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Cours : Fiscalité des revenus

Auteur : Arnaud De Bissy

Leçon n° 1 : Le domaine de l'Impôt sur le Revenu

Durée :

L’impôt sur le revenu (IR) frappe l’ensemble des revenus dont les contribuables personnes
physiques ont disposé au-cours d’une année civile. Héritier du « système Caillaux », qui reposait
sur la superposition des impôts cédulaires et de l’impôt général sur le revenu global, l’IR fût unifié
par la loi du 28 décembre 1959. Il s’agit d’un impôt progressif par tranches, à la différence de
l’impôt sur les sociétés (IS, créé par la loi du 9 décembre 1948) qui est perçu à un taux
proportionnel (même si, par exception, certains revenus des particuliers sont aussi soumis à un
taux proportionnel, telles que les plus-values mobilières ou immobilières).

En pratique l’IR est aujourd’hui alourdi des prélèvements sociaux additionnels : contribution sociale
généralisée (CSG), contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ou
prélèvement social et sa contribution additionnelle. L’institution de la CSG notamment, en 1990,
est à l’origine d’une vraie révolution fiscale ; en dépit d’une nature fiscale avérée (elle frappe
l’ensemble des revenus des personnes physiques), elle est affectée au budget de la sécurité
sociale. Par contre, en sens inverse, l’IR est diminué par les très nombreuses réductions d’impôt
ou crédits d’impôt, qui sont autant de « niches fiscales » dont peuvent bénéficier les contribuables
bien conseillés (même si elles sont plafonnées désormais).

Même s’il n’est pas, et de très loin, l’impôt le plus rentable pour l’Etat français (l’IS qui coûte moins
cher à mettre en œuvre rapporte autant, et la TVA trois fois plus …), l’IR est resté l’impôt de
référence du système fiscal français. Le code général des impôts (CGI) lui consacre ses 204
premiers articles. Pour son étude, on envisagera successivement son domaine d’application
(chapitre I), sont assiette (chapitre II), et enfin ses modalités (chapitre III).

L’IR est le seul impôt qui frappe l’enrichissement des ménages. Ceci explique que, sous réserve
d’exonérations, son domaine d’application ait été très largement conçu. On le vérifiera tant à
l’égard des personnes (Section 1) que des revenus (Section 2) qui y sont soumis.

Section 1. Les personnes imposables


L’IR frappe les revenus des personnes physiques exclusivement : particuliers, professionnels
exerçant en leur nom propre ou membres des sociétés fiscalement semi-transparentes.

Le code général des impôts prévoit une imposition par foyer fiscal (§1). Seuls les revenus des

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personnes physiques fiscalement domiciliées en France, ou à l’étranger mais percevant des
revenus d’origine française, sont imposables à l’impôt sur le revenu, ce qui invite dans l’un et
l’autre cas à envisager le contenu et les effets du domicile fiscal au regard de l’IR (§2).

§1. Le foyer fiscal


Cellule fiscale de base, le foyer fiscal n’est pourtant pas un « contribuable » à part entière puisque
l’impôt sur le revenu est établi au nom d’une ou de deux personnes physiques selon qu’il s’agit
d’un célibataire ou d’un couple marié.

La règle de l’imposition par foyer fiscal signifie seulement que ses membres doivent déclarer
ensemble l’intégralité de leurs revenus. La loi du 15 novembre 1999 créant le Pacte Civil de
Solidarité (PACS) permet aussi aux partenaires de déclarer en commun leurs revenus. Si, au
départ, l’imposition commune n’était possible qu’à compter de l’imposition des revenus de l’année
du troisième anniversaire de l’enregistrement du pacte, la loi de finances pour 2005 a supprimé ce
« délai probatoire ».

Composition du foyer fiscal - Sa composition dépend de la structure familiale. Il peut s’agir d’une
personne seule (célibataire, veuve ou divorcée), d’un couple marié ou de deux partenaires liés par
un PACS, et dans chacun des cas avec ou sans personnes à charge.

Sont considérées comme étant à charge au sens du code général des impôts :

• de plein droit : les enfants mineurs, sauf si le contribuable demande leur détachement dans la
mesure ou ils disposent de revenus propres,
• sur option : les enfants âgés de moins de 21 ans (sans condition) ou de moins de 25 ans (s’ils
poursuivent leurs études), ainsi que les enfants mariés (si l’un des époux est âgé de moins de
21 ans ou de moins de 25 ans s’il poursuit ses études).

Les époux peuvent demander à être imposés séparément :

• s’ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit,


• s’ils sont en instance de divorce ou de séparation de corps et sont autorisés à avoir des
résidences séparées,
• au cas d’abandon du domicile conjugal par l’un ou l’autre époux lorsque les deux époux
disposent de revenus personnels. Les partenaires d’un PACS sont aussi imposés séparément
lorsqu’ils sont dans des situations équivalentes.

Modifications du foyer fiscal - Les modifications essentielles concernent le mariage, le décès ou


le divorce en cours d’année. Pour chacune de ces hypothèses, l’année fiscale sera découpée en
deux périodes distinctes : une période d’imposition séparée et une période d’imposition commune.
Ainsi en cas de mariage, chacun des deux époux devra déclarer séparément les revenus dont il a
eu la disposition depuis le premier janvier jusqu’au jour de son mariage, ils feront ensuite une
déclaration commune pour les revenus perçus depuis ce jour jusqu’au 31 décembre. Ces règles
s’appliquent aussi aux partenaires d’un PACS.

§ 2. Le domicile fiscal
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Si le contribuable est fiscalement domicilié en France, il sera imposé à l’impôt sur le revenu
pour l’ensemble de ses revenus de source française et de source étrangère.

L’article 4 B-1 du CGI considère qu’est fiscalement domicilié en France le contribuable qui
remplit l’une des conditions suivantes :

• posséder en France son foyer ou son lieu de séjour principal (est présumée avoir son lieu de
séjour principal en France, toute personne qui y a résidé plus de 183 jours),
• exercer en France une activité professionnelle, salariée ou non (sauf à justifier qu’elle n’est
qu’accessoire),
• avoir en France le centre de ses intérêts économiques (lieu ou le contribuable a effectué ses
principaux investissements).

Les salariés détachés à l’étranger suivent un régime particulier (CGI art. 81 A). Alors même
qu’ils restent domiciliés en France, leurs revenus perçus en rémunération de leur activité à
l’étranger ne sont pas imposables à l’impôt français dès lors qu’ils peuvent justifier que l’impôt
payé à l’étranger est égal au moins aux deux tiers de l’impôt qu’ils auraient eu à supporter en
France. Si cette condition n’est pas remplie, l’exonération n’est accordée que si le détachement a
duré plus de 183 jours (120 jours s’agissant des activités de prospection commerciale) au cours
d’une période de 12 mois, et pour certaines activités seulement (chantiers de construction ou de
montages, installations d’ensembles industriels, prospections commerciales). Si aucune de ces
exonérations ne s’applique, le salarié sera imposé en France à concurrence seulement du montant
du salaire qu’il aurait perçu si son activité avait été exercée en France (cette exonération partielle
s’applique aussi aux suppléments de salaire versés à l’occasion de réunions périodiques à
l’étranger, internes au groupe de sociétés auquel appartient l’employeur, CE 18/03/2005, 2 arrêts,
« Reitz » et « Imbert », RJF 6/05, n°556).

Cas des salariés et de mandataires sociaux d’entreprises étrangères exerçant temporairement leur
activité en France. Afin d’inciter les cadres de sociétés étrangères à venir s’installer en France, il a
été décidé d’exonérer d’IR les suppléments de rémunération qu’ils perçoivent à cette occasion,
jusqu’au 31 décembre de la 5ème année suivant la prise de fonction, à condition qu’ils n’aient pas
été domiciliés en France au-cours des 5 années civiles précédentes et qu’ils fixent leur domicile
fiscal en France (CGI art. 81 B). Cette mesure s’applique aux personnes dont la prise de fonction
est intervenue à compter du 1er janvier 2004. Pour ceux qui prennent leur fonction à compter du
1er janvier 2008, un nouveau régime est prévu (L. 04/08/2008, LPF art. 81 C). Il est étendu aux
dirigeants et salariés directement recrutés à l’étranger par des entreprises françaises, ainsi que,
sur agrément préalable, aux personnes non-salariés apportant à la France une « contribution
économique exceptionnelle » ou « exerçant une activité spécifique » ou qui investissent une
somme excédant la limite de la première tranche de l’ISF dans le capital de PME de l’Union
européenne (+ Islande et Norvège). Ces personnes ne doivent pas avoir été domiciliées en France
au-cours des 5 années civiles précédant leur prise de fonction et elles doivent fixer leur domicile
fiscal en France à compter de leur prise de fonction. Elles sont exonérées d’IR jusqu’au 31
décembre de la 5ème année qui suit leur prise de fonction sur leurs revenus d’activités, à raison :
1/ des éléments de leur rémunération liés à leur activité en France (évalué, sur demande, à 30%
de la rémunération), 2/ de la fraction de la rémunération correspondant à leur activité à l’étranger
le cas échéant (non-cumulable avec l’avantage visée au § précédent). L’exonération fiscale porte
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également sur 50% des revenus « passifs » (dividendes, intérêts et redevances), et des
plus-values de cessions de valeurs mobilières et droits sociaux, en provenance de l’étranger.

Si le contribuable n’est pas domicilié en France, seuls les revenus d’origine française seront
imposables. Il s’agit principalement des revenus d’immeubles ou d’exploitations situés en France,
des revenus de capitaux mobiliers placés en France, ainsi que les revenus de tout travail (salarié
ou non) effectué sur le territoire national français (CGI art. 164 B).

Toutefois, le régime d’imposition de ces revenus présente les deux particularités suivantes :

1/ Le code général des impôts prévoit une base d’imposition minimale (CGI art. 164 C). Cette
dernière varie selon que le contribuable dispose ou non d’une résidence secondaire en France.

• Dans l’affirmative, la base fiscale ne peut être inférieure à trois fois sa valeur locative, sauf en
présence d’une convention internationale ou si le contribuable est français. En dépit d’une
jurisprudence contraire (CE 27/07/2005, « Cohen », Dr. Fisc. 2005, n°46, comm. 738), un
doute existe sur la conformité de cette disposition avec les principes de liberté
d’établissement et de circulation des capitaux (F. Dieu, Les dispositions de l’article 164 C du
CGI sont-elles contraires aux principes communautaires de liberté d’établissement et de
liberté de circulation des capitaux ? Le cas des ressortissants des Etats membres de la
Communauté résidant à Monaco, Dr. Fisc. 2006, n°16, p.839).
• Dans la négative, l’impôt dû ne peut être inférieur à 25% du revenu net imposable.

2/ Le code général des impôts prévoit des régimes dérogatoires pour certaines catégories de
revenus. Il s’agit pour l’essentiel de retenues à la source prélevées sur :

• Les dividendes de sociétés françaises distribués à des d’associés qui résident à l’étranger, au
taux de 25 % (CGI art. 119 bis).
• Les salaires ou pensions à un résident étranger, selon le barème suivant : 0% jusqu’à
14.034€, 12% de ce montant à 40.716€ et 20% au-delà (revenus 2010, CGI art. 182 A).
• Les rémunérations en contrepartie de prestations artistiques effectuées en France par des
personnes physiques ou morales n’y ayant pas d’installation permanente, au taux de 15%,
après application d’un abattement de 10% pour frais professionnel (CGI art. 182 A bis).
• Les autres prestations réalisées en France par des contribuables étrangers, au taux de 33
1/3% (15 % pour les artistes ou les sportifs, CGI art. 182 B).

• La personne qui s’est abstenue d’opérer les retenues à la source visées aux articles 182 A et

B est passible d’une amende égale au montant des retenues non effectuées (CGI art. 1768).

Sur les doutes quant à la compatibilité de la retenue à la source des articles 182 A et B du CGI
avec le droit communautaire, V. S. Austry, Jusqu’à quand les articles 182 A et 182 B du CGI
resteront-ils encore indemnes de l’épreuve du droit communautaire ? FR 39-08, n°16, p.35.

Lorsque les revenus de capitaux mobiliers, les profits immobiliers (plus-values immobilières ou
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profits immobiliers habituels), les revenus non-salariaux et les revenus d’artistes sont versés à
des contribuables qui résident sur le territoire d’un Etat non-coopératif au sens de l’article
238-0 A du CGI, le taux de la retenue à la source est uniformément porté à 50%.

Section 2. Les revenus imposables

La notion de « revenu » est assez discutée (§1). Elle suppose un rattachement à l’une des
catégories de revenus existantes grâce à la détermination de la nature du revenu en cause (§2).

§ 1. La notion de revenu

Définition des revenus - Il existe schématiquement deux définitions de la notion de « revenu ».


Selon une définition étroite, ou juridique, le revenu désigne « le fruit périodique d’une source
durable ». Selon une acception large, ou économique, le revenu se définit comme «
l’enrichissement d’un sujet économique au cours d’une période donnée ».

Alors que le code général des impôts tend à multiplier les impositions de profits qui ne sont pas
des revenus au sens civiliste du terme, la jurisprudence refuse l’imposition des gains en capital
réalisés à titre occasionnel par des particuliers dès lors qu’elle n’est pas prévue par ledit code.

• Bien que le code général des impôts n’ait pas adopté une position de principe quant à la
définition du revenu, certaines impositions traduisent une préférence assez nette du
législateur en faveur de la conception large du revenu. Il en est ainsi notamment depuis que
les plus-values réalisées par les particuliers sont imposables à l’IR (au taux proportionnel il
est vrai).

• La jurisprudence a quant à elle toujours refusé d’imposer à l’impôt sur le revenu les gains en
capital réalisés à titre occasionnel. Cela concerne notamment : les gains aux jeux de hasard,
les prix de toutes sortes et les dommages et intérêts versés en réparation d’un préjudice. Si
d’aventure les gains en capital deviennent une source habituelle et répétée de profit, la
qualification de revenu pourra éventuellement leur être conférée. Toutefois, la qualification de
revenu imposable qui découle de son caractère répété ne pourrait être retenue si l’intention
libérale de leur auteur était démontrée (ex : subsides versés à une personne dans le besoin).

Le cas des indemnités – L’indemnité qui a le caractère de dommages-intérêts ne constitue pas


un revenu imposable pour son créancier, sauf si elle vient compenser la perte d’un revenu ou si
elle rémunère une prestation particulière. C’est le cas d’une indemnité de non-concurrence qui
peut être imposée dans la catégorie des bénéfices commerciaux, non commerciaux ou des
traitements et salaires, en fonction du contrat qui liait les parties avant leur séparation (CE
17/10/2008, « Albert », RJF 1/09, n°30, pour une indemnité de non-concurrence versée à un
salarié ? imposable dans la catégorie des traitements et salaires).

Le cas des avantages en nature – Selon l’article 13, 1 du CGI : « Le bénéfice ou revenu imposable
est constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature,
sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et la conservation du revenu ». Sont

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principalement concernés les avantages en nature perçus par les salariés (nourriture, logement et
véhicule de fonction). Aujourd’hui, la règle est que ces avantages doivent être évalués comme en
matière de cotisations de sécurité sociale (L. Gayet, Avantages en nature : les plus qui valent le
coût, Les nouvelles fiscales n°978, 15 avril 2007, p.22).

§ 2. La nature des revenus

Typologie des revenus - Il faut encore préciser de quel revenu il s’agit, afin de le déclarer dans la
catégorie fiscale correspondante. On citera pour mémoire les 8 revenus catégoriels prévues par le
code général des impôts :

• les traitements et salaires,


• les rémunérations des gérants majoritaires de SARL (CGI, art. 62),
• les revenus fonciers,
• les revenus de capitaux mobiliers,
• les bénéfices industriels et commerciaux (BIC),
• les bénéfices non-commerciaux (BNC),
• les bénéfices agricoles,
• les plus-values des particuliers (même si celles-ci ne sont pas soumises au barème progressif
mais à un taux proportionnel).
Si aucune des catégories fiscale ne convient, le revenu doit être imposé au titre des BNC.

Difficultés de qualification – Elles concernent notamment les revenus des dirigeants de sociétés
; s’agit-il de revenus du travail, de revenus du capital ou d’une utilisation des bénéfices ? Par
détermination de la loi fiscale, les jetons de présence qui sont distribués aux membres des
conseils d’administration des SA doivent être déclarés au titre des revenus de capitaux mobiliers
(CGI art. 117 bis), les salaires des dirigeants de sociétés semi-transparentes doivent être
réintégrés dans les résultats pour y être imposés comme les bénéfices (CGI art. 8), alors que les
rémunérations des gérants majoritaires de SARL sont imposées dans une catégorie qui leur est
spécifique ; celle de « l’article 62 du CGI » (les rémunérations versées aux gérants minoritaires ou
égalitaires de SARL sont imposées comme des salaires).

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