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L’art délicat de la définition de besoin (1/2)

Les versions successives du code des marchés publics contiennent de manière


constante un article, plus ou moins sibyllin, consacré à la nécessité pour les pouvoirs
adjudicateurs de définir correctement leurs besoins en amont de la consultation.
Et pourtant, l’article 5 de la version actuelle du code n’a jamais autant occupé les
acheteurs publics.

Définir la définition de besoin : le recensement de la demande interne


La définition de besoin constitue la première phase de la construction d’un marché
public. De l’angoissante page blanche au lancement effectif de la consultation, les
étapes sont nombreuses et parfois complexes.
Au cours de cette étape, les entreprises ne jouent pas encore de rôle, à l’exception
du titulaire de l’éventuel marché en cours qui sera probablement amené à fournir des
états de consommation détaillés.
Il s’agira donc de comprendre les pratiques d’achats actuelles (ce que l’on appelle la
« demande interne »). La revue du contrat en cours, le bilan d’exécution,
l’exploitation des données du terrain relèvent alors directement de la responsabilité
de l’acheteur.
Ce dernier aura parfois, comme cela a pu m’arriver lors d’un précédent poste, à
recenser les données d’une centaine de contrats éparpillés sur le territoire
hexagonal.
Sur la base de cette première enquête, l’acheteur, rejoint en mode projet par le
référent technique, est en mesure d’avoir une photographie des pratiques internes
d’achats : la gamme, les niveaux de prix, les fournisseurs en place, etc …
Il est temps alors de passer à la seconde phase de la définition de besoin,
le sourcing.

A la rencontre de l’offre externe : le sourcing fournisseurs


Au cours de cette phase, le binôme acheteur/prescripteur rencontre les acteurs du
secteur économique concerné.
A ce stade, les entreprises ont une réelle carte à jouer auprès des décideurs publics,
une occasion unique de faire preuve de leur savoir-faire technique.
Un seul conseil : soyez pédagogues et patients.
La plupart des acheteurs publics ont une réelle méconnaissance du segment
économique dans lequel ils évoluent temporairement par manque de spécialisation
(nous sommes majoritairement « généralistes », et amenés à acheter un jour des
travaux, et le lendemain des fournitures ou des prestations intellectuelles).
Rencontrer les sociétés constitue pour les acheteurs une phase d’acculturation qui
va leur permettre de monter en compétences et donc d’enrichir leur futur cahier des
charges.
Les entreprises consultées à ce stade doivent adopter une attitude pédagogique
permettant à l’acheteur d’appréhender les us et coutumes d’un secteur économique,
tout en restant à bonne distance, et se garder de vouloir orienter les cahiers des
charges en leur faveur.

Un garde-fou dans le secteur public : le cahier des charges « sur mesure »


On touche là à une limite extrêmement forte que les entreprises doivent avoir à
l’esprit quand elles rencontrent les acheteurs publics.
Une société qui chercherait à dicter des clauses, voire un cahier des charges
complet, ou encore proposer de le relire, se rendrait à l’évidence coupable d’une
violation des principes structurants de la commande publique. Une telle pratique si
elle était mise à jour peut conduire non seulement à l’irrégularité de la procédure,
mais également potentiellement à une mise en cause pénale pour délit de
favoritisme.
Et pourtant, tout acheteur public se voit très fréquemment proposer ce type de
service. Une société un jour m’a tendu un cahier des charges tout prêt, relié, en
précisant qu’elle me l’enverrait en format dématérialisé car « c’est plus pratique pour
vous », et en guise de conclusion, « n’hésitez pas, on a l’habitude ».
En conclusion, les entreprises potentielles futurs candidats doivent adopter une
attitude constructive de conseil, mais en aucune manière de co-rédacteur.
Je vous parlerai dans le prochain billet des affres de la rédaction des cahiers des
charges, étape ultime de la définition de besoin.
L’art délicat de la définition de besoin (2/2)

La phase de définition du besoin pour les acheteurs obéit à un séquençage précis et


minutieux, qui est désormais intégré dans leur planning des tâches au même titre
que les phases de procédures de publication, d’analyse des offres, etc.
Le mois dernier, j’ai eu l’occasion d’évoquer les premières étapes de recensement du
besoin et de sourcing des fournisseurs. Je vais maintenant vous parler de la phase
proprement dite de rédaction du cahier des charges.

De la nécessité de rédiger un document original


On ne le répétera jamais assez: les cahiers des charges techniques des
administrations sont le fruit de leur réflexion préalable sur leurs besoins propres.
En aucun cas, ce document ne sera un « copier-coller » des fiches techniques d’un
fournisseur, sous peine d’accusations de délit de favoritisme.
Le cahier des charges ne sera pas plus un agglomérat plus ou moins heureux de
cahiers des charges récupérés dans d’autres structures, ou encore l’expression d’un
besoin trop flou issu d’une absence de réflexion préalable.
Les sociétés potentiellement candidates à ce stade ne doivent en aucune manière
intervenir dans ce processus de rédaction qui se joue à quatre mains entre le
prescripteur technique et l’acheteur.

Dans le secret de la rédaction d’un cahier des charges unique


Au cours de cette phase, acheteur et référent technique font la synthèse de toutes
les informations recueillies auprès des utilisateurs internes (c’est-à-dire toute
personne qui a contribué à l’exécution du marché précédent, ou qui sera amené à le
faire s’agissant d’un besoin nouveau), mais également auprès des
différents fournisseurs rencontrés durant le sourcing.
De manière très concrète, le travail de rédaction d’un cahier des charges techniques
peut aller de la simple retouche ou mise à jour d’un document existant, à sa refonte
totale.
La tâche est plus vaste s’il s’agit d’un besoin nouveau pour lequel il n’existe que peu
de documents de référence. C’est dans cette hypothèse précise que le risque est
grand pour les administrations d’accepter de manière plus ou moins explicite le
concours de fournisseurs, qui potentiellement disposent d’une véritable expertise
technique … de leur propre solution. Cette « aide » est une fois de plus aussi
tentante que totalement proscrite.

Les ingrédients indispensables d’un cahier des charges réussi


Il est très facile de juger de l’efficacité d’un cahier des charges au moment de
l’analyse des offres. Si le résultat de l’appel d’offres est fructueux (plusieurs offres
répondant aux prescriptions techniques et économiquement compétitives), cela
signifie que le cahier des charges était clair et explicite.
L’idéal toutefois est de proposer aux candidats un CCTP solide, de manière à éviter
de devoir rendre l’appel d’offres infructueux.
Pour ce faire, l’acheteur doit s’assurer que son expression de besoin décrive
précisément ses attentes réelles (par exemple, dire que l’on souhaite faire entretenir
ses espaces verts ne suffit pas..), ses contraintes (ce qui pèse sur lui et sur
lesquelles il n’a pas de prise : budget, planning..), ses données (toutes les infos
chiffrées dont les entreprises ont besoin pour fournir une offre précise), et enfin
ses exigences (les points « en dur » de son cahier des charges auxquels il ne
renoncera pas).
Un CCTP reprenant de manière étayée ces quatre points a toutes les chances de
rencontrer des fournisseurs et d’aboutir à la conclusion d’un marché satisfaisant pour
les deux parties.

Article rédigé par : Catherine BOSSAERT le 02/09/2015

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