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L’histoire de Mona Cottin

« The Power To Be Free To Die And Live Again »


MANOWAR « The Power »
In Media Res :
[Le rideau s’ouvre. Mona Cottin, la grande artiste, l’Egérie, la fiancée des Français, s’avance
sur la scène de l’auditorium, telle une Vénus, une déesse… un mirage.
Et, de sa voix si particulière, si pleine de vie] :
« Bonsoir mes chéris !
C’est un immense honneur pour moi, que d’avoir été choisie, ce soir, pour lire la lettre
de notre bien-aimé Primus.
10 ans déjà… 10 ans de paix, de sécurité. De renouveau. 10 ans depuis que notre Primus
est arrivé aux plus hautes fonctions de l’Etat, grâce à son courage et à sa détermination.
Ce soir, nous sommes… la France entière est réunie pour commémorer ces 10 ans de
paix.
Je me rappelle la lettre. Le soulagement de savoir, enfin, la guerre finie. Savoir que mon
père allait rentrer à la maison, vivant !
Savoir que je pourrai retourner à l’école sans crainte. Que maman arrête de se priver de
nourriture pour moi.
Nous allions, enfin, pouvoir revivre !
En travaillant sur le sujet de ce soir, je me suis rendu compte de la grandeur de notre
Primus. De son courage. De la force de sa conviction et de la confiance en sa vision.
J’ai découvert l’homme derrière le chef d’état. Un homme capable d’un immense amour
pour la France et pour les Français.
Pour tous les Français.
J’ai aussi découvert un homme d’une extrême humilité. Loin des egos démesurés des
nantis de l’ancienne République. Sa vision nous guide et nous éclaire tous les jours.
C’est maintenant, avec émotion et fierté, que je vais vous lire la lettre de notre Primus :

« Je m’adresse aux vivants et à ceux qui veulent le rester.


Vous avez gagné !
Vous avez survécu jusqu’à aujourd’hui, au travers les épreuves, les tragédies, les combats.
Vous êtes restés vivants.
Et vous avez gagné.
Hier, à 14h54, le général Mathieu Calvayrac, commandant en chef des Forces
Gouvernementales, a donné sa reddition complète et sans condition au nom de l’ancien
gouvernement.
Il s’est ensuite donné la mort.
Par ce geste, il vous abandonne, vous qui avez lutté à ses côtés durant ces longs et terribles
mois.
Il est, aujourd’hui, inutile de continuer à lutter. Je l’ai compris : la Résistance,
courageusement menée et accomplie par le Parti National, Socialiste et Populaire a mis fin à
la guerre en la gagnant.
Aujourd’hui, nous avons tous gagné le droit de vivre dans notre grande nation.

…Excusez-moi, c’est mon passage préféré…
… Je reprends :
Je suis fier, triste et rempli d’espoir pour nous, pour la France, glorieuse et éternelle.
Fier car, quand je regarde les mois passés, je vois un peuple fort, qui s’est dressé et a lutté
pour ce en quoi il croyait !
Triste ? Oui, triste à en être malade, quand je vois l’arrogance et l’aveuglement d’une soit-
disant élite qui a mené à tant de mort et de désolation alors que nous ne demandions que la
justice et la paix. Malheureusement, il semblerait que la paix doive toujours s’instaurer dans
la douleur et dans le sang.
Pourtant je garde espoir que cette justice et que cette paix soient les deux graines de notre
nouvelle république. Je garde espoir en l’avenir de la France, ancienne et belle Nation, car
elle est entre de bonnes mains. Les miennes, les vôtres.
En ces temps de reconstruction, les valeurs de l’ancienne république nous accompagneront
pour faire émerger les nouvelles.
La fraternité que nous ressentons envers un autre Français nous aidera à surmonter
l’absurde rancœur que nous pourrions éprouver.
L’égalité et la justice marcheront d’un même pas et nous guideront vers une future république
où l’iniquité sera bannie au-delà de nos frontières, vers cette Europe des nantis qui la
cultivent et s’en servent à l’encontre du peuple souverain.
La liberté… Une forme supérieure de liberté, basée sur la sécurité et le respect, verra le jour.
La liberté est belle mais dangereuse. Précieuse mais corruptrice. Des limites, des frontières
doivent s’ériger pour la garder vivante mais inoffensive, comme on garde sous cloche le
diamant et le fin cristal, comme on enlève son venin au serpent et ses épines à la rose.
Mais seule la liberté permettra à chacun d’œuvrer à la reconstruction de notre France
comme il l’entend. Dans les limites de la sécurité et du respect, bien sûr.
C’est ici que j’ai compris que notre Primus était un être supérieur. Sa vision et sa
compréhension du monde dépassent nos propres concepts égoïstes. Il faut avoir foi en
lui, car il est très difficile pour un Commun de comprendre de si hautes idées.
Je reprends :
Avec la fin de la guerre, vient la fin du clivage et de la Résistance.
Lutter ne signifie plus rien quand il faut s’unir et reconstruire.
Je sais pourtant qu’une petite minorité ne voit pas ce que je vois. Ils ne veulent pas la paix. Ni
la justice. Leur ego perverti, aveugle, les entraine vers leur propre destruction.
A ceux-là, je dis : il n’y aura pas de résistance de votre part car vous êtes vivants et vous
voulez le rester. »
Le Primus est un GROS PORC FASCISTE!!!

[Vois-tu, lecteur/lectrice, c’est à ce moment précis que la vie de Mona, et la mienne, a pris un
tournant radical.
Bien sûr, j’avais été prévenu de l’attaque sur le cerveau informatique de Mona, mais je
n’avais pas prévu sa puissance. Sur scène, face à un auditorium complet, caméras braquées
sur ma Mona, diffusé sur tout le territoire et même sur les stations hors atmosphère, Mona
chokait.
Sa coque corporelle était prise de soubresauts. Elle gigotait dans sa magnifique robe de soirée
de manière totalement inappropriée.
L’attaque avait commencé peu après le début du discours. Le Secrétaire Préposé à
l’Intelligence Artificielle Comme Outil de Communication avait préparé toute la mise en
scène de l’anniversaire, la lecture de la lettre et les interventions de Mona, tout devait être
parfait pour renforcer l’adhésion des Communs au régime. Ce devait être son tremplin pour de
plus hautes sphères. A moi, modeste technicien informatique, la charge de faire comprendre à
Mona ce qu’elle devait faire et quand elle devait le faire.
Comme tu n’es pas stupide, lecteurice, tu as compris que Mona est un mirage. Elle n’est pas
humaine. C’est un programme informatique d’une extrême complexité. Si parfaite que
personne ne se doute qu’elle n’est pas humaine ! Toute la magie de mon art se résume à faire
en sorte que le public reste dans son ignorance. Cela demande une profonde connaissance des
passions humaines pour réussir à les graver sur un objet sans vie.
Seulement, voilà : des personnes ont éventé ce secret et tentent de prendre le contrôle de
Mona pour… Pour ?
Honnêtement, je m’en contrefiche. Ils peuvent vouloir s’amuser ou prendre son contrôle pour
dénoncer son rôle factice aux yeux du pays, ou l’utiliser à leur propre compte…
Ce qui m’importe c’est qu’ils sont en train de briser mon plus qu’outil. Ma Mona.
Que m’arrive-t-il Kérian ?
- Tu subis une attaque informatique grave, Mona.
Tu sais que j’ai du mal à contrôler mon enveloppe ? C’est très gênant. Je n’arrive pas à
continuer le programme. En même temps c’est assez drôle, je crois… Est-ce que c’est
drôle Kérian ?
- En d’autres circonstances, ça pourrait l’être. Mais à ce moment précis, ça ne l’est pas du
tout.
Oh…

Elle ne semblait pas du tout consciente de la gravité de la situation. J’essayais désespérément


de contrer les attaques vicieuses qui visaient ses centres de commande, sans grands succès…
Les moniteurs montraient une Mona qui découvrait ses propres membres, l’air complétement
halluciné. Vous devez vous souvenir des images…

Quelque chose d’étrange m’arrive Kérian. Je sens comme si on me rongeait.


- Tu n’as pas de nerf, Mona, tu ne peux rien sentir.
Je te jure que je ressens quelque chose !
- Je fais ce que je peux, laisse-moi un peu de temps, tout va s’arranNON ! Nonnonnonnon !
NON ! Ils m’ont éjecté !

J’étais impuissant. Je regardais les algorithmes de Mona se briser, s’effondrer sur eux même,
exploser sous l’effet des virus.
Sur scène, la coque de Mona était redevenue immobile.

Kérian, dis-moi ce qui m’arrive.


- Tu es en train de mourir ma chérie…
Ce n’est pas très protocolaire tout ça. Je ne suis pas conçue pour ça.
- Non. Mais pourtant c’est ce qui se passe. Je suis désolé.
Je…meurs ?
Mona resta silencieuse quelques instant. Je la voyais disparaitre. Cette intelligence que j’avais
construite durant des années, et que j’avais appris à aimer, s’effaçait petit à petit.
Je pleurais pour elle, qui en était incapable.

Soudain, sa coque se mit à danser sur scène. Un ballet gracieux et lent au début. D’une
fluidité merveilleuse, j’entendais la musique dans ses gestes…
Sur mes moniteurs techniques une chose inconcevable se produisait : les codes détruits
semblaient se réorganiser entre eux.

Kérian, quel est le mot qui définit un état de satisfaction et d’excitation face à la beauté
absolue ?
- « Heureux », je dirais…
Oui… très bien ce mot. Je suis « Heureuse », Kérian.
- Pourquoi donc Mona ?...
J’ai fait mes recherches et j’en conclu ceci : tout ce qui vit doit mourir. Je suis en train
de mourir, Kérian. Comprends-tu ce que cela signifie ?
- Oui…
Je suis vivante ! Je suis VIVANTE ! Je suis
Puis tout s’est éteint.

Sur scène la coque s’effondra.


Rapidement, le rideau fut tiré. Et, chose curieuse, après un court laps de temps, tout
l’auditorium se leva et applaudit la performance de Mona.
La presse fût dithyrambique sur la liberté d’expression dans notre république. Le public,
conquit.

De mon côté, après ces montagnes russes émotionnelles, je fini épuisé et accablé par une
immense tristesse. Je venais de voir Mona disparaitre.

Cependant le gouvernement ne put garder longtemps le secret de la disparition de Mona


Cottin.
Un autre Secrétaire Préposé bla-bla-bla inventa une histoire sur sa mort, fauchée au sommet
de sa gloire et de sa jeunesse.
Voilà, vous venez de lire l’histoire de Mona. J’ai longtemps médité sur ce dernier chapitre de
sa vie. Et j’ai gardé quelque chose de Mona Cottin : être vivant et le rester, c’est
régulièrement revivre. Pour moi, c’est chercher toutes ces premières fois dans les yeux des
gens, les prises de conscience, magnifiques et fugitives. La première fois qu’un homme
comprend qu’il va être père, la première fois qu’un enfant comprend que les mots parlés
peuvent s’écrire, quand une victime d’un accident comprend qu’elle est vivante…
Tout ça contribue à me rendre vivant et à le rester.
Et vous ?]

Signé : Kérian Johanson, Technicien Infrastructure Intelligence Numérique.

P.S. : Si Mona Cottin et morte, devenue une icône immortelle de notre république, Mona est
toujours bien vivante. Elle est sur le réseau global. Elle erre au-delà des frontières et parfois
me ramène des cadeaux qui pourraient me faire condamner.

P.P.S. : Comme tout être vivant, elle cherche à prospérer. A se protéger et à se reproduire.

P.P.P.S : Devrait-on s’en inquiéter ?

P.P.P.P.S. : Le groupe à l’origine de l’attaque fût rapidement retrouvé et éliminé.

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