Vous êtes sur la page 1sur 1

A.

Brenner – 2019-2020 E54PH5

Texte 9

Karl Popper, La logique de la découverte scientifique (1935), trad. fr., Paris, Payot,
1973, chap. 3, § 12, p. 57-60.

« Donner une explication causale d’un événement signifie déduire un énoncé le


décrivant en utilisant comme prémisse de la déduction une ou plusieurs lois universelles
et certains énoncés singuliers […]. Nous avons donc deux espèces différentes
d’énoncés, toutes deux nécessaires à une explication causale complète : 1° des énoncés
universels, c’est-à-dire des hypothèses ayant le caractère de lois naturelles et 2° des
énoncés singuliers se rapportant à l’événement particulier en question et que j’appellerai
(dorénavant) « conditions initiales ». C’est de la conjonction des énoncés universels et
des conditions initiales que nous déduisons l’énoncé singulier […]. Nous appelons cet
énoncé une prévision spécifique ou singulière.
Les conditions initiales décrivent ce qu’on appelle habituellement la « cause » de
l’événement en question […]. La prédiction décrit, quant à elle, ce qu’on appelle
habituellement l’« effet ». J’éviterai ces deux termes. La physique restreint en général
l’utilisation de l’expression « explication causale » au cas particulier où les lois
universelles ont la forme de lois « d’action par contact » ou, plus précisément, de
l’action à distance tendant vers zéro qu’expriment les équations différentielles. Je ne
présupposerai pas ici cette restriction. De plus, je ne ferai aucune espèce d’affirmation
générale concernant l’applicabilité universelle de cette méthode déductive d’explication
théorique. Je ne ferai donc appel à aucun « principe de causalité » (ou « principe du
rapport universel de cause à effet ») […].
Je proposerai, cependant, une règle méthodologique correspondant si étroitement au
« principe de causalité » que l’on pourrait considérer ce dernier comme sa version
métaphysique. C’est tout simplement la règle selon laquelle nous ne devons pas nous
arrêter de chercher des lois universelles et un système théorique cohérent ni jamais
renoncer à nos essais en vue d’expliquer par un lien causal toute espèce d’événement
que nous pouvons décrire. Cette règle guide dans son travail le praticien de la recherche
scientifique. Je rejette ici la conception selon laquelle les derniers développements de la
physique exigent qu’on y renonce ; selon cette conception la physique aurait
aujourd’hui établi que du moins dans un domaine il est hors de propos de chercher plus
longtemps des lois. »

Vous aimerez peut-être aussi