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net/publication/261831356
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1 995
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Latifou Lagnika
University of Abomey-Calavi
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L’ethnopharmacologie et la recherche de
molécules antipaludéennes dans la biodiversité
ivoirienne, béninoise et camerounaise
B. Weniger1*, L. Lagnika2, B. Ndjakou Lenta3, C. Vonthron4
Des études ethnopharmacologiques réalisées en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Cameroun ont permis de recenser une sélection d’es-
R é s u m é
pèces médicinales utilisées traditionnellement comme antipaludique, mais dont l’activité antiparasitaire n’avait pas fait l’objet d’étu-
des scientifiques. Parmi les plantes ivoiriennes, 3 espèces ont montré une activité antipaludique très significative in vitro (IC50 < 10
µg/mL) sur la souche multi-résistante de Plasmodium falciparum K1. Dans le même essai, 9 plantes béninoises et 3 plantes came-
rounaises se sont également montrées très actives, avec des
IC50 < 10 µg/mL. Le fractionnement bioguidé des espèces
potentiellement les plus intéressantes a permis d’isoler et
d’identifier plusieurs composés purs, présentant des activités
antipaludiques marquées, à partir de Croton lobatus et de
Thalia geniculata. Par ailleurs, certains des extraits et compo-
sés purs obtenus à partir de plantes camerounaises ont montré
des activités leishmanicides marquées, notamment les guttifé-
rones A et F, isolées respectivement de Symphonia globulifera
et de Allanblackia monticola.
INTRODUCTION
Thalia geniculata
trouve ainsi dans une situation paradoxale où, malgré la lente amé-
lioration des conditions de vie et l’accès à un médicament bon mar-
ché, la chloroquine, malheureusement de plus en plus inefficace
dans de nombreux pays africains, le nombre de décès d’enfants dus
Contact
au paludisme en Afrique est aujourd’hui plus élevé qu’il y a vingt ans
(WHO, 2007).
1. Unité Pharmacognosie et Molécules Naturelles Bioactives,
UMR 7175-LC1, Fac de Pharmacie, BP 60024, 67401 Illkirch Cedex
Parmi les quatre espèces de parasites responsables du paludisme 2. Laboratoire de Biochimie et de Biologie Moléculaire,
qui s’attaquent à l’homme, le plus dangereux est Plasmodium falci- Département de Biochimie et de Biologie Cellulaire,
Université d’Abomey-Calavi, Cotonou 04 BP 0320, Bénin
parum, qui est aussi le plus répandu en Afrique subsaharienne.
3. Département de Chimie, Ecole Normale Supérieure,
L’explication la plus probable de cette remontée des taux de morta- Université de Yaoundé 1, BP 47 Yaoundé, Cameroun
lité paludéenne est la propagation, dans toute l’Afrique, de souches 4. Laboratoire de Biologie et Biotechnologies Marines UMR M
IFREMER 100, Université de Caen, Basse Normandie, Esplanade
de Plasmodium falciparum résistants à la chloroquine. Ce parasite
de la Paix, 14032 Caen Cedex
s’est montré capable d’acquérir une résistance à la quasi-totalité
* Correspondance : bernard.weniger@pharma.u-strasbg.fr
des antipaludiques actuellement sur le marché, à l’exception nota-
Tableau 1 : Plantes à réputation antipaludique de Côte d’Ivoire, Bénin et Cameroun, sélectionnées pour l’évaluation de l’activité antiparasitaire
COTE D’IVOIRE
Anogeissus leiocarpus (DC.) Guill. and Perr Combrétacées Feuille CNF 14798
Cochlospermum planchonii Hook. f. ex Planch Cochlospermacées Racine CNF 14643
Hymenocardia acida Tul. Euphorbiacées Feuille CNF 8705
Microdesmis keayana J. Leon Pandacées Feuille CNF 17789
BENIN
CAMEROUN
décrite par Desjardins et coll. (1979) et modifiée par Ridley et coll. présence de différentes concentrations des extraits ou composés
(1996). Le test consiste à utiliser comme indicateur de viabilité purs à tester, [3H] hypoxanthine est additionnée à chaque puits et
l’absorption de [3H] hypoxanthine par le parasite maintenu en culture l’incubation est poursuivie pendant 24 heures à la même
continue dans des suspensions d’érythrocytes humains (Trager et température. La CI50 est calculée par interpolation linéaire entre les
Jensen, 1976). Après 48h d’incubation des parasites à 37 °C en deux concentrations de drogues encadrant le 50% (Huber et
Koella, 1993). La chloroquine et l’artémisinine ont été utilisées
comme références positives.
Microdesmis keayana
Cochlospermum planchonii
Hybantus enneaspermus
Croton lobatus
Secamone afzelli
Pavetta corymbosa
Schrankia leptocarpa
(de haut en bas,
de gauche à droite)
Gomphrena celosioides
et al., 1985). Les extraits ou les substances pures sont mis en ner les tanins présents dans certains des extraits méthanoliques,
contact avec les parasites, à différentes concentrations. Après 72 h ceci afin d’éviter des effets aspécifiques dans l’évaluation des activi-
d’incubation à 37°C, la résazurine est ajoutée à chaque puits et l’in- tés biologiques sur cultures cellulaires. Les extraits dichlorométhani-
cubation se poursuit de 2 à 4 h. La fluorescence est mesurée et ques et méthanoliques, ces derniers débarrassés de leurs tanins,
exprimée en pourcentage du contrôle. Les valeurs de CI50 sont cal- ont ensuite fait l’objet d’essais visant à l’évaluation de leurs activités
culées par le logiciel Softmax Pro (Molecular Devices) à partir des antiparasitaires et cytotoxiques. Les parties de plantes utilisées tra-
données obtenues. La miltéfosine a été utilisée comme référence ditionnellement au Cameroun ont fait l’objet, pour leur part, de deux
positive pour le test leishmanicide et la mélarsoprol pour le test try- extractions successives à l’acétate d’éthyle et au méthanol.
panicide. La cytotoxicité a été évaluée à l’aide du même test sur des
cellules de myoblastes du muscle squelettique de rat (cellules L6), Pour les extraits présentant le meilleur potentiel antiparasitaire, les
la podophyllotoxine ayant servi de référence positive. méthodes de purification et d’isolement des molécules actives ont
été fondées principalement sur le partage liquide-liquide et sur la
La mesure de la cytotoxicité sur des cultures cellulaires non tumo- combinaison de différentes méthodes chromatographiques sur sup-
rales permet de déterminer, pour chaque extrait ou molécule testée, ports variés, telles que chromatographie sur couche mince sur gel
un indice de sélectivité (IS), qui est égal au rapport de la valeur de de silice, la chromatographie flash utilisant un système de moyenne
la CI50 de la cytotoxicité observée divisée par celle de l’activité bio- pression (Biotage®), la chromatographie par filtration sur gel de
logique. Plus la valeur de l’indice de sélectivité est importante, plus Sephadex LH-20 et la chromatographie liquide préparative à haute
l’activité biologique est sélective. Dans les essais d’activité antipara- performance, sur colonne de gel de silice en phase inverse.
sitaire sur les protozoaires, on estime classiquement qu’un IS > 10
est le signe que l’activité antiparasitaire observée n’est pas due à La détermination structurale des molécules isolées a été réalisée
une toxicité cellulaire générale, donc aspécifique. au moyen de techniques physico-chimiques et spectrométriques :
spectrométrie ultra-violette, infrarouge, spectrométrie de masse
et résonance magnétique nucléaire mono- et bidimensionnelle
(RMN 1H et 13C).
EXTRACTION, ISOLEMENT BIOGUIDÉ
ET DÉTERMINATION STRUCTURALE
d’extractions successives
A. leiocarpus Feuille D 3,8 ± 1,3 71,9 19
par deux solvants de A. leiocarpus Feuille M > 20 nd nd
polarité croissante, le C. planchonii Racine D 4,4 ± 1,3 67,3 15
C. planchonii Racine M > 20 nd nd
dichlorométhane et le
H. acida Feuille D 6,9 ± 1,0 65,4 10
méthanol, au moyen d’un H. acida Feuille M 10,7 ± 3,6 71,8 6
extracteur de Soxhlet M. keayana Feuille D 12,2 ± 1,8 nd nd
M. keayana Feuille M > 20 nd nd
semi-automatisé
Chloroquine 0,064
(Soxtec®). Une filtration Artémisinine 0,0015
sur gel de Sephadex LH-
20 a permis dans un D : extrait dichlorométhanique / M : extrait méthanolique / nd : non déterminé / les valeurs d’IC50 de l’activité antipaludique
deuxième temps d’élimi- sont des moyennes ± variations standards (n = 2), P < 0.05 (Snedecor and Cochran, 1980).
D : extrait dichlorométhanique / M : extrait méthanolique / les valeurs Par ailleurs, cinq des extraits testés ont montré de fortes activités
d’IC50 sont des moyennes ± variations standards (n = 2), P < 0.05 leishmanicides in vitro, avec des valeurs d’IC50 < 5,0 µg/ml sur des
(Snedecor and Cochran, 1980)
formes amastigotes de Leishmania donovani en condition axénique,
Tableau 5 : Activités antipaludique et cytotoxique des espèces camerounaises les plus actives
M : extrait méthanolique / nd : non déterminé / les valeurs d’IC50 de l’activité antipaludique sont des moyennes ± variations
standards (n = 2), P < 0.05 (Snedecor and Cochran, 1980).
Tableau 6 : Activités leismanicide et trypanicide des espèces camerounaises les plus actives et des molécules
isolées par fractionnement bioguidé
M : extrait méthanolique / AE : extrait acétate d’éthyle / nd : non déterminé / pour les extraits testés, les valeurs d’IC50 des
activités antiparasitaires sont des moyennes ± variations standards (n = 2), P < 0.05 (Snedecor and Cochran, 1980).
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