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A.

Brenner – 2019/2020 E54PH5


Texte 10
Moritz Schlick, « Die Kausalität in der gegenwärtigen Physik / La causalité dans la
physique contemporaine » (1931), trad. fr. dans C. Bonnet et P. Wagner (dir.) L’âge d’or
de l’empirisme logique, Paris, Gallimard, 2006 ; p. 185-186.

« Après avoir réussi à trouver une fonction qui lie de façon satisfaisante les uns avec
les autres les résultats d’un ensemble d’observations, nous ne sommes en général
absolument pas satisfaits pour autant, et pas davantage lorsque la fonction qu’on a trouvée
a une construction très simple. C’est à ce moment seulement qu’intervient l’élément
décisif, que n’ont pas encore effleuré nos considérations précédentes : nous regardons si la
formule obtenue décrit alors également de façon correcte les observations que nous
n’avions pas encore utilisées pour l’obtenir. Pour le physicien, en tant qu’il explore la
réalité, la seule chose importante, absolument décisive et essentielle, c’est que les
équations dérivées à partir de données quelconques se confirment ensuite aussi pour des
données nouvelles. Il ne tient sa formule pour une loi de la nature que si tel est le cas. Pour
le dire autrement : le vrai critère de la conformité à une loi, le caractère essentiel de la
causalité est la réalisation de prédictions [Voraussagen].
Lorsque nous disons qu’une prédiction se réalise, il faut comprendre uniquement,
d’après ce qui précède, qu’une formule est confirmée par des données qui n’ont pas été
utilisées pour l’établir. Que ces données aient déjà été observées auparavant ou qu’elles ne
soient observées que par la suite est ici complètement indifférent. Cette remarque est
d’une grande importance : les données passées et futures ont de ce point de vue
entièrement la même légitimité, le futur n’a pas de statut privilégié. Le critère de la
causalité n’est pas la confirmation dans le futur, mais la confirmation tout court.
Que l’on puisse tester une loi qu’après que la loi a été établie, cela va de soi, mais on
ne donne par là au futur aucun statut privilégié. L’essentiel est qu’il est indifférent que les
données vérifiées appartiennent au passé ou au futur. Le moment où elles sont connues ou
utilisées pour la vérification est secondaire. La confirmation reste la même, qu’une donnée
ait déjà été connue avant l’établissement d’une théorie, comme l’anomalie dans la
trajectoire de Mercure, ou qu’elle ait été prédite par la théorie, comme le décalage des
raies spectrales vers le rouge.»

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