Vous êtes sur la page 1sur 36

Les Chemins de l’art brut (2)

11 septembre – 17 novembre 2003

VISITE DE PRESSE : mercredi 10 septembre à 11h


INAUGURATION : mercredi 10 septembre à 18h

CONTACT PRESSE :
D ORIANE H UART H ÉLÈNE B ERGÈS
responsable de la communication assistante relations presse
Tél. +33 (0)3 20 19 68 80 Tél. +33 (0)3 20 19 68 81
Fax +33 (0)3 20 19 68 99 Fax +33 (0)3 20 19 68 99
dhuart@cudl-lille.fr hberges@cudl-lille.fr

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -1


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
SOMMAIRE

3 Présentation générale
5 Ensembles monographiques
15 Ensembles thématiques
21 Biographies
26 Projet d’extension
37 Activités culturelles et pédagogiques
30 Bibliographie succinte
31 Informations générales

JOSUÉ VIRGILI
Sans titre (Visage-Soleil
emblêmatique de L’Aracine),
n. d.
Donation L’Aracine
Musée d’art moderne Lille
Métropole, Villeneuve d’Ascq
© t.d.r.

Pour cette deuxième édition des Chemins de l’art brut, le Musée d’art
moderne confirme sa volonté de présenter régulièrement des artistes
majeurs de l’art brut dans le cadre d’ensembles monographiques (Aloïse
Corbaz, A.C.M. et Theo) et thématiques (André Breton et l’art brut ; les Naïfs,
primitifs du XXe siècle?).

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -2


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Les Chemins de l’art brut (2)

L’exposition Les Chemins de l’art brut, faisant suite à la première


manifestation présentée sous ce titre en 2002, poursuit le projet d’éclairer
l’œuvre et le parcours d’artistes historiques comme ALOÏSE CORBAZ, ou encore
THEO, dont la présentation est réalisée en collaboration avec le Museum
Schloss Moyland, ainsi que d’artistes actuels, tel A.C.M. À ce projet, elle
conjugue celui de mettre en perspective un certain nombre d’œuvres,
récemment acquises, avec la collection d’art brut donnée à la Communauté
Urbaine de Lille en 1999 par l’association L’Aracine, ainsi qu’avec certaines
œuvres issues de la donation GENEVIÈVE et JEAN MASUREL.

Les œuvres et documents entrés dans les collections du musée à l’occasion de la


vente publique de l’atelier d’ANDRÉ BRETON[1], écrivain et poète, principal promoteur du
surréalisme, viennent nourrir le fonds d’art brut ; les « objets d’aliénés », la sculpture
de MAISONNEUVE et la peinture de CRÉPIN constituent autant de repères historiques
essentiels à celui-ci. L’étude des documents d’archives permettra d’éclairer mieux
encore la contribution de BRETON à « l’archéologie de l’art brut » pour citer MADELEINE
LOMMEL. Cet ensemble, dans le même temps, jette un pont en direction du fonds
surréaliste de la donation MASUREL.

Le Cloisonné de théâtre d’ALOÏSE, rouleau de dessins assemblés d’une longueur


de 14 mètres, condense sur le registre lyrique l’univers aux passions exacerbées et la
cosmogonie de l’artiste, dont il constitue le « grand-œuvre ». Étudié par JACQUELINE
PORRET-FOREL, médecin et spécialiste de l’œuvre d’ALOÏSE, il a été déposé au musée par
les collectionneurs de Lausanne, PHILIPPE ETERNOD et JEAN-DAVID MERMOD.
A.C.M. réalise des assemblages foisonnants d’éléments mécaniques qui créent
un univers d’architectures fantastiques, dont la miniaturisation est proprement
vertigineuse. L’Aracine possédait deux œuvres de celui-ci depuis 1996. La donation
par l’artiste d’un ensemble de référence, choisie dans un dialogue étroit avec le
musée et documentée par un relevé photographique minutieux de l’atelier, est
intégralement présentée au public.

Acquises en 2002[2], les peintures, des artistes naïfs CAMILLE BOMBOIS et SÉRAPHINE
LOUIS font l’objet, après restauration, d’une première présentation. Elles complètent
l’ensemble d’œuvres naïves conservées dans la donation MASUREL, toutes accrochées

[1]
Les œuvres et documents ont été préemptés par l’État lors de la vente. La Communauté Urbaine de Lille les a
acquis avec l’aide du Fonds du patrimoine (Ministère de la culture et de la communication) et du Fonds régional
d’acquisition pour les musées (État / Conseil Régional du Nord-Pas de Calais).
[2]
Œuvres acquises par la Communauté Urbaine de Lille avec l’aide du Fonds régional d’acquisition pour les
musées (État / Conseil Régional du Nord-Pas de Calais).

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -3


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
PRÉSENTATION GÉNÉRALE

sur les cimaises. Ces peintures témoignent de l’intérêt convergent de certains


collectionneurs historiques du cubisme, comme ROGER DUTILLEUL ou WILHELM UHDE, pour
ce mode de représentation à l’approche synthétique et à l’expression singulière, tout
en montrant un champ de l’art du XXe siècle limitrophe de celui de l’art brut.

L’ensemble des œuvres (acquisitions, donations, dépôts) témoigne d’une politique


active d’enrichissement des collections du musée et s’inscrit dans la perspective
de son extension et de sa modernisation, prévues à l’horizon 2006. Le nouveau
corps de bâtiment, conçu par MANUELLE GAUTRAND, lauréate du concours, développera
ses formes à références organiques, étroitement liées au sol et à la végétation, à l’est
du bâtiment de ROLAND SIMOUNET et abritera un parcours permanent de la collection
d’art brut ainsi que des salles d’expositions temporaires et des locaux techniques. Le
bâtiment actuel fera l’objet d’une modernisation. Les visées principales en sont la
reconfiguration de l’accueil et l’amélioration des conditions de visite, un plus vaste
déploiement des collections permanentes, la transformation de la bibliothèque
DOMINIQUE BOZO en un centre de documentation et de recherche et le renforcement
des expositions et des activités pédagogiques et culturelles. Ainsi articulé avec la
prestigieuse donation MASUREL et avec les collections contemporaines du musée, l’art
brut sera donné à voir dans son contexte, celui de l’art des XXe et XXIe siècles.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -4


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

ALOÏSE CORBAZ
et le Cloisonné de théâtre

En 1951, dans le silence de l’asile de la Rosière, ALOÏSE CORBAZ remettait de façon


solennelle le Cloisonné de théâtre accompagné d’une lettre[1] à JACQUELINE PORRET-
FOREL. Leur rencontre avait eu lieu dix ans plus tôt ; J. PORRET-FOREL, appelée à la
Rosière, découvrait une femme et une œuvre fascinantes ; avec le temps va naître
entre les deux femmes une réelle amitié, que seule la mort d’ALOÏSE en 1964 rompra.
Dans le livre ALOÏSE et le théâtre de l’univers publié en 1993, J. PORRET-FOREL analyse et
décrypte ses dessins et en particulier le Cloisonné de théâtre, déposé au Musée d’art
moderne par PHILIPPE ETERNOD ET JEAN-DAVID MERMOD, qui ont réuni depuis 1990 une
importante collection d’art brut. « Sur ces quatorze mètres de papiers cousus
les uns aux autres, ce rouleau met en scène le drame amoureux qu’a vécu
ALOÏSE, en une pièce composée d’actes et d’interludes » ; en nous appuyant, en
partie, sur l’analyse faite par J. PORRET-FOREL, nous pouvons parcourir le Cloisonné [2]
et entrer dans l’œuvre et dans la vie d’ALOÏSE.

Le premier acte commence avec une Grande


fête de nuit à Paris. Un dais de pourpre et
d’hermine se découpe sur un fond noir qui pourrait
symboliser la nuit ; la scène est éclairée de lampions
orange et bleus. Un gonfalonier[3], placé sous les
armes du château de Vaduz, ouvre cette fête et par
là même le Cloisonné de théâtre.
Au centre, l’héroïne est enveloppée dans le manteau
impérial de bal, dont la doublure d’hermine relie les
deux scènes de l’acte. Hiératique, elle nous fixe de
ses yeux bleus en amande, sans pupilles, à la fois
pleins et absents. Ses seins figurés par des camélias
ALOÏSE CORBAZ
Cloisonné de théâtre
tranchent sur la peau nue de son buste. Elle tient un
(détail), 1950-1951
Pastel, crayon de couleur et
fruit (une grenade ?) et effleure la main d’un officier
crayon graphite sur papier
Collection Philippe Eternod
vêtu d’hermine verte. ALOÏSE aime à se fondre dans
et Jean-David Mermod,
Lausanne
les personnages historiques qu’elle a côtoyés ou
© t.d.r.
qui la font rêver. L’officier pourrait être Napoléon
Bonaparte, qu’elle représente toujours avec une mèche noire sur le front. ALOÏSE
s’incarnerait alors en l’impératrice Joséphine qui porte une traîne doublée d’hermine,
comme dans Le Sacre de l’empereur Napoléon, peint par DAVID, tableau qu’ALOÏSE
1]
Le rouleau est titré par Aloïse dans cette lettre remise à J. Porret-Forel, le 4 mars 1951.
2]
Les bribes de phrases, écrites par Aloïse sur le rouleau, donnent des éléments d’interprétation.
3]
Au Moyen Âge, le gonfalonier porte le gonfalon qui est une bannière de guerre.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -5


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

chérissait. Par le déroulé du manteau impérial, nous


entrons dans la seconde scène dominée par le
soleil et un temple de l’amour, où une aile déployée
et deux oiseaux protègent des œufs multicolores,
symboles de créativité. Enlacé, le couple nous fait
face et paraît danser. La femme aux cheveux défaits
sourit ; son buste est métamorphosé en une brassée
de fleurs dont elle enveloppe son amant. Il la tient
par la taille tout en la guidant de l’autre main. Les
pieds de l’héroïne sont suspendus dans le vide alors
que sa robe touche le sol. Cette robe verte - la
couleur de la spiritualité chez Aloïse - est parsemée
LOÏSEA CORBAZ
Cloisonné de théâtre (détail), de motifs rouges qui seraient, selon J. PORRET-FOREL,
1950-1951
Pastel, crayon de couleur et des symboles de l’acte sexuel. En effet, le rouge
crayon graphite sur papier
Collection Philippe Eternod domine le premier acte, il est symbole d’amour et
et Jean-David Mermod,
Lausanne de puissance. « On n’a jamais eu de précisions sur
© t.d.r.
la vie amoureuse d’ALOÏSE dont toute l’œuvre éclate
d’un érotisme violent et pourtant désincarné », nous dit J. PORRET-FOREL qui évoque les
amours « brèves et brûlantes » d’ALOÏSE et d’un étudiant de la faculté de Théologie
libre de Lausanne. Cette relation est brisée par une des sœurs d’ALOÏSE qui réussit à
faire expulser l’étudiant, détruit leur correspondance amoureuse et, enfin, séquestre
ALOÏSE que ce drame blesse à vie. C’est à la suite de cette rupture qu’en 1911, ALOÏSE
part pour l’Allemagne comme préceptrice puis comme gouvernante chez le chapelain
de Guillaume II au château de Sans-Souci. La vie et le faste de la cour impériale la
fascinent. Elle transpose sur Guillaume II un amour qu’elle sait pourtant impossible.
À la déclaration de guerre, ALOÏSE, contrainte de rentrer à Lausanne, s’isole de plus en
plus et, finalement, est internée pour démence précoce en 1918. La même année,
GABRIEL CHAMOREL, pasteur lausannois surnommé « le pape protestant », joue un rôle
de pacificateur dans les émeutes qui secouent la Suisse. La paix est aussi une des
grandes préoccupations d’ALOÏSE. C’est donc CHAMOREL, pour lequel elle conçoit un
amour délirant, qui ouvre le deuxième acte.
Un gonfalonier tient un étendard, armorié de pièces de monnaie, avec l’inscription
médaille pasteur CHAMOREL. Le jaune, symbole pour ALOÏSE de toute perfection,
envahit la composition. Hormis ceux de l’amant, les cheveux des protagonistes sont
devenus blonds, renforçant le caractère solaire de cette scène.
CHAMOREL porte les deux amants, séparés par le temple de l’amour, et tient une
palette et un pinceau dirigé vers trois personnages enlacés, évocation détournée

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -6


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

de la trinité. ALOÏSE qui met en place une véritable


cosmogonie, dégage de la trinité son principe de
« consubstantialité alternative » grâce auquel elle
devient un créateur qui peut donner naissance à
n’importe quel être et s’incarner dans n’importe
quelle forme. Il serait trop long de développer ici la
vision qu’ALOÏSE se faisait du monde et de la place
qu’elle y tenait comme créateur. J. PORRET-FOREL a
procédé à une analyse systématique dans ALOÏSE
et le théâtre de l’univers, ainsi que dans un livre
à paraître : La Voleuse de mappemonde[4]. Dans la
partie gauche, un ensemble d’évocations de Paris,
où ALOÏSE n’est jamais allée ; c’est un Paris de fêtes,
de lampions et d’amour, un rêve de paradis de Paris
déjà présent dans Le Billet à l’inconnue « Sous les
arbres du grand abri de Paris / on est parties en
LOÏSEA CORBAZ
Cloisonné de théâtre (détail), tank en rêve en train de pourpre / rêve de paradis
1950-1951
Pastel, crayon de couleur et de Paris »[5].
crayon graphite sur papier
Collection Philippe Eternod Les échos du passé réapparaissent tout au long de
et Jean-David Mermod,
Lausanne son œuvre ; il ne s’agit pas pour elle de reproduire
© t.d.r.
fidèlement les images et ses souvenirs du «monde
naturel ancien d’autrefois » , mais de les déplacer et de les réorganiser dans un
[6]

monde mouvant dont elle est la source, installant ici son processus créatif.
À la fin du deuxième acte, une grande figure féminine à la chevelure rousse et au corps
fardé de blanc renverse une coupe au-dessus de la tête de l’amant qu’elle domine ; entre
eux, dans un médaillon, l’asile de la Rosière, symbole de la folie. ALOÏSE évoque dans
ses écrits cette coupe de vie destinée à « réveiller une terre endormie ». Cette scène
peut évoquer aussi les fêtes déguisées des étudiants qui se tenaient place de la
Riponne à Lausanne. La transition vers le troisième acte se fait par trois « scènes
hiéroglyphiques » sur le thème du transport amoureux ; une gondole fleurie avec
l’inscription C’est si simple d’aimer transporte les deux amants ; puis lui succède
un cheval, qui est aussi véhicule de l’amour, scène titrée Vierge nue et doge de
Venise. Enfin, baigné de soleil, le temple de l’amour apparaît entre ALOÏSE et CHAMOREL
qui lui offre sa tiare. Le passage d’ALOÏSE dans la vie immatérielle peut maintenant
s’accomplir Gloria in eccelsis (Gloire au plus haut des cieux).
Nous entrons dans le troisième acte. Devenue JULIETTE RÉCAMIER dans les bras de
dieu, l’héroïne apparaît dans toute sa nudité. Son sexe devient un motif en forme de

4]
Ce livre est à paraître en octobre aux Éditions Zoé, Genève.
5]
Cité dans Aloïse, Rochechouart, Musée départemental, 1989, p. 92.
6]
Aloïse qualifiait ainsi sa vie d’avant l’internement.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -7


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

rose-lotus qui envahit quasiment toute la composition.


Elle tient, sous ses seins camélias, un cœur à l’effigie
du pape. L’homme la serre à la taille. Dans la lettre
accompagnant le Cloisonné, ALOÏSE évoque la Vierge
des vendanges, symbole de fertilité ; elle est célébrée
à l’Assomption : ici encore, un signe d’élévation. Le
couple qui incarne aussi les amoureux d’Ischl dans le
kiosque de la gloriette Schönbrunn, ouvre le final du
Cloisonné.[7]
Dans cette dernière partie du rouleau, Psyché
LOÏSE A CORBAZ
Cloisonné de théâtre (détail),
et l’amour semblent regarder de leurs yeux verts le
1950-1951
Pastel, crayon de couleur et
couple précédent. Très différente du reste de l’œuvre,
crayon graphite sur papier
Collection Philippe Eternod
l’atmosphère colorée au ton plus pâle aurait été
et Jean-David Mermod,
Lausanne
obtenue par le frottement de feuilles de géranium
© t.d.r. provenant du jardin de la Rosière [8]. Selon le mythe,
Psyché enlevée par l’Amour quitte la Terre et devient immortelle pour vivre dans une
éternelle félicité.
Le Cloisonné de théâtre, signé par ALOÏSE, est sans aucun doute le sommet de son œuvre.
Dans une liberté étonnante, elle réunit l’ensemble des thèmes qui traversent son art
et les tisse à des moments clefs de sa vie. Derrière le drame amoureux, le Cloisonné
serait pour ALOÏSE l’aboutissement d’une reconstruction de sa personne commencée
trente ans auparavant. Ainsi, des rêves d’amour du premier acte à l’abandon des biens
terrestres du final, le Cloisonné nous offre l’histoire d’une reconquête du monde dont
ALOÏSE, se séparant du « monde naturel ancien d’autrefois » auquel elle ne se sent plus
organiquement liée, devient le démiurge.

7]
C’est à Bad-Ischl que Sissi rencontre l’empereur François-Joseph ; ils tombent éperdument amoureux. La
référence à Sissi est une constante chez ALOÏSE.
8]
Cf. J. PORRET-FOREL, Aloïse et le théâtre de l’univers, p. 133.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -8


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

A.C.M.
une fabrique du sensible
Mots clefs : acide, A.C.M., animaux, Aracine,
archéologie, art brut, asocial, atelier, blanc,
blessures, classification, colère, cosmos,
craie, destruction, effritement, engrenages,
érosion, fabrique, Facteur Cheval, famille,
fausse classification, inachevé, isolement,
A.C.M. jardin, labyrinthe, lumière, machine à écrire,
Ensemble d’Architectures
(détail), Technique mixte machines, maison, microcosme, musée,
Donation A.C.M., Musée
d’art moderne Lille Métropole ombres, patience, pauvreté, peinture,
© t.d.r.
personnages, pièces détachées, piège, pinces,
quotidien, régularité, repentir, reprise, sensible, site, social, solitude, temple, temps.

En mars 1996, un couple visite le musée d’art brut de L’Aracine, au Château Guérin
à Neuilly-sur-Marne ; ils y rencontrent MADELEINE LOMMEL, présidente de L’Aracine. En
septembre, cette dernière rend visite à ce couple qui a choisi, derrière les initiales
A.C.M., l’anonymat et achète deux sculptures.

Disons simplement que l’homme se prénomme Alfred et qu’il est l’auteur des
œuvres et que le prénom de la femme est Corinne et qu’elle est l’ange gardien et
le relais entre Alfred et le monde extérieur. Quelques temps plus tard, ils décident
d’offrir leur maison et ce qu’elle contient à L’Aracine qui refuse, mais encourage
le travail d’A.C.M. ; le contact avec L’Aracine et MADELEINE LOMMEL, en particulier,
a été primordial. Après la donation de la collection de L’Aracine au Musée d’art
moderne, Alfred et Corinne se tournent vers celui-ci pour faire don du cœur de leur
œuvre qu’ils ne souhaitent ni vendre ni démembrer. La donation acceptée, le musée
présente aujourd’hui au public cette œuvre étonnante d’Alfred, cet homme qui,
après une remise en question radicale de sa vie et de son rapport à l’art, choisit l’art
brut comme terre d’adoption.

Venons-en maintenant à l’histoire contenue dans les initiales A.C.M.


C’est en 1968 qu’A.C.M. commence des études artistiques ; cinq ans plus tard, il
abandonne tout : les études, Paris où celles-ci l’avaient mené, le milieu de l’art dans
lequel il ne se reconnaît pas. Il détruit ses œuvres et se consacre à la lecture. 1974
est l’année de sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme et le soutien absolu de

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -9


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

son œuvre. Après deux années d’errance, ils retournent dans leur village d’enfance
aux confins de l’Aisne et de la Somme. Il y a là la maison familiale d’Alfred et la
manufacture de tissage attenante qui sont alors vides et à l’état d’abandon : « Il n’y
avait même plus de porte sur la rue, tous les plafonds étaient effondrés, la maison
était totalement en ruine. » Ce sera, dans l’isolement, une longue et harassante
reconquête du site ; les travaux ne finissent pas, l’argent manque, d’autant que
l’économie du couple est proche d’une économie de survie.

Mais ce sera dans cette véritable


reconstruction du site qu’A.C.M. jettera de
nouvelles fondations à sa vie, « au paysage
de vie » auquel il aspire. Les seules images
qu’il a gardées de son existence d’avant sont
les Cahiers des laboratoires Sandoz consacrés
à l’art brut ; il aime par-dessus tout l’œuvre
d’ADOLF WÖLFLI et celle de KARL JUNKER. Les rares
A.C.M.
jours non travaillés sont composés de longues
sans titre (Architecture
inachevée),
promenades où il étudie et ramasse des
non daté,
Technique mixte
cailloux ou des rebuts de l’activité humaine
Donation L’Aracine Musée
d’art moderne Lille Métropole
en voie de désagrégation. C’est certainement
Photo : Philip Bernard
© t.d.r.
de là que quelque chose va renaître, dix ans
environ après son arrivée. La période des
Craies s’ouvre. Entre le labeur de copiste et le travail de « faussaire », il sculpte
des craies qui reprennent des formes naturelles à tel point qu’on les prend pour
des objets glanés, alors que chaque fragment concentre une dizaine d’heures de
travail. Ces fragments sont fixés sur des lames de plancher pour composer des
séries qui côtoient des « abécédaires » de formes. Rien n’est écarté de cette activité
obsessionnelle, jusqu’aux mégots de cigarettes qui sont triés et assemblés sur des
planches.

À cette matériologie va succéder la réalisation de petites machines aux automatismes


impossibles, composées essentiellement de pièces de réveils. Pour les assembler,
A.C.M. passe des heures. C’est un monde machinique stupéfié, qui exprime encore
cette obsession à vouloir immobiliser le temps. Le grand débrayage s’organise. Les
heures passées à l’établi se succèdent, la fabrique se lève lentement à l’endroit même
où trente ans auparavant fonctionnaient, devant ses yeux, les métiers à tisser.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -10


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

Délaissant les pièces d’horlogerie, A.C.M. s’intéresse aux machines à écrire qu’il brise,
ne sachant pas les démonter. L’expérience aidant, il réussit à en extraire les carcasses
qu’il isole et stocke verticalement dans l’atelier. Certains petits éléments de machines
sont retenus, triés, passés à l’acide puis classés. Les étagères et les planches de pièces
détachées se multiplient. Il a trouvé dans ces carcasses redressées quelque chose
d’architectural, « une élévation ». Nous sommes en 1994. La figure du temple va
apparaître et, dès lors, la matériologie des craies, le corps dépecé puis ré-assemblé des
machines vont fusionner dans ce qu’il nomme « les architectures ». Il va les peupler
de bêtes et de figures humaines, autant de reflets d’un palais idéal. Le travail est
long, six mois pour une architecture ; il ne vend rien car il les souhaite autour de
lui. Les architectures sont de puissantes sentinelles sur lesquelles A.C.M. intervient
constamment, peuplant les vides, recloisonnant chaque interstice. Lentement,
certaines s’ouvrent, se défont partiellement sous l’action de l’acide qui intervient à
tous les stades de la construction, dévorant les pièces. Les conglomérats de limaille
et d’enduit, mêlés d’acide, forment une chair corrosive qui inscrit au sein même de la
construction les germes de sa destruction et accélèrent par là même le travail naturel
du temps.
Tout aussi lentement et sûrement, cet ensemble de miniatures se ramifie, quitte la
fabrique pour peupler la maison, répond au jardin composé de bassins, de parterres
de fleurs et d’une centaine d’espèces qui y sont cultivées. Autant de surfaces
de projections, de moyens d’immersion dans un monde hors de notre échelle,
comme un enchevêtrement de micro-théâtres de l’univers. C’est peut-être par cette
construction d’un monde refuge qu’A.C.M. touche l’art brut, une accumulation et
transformation d’éléments fonctionnels en un capital de protection qui enserre sa
personne. Peu bavard sur son travail, il l’évoque néanmoins comme « une sorte de
géologie... la recherche d’un temps pétrifié.»
L’essentiel est dit, car c’est dans cette lutte entre destruction et stabilité qu’A.C.M.
se situe. Cette lente édification, strate après strate, serait aussi une écriture de la
disparition, ou plutôt l’élaboration d’un langage maintenant libre, ayant acquis son
autonomie, développant ses propres lois.
Comme nous le rappelle Corinne : « construire dans le sens d’édifier, d’élever, est
un paradoxe dans son travail où seuls renversement, démolition, destruction lui
permettent de composer, d’organiser et cela selon un ordre, des règles qui sont
celles de son langage. »

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -11


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

THEODOR WAGEMANN DIT THEO [1918 - 1998]

« Ah çà ! l’horloge de la vie s’est arrêtée tout à l’heure »,


écrivait Rimbaud dans Nuit de l’Enfer. Il semble que pour
THEO aussi, le temps se soit arrêté. Entrer dans l’univers
de THEO, c’est changer de grille temporelle, accéder à un
univers parallèle qui agirait comme un miroir déformant
vis-à-vis du nôtre. Interné dans un établissement à
caractère psychiatrique en Allemagne, sous le IIIe Reich,
THEO aurait dû périr sous le joug du régime nazi. À
travers le prisme de la mémoire et de la reconstruction
THEO
Attolf Hitler, 1983-1984,
dans l’œuvre, se cristallise une histoire, celle d’un peuple
crayon, stylo-feutre sur
papier sulfurisé
et celle d’un homme.
37,5 x 24,5 cm
Donation L’Aracine,
Se révèle surtout la prodigieuse capacité d’un créateur
Musée d’art moderne Lille
Métropole
de l’ombre à survivre à la fois à ses angoisses intérieures
© t.d.r. et aux forces négatives venues de l’extérieur.

THEO, de son vrai nom THEODOR WAGEMANN, a 59 ans lorsqu’il intègre Petrusheim,
un établissement spécialisé qui se trouve à Weeze, dans la région du Rhin inférieur,
en Allemagne. THEO vient alors de perdre sa sœur qui l’avait pris en charge à la mort
de leurs parents. Suite à un choc psychique qu’il a subi à 14 ans et dont il ne se remet
pas, THEO a en effet presque toujours vécu en famille. Bien accepté par son village,
il effectue les mille petits travaux à sa portée : garder les vaches de ses parents,
balayer la rue, etc. Livré à lui-même en 1977, considéré comme schizophrène par le
milieu médical, il rejoint donc les rangs des vieillards, marginaux et malades atteints
de troubles mentaux en résidence à Petrusheim. C’est à cette époque qu’il inaugure
son activité de dessinateur.
Sa première tâche, avant de dessiner, consiste à collecter des feuilles de papier
sulfurisé dans les cuisines. De manière générale, la « collecte » constituait pour lui une
activité d’importance : objets de dévotion, faire-part de décès, etc., s’accumulaient
dans sa chambre, voire étaient disséminés dans les campagnes environnantes, à
l’intérieur de souches ou de « cachettes » improvisées, dans lesquelles il enfouissait
ses trouvailles.
Une fois terminés, ses dessins subissaient d’ailleurs le même sort : THEO les dissimulait,
soigneusement pliés en huit, dans le secret de sa table de nuit.
THEO utilise pour dessiner des crayons de couleur et des stylos-feutres. En général, il
construit un motif central au milieu de sa feuille : personnage historique, scène tirée

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -12


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

de la vie de Jésus, portrait d’un saint ou épisode d’un conte populaire, etc. Ce motif
est la plupart du temps bordé de quatre bandes de couleur émaillées de mots, de
chiffres et de phrases courtes, faisant office de cadre. Lorsqu’il s’agit d’un portrait,
d’autres inscriptions autonomes viennent entourer le dessin central ou même se
poser sur lui.
Cette même graphie se retrouve sur le verso, que THEO couvre d’un texte dense,
mâtiné de chiffres et de motifs divers : pièces de monnaie, sigles, insignes religieux,
etc. Le tout forme un ensemble confus, quasiment illisible, qui, par un jeu de
transparences et de superpositions induit par la texture du papier sulfurisé, vient se
mêler au dessin du recto, lequel transparaît sous sa forme inversée.
Cette imbrication s’accentue lorsque de l’eau est venue accidentellement diluer le
tracé. Texte et image se fondent alors encore plus intimement.

Disses Bilt Beteucbet, « Cette image signifie » : presque toujours, cette expression
ouvre le commentaire qui vient s’articuler autour de l’image.
Mais si le texte est bien là pour mettre en exergue la signification du dessin,
l’orthographe peu orthodoxe de THEO fournit matière à des glissements sémantiques.
Gott mit uns (« Dieu avec nous ») devient ainsi Gott Mimt uns (« Dieu nous imite »),
ou le slogan Für Frieden und Freiheit (« Pour la paix et la liberté ») devient Für Fritten
und Freiheit, « Pour les frites et la liberté ». La polysémie envahit le dessin, et avec
elle se multiplient les possibilités de lecture.
En fait, par sa phrase introductive mais aussi par la date, indiquée sous la forme
de l’année en cours, et sa signature « TW », THEO se réapproprie pour faire siennes
les multiples histoires qui lui sont parvenues, sous forme éclatée. Histoire nationale
apprise dans les manuels de l’école, histoire de Jésus lue à la messe, histoires pour
enfants racontées au village ou à la maison, histoire religieuse vue sur les peintures et
vitraux de l’église, histoire politique diffusée à travers des affiches de propagande...
toutes ces histoires se fondent à travers des modalités de traitement communes que
THEO leur inflige. Elles forment les fragments d’une seule et même histoire, que THEO
va unifier dans et par ses dessins.

La SainTTe FamiLLe, Hänsel ET Gretel, le PaPPe Léon XIII, un Vieux RéVeil ou encore le
Fürrer ATToLF HitLer sont en effet soumis à la fois à un traitement pictural commun
et à un remaniement personnalisé de leur dénomination. Non plus arrimés à leur
histoire d’origine, ils entrent dans l’histoire personnelle de THEO, basculant dès lors
vers une temporalité autre ou plus précisément vers une atemporalité. Dans le
double langage de THEO, écrit et dessiné, la cacophonie des personnages fait place
à l’harmonie : toutes ces histoires tendent à un mode d’existence nouveau, à une
coexistence possible.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -13


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE MONOGRAPHIQUE

Cette suspension du temps transparaît


également à travers la répétition, qui tient
une grande place dans l’œuvre de THEO.
Force est en effet de constater que, sur plus
THEO de dix-huit années de création, les œuvres
Disses bilt beteudet Jebsu,
1988 de THEO ne connaissent aucune évolution
25,5 x 37,5 cm
crayon de couleur sur papier stylistique et reprennent, inlassablement,
sulfurisé
Donation L’Aracine, les mêmes thèmes. Le nombre de portraits
Musée d’art moderne Lille
Métropole d’Hitler ne s’élève pas à moins de 800
© t.d.r.
exemplaires... Le seul élément nouveau qui
soit intervenu a été suscité par l’extérieur : à partir de 1983, ROBERT KÜPPERS, qui a
découvert l’œuvre de Theo, lui fournit du papier à dessin et du matériel. Mis à part
ce changement de support, l’œuvre de THEO se poursuit telle qu’en elle-même. La
fixité du temps et du style rappelle celle d’ADOLF WÖLFLI, autre grande figure de l’art
brut, dont les horloges (« Horloges de Saint-Adolf ») se sont arrêtées à l’âge de ses
huit ans. Les horloges de THEO ont, quant à elles, trois aiguilles et coexistent sans
jamais indiquer la même heure. Tout se passe comme si elles avaient figé à jamais le
temps, abolissant du même coup ses insolubles contradictions.
Le pouvoir de l’œuvre de THEO à défier l’insoluble se manifeste aussi ailleurs. L’œuvre
de THEO, avec en particulier l’occurrence du portrait d’Hitler, a choqué plus d’un
visiteur, en Allemagne comme ailleurs. Il est vrai que la reprise in extenso de certains
slogans du IIIe Reich et des insignes nazis (croix gammée notamment), associés à
l’image du Führer, a de quoi révulser. Ce d’autant plus que chez THEO, il n’y a pas,
visiblement, de second degré ou de mise en abyme. Il reprend l’image et le texte
de propagande, tels qu’il les a perçus. Et pourtant, juger ces dessins « immoraux »
semble hors de propos : « amoraux » serait plus exact. En conférant à l’ensemble
de ses figures un statut atemporel, THEO les soustrait en effet du même coup à tout
jugement éthique ou moral.
D’ailleurs, elles sont aussi dépourvues de sexualité : les seules femmes représentées
sont, outre la Vierge, soit des saintes, soit des sorcières de contes. Quant aux
hommes, ils sont, hormis Jésus, soit des religieux, soit des militaires, gardiens des
âmes ou du pays.
Dans cette imagerie revisitée, ce sont les sorcières au dos voûté et les lutins gardiens
des horloges qui endossent le lourd poids des angoisses et des tourments de THEO.
C’est ainsi que, surgie de zones troubles situées en deçà du bien et du mal, THEO a su
faire émerger une œuvre puissamment originale, forte et troublante.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -14


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE THÉMATIQUE

André Breton et l’art brut

Pour évoquer et comprendre les liens qu’ANDRÉ


BRETON (1896-1966) a pu entretenir avec ce que
JEAN DUBUFFET a nommé, en 1945, l’art brut, il est
nécessaire de remonter au début du XXe siècle et
de s’attarder sur l’année 1916. BRETON fait alors
deux rencontres qui seront déterminantes pour
l’intérêt qu’il portera, tout au long de sa vie, à
des formes d’expressions artistiques autres.
C’est tout d’abord sa rencontre avec la folie.
BRETON, étudiant en médecine à sa mobilisation en
février 1915, est, à sa demande, affecté en juillet
1916 au Centre neuropsychiatrique de l’hôpital
de Saint-Dizier, dirigé par le docteur LEROY, ancien
assistant de CHARCOT. Il lit les textes de KRAEPELIN,
NDRÉ A RETON B découvre les théories de FREUD sur l’inconscient et
dans son atelier, juin 1955
Photo Sabine Weiss, Rapho le rêve dans Le Précis de psychiatrie du docteur
© t.d.r.
RÉGIS et La Psychoanalyse des docteurs RÉGIS et
HESNARD, et envisage de devenir médecin psychiatre. De cette première confrontation
à la folie, BRETON retient l’importance des mots écrits ou dits par les fous ainsi que
la beauté de leurs pensées. Le pouvoir de création de la folie, le rêve, l’association
d’idées incontrôlées, constitueront, au départ, le matériel surréaliste. En mars 1920,
si BRETON abandonne définitivement la médecine pour se consacrer à l’écriture, il
n’abandonnera jamais son intérêt pour la folie et ce que l’on nomme alors l’art des
fous.
Cet intérêt est partagé tout particulièrement avec MAX ERNST[1], ROBERT DESNOS[2], PAUL
ÉLUARD[3]. Sans faire ici un inventaire des références à la folie dans les écrits de BRETON,
il est intéressant d’en noter certaines. Dans NADJA, écrit en 1927, BRETON relate sa
rencontre avec la mystérieuse NADJA qui sombrera dans la folie. En 1929, il achète
deux objets présentés à l’Exposition des artistes malades[4], galerie MAX BINE à Paris ; ils
illustrent un article de J. FROIS-WITTMANN, « Mobiles inconscients du suicide » publié
dans La Révolution surréaliste, n°12, 15 décembre 1929, et ils sont présentés,

[1]
Vers 1910, MAX ERNST, étudiant en philologie à Bonn, voit des dessins de malades mentaux qui l’impressionnent
fortement.
[2]
ROBERT DESNOS participe aux premières séances de sommeil hypnotique en 1922. Pour illustrer un texte de PAUL
ÉLUARD « Le génie sans miroir » publié dans Les Feuilles libres, en 1924, il réalisera dix dessins légendés comme
dessins de fous. Dans le n°3, 15 avril 1925, de La Révolution surréaliste est publiée la « Lettre aux médecins chefs
des asiles de fous » attribuée à ANTONIN ARTAUD et probablement écrite par DESNOS : « Sans insister sur le caractère
parfaitement génial des manifestations de certains fous, dans la mesure où nous sommes aptes à les apprécier,
nous affirmons la légitimité absolue de leur conception de la réalité, et de tous les actes qui en découlent. »
[3]
Dans sa collection, ÉLUARD possède plusieurs dessins de malades mentaux.
[4]
L’exposition, présentée du 31 mai au 16 juin 1929, était accompagnée du « Catalogue des œuvres d’art
morbide » qui figurait dans la bibliothèque de Breton ; il a été préempté par l’État pour la Communauté Urbaine
de Lille, lors de la vente de la collection Breton en avril 2003.
Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -15
septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE THÉMATIQUE

en 1936, à l’Exposition surréaliste d’objets, galerie CHARLES RATTON à Paris. Ces


assemblages d’objets faits par des aliénés ne sont pas sans faire penser aux objets et
poèmes objets réalisés dans les mêmes années par les surréalistes. Pour le catalogue
de l’exposition Le Surréalisme en 1947 présentée par ANDRÉ BRETON et MARCEL DUCHAMP
à la galerie MAEGHT à Paris, on retrouve le même rapprochement entre des œuvres de
psychopathes de la collection du docteur FERDIÈRE et des œuvres surréalistes.
L’autre rencontre déterminante faite en 1916 est la
visite de BRETON à GUILLAUME APOLLINAIRE dans son appartement
du boulevard Saint-Germain à Paris. APOLLINAIRE poète et
APOLLINAIRE collectionneur exercent une forte impression sur
BRETON. Les murs et les meubles de l’appartement recouverts
de livres, de sculptures primitives, de peintures ou d’objets
hétéroclites éveillent le goût de BRETON en le prenant « à
rebrousse-poil ». Quelques années plus tard, en 1920-1921,
BRETON commence à collectionner des œuvres d’artistes qui
lui sont proches, des sculptures d’art primitif, des objets
NDRÉ A RETONB
dans son atelier vers 1939 d’art populaire mais aussi des objets naturels avec « cet œil
© t.d.r.
ouvert de la jeunesse ». Ils prendront place dans l’atelier
du 42, rue Fontaine à Montmartre, que BRETON habitera de 1922 à sa mort et qui
restera inchangé jusqu’à la vente de la collection en avril 2003. Toutes ces œuvres,
tous ces objets, ne sont pas réunis de façon anodine, ils doivent lui procurer « un
trouble physique caractérisé par la sensation d’une aigrette de vent aux tempes
susceptible d’entraîner un véritable frisson »[5] et entrer en correspondance, en
résonance les uns par rapport aux autres. C’est ainsi que le portrait de La Reine
Victoria[6] fait d’un assemblage de coquillages a pu trouver sa place naturellement
aux côtés des coquilles, des cailloux ou des fossiles réunis par BRETON. Il a sans doute
été séduit par la personnalité de son auteur, PASCAL-DÉSIR MAISONNEUVE, mosaïste,
brocanteur, collectionneur, qui a fait découvrir, en 1907, l’art africain à ANDRÉ LHOTE,
lui-même collectionneur des masques de MAISONNEUVE. On ne sait pas à quelle date
BRETON acquiert ce masque, mais en tout cas, en 1948, il en repère plusieurs sur le
marché aux puces de Saint-Ouen et en informe JEAN DUBUFFET qui les acquiert pour sa
collection d’art brut.

Depuis 1947, les échanges entre BRETON et DUBUFFET sont nombreux à propos des
projets de DUBUFFET de créer une société autour de l’art brut ; les documents et

[5]
ANDRÉ BRETON, « La beauté sera convulsive », Minotaure, n°5, mai 1934, p. 10.
[6]
Préemptée lors de la vente de la collection BRETON, cette œuvre vient de rejoindre la collection d’art brut de
L’Aracine au Musée d’art moderne.
[7]
Acquis lors de la vente de la collection BRETON, ces documents viennent enrichir le futur Centre de recherche
sur l’art brut qui s’ouvrira en 2006 au musée. Datant de 1948, des lettres de DUBUFFET adressées à BRETON sont
conservées dans la chemise.
[8]
Le manuscrit a été acquis par le musée lors de la vente de la collection BRETON.
[9]
Cité par JEAN DUBUFFET dans Prospectus et tous écrits suivants, t. 1, p. 493-494.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -16


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE THÉMATIQUE

les correspondances réunis par BRETON dans une chemise titrée «L’art brut » en
témoignent[7]. BRETON visite les expositions organisées par le Foyer de l’art brut, qui
sont présentées, à partir de novembre 1947, dans le sous-sol de la galerie RENÉ
DROUIN, puis dans un pavillon prêté par GASTON GALLIMARD, rue de l’Université à Paris.
C’est là qu’il découvre, entre autres, les dessins d’ALOÏSE CORBAZ, d’ADOLF WÖLFLI, les
peintures de FLEURY JOSEPH CRÉPIN, et qu’il achètera plusieurs œuvres pour sa collection.
En 1948, BRETON fait partie, aux côtés de DUBUFFET, JEAN PAULHAN, CHARLES RATTON, HENRI-
PIERRE ROCHÉ et MICHEL TAPIÉ, des fondateurs de la Compagnie de l’art brut. DUBUFFET
demande à BRETON des textes pour le projet d’Almanach de l’art brut : un texte sur
« le sujet de la folie » et un texte sur CRÉPIN. L’Almanach ne sera jamais édité, mais
le texte[8] sur CRÉPIN sera publié en 1954 dans Combat-Art et le texte sur la folie
intitulé L’Art des fous, la clé des champs le sera par JEAN PAULHAN dans les Cahiers de
la Pléiade, n°6, illustré de dessins d’ALOÏSE CORBAZ.
Les relations entre DUBUFFET et BRETON
commencent à se dégrader en 1951,
quand DUBUFFET projette de dissoudre la
Compagnie et de transférer la collection
d’art brut aux États-Unis. BRETON s’en
inquiète et critique la « manière
dictatoriale » de DUBUFFET ; plus loin,
Le mur de l’atelier de B
RETON le concept même de l’art brut a pris
© t.d.r.
un caractère de plus en plus trouble
et vacillant. La soudure organique qu’il prétendait opérer entre l’art de certains
autodidactes et celui de malades mentaux s’est avérée inconsistante, illusoire. »[9]
De son côté, DUBUFFET lui reproche de vouloir intégrer l’art brut au surréalisme. La
rupture est inévitable dès la dissolution de la Compagnie et le départ des collections
à New York. BRETON ne participera plus aux recherches de DUBUFFET, mais continuera
à écrire, à découvrir, à exposer des artistes d’art brut dans le cadre d’expositions
surréalistes ou non, comme par exemple l’exposition Pérennité de l’art gaulois, en
1955, qui rapproche des objets gaulois, des œuvres d’art moderne, contemporain
et d’art brut de SCOTTIE WILSON, CRÉPIN ou SÉRAPHINE LOUIS. Et tout au long de sa vie, les
œuvres de CRÉPIN, d’ALOÏSE, de WÖLFLI, de SCOTTIE l’ont accompagné et sont restées
accrochées sur les murs de l’atelier.

[7]
Acquis lors de la vente de la collection BRETON, ces documents viennent enrichir le futur Centre de recherche
sur l’art brut qui s’ouvrira en 2006 au musée. Datant de 1948, des lettres de DUBUFFET adressées à BRETON sont
conservées dans la chemise.
[8]
Le manuscrit a été acquis par le musée lors de la vente de la collection BRETON.
[9]
Cité par JEAN DUBUFFET dans Prospectus et tous écrits suivants, t. 1, p. 493-494.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -17


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE THÉMATIQUE

LES NAÏFS : PRIMITIFS DU XXE SIÈCLE ?


Qui sont les Naïfs ?

Raillés d’un côté par ceux qui les appellent « Peintres du dimanche », défendus de
l’autre par des artistes et des critiques de renom (MAX JACOB et PABLO PICASSO pour le
DOUANIER ROUSSEAU, puis WILHELM UHDE et LE CORBUSIER pour ANDRÉ BAUCHANT), les « Naïfs »,
puisque c’est l’appellation problématique que l’histoire a retenue, continuent de
questionner les historiens d’art. C’est d’abord le « gentil Rousseau » (1844-1910)
et ses étranges peintures que l’on appelle « naïves », puis viendront LOUIS VIVIN
(1861-1936), ANDRÉ BAUCHANT (1873-1958), CAMILLE BOMBOIS (1883-1970) ou encore
l’énigmatique SÉRAPHINE LOUIS (1864 -1942) qui seront bientôt réunis dans l’ouvrage
du marchand et critique WILHELM UHDE Cinq Maîtres Primitifs (Paris, 1949). Mais qu’y
a-t-il de commun entre ces peintres qui ne se connaissent pas ? Pas grand-chose si ce
n’est qu’ils n’ont jamais appris la peinture et qu’ils la pratiquent parallèlement à un
métier qui les fait vivre ; en d’autres termes ils ne sont pas « artistes à plein temps »,
et ne le deviennent qu’une fois leur travail fini (souvent le dimanche, la nuit ou au
moment de la retraite). Toutefois, ils n’en sont pas moins artistes à part entière et
leur prétendue naïveté ne saurait être confondue avec une quelconque gaucherie.
D’ailleurs, ROGER DUTILLEUL (1873-1956) et à sa suite son neveu JEAN MASUREL (1908-
1991) ne s’y trompent pas lorsqu’ils achètent leurs peintures en même temps que les
grandes figures de la modernité (PICASSO, BRAQUE, DERAIN, MODIGLIANI, etc.). La donation
MASUREL (1979), récemment enrichie de nouvelles acquisitions dans le domaine de
l’art naïf, offre ainsi au visiteur du Musée d’art moderne un regard sur ces artistes
mal connus et longtemps dénigrés. La grande donation de l’association L’Aracine en
1999, autre pilier des collections, permet de réfléchir à une confrontation entre l’art
naïf et l’art brut.
Pourquoi l’art naïf n’est pas l’art brut ?
Lorsque l’on regarde côte à côte un paysage urbain minutieusement détaillé, pierre
à pierre, par LOUIS VIVIN et un pan du Cloisonné de théâtre d’ALOÏSE CORBAZ, il semble
rigoureusement impossible de confondre ces deux types de production. Toutefois
les rapprochements, voire les assimilations entre les artistes de l’art naïf et de l’art
brut sont fréquents ; il convient donc de rappeler les spécificités de chacune de ces
formes de création.
Les différences fondamentales portent sur trois points : le statut du créateur,
les moyens utilisés et enfin le regard porté sur les œuvres.
En premier lieu, si l’artiste naïf est peut-être un « peintre du dimanche », il n’en
est pas moins conscient de son statut d’artiste. On se souvient de la phrase du

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -18


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLE THÉMATIQUE

DOUANIER ROUSSEAU à PICASSO : « Nous sommes les deux plus grands peintres de notre
temps, toi dans le genre égyptien, moi dans le genre moderne ». Ainsi, les « Maîtres
Primitifs », même lorsqu’ils exercent en secret, ont tous le sentiment de « faire
œuvre » (« Je fais de la peinture mais c’est terriblement difficile » dit SÉRAPHINE
LOUIS à UHDE) au point d’avoir recours aux mêmes « circuits » que les artistes non
naïfs. Ainsi, s’ils montrent leurs œuvres chez des voisins, des brocanteurs ou sur les
trottoirs de Montmartre (comme BOMBOIS), on les verra aussi figurer dans les salons,
les galeries, la presse spécialisée... et parfois prendre conscience pour certains de
la valeur marchande de leur travail (c’est le cas de BAUCHANT par exemple).
Cette démarche est tout à fait étrangère à celle du créateur d’art brut qui est
poussé par une nécessité intérieure tout autre : il est anonyme et ne cherche pas à
se faire connaître, c’est un inventeur qui réalise des objets « à [son] propre usage et
enchantement, sans compter pour eux sur une destination bien grandiose, poussé
par le seul besoin d’extérioriser les fêtes dont [son] esprit est le lieu[1]. »
Ensuite, les œuvres dont il est question ont peu en commun. Les Naïfs, s’ils
s’éloignent certes de la façon classique par leur style littéral aux accents enfantins,
ne renoncent pour autant ni aux sujets traditionnels (paysages pour VIVIN, natures
mortes pour SÉRAPHINE LOUIS, scènes historiques pour BAUCHANT) et encore moins aux
techniques académiques (peinture de chevalet et dessin). Tandis que les artistes de
l’art brut, eux, mettent en œuvre des techniques inédites, utilisant tout ce qu’ils ont
à portée de main (du papier hygiénique pour GEORGINE HU, des os de boucherie pour
AUGUSTE FORESTIER, de la mie de pain pour le PRISONNIER DE BÂLE...)
Enfin, le regard sur ces deux types d’œuvre est radicalement différent. Si
l’art naïf ne peut se résumer « aux petites merceries qui vendent du sucre d’orge et
des cartes postales à deux sous » évoquées par GERTRUDE O’BRADY (1901-1983) (c’est
d’autant plus vrai quand on sait que O’BRADY, artiste naïve, est l’auteur d’une œuvre
beaucoup plus grave pendant son internement au camp de Vittel durant la guerre),
on ne peut nier que ces tableaux restent « sans risque » pour le spectateur qui peut
les appréhender sans crainte. Alors que la vision de pièces d’art brut demeure pour
le spectateur, que son regard soit médical, artistique ou simplement curieux, « une
expérience éprouvante, dont on ne saurait revenir indemne [2]. »
Origine des confusions, artificialité des appellations. En dépit de ces
spécificités, l’art naïf et l’art brut sont-ils si strictement circonscrits ? Sans
revenir sur les caractéristiques énoncées, on peut s’interroger sur l’origine des
confusions entre les deux, puisque confusion il y a.
En premier lieu, on remarque que ces deux domaines souffrent dans leur étude
d’un recours systématique et excessif à l’anecdote. En effet, les peintres naïfs,
de même que les artistes de l’art brut sont souvent des individus mal connus et
dont l’œuvre reste largement mystérieuse. À défaut d’une analyse des œuvres, les

[1]
JEAN DUBUFFET, « Les Barbus Müller et autres pièces de la statuaire provinciale », L’Art Brut, fascicule I,
Gallimard, Paris, 1947, non paginé.
[2]
Remarque de MICHEL THÉVOZ à propos de la Collection d’Art Brut de Lausanne, L’Art Brut, p. 93.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -19


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ENSEMBLES THÉMATIQUES

auteurs ont parfois exagérément développé la « petite histoire ». Ainsi, on a parlé


du « pépiniériste tourangeau » pour évoquer BAUCHANT, on a écrit sur « BOMBOIS le
cantonnier », « JOSEPH CRÉPIN le plombier-zingueur » ou « le mineur AUGUSTIN LESAGE ».
Mais que nous apprennent ces précisions biographiques ? Rien, si ce n’est que les
créateurs en question sont issus de milieux modestes, que l’on suppose à l’écart des
sphères culturelles et artistiques. Mais BAUCHANT et BOMBOIS sont classés parmi les Naïfs,
tandis que CRÉPIN et LESAGE sont rattachés à l’art brut. Leur « petite histoire » tend à les
rapprocher alors que leurs œuvres n’ont rien de comparable, on peut même ajouter
comme le fait UHDE que « SPINOZA, tailleur de verres de lunettes, GOETHE ministre, JASMIN
coiffeur, MALLARMÉ professeur de lycée, CLAUDEL diplomate sont aussi peu intéressants
en tant que tels, que BOMBOIS cantonnier. »
Outre l’écueil de l’anecdote, l’historien d’art doit aussi se garder des débordements
de terminologie : l’art naïf emprunte à l’art brut mais aussi aux dessins d’enfants,
à l’art populaire, à l’art primitif... autant d’appellations pas toujours clairement
cernées. Malgré tout, certains auteurs proposent des définitions.
Le peintre naïf serait donc cet autodidacte qui « n’imite personne et c’est ce qui constitue
le fait de l’art naïf » écrit le critique d’art ANATOLE JAKOVSKY (1909-1983), « découvreur
des Naïfs » (sa collection deviendra d’ailleurs le fonds principal du Musée international
d’art naïf à Nice). On dit encore qu’il pratique dans la clandestinité, en marge d’une
autre profession et que ses œuvres dépeignent une réalité enjolivée, peu soucieuse de
perspectives exactes ou de proportions respectées. On note qu’aucune des caractéristiques
ici énoncées ne donne un caractère propre à l’art naïf.
De son côté, l’art brut propose aussi des définitions « ouvertes » (du moins avant
que DUBUFFET ne renonce au principe même de définition[3]). Ainsi, une définition
de l’œuvre d’art brut par DUBUFFET évoque « dessins, peintures, ouvrages d’art de
toutes sortes émanant de personnes obscures, de maniaques relevant d’impulsions
spontanées, animées de fantaisie, voire de délire et étrangers aux chemins battus de
l’art catalogué[4]. » On peut raisonnablement admettre que BAUCHANT, VIVIN ou à plus
juste titre SÉRAPHINE LOUIS soit l’une de ces « personnes obscures ». Est-ce à dire que
ces « enlumineurs des temps modernes[5] » seraient inclus dans l’art brut s’ils étaient
découverts aujourd’hui ?
Cette brève réflexion met à jour l’artificialité des appellations, le « cimetière des
définitions » dont parle CIORAN et qui montre combien les terminologies peuvent
figer un domaine. SÉRAPHINE LOUIS parmi les Naïfs n’est pas plus « juste » que SÉRAPHINE
LOUIS parmi les figures de l’art brut ou encore parmi les artistes médiumniques. La
présente exposition a le mérite de questionner les frontières de l’art naïf et de l’art
brut et de montrer que des passerelles sont envisageables entre ces deux formes de
création.

[3]
« Formuler ce qu’il est cet Art Brut, sûr que ce n’est pas mon affaire. Définir une chose dors et déjà l’isoler
c’est l’abîmer beaucoup. C’est la tuer presque. » JEAN DUBUFFET, op. cit.
[4]
Lettre de JEAN DUBUFFET à CHARLES LADAME, Paris, 9 août 1945, citée par LUCIENNE PEIRY, L’Art Brut, p. 11.
[5]
ROBERT THILMANY, Critériologie de l’Art Naïf, 1984, p. 13.
Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -20
septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
BIOGRAPHIES

A.C.M.

A.C.M. réalise des sculptures à la fois imposantes et fragiles


A.C.M.
à partir d’éléments mécaniques ou électroniques qu’il extrait
Sans titre, Architecture de machines à écrire, de transistors, de réveils, de pendules …
inachevée (détail), état en
2003, Il récupère ces petits éléments, les classe avec méthode, puis
Donation L’Aracine
Musée d’art moderne Lille les assemble minutieusement les uns aux autres selon leurs
Métropole, Villeneuve d’Ascq
Photo : Philip Bernard
formes, leurs teintes avant de les recouvrir de diverses matières
© t.d.r. (acide, enduit, peinture). Ces machines, ainsi recomposées,
perdent la fonction utilitaire qui les définissait dans le monde quotidien ; elles deviennent
des architectures à regarder et à rêver. Leurs reliefs complexes aux plis et replis innombrables
peuvent, en effet, évoquer des édifices légendaires ou des villes imaginaires peuplées de
personnages étranges et d’animaux fantastiques. A.C.M. retravaille sans cesse ses œuvres,
alternant édification et processus de destruction par oxydation. Prises dans le labyrinthe
du temps, elles atteignent une dimension quasi organique. A.C.M. refuse de dévoiler son
identité et de donner des éléments sur sa biographie ; caché derrière des initiales, il se
consacre exclusivement à son œuvre.

ALOÏSE CORBAZ
Lausanne (Suisse), 1886 – Gimel (Suisse), 1964

Aloïse Corbaz est l’une des figures emblématiques de l’art brut. Issue
d’un milieu simple, elle poursuit ses études jusqu’au baccalauréat,
puis, à la suite d’une déception amoureuse, elle s’expatrie en 1911
en Allemagne, à Potsdam, pour travailler en qualité de gouvernante
à la cour de l’Empereur Guillaume II. En 1914, à la déclaration de
A
LOÏSE CORBAZ
Pour Chopin Berger Corses
guerre, elle doit retourner en Suisse ; elle manifeste, alors, des troubles
(recto), n. d.
59 x 42 cm
du comportement qui conduisent sa famille à l’interner en 1918 à
Donation L’Aracine l’hôpital de Céry.
Musée d’art moderne Lille
Métropole, Villeneuve d’Ascq Exilée du monde, Aloïse crée dans ses dessins, tout un univers aux codes
© t.d.r.
et aux lois propres. Elle fonde notamment sa conception cosmogonique
sur deux grands principes : le Ricochet solaire et la Trinité en consubstantialité alternative.
Par le Ricochet, Aloïse devient un Créateur qui peut donner naissance à n’importe quel
être, n’importe quel élément. Les échos du monde qu’elle a perdu réapparaissent tout au
long de son œuvre : les souvenirs des fastes de la cour de Guillaume II, les couples royaux,
les carrosses, les scènes de théâtre ; il ne s’agit pas pour elle de reproduire fidèlement
ces images de l’ancien monde, mais de les déplacer et de les réorganiser dans un monde
mouvant, d’une étonnante variété. Dans sa tentative de créer un nouveau monde sans
toutefois renoncer à l’ancien, Aloïse cristallise les préoccupations de nombreux créateurs
d’art brut.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -21


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
BIOGRAPHIES

ANDRÉ BAUCHANT
Château-Renault (Indre et Loire) 1873 – Montoire-sur-le Loire (Loir et Cher) 1958

Ce n’est qu’à son retour de la guerre en 1919, à plus de


45 ans, qu’André Bauchant, pépiniériste tourangeau,
commence à peindre, probablement sensibilisé au
A
NDRÉ BAUCHANT dessin par son expérience de télémétreur pendant
Ganymède ou La chasse
troublée, 1930 le conflit. Ses premiers tableaux montrent de grands
137 x 197 cm
Donation Geneviève et Jean combats historiques ainsi que des scènes bibliques et
Masurel
Musée d’art moderne Lille mythologiques se jouant dans un décor qui rappelle
Métropole, Villeneuve d’Ascq
Crédit photo : Philip Bernard
davantage sa Touraine natale que la Grèce antique. Il
© Adagp, Paris 2003 ne renonce pas pour autant aux sujets plus intimes tels
que les portraits ou les scènes de la vie rurale. Classé parmi les Naïfs, son premier défenseur,
le marchand et critique d’art Wilhelm Uhde (1874 – 1947), voit plutôt en lui un peintre qui
perpétue la tradition gothique. Le succès vient grâce à une exposition à la Galerie Jeanne
Bucher en 1927 et à quelques fervents collectionneurs (Le Corbusier, Amédée Ozenfant,
Jacques Lipchitz, Jean Lurçat) ; il culmine avec la commande par Sergei Diaghilev des décors
et costumes de l’Apollon Musagète de Stravinsky.

CAMILLE BOMBOIS
Venarey-les-Laumes (Côte d’Or) 1883 – Paris, 1970

Sa carrure d’athlète lui a valu d’exercer divers métiers physiques


(il fut successivement valet de ferme, lutteur dans un cirque,
cantonnier, terrassier pour la construction du métro parisien, enfin
manutentionnaire dans une imprimerie) mais c’est véritablement dans
C BOMBOIS
la peinture que Camille Bombois trouvait satisfaction. C’est en 1922,
AMILLE
Jeune paysanne au bouquet
de coquelicots, n. d.
Huile sur toile alors qu’il a déjà 39 ans, qu’il commence à montrer les toiles qu’il peint
55 x 46 cm
Musée d’art moderne Lille
durant ses heures de repos. Le marchand Wilhelm Uhde les découvre
Métropole, Villeneuve d’Ascq
Crédit photo : Philip Bernard
sur les trottoirs de Montmartre et se trouve immédiatement séduit par
© Adagp, Paris 2003 cette peinture vigoureuse et colorée qui montre des scènes de cirque,
des villages de campagne, des femmes aux formes généreuses. La simplicité des scènes
dépeintes n’empêche pas une vraie recherche plastique notamment au plan chromatique.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -22


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
BIOGRAPHIES

FLEURY-JOSEPH CRÉPIN
Hénin-Liétard (Pas-de-Calais) 1875 – Montigny-en-Gohelle (Pas-de-Calais) 1948

Fleury Joseph Crépin était plombier-zingueur et


quincaillier ; amateur de musique, il composait aussi des
partitions pour fanfare. En pratiquant la radiesthésie, il
découvre ses dons de guérisseur et se rapproche, à partir
de 1930, des milieux spirites très actifs dans le nord de
FLEURY-JOSEPH CRÉPIN
sans titre, tableau merveilleux
la France ; c’est là qu’il rencontre les deux autres grands
n°11, 1946,
huile sur toile,
peintres médiums, Victor Simon et Augustin Lesage.
49,5 x 65 cm, Au milieu de l’année 1939, Crépin déclare entendre
Musée d’art moderne Lille
Métropole des voix qui lui disent : « quand tu auras peint 300
© t.d.r.
tableaux, ce jour là la guerre finiras. Après la guerre, tu
feras 45 tableaux merveilleux et le monde seras pacifié ». Crépin achève la 300e toile, en
mai 1945, et dit commencer la série des tableaux merveilleux en 1947. Outre leur symétrie
caractéristique, ses tableaux sont dominés par une constante, l’utilisation de motifs perlés.
Crépin dépose sur la toile des centaines de gouttelettes de couleur, d’une régularité
confondante, qui rythment les motifs, essentiellement des architectures de palais et de
temples ainsi que des formes géométriques (courbes, volutes, arabesques, prismes, étoiles,
cristaux, rosaces...) auxquels viennent s’ajouter des figures humaines et animales stylisées.
Minutieux, il date chacune de ses œuvres et les numérote chronologiquement. À sa mort en
1948, deux Tableaux merveilleux sont restés inachevés.

SÉRAPHINE LOUIS DITE SÉRAPHINE DE SENLIS


Arsy (Oise) 1864 – Clermont-de-l’Oise (Oise) 1942

C’est une femme de presque 50 ans qui entre au service de


Wilhelm Uhde, comme femme de ménage à partir de 1912. Par
hasard, le critique d’art voit une nature morte signée « Séraphine
Louis » découvrant ainsi que son employée, ancienne fille
de ferme, dessine depuis l’enfance et fait de la peinture.
Instantanément frappé par un style qui lui semble renouer avec
S LOUIS
ÉRAPHINE
l’art ancien (il évoque les vitraux des cathédrales gothiques et
Bouquet de fleurs, n. d.,
huile sur panneau,
les tapisseries mille fleurs) il achète la toile et devient bientôt
35 x 29 cm bienfaiteur de la dame et collectionneur de ses œuvres. Elle n’a
Musée d’art moderne Lille
Métropole, Villeneuve d’Ascq jamais appris la peinture mais s’y emploie avec ferveur, travaillant
© Adagp, Paris 2003
la nuit, une image de la Vierge à ses côtés, tout en récitant
de mystérieux cantiques. Le début des années 1930 marque la fin de la complicité entre
Séraphine et Uhde lorsque celle-ci perd la raison ; internée en hôpital psychiatrique, elle
cesse alors toute activité créatrice.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -23


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
BIOGRAPHIES

PASCAL-DÉSIR MAISONNEUVE
Bordeaux, 1863 – Bordeaux, 1934

Pascal-Désir Maisonneuve exerçait les métiers de


mosaïste et de brocanteur à Bordeaux. Connu pour
ses positions anticléricales et anarchistes, il élabore, de
1927 à 1928, une quinzaine de portraits en coquillages
qu’il intitule « Les Fourbes à travers l’Europe ». Il
P -D MAISONNEUVE
ASCAL ÉSIR
La Reine Victoria, 1927-1928 représente des figures emblématiques et symboliques
Assemblage de coquillages
sur bois
– Le Tartare, Le Teuton, Le Diable – ainsi que des
33 x 37,5 x 20 cm
Musée d’art moderne Lille
personnages célèbres – La Reine Victoria, Guillaume II,
Métropole, Villeneuve d’Ascq Le Kronprinz. Ces derniers ne sont pas des portraits
Photo : Philip Bernard
© t.d.r. fidèles mais des portraits charges dans l’esprit des
caricatures si fréquentes dans les journaux satiriques de la fin du XIXe siècle et de la première
moitié du XXe siècle. Maisonneuve choisit des coquillages dont les formes révèlent les traits
caractéristiques d’un visage et en accentuent les déformations.
Les masques de Maisonneuve sont parvenus jusqu’à nous grâce à l’intérêt d’artistes qui ont
été saisis par leur étrangeté, entre l’objet naturel et l’objet d’art. Le peintre André Lhote, qui
était originaire de Bordeaux, en possédait au moins quatre ; André Breton en détenait deux
dans sa collection et, en 1948, il les a fait découvrir à Jean Dubuffet qui en acheta neuf pour
sa collection d’art brut.

GERTRUDE O’BRADY
Chicago, 1901 – Chicago, 1983

Issue d’une famille américaine moyenne, Gertrude O’Brady,


jeune femme rêveuse à la santé délicate, part s’installer à
Paris à la fin des années 1930, initialement pour apprendre
la musique. Quelques temps auparavant, elle a commencé
G O’BRADY
à peindre, sans avoir jamais appris, des scènes de rues dans
ERTRUDE
Le Kiosque, n. d.,
huile sur toile
38,5 x 46 cm un style naïf aux couleurs acidulées. Surprise par la guerre,
Donation Geneviève et Jean
Masurel
elle est internée au camp de Vittel en tant qu’Américaine où
Musée d’art moderne Lille
Métropole, Villeneuve d’Ascq
elle est relativement bien traitée mais où elle ne dispose que
Crédit photo : Philip Bernard d’un matériel sommaire. Elle y réalise dans un style nouveau
de grands portraits au crayon des co-détenus du camp. Liée d’amitié avec Anatole Jakovsky,
« découvreur des Naïfs », qui la conseille et la fait connaître, elle se lie avec Jean Cocteau,
Paul Eluard et John Steinbeck dont elle fait le portrait. En 1949, elle expose à Manhattan et
puis disparaît du monde de l’art après s’être retirée dans un couvent.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -24


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
BIOGRAPHIES

THEODOR WAGEMANN, DIT THEO


Venwegen (Allemagne), 1918 – Kevelaer (Allemagne), 1998

Theo a déjà 59 ans lorsqu’il se met à dessiner. Sur du papier


sulfurisé qu’il récupère dans les cuisines de son établissement, il fait
renaître des figures du Nouveau Testament, de l’histoire allemande
ou encore de contes populaires. Ces scènes et ces portraits faits
THEO au crayon de couleur et au stylo-feutre sont complétés de textes
Disses Bilt Beteudet General
Feltmarchall Paul von denses, aux caractères gothiques, mâtinés de chiffres et de motifs
Hinttenburg (Cette image
signifie le Général Maréchal
divers. Le verbe et l’image se complètent ainsi étroitement :
Paul von Hindenburg), 1989
37,5 x 26 cm
« Disses Bilt Bedeutet », « cette image signifie », introduit
Donation L’Aracine l’explication de Theo, qui, suivant le cas, annonce, dans une
Musée d’art moderne Lille
Métropole, Villeneuve d’Ascq orthographe approximative, « La SainTTe FamiLLe », « HänseL ET
Crédit photo : Museum
Schloss Moyland GreteL », « le PaPPe Léon XIII », « un Vieux RéVeil », ou encore,
© t.d.r.
récurrent, « ATToLF HitLer » et ses acolytes. A travers le miroir
déformant de la mémoire et de la reconstruction dans l’œuvre, se cristallise une double
histoire : celle d’un peuple, et celle d’un homme de l’ombre, capable d’imposer même à un
dictateur la douceur de son propre regard. Par-delà toute catharsis, surgit ainsi une œuvre
forte et troublante, dans laquelle l’œil du bourreau se nimbe de douceur et où les contes
pour enfants se font, finalement, bien plus inquiétants.

LOUIS VIVIN
Hadol 1861 – Paris 1936

Ce n’est qu’une fois retraité que Louis Vivin, ancien employé


des postes, se consacre pleinement à la peinture. Admirateur
OUIS L VIVIN de Corot, de Courbet et par-dessus tout de Meissonnier
Le Trianon, n. d.,
huile sur toile, qu’il est allé voir au Louvre, il a une prédilection pour les
46 x 61 cm
Donation Geneviève et Jean
paysages et les vues architecturales qu’il détaille quasiment
Masurel
Musée d’art moderne Lille
pierre à pierre. Ses compositions, qui se caractérisent par
Métropole, Villeneuve d’Ascq des perspectives fuyantes parfois maladroites enchantent
Crédit photo : Studio Lourmel
© Adagp, Paris 2003 néanmoins Wilhelm Uhde dès 1925. Le critique d’art lui
consacre d’ailleurs un chapitre dans son ouvrage Cinq Maîtres primitifs (Paris, 1949) aux
côtés du Douanier Rousseau, André Bauchant, Camille Bombois et Séraphine Louis, insistant
sur la dimension mystérieuse de son œuvre.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -25


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
LE PROJET D’EXTENSION

Vue de l’extension, © t.d.r.

Le projet d’extension du Musée, rendu nécessaire par l’arrivée des collections d’art
brut, comprend la réalisation d’une extension de quelques 2.000 m² utiles et la
modernisation du bâtiment existant (5.600 m² utiles).

En 1995, l’association L’Aracine propose la donation de sa collection d’art brut, la plus


importante en France, à la Communauté Urbaine de Lille pour son musée d’art moderne.
Après le succès de l’exposition organisée en 1997, la Communauté Urbaine accepte la
donation en 1999 et s’engage à transformer et agrandir le musée afin de présenter au public
de façon permanente cette collection, de conserver les 3.500 œuvres dans les meilleures
conditions et de créer un centre de recherche de référence sur ce champ artistique encore
peu exploré.

Le nouveau corps de bâtiment, conçu principalement pour abriter la collection d’art brut
de L’Aracine, offrira également de nouveaux espaces d’expositions temporaires afin de
renforcer la programmation des expositions du musée et ses activités culturelles. Ainsi
agrandi et reconfiguré par MANUELLE GAUTRAND, architecte lauréate du concours européen
pour son extension et sa modernisation, le Musée de Lille Métropole sera le seul au plan
international à proposer à ses publics, dans une même institution, des collections d’art
moderne, d’art contemporain et d’art brut.

L’ouverture est prévue en 2006.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -26


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ACTIVITÉS CULTURELLES ET PÉDAGOGIQUES

CONFÉRENCES
Cycle organisé par l’ association des Amis du Musée d’art moderne, en liaison avec
l’exposition Les Chemins de l’art brut (2)

Samedi 11 octobre 2003 à 10 h : Art brut et art naïf


Samedi 22 novembre à 10 h : Aloïse Corbaz
par ROGER CARDINAL, professeur de littérature et d’arts visuels, Université du Kent

Samedi 13 décembre 2003 à 10 h : Robert et Sonia Delaunay


par BRIGITTE LÉAL, conservateur au Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou,
et commissaire de l’exposition de la Donation Delaunay
Tarif des conférences : normal 6 € ; amis et moins de 25 ans : 3 €

Mercredi 12 novembre à 18 h : Quand l’art devient public


par Thierry de Duve, historien de l’art, Sylvie Eyberg, artiste, Valérie Mannaerts, artiste,
Daniel Van der Gucht, éditeur (La Lettre Volée), Répondants, G. Froger et V. Gourdinoux,
Bruno-Nassim Aboudrar, Modération, Christian Ruby
(accès gratuit)

POUR LES INDIVIDUELS :


Visites guidées :
Tous les dimanches à 16h30
tarif : 2,30 euros + droit d’entrée

Le premier dimanche de chaque mois entrée gratuite jusqu’à 14 h, avec visite commentée
à 11 h

JOURNÉE DU PATRIMOINE
Dimanche 21 septembre
Visites commentées gratuites de l’architecture du musée à 11 h, 14 h, et 15 h
Visite commentée gratuite de l’exposition Les Chemins de l’art brut (2) à 16 h 30

V ISITES
L’organisation de parcours commentés est l’objectif prioritaire du Service éducatif et
culturel. La visite se déroule sous la conduite d’un guide conférencier et sous la forme d’un
cheminement actif, d’un échange entre le guide conférencier et les enfants.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -27


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ACTIVITÉS CULTURELLES ET PÉDAGOGIQUES

ATELIERS D’EXPRESSION PLASTIQUE

Durant une heure trente, les guides


conférenciers accueillent et accompagnent
tous les enfants de 4 à 11 ans pour un parcours
singulier, en vue d’une approche active et
vivante de l’art contemporain.

TRANCHE DE VIE
À partir de 4 ans

À l’image d’ Aloïse Corbaz et de Theo, de nombreuses personnalités de l’art brut ont débuté
leurs œuvres à partir de faits marquants de leur vie. De même, dans l’atelier, il est proposé
aux enfants d’expérimenter une autobiographie.
Sur un long ruban de papier, chaque enfant entame un journal à rebours, consignant par le
dessin, l’écriture ou la couleur, les événements secrets ou importants qu’il souhaite dégager
de sa vie. L’autre face du ruban reste réservée au journal à venir. Plié en accordéon ou
enroulé, ce ruban peut se glisser dans sa poche, à l’abri des regards et pourra être poursuivi
ultérieurement, dans l’intimité ou à l’école.

FÉERIES
À partir de 6 ans

Fleury-Joseph Crépin anime des peintures de personnages au travers d’histoires se déroulant


entre ciel et terre. Ces peintures bâties sur le principe de la symétrie sont réalisées dans une
technique évoquant un collage subtil de perles multicolores.
Sur cette base, les enfants réaliseront tout d’abord des personnages hauts en couleur. Ceux-
ci seront déclinés au cours des ateliers dans diverses histoires, et à travers des techniques
variées comme la peinture, le collage, la projection lumineuse (diapositives, ombres
chinoises…)

LES BRICOLEURS DE L ’ IMAGINAIRE


À partir de 7 ans

Au cours de l’atelier et après avoir découvert les œuvres de A.C.M. et de Maisonneuve, les
enfants se « transformeront » en de mystérieux fabulateurs et bricoleurs de petits mondes
imaginaires. Ils dessineront une histoire : les personnages, les objets, et les lieux où ils
vivent. Avec des mots de leur propre invention, ils désigneront ces différents éléments. Le
tout sera compilé sous la forme d’un livre. Puis, à l’aide de matériaux de construction et de
récupération, les enfants réaliseront les éléments significatifs de leur histoire.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -28


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
ACTIVITÉS CULTURELLES ET PÉDAGOGIQUES

CONDITIONS D’ACCUEIL :
Le Musée accueille les groupes scolaires n’excédant pas trente personnes, de tous niveaux,
en visite libre ou commentée ou en ateliers d’expression plastique. Tout enseignant
souhaitant organiser la visite de l’exposition doit en informer le service réservation du
musée, et acquitter un droit d’entrée forfaitaire qui inclut la possibilité de suivre une visite
commentée par un guide conférencier.

TARIFS :
36 euros pour une visite d’une heure
51 euros pour une visite d’une heure trente
62 euros pour un atelier d’expression plastique, matériel fourni, pour un groupe de 25 élèves
Possibilités de visites en anglais, allemand, italien, néerlandais et espagnol

Pour les visites, libres ou commentées, comme pour les ateliers d’expression plastique :
Réservation obligatoire auprès de CLAUDINE TOMCZAK.
Chaque réservation doit faire l’objet d’une confirmation écrite par courrier ou télécopie au
plus tard 4 jours avant la venue du groupe. En cas d’annulation, il convient de prévenir le
Service éducatif et culturel du musée 48 heures avant la date prévue par téléphone et par
courrier ou télécopie. Dans le cas contraire, la visite sera facturée. L’utilisation de crayon de
bois dans les salles du musée est admise sous réserve d’une demande écrite préalable.

PRÉSENTATION GRATUITE RÉSERVÉE AUX ENSEIGNANTS


Le samedi 13 septembre à 14 h 30
Le mercredi 17 septembre à 14 h 30

Se présenter à l’accueil 10 minutes avant l’heure indiquée ; un dossier d’aide à la visite sera
remis à l’issue de la présentation.

L’équipe des professeurs mise à disposition par le Rectorat de l’Académie de Lille accueille
les enseignants qui le désirent le mercredi, sur rendez-vous.
L’équipe propose aux enseignants de mettre en place des séquences pédagogiques, à
partir des expositions, ou à partir de certaines œuvres exposées dans les salles du musée.

INFORMATIONS ET RÉSERVATIONS
CLAUDINE TOMCZAK, tél : +33 (0) 20 19 68 69 télécopie : +33 (0)3 20 19 68 62
E-mail : ctomczak@cudl-lille.fr

Accueil des enseignants le mercredi après-midi à partir de 14 h 30 ou sur rendez-vous.


Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -29
septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
BIBLIOGRAPHIE SUCCINTE

OUVRAGES GÉNÉRAUX SUR L’ART BRUT


DUBUFFET (JEAN), Prospectus et tous écrits suivants, Gallimard, Paris, 1967 (t. 1-2).
CARDINAL (ROGER), Outsider Art, Studio Vista, Londres-New York, 1972.
THÉVOZ (MICHEL), L’Art brut, préface de JEAN DUBUFFET, Skira, Genève, 1975.
L’Aracine : Musée d’art brut, Neuilly-sur-Marne, Neuilly-sur-Marne, 1988.
MACGREGOR (JOHN M.), The Discovery of the Art of the Insane, Princeton University Press, Princeton,
1989.
PEIRY (LUCIENNE), L’Art brut, Flammarion, Paris, 1997.
LOMMEL (MADELEINE), L’Aracine et l’art brut, Z’Éditions, Nice, 1999.

SUR L’ART NAÏF


UHDE (WILHELM), Cinq Maîtres primitifs, Rousseau, Vivin, Bombois, Bauchant, Séraphine, Philippe
Daudy Éditeur, Paris, 1949.
JAKOVSKY (ANATOLE), Les Peintres naïfs, La Bibliothèque des Arts, Paris, 1956.
THILMANY (ROBERT), Critériologie de l’art naïf, Édition Max Fourny, Paris, 1984.

MONOGRAPHIES
EDELMANN (MICHÈLE), « Les Coquilles de Maisonneuve », in L’Art Brut, n°3, publication de la Compagnie
de l’Art Brut, Paris, 1965.
PORRET-FOREL (JACQUELINE), Aloïse et Le Théâtre de l’Univers, Skira, 1993.
Fleury Joseph Crépin 1875-1948, textes et doc. réunis par DIDIER DEROEUX, Idée’Art, Paris, 1999.
CHEMAMA-STEINER (BÉATRICE), « A.C.M. : architecte du vide », et LANOUX (JEAN-LOUIS), « Les Citadelles d’une
âme », in Création Franche, n°17, juin 1999.

CATALOGUES D’EXPOSITIONS
DUBUFFET (JEAN), Catalogue de la Collection de l’art brut, Lausanne, Collection de l’art brut, 1971.
Le Monde merveilleux des Naïfs, hommage à Wilhelm Uhde, Galerie Dina Vierny, Paris, 1974.
André Breton, la beauté convulsive, Paris, Musée national d’art moderne, 1991.
Art brut, collection de L’Aracine, Villeneuve d’Ascq, Musée d’art moderne de la Communauté
Urbaine de Lille, 1997.
L’Art Brut. Collection de L’Aracine, Musée d’art moderne Lille Métropole, Karuizawa (Japon), Musée
d’art Mercian, 2000.
Folies de la beauté, L’Isle-sur-la-Sorgue, Musée Campredon, 2000.
La Planète exilée, art brut et visions du monde, journal de l’exposition, Villeneuve d’Ascq, Musée d’art
moderne Lille Métropole, 2001.
Eternity has no door of escape (Collection Eternod-Mermod), Lugano, Galleria Gottardo, 2001-
2002.
Les Chemins de l’art brut (1), Villeneuve d’Ascq, Musée d’art moderne Lille Métropole, 2002.
Theo, Bedburg-Hau, Museum Schloss Moyland ; Kartause Ittingen, Museum des Kantons Thurgau ;
Villeneuve d’Ascq, Musée d’art moderne Lille Métropole (catalogue en allemand accompagné d’un
livret de traduction en français), 2003.
La Clé des champs, Paris, Galerie nationale du Jeu de Paume, 2003.

FILMOGRAPHIE
Aloïse, réalisateur : LILIANE DE KERMADEC, durée : 115 min., 1975.
Theo, réalisateur : ROBERT KÜPPERS, production : Bavaria, durée : 19 min., 1992.
L’œil à l’état sauvage : l’atelier Breton, réalisateur : FABRICE MAZE, production : Seven Doc, 1994.
Sans souci, l’art d’Aloïse, réalisateur : MURIEL EDELSTEIN, production : Long par Court, durée : 54 min.,
2002.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -30


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
INFORMATIONS GÉNÉRALES

PARTENAIRES TARIFS D’ENTRÉE


Le Musée d’art moderne de Lille Métropole Plein : 6,50 euros
est subventionné par la Communauté Réduit : 3,70 euros
Urbaine de Lille, la Région Nord-Pas de (réduit pour un adulte de plus de 26 ans
Calais, le Département du Nord, les villes de visitant à 2 ou en groupe)
Lille et de Villeneuve d’Ascq ; il bénéficie, sur Visiteur de 12 à 26 ans : 1,50 euros
projets, de l’aide de l’Etat. Enfant de moins de 12 ans : (hors groupe)
gratuit
Carte Quattro (4 billets valables 16 mois) :
15,20 euros
INFORMATIONS PRATIQUES Gratuit le premier dimanche du mois de 10
h à 14 h avec une visite guidée gratuite à
Musée d’art moderne Lille Métropole 11 h

1, allée du Musée
F- 59650 Villeneuve d’Ascq
Téléphone : +33 (0)3 20 19 68 68 BIBLIOTHÈQUE DOMINIQUE
Télécopie +33 (0)3 20 19 68 99
BOZO
mam@nordnet.fr
La bibliothèque Dominique Bozo est
http://www.nordnet.fr/mam
provisoirement fermée pour restructuration
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h à 18h

ACCÈS LIBRAIRIE-BOUTIQUE RMN


Ouverte tous les jours, sauf le mardi, de 10 h
à 13 h et de 14 h à 18 h.
Tél/fax : +33 (0)3 20 91 42 02

CAFÉ DU MUSÉE
Café et restaurant dans un cadre agréable
ouvert sur le parc.
Ouvert tous les jours de 10 h à 17 h 30 sauf
le mardi.
Tél. +33 (0)3 20 19 68 44 ou +33 (0)3 20
02 51 93

Sité à 10 km de Lille à Villeneuve d’Ascq


quartier Cousinerie, à proximité des moulins
Autoroute Paris-Gand (A22/N227), sortie (5-
6) Flers-Château-Cousinerie
Métro ligne 1 arrêt Pont de Bois + Bus 41,
arrêt Parc Urbain - Musée

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -31


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
Dossier
de Presse
INFORMATIONS GÉNÉRALES

FILMS :

Sans souci ; l’art d’Aloïse


Documentaire de Muriel Edelstein
Durée : 54 mn
Production : Long par court Arte France

Muriel Edelstein a découvert des archives inédites dans lesquelles on voit Aloïse
Corbaz travailler à l’asile psychiatrique. Dans le documentaire, elle mêle ces images
aux témoignages de Jacqueline Porret-Forel lors d’un voyage en train de Lausanne
à Postdam (où doit se trouver la clé de la folie créatrice d’Aloïse) et aux tableaux et
dessins d’Aloïse. On y découvre l’extraordinaire présence de l’artiste, son langage
improbable, ses élans de créativité. Jacqueline Porret-Forel étudie les détails de son
œuvre colorée et naïve, se penche sur ses rouleaux gigantesques disposés à terre et
les analyse à la loupe. Le plus grand est une fresque de quatorze mètres de long et
raconte l’histoire d’amour malheureuse d’Aloïse, qui l’a probablement conduite à la
folie.

L’œil à l’état sauvage : l’atelier Breton


Réalisateur : Fabrice Maze, 1994
(version avec fonds musical)
Durée : 25 mn
Production : Seven Doc, Grenoble

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -33


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
INFORMATIONS GÉNÉRALES

Informations générales :
Films ? :

ACCROCHAGE ART CONTEMPORAIN :


GÉRARD GASIOROWSKI (1930-1986)
GÉRARD GASIOROWSKI réalise l’Atelier de Taïra durant les deux années qui ont précédé sa mort, en plusieurs
temps successifs. il commence par peindre en 1984-1985 son autoportrait sous les traits d’un vieillard
lové en position fœtale, dans une mandorle soutenue par des anges dont la silhouette est empruntée
à ceux de Giotto. «Muss es sein ? - Es muss sein» (doit-il en être ainsi? - oui il doit en être ainsi),
reprend une phrase que Beethoven avait inscrite sur le manuscrit d’une de ses dernières sonates.
La signature, à peine lisible, a été biffée, comme si l’artiste mettait en scène sa mort prochaine. En
1985 GASIOROWSKI peint onze tableaux sur châssis, monochromes à l’exception d’un seul, qu’il nomme
Boucliers, il les adosse au mur, autour de l’autoportrait et montre alors l’œuvre en l’étai à son atelier,
il réalise dans un troisième temps, de 1985 à 1986, 36 parures peintes recto verso à la cire sur papier
craft, auxquelles il associe 18 bâtons, réalisés entre 1984 à 1986 renfermant ses propres excréments.
Signant les parures «G.G. XX», il inscrit sa destinée dans l’inéluctable du temps.

C’est l’ensemble de ces éléments, ainsi disposés, qui constitue l’Atelier de Taïra. Taïra désigne un
haut dignitaire japonais du XIIème siècle, lié à la famille du peintre Takanobu, auquel Gasiorowski fait
allusion dans une peinture de 1984. L’œuvre restitue par ses dimensions et son mode de présentation
l’atelier de l’artiste. Cet environnement de peinture consacre l’abandon par Gasiorowski des formats
uniques à référence iconique de 1984-1985, dont l’autoportrait est une des dernières traces. Il peint
désormais des ensembles monumentaux largement brossés, à la palette sourde, dans lesquels il
renoue avec une tradition de peinture abstraite gestuelle (Fertilité, 1986).

L’œuvre est issue, par ailleurs, du cycle de «Kiga» (1976-1983) dans lequel GASIOROWSKI, enchevêtrant
récit et objets, construit la fiction d’un personnage d’indienne, Kiga, qui personnifie la peinture la
disposition des bâtons, parures, et boucliers, portant la trace d’une civilisation primitive, évoquent un
campement nomade. L’ATELIER DE TAÏRA occupe la place d’une véritable somme ; elle témoigne, dans sa
complexité, de la singularité de la position de GÉRARD GASIOROWSKI, artiste de comportement et peintre
à la fois, en quête d’une vérité, touchant, au-delà de l’écran illusionniste de la surface peinte, aux
fondements de la vie et de l’art.

SETON SMITH (née en 1955)


Dans ses installations ou sculptures, comme dans ses photographies, SETON SMITH (née en 1955) tente,
depuis une vingtaine d’années, une approche patiente des rapports que nous entretenons avec notre
environnement, qu’il soit rural, urbain ou domestique. Dans tous ses modes d’expression, mais plus
particulièrement dans son travail photographique, l’artiste opère par gestes quasi-chirurgicaux. Ses
prises de vue sont des prélèvements du tissu de notre vie.
Ces images sont parfois si floues que leur lecture ne peut être immédiate, certains cadrages si
déséquilibrés qu’ils engendrent une étrange dynamique. L’apparente banalité des sujets est un
leurre. SETON SMITH ne photographie pas des objets, elle capte leur charge personnelle, notre

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -34


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
INFORMATIONS GÉNÉRALES

histoire, une part de notre vie. Elle fixe leur spectre.Lorsqu’elle montre ses tirages cibachromes en
dyptiques ou triptyques, ce sont des images sans liens explicites qui sont juxtaposées. Leur choix et
leur association peuvent sembler, à première vue, aléatoires. Il n’en est rien, car ce travail repose
sur des correspondances qui trouvent leurs racines dans une sorte de psychanalyse sans discours.
Les métaphores qui naissent des juxtapositions formelles ou sémantiques ne sont toutefois jamais
énoncées. La profonde originalité du travail de Seton Smith repose sur ce mutisme, résultat, peut-
être d’un antagonisme culturel et social, celui de l’Amérique de son enfance et de l’Europe où elle vit
depuis des années. (...) Toute l’œuvre de Seton Smith, à travers sa subtile analyse d’un monde intime,
apparemment vide, nous confronte à l’extrême fugacité du présent entre passé et futur. » (Jonas
Storsve, extrait du catalogue Seton Smith, la salle blanche, Musée des Beaux-Arts, Nantes, 1994).

ALLAN MCCOLLUM (né en 1949)


L’œuvre de ALLAN MCCOLLUM (né en 1949) suscite une réflexion sur les modes de fonctionnement et de
circulation d’objets crées par la société ou la nature. En s’appuyant sur l’idée de copie, par la technique
du moulage ou par la photographie : l’artiste produit en grand nombre des « modèles d’œuvres d’art
», tout en soulignant l’absence d’une œuvre unique, première et originale. Ces « substituts », ainsi
qu’il les nomme, se regroupent en famille d’objets. Dans chacune de ces séries, malgré les similitudes,
chaque élément est unique par la singularité de sa couleur, par ses combinaisons formelles ou par
ses dimensions.
Bien que leurs formes soient toutes identiques, chaque Perfect Vehicule se singularise par sa couleur.
Les couvercles et les corps de ces vases ne forment qu’une seule masse compacte. Par la négation
de leur utilité, du fait de leurs dimensions et de leur installations dans un espace d’exposition
deviendrons œuvres d’art. Le vase, en tant qu’objet banal et quotidien, perd toute fonctionnalité. Les
Perfect Vehicles miment à la fois la sculpture et l’objet d’art précieux et ancien.

JOHN BALDESSARI (né en 1931)


JOHN BALDESSARI (né en 1931) abandonne la peinture à la fin des années 1950, mais conserve le tableau
comme support et commence à travailler à partir du langage, dans la mouvance de l’art conceptuel.
De 1959 à 1968, il compose des œuvres qui sont soit des «tableaux», réalisés par un peintre en
lettres et présentant uniquement du texte (les Narrative Paintings), soit des images photographiques
reportées sur toile émulsionnée, dont les légendes sont peintes. Par ailleurs, il illustre des faits de
langage par des photographies généralement empruntées à un film ou à une émission de télévision.
En utilisant ces sources médiatiques qui font partie de notre patrimoine visuel, John Baldessari réalise,
comme ici, des montages. Il recadre les images, les découpe, puis les ré-assemble. En regardant
ces compositions, l’artiste nous rappelle alors qu’un film est une succession d’images fixes. Ces
combinaisons se font l’écho des déferlements indifférenciés de séquences visuelles, les plus éparses et
les plus incompatibles qui nous sont proposées quotidiennement sans transition. Dans ces conditions,
les arrêts sur images de John Baldessari sont salvateurs. Au divertissement visuel fait place le temps de
l’analyse et de la reconnaissance d’effets spéciaux qui perçus rapidement ne pouvaient que séduire
ou faire peur.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -35


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq
INFORMATIONS GÉNÉRALES

PIERRE MERCIER (né en 1946)


PIERRE MERCIER (né en 1946) pratique depuis 1981 un mode photographique qu’il désigne comme
sculpture. À la faveur d’un parcours analytique de la sculpture par les voies de la photographie, ses
œuvres mettent en lumière la proximité des deux techniques. Au centre de la méditation de Pierre
Mercier, d’essence spirituelle, se trouve le corps de l’homme, objet originaire de la sculpture et motif
humain majeur de la photographie.
Pierre Mercier introduit dans Du temps de reste, la notion de hasard, cherchant à ne pas figer
l’œuvre. Toute l’installation est jouée au dé. Le hasard prend la place de l’artiste dans les décisions de
l’accrochage en donnant la position de chaque cadre sur le mur.
«Les murs sont recouverts d’une maille de clous à peu près tous suceptibles de réunir un cadre. il y
aura à peu près mille clous. C’est le nombre de clous qui détennine le nombre de dés avec lesquels
je joue. Probablement six. Il faut qu’en lançant soixante fois tous les dés, j’ai à peu près parcouru
la totalité du nombre de clous, du premier vers le dernier. Ainsi les cadres sont répartis sur toute la
surface. J’accroche tous les cadres contenant l’image bleue (les fleurs d’iris) en partant du premier
clou, quelque part en haut à gauche, puis au fur et à mesure, les lancés de dés me font progresser
en descendant et m’indiquent par leur somme où je dois accrocher chacun des cadres. Lorsque je
suis arrivé au dernier clou, je poursuis en remontant cette fois, c’est le moment des blancs, du crâne,
jusqu’au dernier clou et toujours en lançant les dés, viendra l’accrochage des rouges en redescendant
vers le dernier clou. Lorsqu’un emplacement est déjà occupé, je rejoue. « (Entretien avec Pierre
Mercier, in journal de l’exposition Pierre Mercier, Du temps de reste, Centre d’art contemporain de
Castres, 1995.)

JEAN-PIERRE BERTRAND (né en 1937)


JEAN-PIERRE BERTRAND (né en 1937) débute par la réalisation de films de cinéma, qui le mènent pendant
les années 70 à quelques installations où interviennent différents médias : films, photographies,
projections…
Par la suite, il aborde un travail
spécifiquement pictural, dont les matériaux explorent une thématique singulière .

C’est ainsi qu’il imprègne ses papiers, non seulement de peinture acrylique mais aussi de miel, de sel,
et de citron.. Ce traitement donne à ces œuvres une apparence ambiguë, à la fois stable, fugitive et
évolutive, où transparaissent ses préoccupations concernant la mutation des matières.
Il introduit dans son œuvre les lois de la physique et de la chimie, ainsi qu’une dimension spirituelle,
réflexion sur l’espace et le temps. Le dessin suggère, quant à lui, la gestualité de la peinture.

RICHARD DEACON (né en 1949)


La sculpture de Richard Deacon (né en 1949) intègre des données établies par la sculpture américaine
des années 1960 et 1970. Elle prend ainsi en compte les questions relatives au statut d’objet
spécifique tel que le définit Donald Judd, à la localisation de la sculpture dans un espace et un temps
réels, sollicitant de la part du spectateur une approche active, et au souci de ne pas masquer les
opérations techniques nécessaires à la réalisation. Ses réalisations souvent imposantes, font référence
à l’architecture et à l’esthétique du monde industriel notamment par les matériaux employés: acier
galvanisé, isorel, contreplaqué, vinyl... Une réalistion monumentale de Richard Deacon, installée dans
le parc de sculptures et intitulée Between Fiction and Fact reprend ces mêmes interrogations.

Dossier de presse Les Chemins de l’art brut (2) -36


septembre 2003
Musée d’art moderne Lille Métropole, Villeneuve d’ascq

Vous aimerez peut-être aussi