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I

C,ANAD,\
PROVINCE DE QI] EBEC
DIS]'RICT DE MONTRÉ.{L
NO. 50rl-36-000601-966

COUR SUPÉRIEURE

Le 7 juin 1996

PRÉSENT: L,HONORABLE JUGE


PIERRE BÉLIVEAU, J.C.S.

SERCE MONTPLAISIR
Req uérant-accusé

c.

PROCUREUR CÉNERAL DU QUÉBEC


Intimé-pou rsuivant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


Mis en cause

et

L'HONORABLE IUGE CLAUDE


VAILLANCOURT
Mis en cause

et

(,.8. 30e1)
JUU-JO-I/\ -,!U I -7OO

TOUS LES IUGES DE LA COUR DU


QUÉBEC

Mis en cause

JUGEMENT SUR REQUÊTE EN PROHIBITION, CERTfORARI


ET POUR OBTENTION D'UN JUGEMENT DÉCLARATCIRE

LES PROCÉDURES

1. Le requérant fait actuellement l'objet de cinq accusations


différentes dans les dossiers suivants:

10 Dossier portant numéro 500-01-010527-940, ci-après le


dossier A, comportant une accusation, aux termes du
paragraphe 264(3)a) duCode criminel, de harcèlement
criminel survenu entre le 3 avril 1994 et le 20 juin
1994, pour laquelle le requérant est passible de cinq
ans d'emprisonnement.

20 Dossier portant numéro 500-01-019486-940, ci-après le


dossier B, comportant une accusation, aux termes de
l'alinéa 145(3)a) du Code criminel, de bris de
condition survenu le 28 septembre 1994, pour laquelle
le requérant est passible de six mois
d'emprisonnement.

30 Dossier portant numéro 500-01-0166'16-945, ci-après le


l'
dossier C, comportant une accusation, aux termes de
I'alinéa 145(3)b) du Code criminel, de bris de
condition survenu le 5 octobre 1994, pour laquelle le
requérant est passible de deux ans d'emprisonnement.
Ce dernier a choisi de subir son procès devant une
cour composée d'un juge et d'un jury.
rLlu- jô-rlLt_)ôU :-ybo

4" Dossier portant numéro 500-01-0197W9M, ci-après le


dossier D, comportant une accusatiorç aux termes de
I'alinéa 1a5(3)a) du Code crimmel, de bris de
condition survenu le 13 novembre 1994, pour laquelle
le requérant est passible de six mois
d'emprisonnement.

5' Dossier portant numéro 500-01-010261955, ci-après le


dossier E. comportant une accusaticn, aux termes de
I alinéa I -15(3)a) du Code crintrnel, de bris de
condition survenu le 1i mai 1995, pour laquelle le
requérant est passible de six mois d'emprisonnenrent.

2. Le requérant a été arrêté sans mandat et a comparu le 25 juin


1991 dans le dossier A. La victime dans cette affaire est une
dénommée Mireille Lachance, une dame de vingt ans avec
laquelle le requérant n'avait aucun lien antérieurement. À cette
même date, le requérant a été remis en liberté sous engagement.
assorti de conditions dont l'interdiction de communiquer avec
Mme Lachance ou de se trouver à la résidence de cette dernière.

3. Les quatre accusations de bris de condition (dossiers B, C, D


et E) découlent de contraventions alléguées aur conditions de Ia
remise en liberté de l'accusé dans Ie dossier A ou dans des dossiers
subséquents.

4. Le requérant est demeuré en liberté entre le 25 juin 1994 et le


ler septembre 1995. À cette dernière date, il a été arrêté en vertu
d'un mandat d'arrestation émis dans le dossier E.
I

5. Le 5 septembre 1995,l'honorable juge Gilbert Morier a rendu


une ordonnance de détention du requérant dans ces cinq dossiers.

6. Les 18 et 19 octobre 7995, le requérant a subi son procès dans


le dossier A devant l'honorable juge Gérard Girouard de la cour
du Québec. Il a été trouvé coupable.
5û0-36-000 601-966

7. À cette dernière date, Ie juge cirouard a ordonné un rapport


présentenciel et une évaluation psychiatrique du requérant et il a
reporté le prononcé de la sentence au 21décembre 1995.

8. Le 18 novembre 1995, le requérant en a appelé devant ra


Cour d appel du Québec de sa condamnation dans le dossier A, ci-
après le dossier d'appet l.

9. Le 2'1 no'embre 1995,I'intimé déposait à la cour d'appel du


Québec une requête en rejet d'appel dans le dossier I, présentable le
7 décembre 1995. À cette dernière date, l'audition en a été reportée
au 9 janvier 1996.

10. Le 27 décembre 1,995, suite au dépôt de l'évaruation


psychiatrique, le juge cirouard a rescindé son jugement dans le
dossier A et il a rendu un verdict déclarant le requérant inapte à
subir son procès. une ordonnance semblable a été rendue dans les
dossiers B, c, D et E. Le requérant est détenu depuis cette date à
I'lnstitut Pinel ou au Centre de détention parthenais.

11. Le 7 janvier 7996, le requérant a déposé un avis d,appet de


I'ordonnance rendue par le juge cirouard en date du 21 décembre
1995 le déclarant inapte à subir son procès dans les dossiers A, B, c,
D et E, ci-après I'appel dans le dossier II.

1?. Le 9 janvier 7996,Ia Cour d'appel du euébec, prenant acte de


la décision du juge Girouard en date du 21 décembre 1,995, a
accueilli la requête en rejet d'appel du verdict de culpabilité rendu
Ie 19 octobre 1995 et constatant la caducité de I'appel dans le dossier
l, I'a annulé. Lle requérant, qui jusqu'alors se représentait lui-
même, était représenté par le procureur qui l'assiste depuis.

13. Le 19 janvier 1996, le requérant a demandé, dans le dossier


d'appel II, I'autorisation d'en appeler de l'ordonnance rendue par
le ju8e Girouard le 21. décembre 1ggï. Le ZS janvier "l,996,
l'honorable juge Michel Proulx a accordé l'autorisation.
5ut)-i6-ù0060i -966

14. Dans sa demande d'autorisation, le requérant a soutenu que


.les juges de la courr du Québec n'ont pas juridiction pour juger
des actes criminels de manière concurrente avec les juges de Ia
Cour supérieure de la province de euébec et pour érnettre des
ordonnances cl'inaptitudes, compte tenu des dispositions des
artrcles 96 et 129 de la Loi constitutionnelle de 1867" (par. 24), se
fondant notamment sur I'arrêt McËuoy c. procureur général
rN B ), [1%3] 1 R.C.S.704.

15. Le 9 fér'rier 7996,la Commission québécoise d'examen, suite


à une audition tenue aux termes du paragraphe 67?.47(1) du Code
crrmittel, a conclu que le requérant était apte à subir son procès
dans les dossiers A, B, c, D et E. une décision écrite a été déposée le
13 fér'rier 1996.

16- suite à cette décision, le requérant s'est présenté, re 5 mars


7996, devant I'honorable juge Claude Vaillancourt de la Cour du
Québec. il a présenté, sans avoir signifié d'avis aux termes de
I'article 95 du Code de procédure ciaile, une requête verbale pour
décliner la compétence de ce dernier et des juges de la Cour du
Québec, demandant le transfert du dossier en cour supérieure. La
requête a été rejetée.

17 -
Le juge vaillancourt a rejeté la requête, concru qu'il avait
compétence et fixé les dates d'audition suivantes:

1o procès le 2 avril 1996 dans le dossier A;

2 procès Ie 26 avril 1996 dans le dossier B;


I

3o enquête préliminaire le 24 avil1996 dans le dossier C;

4o procès le 25 avril 1996 dans le dossier D;

5o procès Ie 2 mai 1996 dans Ie dossier E.


-L! J- UILUV I /JV o

18. Le 11 mars 1996, le requérant présentait la Cour suprême


à
du Canada une demande d'autorisation d'en appeler, dans le
dossier I, de Ia décision de la Cour d'appel rendue le 9 janvier 1996,
laquelle annulait I'appel de la décision du juge Cirouard en date
du 19 octobre 1995.

19. Dans sa demande d'autorisation, le requérant a fait valorr


que plusieurs des juges de la Cour d'appel occupent des postes
créés illégalement puisque toutes les lois du euébec adoptées
depuis 1968 et depuis 7982 sont nulles. Il invoquait
l'argumentation qui a été soumise dans la présente requête.

20. Ce dossier I est en état devant la Cour suprême du Canada. Il


ne comporte pas de demande de sursis.

27. Le 28 mars 1996, l'intimé déposait à la Cour d'appel du


Québec, dans le dossier lI, une requête en rejet d'appel de la
décision du juge Girouard rendue le 21. décembre 1995. cette
requête était présentable Ie 11 avril '1996.

22. avril 1996,Ie requérant a signifié, avant l'audition de ra


Le 2
cause dans le dossier A, la requête en certiorari et prohibition qui
fait I'objet des procédures devant cette Cour, ce qui avait pour effet,
en vertu de la règle 79 de la Cour supérieure en matière
criminelle, de surseoir à l'audition du procès dans les dossiers A,
B, C, D et E. La requête était présentable le 16 avril 1996.

73. Le requérant, reprenant l'argumentation élaborée dans la


présente requête et dans celle pour autorisation d'appel à la cour
suprême du Capada, soutenait notamment que la Cour du euébec,
créée en 1988 par la Loi modifiant la Lai sur les tribunaux
judiciaires et d'autres dispositiotrs efl nue d'instituer la Cour du
Québec, L.Q., 1988, c. 21, I'avait été illégalement puisque toutes les
lois du Québec adoptées depuis 1968 et depuis 1982 sont nulles. Il
en résultait que les membres de cette
cour ne pouvaient exercer la
fonction de "juge de la cour provinciale" que le code criminel, à
l'article 2, définit coûune «(t)oute personne qu'une loi de la
législature d'une prol'ince nomme juge ou autorise à agir comme
j uge".

24. Le requérant soutenait également que la Cour du euébec,


qui a été substituée à la Cour des sessions de la paix et à la Cour
provinciale, laquelle avait remplacé la cour de magistrat, était
inconstitutionnelle puisque cette dernière avait été jugee
inconstitutionnelle dans le renvoi portant sur sa validité (R e
Constttttttontraltté de h Cour de nugistrat, [1%51 B.R. 1). Il
reprenait également l'argument fondé sur I'article 96 de la Loi
cottstitrtttotrnelle de 186,' (voir le paragraphe 14 des présentes).

25. Le 2 avril 7996, l'intimé s'est présenté devant mon collègue


l'honorable jrgu Benjamin Greenberg pour demander qu'il
ordonnât, comme le permet la règle 79, la tenue du procès dans le
dossier A. Ce dernier a refusé la demande, tenant compte du fait
que l'accusé était détenu depuis 7 mois et que s'il était déclaré
coupable des accusations reprochées, il etait fort probable que la i

peine ne dépasse pas le temps purgé. Il en a conclu qru .o**"


I

l'accusé insistait pour faire valoir ses prétentions en sachant que


cela aurait pour effet de prolonger sa periode de détention, ce
dernier devait se voir reconnaître son ..dat, in court,,.

26. Le 11 avril 1996, la Courd'appel, dans le dossier d'appel [I, a


rejeté l'appel de la décision du juge Girouard rendue en date du 21
décembre 1995.

27. Le 76 avril 1996, le requérant s'est présenté devant le


soussigné pour I'audition de la requête en certiorari et prohibition.
D'une manière, préliminaire, il a fait valoir, en invoquant les
arguments fondés sur la nullité de toutes les lois du euébec
adoptées depuis 1968 et 1982, que le soussigné occupait un poste de
juge à la Cour supérieure qui avait été créé par la province après le
77 avrll 7982, ce qui impliquait que son poste n'avait pas été
légalement créé. Il a donc décliné la compétence du soussigné. La
Cour a alors exigé que le requérant donne un avis de ses
500- 36-00061)1-%6 I

prétentions au procureur général clu canada et fixé I'affaire au 10


mai 1996 pour conférence préparatoire.

28. Le 2 mai 1996, le requérant présentait à la Cour suprême du


Canada, dans le dossier d'appel II, une demande d'autorisation
d'en appeler de la décision de la Cour d'appel du Québec re.ietant
son appel de la décrsion du juge Girouard rendue en date du 21
décenrbre 1995. Dans sa requête, le requérant a invoqué son
argument d ordre constitutionnel. Il y demande également un
sursis de toutes les procédures (p. 145, conc. B). Ce dossier n'est pas
en état puisque le requérant n'a pas obtenu l'autorisation de
produire un mémoire de plus de vingt pages.

?9. Le i0 mai 1996, les parties se sont présentées devant la Cour


pour la tenue de la conférence préparatoire. Le procureur général
du Canada a comparu au dossier mais, comme il I'a fait durant
tout le déroulement des procédures, il s'est limité à assister au
débat sans y intervenir et prendre position.

30. Le 17 mai 1996, l'intimé présentait une requête, dont la


rédaction et les documents soumis à I'appui sont d'une facture
remarquable, pour que la Cour ordonne, en vertu de l'article 19
des règles de pratique de Ia Cour supérieure en matière criminelle,
que les dossiers A, B, C, D et E soient renvoyés devant la Cour du
Québec pour quon v procède à leur audition dans les meilleurs
délais.

31. L'audition de la requête a eu lieu les 21,22 et 23 mai. À cette


dernière date, la cour a accueilli la requête dans un jugement écrit
déposé au dossiler. Le soussigné tient à mentionner qu'il avait
alors déclaré ce qui suit:

43. D'etrtrée de jeu, le soussigtté me ntionne


qtt'il ne saurait se sentir lié par la- décisiott rendue
pdr so,t collègue Ie juge Creenberg en date du z
awil 1996. En effet, ce denrier n'auait pu prendre
cottrtttissattce de toute l'argumentatiott soumise a u
soutien de la requête au fond, des décisiotrs
rendues par d'autres insta,tces sur les questions en
litige, de l'ensemble des Ttrocédures au dossier et
de leur déroulement ainsi tyue du délai requis pour
en disposer. Il faut également noter que des faits
tlouueoux sont surueflus depuis la décisiorr du
juge Creenberg. La Cour rappelle enfin qrrc <<toute
ordonnartce relatiae au déroulement d'un procès
pe ut être modifiée ou arutulée s'il y a eu
chartE;ement important des circonstances qui
existaient au moment oit elle a été renduen (R. c.
Adams, [799514 R.C.5, 707, par, 3l.).

32. suite à cette décision, I'audition de ces causes a été fixée aux
dates suivantes:

- dossier A: procès les 4 et 5 juin 7%6;

- dossier B: procès le 10 juin 1996;

- dossier C: enquête préliminaire le 13 juin 1996;

- dossier D: procès le 18 juin 1996:

dossier E: procès le 14 juin 1996.

33. L'audition du procès a effectivement eu lieu dans le dossier


A mais les parties doivent faire valoir leur argumentation le 11
juin 1996.

34. L'audition de la présente requête a eu lieu les 23, 24, ZT et ZB


mai ainsi que les 3 et 6 juin 1996.

35. Dès le début de l'audition, le


I

soussigné a soulevé
I'hypothèse que s'il devait conclure à l'invalidité de toutes les lois
du Québec depuis 1968 ou 1982, cela ne saurait impliquer que ra
prohibition et le certiorari seraient nécessairement émis puisque la
requête pourrait être rejetée en vertu de la doctrine de la validité
de facto reconnue par la Cour suprême dans les arrêts Renuoi:
Droits linguistiques 0.u Manitobtt, [1985J 1 R.C.S. 721, 755 ss., et
luu-iô-ut)L)bul -9ffi 10

(P.c), 11992]t 1 R.c.s. 579. c'est d'ailleurs ce qu'a


sinclair c. Québec
récemment fait notre Cour d'appel dans l'arrêt Ltttuliype c.
Pelletier,6 mai 1996,200-09-000a26-g6ï, alors qu'elle a refusé de
statuer sur la question, qui était la même que celle en litige dans ta
présente causq, et rejeté l'appel en vertu de cette théorie, déclarant
au passage I'appel manifestement dilatoire.

36. La Cour a en conséquence suggéré aux parties qu'il pourrait


s'avérer opportun d'argumenter, de manière préliminaire, sur ta
recevabilité du recours en prohibition et certiorari dans
I'hypothèse oir les prétentions du requérant seraient fondées. Le
soussigné a indiqué que vu la doctrine de la validité de
facto, le
recours approprié était peut-être la requête pour jugement
déclaratoire aux termes de l'article 453 du Code de procédure ciuile
ou l'action déclaratoire en vertu de l'article 462 de cette même loi.

37. Les substituts du procureur général du euébec ont alcrs


indiqué qu ils désiraient que la Cour statue sur les questions
posées. Le soussigné a en conséquence avisé les parties que si le
requérant lui présentait une requête à cet effet, il pouvait autoriser
un amendement pour qu'elle comporte des conclusions de nature
déclaratoire. Le fait que la cour exerce sa juridiction en matière
crimineile ne
l'empêche pas d'exercer concurremment sa
juridiction en matière civile quoique le jugement rendu doive
comporter des conclusions pertinentes à chaque recours.

38. strite à une demande verbale à cet effet et à I'acquiescement


de l'intimé, la Cour a accepté la modification, étant bien entendu
que les conclusions de nature déclaratoire étaient subsidiaires à
celles en certiolsrl et prohibition.

39. Lors de I'audition du 3 juin 7996,le requérant s'est désisté de


sa demande en certiorari et prohibition et la cour lui en a donné
acte. La seule procédure pendante est donc la requête pour
jugement déclaratoire.
rJU-J6-uttrË0r-906

COMT}ÉTET.JCE

40. Avant I'audition de la presente requête, le requérant a


demandé que le soussigné se Écusât puisque la validité de la loi
créant son poste était contestée (voir le paragraphe 27 des
présentes. La Cour a rejete cette demande.

41. Sur le plan juridique, la Cour a indiqué que même si la loi


prévoyant l'existence de son poste est contestée, le soussigné
possède la compétence requise pour statuer sur la question. En
effet, dans I'hypothèse oùr toutes les lois du Québec adoptées
depuis 1968 ou 1982 devaient être déclarées inconstitutionnelles,
les instances judiciaires continueraient d'exercer leur compétence
de façon valide en vertu de la doctrine de la validité de facto,
réaffirmée.récemment par notre Cour d'appel dans lafrtippe c.
Pelletier, alors qu'on avait fait valoir la même argumentation que
dans la présente affaire. Il faut aussi prendre acte de la
présomption de constitutionnalité des lois (voir pierre-André
Côté, lnterprétation des l-ois (2e éd.), Thémis, Montréal, ,tgg1,
pp.3a9-350).

42. Le requérant a par ailleurs invoqué I'arrêt séminaire de


chicoutini c. cité de Chicoutimi,[lw3lR.c.s. 681, oir on a déclaré
qu'un juge saisi de la constitutionnalité d'une loi
"a(...; le devoir
... (de) s'assurer de sa compétence rationae materiae et disposer
ainsi de I'objection, (pp. 685-686y. comme la Cour |a indiqué,
cette affaire ne mettait pas en cause la validité de toute la
législation et ne faisait donc pas intervenir la doctrine de la
validité de facto.
!

LES QIIESTIONS EN LTTIGE

43. D'entrée de jeu, la Cour, comme elle I'a déclaré dans son
jugement sur la demande de suspension du sursis, note que
certains des arguments que fait valoir le requérant sont dénués de
tout fondement juridique, voire carrément frivoles. Ainsi, celui
fondé sur l'inconstitutionnalité de I'ancienne Cour de magistrat a
été rejeté par la cour suprême dans larrêt Rentoi touchant la
cortstitrttionnalité de lrt Loi concerntltrt ln juridiction d.e Ia Cotr de
mugistrat, Il%5] R.c.s. 772, renversant la décision invoquée par le
requérant au soutien de ses prétentions (voir le paragraphe 24 des
présentes).

44. Il en est de même de celui fondé sur l'article 96 de la Lor


cortstittttionnelle de 7867 (voir le paragraphe 14 des présentes),
qu'a rejeté la cour d'appel de l'ontario dans l'arrêt R. c. Trimarchi,
(1988) 40 c.c.c. (3d) 433, relativement auquel ra cour suprême a
refusé la permission d'en appeler ( 119881 1 R.C.s. iv). La Cour
prend d ailleurs acte que le requérant n'a pas repris ces arguments
lors de laudition de la requête au fond.

45. Enfin, le requérant a aussi fait valoir qu'avant I'entrée en


vigueur de la Loi cottstitrttionnelle de 1g67, les juges de pair
étaient nommés par le gouvernernent fédéral et qu'aux termes de
l'article 729 de cette loi qui prévoit que la législation
préconfédérative continue de s'appliquer jusqu'à modification par
l'autorité compétente, il assume toujours sa responsabilité. Il suffit
de dire que sauf dans le cas de ceux visés par les articles 96 et 101 de
la Loi cotrstittttionnelle de 1967, il appartient aux provinces, aux
termes du paragraphe 92(14), de norruner les juges des autres
tribunaur. voir o. Mitrtineau and sorrs Linited c. city ,f
Motr treal, [19321 A.c. 1 lz; Renuoi sur I'adoTttiorr. [193g1 R.c.s. 39g,
.103--104, 473-115; Renuoi: Family
Relatiotts Act (C.-8.), t1%21 1
R'c.s. 62, 101-102; P. Hogg Constittttional bw tf Cannda, (3d)
carswell, Toronto, 7982, par. 7.la)b). La législature du euébec a
dûment exercé cette compétence dans la Loi sur les tribrmaux
j u diciair es, L.Q.,r c. T-16.

46. cela laisse deux questions véritablement en litige. La


première porte sur I'abolition du Conseil législatif qui, selon le
requérant, n'aurait pas été effectuée conformément à la
constitution. À cet égard, il faut mentionner que les articles 71 et
72 de la Loi cottstitutionnelle de 186z précisent ce qui suit:
71. ll y atra, pour le Québec, une Législature
corrtposée du lieutenant-gotruerneur et àe deux
cluunbres, appelées le conseil légistatif du euébec:
et l'assemblée législatiae du Qu{bec.

72. Le conseil législatif du Québec se


contposera tIe uirtgt-quatre ntetnbres, qui seront
ttotnmés par le lieutenant-gouuerneur att nont de
Itt Reine, fùr itt:trument sous le grttnd scettu dtt
Québec, et tlroront, cltacutt, reytrésenter l'tut des
t,itrgt-Llttatre collèges électoraux du Btts-Ctnada
mettttortttés att pt'ésent acte: i/s seront non*nés à
lrte, xuf st la législttture du euébec en ordonrte
atttrernetrt sols /'autorité du présent acte.
(Aucune traduction officielle n'ayant été faite de la
Loi cortstittttionnelle de 1867, la Cour a retenu celre
utilisée par les professeurs François Chevrette et
Herbert Marr dans Droit cottstitutionnel, p.U.l,{.,
lv{ontréal, 1982. Il en sera ainsi pour toutes les autres
drspositions de cette loi.)

17. Par ailleurs, le paragraphe 92(1) de Ia Loi cottstitrttionnelle


de 1867 se lisait comme suit:

92. Datts cluque proaince, la législature po urra


excltrsiuernettt légiférer relatiuement aux matières
etttratrt darrs /e_s catégories de su jets ci-dessotts
éttutnérés, sauoir:

1. À l'occttsiott, la modificutiotr (nonobstalJ ce qui


est cotttenu au ltrésent acte) de la constitlttiott de la
p.rouitrce, souf les dispositions relatiues ù ltt cltarge
de lieutenant-gouaerfieur;

.{E. Cette disposttion, maintenant abrogée, a été remplacée par


l'alinéa 41a) et I'article 45 de la Loi cottstittttionnelle de 1982. Ces
dispositions se lisent comme suit:

41. IConsentement unanime] Toute modification


de la Constittttiotr du Canada portant sur les
questiotrs suiuantes se fait pdr proclamatiort du
gouuerneur géttéral sous le grand sceau dtt
Cnnada, ttutorisée par des résolutions du Sénat, de
500-36-000607-966

la Clwnbre des cottnnttnes et de l'nssernblée


législntiue de chaque prouince:

(a) /n charge de Reine, celle de gotruerneilr général


tt t'ellt dt licutenLtnt-gotruern(ur:
a5. IModification par les législatures] Sous réserae
de l'Ltrticle 47, une législature tt cornpétence
exclusiue ltour modifier la constitutiott de sa
proaince.
49. Comme on peut Ie constater, la règle n'a pas changé sur ce
point. Voir à cet effet, P. Hogg, Cotrstittttional Law of Canada, (3d),
par. 4.7.

50. En 1968, la législature du Québec a adopté la Loi concernant


le Conseil législatif, (1968) 77 Eliz. lr, c. 9, dont I'article 1 portant
l'abolition de cet organisme se lit comme suit:

In législature du euébec se cottpose du


lieutennnt-gouaerneur et de l' Assemblée
ilatiottale du Québec; elle exerce tous les po uaoirs
cottférés ù la Législature de la prooince de euébec
cotttposée du lieutenant-gouaerneur et de deux
Clnrnbres appelées le Conseil législatif de euébec
et l'Assemblée législatiue de euébec.

51. Le requérant a fait valoir qu'aux termes des articles 7l et TZ


de la Loi cottstitrrtionnelle de 7867, la législature du euébec était
originellement constituée de deux chambres dont la composition
de l'une d'entre elle était sous la responsabilité exclusive du
lieutenant-gouverneur. Il faut donc déterminer si en abolissant le
conseil législatif, la législature a porté atteinte à la «charge du
lieutenant-gouvbrneur,,. Le requérant soutient que la législature
du Québec ne pouvait, comme elle l'a fait en 196g, abolir le conseil
législatif par une simple loi, s'autorisant de ses pouvoirs en vertu
du paragraphe 92(1) de la Loi cottstitutionnelle de 1g67.

52. Le requérant a également fait valoir que si le conseil


législatif a été validement aboli en 1968, l'adoption de la Loi
constitutionnelle de 7982 et de certaines dispositions de
5 rtU- _lô - üLL)ort I - 966 15

concordances en 1982 et 1988 ont eu pour effet de le faire rev ivre.


La Cour a pu rejeter sommairement ces prétentions lors de
l'audition et le soussigné les mentionnera brièvement lors de
I'analyse.

53. La deuxième question en litige porte sur la légalité de la


composition de l'Assemblée nationale suite à l'élection du 13 avril
1981. À cet égard, le requérant indique qu'au 18 décembre 1982,
date de son abrogation par I'article 767 de la Loi sur l'Assemblée
ttLttionale, L.Q., 1982, c.62, I'article 5 de la Loi sur la législature,
L.R.Q., c. L-7, se lisait comme suit:

L'Assenùlée nationale du Qu{bec se cornpose


de 110 députés.

54. Par ailleurs, l'article 45 de la Loi sur la représentatiott


électora!e, [19791L.Q., c. 57, prévoyait ce qui suit:

Chrc une des circonscriptiotts électorales étttblies


c'c',rtforrnérnent it la Loi sur la représentation
é[ectorale (7979 c. 57) constittte un collège électoral
et etnoie un député pour ltt représenter ù
l' Assenrhlée nntiottale.

En vertu de cette disposition, 122 circonscriptions ont été


créées et 172 députés élus lors de l'élection du 13 avril 1981.

55. Le requérant soutient également que la procédure


d'adoption de la délimitation des circonscriptions territoriales
établie par la Loi sur ltt représentatiott électorttle prévoyait un
dépôt du projet ,préparé par la Commission de la représentation,
un débat à l'Assemblée, une publication de la liste dans la Gazette
Officielle du Québec et son entrée en vigueur au moment de la
dissolution de I'Assemblée.

56. À cet égard, les articles 31 à 34 de cette loi mentionnaient ce


qui suit:
IUL/ - JÔ- \-rttroLi I -YOÔ lb

31. Après aaoir étudié /es rrprésentatiorts des


députés, des citoyens et des organismes, la
Commissiotr dépose à l'Assetnblée nationale du
Québec u,t rapport indiquant Ia délimitatiott des
circonscriptiotts électorales.

Dans les cinq jours suiaant ce dépôt, ce raytport


fait I'objet d'un débat limité à cinq heures et qui
doit se tenir dans la même séance ou dans deux
séttnces conséctiiaes à l'Assemblée natiotale; si
celle-ci n'est pas alors en session, ce débat, sujet
ttux mêmes limites de temps a lieu à la
comrnissiort permanente de l'Assemblée nationale
datrs les dix jours suiuant Ie dépôt du rapport uisé
dans le premier alinéa et tous les drputés sottt
ruembres de la cornmissiott ylour les fins de ce
débat.

Attcune motiotr satf celle d'ajournement et de


suspension ne peut être présentée pendant ce
débat.

32. Atr plus tard le dirième jour suiuant ce débat,


la Cotrunissiott établit ltt délimitation des I

ctrcottscriptiotts électorales et Ieur attribue u n


tl 0nl .

La Comrnissiott publie à la Cazette officielle du


Québec la liste des circonscriptiotrs, en indiquant le
norn et la délimitatiotr de chncune d'elles; elle
pettt, etr orttre, ntentiotttrcr les mtttriciltalités et les
réserL,es indietrnes Llue renferme chnque
c rrconscrtTttiott électorales.

33. Ln publicatiott de la liste des circonscriptiotts


électorales à ltt Cazette officielle du Québec fait
preuue absolue de son existence et de sa teneur et
totûe , personne est te nue d' en prendre
contlQtsstltlce.

34. Lll liste des circonscriptiorts électorales publiée à


la Gazette officielle du Québec entre en aigueur au
nrcnrent de la dissolutiort de l'Asserublée
twtionale du Québec, sauf si cette d.issolutiort
interaient auant le lundi de la semaine qui strit la
semaine du recensement uisé dans l'article 36.
57. Il en résultait donc une modification au nombre de
circonscriptions qui n'avait pas fait l'objet d,un vote à l'Assemblée
et de la sanction du lieutenant-gouverneur.

58. Le requérant soulève également Ie fait que la publication de


la liste des cir,conscriptions n'à pas été faite simultanément en
français et en anglais, ce qui contreviendrait aux dispositions de
l'article 133 de la Loi cottstitutionnelle de 1gb7 qai se lit conrme
suit:

733. Datrs les clwmbres du Pttrlement du Cannda et


les chambres de ln Législature du euébec, l'ttsage
de la lùttgtrc française ott de la ltngtte ongltii-e,
dtttts les d{bats, sera frtcultatif; ntrtis, daiis la
rédactiort des registres, pr,cès-Lterbùilx et jourrtnttx
resTtectifs de ces ch,unbres, l'usage de ces detrx
lattgues setn obligatore. En o,,tre, dans toute
plaidoirie ou pièce de procédure d.euant les
tribunaur du Canadrt étttblis sous l'autorité du
présertt acte ou énwnunt de ces tribttnaux, et
deitsttt ie-s tribtttiaux du euébec, ou ûnunant de I
c.es derttiers, il Pottrra être fttit ,s{tge de l,trne ou
l'ittttre de ces langues.

Les lois du Parlernent du Cannda et de la


Législnture du Québec deuront être itnprimées et
publiées dans ces deux langues.

59. À cet égard, les parties reconnaissent que la publication


française a été faite le 30 avril 19g0 (Gazette officielle du
Québec,
1980, 2219) et celle anglaise le 30 1990 (Gnzette officielle du
luillet
Québec, 7980, 3323).

60. Enfin, le rrequérant soulève le fait que la proclamation


relative à la dissolution de l'Assemblée nationale du euébec
(cazette officielle du Québec,1981, p. 5041), le i2 mars 19g1, n,ait
été faite qu'en français, ce que les parties admettent, contrevient
aux dispositions de l'article i33 de la Loi cortstitrttiorutelle de 1g67.

LA CONSTITUTI ON NA LITÉ DU S YSTÈ ME IU ON OCAMÉ RA L


À LA LÉCISLATI"IRE DU QUÉBEC

61. La Cour traitera successivement de la varidité de la loi


abolissant le conseil législatif et des effets de la législation
subséquente à la loi qui en portait abrogation.

L'anoIrTToN DU CoNSEIL IÉGISLATIT EI..r 1968

62. L'argument fondamental qu'a fait valoir le requérant est


celui de savoir si en abolissant le conseil législatif, dont les
membres étaient nommés par le lieutenant-gouverneur en vertu
de l'article 72 de ce qui est devenu la hti corrstitrrtionnelle d.e Lg67,
la législature du Québec a porté atteinte à la charge de ce dernier.
En effet, il est clair que cela a porté atteinte à ses pouvoirs puisque
la législature est maintenant composée d'une seule chambre
élective alors qu'auparavant elle en cornprenait deux, I'une
élective et l'autre dont les membres étaient choisis par le
lieutenant-gouverneur, Cela étant, les pouvoirs et la charge ne
sont pas nécessairement deux termes synonymes.

63. Par ailleurs, la Cour prend acte, comme res parties l'ont
reconnu lors de l'argumentation, qu aux termes d'une convention
constitutionnelle appliquée depuis longtemps, la nomination des
conseillers législatifs se faisait par le lieutenant-gouverneur sur
reconunandation de son conseil des ministres, ce qui impliquait
que ce pouvoir était véritablement exercé par ce dernier
organisme.

&. La cour va successivement étudier ra jurisprudence et Ia


doctrine pertinentes, la pratique constitutionnelle pour ensuite
tenter de définir la notion de
"chqlge de lieutenant-gouverneur>).

La jurisprudence et la doctrine

65. Les parties ont indiqué qu'il n'existe aucune décision


rapportée sur la validité de l'abolition du conseil législatif et le
soussigné n'a pu en trouver aucune. Toutefois, l'argument a déyà
été rejeté, quoique suite à une argumentation beaucoup plus
sommaire que celle soumise en I'espèce, par deux de mes collègues
dans trois décisions. Voir:

I-atulippe, c. Pelletier et a|.,26 février 1.996, no. 200-05-003192-


957, j. Pierre Côté;

Butcher c. Pierre F,
Côté ès qwlité et al., 12 juin 1995, no.
200-05-002916-943, j. Pierre Côté;

Cuérin et al. c. Procureur général du Qu€bec et al., 6


décembre 7995, no. 760-36-000050-958, j. Rélean Paul.

66. La décision dans I'affaire LttuliTtpe c. Pelletier et al. a été


maintenue mais pour d'autres motifs (voir le paragraphe 35 des
présentes)

67. Par ailleurs, dans compétence du parlement


le Renuoi:
relatitternertt ù la Charnbre Haute, [19801 1 R.C.S. 54, la Cour
suprême, saisie de la question de savoir si le parlement pouvait
unilatéralement abolir le Sénat ou en modifier la composition,
déclarait ce qui suit:

Le proc.ttreur genéral du Canada prétend que le


pouaoir de modificatiott conféré par le par. 91(1)
est l'équtt,ulent, dsns le dontaine
fédérttl, du par.
92(1) datts le donuine prouittcial.

ll fttit retnarqtter qu'en aertu de ce pouaoir les


proainces du Mttttitobtt, dtt Nouaeau-Brunxuick,
de l'île-du-Prince-Édotnrd, de la Nouuelle-Écosse
et du Québec ont aboli leur conseil législatif
re sp ectif.

Cependant, les deux articles ne sont pus


arulogues. Contrairement à l'art. 91, l'art. 92 n e
nontnte pas les organes du pouuoir législatif.
L'article 9'l confère le pouaoir de légiférn, dans les
matières qu'il aise, à la Reine, de l'aais et du
50c-36-000601-966 2A

coilsentement du Sénat et de la Chanùre des


Cortrrrunes. L'article 92 cottfere à nla législatrre"
le Ttottuoir de légiférer dans les matiàres t1u'il
énuntàre.
(p.74)

68. La Cour suprême a donc pris pour acquis qu'une législature


provinciale pouvait unilatéralement abolir son conseil législatif.
Plusieurs ouvrages de doctrine écrits par des constitutionnalistes
éminents appuient la même position. Voir:

Jacques-Yvan Morin et José Woerling, Les cottstitutions du


Ctuada et du Québec, (t.7,2d), Thémis, Montréal, 1992, pp.
257-258;

Henri Brun et Guy Tremblay, Droit cottstittttionnel, (2d), Les


éditions Yvon Blais, Montréal, 1990, p.227;

Cérald-A. Beaudoin, I-a Constitutiort du Canada, Wilson et


Laileur, MontréaI,7990, p. 111;

Eugene A. Forsey, Prouincial Requests fw Antendrnents to


the B.N.A. Act, (1,966) 12 McGill Law Journal jgT-398;

François Chevrette, Le Conseil législatif de euébec: son


fondement constittttionnel et ses caractères, (1963) 13 R.J.T.
85.

La prati que constitutionnelle

69. Dans son article intitulé Le conseil législatif de euébec: so,t


fondement constittttionnel et ses caractàres, mon ancien collègue
le professeur François chevrette a fait une remarquable étude
historique de l'abolition du conseil législatif dans les quatre autres
provinces qui ont connu une telle institution. on y apprend que
l'1le-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba
500-36-000 607-966 21

ont aboli leur conseil législatif par des lois provinciales adoptées
en 1893, 1892 et 1876 respectivement.

70. Le cas de Ia Nouvelle-Écosse est encore plus éloquent (sur ce


point, voir aussi l'étude de Eugene A. Forsey). En lg7g, l'assemblée
législative de cette province a adopté un projet de loi prévoyant
l'abolition du conseil législatif mais ce dernier a refusé de
I'entériner. L'assemblée s'est alors adressée à la Reine pour lui
demander d'amender l'Acte de l'Amérique britanniqtrc du Nord à
cet effet et le conseil a adopté une adresse en sens contraire. Le
gouvernement anglais a répondu que les circonstances ne
justifiaient pas un. amendement.

71.. En 1890, I'assemblée législative a adopté un autre projet de


loi que le conseil a refusé d'entériner. En 1E94 elle s'est encore une
fois adressée à la Reine et le conseil en a fait de même. Le
gouvernement anglais a refusé d'intervenir en expliquant que la
législature avait compétence pour modifier la constitution de la-
province.

72. L'assemblée législative est revenue à la charge en 1926 et le


conseil législatif a de nouveau refusé de se soumettre. Le
gouvernement s'est alors adressé à la Cour d'appel de la province
pour demander s'il avait le droit d'augmenter le nombre de
conseillers législatifs, avec l'objectif transparent d'en nommer
suffisamment pour atteindre son objectif. La Cour d'appel s,est
divisée en deux camps égaux (Re Nooa scotia Legislatiue Cotutcil,
[1926] 4 D.L.R. 653) mais le conseil privé a reconnu ce droit au
lieutenant-gouverneur (A,G, fo, Noaa scotia c. Legislatiae
cotttrcil for Nàaa scotia, [lgzil] A.c. 102). La Cour a considéré que
l'article 88 de l'Acte de l'Amériqtre britanniqtte dtr Nord, qui
prévoyait Ie maintien de la constitution de la province, visait
I'existence du conseil mais non le nombre de conseillers. on
notera au passage que le Conseil privé a adopté une attitude
favorable à I'abolition par une loi de la province.
73. Suite à cette décision, le gouvernement a demandé au
lieutenant-gouverneur de nommer un nombre suffisant de
nouveaux conseillers législatifs de manière à assurer I'adoption,
en 1928, d'une loi prévoyant l'abolition du conseil.

74. Il est par ailleurs fort pertinent de souligner que lors de


I'entrée de Terre-Neuve dans la confédération, le Parlement du
Royaume-Uni a prévu, à I'article 1 de la Loi constitutiannelle de
7949, que les conditions de I'union du Canada et de Terre-Neuve
étaient ratifiées et avaient force de loi. Or, I'article 14 de ces
conditions énonce ce qui suit:

14. (1) Sorrs résertte du Ttaragraphe deur de la


lrésente clause, la constittrtion de Ia Legislature de
Terre-Neuite, telle qu'elle existait irrnnédiatement
tll'tutt le seiziàme jour de frorier '19i4, detneurern,
subordottrrérnent aux présentes cluuses et ttux Lois
cotrstitrttiontrelles de 1867 ù 1940, la constitution de
lù Législature de la ltrouince de Terre-Neuae à
cotnpter de la date de l'Union, jusqu'ù
nrodtficatiott ett uertrr desdites lois.

(2) b corrstittttiott de h Législature de Terre-


Nern-te, durts la ,nesttre où elle ï)tse le Conseil
législtttif, ne demeurertr t)ûs en uigueur mais la
Légtslnture de la proaince de Terre-Neuue powra
en tortt tetnps rétablir le Conseil législntif ou ett
étublir tut ttotrceLtu.

75. Cela indique clairement que le Parlement du Royaume-Uni


considérait que I'existence du conseil législatif était une matière
de compétence provinciale.

76. Au Québec, le gouvernement ne pouvait, pour abolir le


I

conseil, recourir à la technique de I'augmentation du nombre de


conseillers législatifs puisque I'article 72 de la Loi cottstitutionnelle
de 1867 prévoit qu'il y en aura vingt-quatre. En '1965, le
gouvernement de la province, confronté à une majorité hostile au
conseil, s'est adressé à la Reine pour obtenir une modification
constitutionnelle mais il a échoué (voir l'article de Eugene A.
t3

Forsey), Ce n'est qu'en 1968, surte à un changernent de


gouvernerhent, que le conseil a accepté de voter sa propre
disparitiün.

77. comme on peut le constater, la pratique constitutionnelle


indique clairement que la législature pouvait unilatéralement
abolir le conseil législatii.

La charge de lieutenant-gouverneur

I*s dispositions dc la Loi constitutionnelle de 1g67

78. Avant de tenter de définir le concept de «charge du


lieutenant-gouvêrfl€ur», la Cour considère utile de recenser les
pouvoirs que lui reconnaît la Loi cottstitutionnelle de 1g67.
D'entrée de jeu, il faut rappeler que le lieutenant-gouverneur est
nommé par le gouverneur général en conseil (art. 5g), i.e. par le
gouvernement fédéral en vertu des conventions
constitutionnelles. La constitution confère au lieutenant-
gouverneur le pouvoir de nommer les membres du conseil
exécutif (art. 63) de même que les membres du conseil législatif
ainsi que I'orateur de cette chambre (art. TZ et z7).ll est admis que
suite à des conventions constitutionnelles, il exerce ces pouvoirs
sur recommandation du gouvernement de la province.

79; Aur termes de I'article 77, le lieutenant-gouverneur est une


composante de la législature. À ce titre, il convoque I'assemblée
législative (art. 82) et il a le pouvoir de la dissoudre (art. g5), De
même, aux termes de l'article 90, le lieutenant-gouverneur
possède, comrrle le gouverneur général, le pouvoir d'autoriser la
présentation d'un projet de loi comportant appropriation de
deniers ou levée de taxes ou d'impôts (art. 53-54).

80. Enfigr,aur termes de cette même disposition, le lieutenant-


gouverneur a le pouvoir, à sa discrétion mais sujet aux
instructions reçues du gouverneur général, de sanctionner une loi,
d'en refuser Ia sanction ou de la réserver au gouverneur général
qui dispose de deux ans pour prendre position (art. 55 et 57). Dans
I'arrêt Reference re the Power of the Goaernor Ceneral in Council
to Disallow Proaincial Legislation and the Pouer of Reseraation of
a Lieutenant-Coaernor of a Prooince, Ii938] R.C.S. 77, le juge en
chef Duff déclarait ce qui suit:

The act of a Lieutenant-Goaernor in assenting


to a bill or in resenting a bill is the act of the
Crown ...
(p.76. Au même effet, voir I'opinion du juge Crockef
p. 85, du juge Kerwin, p. 93,et du juge Hudson, p. 98)

81. Dans cette même décision, la Cour a confirmé le caractère


discrétionnaire de ce pouvoir, sujet aux instructions reçues du
gouverneur général. Juridiquement, le lieutenant-gouverneur
possède donc un droit de veto sur I'entrée en vigueur d'une loi.
Toutefois, la Cour suprême a reconnu, dans l'arrêt Renuoi:
Résolution pour modifier la constitutiott, [19811 1 R.C.S. TSg, æ7,
que «par convention, ilO ne peu0t de (son) propre chef refuser de
donner la sanction à aucun projet de loi pour quelque motif que ce
soit, par exemple parce qu'il0 désapprouve0 la politique en
cause». La Cour a cité un cas, en '1949, où un lieutenant-
gouverneur a passé outre à la convention. Cela étan! il faut se
rappeler qu'une convention n'est pas sujette à exécution devant
les tribunaux (Renuoi; Résolution pour modifier ltt cotrstitrrtiotr,
pp.876-883).

82. on peut croire qu'une semblable convention existe dans re


cas du droit de réserve qui n'a pas été utilisé depuis 1961 alors que
le lieutenant-gouverneur de Ia Saskatchewan avait réservé une loi
au grand embarras du gouvernement fédéral de l'époque (voir
Cérald-A. Beaudoin, Ifl Cotrstittrtiott du Canada, p. e). Il
semblerait que ce cas ait été le seul depuis 1921 (voir Macgregor
Dawson, The Gouernment of Cannda, (5e ed.), Universiÿ of
Toronto Press, 7970, pp.215-21,6)

83. Comme I'explique mon ancien collègue le professeur André


Tremblay dans son ouvrage intitulé Droit constitrttionnel
]L'U-JÔ.U1ruÔL) I-YOÔ ).5

Principes, Thémis, Montréal, 1993, pp. 767-1æ, ces dispositions


comportent un élément de subordination des provinces qui
distingue le fédéralisme canadien du modèle classique. EIles
s'ajoutent à l'article 56 qui, lu en conjonction avec I'article 90,
permet au gquverneur général de désavouer une loi de la
province.

84. Ce pouvoir de désaveu ne comporte aucune limitation et est


entièrement discrétionnaire (voir Reference re tlrc Power the
"f
Goaernor General in Council to Disallou Proaincial Legislation
and the Power tf
Reseraatiott tf a Lieuterunt-Coaernor of a
Proaince). Le professeur Tremblay explique qu'il n'a pas été exercé
depuis 1943 de sorte qu'on pourrait encore une fois soutenir
qu'une convention constitutionnelle le
neutraliserait. il ajoute
toutefois que ce n'est pas certain parce que le comportement des
acteurs ne témoigne pas de l'existence d'une telle convention.

La jurisprudence

85. La seule décision qui porte directement sur la charge de


Ireutenant-gouverneur est I'arêt ltr re The Initiatiue and
Referendtmt Act, [1g1g] A.c. 935, en vertu duquel le requérant
dans la présente cause a d'ailleurs fait valoir un argument
secondaire. Dans cette affaire, on avait demandé au Conseil privé
de se prononcer sur la validité constitutionnelle d'une loi
manitobaine qui permettait qu'une loi ptt être adoptée, sujet au
pouvoir de veto ou de désaveu prévu dans la Constitution, ou
abrogée par un référendum.

86. Le vicomte Haldane a conclu que la loi envisagée serait


inconstitutionnelle car il s'agirait d'un amendement à la
constitution de la province qui porterait atteinte à la charge de
lieutenant-gouverneur en privant ce dernier de son pouvoir de
sanctionner la loi, lorsque le référendum en viserait I'adoption, et
en l'excluant complètement du processus lorsque le référendum
porterait sur son abrogation (pp. 943-94/-). Il a plus
particulièrement déclaré ce qui suit:
Leurs Seigneuries sottt d'aais que les tennes de
la loi ne peuztent être interprétés autrement que
comme une tentatioe sérieuse de modifier la
situatiort du Iieutenant-goua€rneur en tttttt tlue
partie intégrante de la législature et de passer outre
à ses'droits ...
(pp. 944. La Cour a retenu la traduction utilisée par les
professeurs François Chevrette et Herbert lvlarx dans
Droit constitutionnel, p. 98)

87. En obiter, le vicomte Haldane a ajouté ce qui suit:

L'article 92 de I'Acte de 1867 confie l'autorité


législatiue au sein de la proaince à sa législature, et
à elle seuleruent NuJ doute qu'un organisme
jouissant, sur les sujets qui sottt de sa conrpétence,
d'un pouaoir de légiférer aussi étendu que celui
qui appartient à wrc législature provinciale au
Canada pourrait, tout en preseraant ses propres
pouaoirs dans leur .intéyite, se faire aider par des
organismes subordonnés.

(l)l ne s'ensuit pas toutefois que Ia Législature


proainciale puisse créer un nouael organe
législatif qui n'est pas nrcntionné dans l'Acte
auquel il doit son existence.
(p. 945. La traduction est celle de I'arrêt Renaoi:
compétence du Parlement relatiaemeut ù la Chambre
Haute, p.73)

88. Le procureur du requérant, invoquant ce dernier passage, a


soutenu que l'article 1 de la L.oi concernant le Conseil législatif
avait pour effJt de créer une nouvelle entité qui exerçait les
pouvoirs de l'ancienne. Cela serait devenu encore plus évident
depuis le 18 décembre 1982, alors que sont entres en vigueur les
articles 2 et 3 de la Loi sur l'Assemblée nationale,179821L.Q., c. 62,
qui prévoient ce qui suit:

2. L'Assemblée nationale et le lieutetwnt-


gouuerneur constituent le Parlement du Québec.
_\ l-Jo-L\ .ou I -7()o

Le Parleurent du Québec a.ssutne tous les pouaoirs


tlui sortt attt'ibués à h Législature du euébec.

3. Le Pnrletnent exerce le Ttotttoir législntif .

89. II suffit de dire, pour disposer de cet argument, que la


législature n'a pas créé un nouvel organe en modifiant sa
composition et qu el[e I'a fait en.ore moins en changeant de nom,
ce que toute corporation peut faire. La législature demeure
toujours assujettie aux prérogatives du lieutenant-gouverneur de
sorte qu'on ne peut soutenir, de ce point de vue, que
l'amendement à la constitution du Québec portait atteinte à la
charge de ce derruer.

90. Dans l'arrêt sEFPo c. ontario (procureur général), t1%71 z


R.C.S. 2, la Cour suprême a étudié la portée du paragraphe 92(i) de
la Lni corrstitutionnelle de 1867. Le litige portait sur la validité
d'une loi provinciale interdisant aux fonctionnaires provinciaux
de se [ivrer à des activités politiques partisanes sans obtenir un
congé sans solde. La Cour a décidé que la loi était «une
modification ordinaire de la constitution de I'ontario au sens du
par.92(1) de la Loi cortstitutionnelle de 1867" [p.46, e)].

97. Après une étude de la jurisprudence sur cette dernière


disposition, le juge Beetz a résumé sa pensée dans les termes
suivants:

(U)tre dispositiott peut généralement être


considerée comtne une modification de la
cottstrttrtiott d'une prouince lorsqu'elle porte stff
le fonctionnement d'un organe du gouuerneruent
de ls\ prouince, pourau qu'elle ne -soit pas par
ailleurs intttttgible parce 17u'ittdiuisiblement liée à
la nrise en oetrure du princiyte fedéral ou à une
cottditiott fondamentale de I'union et pouruu
éuidemment qu'elle ne soit pas explicitement ou
irnplicitement exemptée du potruoir d e
modification que le par. g2(1) accorde ù la proaince,
cot,tnrc par exemple la clurge de lieutenant-
gouuerneur et, probablement et à plus forte raison,
lL,Lr- Jô- ul,tlou I- yoô 25

la clmrge de la souueraine qtri est représentée par


le I ie u t e no n t - go ttuer n e rtr.
(p.40, e-g;

92. Le juge Beetz a donc évoqué I'hypothèse qu'à travers la


charge cle lieutenant-gouverneur, le paragraphe 92(1) vise à
protéger le principe monarchique comme forme de
gouvernement.

93. Par la suite, le juge Beetz a indiqué que la fonction publique


était un organe de gouvernement et que la loi visait à en garantir
limpartialité, qui est «considérée comme une condition
essentielle d un gouvernement responsable" 1p. 47, j). Il a conclu
que "(l)oin de violer une condition fondamentale de l'union, ...
les dispositions contestées confér(ai)ent un effet législatif
additionnel à I'un de ses préceptes fondamentaux, le principe cu
gouvernement responsableo (p. 45, d;.

94. Après avoir conclu à la validité de la loi, le juge Beetz a fait


ce qu il a désigné comme la ,.mi5s en garde,, suivante:

Le fait qu'une proaince puisse aalidement


cottférer un effet législatif à une conditian
préalable d'un gouuernement responsable ne
signifie pas nécessairement qu'elle peut faire tout
ce qui lui plaît du principe du gouaernernent
resTtottsttble lui-nûrne. Aittsi, il n'est pas certain, ù

'..,..J.' 'w',

to:tclrcr de manière inc-orrstittttionnelle à sa charge


elle-màme. Il se peut fort bien que te principe du
gouuernernetrt responsable puisse, dans ltt nrcsure
où il esf fonctiott de ces pouuoirs royailx
irtrportants, ître en grunde partie intangible.
(p.46, f-h;

95. Après avoir cité le passage, mentionné au paragraphe 87 des


présentes, de la décision du Conseil Privé dans l'arrët ln re The
)uu-Jb-utrJou I -voo

lnitiatiue and Referendum Acf, le juge Beetz a conclu de la


manière suivante:

' Bien que cette opinion incidente ne aise que les


faits particuliers de cette affaire, elle peut étayer la
proposition plus générale que le pouwir de
modification constitutionnelle que le par.
92(1.) de
la Loi constitutionnelle de
l%7 accorde aux
proainces ne comprend pas_ néc-essa-irement le
Voutsoir de
proaoquerdes bouleoersements
par I'introduction
constitutionnels profonds
d'institutions politiques étrangères et
incompatibles auec le système canadien.
(P' 47, f-g

96. La Cour suprême a donc envisagé l'hypothèse qu'à travers


le paragraphe 92(7), la Loi constitutionnelle de 1867 visât
également à protéger les principes fondamentaux du système
parlementaire britannique, notamment le
Bouvernement
responsable dans un système de monarchie constitutionnelle. Cela
serait d'ailleurs conforme au premier considérant de cette loi qui"
précise «que les provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du
Nouveau-Brunswick ont exprimé le désir de contracter une union
fédérale .,. avec une constitution reposant sur les mêmes principes
que celle du Royaume-Uni,. Mes anciens collègues les professeurs
]acques-Yvan et José Woerling retiennent cette thèse (p. 500).

Les composantes de la charge de lieutenant-gototneur

97. On constate donc, à la lumière des textes et de la


jurisprudence, que trois grands axes se dégagent. Dans un premier
temps, le lieutenant-gouverneur est «partie intégrante de la
I

législature», ce Qui implique, coûune en a décidé Ie Conseil Privé

t dans l'arrêt In re The Initiatioe and Referendum Act, qu'on ne


peut lui retirer son pouvoir de sanction. Il en est de même des
pouvoirs de convocaüon et de dissolution de I'assemblée qu'il
exerce sur recommandation de son premier ministre. Il s'agit de
fonctions qui sont également liées au principe monarchique de
gouvernement en vigueur au Royaüme-Uni.
500-36-000601-9ffi 30

98. Bien que les conventions neutralisent ces pouvoirs, ils


existent néanmoins sur le plan juridique et le lieutenant-
gouverneur seiait justifié de passer outre à Ia convention s'il
constatait que llÉtat est en péril. La Cour suprême a explicitement
évoqué ce .ur' dun, le Renaoi: Résolution pour modifier la
constittttiotr alors qu'elle déclarait ce qui suit:

Une conuentiort fondamentale dont on a parlé


ci-dessus offre un autre exetnple du confiit entre
droit et conuentiott: si, après une électiott générale
où l'opposition a obtenu ltt nujorité des sièges, le
gouaerrrcmertt refusait de donner,çrl démissiott et
s'accrocltait au pouaoir, il commettrait par là uile
oiolatiott fondamentale des conaentiotrs, si
sérieuse d'nilleurs qu'ott pourrait la considerer
équiualente à un coup d'État. Le remède dans ce
cas relèueruit du gouaerneur général ou d u
Iieutenant-gouuerneur selon le cûs, t1ui serait
jttstifié de congédier le ministère et de denwnder à
l'opposttion de former le gouaernement. t--
(P' 882) I

99. De même, on peut certes soutenir qu'il devrait dissoudre


I'assemblée, même si le premier ministre ne lui recommandait
pas cette mesure, s'il en venait à constater qu'il est impossible, de
quelque manière que ce soit, de constituer un gouvernement. Le
lieutenant-gouverneur exercerait alors ses prérogatives légales
comme solution ultime mais nécessaire.

100. Évidemment, la tradition et le respect des choix


démocratiques imposent une très grande réserve au lieutenant-
gouverneur. À défaut, cela serait susceptible d'entraîner une crise
politique de nature à entraîner sa destitution et même de ternir
I'institution elle-même, comme cela a été le cas lorsqu'un
gouverneur général a refusé la dissolution au premier ministre en
1926 ou en Australie, alors que le gouverneur général a congédié le
gouvernement en 1975 (voir Gérald-A. Beaudoin, Ia Constitutiotr
du canada, pp.62,82,11,5-116). La Cour suprême a fait allusion à ce
füJ-J6-UU-}5U i-yô6 31

danger de crise politique dans le Renuoi: Résolution poilr


modifier la constittttiotr (p. 881).

101. Dans un deuxième temps, on doit vraisemblablement


ajouter cet élément de subordination des provinces au
gouvernement fédéral dont traite le professeur Tremblay. Dans
cette optique, le pouvoir de réserve et celui de refuser la sanction
d'une loi forment un ensemble avec le pouvoir de désaveu, lequel
ne peut évitlemment faire l'objet d'un amendement par une loi
de la province puisqu'il s'agit d'une prérogative fédérale. Il faut
toutefois tenir compte, dans ce cas, de la problématique qui découle
de I'existence de conventions constitutionnelles. De toute
manière, il n'est pas nécessaire de trancher cette question car elle
n'est pas pertinente en I'espèce.

102. Enfin, on constate, à la lumière de I'arrêt SËFPO c. Ontario


(Procrreur général), qu 'au-delà du poste de lieutenant-
gouverneur, le paragraphe ' 92(1) vise à garantir les principes et
institutions fondamentales de notre système de gouvernement.

103. C'est donc dans cette optique qu'il faut se demander si les
provinces pouvaient unilatéralement abolir leur conseil légistatif.
Dans un premier temps, on constate que cette mesure, qui
diminue le pouvoir de nomination du lieutenant-gouverneur, ne
porte pas pour autant atteinte au principe monarchique, corrune
) nous l'avons décrit aux paragraphes 97-100, soit cette prérogative
d'intervention ultime pour éviter que l'État soit en péril. En
d'autres termes, I'eristence ou la non-existence du conseil législatif
n'est d'aucune pertinence sous ce rapport. D'ailleurs, le procureur
de I'intimé a fa[t remarquer, à juste titre, que dans la mesure oir
seulement cinq provinces ont eu un conseil législatif, on peut
difficilement soutenir qu'il constitue un attribut essentiel du
principe monarchique.

104. Évidemment, la question de l'élément de subordination des


provinces, Que nous avons évoquée au paragraphe 101 des
présentes, n'est pas pefinente en I'espèce. Cela nous amène donc à
I
^"r0-36-000601-966 32

déterminer si le conseil législatif est une institution fondamentale


de notre système de gouvernement, comme nous I'avons évoqué
au paragraphe 102 des présentes.

105. Certes, on pourrait soutenir que le conseil législatif est


l'équivalent de la Chambre des Lords et qu'à ce titre, son existence
doit être un des principes sur lesquels repose notre constitution en
vertu du préambule de la Loi constitutionnelle de Lg67 et qu'en
conséquence, on ne pouvait I'abolir en se fondant sur le
paragraphe 92(1).

106. Encore une fois, cet argument est incompatible avec Ie fait
que cette même loi cotrstitutiannelle de 1g67 ait prévu, à I'article
69, que la législature ontarienne est composée d'une seule
chambre, que d'autres provinces aient été admises dans Ia
confédération avec une législature monocamérale et qu,on ait
prévu que la province de Terre-Neuve pouvait unilatéralement
rétablir le bicamérisme (voir le paragraphe 74 des présentes).

107. Il faut aussi prendre acte que contrairement au Royaume.


uni, qui est un pays unitaire, le canada est une ..union fédérale,,
comme le précise le préambule de la Loi constitutionnelle de 1g67.
À cet égard, dans le Renaoi: compétence du parlemertt
relatiaement à la Clmrrtbre Haute,la Cour suprême a déclaré ce qui
suit:

Utt but ltritnordial de l'instittttiotr du Sérrat, ert


tattt qtte partie du système législatif fédéral, était
donc d'assrtrr la protectiort des 'diuers intérêts
régionaux eu Cannda qutttrt à l'adoptiott de la
législaltio tt féderale
(P.67)

108. Malgré les similitudes qu'à première vue il peut comporter


avec la Chambre des Lords, r'objectif premier du sénat est donc
fort différent de sa contrepartie anglaise. plus globalement, on peut
dire que dans notre système de gouvernement, I'existence d'une
seconde chambre est fondée sur des considérations très différentes
500-36-000601-9« 33

de celles qui prévalent au Royaume-Uni. On ne peut donc


soutenir qu'il s'agit là d'un des principes fondamentaux du
système anglais que la Loi corrstitutionnelle de 1867 a voulu
conserver.

109. La Cour conclut donc que l'existence du conseil législatif ne


fait pas partie de la «charge de lieutenant-gouverneur, ce qui est
compatible avec [a pratique constitutionnelle qui a prévalu de 1867
à 7968, date de l'abolition du dernier conseil législatif, et con_forme
à I'ensemble des autorités sur la question.

LEs rrrrrs DE tALÉGISLATToN strBSÉeuEtJTE

110. La Cour rappelle quelques arguments qu'elle a déclaré non


fondés lors de I'audition. Dans un premier temps, le requérant a
fait valoir que les articles 77-80 de l'Acte de l' Améritlue
Britannique dtt Nord de 1867, qui prévoient l'existence d'une
législature bicamérale pour la province de Québec, n'ont jamais
été formellement amendés pour tenir compte de I'adoption de la
Loi corrcenrunt le conseil législattf en 1969. En d'autres termes, le
Parlement anglais n'a jamais modifié formellement le texte de la
constitution de la province pour refléter la nouvelle situation
yuridique.

111. Le requérant a rappelé que les paragraphes 52(2) et 53(1) de la


Loi cortsttttrtionnelle de 1982 prévoient ce qui suit:

52.(2) [Constitution du Canada] ltt Corrstitution dtr


Canqda comprend:
(a) la,Loi de 1982 sur le Canada, y compris la
présett'te lot;
(b) les textes legislatifs et les décrets figurant à
l'attttexe;
(c) les modifications des textes législatifs et des
décrets mentionnés aux alinéas (a) orr 6).

53.(1) [Abrogation et nouveaux titres] ks textes


législatifs et les décrets énumérés ù la colonne I de
l'atrrrcxe sont abrogés otr modifiés dans la mesure
indiquée à la colonne ll. Sauf abrogation, ils restent
tLlU- _1o- L\_rr_bU i -9b6 3-r

en uigueur en tant que lois d,u Carwda sous les


titres mentionnés ù la colonne lll.

112. Le requérant a ensuite fait valoir qu'à la colonne II de


I'annexe, on indique, oir on traite de l'Acte de l'Amérique du
llord britanniqrrc (1867), que le tike de la loi est remplacé par celui
de Loi cottstitrttionnelle de 1867 et que I'article 20 et la catégorie 1
des articles 91 et 92 sont abrogés, sans mentionner que les articles
7i-E0 de cette loi ont été de quelque manière modifiés ou abrogés.
Il en résulterait que même si la législature avait validement aboli
le conseil législatif en 79æ par la l-oi concernant le Conseil
législatif,la Lot constittttionnelle de 1982 avait potrr effet de le faire
renaître par le biais de ses paragraphes 52(2) et 53(1).

113. outre le fait que ne peut sérieusement soutenir


personne
que le constifuant a eu l'intention, en 7982, de faire renaître le
conseil législatif, l'interprétation des textes ne soutient pas la
position du requérant. En effet, il appert, du texte même de la
première phrase du paragraphe 53(1) de la loi de 1982, que la
colonne II de l'annexe ne vise p1s, airp_o-:-ilr_ons qui avaient déjà
i_el
été abolies ou modifiées mais plutôt celles qui l'étaient pàr .îtte'ioi
i" iôaZ. Ài*i, i'i.ti.t" 20 de la loi d,e tB6T prévoyait
l'obligation de
tenir une session du Parlement chaque année et les paragraphes
91(1) et 92(7) visaient I'amendement à la constitution du Canada et
des provinces. ces dispositions n'étaient plus nécessaires suite à
l'adoption de l'article 5 de la charte, sur I'obligation du parlement
et des législatures de tenir une session par année, et à I'entrée en
vigueur de la partie V de [a Loi cottstittttionnelle de 1982 intitulée
"Procédure de modification de la constitution du Canada,.
l

114. Par ailleurs, la deuxième phrase du paragraphe 53(1) de la


Loi cortstitutionnelle de 1g82 indique que .. (s)auf abrogatiory ils
(les textes législatifs ... énumérés à la colonne I de l'annexe) ...
restent en vigueur ...)>. Cela vise tog§_1blgggq.I, tant par la loi de
1982 que par une toi uriiîiiu,r;Ï. l'espèce, il en découle que les
/ articles 77-80 de la loi constitutionnelle de 1.867 demeurent en
vigueur sauf modification par l'autorité compétente. si la Loi
500-36-000601-966

cotrcertmnt le Conseil législatif a été validement adoptée, les


dispositions de la loi de 1867 qui y référaient n'étaient plus en
l

vigueur en 1982; elles ne pouvaient donc «rester» en vigueur.

115. Le procureur du requérant a fait valoir, dans un deuxième


temps, que l'abrogation, en 1988, des articles 90 et 91 de la Loi
cottcernant le Conseil législatif avait pour effet de rendre caduque
l'abolition de cet organisme. Ces dispositions se lisent comme suit:

90. Datts toute loi, proclamatiott, commissiotr,


résolutiott orr adresse, dans torrt arrêté en conseil,
règlemetü, contrat, ainsi que dans tottt autre
docuntent, tout mot ou expression emplsyI pour
désigr.tr la . Législature de ertébec, 'aeiigni la
Législature du Quebec; de nÉnre, totû mot it tottte
e.xpression employé pour déstgner l'Assemblée
législatiue de Qutibec, l'orateur de l' ,4ssemb ée
législatiue de Québec, I'orateur suppléartt ou le
greffier, désigne respectir.,ement l'Assemblée
nationale du Québec, le président de cette
Assemblée, sott uice-présidertt ou sott secrétqire.

91. Chaqur. foil qu'il est prescrit ou pennis qtrc le


Conseil législatif donne son auis ou son
cottsentemettt, ou qu'un rapport, Ltn message ou
toute autre chose lui soit transmis ott sotttrris, il
wfft que cet auis ou ce consentement soit donné
par l'Assemblée nationale du eu€bec et qtrc ce
rapport, ce messdge ou cette clrcse lui soit transmis
ou soutnts,

1i6. ces dispositions ont été abrogées par l'article 1 de la Loi


portant abrogntton de lois et dispositiorts législatiues ornises lors
des refontes de 1Ç88,1909, 1925, 1941,7964 et 1977,L.e.,19g2,c.37.

717. outre le fait qu'il est évident que la législature n,a pu


vouloir le rétablissement du conseil législatif par I'adoption d,une
disposition de concordance, on peut mentionner que les articles 90
et 91 de la Loi concernant le Conseil légistatif n,étaient pas
essentiels à l'abolition valide de cet organisme.
LA LÉGALITÉ DE L'ASSEMBIÉE NATIONALE SUTTE À
L'ÉLECTION DU 13 AVRIL 1982

118. La Cour est appelée à étudier successivement le problème


découlant de l'élection d'un nombre de députés plus grand que le
nombre prévu par [a loi et la question du respect de l'article 133 de
la Loi corrstitutionnelle de 1867 lors de la publication des avis.
Toutefois, lors de la dernière journée d'audition, le substitut du
procureur général du Québec a demandé que la Cour ne statue pas
sur la question de la validité du processus augmentant le nombre
de députés, tout au moins dans I'hypothèse oir elle ne conclurait
pas à sa légalité. n soutenait que dans la mesure où il est
impossible de reprendre l'élection quinze plus tard, la Cour ne
devrait pas se prononcer puisqu'il n'est pas nécessaire de le faire
pour régler l'affaire. Il invoquait notamment I'arrêt Phillips c. N.É
(Ënquête Westray), U9951 2 R.C.S. 97, par. Ç13. La Cour traitera
donc de cette question préalablement.

La RrcuvaBIUTÉ DE LA. eLTESTIoN

179. Dans l'affaire Phillips c. Ài.É (Enquête Westruy), Ies


requérants avaient soutenu, jusqu'à la Cour suprême, que la tenue
d'une enquête publique, avec la publicité qui I'acconrpagnait, était
susceptible de porter atteinte à l'équité de leur procès qui devait se
tenir devant jury. Durant le déliberé, ils ont réopté pour être jugé
par un juge sans jury. C'est dans ces circonstances que la Cour
suprême a décidé qu'elle ne devait pas statuer puisqu',.aucun
élément au dossier ne permet d'affirmer que la publicité prévue
aurait sur un juge un effet qui justifie la suspension, (par. 4).
I

i20. Dans un premier temps, la Cour constate que la question


soulevée par Ie requérant met en cause une des valeurs les plus
fondamentales de notre système démocratique. D'aucuns
pourraient penser que la Cour s'abrite derrière des technicalités
juridiques si elle devait refuser de statuer et cela pourrait porter
atteinte à la crédibilité de la justice.
ruu-J6-u006u 1-!b6 37

121. Dans un deuxième temps, la Cour prend acte que cette


objection a été forrnulée à la toute fin de I'audition de la requête,
alors que toute I'argumentation avait été entendue sur cette
question et que le requérant avait investi de nombreuses
ressources pour faire valoir son point. Le soussigné rappelle
également que c'est I'intimé qui a insisté, au début de I'audition,
pour que la Cour statue sur toutes les questions soulevées (voir le
paragraphe 37 des presentes), sans penser de faire la distinction
qu'il a fait valoir après l'argumentation. Bien que cela ne puisse
être détermrnant dans l'exercice par la Cour de son pouvoir
discrétionnaire, on doit prendre en compte qu'un rejet de la
demande fondé sur ce motif aurait un aspect inéquitable pour le
requérant. La Cour tient par ailleurs à souligner qu'elle ne fait
aucun reproche au procureur de l'intimé pour avoir soulevé la
question tardivement et qu'elle n'y a décelé aucune motivation
i ncorrecte.

122. Dans un troisième temps, le soussigné note que dans l'arrêt


Sittclair c. Que-bec (P.G.), sur lequel nous reviendrons, la Cour
suprême, en 1992, a déclaré globalement invalide tout le processus
de fusion des villes de Rouyn et de Noranda en 1986, émettant par
ailleurs une ordonnance par laquelle les textes en cause devaient
demeurer en vigueur pendant un an afin que I'Assemblée
nationale puisse prendre des mesures pour remédier au vice
(p.593. g-j). Comme nous le verrons plus loin, un référendum
avait été tenu dans chacune des deux villes impliquées, ce qu'on
ne pouvait reprendre six ans plus tard. I semble bien que la Cour
suprême ait envisagé la possibilité de l'adoption d'une loi
rémédiatrice globale, ce qui pourrait être fait en l'espèce.

123. La Cour conclut donc qu'elle doit statuer sur cette partie de
la requête.

LE xoL.TsRE DE DÉPUTÉS

124. Dans un premier temps, le requérant a fait valoir que les


modifications au nombre de circonscriptions n'ont pas été
500-36-0G1601-966 38

effectuées conformément aux dispositions de I'article 80 de la Loi


t:ottstittrtiottnclle de 7867 qui prévoit ce qui suit:

80. L'assemblée législatiue du Québec se composera


de soixante-cinq députés, qui seront élus pour
représenter leç soixante-cinq diaisions ou d.istricts
électoraux du Bas-Canada, mentiottnés au présent
acte, sauf toute modification que pourra y apporter
la législature du Québec; rnais il ne pourra être
présenté au lieutenant-gouverneur du Québec,
pour qu'il le sanctionne, aucun bill ù l'effet de
modifier les délimitations des diaisions ou
districts électoraux énumérés dans la deuxième
annexe du présent ûcte, à moins qu' il n'ait été
adopté à ses deuxième et troisième lectures, dans
I'assernblée législatiae, aaec le concours de la
majorité des deputés représentant toutes ces
diaisiotrs ou districts électoraux. Aucun bill de
cette nature ne sera sanctionné, à moins qu'une
adresse n'ait été présentée nu lieutenant-
gouaerneur par l'assemblée législatiae, déclarant
qu'un bill a été ainsi adopté.

125. Comme on peut le constater, l'article 80 a deux


composantes. Il prévoit que le nornbre de circonscriptions doit être
déterminé par I'assemblée et qu'on ne peut modifier les limites
des celles énumérées dans la seconde annexe de la loi sans le
consentement de la majorité des députés qui les représentent. Il
s'agissait de circonscriptions dont les électeurs étaient, en 1ffi7,
majoritairement anglophones. Sur ce point et sur I'histoire de
notre législation en matière de composition de la carte électorale
du Québec, voir Henri Brun et Gry Tremblay, Droit
c o rt s t i t u t io n n el, (2d), pp. 2æ-277.
1

726. La réponse à cette objection est simple; elle se trouve à


l'article 1 de la l,oi concernant les districts électoraux,5.Q., !970, c.
7, qui précise ce qui suit:

1. L'article 80 de la |-ni de l'Amhique du Nord


britannique (1867) cesse d'aooir effet.
500-36-000601-966

127. En abolissant les comtés dits la législature du


«protégés»,
Québec a également aboli l'obligation de modifier par une loi les
limites des circonscriptions. L'Assemblée nationale s'est donc
accordée le pouvoir de mettre sur pied un mécanisme différent en
la matière, ce qu'elle a fait en 1979 en adoptant la Loi sur la
représentation électorale. La Cour mentionne au passage que le
travail de la commission est assujetti au contrôle des tribunaux
pour s'assurer du respecl d'une parité équitable entre les diverses
circonscriptions (Renuoi: circonscriptiotts électorales proainciales
(Sask.), [19971 2 R.C.S. 158).

128. Par ailleurs, la Cour n'a aucune hésitation à conclure, pour


les motifs qu'elle a exposés aux paragraphes 90 à 109 des présentes,
que I'adoption d'un tel mécanisme, qui constitue un amendement
à la constitution de [a province fort semblable à celui déclaré
valide dans l'arrêt SEFPO c. Ontario (Procttreur genéral), ne porte
pas atteinte à la "charge de lieutenant-gouverneur».

12g. De même, la Cour n'a aucune hésitation à conclure que


n est qu'apparente et sans conséquence juridique la contradiction
entre I'article 5 de la Loi sur la législature, qui prévoyait, jusqu'au
18 décembre1982, que
"(l)'Assemblée nationale se compose de 110
députés", et I'élection de 122 députés le 13 avril 1981 suite à la
délimitation d'autant de circonscriptions aux termes de la l,oi sur
la représentatiort électorale. Il suffit de rappeler que la première
clisposition est entrée en vigueur le 6 juillet 7973 lLoi modifiant la
Loi de la Législature, (7973) L.Q., c. 10, art. 1l et la seconde le 13
décembre 7979. En vertu du principe que la loi postérieure
l'emporte sur la loi antérieure (voir Pierre-André Côté,
lnterprétation àrt Lois (2e éd.), pp. 339 ss.), la loi de 7979 avait
préséance.

130. Par ailleurs, la législature a corrigé cette anomalie apparente


suite à I'entrée en vigueur, le 18 décembre 7982, de la Loi sur
l'Assemblée nationale dont I'article 1 prévoit ce qui suit:
500-16-1100601-%É 40

1. L'Assertblée nationale se compose des députés


élus datts clucune des circonscriptiorts électorales
établie s confonnûnent it la Lni sur la
représetrtntton électorale (L.R,Q., clwltitre R-24.1) et
dont /es ,to,tts ottt (té publiés t'onforméntttrt à
l'article 134 de la Lni électarale (L.R.Q., clwltitre E-
3.-t).

13i. L'article 767 de cette loi précisait qu'elle remplaçaitla Loi sur
la législature

132. Le procureur du requérant a également fait valoir que cet


article 167 a été abrogé par larticle 7 de la Loi ruodifant la loi sur
I' Assemblée natiottale sanctionnée le 19 juin 1989 (L.Q., 7989, c.22).
À cet égard, il suffit de rappeler l'article 9 de la [oi d'interprétution
du Québec, L.R.Q., c. I-16, qui précise que I'abrogation d'un texte
législatif ne fait pas renaître le texte antérieur.

LA PUBLICATIoII DES AIITS

La liste des circonscriptions électorales

i33. Il est également assez facile de disposer de la prétention du


requérant que la publication non sirnultanée de la liste des
circonscriptions viole I'article 133 de la Loi cottstittttiorutelle de
1867. D'entrée de jeu, la Cour prend acte qu'il ne saurait faire de
doute que la publication d'une loi en français et en anglais doit
être simultanée. comme la Cour suprême I'a indiqué dans I'arrêt
Retruoi: droits linguistiques ûu lvlanitoba, [19851 1 R.C.S. 721.,T25, j,
"(l)'usage simultané de I'anglais et du français est requis
pendant tout |e processus d'adoption des lois". Voir aussi
Procureur général dtt Qufbec c. Blaikie, [197912 RC.S. 7016, 1022.
Cela implique évidemment la publication simultanée, ce que le
procureur général du Québec ne conteste pas.

734. Le procureur général du Québec soutient toutefois que cette


exigence, qui se justifie dans le cas de l'adopüon d'une loi otr un
organisme délibère, ne s'applique pas dans un cas corune celui de
500-36-000601-%6 41

strict plan technique, on peut mentionner que la


I'espèce. Sur le
commission de la représentation électorale est composée de trois
personnes, ce qui implique une adoption collégiale. Cela suffit
pour disposer de la question.

135. Mais il I' a plus. L'article 133 ne fait pas que créer une
obligation au législateur. Il accorde également des droits aux
citoyens. Un de ces droits est très certainement celui de prendre
connaissance de la loi et il ne saurait souffrir un régime
d'application à deux vitesses.

136. Cela étant, la Cour considère que la publication de la liste des


circonscriptions n'est pas visée par l'article 133 qui s'applique "aux
lois de la législature du Québec". À cet égard, la Cour suprême a
déclaré ce qui suit dans l'anêt Renuoi: droits linguistiques au
Manitoba:

(L)'art. 133 s'applique ûu:( règlements adoptés pùr


le gortt,er rtement du Québec, un ntinistre ou tut I

tro upe de mittistres ainsi qu'aux règlements de


I

l'Adnutristrotrott et des organismes parapub!ics


qut, potrr entrer en uigueur, nécessitent
l'dpprcÿes1s1, de ce gouuernetnent, d'un ministre
ou d'utt groilpe de ministres. Cette Cour a
soulrgtté Llue l'art, 1i3 uise uniquentent les
règlemertts ltti constituent de lrt "législatiotr
déléguée" proprenrcnt dite et non pas les règles ou
directii,es de regte interrrc.
(p.743, g-i)

137. La commission de la représentation ne posait donc pas un


acte gouvernenpental au sens de l'article 133.

La dissolution de I'assemblée

138. La problématique est différente dans le cas de la


proclamation relative à la dissolution de I'assemblée nationale le
12 mars 1981. Il faut se souvenir qu'aux termes de la constitution,
le lieutenant-gouverneur fait partie de la législature. On peut aussi
500-36-000601-966 47

mentionner, même s'iI ne s'applique pas directement, que le


paragraphe 67,12 de la Loi d'interprétatiott du Québec prévoit que
le terme «gouvêrn€ment, signifie le lieutenant-gouverneur. La
question qui se pose est donc de déterminer si la proclamation de
dissolution est une loi au sens de I'article 133. Les parties ont
indiqué qu'il nexiste aucune jurisprudence sur la question.

139. Pour la résoudre, il faut se référer au deuxième Renuoi


relatif aux droits lingùstiques üu Manitoba, [1992] 1 R.C.S. 212.
Dans cette affaire, on avait demandé à la Cour suprême de préciser
son arrêt de 1985 pour déterminer quels types de décrets
gouvernementaux sont assujettis à I'article 133. Le gouvernement
du Manitoba avait soumis six questions visant certains ÿpes
particuliers de décrets.

140. La Cour a déclaré qu'il faut «distinguer les textes législatifs et


les autres ÿpes de textes" (p. 223, f). Elle a suggéré que les critères
généraux sont de trois ordres, soit en tenant compte de la forme,
du contenu et des effets du texte, étant entendu qu'ils ne
s'appliquent pas de façon cumulative (p. 223, h).

141. Sur le plan de la forme, la Cour a indiqué qu'»en ce qui a


trait à la forme, un lien suffisant ... est établi lorsque le texte est
adopté, en vertu de la loi, par le gouvernement ou assujetti à
I'approbation du gouvernement» (p. 233, 0. La portée de
l'expression "lois de la législature» «doit être limitée aux
documents qui sont réellement déposés à I'Assemblée législative,
(p.224, e).

142. Lors de I'Ludition; la Cour a indiqué qu'elle comprenait ce


passage comme signifiant que relativement au critère de la forme,
Ie dépôt à l'assemblée constituait l'élément déterminant, étant
entendu que ce facteur ne pouvait être décisif pour disposer de la
question en litige. Lors du dernier jour d'audition, le soussigné a
alors demandé au substitut du procureur général du euébec si une
proclamation de dissolution de l'assemblée devait être déposée.
Après vérification sommaire, il a indiqué que les décrets ne sont
5ù0-36-000601 -gffi

jamais déposés au Québec. La Cour conclut donc que le critère de la


forme n'est pas pertinent pour les fins des présentes.

i43. En ce qui concerne le contenu et l'effet, la Cour suprême,


dans le deuxième Renooi relatif dux droits linguistiques au
Manitobrt, s'est référée au rapport sur les instruments statutaires
du Comité MacGuigan qui déclarait ce qui suit:

(U)rt règlement est uile règle de conduite, décrétee


Liar une autorité réglementnire conformément à
urte lor drt Parlernent, qui a force de loi pour il,t
ttontbre indéternriné de personnes;
(cité à la p.224, g)

l41. La Cour a ajouté ce qui suit:

Les expressiorts sur lesquelles il faut s'arrêter


datts la citutiott qui précède, ett ce qui concerne le
contenrr et l'effet des d,écrets, sànt nrègle de
r, nforce de loi" et «urt io mb r e
cottduite
tndéterminé de persofines»>. Llne «règle de
peut ître décrite contme une règle qui
c-otrdu.tte"
fire des norriles de conduite, qui détertiine ' de
quelle manière des droits sont exercés et des
responsabilités sont renrplies. Si on la rattache à
l'expressiort «force de loir, la règle doit être
unilatérale et aaoir un effet juridique obligatoire.
Finalement, elle doit égalernent s'appliquerh <<un
rtornbre indéterminé de personnes», c'est-à-dire,
qtr'ella dott s'appliquer de façon générale plutôt
tltte Ltiser des prrsonnes ou des situations pricises.
(pp.221-225)

145. Il est fort tpertinent, pour la solution du présent litige, de


noter que la Cour suprême a décidé que les ,,décrets relatifs aux
nominations en général ainsi qu'aux nominations de juges et de
membres des tribunaux quasi-judiciaires, et de personnes au sein
de la fonction publique et de sociétés d'État, (p.2zr, b) ne sont pas
visés par I'article 133. Dans le cas des juges, la cour a déclaré ce qui
suit:
500-36-000601 -966 44

Bien qu('ils) soient ainsi inaesti)s du ltouuoir


ude dire le droit" dans la mesure où l'erige I e rtr
rôle datts l'élaboratiott de la conttncn lùüt,
l'attrib utiotr d' un tel ltouwir à une persontte ett
ytarticulier ne modifie f,Lts les droits et /es
resltonsubilttts du public en uertu des lois
existantes.
(P-227, d-e)

146. LIn décret de nomination de juge présente une similarité


évidente avec celui de l'espèce: il ne fixe pas une norrne de
conduite, il ne modifie pas les droits du public, il vise un nombre
limrté de personnes, i.e. les députés dont le mandat est expiré, et il
est d'application limitée dans le temps. Par analogie, on peut
conclure qu'une proclamation déclarant la législature dissoute
n'est pas un "texte législatif".

147. La Cour suprême a traité incrdernment d'un tel décret dans


l'arrêt Sitrclair c, Québec (P.C.). Dans cette affaire, une loi
prévovant la fusion des municrpalités de Rouyn et de Noranda
était entrée en vigueur le 20 juin 1985. Cette fusion était assujettie
à l'accomplissement de certaines conditions. Les deux villes
avaient notamment jusqu'au 1er novembre 1985 pour préparer un
protocole d'entente et à défaut le ministre avait le pouvoir d'en
décréter un, ce qu'il a effectivement dû faire. Ce protocole devait
être soumis à un référendum le 23 mars 1986 et en cas de résultat
favorable, le gouvernement devait décréter des lettres patentes
avant le 1er mai 1986. Durant les négociations, le ministre avait le
pouvoir de reporter, pour une période maximale de huit mois, la
tenue des élections municipales dans I'une ou l'autre ville, ce
qu il a effectiverhent fait.

148. Suite à des résultats favorables dans les deux villes, le


gouvernement a délivré des lettres patentes le 23 avril 1986, qui
ont été publiées le 5 juillet 1986. Le décret a été rédigé et publié en
français seulement. Le décret tenant lieu de protocole d'entente
avait été rédigé en français seulement et n'avait pas été publié. Il
5Otl-36-OCuôûl -%6 15

en était ainsi du .décret reportant les élections. Enfin, les lettres


patentes n'ont été rédigées qu'en français.

149. Rappelant le princjpe qu'un texte ne peut échapper à


I'article i33 en e&hï( un cheminement détourné pour
l'adopter, la Cour a indiqué qu'il ne fallait pas étudier chacune des
étapes séparément mais globalement puisqu'il s'agissait d'un
ensemble législatif. Ayant constaté que le processus global était
visé par I'article 133, elle a conclu que le respect de cette disposition
était nécessaire à chacune des étapes.

150. Cela impliquait é.iidemment que le décret reportant les


élections était assujetti à l;exigence de la publication en français et
en anglais. Toutefois, il est fort pertinent de mentionner que la
Cour a indiqué qu'"(i)l n'est pas évident que ce décret, pris
séparément, est un acte législatif" (p.592, g). Cela confirme
davantage la conclusion énoncée plus haut.

151. La Cour conclut donc que la législature élue le 13 avril 19Bi


I a été légalement.

APPENDICE: LA RECEVABILITÉ DU
CERTTORÂÀT ET DE LA PROHIBMON

152. Même s'il n'est plus nécessaire de trancher cette question en


l'espèce, la Cour, qui avait eu le temps de l'étudier avant que le
reqr.rérant se désistât de sa demande en certiorari et prohibition,
croit utile d'émetke certains commentaires sur la recevabilité d'un
recours extraordinaire dans un cas où un plaideur allègue
l'invalidité de loute la législation pendant une période donnée,
par opposition à l'inopérabilité d'une règle de droit ou même,
d'une loi en général.

153. Il est clairement établi que les recours de contrôle judiciaire,


dont notamment le certiorari (R. c. Dubois, [1986] 1 R.C.S. 366;
Harelkin c. Uniaersité de Régina, 119791 Z R.C.S. 561) et la
prohibition [Re Baptiste and the Queen, (1982) 65 C.C.C. (2d) 510
50G36000601-96f 6

(C.A.C.B.); Re Tatclrcr nnd Merchant and the Qtteen,(1984) Z C.C.C.


(3d) 446 (C.A.S.)l sont de nature discrétionnaire.

1ÿ. Cela étant, la Cour note qu'en I'espèce, le certiorari n'était


pas recevable ,parce que ce recours vise à faire annuler un
jugement ou ordonnance rendu(e) alors que le requérant voulait
empêcher la Cour du Québec de le juger. Le soussigné examinera
donc la question de la recevabilité de la prohibition.

155, Dans l'arrêt Re Anson and The Queen, (1983) 4 C.C.C. (3d)
119, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a énuméré res
divers facteurs dont le tribunal doit tenir compte dans l'exercice de
sa discréüon lorsque le requérant allègue I'inconstitutionnalité de
la disposition en vertu de laquelle l'accusation est portée.. D'une
part, il faut prendre en considération les inconvénients de délais et
de coûts liés à la fragmentation d'un procès. par ailleurs, la tenue
d'un procès illégal qui devra être repris entraine également des
délais, des coûts, de la publicité négative et de l'anxiété. La cour a
souligné que la prohibition ne sera émise qu'exceptionnellement.
Au même effet, voir: Re Kendall and The eueen, (1%3) 2 C.C.C.
(3d) 224 (c.A.A.). voir aussi Re Krakoutski and The
eueen, (1,983) 4
c.c.c. (3d) 188 (c.A.O.).

156. La cour d'appel de l'ontario semble vouloir restreindre


encore davantage le recours en prohibition. Dans l'arrêt R. c.
!ç'fultitech Wnrehouse Direct (Ontario) Inc., (1990) 52 C.C.C. (3d)
175, elle a jugé que I'accusé ne peut se pourvoir que s'il démontre
qu'une violation manifeste de la charte se procluit ou est sur le
point de se produire. voir aussi Re corbeil and The errcen, (19g6)
27 c.C.c. (3d) 24d (c.A.o.).

157. Qu'on applique un ou I'autre critère, Ie recours


extraordinaire n'aurait pu être reçu. Mais il y a plus. Il faut tenir
compte du fait qu'en l'espèce, l'ensemble de la législation du
Québec depuis 1968 ou 1982 est mise en cause. or, il est clairement
établi que la théorie de la validité de facto devrait s'appliquer de
It'L)- jô-LrLUÔrr I -9b6

manière à éviter le vide juridique (Renuoi: Droits linguistiqrrcs au


Manitoba) si elle àevait être déclarée nulle.

158. En l'espèce, la
seule question en litige aurait été de
déterminer si le requérant aurait pu bénéficier de cette nullité du
seul fait qu'il l'aurait soulevée. À cet égard, on notera que dans
l'affaire manitobaine, [a question de la validité de I'ensemble de la
législation rnanitobaine s'était posée suite à la contestation, par un
dénommé Bilodeau, du Highwa:y Traffic Act de cette province en
vertu duquel on lui avait reproché une contravention pour excès
de vitesse. Dans une décision distincte, la Cour suprême a appliqué
la théorie de la validité de facto pour conclure que la déclaration de
culpabilité, bien qu'invalicle, était exécutoire. Voir Bilodeau c. P.G.
(Man,), [1986] 1 R.C.S. M9,457,b.

159. Par ailleurs, dans I'arrêt R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 790,277,


où on a décidé que la personne détenue devait être avisée de son
droit de consulter un avocat de garde et de l'aide juridique, la Cour
suprême a ordonné I'exclusion de la preuve même si elle a octroyé
un moratoire de trente jours pour permettre aux divers corps de
police de se conformer aux règles nouvelles.

160. La Cour considère que I'arrêt Bilodeau c. p.c. (Man.) fait


autorité en I'espèce. Dans ce dernier cas, I'accusation était triviale,
étant en quelque sorte le prétexte à la contestation d'un principe
constitutionnel fondamental. Dans le cas qui nous occupe, on est
en présence d'un faisceau d'accusations qui mettent en cause la
tranquillité et la sécurité d'une citoyenne et la paix publique en
général. Cette Cour aurait donc a fortiori dt appliquer la règle
définie par la Cbur suprême.

1,67. Par ailleurs, le vice constitutionnel n'aurait pu, comme


dans l'affaire R. c. Brydges, porter à I'atteinte à l'équité du procès
en ce que la violation de la Charte constituait justement ce qui
pouvait entraîner une condamnation. En d'autres termes, le
requérant Montplaisir ne pouvait subir aucun préjudice sur le
plan judiciaire de ce vice qu'aucun plaideur n'aurait décelé depuis
500-,j6-ù006Llt -966 48

plus d'une ou depx décennies selon le cas. Dans la mesure où les


lois du Québec étaient valides de facto, I'abolition illegale du
conseil législatif qu la nullité de l'élection de 1981 n'aurait eu
aucun impact sur le déroulement du procès.

,'
162. La Cour conclut donc que même si les prétentions du
requérant avaient été fondées, le recours en prohibition et
certiorari n'aurait pas été recevable, de la même manière que le
luge du procès ne saurait refuser de prononcer une déclaration de
culpabilité pour ce seul motif. Cela aurait suffi pour rejeter la
demande en contrôle judiciaire. Le soussigné conclut donc que les
questions soulevées devaient être tranchées en vertu cle la
compétence de la Cour en matière de jugement déclaratoire.

i63. À la fin de l'audition, la Cour a demandé aux procureur(e)s


quelle serait leur positron respective à l'égard des frais dans
l'hypothèse où ils auraient gain de cause. Ils ont tous déclaré que
i,'u la nature de Ia demande, il n'y a pas lieu de rendre une
ordonnance à cet égard. La Cour considère cette attitude bien
fondée.

764. La Cour tient à remercier les procureur(e)s pour Ia qualité de


leur argumentation et leur assistance pour que soient résolus dans
des délais assez brefs des problèmes qui a priori, n'étaient pas
faciles d'accès.

Pour ces motifs, la Cour

Procédan[ à statuer sur la requête en prohibition et


certiorari:

Donne acte au requérant de son désistement;

Déclare q,ue de toutes manières, ce recours était


irrecevable en l'espèce;
500-iô-0006û1 -966 49

Procédant ,à statuer sur la requête pour jugement


déclaratoire:

Rejette la requête;

Déclare que le conseil législatif a été validement aboli


en 1968 par la Loi concernant le Conseil législatif,
(1968) 17 Eliz. tl, c. 9 et que la législature a été
validement constituée depuis ce temps;

Déclare que l'Assemblée nationale formée suite à


I élection du 13 avril 1981 I'a été validement;

Déclare en conséquence non fondée l'allégation que la


Cour du Québec n'aurait pas été légalement créée à
cause de l'abolition illégale du conseil législatif en
I

1968 par la L-oi concernant le Conseil législatif, (1963) I

17 Eliz.lI, c. 9 ou à cause de la constitution invalide de


I

la législature depuis ce temps ou à cause de la I

formation invalide de l'Assemblée nationale suite à I

l'élection du 13 avril 1981;

Déclare en conséquence non fondée l'allégation que


certains postes de juges à la Cour supérieure du
Québec n'auraient pas été légalement créés à cause de
l'abolition illégale du conseil législatif en 1968 par la
Loi cortcrrnant le Conseil législatif, (i968) 77 Eliz.II, c.
9 ou à cause de la constitution invalide de la
législature depuis ce temps ou à cause de la formation
invllide de l'Assemblée nationale suite à l'élection
du 13 avril 1981;

Déclare que les iuges de Ia Cour du Québec peuvent


validement exercer, en vertu du Code criminel, la
juridiction de jr'rge de paix, de j.rg" de la cour
provinciale et de juge au sens de la partie XIX de ce
code;
500-360m501-966
.:

' Le tout, sani frais.

PIEARE BÉLIVEAU, J.C.S.

I
Pierre Béliveau

Procureur du requérant: Me Michel Le Brun


Substituts du procureur général du Québec:
Me André Fauteux
Me Ginette Kirouac
Substitut du procureur général du Canada:
Me Bernard Mandeville

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