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Analyses
Regards
croisés sur
la qualité en
éducation et
formation
novembre 2011
Service Veille & Analyses AQÉ Institut Français
de l’Education - ENS – Lyon
Sommaire
l page 3 : Introduction
l page 27 : IX - Bibliographie
Marc Demeuse est psychologue et statisticien. Il est Ces éléments de définition permettent d’aborder dans
professeur à l’université de Mons (Belgique), en faculté un deuxième temps la question du modèle à construire
de psychologie et des sciences de l’éducation. Direc- pour évaluer la qualité d’un dispositif. L’intérêt d’une
teur de l’Institut d’administration scolaire, impliqué telle modélisation réside dans l’organisation générée à
dans plusieurs projets et réseaux de chercheurs au l’aide de critères qui permettent à la fois de simplifier et
niveau européen. d’expliquer les données.
L’articulation entre les commanditaires (dans le Au niveau européen, la qualité devient aussi une
domaine de l’éducation) et les chercheurs n’a rien préoccupation et naissent en 2000 les premiers
d’évident. En Belgique francophone, les demandes « indicateurs européens de la qualité » [2000]. De
exprimées par les commanditaires ont évolué pour nombreux indicateurs n’en sont pas vraiment, mais
aller plus explicitement vers une aide à la décision. il importe alors d’indiquer l’importance de certains
Autrement dit, on est passé d’un questionnement domaines pour lesquels aucune donnée n’est en-
descriptif (comment ça marche et pourquoi ?), à core disponible, notamment dans le domaine de
un questionnement régulateur (comment faire pour l’apprentissage des langues ou, plus largement, de
que ça marche ?), à une approche plus prospective l’apprentissage tout au long de la vie. L’assurance
(comment faire pour que ça marche mieux ?). qualité préoccupe d’autres organismes, comme par
exemple la Chambre de Commerce et d’Industrie
5) quelques illustrations à travers un de Paris qui a développe, d’abord pour son usage
parcours personnel interne, un test de français langue étrangère (TEF
de la CCIP). Il s’agit de concilier de nombreuses pré-
Cette analyse s’appuie sur une expérience de plus occupations : pédagogie, psychométrie, politique,
de 20 ans, en Belgique et à l’international. L’auteur sécurité et… marketing [2000 à ce jour].
évoque ainsi l’évolution des demandes et des tra-
vaux auxquels il a pu participer. Si les indicateurs européens de la qualité étaient
nés des préoccupations de la Commission euro-
Au début des années 1990, c’est principalement péenne, c’est à l’initiative de chercheurs que les
l’approche descriptive qui était privilégiée, comme indicateurs européens d’équité [1998-2006] ont vu
dans le cas de l’évaluation de la qualité de l’ensei- le jour. Cette initiative, initiée au sein d’un groupe
gnement en sciences en Communauté française de ad hoc de l’OCDE, a ensuite pu être « vendue » à
Belgique. Il s’agissait alors surtout d’analyser des la Commission européenne et financée par le pro-
données à l’issue d’enquêtes et de les interpréter gramme Socrates.
[1990] sans pour autant observer un véritable im-
pact sur le système, ni même sur la manière dont il A côté de la production d’indicateurs, il importe de
était pensé. réfléchir à leur utilisation. C’est ce qui a été deman-
dé par le Haut Conseil de l’Évaluation de l’École en
C’est peut-être avec l’enquête IEA Reading Litte- 2005. Un document intitulé « Lecture des indica-
racy [1991] qu’un premier changement s’est opéré. teurs internationaux en France » (HCEE) a permis à
Face aux résultats peu satisfaisants et surtout à l’auteur et à Jean-Richard Cytermann de présenter
leur publication, on assiste à une première réaction une synthèse des indicateurs disponibles et de leur
du politique qui… limite les subsides de recherche (més)usages. Dans la même veine, à la demande
dans le domaine de l’évaluation. du Parlement européen cette fois [2007], un travail
critique a été entrepris à partir d’une communication
Parallèlement à cela, l’auteur participe à une vaste de la Commission européenne au Conseil des Mi-
entreprise : exploiter le recensement décennal dans nistres et au Parlement lui-même. Ce texte, portant
le domaine de l‘éducation et de la formation [1998], sur l’équité et l’efficacité des systèmes éducatifs, s’il
mais aucune application pratique n’en tire profit. permettait de mettre en évidence les relations pos-
sibles entre ces deux dimensions, n’était pas exempt
• Ajuster et renforcer les partenariats sur le territoire : La mairie souhaite observer les pratiques efficaces
− établir des relations partenariales avec les dans l’éducation nationale et faire des comparaisons
prescripteurs ; avec les actions de collectivités mais les dispositifs ac-
− développer des relations partenariales avec les tuels ne permettent pas d’analyse opérationnelle.
autres organismes dans l’organisation de forma-
tions ; La ville de Lyon a, plus que d’autres municipalités,
− développer des relations partenariales avec les la main sur la distribution des moyens financiers (20
autres acteurs externes en vue de contribuer à la millions d’euros dont 2/3 pour les ressources édu-
politique de formation/insertion professionnelle. catives) mais les difficultés résident dans l’ana-
lyse des résultats et l’impossibilité d’en mesurer
• Mettre en place un dispositif d’évaluation : l’efficacité faute de temps, malgré des partenariats
− mesurer et analyser les résultats des actions de for- forts entre les structures éducatives et les collecti-
mation ; vités territoriales.
− apprécier l’impact des formations ;
− piloter la dynamique d’amélioration en continu. Il manque un point de vue d’ensemble sur les in-
dicateurs qui permettrait de mieux normaliser les
Ces attentes sont traduites dans les critères de jugement actions et leur efficacité.
des offres : moyens engagés pour personnaliser les par-
cours stagiaires, qualité de l’organisation de l’alternance, À ce jour, l’ANDEV milite pour la création
existence et efficacité d’un dispositif d’évaluation de la d’un véritable observatoire des actions et des
formation, partenariat avec les acteurs économiques, les formations.
acteurs de l’orientation, l’appareil de formation.
L’orientation est un sujet complexe qui touche Le bilan réalisé par le HCE sur la mise en œuvre
chaque année 1,2 millions d’élèves. Les travaux du du Socle commun, six ans après le vote de la loi,
HCE mettent en évidence la pluralité des acteurs est mitigé. Le déploiement reste en effet partiel, plus
publics et privés concernés, et en particulier le marqué dans les écoles primaires que dans les col-
rôle des régions, des employeurs, et des différents lèges, caractérisé par une résistance passive de la
réseaux professionnels. En Rhône Alpes par part des inspecteurs généraux et des IPR de cer-
exemple, une vingtaine de réseaux interviennent taines disciplines (dont les programmes n’ont pas
sur ce sujet, un quart relèvent de l’éducation été revus) et un laisser-faire du ministère.
nationale.
D’importants besoins ont été mis au jour, en parti-
Les recommandations émises par le HCE sont al- culier dans les domaines suivants : outils pédago-
lées dans le sens d’un traitement interministériel giques, formation des enseignants, formation des
de l’orientation. Trois délégués interministériels à cadres, explication aux parents.
l’orientation se sont succédés depuis.
Travaux sur les expérimentations (article 34)
Bilan des résultats de l’école 2009 -
L’enseignement professionnel L’évaluation par le HCE de la mise en œuvre de l’ar-
ticle 34 de la loi Fillon de 2005 ne donne là encore
L’enseignement professionnel en France concentre pas lieu à satisfaction. Cet article, autorisant les éta-
de graves difficultés ; ce n’est par exemple pas blissements à contourner la loi pour mener des ex-
le cas en Suisse. Les publics sont vulnérables périmentations, est très peu utilisé six ans après son
(absentéisme, décrochage,...), les sorties sans vote : 0,5% des écoles primaires et 8% des EPLE.
diplôme sont trop nombreuses, les jeunes sans La mobilisation s’avère très variable d’une académie
emploi en sortant de la voie professionnelle sont à l’autre ; les évaluations, au delà de la simple sa-
aussi trop nombreux. tisfaction des équipes éducatives impliquées, sont
rares et ne présentent quasiment jamais un carac-
tère scientifique.
Bilan des résultats de l’école 2010 - Le
collège
5) En guise de conclusion
Le collège unique n’est pas véritablement en Ces six années de travail pour la première manda-
place. Malgré des acquis majeurs, il est en panne. ture du HCE ont convaincu ses membres que deux
À la question de savoir s’il convient de rétablir des mesures prioritaires pouvaient promouvoir un sys-
filières et une orientation précoce, toutes les com- tème éducatif plus efficace et plus équitable :
paraisons internationales fournissent clairement − créer l’école du Socle commun, pour limiter la
une réponse négative. coupure entre le primaire et le secondaire et aug-
menter la cohérence de l’ensemble ;
− créer une agence indépendante pour éclairer la
Bilan des résultats de l’école 2011 - Les société, les élus et les décideurs.
indicateurs relatifs aux acquis
Les travaux du HCE montrent que les indicateurs B) Contrepoint (L. Evans)
LOLF fournis au Parlement par le Ministère de
l’éducation nationale sont partiels et peu exigeants Linda Evans est PhD, Professeure à l’université de
et que leur fiabilité est sujette à caution, essentiel- Leeds.
lement pour des raisons de méthode. D’autres indi-
cateurs existent toutefois : les indicateurs Cèdre Linda Evans axe son intervention sur la question
réalisés par la DEPP s’avèrent plus rigoureux de la qualité dans les organisations éducatives en
et gagneraient à être rapprochés des enquêtes Angleterre. Le contrôle de cette qualité passe prin-
PIRLS et PISA. cipalement par les inspections : il s’agit d’inspec-
tions d’établissements effectuées par un service
En revanche, seuls 28% des réponses françaises ont Pour contourner ce danger, certaines institutions dis-
placé la qualité en tête des changements ressentis tinguent la notion de « quality assurance » de celle
(contre 55% pour les questions liées au rapproche- de « quality enhancement ». La première désigne
ment ou aux relations avec le monde économique). le seul processus de mise en conformité avec les
Dans la plupart des pays, l’approche qualité semble exigences des agences nationales, alors que la
corrélée avec un intérêt pour l’international. Or, en deuxième recouvre plutôt ce que les établissements
France, l’internationalisation semble être subie plu- mettent en œuvre pour leur propre développement.
L’évaluation des enseignants, souvent par question- -- une description/un compte rendu de l’environne-
naires, est le point le plus répandu sauf en France. Ils ment (dans le département universitaire) de la
méritent d’être largement améliorés et accompagnés recherche ;
par d’autres outils d’évaluation. -- les quatre articles ou livres des universitaires pu-
bliés pendant la période du recensement (2008-
Les indicateurs de performance sont un grand sujet de 2013) et considérés comme les meilleurs
discorde. Ils doivent être flexibles et adaptables aux -- Les niveaux de qualité sont représentés par une
différences disciplinaires. échelle, comportant jusqu’à quatre étoiles, sans
que l’on sache exactement ce que signifient ces
niveaux (il n’y a pas de critères précis) :
4) Les caractéristiques d’une bonne
-- quatre étoiles : la recherche est « world-lea-
démarche qualité
ding »,
Une démarche réussie repose la plupart du temps sur -- trois étoiles : la recherche démontre une certaine
la combinaison de plusieurs bons instruments : il ne excellence au niveau international, mais qui ne
suffit pas de faire un questionnaire d’évaluation des mérite néanmoins pas d’être considérée comme
enseignements pour avoir une démarche qualité. « world leading ».
Nous constatons également une explosion de facultés L’approche par compétences est une donnée nou-
privées parfois commerciales (ex. Cameroun) avec des velle et difficile à mettre en œuvre en médecine.
effets délétères sur la qualité des médecins formés. C’est une révolution pour le responsable d’ensei-
gnement : ne plus travailler tout seul dans sa ma-
tière et tenir compte des compétence attendues
Le cadre global de référence par la communauté. Il doit également travailler à
rebours pour trouver les éléments qui vont lui per-
Quels sont les enjeux ? mettre d’aboutir au résultat attendu au lieu d’empiler
les connaissances à partir de la première année.
En médecine, les universitaires sont très conscients
de l’importance des résultats et on entend beaucoup Les référentiels mis en place par la CIDMEF et
parler de performance, d’impact, de résultat et de cer- le plan d’action
tification (Evidence based medical education, S. Peter-
sen MMJ, 1999 ; Outcome-based medical education, Quels sont les standards de qualité ?
Harden 1998)
Les normes de base (« must ») et les normes optimales
Que souhaitons nous obtenir ? Un processus ou un (« should ») existaient déjà mais il fallait les appliquer
résultat ? Une opération peut réussir mais le malade aux normes pédagogiques malgré les difficultés.
peut mourir.
Les standards de base
Quelle qualité pour les médecins ? Niveaux de compétence (groupe de Charamande,
1990) conçus et évalués par la CIDMEF :
L’assurance qualité des médecins formés et l’imputabi- − niveau 1 : compétence pédagogique minimale,
lité sociale des facultés des sciences de la santé sont prendre en charge des étudiants, tenir compte des
aujourd’hui débattues par les associations de patients instructions des responsables ;
qui font irruption dans les hôpitaux. − niveau 2 : compétence pédagogique des titulaires
(enseignants généralistes) ;
Nous sommes face à deux grands enjeux actuels : − niveau 3 : compétence pédagogique approfondie
− Premier enjeu : L’enseignant doit tenir compte des dans un domaine particulier (par ex : TICE).
données de psychologie de l’apprentissage.
Le paradigme de psychologie cognitive : l’étu- La formation au professionnalisme a été à l’origine de
diant doit être actif et l’enseignant doit activer recommandations : en effet, le rôle professionnel reste
les connaissances antérieures de l’étudiant. Les à développer afin d’offrir des véritables formations pro-
apprentissages doivent être contextualisés et favo- fessionnalisantes aux futurs médecins.
riser la structuration des connaissances d’action et
• Éthique
4) L’A.P.P.
− les étudiants sont conscients du rôle et de la res-
ponsabilité des ingénieurs dans la société.
• En général Le dispositif comporte quatre phases :
− la qualité de la réussite est améliorée ; − cappropriation : on lit un contexte et on cherche à
− le recrutement est amélioré ; en extraire les éléments importants (motivation et
− la motivation des étudiants a augmenté. engagement des étudiants) ;
− analyse des problèmes sous toutes leurs formes,
Ces objectifs doivent être opérationnalisés : identification des enjeux, notamment ceux d’ap-
− compétences ou acquis d’apprentissage ? prentissage ;
− objectifs intermédiaires en fin de première année, − résolution du problème, formulation, pour mise en
en fin de premier cycle ; œuvre, acquisition des apprentissages ;
− cette opérationnalisation doit se faire pour chaque − retour sur les apprentissages par la réalisation :
matière. l’important c’est l’apprentissage qui a été mobilisé
pour résoudre le problème plutôt que le résultat lui-
Il convient d’être conscient des contraintes existantes : même.
− ne pas consommer plus de ressources (d’encadre-
ment) que précédemment ; On est dans un modèle d’apprentissage actif, l’essen-
− durée du travail étudiant : quel nombre d’heures tiel étant d’apprendre à apprendre plutôt que la trans-
de travail imposable aux étudiants compte-tenu du mission du savoir ou l’acquisition des connaissances.
temps légal de travail (35 ou 40 heures) : on s’est Les connaissances étant en pleine évolution, ça ne sert
calé sur cette durée légale ; à rien d’accumuler des connaissances qui seront ob-
− problèmes de locaux. solètes dans quelques années, il faut savoir comment
acquérir des nouvelles connaissances. Le travail en
3) La question suivante étant de savoir groupe permet d’atteindre un niveau de maîtrise qu’on
comment fonctionne l’apprentissage ? n’atteindrait pas seul : émulation entre pairs, appro-
priation des connaissances par explicitation à l’autre,
Malgré quelques propos du type : « l’enseignant a le meilleure maîtrise de la communication, coopération,
savoir et le transmet par rayonnement », « on évite les leadership.
réformes » et autres résistances au changement, il fal-
lait se mettre d’accord sur un modèle - sans dire que Cependant, ce n’est pas parce qu’on travaille en groupe
c’était le meilleur (pas de modèle plus pertinent qu’un qu’on est évalué en groupe. Il est nécessaire de bien
autre). expliquer que chacun devra rendre compte individuel-
lement de l’acquisition des apprentissages, tout en évi-
Le choix s’est porté sur un modèle socioconstructi- tant l’écueil suivant (les étudiants se leurrent souvent) :
viste contextualisé, dont la philosophie générale est la la résolution du projet n’est pas le but ultime.
suivante : les méthodes pédagogiques sont ancrées
dans un contexte qui vise à se rapprocher du réel, des
situations professionnelles. Elles mobilisent des com- La mise en œuvre du dispositif
pétences visant des objectifs de haut niveau ; elles re-
posent sur des interactions entre les divers partenaires Pour chaque activité, il a fallu définir des objectifs spé-
de la relation pédagogique qui conduisent à la pro- cifiques, trouver un bon projet, un bon problème per-
duction de « quelque chose » de personnel (nouvelles mettant d’atteindre ces objectifs : « un bon problème
connaissances, rapports, présentations, prototype, est un problème qui a été travaillé en équipe d’ensei-
etc.). Ainsi, les étudiants construisent leurs savoirs à gnants ». On apprend à collaborer entre enseignants.
partir des savoirs existants, en interaction avec leurs On a aussi bien des interactions qui peuvent s’étaler
Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre d’un Sur les 80 compétences spécifiques, le constat fut le
tel projet : suivant :
− collectiviser les expériences (bonnes ou moins − pour 50 compétences : pas de changement du ni-
bonnes) ; veau des étudiants après la réforme ;
− éviter le morcellement des activités (coordination − pour 25 compétences : on note un changement si-
d’autant plus importante) ; gnificatif et positif ;
− étaler ces activités dans le temps pour équilibrer la − pour 5 compétences, on constate un changement
charge de travail pour les étudiants. négatif.
5) Le métier d’enseignant s’en trouve-t-il L’équipe du projet en a déduit une modeste améliora-
changé ? tion pour le ¼ des compétences, mais l’intérêt porte
surtout sur l’amélioration de compétences qui n’avaient
Cela change fondamentalement le métier d’enseignant, pas été travaillées jusque là.
qui devient « concepteur d’occasions d’apprendre ».
L’enseignant devient un scénariste et les élèves sont Un élément négatif ressort de cette étude d’impact :
acteurs de la pièce. Cela suppose que l’enseignant l’effet d’entraînement généré n’a pas été aussi large
abandonne son rôle d’acteur principal, renonce au qu’espéré. L’équipe porteuse de la réforme s’est énor-
cours magistral. Il change de fonction, devient tuteur, mément investie dans la mise en œuvre, mais n’a pas
« facilitateur », travaillant sur du diagnostic. Cela de- pris le temps de communiquer hors de l’équipe. Cer-
mande sans doute une formation, pour aider à ce chan- tains collègues n’ont donc pas suivi.
gement.
Pour les enseignants, les aspects positifs ont été
Par le travail avec de petits groupes, on voit mieux les d’avoir consacré du temps pour se mettre d’accord sur
problèmes que peuvent avoir les étudiants. Dans le les vrais enjeux, pour se former, pour se coordonner;
même temps, les cours qui sont maintenus deviennent d’avoir amélioré l’intégration entre les disciplines.
des cours de restructuration, qui viennent après les ap-
prentissages pour aider à refaire les liens entre appren- Enfin, il faut noter l’intégration du projet dans le cadre
tissages. Cette façon d’envisager le cours est beaucoup d’une démarche qualité à l’Université catholique de
plus épanouissante ; l’essentiel des apprentissages est Louvain et dans une démarche « acquis d’apprentis-
fait, les étudiants peuvent comprendre, discuter. sage » (intended learning outcomes).
• Sept critères relatifs aux moyens mis en œuvre : VII - Savoir, savoir-faire,
une formation de qualité prend appui sur…
− les ressources didactiques (y inclus les TIC et les compétence : que peut-on
bibliothèques) favorisant un apprentissage en pro- attendre d’un dispositif
fondeur ;
− la diversité de situations d’apprentissage (en et hors éducatif de qualité ?
présentiel) ;
− la cohérence du dispositif pédagogique (objectifs, A) Conférence de Xavier Roegiers
méthode, évaluation) ; Xavier Roegiers est président du BIEF, à Louvain-
− la valorisation de l’engagement pédagogique des la-Neuve et professeur à l’Université catholique de
enseignants ; Louvain-la-Neuve.
− le soutien aux innovations pédagogiques ;
− le développement pédagogique des enseignants ;
− l’évaluation de la qualité des enseignements et des Le domaine d’intervention auquel j’appartiens est
programmes. encore peu connu : architecte des approches curricu-
laires, depuis la construction d’un projet d’éducation
• Deux critères d’équité : Une formation de qualité jusqu’aux pratiques d’enseignement-apprentissage et
propose… d’évaluation. « Mon travail consiste à aider les sys-
− Des dispositifs d’aide et d’entraide : information, tèmes éducatifs à formuler un projet d’école et à traduire
orientation, préparation, diagnostic, entraînement, ce projet en actions concrètes », pour que l’innovation
soutien social ou financier, remédiation ; se traduise en pratiques de classe, et pour toutes les
− Une offre de formation et des ressources adaptées classes, pas uniquement les classes privilégiées, pour
aux besoins spécifiques des différents publics aux- garantir l’accès à l’innovation pour tous comme c’est
quels la formation s’adresse. trop rarement le cas dans les réformes.
Il faut effectuer un recentrage vers des approches cur- Quant aux situations d’apprentissage des ressources,
riculaires contextualisées, surtout dans nos sociétés elles peuvent faire l’objet de travaux en petits groupes ;
francophones et latines. L’approche par les contenus l’idée est que les enseignants développent les res-
a montré ses limites. Plus on avance dans la standar- sources spécifiques à partir des meilleures méthodes
disation, plus on se rend compte à quel point elle est pédagogiques à leur disposition (ce peut être un cours
peu adaptée aux valeurs de nos sociétés francophones magistral s’il n’y a rien d’autre) ; la première innovation
et latines. L’école a besoin de contextualisation, elle a qu’on introduit dans le système éducatif est la pratique
besoin de vie. des situations d’intégration. Ensuite, dans un deu-
xième temps, on fait évoluer les pratiques de classe
En termes curriculaires, on pourrait dire qu’on a besoin en suggérant par exemple au prof de cours magistral
de combiner du complexe et du concret. Peu d’ap- de proposer aux élèves de mener une enquête ou de
proches curriculaires ont réussi à articuler ces deux résoudre une situation-problème, qui vont être le point
éléments. La Pédagogie Par Objectifs (PPO) mettait de départ de l’apprentissage.
l’accent sur le concret, sur le caractère évaluable, alors
que l’approche par compétences transversales ne vi- Un changement de pratiques pédagogiques met 5,
sait que sur le côté complexe des apprentissages, sans 10, 15 ans à s’implanter ; il faut donc accepter que
proposer de pistes crédibles pour l’évaluation. cette deuxième innovation, relative aux pratiques
quotidiennes de classe, s’inscrive dans le temps. En
Comme piste pour travailler conjointement sur le com- revanche, l’expérience a montré que l’introduction de
plexe et le concret, on peut citer l’approche par inté- la pratique des situations d’intégration peut s’installer
gration des acquis, qui consiste à développer différents assez rapidement.
types de ressources (savoirs, savoir-faire, capacités
méthodologiques, mise en projet, etc.) et les mettre au
service de situations d’intégration, que l’élève est invité Au plan organisationnel
à résoudre individuellement. Ces situations sont aussi − Partir de ce que sont les enseignants, plutôt que de
une base pour l’évaluation : il s’agit de penser l’évalua- ce qu’on voudrait qu’ils soient. Il faut partir du ter-
tion au départ de la réflexion curriculaire. rain, avec des échantillons représentatifs d’écoles,
de tous niveaux et de tous milieux, plutôt que des
Dans une optique d’intégration des acquis, quelles si- laboratoires de recherche ou des écoles pilotes en-
tuations complexes l’élève doit-il pouvoir résoudre à tel gagés dans des « innovations », qui risquent alors
ou tel moment de l’apprentissage ? de ne pas être reproductibles dans des écoles de
moindre niveau.
Il s’agit de deux types de situations complexes : (1) des − Avoir confiance dans le potentiel d’évolution des
situations d’apprentissage (situations de recherche par enseignants ;
groupes par exemple) dans les périodes de dévelop- − Les outiller et les encadrer.
pement de ressources, qui sont en général de 5 ou 6
semaines (2) des situations d’intégration à résoudre Au plan didactique
individuellement dans les périodes réservées à l’inté-
gration des acquis. On y consacre par exemple une − Accepter la pluralité des démarches didactiques,
période de deux semaines, exclusivement consacrées mais en même temps rester très critique, et ne pas
à la résolution de problèmes et de situations complexes tout accepter ; toujours revenir aux trois valeurs pour
qui amènent l’élève à mobiliser ce qu’il a appris pendant évaluer la didactique (pertinence, efficacité, équité) ;
les 5 ou 6 semaines d’apprentissage de ressources. − Nourrir les contenus par le complexe et par les
contextes, dans le sens de la démarche d’investiga-
Il y a donc alternance entre des phases d’acquisition tion ;
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