ETUDES TRADITIONNELLES
51° Année Mars 1950 No 98a
SUR LE ROLE DU GURU
Nee etegen oe cnt aree oation te
constater chez certains, au sujet du r6le du Guru (1),
des méprises et des exagérations ‘elles que nous nous
yoyons obligé de revenir encore sur cette question pour
mettre quelque peu les choses au point, Nous serions
Presque tenté, en présence de certaines affirmations, de
regretter d'avoir insisté nous-méme sur ce réle autant que
nous I’avons fait en maintes circonstances ; il est vrai que
beaucoup ont tendance & en amoindrir I’importance, sinon
méme & la méconnaftre entitrement, et c'est 18 ce quit jus~
tifiait notre insistances mais c'est d’erreurs dans le sens
opposé & celui-IA qu'il s’agit cette fois
Ainsi, il en est qui vont jusqu’é prétendre que nul ne
pourra jamais atteindre la Délivrance s'il n'a un Guru, et,
naturellement, ils entendent par 18 un‘Guru humain; nous
ferons remarquer tout d’abord que ceux-la feraient as:
rément beaucoup mieux de se préoccuper de choses moins
loignées d'eux que Ie but ultime de la réalisation spirituelle,
et de se contenter d’envisager Ia question en ce qui con-
cerne les premitres étapes de celle-ci, qui sont d'ailleurs,
cn fait, celles pour lesquelles Ia présence d’un Guru peut
1. Blan que ce terme appartionne proprem
nous entendrons tot
A Ia Tradition hindoue,
ge, un Maltre spiritual
‘eaditfonnelle dont il
1a, pour almpliger le
al, quelle
450 STUDES TRADITIONNELLES
apparaitre commie pls particulitrement nécessaire. Il ne
faut pas oublier, en effet : que le Guru humain n'est en
réalité, comme nous l'avons déjA dit en une autre occa-
sion (1), qu'une représentation extérieure et comme un
« substitut » du veritable Guru intérieur, de sorte que sa
nécessité n'est due qu’A ce que W'initié, tant qu’il n'est pas
parvenu & un certain degré de développement spirituel, est
encore incapable d’entrer directement en communication
consciente avec celui-ci. C'est 1a, en tout cas, ce qui limite
aux premiers stades cette nécessité de I'aide d'un Guru
hhumain, et nous disons les premiers stades parce qu'il va
de soi que la communication dont il s'agit devient possible
pour un tre bien avant qu'il ne soit sur le point d’at-
teindre Ja Délivrance. Maintenant, en tenant compte de
cette restriction, peut-on considérer cette nécessité comme
absolue, ou, en d’autces termes, la présence du Guru
‘hhumain est-clle, dans tous Jes cas, rigoureusement indis-
pensable au début de la téalisation, c'est-i-dire, sinon
pour conférer une initiation valable, ce qui serait par trop
évidemment absurde, du moins pour rendre elfective une
initiation qui, sans cette condition, demeurerait toujours
simplement virtuelle ? Si important que soit réellement le
réle du Guru, et ce n’est certes pas nous qui)songerons &
Te contester, nous sommes bien obligé de dire qu'une telle
assertion est tout a fait fausse, et cela pour plusienrs rai-
sons, dont la premidre est, qu'il y a des cas exeeptionnels
détres chez lesquels une transmission initiatique pure et
simple suffit, sans qu'un Guru ait & intervenir en quoi que
ce soit, pour « réveiller » immédiatement des acquisitions
spirituelies obtenues dans d'autres états d’existence (2);
si rares que soient ces cas, ils prottvent tout au moins
qu'il ne saurait en aucune fagon s'agir d'une nécessité de
principe. Mais il y a autre chose qui est beaucoup plus
{. Voir Gurasat upagura, dans te w do janvier-térstar 1948
2 Gures poiat, vole Sagesteinnde et sagaste cequise, dans le 2° de {aa
iertevner 190.
SUR 18 ROLE DU GURY sr
important & considérer ici, puisqu’il ne s'agit pius en cela
de faits exceptionnels dont on pourrait dire avec raison
qu'il n'y a pas lieu de tenir compte peatiqnement, maix
bbien de voices parfaitement normales : c’est qu'il existe des
formes d’initiation qui, par leur constitution meme, néimn-
pliquent aucunement que quelqu’un doive y remplir ta
fonction d'un Guru au sens propre de ce mot, e:, comme
nous l'avons expliqué ailleurs (1), ce cas est surout celui
de certaines formes dans lesquelles le travail collectif tient
tune place prépondérante, le role du Guru étant joué alors,
on pas par un individu humain, mais par une influence
spirituelle effectivement présente au cours de ce travail (2).
Sans doute, il y a la un certain désavantage, en ce sens
qu'une telle voie est évidemment moins sOre et plus diff-
cile A suivre que celle of Vinitié bénéficie du contrdle cons
tant d'un Mattre spirituel; mais c'est 14 une tout autre
question, et ce qui importe au point de vue ob nous nous
plagons présentement, c'est que existence méme de ces
formes initiatiques, qui se proposent nécessairement le
méme but que les autres, et qui par conséquent doivent
mettre hla disposition de feurs adhérents des moyens
suffisants pour y parvenir dés tors qu'ils sont plinement
qualifiés, prouve amplement que la présence d’un Guru ne
saurait tre regardée comme constituant une condition in-
dispensable dans tous les cas. Il est d’ailleurs bien entendu
que, qu'il y ait ou non un Gur# humain, le Guru intéricur
3. Voir Travail intitigue collectf et *
ap KOM raat lntltique colecif a * présence, spirits, dans Vo ne
romarquer a cet égard
fa nr one ura ex
toujonra atriowrmead va Riepensable en fait: ta
erties Tbe, $urtivt Sune on conditions aotiel
ar Gin véstuhle NhgRA oupable de jouer’
‘plein, nin saafeionn par der Hiotafa
ue de trantetor ‘bblement Yintinence inten est pas mel
‘Yral du tered =p 6 lon! 1a barahah cu Ad atkhYoncateur dele Tere
ah pou trt bias, tut as soins pour des inaiviausce pareniaremeat
Blea dander. vera de ce ile ratachorent kia epee &
{ait comparable tela que noce'venots de uppelor. nn te (omtk52 ETUDES TRADITIONNELLES
est toujours présent, puisqu’il ne fait qu'un avec te « Soi »
lui-méme; que, pour se manifester & ceux gui ne peuvent
pas encore en avoir une conscience immédiate, il prenne
pour support un @tre humain ou une influence spirituelle
« non-incarnée », ce n'est Ja en somme qu'une différence
de modalités qui n’affecte en rien Pessenticl.
Nous avons dit tout & Itheure que le rble du Guru, IA ot
il existe,, est surtout important ax début de initiation
effective, ct cela peut méme paraitre tout & fait évident,
car il est natucel qu'un initié ait d’autant plus besoin d’étre
guidé qu'il est moins avancé dans la voie; cette remarque
contient déja implicitement la réfutation d'une autre erreur
que nous avons constatée, et qui consiste A prétendre qu'il
ne peut y avoir de viritable Guru que eclui qui est dé
parvenu au terme de la réalisation spirituelle, c’est-&-dire
‘Ala Déliveance. S'il en était vraiment ainsi, ce serait plutbt
décourageant pour ceux qui cherchent A obtenir l'aide
d'un Guru, car il est bien clair que les chances qu'ils au-
raient d’en rencontrer un seraient alors extrémement res-
treinics; mais, en réalité, pour que quelqu’un puisse jouer
efficacement ce réle de Guru au commencement, il suffit
qu'il soit capable de conduire son disciple jusqu’a un cer
tain degré d’initiation effective, ce qui est possible méme
s'il n'a pas été lui-méme plus loin que ce degré (1). C’est
pourquoi l'ambition d'un yrai Guru, si l'on peut dire, doit
étre surtout de mettre son disciple en état de se passer de
Tui le plus t6t possible, soit en I'adressant, quand il ne
peut plus le conduire plus loin, A un autre Guru ayant une
compétence plus éiendue que la sienne propre (2), soit, s'il
|. Cette oxpacits suppose stilaurs,oxtre Ie développement spiritual
corresponsant i poreasion ees degch eertsines quaitée species, de
ine que, paral cous qal posssdent lee mimes couaaiemnnces. dane tn
‘rds quelcoaqus, tous we sont pas galoment apics A tes eoceiguet A
Gates.
2. 11 doit tre bien entendu que ce changement ne peut jarosie s'opérer
régulldremont et J6pitmement quavee Veutorieallon Gu premier Gura, et
eiple, qu peut
‘ace! a tel 08
AL ne le
SUR IE ROLE DU GURU 53
fen est capable, en I’amenant au point of s'établira la
communication consciente et direete avec le Guru intérieur ;
et, dans ce dernier cas, cela est tout aussi vrai si le Guru
humain est véritablement un jivan-mukta que s'il ne pos-
stde qu'un moindre degré de réalisation spirituelle,
‘Nous n’en avons pas encore fini avec toutes les concep-
tions erronées-qui ont cours dans certains milieux, et parmi
esquelles il en est une qui nous paratt particulitrement
dangereuse : il est des gens qui s'imaginent qu’ils peuv
se considérer comme rattachés & telle forme traditionnelle
par Je seul fait que c'est celle & laquelle appartient leur
Guru, ou du moins celui qu’ils se croient autorisés A re-
garder comme tel, et sans qu’ils aient pour cela & rien
faire d’autre ni & aecomplir quelque rite que ce soit, TL
devrait étre bien évident que ce prétendu rattachenent ne
saurait aucunement avoir une valeur effective, qu’il n'a
méme pas la moindre réalité; il serait vraiment tro> facile
de se rattacher & une tradition sans autres conditions que
celle-la, et on ne peut voir JA que Veffet d'une méconnais-
sance compléte de la nécessité de la pratique d’un exoté-
risme, qui, dans le cas d’unc initiation relevant d'une tra-
dition déterminée et non exclusivement ésotérique, ne peut
naturellement étre que celui de cette méme tradition (1).
Ceux qui pensent ainsi se croient sans doute déja passés
au dela de toutes les formes, mais leur erreur nen est
encore que plus grande, car le besoin méme qu'ils éprou-
vent de recourir un Guru est une preuve suffisante qu'ils
f'en sont pas encore 1d (2); que le Guru lui-méme y soit
agement pout sore avcie parole
iMérene, of tire 42 sonetact hoe que ie Gara tomes
ue le dlecine du fait de Sertalnnepartcuanica de sa euters eainaeet
Pate ste gleé pl eticncemenr pur quslewan eure.
1, Vote Ncetsi¢ de fesotertme trad tonnl. arn x do GScembre 187
— Nour prenone Sete mot axa lon pie large,
our dere ‘ovalodistinetomeatset
‘cont ermal tnécesoire Ge tontsaiiationcarressendente
2 ily a min ‘choae de sonradietoire, nr, vis avilet pu
ilesentarcver ce polnt evant avoir an Cur cs serie areata
1a malleus preave que elaiel wont pee ndloponsabie ears We
firmont axe par.“ STUDES TRADTIFONNGLEES
Parver ov n06, ctia ne change rien én ce qui concerne les
disciples ct me les regarde méme cm aucune facon. Ce q
est le plus étonnant, il faut bien le dire, c'est qu'il puisse
‘se trouver un Guru qui aecepte des disciples dans de sem-
blables conditions, et sans avoir préalablement rectifié chez
‘etix cette erreus ; cela seul serait méme de nature 4 causer
de séricux doutes sur Ja réalité de s& qualité spirituelle.
En effet, tout véritable Mattre spirituel doit nécessairement
@xercer sa fonction en conformité avec une tradition déter-
minée; quand il n’en est pas ainsi, c’est [A une des marques:
qui permettent le plus facilement de recoanaitre qu'on n’a
afiaire qu’k un faux Mattre spirituel, qui d’ailleurs, dans
certains ces, peut tres bien n’étre pas de mauvaise foi,
mais s'illusionner Iui-méme par ignorance des conditions
réelles de "initiation; nous nous sommes ¢éjA suffisam-
ment expliqué la-dessus pour qu'il ne soit pas utile d’y
insister davantage (1}, If importe d’ailleurs, car il faut
prévoir toutes les objections, de faire une distinction trés
nette entre ce cas et celui ot il peut arriver que, acciden-
tellement en quelque sorte, et en dehors de sa fonction
traditionnelle, un Mattre spirituel donne non seulement des
éclaircissements dordre doctrinal, ce qui ne saurait sou-
lever de difficulté, mais aussi certains conseils d'un carac-
tre plus pratique & des personnes n’appartenant pas &
4a propre tradition; il doit étre bien entendu qu'il n¢ peut
s'agir alors que de simples conseits, qui, tout comme
ceux qui pourraient venir de quefqu’un d’autre, tirent uni-
quement leur valeur des connaissances que celui qui les
donne posstde en tant qu’individy humain, et non pas en
tant que représentant d'une certaine tradition, et qui oe
sauraient aucunement mettre, vis-h-vis de lui, celui qui les
regoit dans fa situation d’un disciple au sens initiatique de
ce mot. Cela n’a évidemment rien de commun avec la pré-
tention de conférer une
ation & des gens qui ne rem
1. Voir Vrain a fous instructenrs spirituele dane
ede mars 1948,
SUR LE ROLE DU GURU 55
plissent pas Jes conditions voulues pour 1a recevoir vala-
blement, conditions parmi lesquelles figure toujours néoes-
sairement le rattachement régulier et effectif & la tradition
& laquelle appartient 1a forine initiatique envisagée, avec
toutes les observances rituelles qui y sont impliquées essen-
tiellement; et il faut dire nettement que, faute de ce rat-
tachement, la relation qui unit les soi-disant
leur Guru n'est elle-méme, en tant que lien initiatique,
qu'une illusion pure et simple.
Rent Gutxon.LIENS ET NGEUDS
ovs avons déji parlé & maintes reprises du symbolisme
duffil, qui présente de multiples aspects, mais dont la
signification essentielle ct proprement. métaphysique est
toujours la représentation du sitrdtmé qui, tant au point
de vue macrocosmique qu’au point de vue microcosmique,
relic tous les états d'existence entre eux et A leur Principe.
Peu importe d’ailleurs que, dans les différentes figurations
auxquelles ce symbolisme donne lieu, il s'agisse d'un fil &
proprement parler, d'une corde ou d’une chaine, ou dun
tracé graphique comme coux que nous avons signalés pré-
cédemment (1), ou encore d'un chemin réalisé par des pro-
cédés architecturaux comme dans le cas des labyrinthes (2),
chemin dont un étre est astreint & suivre le parcours d'un
bout & l'autre pour parvenir & son but; ce qui est Vessen-
tiel dans tous les cas, c’est qu'on ait toujours affaire 4 une
ligne ne présentant aucune solution de continuité, Le tracé
de cette ligne peut aussi ¢tre plus ou moins compliqué, ce
gui correspond habituellement & des modalités ou & des
applications plus particulitres de son symbolisme général :
ainsi, le fl ou son équivalent peut se replier sur !ui-méme
de fagon & former des entrelacs ou des noeuds; et, dans la
structure de l'ensemble, chacun de ces nauds représente
le point oit agissent les forces déterminant la condensa-
tion et la cohésion d'un « agrégat » qui correspond & tel
ou tel état de manifestation, de sorte qu'on pourrait dire
que c'est ce noeud qui maintient I'étre dans I’état envisagé
et que sa solution entratne immédiatement la mort & cet
1, Yotr Bneadramente of labyrinther, dans li
2. Vole La caverne ef le labyrinthe, dans
18H,
S'ootobre-novembre 1947.
nm d'octobre et novembre84 Erupes TRADITIONNELLES
état; c'est ce qu'exprime dailleurs tr#s nettement un
terme comme celui de «nozud vital ». Naturellement, le
fait que les noeuds se rapportant & des élats différents
figurent tous & la fois et d'une facon permanente dans Je
tracé symbolique ne doit pas étre regardé comme une ob-
jection & ce que nous venons de dire, car, outre qu’il est
évidemment imposé par les conditions techniques de la
figuration elfe-méme, il répond en réalité au point de vue
ois tous les états sont envisagés en simultanéité, point de
vue qui est toujours plus principicl que celui de Ia succes-
sion. Nous ferons remarquer, k ce propos, que, dans le
symbolisme du tissage que nous avons étudié ailleurs (1),
les points de croisement des fils de la chaine et de ceux de
Ja trame, par lesquels est formé Io tissu tout entier, ont
aussi une signification similaire, ces fils tant en quelque
sorte les « lignes de force » qui définissent Ia structure du
Cosmos.
Dans un article récent (2), M. Mircea Eliade a parlé de
«ambivalence » du symbolism des liens ct des nceuds,
et cest 14 un point qui mérite d'éire examiné avec quelque
attention; on peut naturellement y voir un cas particulier
du double sens qui est trés_ginéralement inhérent aux
symboles, mais encore faut-il se rendre compte de ce qui
en justifie Pexistence en ce qui concerne plus précisément
ceux dont il s‘agit ici (3). Tout d'abord, il y a Tew de re-
marquer & cet égard qu'un lien ‘peut étre concu comme ce
4, Vole Le Symbotisme de la Crots, eb. XI,
2. Le* dion tleur » le syrmbolieme des notuds, dan ls Revue de PHit-
Jtaize des Religions.'x0 do julllot-décerabre 1048 (voir notes compte Fendt
dana le n# de julllet-a0dt 1946).
3. Nous signalerans acsessoirment que, dins les spplieatioas rituelles
et plas spsotaioment “magiques , hee doula sens correspond un esdge
vénsique . o1 * malétigue g, suiyaat les ous, dow Hens et dos umes
mais o@ qui nous intéroese ici est le priccipm de este ambivalence, en
ehors de toute application particuliére qui men est toujours quiune simple
derivation. M. \Jiado ad'uileurs insiné Iutcméme ayee raison eur Mosuth.
fsanee dns interpréiations * magiqnee , auxquelles gortains veulent 0 bi
her, par une ‘udeonaaissance eompiBte du soa profond des syimboles, qul,
‘comme ausst deus le oat des Intarprétations "sociologiques . enteaine ano
sorte de renversement dex rapports entre ig priacipe et ser applications
contlagenter,
ENS BT NOEUDS 85,
qui enchaine ou comme ce qui unit, et, méme dans le lan-
gage ordinaire, le mot a également ces deux significations ;
il y correspond, dans le symbolisme des liens, deux points
de vue qu'on pourrait dire inverses Yun de Pautre, et, si
fe plus immédiatement apparent de ces deux points de vue
est celui qui fait du lien une entrave, c'est qu'il est en
somme celui de Petre manifesié comme tel, en tant qu’il
s¢ regarde comme « attaché » & certaines conditions spé-
ciales d'existence et cumme enfermé par elles dans les li-
miles de son état contingent. A ce méme point de vue, le
sens du nceud est comme un renforcement de celui du lien
en général, puisque, comme nous te disions plus haut, le
nud représente plus proprement ce qui fixe Vétre dans
un état déterminé; et la portion du tien par laquelle il est
formé est, pourrait-on dire, tout cc que peut en voir cet
Gre tant qu'il est incapable de sortir des bornes de cet
Eat, la connexion que ce méme lien établit-avec les autres
Gaais lui échappant alors névessairement. L.'autre point de
Vue peut étre qualifié de yéritablement universel, car il est
celui qui embrasse la totalité des états, et il suffit, pour
Je comprendre, de se reporter 4 la notion du sittritmd : le
lien, envisagé alors dans toute son extension (1), est ce
qui les unit, non seulement entre eux, mais aussi, redi-
sons-le encore, a leur Principe méme, de sorte que, bien
Join d’étre encore une entrave, il devient au contraire le
Moyen par lequel Métre peut rejoindre effectivemnt son
Principe ot Ia voie méme qui le conduit & ce but. Dans ce
eas, le fil ou fa corde a une valeur proprement « axiale »,
€t ascension & une corde tendue verticalement peut, tout
comme ascension & un arbre ou & un mat, représenter Te
Processus de retour au Principe (2). D'autre part, la con-
1.11 eat Bien entendaque cet
‘extension doit etre consid érée comme nde
Aalesbien qu'ellene puisse jamais! Gtre onfuitlansunc figuration qoe'renqso
2. Creat IA, dans ["nde. In véritable signification dv ce que les voyagenre
ont appelé ie * Tour de Ia coms ..qnol quion puiste dallleurs peoner de
lul-of on tant que phinoméne plus ou moins agitiontiquement * magiauac,
ul ns évidemment avocne Importance quant & ron eavaciare symbor
Aique qui seul noua intéresse.86 ETUDES TRADITIONNELLES
nexion avec Je Pri
ipe par le strdtmd est illustrée d'une
facon particulitrement frappante par le jeu des marion-
neites (1) une marionnetie représente ict un etre indi
duel, et Vopérateur qui la fait mouvoir au moyen d'un
fil est Je « Soi »; sans ce fil, la marionnette demeurerait
inerte, de méme que, sans le siirdtmd, toute existence ne
serait qu'un pur néant, et, suivant une formule extréme-
orientale, « tous les étres seraient vides >.
Dans le premier méme des deux points de vue dont nous
venons de parler, ily a encore une certaine ambivalence
Wun autre ordre, qui tient & la différenee des facons dont
un Cire, suivant son degré spiritucl, peut apprécier état
dans lequel il se trouve, et que le langage rend assez bien
par les significations qu'il donne au mot « atlachement ».
En effet, si on éprouve de lattachement pour quelqu’un ou
pour quelque chose, on considére natutellement comme un
mal d’en ¢tre séparé, méme si cette séparation doit en réa~
lité enteainer Iaffranchissement de cerlaines limitations,
dans lesquelles on se trouve ainsi maintenu par cet atta-
chement méme. D'une facon plus générale, Mattachement
d'un atre & gon état, en méme temps qu'il empéche de se
libérer des entraves qui y sont inhérentes, Iui fait consi-
dérer comme un malheur de Je quitter, ou, en d'autres
termes, attribuer un caractére « maléfique » & la mort a
cet état, résultant de Ja rupture du « nceud vital » et de la
dissolution de agrégat qui constitue son individualité (2).
Seul, I'étre & qui un certain développement spirituel per-
met d'aspirer au contraire A dépasser les conditions de son
état peut les « réaliser » comme les entraves qu’elles sont
effectivement, ot le « détachement » qu’il éprouve dés lors
ind the * Pappet-come
imple rendu dane 10
‘aM eat A remarnver gine ait commanément que Ix mort est
nee Individveliey catte expression, Qu pat ai
ve du. théitre, ost Mitéralomont
LIENS ET Naps 87
& leur égard est déj2, au moins virtuellement, une rupture
de ces entraves, ou, si I’on préfére une autre fagon de par-
ler qui est peut-ttre plus exacte, car ill n'y a. jamais de
rupture au sens propre du mot, une transmutation de « ce
qui enchaine » en « ce qui unit », qui n’est autre chose au
fond que Ia reconnaissance ou la prise de conscience de Ia
veritable nature du sitraima.
René Guéxon.