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INDIVIDUALITÉ

ET INTERACTION
DANSLE MONDEPHYSIQUE

Moins apte, sans doute, à bien concevoirle continuet le fluent


que le discontinu et le permanent,l'esprit humain paraît avoir
toujours éprouvé une certainesatisfactionchaque fois qu'il lui a
été possible,en étudiantles phénomènesde la nature,d'y discer-
ner des entitésélémentairesprésentantdes caractèrespermanents
etd'interpréter l'évolutiondu mondephysiqueparles mouvements
et les interactionsde ces entités élémentaires.C'est cette ten-
dance naturellede notreespritqui a poussé les fondateursde la
Mécanique classique à poser à la base de cettescience l'idée de
« point matériel », c'est-à-direl'idée d'une certaine quantité de
matièreoccupant une trèspetiterégion de l'espace, douée d'une
masse invariable et possédant une individualitéque l'on peut
suivre au cours du temps. Mais en Mécanique classique le point
matérieln'est qu'un êtrede raisonet il restaitdouteux qu'il y eût
dans la naturedes entitésélémentairesoffrantune sorte de réali-
sation concrèteet permanentedu point matériel.Or, s'accordant
ainsi avec nos désirs secrets,la matières'est ensuite révélée pro-
gressivementà nous comme formée par un petit nombre de
genres différents de corpuscules élémentairestels que les élec-
trons et les protons(auxquels nous avons dû récemmentajouter
les neutrons et les positons, pour ne point parler des encore
hypothétiques neutrinos). Ces corpuscules élémentaires sont
caractérisés par des valeursconstantesde leur masse et de leur
charge électrique et ont paru constituerde véritablesindividus
physiquesdontl'existence pouvaitêtre suivieau cours des trans-
formationsincessantes du monde matériel. Le développement
des théories quantiques, appuyé sur d'incontestables preuves
expérimentales,est venu ensuite nous obliger, comme pour
Revue de Méta. - T. XLIX(n« 2, 19o7). 23

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tant d'autres conceptions de la Physique, à un nouvel exa-


men, et il nous a conduit finalementà atténuer d'une façon
curieuse ce que cette notionavait de tropabsolu. Exposer com-
mentse présenteaujourd'hui cettetrès intéressantequestion,par
certains côtés encore bien obscure, de l'individualitédes parti-
cules en physique quantique, tel est le but essentiel que nous
nous proposons dans cette étude. Mais, avant d'aborderle fond
même de notre sujet, il est utile, pensons-nous,d'examinersur
quelles bases reposait, dans les anciennes théories mécaniques
et physiques, la possibilité d'attribuerune individualitépersis-
tante aux particules élémentaireset de nous demandersi déjà
cettepossibiliténe s'y heurtaitpas à certainesdifficultésplus ou
moins méconnues.

» ♦

Dans les théoriesclassiques, préquantiques,comme on dit sou-


ventmaintenant,on ne mettaitpas un instanten doute la possi-
bilité de localiser exactementles objets physiques dans le cadre
de l'espace et du temps. On ne doutait pas non plus de l'impossi-
bilitépour deux élémentsmatérielsdifférents d'occuper simulta-
nément la même place dans l'espace, impossibilitéqui résultait,
disait-on,de l'impénétrabilité de la matière. Enfin, on supposait
toujoursla permanenceau cours du temps des entitésphysiques
élémentaireset la constance de leurs propriétés,hypothèsesqu-e
l'expérience confirmait.Il est alors facile de comprendrepour-
quoi la Physique préquantique parvenait aisément à attribuer
une individualitépermanenteaux corpuscules élémentaires.Tout
d'abord, il était évidemment aisé de distinguerdeux corpuscules
de naturedifférente puisque, constammentcaractérisées par des
valeursdifférentes de leur masse ou de leur charge électrique,ils
possédaient toujours des propriétéspermettantde les identifier.
Mais il devenaitdéjà un peu plus délicat de distinguer constam-
ment des corpusculesde même nature ; car, si l'on observe,par
exemple, un systèmede deux corpuscules de mêmenature à des
instantsdifférents t' et t2séparés par un intervallede tempsfini,
on doit évidemmenttrouverau temps ti deux corpuscules occu-
pant des positionsAt et B,, puis au temps t2 deux corpuscules
occupant des positions A2 et B2, mais il est impossible de

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dire si c'est le corpusculeprimitivement en kt qui est venu


en A2 et le corpusculeprimitivement en Bi qui est venuen B2
ou si, au contraire,le premiercorpuscules'est rendude Ai
en B2 et le secondde B, en A2. Toutefois,cettedifficulté ne
paraissait pas bien sérieuse avec les conceptionsclassiques
puisque,d'aprèsces conceptions, rienn'empêche de suivred'une
façon continue la marche des deux corpuscules entre les instants
et
ti ¿2 et alors on verra biensi le premier corpuscules'est rendu
de Ai en A2ou en B2.Il nepourraity avoirencoredouteque si
les deuxcorpusculesà un instantt intermédiaire entrei4et t2se
trouvaient passer ensembleen un mêmepointde l'espace,mais
l'impénétrabilité de la matière nous permettait,pensait-on,
d'écarterune tellehypothèse. De cetteanalyse,il résulteen défi-
nitiveque l'attribution auxparticulesmatérielles d'uneindividua-
lité permanenteet contrôlablesemblaitrendue légitime,à
l'époque de la Physiqueclassique,par la possibilitéde suivre
d'une manièreprécise et continueles localisationssuccessives
dans l'espace de la particuleau coursdu temps; car personne
ne mettait alorsen doutecettepossibilité.
Cependantun examencritiquedes développements de l'an-
cienneMécanique surlesquelsreposaient lès théoriesphysiques,
laisse apercevoirque l'individualité des pointsmatérielsn'yest
pas aussi le
complètequ'on pouvait pensertoutd'abord.Une
remarqueque l'on peut faireà ce sujet,c'estque le caractère
d'unitédiscontinue attribuépar les anciennesconceptions aux
pointsmatérielsphysiques,aux corpuscules,est au fondplus
apparentque réel.En Mécaniqueclassique,le mouvement d'un
point matériel est, en effet,déterminé le
par champ de force qui
l'entouredontle pointmatérielse trouveainsien quelque sorte
solidaire.La formemêmedu principede moindreactionnous
montreque là trajectoired'un corpusculedépenden réalitédu
champde forcedanstoutle voisinageimmédiat de cettecourbe.
La trajectoire résulte,peut-ondire,d'unesorted'exploration du
champ dans la de
région l'espace où le mouvement s'opère. Cette
remarqueprendun sensplusnetquand on l'envisagedu point
de vue actuel de la Mécaniqueondulatoireoù le principede
moindreaction apparaîtcommeune traductiondu principede
Fermâtappliquéà l'ondeassociéeau corpuscule; car,du pointde
vue ondulatoire, le principede Fermâtrésultelui-mêmede ce

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que les ondes explorentl'espace tout autour du rayonlumineux.


Le faitque le point matérielest ainsi solidaire du champ dont il
subitl'action, nous faitdonc déjà pressentir,même dans le cadre
classique, la nécessitéde ne pas considérercomme trop absolue
l'autonomieindividuelledes corpuscules. C'est ce que nous allons
mieux voirencore en examinantles concepts si fondamentauxet
si mystérieuxd'interactionet d'énergiepotentielle.
C'est qu'en effetune entitéphysiqueélémentairequi posséde-
raitl'autonomieindividuelledans toutesa plénitudeserait néces-
sairementindépendantede tout le reste de l'univers physique :
petit monde fermé,elle ne subiraitaucune action et ne pourrait
en exercer aucune. Pour pouvoir expliquer les phénomènesà
l'aide d'entités élémentaires,il est donc nécessaire d'admettre
qu'elles exercent entre elles des interactions : dès lors, ces
entités, étant en quelque mesure solidaires les unes des autres,
ne serontplus aussi autonomes qu'on l'avait admis au début, et
leur individualités'en trouveraquelque peu atténuée.On conçoit
alors combienintéressantedu point de vue philosophique est la
notion d'interactionparce qu'elle implique une certaine limita-
tation du concept d'individualité physique. Or, pour traduire
l'existence de l'interaction,la Physique classique, guidée par la
Mécanique rationnelle, a introduit l'idée d'énergie potentielle.
Très claire au pointde vue mathématique,cette idée reste physi-
quementassez mystérieuse.Afinde mettreen évidence un de ses
caractèresles plus profonds,envisageonsun ensemblede corpus-
cules en interactionque nous supposerons isolé du reste du
monde. Voici ce que nous apprend à son sujet l'emploi de la
notion d'énergie potentielle : tandis qu'il est toujours possible
d'attribueraux diverscorpuscules du systèmeune énergie ciné-
tique et une quantité de mouvementindividuelles bien définies,
l'énergie potentiellene peut pas être répartieentreles consti-
tuantsdu système; elle appartientà l'ensemble du systèmeet est
commemise en communpar ses constituants.Cette circonstance
achève de prendretoute son importancesi l'on se place au point
de vue de la théoriede la Relativité.Il existe, en effet,dans cette
théorie, une proposition aujourd'hui célèbre sous le nom de
« principe de l'inertie de l'énergie » suivantlaquelle il y a tou-
jours proportionnalitéentrela masse totale d'un systèmeet son
énergie. Il en résulteque la masse totale d'un ensemble de cor-

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pusculesn'estpas en généralégale à la sommedes massesqu'on


peutattribuer individuellement à chaquecorpuscule,maisqu'elle
contientenoutreune contribution (positiveou négative)apportée
parPénergiepotentielle d'interaction mutuelledes diverscorpus-
cules : il n'estdoncpas possiblede répartir, d'unemanièrenon
arbitraire,la masse totale d'un système entre ses diversconsti-
tuants,dès l'instantoù il existeentreeux des interactions. Cette
conséquence est très importante ; car on est habitué à considérer
la massecommela caractéristique essentielledu pointmatériel,
comme l'attributproprede son individualité.Naturellement,
dansbeaucoupde cas usuels,l'énergiepotentielle d'un ensemble
de corpusculesest beaucouppluspetiteque les énergiesindivi-
duellesde chacund'eux,et alorsla notionde massesubsisteclai-
rementpour chaque constituant.Mais, pour des interactions
extrêmement intenses, la notionde masseindividuelle doitperdre
sans doutetoute valeur.D'où cetteconclusionque l'individua-
litédes corpuscules élémentaires est d'autantplus atténuéequ'ils
sontdavantageengagésdans les liensde l'interaction. Comme,
d'unepart,il n'ya pas de corpusculeentièrement isolé,etcomme,
d'autrepart, la liaison des corpusculesdans un systèmen'est
pratiquement jamais assez complètepourne pas laissersubsister
quelque trace de leur individualité, on voitque la réalitéparaît
en généralintermédiaire entrele conceptd'individualité entière-
mentautonomeet celuide systèmetotalement fondu.Il serait
d'ailleursaisé de rattacher cetteconclusionà des vues générales
sur le rapportdes idéalisationsabstraiteset des réalitésphy-
siques.
Ainsila Physiqueclassiqueelle-même, complétéepar des con-
sidérations de Relativité,nous indiqueque l'idée de corpuscule
doué d'individualité et bien localisé est toujoursatténuéepar
l'existencedes interactions et doit mêmeà la limitedisparaître
complètement dans le cas des liaisons extrêmement intenses:
nousvenonsde le voiren ce qui concernela masse,maisil paraît
certainque, dans un systèmeoù les constituants seraientsi éner-
liés
giquement qu'on ne pourraitplus leur attribuer de masses
individuelles, il serait aussi impossible de leur attribuer une
leur
position, énergie se trouvant pourainsidirediluéedansl'es-
pace occupé par le systèmeentièrement fondu.Mais la Méca-
nique ancienne,Newtonienne ou Einsteinienne, ne s'occupe pas

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de ces cas extrêmes ; elle n'envisageque des systèmes où l'éner-


gie potentiellen'est qu'une fractionde l'énergie totale (compte
tenudesénergiesinternes de masse)et alorson peuttrèsapproxi-
mativement raisonner commesi les corpusculesconservaient une
masse,une localisation, et, parsuite,uneindividualité biendéfi-
nies.Donc,si Tony réfléchit, on voitque, sous la simplicité appa-
rentede la Mécaniqueclassiquedes systèmes de pointsmatériels,
se cachentde gravesproblèmes au sujetde ce que nousnommons
« interaction» et de la manièredontl'interaction se concilieavec
L'on soupçonnedéjà qu'individualité
l'individualité. et interac-
tion sontau nombrede ces a facescomplémentaires de la réa-
»
lité que M. Bohra été amenéà considérer dans son interpréta-
tiondes théoriesquantiques,faces complémentaires qui, en un
certainsens, se complètent en s'opposant.On comprendaussi
que la notiond'énergiepotentielle, dont l'aspectmystérieux a
souventparul'un des scandalesde la Physique,traduit, en réa-
lité,sous une formeprofonde, bienque peut-être maladroite, la
coexistenceet la limitationréciproquede l'individualité et de
dansle mondephysique.
l'interaction

Si, maintenant, quittantle terrainde la Physiquepréquantique


et des Mécaniquesanciennes,nous passonsà la Physiquequan-
tiqueet à la Mécaniqueondulatoire, la questionde l'individualité
des particulesélémentaires va nous y apparaîtrecommesoule-
vant des problèmesplus difficiles encoreet se rattachant à des
phénomènes toutà faitinattendus.
Mêmequandellese borneà considérer le mouvement d'unseul
corpuscule, la Mécanique ondulatoire a été amenée à introduire
des idées toutà faitnouvelles.Elle considère,en effet, qu'on ne
en
peutplus généralassigner à un corpuscule positionbien
une
déterminée dans l'espace chaque instant.Mis à partquelques
à
cas exceptionnels de probabilitéévanouissante, il existepourla
nouvelleMécaniquetouteune régionétenduede l'espace où le
corpusculepeutse trouver,c'est-à-dire où il peutmanifester sa
présencepar une action locale à l'instant considéré. Cette région
de l'espaceest celle où l'onde,que les conceptions de la Méca-
niqueondulatoire associentau corpuscule,a uneamplitudediffé-

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rentede zéro.La localisationimparfaite des corpusculesà chaque


instantne permetplus de leurattribuer constamment une vitesse
biendéfinie, ni, par suite,une énergieetune quantitéde mouve-
mentbiendéterminées par les formules classiquesqui relientces
grandeurs à la vitesse. Elle s'oppose aussi à ce que Tonpuisse
représenter par une trajectoire, c'est-à-dire par une courbecon-
tinue,la suite des positionsd'uncorpusculeau coursdu temps.
Le déterminisme des mouvements, tel qu'il étaitconçuen Méca-
nique classique, s'en trouve diminué, et les incertitudes d'Hei-
senberg, où la constante de Planck joue un rôle essentiel,en
en
marquent quelque sorte les limites.
L'impossibilitéde localiserconstamment avec exactitudeles
entitésphysiquesélémentairesentraînedes conséquencestrès
gravesquand on veut,en Mécaniqueondulatoire, traiterle cas
d'un systèmede corpusculesen interaction. En effet,en Méca-
nique rationnelleclassique,on pouvaitconsidérer à chaqueins-
tantla figureforméepar l'ensembledes pointsmatérielsd'un
systèmeet exprimerle mouvementde ces points en tenant
comptedes interactions, par hypothèsefonctionsde leursdis-
tances,qu'ils exerçaient entre eux. En Mécaniqueondulatoire,
les chosesse présentent beaucoupmoinssimplement, parceque
l'onne peutplus parlerde la figuregéométrique forméeà chaque
instantpar l'ensembledes corpusculesdu système, ces corpus-
cules ayant une certaine probabiliténon nulle de localisation
dans touteune régionétenduede l'espace.Il est dès lorsimpos-
siblede considérerle mouvement instantanéde l'un des corpus-
cules sous l'action des forcesémanantdes autres. Gomment,
d'ailleurs,pourrait-onexprimerles forcesd'interaction par des
fonctions des distancesentreles corpuscules,puisque ces cor-
pusculesne sontpas localisés?
La Mécaniqueondulatoireest néanmoinsparvenueà surmon-
terces difficultés et à traiter,d'unemanièrequi donnedes résul-
tatsentièrement satisfaisants en pratique,les problèmes concer-
nantles systèmesde corpusculesen interaction. Mais,pource
faire,elle a dû employer une méthodeassez étrangedontle véri-
table sens ne nous paraîtpas encoreaujourd'huibienéclairci:
elle associe au mouvementdu systèmeentierla propagation
d'une onde dans un espace abstrait,dit « espace de configura-
tion», dontle nombrede dimensions est égal à celui des degrés

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de libertédu système,c'est-à-dire, par exemple,à 3 N pour un


système formé de N corpusculessusceptiblesde se mouvoir
librement. Cetespace de configuration, dontle nombrede dimen-
sionsgénéralement supérieurà 3 varieavec le nombredes cons-
tituantsdu système,est visiblement une conception abstraiteet
il est assez surprenant qu'il forme le cadre nécessaire de notre
représentation du
physique système. Il n'estcependantpas dou-
teuxque les méthodes de la Mécaniqueondulatoire des systèmes
réussissentet conduisent pratiquement à des prévisionsexactes.
Sans vouloirdiscuterici dans touteson ampleurla question
de l'emploide l'espace de configuration en Mécaniqueondula-
toiredes systèmes, nous devonscependant faireune remarque:
cet emploin'est renduvéritablement inévitableque par l'exis-
tencede l'interaction. Considérons, en effet, un ensemblede N
corpusculesqui n'exercent entre eux aucune interaction. On peut,
évidemment, en les envisageanttous à la fois,les considérer
commeformant un systèmemécaniqueet nousdevonsalorsétu-
dierl'ondede ce systèmedansson espace de configuration. Mais
les corpusculesétantsansactionsmutuelles, et,parsuite,s'igno-
rant,si l'on peutdire,les unsles autres,il nousest aussi certai-
nementloisiblede les considérer isolément, et alorsnousdevrons
étudierles ondes individuelles de chaque corpusculedans l'es-
pace ordinaire.Les deuxmanièresde traiterle problèmedevant
évidemment conduireaux mêmesrésultats,il doitêtrepossible,
dansce cas particulier, de passerde l'espace de configuration à
l'espace ordinaire. Il en est tout autrement si l'on considèreun
ensemblede corpusculesexerçantentreeux des interactions :
alorsil faudranécessairement considérer l'ondeassociéeau sys-
tèmeentierdansl'espacede configuration et il ne sera plusper-
mis d'attribuer à chaquecorpusculeune ondeindividuelle. Tout
retourà l'espace ordinairesera donc impossibles'il existedes
interactions. Or, quelle est la différence des deux cas que nous
venonsd'envisager?C'est que, dans second,les corpuscules
le
étanten interaction, ontperduune fraction de leurindividualité
en mettanten communleur énergiepotentielle.C'est donc, en
définitive, le mystérieux « démembrement de l'individualité »,
impliquéparl'interaction, qui entraîne en Mécanique ondulatoire
des systèmesla considération nécessairede l'espace de configu-
ration; il estprobableque, si l'on parvenait à mieuxcomprendre

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l'une de ces deux énigmes,on comprendrait mieux l'autre.


Les difficultés que Ton rencontre dans l'interprétation phy-
sique des procédésmathématiques employéspar la Mécanique
ondulatoiredes systèmessonttrèsprobablement liés à l'insuffi-
sance de nos conceptionssur l'espace et sur le temps,car ces
conceptions,même amendées par la théorierelativiste,ne
paraissentpas permettre de décrireexactementles propriétés
des entitésélémentaires que nousappelons« corpuscules», ni les
liens d'interactions qui les unissent.Le défautde localisation
permanente corpusculesdans l'espaceest un premier
des aspect
de cetteinsuffisance ; l'emploiobligatoirede l'espace de confi-
gurationpourdécrirele résultatdes interactions en est un autre.
Il est d'ailleursbiendifficilede prévoiraujourd'huicomment on
pourra, si un jour on le peut, remplacer les notions tradition-
nellesd'espaceet de tempspourparvenirà une description plus
adéquatedes unitésélémentaires et de leursliensmutuels,d'au-
tantplus qu'il faudrabien toujoursrevenir,semble-t-il, à nos
conceptions ordinaires les
pourexprimer prévisions relatives aux
résultatspossiblesdes observations et des expériences.

On vientde voirquel problèmedifficile soulèventdu pointde


vue conceptuelles méthodesde la Mécaniqueondulatoiredes
systèmes,sans d'ailleursque cela empêcheces méthodesde se
développer au pointde vueformelet de
d'une façonsatisfaisante
conduireà des prévisionsbienvérifiées.Mais d'autrescomplica-
tions encore,que l'ancienneMécaniqueignoraitaussi totale-
ment,se présentent en Mécaniqueondulatoirequand on y con-
sidèredes systèmescontenant deuxou plusieursconstituants de
mêmenature.
pourquoila questiondes ensembles
Il est faciled'apercevoir
de corpusculesde mêmenaturedoit se présenter sous un autre
aspectqu'en Mécaniqueclassique. Nous avons vu, en effet,que
ce qui permeten Mécaniqueclassique d'attribueraux corpus-
culesde mêmenatureune individualité susceptibled'êtresuivie,
du moinsen principe,au coursdu temps,c'est la possibilitéde
déterminer à chaque instantla localisationexactedans l'espace

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de ces corpusculesjointeà l'hypothèse que deux d'entreeux ne


sauraientoccupersimultanément la mêmeplace. Les particules
de natureidentiqueont beau êtrecomplètement indiscernables
quantà leurspropriétés, leurlocalisation,parhypothèse toujours
différentedans l'espace, suffît à permettre de les distinguer. On
conçoit alors combien le problème devient plus délicat en Méca-
caniqueondulatoire, où il existe,en général,pourune particule
des régionsétenduesde localisationpossibleet où rien n'em-
pêcheles régionsde localisationpossibleafférentes à diverscor-
pusculesd'empiéter les unes sur les autres. Évidemment, si, pour
les différentscorpuscules d'un les
système, régions question en
n'ontà aucun momentde partiescommunes,on pourraencore
suivreleur individualité ; mais si, à un certaininstant,il y a
superposition, même très partielle,desditesrégions,il devient
impossible de suivred'une façoncertainel'individualité des cor-
puscules, un échange de rôles pouvant alors se produireentre
eux sans qu'on puisse aucunements'en apercevoirultérieure-
ment.Commele cas où il y a superposition, au moinspartielle
et momentanée, des régionsde présencepossibleest le cas géné-
ral en Mécaniqueondulatoiredes systèmes, commeil comprend
en particuliertous les problèmessi importants concernantles
étatssiationnaires des systèmesquantifiés (atomesou molécules,
par exemple), le formalisme général de la Mécaniqueondulatoire
doitêtredéveloppéde façonà ne préciseraucunementl'indivi-
dualitédes corpusculesde mêmenature,puisqu'onne peutpar
aucun moyensuivrecetteindividualité au coursdu temps.Sans
entrerici dans des détailstroptechniques,contentons-nous de
dire que ce but a été atteintpar l'emploiexclusifde fonctions
d'ondes,soit symétriques, soit antisymétriques, c'est-à-direde
fonctions d'ondesqui restentinvariablesou qui changentseule-
mentde signequand on y permutele rôle de deux corpuscules
de mêmenature.Cetemploiexclusifest d'ailleursrendulégitime
parcertainsthéorèmes générauxde la nouvelleMécanique.
La perte d'individualité des corpusculesde natureidentiqueen
Mécaniqueondulatoire est doncliée à l'impossibilité de localiser
en généraldans notrecadrede l'espaceles entitésphysiquesélé-
mentaires, c'est-à-dire
probablement à l'insuffisance ou à l'inexac-
titudede notrenotiond'espace. Quand nous parlonsde perte
d'individualité,nous ne voulonspas affirmer que les corpuscules

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n'aientplusd'individualité, mais simplement qu'on ne peutplus


suivre leur individualitéd'une façon certaine. Prenons um
exempleun peu trivial,mais qui parle à l'imagination.Soient
deux frèresjumeaux qui se ressemblenttellementqu'il est
impossiblede les distinguer. Tant que nouspouvonssuivrecha-
cunde ces deuxjumeauxau coursde leurspérégrinations, dans
une ville,par exemple,nous pourronssuivreleur individualité
parla continuité de notresurveillanceet il noussera possiblede
les désignerconstamment, l'un, par la lettreA, l'autre,par La
lettreB. Mais si les jumeauxentrenttous deux dans un édifice
où nous ne pouvonspas pénétrer,puis en ressortentFun et
l'autreau bout d'un certaintemps,nous ne sauronsplus com-
mentnousdevonsidentifier les deuxsortantsavec celuique nous
appelions A et avec celui que nous nommionsB. Et il est bien
évident,cependant,que notre incapacitéà suivrele fil de ces
deux individualités n'empêchepas nos jumeauxd'êtredes indi-
vidusautonomes.Toutefois,il fautici remarquerque la Phy-
siegue contemporaine a une certainetendanceà adopterune atti-
tudephénoméniste à considérer
et commede pseudo-problèmes
les problèmesqui ne peuventd'aucunefaçonêtretranchéspar
l'expérience. Si l'onadoptece pointde vue,la questionde savoir
si l'individualitédes particulespersistelorsqu'ellen'estpas sus-
ceptible d'être suivie doit être considéréecommeun pseudo-
problème.
Nous avons dit que la Mécaniqueondulatoiredes systèmes
avaitdû développerses formules de manièreà ne précisernulle-
mentl'individualité des corpusculesde mêmenature.Néanmoins,
en examinantla questionavec soin, on s'aperçoitqu'il y est
encorepossiblede faireles calculs en attribuant à chaqueparti-
cule uneindividualité susceptible d'êlre suivie dans les deuxcas
suivants: Io quand les particulessontsans interactionde telle
sortequ'il soitpermisde les considérerisolément ; 2° quand les
régionsde présencepossibledes particulesrestentconstamment
séparées.Pour qu'il soit vraiment nécessaire,dansun problème
de Mécaniqueondulatoire, d'exclureentièrement du formalisme
toutepossibilitéd'individualiser les corpuscules,il fautdonc
avoiraffaire à un ensemblede corpusculesde natureidentique,
exerçantentreeux des interactions et pouvantse trouver,au
moinsà un certainmoment,dans unemêmerégionde l'espace.

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Existencesimultanée pourdes particulesidentiquesd'uneinter-


action et d'un empiétement des régionsde présencepossible,
telleest la conditionpourqu'il y ait perted'individualité. Il y a
alors une sorte d'interaction particulièrement intenseapparte-
nantà un typequ'ignoraitcomplètement la Mécaniqueclassique.
Elle se traduitmathématiquement par l'apparition automatique
dansle formalisme de la Mécaniqueondulatoire des systèmesde
termesd'énergiemutuellen'ayantaucunanaloguedans les théo-
ries classiquesqu'on nommetermesd'énergied'échange. Ils
correspondent à l'existencepourles particulesidentiquesd'une
sortede possibilitéd'échangerleurs rôles au cours de l'union
intimequ'ellessubissentquand elles occupenten interagissant
une mêmerégionde l'espace.
Le processusde l'échange,bienque n'étantpas directement
observable,peutêtre cependantconsidéréen un certain sens
commeun faitphysique ; car l'existencede l'énergied'échange
donnelieu à de trèsimportants phénomènes observables.C'est
ainsi,on a pu le vérifier,que le chocde deuxparticulesde même
naturese fait,à cause de l'énergied'échange,suivantdes lois
toutà faitdistinctes de cellesqui régissentles chocsentreparti-
culesde naturedifférente. D'ailleurs,la si belleet si instructive
théoriede la formationdes molécules homopolaires,due à
MM.Heitleret London,qui a la premièrefourniune interpréta-
tionsatisfaisante de la notionde valencechimiqueetdu phéno-
mène de la saturationdes valences,s'appuie entièrement sur
l'existencedes énergiesd'échangeet,parsuite,l'onpeutdireque
presquetousles faitsde la Chimiesontdes manifestations de
cetteexistence.Le rôlefondamental de l'énergied'échangedans
la natureest donc aujourd'huiindéniable,bien que sa significa-
tionprofonde soitencoreassez obscure.

La Mécaniqueondulatoiretraduit,nous l'avons vu, la perte


des particulessemblablesen n'admettant
d'individualité comme
fonctionsd'onde que des fonctionssymétriques ou antisymé-
triques.L'expériencea de plus montréque certainessortesde
particulesont toujoursdes fonctionsd'onde symétriqueset
d'autresdes fonctions
antisymétriques, on
faitqui estcompatible,

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L. DE BROGLIE. - INDIVIDUALITÉ ET INTERACTION. 365

le démontre, avec les lois généralesde la nouvelleMécanique,


sansêtred'ailleursimposépar elles. Les systèmes formésde cor-
pusculesélémentaires, et
telsque protons électrons, onttoujours
des fonctionsd'onde antisymétriques. Il en est de même des
systèmes formés de particulescomplexesquand ellessontelles-
mêmesconstituées parunnombreimpairde corpusculesélémen-
taires, tandisque les systèmesformésde particulescomplexes
contenantun nombrepair de constituants élémentaires (parti-
culesa, par exemple)ontdes fonctions d'ondesymétriques. Ces
des
propriétés particulescomplexespeuvent d'ailleurss'expliquer
aisémentsi l'on admetcommepostulatle caractèreantisymé-
triquedes fonctions d'ondepourles corpusculesélémentaires.
Les particulesà fonctionsd'ondeantisymétriques, et notam-
mentles électrons,possèdentla très curieuse propriétésui-
vante: deuxd'entreelles ne peuventjamais avoirexactement le
même état de mouvement. Si l'une de ces particulespossèdeun
certainétatde mouvement (caractérisépar un vecteur« quantité
de mouvement » bien défini), la possibilitépourune autreparti-
culede mêmenaturedu systèmed'avoirle mêmeétatde mouve-
mentse trouvepar là mêmeexclue: d'où le nom « de principe
d'exclusion» donnéà l'énoncéde ce faitsingulier.C'estM. Pauli
qui, le premier, a formuléle principed'exclusiondansle cas des
électronsoù son énoncémathématique précisfaitd'ailleursinter-
venirla considération de la propriété internede l'électrondési-
gnéesous le nomde spin.
La perte d'individualitédes particulesde mêmeespèce en
Mécaniqueondulatoirea conduità renouvelerentièrement les
méthodesde la Mécaniquestatistique.Tandis que la méthode
classiquede Boltzmannet Gibbs comptaitle nombredes com-
plexionsélémentaires, dontun ensemblede particulessemblables
étaitsusceptible, en attribuant à chacuned'ellesuneindividualité
reconnaissable,les statistiquesquantiques actuelles font ce
dénombrement en admettantl'indiscernabilité des particules.
Mais,ayant admis ce principegénéral, elles sont encoreobligées
de procéder différemment suivantqu'il s'agitde particulesà fonc-
tionsd'ondeantisymétriques ou symétriques, c'est-à-dire de par-
ticulessoumisesou nonsoumisesau principed'exclusion.La loi
de répartitiondes énergiesentreles particulesdansun ensemble
statistique, qui remplacela loi classique de Maxwell-Boltz-
loi

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366 REVUE DE MÉTAPIIYSIQUE ET DE MORALE.

mann,prendalorsdans chacunde ces deuxcas une formediffé-


rente.Si le principed'exclusionest valable, on obtientla loi
statistique ditede Fermi-Dirac;dans le cas contraire, la loista-
tistiquede Bose-Einstein. Dans beaucoupde cas usuels,pourles
gaz dans les conditions ordinaires, parexemple,la différence entre
ces lois et la loi classiqueest si faiblequ'il est impossible de la
mettre directement en évidence. Mais la loi de Bose-Einstein se
vérifie il
dansle cas des photonspour lesquels n'ya pas de prin-
ciped'exclusion, car elleconduitalorsà la loi bienconnueet bien
vérifiée de Planckpourla composition spectraledu rayonnement
noir.Quantà la loi de Fermi-Dirac, elle a pu êtresoumiseà une
vérification indirecte,m-iistrèsprobante,dans le cas des élec-
tronslibresde conductibilité dansles métaux(Sommerfeld).
Sans entrerdans le détailde tousces développements, mon-
tronscombienle principed'exclusion,traduitpar la statistique
de Fermi-Dirac, conduità des conséquencesqui paraissentau
premier abordtoutà faitparadoxales.Envisageons,en effet, un
gaz formé de particules obéissant au principe d'exclusion et
enfermé dans un récipient de trèsgrandesdimensions.Avec les
idées classiques,il est toutà faitinconcevableque, si une parti-
culesituéeà l'unedes extrémités du récipient possèdeun certain
état de mouvement, elle puisse empêcherune autre particule
situéeà l'autreextrémité du récipient, donc à une trèsgrande
distance, d'avoir le même état de mouvement. En Mécanique
ondulatoire, on peutéludercettedifficulté s'appuyantsurles
en
relationsd'incertitude d'Heisenberg: si, en effet,l'on suppose
exactement connule mouvement d'une particule,les relations
d'incertitude nousapprennent que la positionde cetteparticule
est alors nécessairement à faitindéterminée,
tout c'est-à-dire
qu'elle peut manifester sa présencen'importeoù dans le réci-
pient;autrement dit,sa régionde présencepossibleremplittout
le récipient. lors, on ne peut pas dire que deux particules,
Dès
dont on suppose les états de mouvement exactementconnus,
sont éloignéesl'une de l'autre : on peut toutaussi bien dire
en
qu'elles sonten contactpuisqu'ellesoccupenttoutesdeux,
quelquesortepotentiellement, la totalitédu récipient. Cetargu-
ment subtil nous montre clairement que l'exclusion au sens de
Pauli est étroitement liée à la non-localisation des unités phy-
siques dans l'espace. Son existence nous montre donc une fois

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L. DE BROGLIE. - INDIVIDUALITÉ ET INTERACTION. 367

de plus combiennos conceptions surl'espacesont


traditionnelles
sujettes à caution. On peut,d'ailleurs,envisager l'exclusionau
sensde Pauli commeune formenouvelle d'interaction spécifi-
quementquantique et différente de l'énergied'échange. En
dehorsde son intervention dans les statistiques
quantiques, cette
interaction d'un typenouveaujoue un rôle essentieldans beau-
coup de phénomènes et se traduità l'échellemacroscopique par
des faitsobservablesd'une importance capitale: toutela diver-
sitéde structuredes atomeset la différence de leurs propriétés
et
physiques chimiquess'expliquent, en dernière analyse,par
l'existencede l'exclusionde Pauli, et M. Heisenberga mêmepu
lui rattacherles propriétésmagnétiquessi remarquablesdes
corpsditsferromagnétiques. L'existencede l'exclusionest donc
à la foiscertaineet fondamentale, maissa véritablesignification
nous resteencorebiencachée.

**

En résumé,il existeune certaineantinomieentrel'idée d'indi-


vidualitéautonomeet celle de systèmeoù toutes les parties
agissentles unes sur les autres. La réalité,dans tous ses
domaines,paraîtêtreintermédiaire entreces deux idéalisations
extrêmes et,pourla représenter, il nous fautchercherà établir
entreellesune sortede compromis. La Physiquen'a pas échappé
à cettenécessitéet, sous sa formeclassique,elle a tentéde réali-
serle compromis grâce à la notiond'énergiepotentielle d'inter-
actionentreparticules.Bienqu'à l'examiner de près,ce compro-
mis apparaissecommeassez bâtard,il a permiscependantde
représenterun grandnombrede faitsà l'échellemacroscopique
et a longtempsparu suffisant.La situations'est beaucoup
aggravéequand la Physiquequantique,étudiantles faits de
l'échellemicroscopique, s'estaperçueque les entitésélémentaires
ne pouvaientplus y êtreexactement localiséesdansl'espace.Ce
si au
fait, surprenant premierabord, entraînaitl'impossibilité
d'attribueraux particulesune individualitésusceptibled'être
constamment suivieet reconnue: nous avonsétudiéles compli-
cationsqui en résultaient. De plus,la possibilitépourplusieurs
corpusculesd'occuper simultanément, du moinsd'une manière
potentielle,une même de
région l'espace,provoquel'apparition

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368 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

de formes nouvellesd'interactions ignoréesde la Physiqueclas-


sique : Tinteractiond'échange et l'interaction d'exclusion.L'exis-
tencede ces interactions est aujoud'huiphysiquement certaine,
leur importanceassurémentcapitale,mais leur interprétation
encoretotalement obscure.En Physiquequantique,le compro-
misà réaliserentrel'individualité et l'interaction
apparaîtdonc
commebien plus difficile encoreà concevoirqu'en Physique
classique : il doit rendrecomptede faitscomplexeset surpre-
nantspournos habitudesde penséeet il ne pourracertainement
pas être développédans le cadre de nos idées anciennessur
l'espace. En dehorsdes questionsde formalisme mathématique
qui sontdéjà en partieréglées,il y a là de difficiles problèmes
d'interprétation dont la solution demandera encore de longs
efforts à ceux dont le principalsouci estde comprendre, dans
toute la mesure du possible,la nature du monde physique.
Louis db Broglie.

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