (7.7)
(m − 1)!

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