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Dr Adina PETRESCU

Pneumologue - Centre Médical se Saâles

LE TABAC- une réflexion dans l’art


Diplôme Inter- universitaire de Tabacologie et d’Aide au Sevrage Tabagique
Faculté de Strasbourg
Année universitaire 2010- 2011

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SOMMAIRE

Introduction- courte histoire du tabac

Tabac et cinéma- un impacte surtout sur les jeunes spectateurs

Conclusion

Bibliographie

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Introduction

”A cigarette is the perfect type of pleasure: it is exquisite and leaves you unsatisfied.”
Oscar Wilde

La cigarette, le principal débouché du tabac brut, ce « petit boudin de tabac haché entouré
d’une feuille de papier fin » qui représente 90% des utilisations mondiales, ne fut que récemment
inventée, vers 1850, pour qu’elle devienne « produit de consommation courante » qu’au XXe siècle.

Autrefois constituées uniquement de papier et de tabac, les cigarettes ont depuis les années 60
de plus en plus d’ajouts divers et variés. Au total plus de 4 000 substances chimiques inhalées par la
fumée, dont plus de 60 classées cancérigènes par le Comité International de Recherche sur le
Cancer, dont quelques-unes font frémir d’angoisse :

-acétone -un solvant

- acide cyanhydrique -employé autrefois dans les chambres à gaz

-monoxyde de carbone -émergeant des pots d’échappement des voitures

-DDT- un insecticide tout comme la nicotine

-arsenic, un poison très puissant…

-radon et polonium 210, une substance hautement cancérigène (utilisée pour l'assassinat de
l'espion Alexander Litvinenko)

L’ajout d’additifs et d’autres agents de saveur à tout ce mélange diabolique- selon le goût que
l’on souhaitait donner- a fait de la cigarette ce type „parfait” de plaisir que tant de grands artistes-
écrivains en prose ou en vers et aussi maîtres du pinceau ont dégusté avec volupté le long des
siècles.

C’est en Amérique que le tabac puise ses origines il y a plus de 3000 ans, en témoignent
d'anciennes pipes découvertes en Amérique du Sud. Très populaire chez les Incas et les Aztèques,
qui l’utilisait pour atteindre une sorte d'ivresse afin de communiquer avec les esprits et aussi pour

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apaiser les douleurs et la fatigue, le petun (nom indigène désignant le tabac) était fumé notamment
lors des fêtes et cérémonies religieuses.

Christophe Colomb, qui le découvrit dès son arrivée à Cuba, en 1492- fumé sous forme de long
tube appelé "tobago" ou encore chiqué - ramena en Europe des feuilles et des graines. Le tabac eût
ensuite un immense succès.

Les Européens lui prêtèrent de nombreuses vertus thérapeutiques comme la guérison de


l’asthme, de la toux...vertus „paradoxales” de nos jours!!!

C'est à Jean Nicot, ambasadeur de France à Lisbonne, que l'on doit d'avoir promu l'usage du
petun auprès des élites. Alors vendu sous forme de poudre par les apothicaires, il en envoya à la
reine Catherine de Médicis pour calmer les migraines de son fils.

Très vite on ne parla plus que de l'herbe de l'ambassadeur, lui donnant les noms de Nicotiana,
d'herbe à Nicot, d'herbe à la Reyne...

Longtemps utilisé à seules fins médicinales, le tabac fut au fil des siècles de plus en plus
consommé par plaisir. La pipe, autrefois utilisée lors des rites chamaniques des anciennes peuplades
ou à l'administration du tabac comme remède, devint la compagne des grandes discussions. On
prisait également le tabac ou on fumait le cigare. Profitant de ce commerce très lucratif, le Cardinal
de Richelieu instaura le premier impôt sur le tabac et Colbert en fit un monopole d’État.

Peu à peu, ses vertus thérapeutiques furent mises en doute et de nombreuses personnes
influentes comme le roi Jacques premier d’Angleterre s’opposèrent à son utilisation. Même le pape
Urbain VIII en 1642 en interdit la consommation sous peine d’excommunier ses utilisateurs.

Cependant, malgré ses détracteurs, le tabac trouva avec l’industrialisation et la création de la


cigarette en 1843, un nouveau souffle. Cette nouvelle forme de consommation marqua le début de
l'expansion mondiale du tabac.

En 2010, la France produit environ 18000 tonnes par an et est 5-eme producteur européen, avec
97% de tabac blond et 3% de brun exporté dans 20 pays.

Un professeur de chimie de l'Ecole de Médecine de Paris du nom de Louis Nicolas Vauquelin


découvrit en 1909 un principe actif azoté dans les feuilles de tabac. Grâce à ses recherches, la
nicotine fut décelée quelques années plus tard dans le tabac. On sait aujourd’hui qu’elle représente
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environ 5% du poids de la plante et que le tabac est la seule plante en contenant de la nicotine. La
nicotine agit directement sur le cerveau au niveau d’une région appelée noyau accumbens et liée au
plaisir. À basse concentration, elle stimule notre système nerveux. À haute dose, elle provoque des
nausées et des vomissements puis la mort par paralysie respiratoire. L’effet est très rapide : 7
secondes pour aller des lèvres au cerveau. Celui-ci réagit en produisant des endorphines comme la
dopamine qui vous mettent sur un petit nuage.

Tabagie du roi Frédéric-Guillaume de Prusse

Les tabagies (en allemand Tabakskollegium) étaient des réunions réservées aux hommes au
XVIIIe et au XIXe siècle pour discuter d'affaires, en particulier après la chasse. Frédéric-Guillaume
Ier de Prusse y était fort assidu dans son château de Wusterhausen, où il s'entourait de ses proches
conseillers, en fumant de longues pipes.

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TABAC et CINEMA- un impacte surtout sur les jeunes spectateurs

       Le cinéma, ainsi que la mode, représentent de forts instruments médiatiques.

L’industrie du tabac a depuis longtemps compris l'immense pouvoir d'influence de la mode et du

cinéma sur le public, et surtout sur les jeunes spectateurs, ces derniers étant beaucoup  plus 

“perméables” aux mauvaises influences.

La plupart des annonces publicitaires sur le tabac ont été éliminées au début des années 70. Par la 

suite, aux États­Unis, les compagnies de tabac ont commencé à chercher d'autres stratégies 

publicitaires, y compris le versement d'argent pour promouvoir leurs marques dans des films 

hollywoodiens. 

À la différence des pauses publicitaires à la télévision, ces situations surviennent à un moment où l’ 

attention du spectateur est habilement dirigée sur l'intrigue et son attitude défensive à l'égard des 

exagérations de la publicité et des présentations erronées des faits est à zéro. Il  y n'a aucune raison

de croire qu'il existe un motif sous­jacent pour vendre des cigarettes.

 Donc, une  publicité “subliminale”!

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Un exemple scandaleux de l’ immixtion effrontée de l’argent dans la pub pour le tabac est
représenté par le cas d’une célèbre vedette de Hollywood qui a été payée de 500 000 dollars pour
fumer une certaine marque de cigarette dans trois de ses films d'action.

Un certain nombre d’études de recherche ont démontré que le tabagisme dans les films rend les
adolescents plus portés à essayer de fumer. Les experts interviennent sur la question.

La Dr Elizabeth Richardson, médecin hygiéniste pour la ville d’Hamilton, dit :” Lorsque les
jeunes voient leur vedette favorite fumer à l’écran, ils sont 16 fois plus susceptibles de voir le
tabagisme comme une “ activité positive”, ce qui pourrait augmenter leur chance de fumer à
l’avenir”.

Patrick Swayze

Stan Glantz, un important militant de la lutte contre le tabagisme aux États-Unis, ajoute : « La
recherche dans plusieurs pays a démontré de façon constante qu’après avoir tenu compte de toutes
les autres choses qui causent le tabagisme, les adolescents qui voient beaucoup d’usage du tabac
dans les films sont 3 fois plus susceptibles de fumer que des adolescents similaires étant peu
exposés. »

Le volume d’études de recherche sur ce sujet a poussé le National Cancer Institute des É.-U. à
conclure qu’il existe une relation de cause à effet entre l’exposition à des représentations du
tabagisme dans les films et l’initiation des jeunes au tabagisme.

Un acteur préféré par les jeunes est Leonardo Di Caprio, un vrai “idole” qui n’hésite pas fumer
avec “aplomb”, dans la plupart des films qui l’ont rendu célèbre.

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Un exemple est le film The Beach (La plage), mettant en vedette le fameux Leo.

C’est l'histoire d'un jeune américain déraciné dont l'engouement pour la Thaïlande l'amène à
s'installer sur une île habitée par une communauté d'Occidentaux. Le film a été au centre d'une
importante controverse menant des députés thaïlandais à réclamer son interdiction, puisque la
Thaïlande était dépeinte comme un paradis pour des drogués.

En effet, ce film qui cible principalement un public adolescent présente l'accès au “nirvana” par
l'usage de certaines drogues. Le réalisateur va même jusqu'à tourner une scène où l'on aperçoit les
jeunes protagonistes dansant dans un champ de marijuana.

Un autre exemple négatif est celui d’ un autre“monstre sacré” de l’écran, aussi adulé par le public
jeune: la charmante partenaire de Leo Di Caprio dans Titanic, Kate Winslet.

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Dans Titanic, Leonardo DiCaprio et la co-vedette Kate Winslet fument, ce qui a pour effet
d'inciter les 100 millions d'acheteurs de billets de partout dans le monde à associer la cigarette aux
histoires sentimentales et à la contestation de l'autorité. Ce type d'”appui” par des célébrités a une
valeur presque inestimable. Et il continuera de se perpétuer par le biais du cinéma maison et de la
télévision.

L'Organisation mondiale de la Santé fait remarquer qu'aucune étiquette d'avertissement n'est


requise lorsque des acteurs ou des actrices s'allument une cigarette. Ce que le jeune voit, c'est une
vedette au style de vie enviable... faisant usage de tabac. Cela signifie qu'un grand nombre de jeunes
perçoivent le tabagisme comme une « activité très souhaitable », car les films ne montrent pas les
faits réels : la dépendance, la maladie et la mort.

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James Dean affirme sa rébellion avec la cigarette dans La Fureur de vivre, Audrey
Hepburn gagne en glamour avec son porte cigarette dans Diamants sur canapé.

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Lorsqu'on y réfléchit bien, le tabagisme à l'écran c'est comme montrer une vedette apportant son
soutien au tabagisme sur un panneau-réclame. Et ça marche: les jeunes non-fumeurs dont les
vedettes préférées fument fréquemment à l'écran sont 16 fois plus susceptibles de développer
addiction à la cigarette.

La cigarette parait donc la plupart du temps « cool » et comme un moyen fort de s'affirmer. Le
spectateur –et surtout le jeune!-a vite fait d'idéaliser le héros fumant ou bien même de s'identifier.
Qui n'a pas eu envie de reproduire cette scène (récemment reprise dans Inglourious Basterds) ou le
héros du film lance nonchalamment sa cigarette pour mettre en feu tel ou tel objet ou personne ?
Mais la cigarette n'est pas l'apanage que des bons. Les criminels et autres tueurs aussi ont droit à ce
petit plus qu'apporte la cigarette.

Sharon Stone sans sa cigarette lors de la scène de l'interrogatoire de Basic Instinct n'allumerait
pas ses interrogateurs de la même façon.

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La cigarette est également un élément majeur pour l'ambiance du film. Les volutes de fumées
appuient le mystère dans les films noirs des années 40. La cigarette imposait le héros de ces films
comme un « hard boiled », un dur, un „vrai” .

Pourtant, malgré cela Humphrey Bogart, acteur emblématique du film noir, déclarait "Chaque
clope que je fume est un clou que je plante pour fermer mon cercueil."

Humphrey Bogart en Casablanca

Malgré cette pénétration perfide et insidieuse de la publicité du tabac dans la cinématographie,


on a eu quand- même des propositions “constructives”:

En suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, les militants ont


demandé à la Commission de contrôle cinématographique de l’Ontario et à d’autres agences de
placer les films contenant du tabagisme dans la classe « accompagnement d’un adulte ».

Le classement « accompagnement d’un adulte », appelée 18A, signifie que les moins de 18 ans
peuvent visionner le film mais doivent être accompagnés d’un adulte. Le but est de protéger les
adolescents contre l’influence du tabagisme, un peu comme ils sont protégés contre la violence, le
sexe et les drogues à l’écran. C’est aussi une manière de s’assurer que les réalisateurs soient plus
conscients de l’effet du tabagisme à l’écran et de les encourager à les éliminer.

Une autre démarche dans ce sens a été faite par l'Administration générale d'Etat de la Radio,
du Film et de la Télévision de Beijing qui vient de publier –en février 2011-une circulaire ordonnant
la réduction des scènes de tabagisme dans les films et les feuilletons télévisés.

Cette mesure répond aux critiques selon lesquelles la Chine a échoué à honorer la convention-
cadre de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur le contrôle du tabac.

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"Les scènes de tabagisme, fréquentes dans les films et les feuilletons télévisés ne correspondent
pas à la position de la Chine sur le contrôle du tabac et trompent le public, surtout les jeunes", a
indiqué la circulaire publiée sur le site Internet de l'Administration.

Selon la circulaire, les marques ou symboles de tabac et les scènes de tabagisme en présence de
mineurs devraient être interdits dans les films et les feuilletons télévisés.

La Chine, qui avait ratifie en 2003 la Convention-cadre de l’OMS sur la lutte anti-tabac, s’est
angagée à prendre des mesures visant la réduction efficace du tabagisme, telles que l’interdiction
totale de toute forme de publicité, de promotion et de sponsorisation du tabac. Le traité est entré en
vigueur en janvier 2006.

Une bonne nouvelle concernant le nombre de fumeurs parmi les jeunes, vient du Canada et
nous renforce la confiance dans le succès de la lutte anti-tabac:

Au cours des 11 dernières années (1999 à 2010) on a constaté une baisse du taux de tabagisme
chez les canadiens âgés de 15 ans et plus, qui est passé de 25% en 1999 à 17% en 2010.

La population canadienne âgée de 15 ans et plus a augmenté d’environ 3,8 million, le nombre de
fumeurs en 2010 a diminué d’environ 1,4 millons, pendant que le nombre d’anciens fumeurs a
augmenté de 1,3 millons tandis que le nombre de personnes n’ayant jamais fumé a également
augmenté de 4 millons.

Dans l’ensemble, on note une croissance de la population d’environ 14% ayant pour
conséquence un nombre inchangé des fumeurs (actuels et anciens).

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Conclusion

Les films de cinéma comprenant des scènes de tabagisme sont la meilleure publicité pour les
cigarettes. Dans une salle obscure, le public n'a d'yeux que pour l'écran. Les scènes où l'héroïne
tient une cigarette à la main ou le héros une cigarette au coin de la bouche peuvent s'ancrer dans la
tête des spectateurs sans que leur attention soit parasitée par autre chose.

Le spectateur est amené à relativiser la nocivité du tabac après avoir vu de telles scènes au cinéma,
qui nient complètement les problèmes de santé engendrés par la consommation de cigarettes. Sur le
grand écran, le héros n'étouffe pas du poumon du fumeur. Le cœur de l'héroïne n'arrête pas de battre
parce que la fumée du tabac a obturé un de ses vaisseaux sanguins.

Ainsi, les monstres sacrés qui ont fait la” gloire” de la cigarette sur l’écran, dont grand nombre
font partie des„morts célèbres du tabac” seront toujours dépeints comme de vrais héros:

Gary Cooper

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Marlene Dietrich

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Henry Fonda

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Errol Flyn

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Clark Gable

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Gregory Peck

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Jack Lemmon

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et le <contraire> de Rudolf Valentino....

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Et, puisque j’ai commencé cet humble mémoire avec une phrase du grand “génie-pêcheur” –
tellement fameux pour “De profundis clamavi“ - Oscar Wilde, pourquoi ne pas finir, en miroir,
avec une pensée, aussi belle et profonde, de Maurice de Vlaminck – peintre du fauvisme et du
cubisme:

„Je travaille dans la solitude qui est une des plus grandes vérités de ce monde…Je suis heureux
tout seul, dans le vent, dans la pluie, dans les éléments, avec ma pipe…”

Et pourquoi ne pas se délecter la rétine avec quelques magnifiques toiles, dédiées au tabac- ce
„sophistiqué jardin des plaisirs”, comme l’a gentillement nommé Tom Hodgkinson dans son célèbre
„Guide du paresseux- petit traité pour les paresseux rafinnés” ? ( Editure Humanitas- Bucarest)

Puisque le cinéma et la peinture appartiennent les deux au même domaine sublime, généreux,
immense et unitaire... l’art...

Et puisque la fumée n’est autre chose que l’envie du fumeur qui s’est gracieusement diluée...quelle
que soit cette dilution...

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Je ne veux pas travailler
Je ne veux pas déjeuner
Je veux seulement l'oublier

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Et puis je fume... Pink Martini- „Sympathique”

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"Tu sais moi, il faut me voir tout entier. Et je t’en prie, si je viens à disparaître, ne me laisse pas
entrer dans les collections publiques par morceaux ; on me jugerait mal" Edouard MANET.

Extrait de la lettre que le Dr Jean-Pierre ORLANDO écrit à Edouard MANET, sur la représentation
du tabac dans ses peintures :

"Cher Edouard,

Ce que tu as dit a Antonin Proust me revient en mémoire, mais hélas je ne peux te montrer "tout
entier" dans cet Espace Culturel, dont le principal thème est le tabac, et si par d’aventure, on " te
jugerait mal" j’en prends l’entière responsabilité et te demande par avance de ne pas m’en tenir
rigueur. J’ai pensé à toi car tout au long de ton œuvre, sur 116 tableaux tu en as peint plus de 15 où
apparaissent des fumeurs notamment de cigarettes”.

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Paul Cezanne- Les joueurs de cartes

P. Picasso

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Bibliographie

www.la-cigarette.com/histoire.html

wikipedia.org/wiki/Tabac

http://www.hc-sc.gc.ca

http://www.hc-sc.gc.ca/hc-ps/tobac-tabac/research-recherche/stat/ctums- www.cinergie.be

www .smokefreemovies.ucsf.edu

http://www.cancer.ca

www.ecranlarge.com

www.at-suisse.ch/fr/page.../publicite/tabagisme-dans-les-films.html

http://french.news.cn

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