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Voie positive » et « Voie négative »

« On peut nommer Dieu le Très-Haut par tous les Noms ;

Comme on peut ne Lui en attribuer aucun.

Dieu, Il n'est rien et Il est tout, - sans nulle subtilité ;

Car nomme-moi ce qu'Il est, et puis ce qu'Il ne serait pas ? »

(Angélus Silésius – Le Voyageur chérubinique, V, 196-197)

Les traditions métaphysiques, quelles qu'elles soient – nous pourrions ainsi dire la tradition

métaphysique - ont de tous temps discernées deux « voies » vers Dieu : l'une « positive » ou

« affirmative » (via positiva, via affirmativa), l'autre « négative » ou « abstractive » (via negativa,

via aphairetica).

Le Principe Suprême (Brahma), en Sa Réalité Totale, est, d'après la terminologie Hindoue, à

la fois « Être et Non-Être » (Sadasat), « Manifesté et Non-manifesté » (Vyaktâvyakta), « Sonore et

Silencieux » (Shabdâshabda), etc1 ; en d'autres termes, Il est Celui qui manifeste et Se manifeste,

1 Cf. A. K. Coomaraswamy – Hindouisme et Bouddhisme, éditions Gallimard, 1949, I,

Théologie et Autologie, p.25. Ainsi : « Dieu est une essence sans dualité (adwaita), ou, comme

certains le soutiennent, sans dualité mais non sans relations (vishishtâdwaita). Il ne peut être

appréhendé qu'en tant qu'Essence (asti), mais cette Essence subsiste dans une nature duelle
mais, également, Celui qui Transcende infiniment toute manifestation - « C'est le suprême Brahma,

Sans-commencement, et dont on dit qu'Il n'est ni l'Être ni le Non-Être. (…) Manifesté à travers les

propriétés de tous les sens, Il est pourtant dépourvu de tout sens. Détaché de tout, Il soutient toutes

choses. Étranger aux Attributs, Il fait l'expérience des Attributs. Il est à l'extérieur et à l'intérieur

des êtres, Immobile et Mobile à la fois. Inconnaissable de par Sa subtilité, Il est à la fois Lointain et

Proche. Indivisible, Il paraît se répartir entre les êtres » (Bhagavad-Gîtâ, XIII, 12-16).

Cette distinction fondamentale correspond à celle entre Nirguna Brahma ou « Brahma non-

Qualifié », Principe Suprême sans relation aucune avec la contingence cosmique en Son

incomparable Infinité, et Îshwara (« Seigneur »), qui est Saguna Brahma ou « Brahma Qualifié »,

Principe déterminé en tant que « Producteur » de l'Existence intégrale et, partant, doté d'Attributs

(aishwarya) ou de Qualités (guna) par l'intermédiaire desquels Il va agir dans les mondes et Se

manifester en eux1.

Cette doctrine de l'« Essence Une » et de la « Nature duelle » implique donc une double

voie : l'affirmation ou l'« analogie » appréhende le Divin à partir de ce qu'Il est, la négation ou

l'« abstraction » à partir de ce qu'Il n'est pas. Cette apparente symétrie n'implique cependant pas

l'équivalence ; en effet, de même que l'Absoluité Impersonnelle du Divin est « supérieure » à Son

Hypostase « tournée vers la manifestation » (c'est la raison pour laquelle Nirguna Brahma est

désigné comme Para ou « Suprême », et Îshwara comme Apara ou « Non-Suprême »2), de même la

(dwaitîbhâva), comme être et comme devenir ».

1 Cette distinction cruciale entre Saguna et Nirguna sera traitée avec tous les détails

nécessaires au prochain chapitre ; nous nous contenterons donc pour le moment d'indications

cursives, tout juste suffisantes pour comprendre la suite de cet exposé.

2 Parallèlement, deux types de Connaissance, « Suprême » (Para-vidyâ, Brahma-vidyâ) et

« Non-Suprême » (Apara-vidyâ, Îshwara-vidyâ), sont également distingués, selon qu'ils se

rapportent au Nirguna ou au Saguna. D'une façon générale, la Connaissance d'Îshwara est celle à
« voie d'abstraction » est supérieure à la « voie d'affirmation ». Nous pourrions dire également :

comme la Déité est « plus » en Son Infinité, Son Incommensurabilité, Son Incomparabilité qu'en

Ses rapports avec le fini, évoquer ce qu'Elle Transcende et L'éloigne du contingent est plus élevé

qu'évoquer ce qui La Qualifie et La rapproche du relatif – « en abandonnant ce qui existe, on

célèbre le Sur-essentiel selon un mode sur-essentiel »1.

Ainsi, la via negativa ne parle du Principe qu'en termes de forme négative (Immuable,

Incorruptible, Inaltérable, Non-duel,...)2, c'est-à-dire par négation de ce qu'Il n'est pas ou

laquelle se sont consacrés les Kshatriyas, tandis que la Connaissance de l'Ultime Brahma – la seule

à pouvoir mener positivement à la « Délivrance » (moksha) – est celle qu'ont développé les

Brâhmanas. En effet : « C'est à la réalisation immédiate de l’''Identité Suprême'' que les

Brâhmanas se sont toujours attachés à peu près exclusivement, tandis que les Kshatriyas ont

développé de préférence l’étude des états qui correspondent aux divers stades du dêva-yâna [la

« Voie des Dieux »] aussi bien que du pitri-yâna [la « Voie des Ancêtres »] » (René Guénon –

L'homme et son devenir selon le Vêdânta, XXI). Nous ne pouvons aborder ici la question du dêva-

yâna et du pitri-yâna ; indiquons provisoirement qu'au premier correspondent les états individuels

de l'être (c'est-à-dire ceux qui ne dépassent pas la « Sphère de la Lune », conçue comme milieu

d'élaboration des formes), tandis qu'au second correspondent les états supra-individuels ou

informels (le pinacle de la « Voie des Dieux » étant l'état de « sommeil profond » ou « condition de

Prâjna », qui est en somme le degré de l'Être Pur ou Îshwara même) ; pour plus d'informations à ce

sujet, voir ?.

1 Pseudo-Denys l'Aréopagite – Traité de la Théologie Mystique, II. La métaphore du sculpteur

employée plus bas est tirée du même passage.

2 Toutes les négations apophatiques trouvent leur synthèse et leur point culminant dans le

terme « Infini », qui représente la négation la plus totale : celle de toute limite quelle qu'elle soit –

et, donc, de toute condition ou détermination.


soustraction de Caractères, la « Super-Essentialité » (hyperousios)1 du Suprême étant au-delà de

toute condition, et, donc, de toute affirmation nécessairement limitative ; le Pseudo-Denys emploie

à cet égard la métaphore du sculpteur qui, retranchant du bloc de marbre tout le superflu, dévoile la

«  forme cachée » et « révèle la beauté latente ».

La via affirmativa, quant à elle, traite de la Déité en tant qu'Elle est « Personnelle » via des

adjectifs de forme positive exaltant les Divines Perfections ; ainsi, par exemple, les ternaires

« Sagesse – Force - Beauté » Maçonnique (les « Trois Piliers du Temple »)2 et Sachidânanda

Hindou (« Être – Conscience - Béatitude »), ou encore, d'après la tradition Islâmique, les sept

« Attributs entitatifs » (aç-çifât al-ma'ânî) et « qualitatifs » (ma'nawiyah) d'Allâh : « Puissance,

Science, Vie, Volonté, Ouïe, Vue, Parole »3.

1 « On donne à Dieu le nom d'essence, mais Il n'est pas proprement essence, Lui à qui rien

n'est opposé  ; Il est donc hyperousios, c'est-à-dire Super-Essentiel. De même, Il est dit bonté, mais

Il n'est pas proprement bonté, car à la bonté s'oppose la malice : Il est donc hyperagathos, plus que

bon, et hyperagathotès, c'est-à-dire plus que bonté. Il est dit Dieu, mais n'est pas Dieu à

proprement parler (…) Il est donc hyperthéos (…) Le même raisonnement doit être observé pour

tous les Noms Divins. En effet, on ne parle par proprement d’Éternité, puisqu'à l’Éternité s'oppose

la temporalité : Dieu est donc hyperaionios et hyperaionia, plus qu’Éternel et plus qu’Éternité », et

ainsi de suite (Jean Scot Érigène - Periphyseon). Cette méthode ne manquera pas d'évoquer la via

eminentia, dont nous aurons à dire quelques mots plus loin.

2 Comme l'indique par ailleurs René Guénon (L'homme et son devenir selon le Vêdânta,

XXIII), ces trois « Piliers » correspondent en termes Hindous à Saraswatî, Pârvatî et Lakshmî, qui

représentent les trois Shakti ou « Puissances Maternelles » de Brahmâ (principe producteur) Shiva

(principe transformateur) et Vishnu (principe conservateur et animateur) ; ces Attributs, pris

ensemble, constituent la Trimûrti ou « triple manifestation », c'est-à-dire les trois « Visages » ou

Aspects principaux qu'assume Îshwara dans Sa manifestation.

3 Ibn 'Âshir distingue ainsi treize Attributs Divins (çifât Allâh) fondamentaux, généralement
Cependant, toute affirmation est effectivement restrictive par nature, ce qui est une chose

n'en étant pas sous le même rapport une autre (c'est là, bien sûr, ce qu'implique le fameux « principe

de non-contradiction » Aristotélicien), et cette tendance inévitable à l'exclusion est impropre à

rendre compte de la Non-dualité Essentielle et de son Indépendance totale à l'égard de toute

condition ; c'est pourquoi certains maîtres Chrétiens n'ont pas hésité à dire que «  rien de vrai ne

peut être affirmé de Dieu ». Le retranchement d'attributions positives, quant à lui, apparaîtra alors

comme la négation de limites, et, partant, comme la plus haute et scrupuleuse affirmation de

l'Illimitation ou de l'Infinité ; il serait donc légitime de dire que, métaphysiquement, toute

affirmation est une négation, et toute négation une affirmation - la via negativa représentant, dès

lors, l'affirmation la plus totale qui puisse être dans l'ordre du « discours sur le Divin » (théo-logos).

C'est là d'ailleurs toute la différence doctrinale entre « Non-dualité » et « Unité », la

première correspondant au « Zéro métaphysique » et au Non-Être, quand la seconde représente la

détermination Primordiale et Atemporelle de l'Être Pur, principe de l'Existence Universelle ou de la

multiplicité : « L’unité primordiale n’est pas autre chose que le Zéro affirmé, ou, en d’autres

termes, l’Être universel, qui est cette unité, n’est que le Non-Être affirmé »1. Il va cependant de soi

que cette distinction entre « Non-dualité » et « Unité », corrélative en somme à celle du « Non-

Être » et de l'« Être », étant tout-à-fait légitime et même nécessaire à un point de vue purement

classés en trois catégories : l'« Attribut Essentiel » (aç-çifât adh-Dhâtiyah), qui est unique, à savoir

l'Être (al-Wujûd) ; les « Attributs négatifs » (aç-çifât as-salbiyah) - ainsi nommés car niant, comme

la via negativa, toute limitation contingente - au nombre de cinq : l'Unicité d'Être, d'Attributs et

d'Acte (al-Wahdâniya), la Prééternité, la Primauté, l'absence de commencement (al-Qidam), la

Permanence ou l'absence de fin (al-Baqa'), l'Auto-suffisance, la Subsistance par Soi-même

(Qiyâmuhu bi-Nafsihi), la Dissemblance avec toute créature (al-Mukhâlafatu li-l-Hawadith) ; et les

« Attributs entitatifs » ou « qualitatifs », que nous venons d'énumérer.

1 René Guénon – Les états multiples de l'être, éditions Guy Trédaniel, 1984, V, p.38.
intellectuel, n'est en réalité pas toujours strictement observée même chez les plus éminents

métaphysiciens - puisqu'il est toujours possible d'employer le terme « Unité » en un sens Supérieur

et Total, le Principe étant pleinement « Lui-même » dans tout ce qu'Il est ; c'est bien une

transposition de ce type qui permet aux Soufis d'employer le terme Ahadiyah (« Unité », dérivé de

Ahad, « Un ») pour désigner l'Essence Pure. De même lorsque le mot « Dieu » - qui, en toute

rigueur, ne désigne que le Principe « Personnel » - est employé pour évoquer la Déité dans toute Sa

Plénitude et Son Infinité, ou lorsqu'un Shivaïte considère Shiva (qui ne représente, à proprement

parler, qu'un Attribut d'Îshwara ou un degré de manifestation « angélique ») comme l'Absolu ou

l'« Ultime » – ainsi, notamment, avec le Shivoham mantra (« Je suis Shiva »). « Le Soi est

Brahmâ ; le Soi est Vishnu ; le Soi est Indra ; le Soi est Shiva ; le Soi est tout cet univers. Il n'existe

rien d'autre que le Soi »1.

Il est, à cet égard, toujours important de ne pas perdre de vue la « souplesse » inhérente à

tout symbolisme ou, plus largement encore, à chaque doctrine Sacrée, afin de ne jamais s'enfermer

dans un systématisme pétrifiant et constricteur - les crispations sur le « concept » et la « lettre »

doctrinale vidant de toute « Vie » véritable (c'est-à-dire de tout « Esprit ») la tradition Non-humaine,

Essentielle, Informelle, qui se doit de rester « un flot capable d'aller à droite et à gauche » (Tao-tö

King, XXXIV)2.

1 Shankarâçârya – Le plus beau Fleuron de la Discrimination (Vivêka-chûdâmani), 388. A

propos de la Présence totale du Principe en chacun de Ses Attributs - permettant notamment

l'« hénothéisme » de type Hindou - voir ?.

2 Sur les rapports entre tradition et « systématisme », voir ?


Dans la tradition Chrétienne, ces deux voies prennent la forme d'une distinction générale

entre « théologie cataphatique » (kataphasis, « affirmation ») et « théologie apophatique »

(apophasis, « négation »). Le Pseudo-Denys l'Aréopagite distingue ainsi la « théologie

symbolique » (qui « expose quels noms tirés du sensible peuvent signifier les Réalités Divines,

quelles sont les formes en Dieu, Ses figures, Ses parties, Ses organes (…) Ses colères, Ses tristesses,

Ses ressentiments (…) et toutes les autres formes et figures symboliques qui ont été religieusement

imaginées pour représenter Dieu »), la « théologie positive » (qui « dit comment Dieu est appelé le

Bien, l'Être, la Vie, la Sagesse, la Force, et tous les autres Noms intelligibles qu'on Lui attribue »)

et la « théologie négative » (élaguant la Divinité de toute affirmation unilatérale et, partant,

restrictive)1. L'apophase rend compte – toujours, bien sûr, dans les mesures étroites du langage

formel – du Deus absconditus ou « Dieu Caché » (Livre d'Isaïe, XLV, 15), et c'est de cette

« Ténèbre » Principielle dont il est question lorsque Maître Eckhart désigne la Divinité comme

« Surnéant » ou « Néant Innommé », lorsqu'Henri Suso parle du « Néant essentiel » ou de la

« nudité incréée du Néant », et lorsqu'Angélus Silésius écrit que « Dieu est un pur Rien » ou que

1 Cf. le Livre des Noms Divins et le Traité de la Théologie Mystique.

Une « triple voie » de la connaissance de Dieu est en ce sens discernée dans la tradition

Chrétienne, sous l'influence principale du Pseudo-Denys : la « voie de causalité » (via causalitatis),

la « voie d'éminence » (via eminentiae) et la « voie de négation » ou de « séparation » (via

negationis, via remotionis). La première distingue en Dieu, selon une méthode « analogique » ou

« inductive », des Attributs à partir des effets qu'ont ceux-ci dans Sa manifestation (si cet arbre

présente quelque beauté, Dieu doit être Beau pour la lui communiquer) ; la seconde établit la

prééminence ou l'exaltation en Dieu des Qualités positives perceptibles en Ses créatures (si cet arbre

est effectivement beau, Dieu doit être « plus que Beau », Sa Beauté étant nécessairement supérieure

à celle que manifestent les êtres finis) ; la dernière affirme la Transcendance de l'Essence Pure à

l'égard de toute détermination limitative. Ce ternaire est central dans l'enseignement de Thomas

d'Aquin.
« La fragile divinité est un rien, un sur-rien » 1.

« Dieu est à la fois Innommable et Omni-nommable » ; Il n'a aucun Nom et a tous les Noms,

ce qui revient à dire qu'« on ne doit faire de Lui ni affirmation, ni négation absolue ; et en

affirmant, ou en niant les choses qui Lui sont inférieures, nous ne saurions L’affirmer ou Le nier

Lui-même, parce que cette Parfaite et Unique Cause des êtres surpasse toutes les affirmations, et

que Celui qui est pleinement Indépendant, et Supérieur au reste des êtres, surpasse toutes nos

négations. »2 ; Il est toutes Ses productions et n'est rien de Ses productions, et c'est là que se trouve

le « Sommet » de la Connaissance : en effet, il ne s'agit pas dans l'apophase de nier unilatéralement

et « absolument » toute Qualité au Principe, mais, plutôt, d'affirmer Son Indépendance intrinsèque à

l'égard de toute relation et, donc, de toute définition quelle qu'elle soit. Ainsi, soutenir que la

Divinité est « autre que l'Être » ne signifie pas qu'Elle soit « exclusivement Non-Être », puisque la

Vérité est à la fois « Son et Silence » (Shabdâshabda) ; attester qu'Elle est Infinie n'exclut pas de la

Réalité Totale le fini ou la relativité cosmique (nécessairement « enveloppée » en Elle), mais exclut

de l'Essence Immaculée les limitations propres aux mondes contingents. La Vérité est à la fois

« Temporelle et Atemporelle » (Kâlâkâla), « Divisée et Non-divisée » (Sakalâkala) - tout en étant

Infiniment plus « Atemporelle » et « Non-divisée » que « Temporelle » et « Divisée » : « Quand j'ai

dit que Dieu n'était pas un être et qu'Il était au-dessus de l'Être, je ne Lui ai pas par là dénié l'Être,

au contraire  : j'ai exhaussé l'Être en Lui »3.

1 Maître Eckhart – Sermon LXXXIII ; Henri Suso - Œuvres complètes, LII ; Angélus Silésius

- Le Voyageur Chérubinique, I, 23 et 111. Eckhart encore, dans ce même sermon : « Tu dois aimer

Dieu comme étant un non-Dieu, un non-Esprit, une non-Personne, une non-Image, mais comme

étant Pur, Sans-mélange, ''Un'' éclatant, séparé de toute dualité ; et dans ce ''Un'' nous devons

éternellement sombrer de ''Quelque chose'' dans ''Rien'' ».

2 Pseudo-Denys l'Aréopagite – Traité de la Théologie Mystique, V.

3 Maître Eckhart – Sermon IX. De même : « Dieu est sans nom, car personne ne peut parler

de Lui ni Le comprendre. C’est pourquoi un maître païen dit : ce que nous comprenons ou disons
L’élagage doctrinal de la via remotionis est supérieur à l'affirmation, et il est le seul à

pouvoir approcher l'Ineffable dans toute Son Inconcevabilité ; cependant, il ne doit pas devenir à

son tour limitation ou réduction de la Divine Réalité, en amputant d'Elle de façon définitive des

caractères qu'Elle possède nécessairement en Sa Toute-Possibilité (quoi que de façon déjà relative et

« quasi-cosmique », pourrions-nous dire avec quelque liberté), comme la Beauté ou la Force. En

doctrine intégrale, il convient au contraire d'affirmer d'une part la Pureté Inviolable de l'Essence en

soi à l'égard de ces traces de relativité que sont les Attributs positifs, et, d'autre part, Son

Indépendance à l'égard même de la Transcendance exclusive, c'est-à-dire de la totale négation :

« [Allâh est Celui qui est] Transcendant dans Son Immanence même, plus encore : Transcendant

dans Sa Transcendance même  ; et qui en tout cela demeure pourtant Immanent »1.

Dans la tradition Hindoue, l'approche « apophatique » correspond au neti neti, littéralement

de la Cause première est plus nous-mêmes que la Cause première, car Elle est au-dessus de toute

parole et de toute compréhension. Si je dis : Dieu est bon, ce n’est pas vrai. Je suis bon, Dieu n’est

pas bon. Je dirai davantage : je suis meilleur que Dieu. Car ce qui est bon peut devenir meilleur, ce

qui peut devenir meilleur peut devenir le meilleur de tout. Or Dieu n’est pas bon, c’est pourquoi Il

ne peut pas devenir meilleur et parce qu’Il ne peut pas devenir meilleur, Il ne peut pas devenir le

meilleur de tout, car ces trois termes sont loin de Dieu : bon, meilleur, le meilleur de tout, car Il est

au-dessus de tout. Si je dis en outre : Dieu est sage, ce n’est pas vrai, je suis plus sage que Lui. Si

j’ajoute : Dieu est un être, ce n’est pas vrai. Il est un Être Suréminent et un Néant Super-essentiel »

(Sermon LXXXIII).

1 Abd el-Kader - Livre des Haltes, mawqif 246.


« non, non » mais généralement traduit par « ni ceci, ni cela »1; elle est désignée par Shrî

Shankarâçârya, dans son Âtmâ-bodha (57), comme « méthode de l’élimination (vyâvritti) du non-

cela (a-tat) », et a pour assise scripturaire, notamment, la Brihadâranyaka Upanishad (III, 9 : 26 ;

IV, 2 : 4) : « Âtmâ n'est ni ceci, ni cela. Il est Insaisissable, car Il n'est jamais perçu ; Inaltérable,

car Il ne s'accroît ni ne diminue jamais ». La Bhagavad-Gîtâ (II, 17-30) nous fournit, à cet égard,

un exemple édifiant de via negativa : « Indestructible – sache-le – est la Trame de cet univers ; La

détruire n'est au pouvoir de personne. Ce sont seulement les corps où s'incarne ce Principe qui ont

une fin ; Lui-même est Éternel, Impérissable, Inconcevable. (…) Jamais Il ne naît ni ne meurt. Il

n'appartient ni au passé ni au futur. Sans naissance, Permanent, Éternel, l'Ancien ne se laisse pas

abattre avec le corps. L'homme qui Le connaît comme Indestructible, Permanent, Impérissable, qui

donc pourrait-il s'imaginer tuer ou faire tuer et comment ? (…) Le fer ne L'entame pas, le feu ne Le

consume pas, l'eau ne Le détrempe pas, le vent ne Le dessèche pas. Inentamable, Inconsumable,

Indétrempable, Indesséchable, Permanent, Omniprésent, Stable, Inébranlable, il est Éternel. Il est

dit Non-manifesté, Inconcevable, Inaltérable. (…) Ce Principe incarné demeure Invulnérable dans

le corps de chacun. ».

La voie d'attributions est adaptée à la considération d'Îshwara tandis que le neti neti,

envisagé dans toute sa plénitude, permet l'accès à cette « Face obscure de l'Aurore » qu'est l'Essence

Ultime (Purushottama), le Suprême Soi (Paramâtmâ), le Nirguna Brahma ; l'affirmation s'adresse

donc à Brahma en tant que « conçu distinctivement » (Savishêsha), et la négation en tant qu'Il est

« au-delà de toute distinction » (Nirvishêsha)2. C'est pour cette raison, notamment, que sont

1 Maître Eckhart (Sermon LXXI) : « En Dieu il n’est ni moins ni plus, ni ceci ni cela ».

2 Savishêsha peut également être traduit par « impliquant la distinction » (en tant que l'Un

contient synthétiquement le multiple et en est le Principe direct) ; sera alors corrélatif de ce terme

celui de prapancha-upashama, « sans aucune trace du développement de la manifestation »,

applicable au seul Nirguna.


distinguées la jnâna-mârga ou « voie de la gnose » et la bhakti-mârga ou « voie de la dévotion »1.

Le gnostique (jnâni) s'élève par pure Intuition Intellectuelle (prâjna, jnâna-chakshus) vers l'Union,

l’Absorption, le Repos, la Récession, la Dissolution (yoga, samâdhi, visrânti, nivritti, laya,...)2 en

Âtmâ, le « Soi » Immaculé et Inconditionné, qui n'est « ni mâle, ni femelle, ni neutre, ni bonheur ni

souffrance »3. Le bhakta, quant à lui, se dévoue de façon nécessairement plus sentimentale ou

individuelle au Seigneur Caractérisé Lui-même, ou à n'importe laquelle de Ses « Personnifications »

1 Le terme sanskrit mârga (« voie »), parfois traduit par « piste » et plus particulièrement

« piste d'antilope », renvoie au symbolisme très répandu de la « poursuite » ou de la « chasse » de

Dieu : « La doctrine des vestigia pedis est commune aux enseignements grec, chrétien, hindou,

bouddhiste et islamique, et forme la base de l'iconographie des ''empreintes de pas''. Cf., par

exemple, Platon, Phèdre, 253 A [« Or, si c'est là une occupation dans laquelle ils ne se sont pas

encore engagés, ils s'y appliquent, s’instruisent là où ils le peuvent et se mettent eux-même en

chasse  ; et, lorsqu'ils sont sur la piste, ils arrivent à découvrir, par leurs propres moyens, la nature

du Dieu qui est le leur, parce que c'est pour eux une nécessité de garder leur regard tendu vers ce

Dieu »], 266 B. [« Si je crois avoir trouvé chez quelqu'un d'autre l'aptitude à porter ses regards vers

une unité qui soit aussi, par nature, l'unité naturelle d'une multiplicité, ''je marche sur ses pas et je

le suis à la trace comme si c'était un dieu'' », formule tirée d'Homère (Odyssée II, 406 ; III, 30 ; V,

193 ; VIII, 38], et Rûmî, Mathnawî, II, 160-1. ''Quel est le viatique du soufi ? Ce sont les

empreintes. Il poursuit le gibier comme un chasseur : il voit la trace du daim musqué et suit ses

empreintes.'' ; Maître Eckhart parle de ''l'âme en chasse ardente de sa proie, le Christ''. Les avant-

coureurs peuvent être suivis à la trace par leurs empreintes aussi loin que la Porte du Soleil, Janua

Coeli, le Bout de la Route ; au-delà, on ne peut les pister. Le symbolisme de la poursuite de la

trace, comme celui de l'''erreur'' (péché) en tant que ''manque à toucher la cible'', est l'un de ceux

qui nous sont venus des plus anciennes civilisations de chasseurs. » (A.K. Coomaraswamy –

Hindouisme et Bouddhisme, L'Hindouisme, Théologie et Autologie, note 21). Ajoutons que ce

symbolisme se retrouve aussi dans les traditions Amérindiennes, avec la chasse au bison.
célestes (Brahmâ, Shiva, Vishnu, ou encore Agni, Vâyu, Sûrya,...), qui sont les « Déités » (dêvatâs)

ou les « Régents » de la manifestation - ce qu'indique par ailleurs le terme bhakta qui, étant

généralement traduit par « dévotion » ou « dédicace », peut l'être aussi par « Attributs »1. « De la

manière même dont Mes serviteurs se tournent vers Moi, Je Me communique à eux » (Bhagavad-

Gîtâ, IV, 11) ; « C’est en raison de Sa grande Abondance — ou parce que l’on peut participer à Lui

de façons si variées — qu’Il est appelé de tant de Noms » (Nirukta) ; en somme : « Invoquez Allâh

ou invoquez le Tout-Miséricordieux (ar-Rahmân). Quel que soit le Nom par lequel vous L'appelez, à

Lui sont les plus beaux Noms » (Qur'ân, XVII, 110).

Nous tenons à citer ici le Dashashlokî, texte de dix strophes que Shrî Shankarâçârya adressa

en guise de réponse à Govinda-Bhagavatpâda, l'éminent guru (disciple de Gaudapâda) duquel il

désirait obtenir enseignement, lorsque celui-ci lui demanda « Qui es-tu ? » ; ces stances d'une

exceptionnelle densité, dont il serait possible d'écrire un commentaire d'une longueur indéfinie,

représentent bien plus en vérité qu'un simple exemple de voie négative : elles condensent, en

quelques vers, la quintessence même de toute doctrine métaphysique, sous une des formes les plus

pures qu'il soit possible de lui donner. Le lecteur saura, dès lors, nous pardonner la longueur de cette

citation, amplement compensée par son intérêt :

2 Ces termes représentent autant de désignations de la « Délivrance » ou de

l'« Affranchissement » (moksha, mukta) - qui est, en termes Bouddhiques, « Illumination »,

« Éveil » (bodhi), « extinction du souffle, de l'agitation » (nirvâna : « exsufflation »).

3 Avadhûta-Gîtâ, I, 41.

1 Dans la tradition Alchimiste, la « voie sèche » (correspondant à la jnâna-mârga) est associée

au feu, quand la « voie humide » (rattachable à la bhakti-mârga) est associée à l'eau ; ceci pourrait

donner lieu à d'intéressantes considérations, notamment par rapport au caractère respectivement

« actif » et « passif » qu'attribue la doctrine Hindoue aux éléments igné et aqueux.


« 1 - Ni la terre, ni l’eau, ni le feu, ni l’air, ni l’éther, ni les facultés de sensation et

d’action, ni l’assemblage de tout cela: cette multiplicité grossière n’est pas, [ne me

concerne pas]. Cet Un qui est atteint dans le sommeil profond, ce qui demeure,

l’Un, Shiva, l’Absolu, le Je, Cela est, [Cela me concerne].

2 - Ni les castes, ni les règles et les lois propres aux castes et aux stades de

l’existence ne sont pour le J e, [ne me concernent]; ni même la concentration, ni

même la méditation, ni même l’union [ne me concernent]. Et même la cessation de

la surimposition du moi sur le Je résultant du non-soi [ne me concerne pas]. Ce

qui demeure, l’Un, Shiva, l’Absolu, le Je, Cela est, [Cela me concerne].

3 - Ni mère, ni père, ni déité, ni monde, ni Veda, ni sacrifice, ni lieux saints, ne sont

à considérer; dans le sommeil profond, même ce qui, comme le vide ultime, est

anéanti, [ne me concerne pas]. Ce qui demeure, l’Un, Shiva, l’Absolu, le Je, Cela

est, [Cela me concerne].

4 - Les conceptions relevant du Sânkhya, des Shaiva, des Pancharâtra, des Jaina,

du Mîmânsâ, etc. ne sont pas, [ne me concernent pas] ; même les conceptions qui

se distinguent comme extrêmement pures [ne me concernent pas]. Ce qui demeure,

l’Un, Shiva, l’Absolu, le Je, Cela est, [Cela me concerne].

5 - Ni le haut, ni le bas, ni l’intérieur, ni l’extérieur, ni le centre, ni tous les

pourtours, ni l’avant, ni l’arrière, ni tout ce qui peut être contenu dans l’espace

intermédiaire, [toutes ces déterminations ne me concernent pas]. Cet un sans

discontinuité, ce qui demeure, l’Un, Shiva, l’Absolu, le Je, Cela est, [Cela me

concerne].

6 - Ni le blanc, ni le noir, ni le rouge, ni le jaune, ni la déformation, ni l’obésité, ni

le court, ni le long, ni l’informe comme se présente la lumière, [toutes ces

déterminations ne me concernent pas]. Ce qui demeure, l’Un, Shiva, l’Absolu, le

Je, Cela est, [Cela me concerne].


7 - Ni le maître, ni les enseignements, ni le disciple, ni l’étude, ni tu, ni je, ni ce

monde, [toutes ces déterminations ne me concernent pas]. L’éveil à la réalité

sienne qui n’admet pas de déterminations, ce qui demeure, l’Un, Shiva, l’Absolu, le

Je, Cela est, [Cela me concerne].

8 - Ni la veille, ni le rêve, ni le sommeil profond ne sont pour le Je, [ne me

concernent]; ni l’état de veille, ni l’état de rêve, ni l’état de sommeil profond, ces

trois états étant constitués d’ignorance, [ne me concernent]. Le Quatrième, ce qui

demeure, l’Un, Shiva, l’Absolu, le Je, Cela est, [Cela me concerne].

9 - Le Soi qui pénètre tout, qui est le principe de la réalité, qui est le but suprême,

qui ne dépend de rien, est autre que ce monde totalement insignifiant. Ce qui

demeure, l’Un, Shiva, l’Absolu, le Je, Cela est, [Cela me concerne].

10 - Il n’est pas Un. Mais comment y aurait-il un second qui soit autre ? Il n’est

pas plus Absolu que Non-Absolu, Il n’est pas plus Vide que Non-Vide, Il est Sans-

dualité. Car, puis-je exprimer ce qui est le but suprême de tout le Védânta ? »1

1 Traduction par Bruno Hapel.

Ajoutons ici que c'est précisément en raison de la radicale « Indescriptibilité » de l'Âtmâ

Indifférencié que, dans la doctrine des quatre « conditions » d'Âtmâ à laquelle fait référence le

Dashashlokî, seules les trois premières ont un nom (état de veille (jagrât) ou « condition de

Vaishwânara », état de rêve (svapna) ou « condition de Taijasa », état de sommeil profond

(shushupti) ou « condition de Prâjna »), la dernière – qui est première dans l'ordre Principiel, et

n'est pas à rigoureusement parler une « condition » – étant simplement désignée comme

« Quatrième » (Turîya) puisqu'elle correspond à l'Âtmâ en soi, dans toute Son Inconditionnalité.
La tradition Bouddhiste, dont on connaît les racines Indiennes, est centrée sur l'Absolu en

soi, et se refuse à toute « personnification » ou à toute « objectivation » de cet Ineffable ; pour le

Bouddhiste orthodoxe, la Réalité Suprême n'est pas une entité plus ou moins « extérieure » et

« qualifiée » (comme, notamment, dans l’exotérisme des monothéismes sémitiques), mais une

Vérité foncièrement Insondable et, partant, Indescriptible ; c'est là la « Vacuité » ou le « Vide »

envisagé en un sens vertical (shûnya, shûnyatâ, strict équivalent du wu Chinois, ou du « Rien », du

« Néant » des métaphysiciens Chrétiens), c'est-à-dire la blanche Inconditionnalité de l'Absolu

« dont on ne peut rien affirmer de véridique ». Le « vide » horizontal, quant à lui (également

désigné par les termes shûnya ou shûnyatâ, comparables au sifr Soufi1) n'est autre que le kosmos

isolément considéré, ou, en langage Hindo-Bouddhique, le Samsâra lui-même, la « roue des

choses » (bhâva-chakra), sphère de la « giration transmigratoire », domaine de la « production

interdépendante » (pralîlya-samulpâda) et, donc, des « trois karmas » (sanchita-karma, prârabdha-

karma, âgâmi-karma).

Dans la perspective Bouddhique, qui est « méthode » directe de Délivrance avant d'être

doctrine intégrale, l'Absolu est envisagé moins « objectivement » que « subjectivement », ou, en

termes plus rigoureux, moins comme « Principe » que comme « état », et s'identifie donc au

Nirvâna même2 ; c'est dire à quel point le Réel est, ici, d'une part Inqualifiable et Non-

caractérisable, mais surtout Inexprimable, Incommunicable – en somme, « Non-extériorisable »,

étant strictement solidaire de notre plus secrète intériorité. Cette Innommable Vérité est le Bouddha

que chaque être porte en lui - et ne serait-ce que virtuellement - car le Bienheureux (bhagavat) n'est

1 Les termes shûnya et sifr désignent respectivement le « zéro » en Sanskrit et en Arabe ; tous

deux peuvent servir à symboliser la radicale indigence ontologique de l'être face à l'Unique.

2 A ce sujet, voir notamment Frithjof Schuon – Perspectives spirituelles et faits humains,

éditions l'Age d'Homme, 2001, IV, p.139. Se référer également, pour les indications à venir, au

précieux ouvrage d'A. K. Coomaraswamy et I. B. Horner – La pensée de Gotama, le Bouddha.


pas seulement, loin s'en faut, une individualité historique : il est avant tout la « manifestation du

Vide » (shûnya-mûrti), c'est-à-dire l'expression extérieurement particularisée d'une Réalité Éternelle

en soi Totale et Impersonnelle : « Ô moines, quiconque voit la production interdépendante voit la

Loi [Dharma, la « Loi Universelle »]. Quiconque voit la Loi voit le Bouddha » (Sûtra de la Pousse

de riz) ; « Quel bien cela peut-il vous faire de voir ce corps impur  ? Celui qui voit la Loi me voit,

celui qui me voit voit la Loi » (Samyutta Nikâya, III, 120). Cette « Bouddhéité » qui sommeille au

fond de nous (le tathâgata-garbha) est à la fois parfaite Vacuité et parfaite Plénitude ; elle est l'exact

équivalent du « Christ Intérieur » Chrétien1.

L'erreur la plus fréquemment commise par les Orientalistes, outre celle de la

« réincarnation »2, est donc celle de la prétendue négation par le Bouddha du « Soi » Atemporel et

Immuable, méprise résultant d'une confusion patente entre les « deux Soi » ; Shâkyamuni, s'il a

toujours effectivement nié toute réalité indépendante à ce composé psycho-corporel qu'est

l'individualité, le moi, le « petit soi » ou « non-Soi » (anâtmâ) - composé de ces « cinq agrégats »

1 Ainsi, évidemment, Saint Paul (Galates, II, 20) : « Je vis, non pas moi, mais le Christ en

moi » ; à sa suite, notamment, Angélus Silésius (Le voyageur chérubinique, I, 61) : « Le Christ peut

mille fois naître à Bethléem, s'il ne naît pas en toi tu demeures perdu pour l'éternité », Saint

Augustin (Homélies sur la première épître de Saint Jean) : « Il est donc à l’intérieur, le Maître qui

enseigne  ; c’est le Christ qui enseigne ; c’est son inspiration qui enseigne » (ce qui ne manquera

pas d'évoquer le «  guru intérieur » de l'Hindouisme), etc. Rappelons également à ce propos la

distinction entre l'« Homme intérieur » (ou « l'Homme dans l'homme ») et l'« Homme extérieur »

(Romains, VII, 22), que l'on retrouve de façon récurrente dans les Sermons d'Eckhart, et qui

correspond strictement aux « Sages intérieur » et « extérieur » du Taoïsme.

Pour de plus amples informations sur l'identification traditionnelles des Avatâras et des

Prophètes aux réalités d'ordre Principiel, voir ?.

2 La théorie hétérodoxe de la « réincarnation » ne résulte que d'une incompréhension de la

doctrine, authentiquement orthodoxe, de la transmigration ; a ce sujet, voir ?


(panca skandhî) que sont la forme grossière, les sensations, les perceptions, le mental et la

conscience distinctive1 - n'a jamais niée l'Absolue Permanence de l'« Ipséité » ou du « Grand Soi »

(Mahâtmâ, Âtmâ), qui est le Nirvâna au cœur du shûnya :« Par le Soi il faut activer le soi ; il faut

refréner le soi par le Soi (…) Car le Soi est le maître du soi, le Soi est la destination du soi »

(Dhammapada, 379-80). C'est ainsi que le Bouddha lui-même, face à la multiplicité éphémère et

illusoire, ne cessait de psalmodier cette parole de « retranchement » ou d’« abstraction » par

excellence : « Je ne suis pas cela, cela n'est pas mon Soi » (Majjhima Nikâya, III, 19 ; Samyutta

Nikâya, III, 66, 83 ou 103 ; Vinaya Pitaka, I, 13 ; …).

Il est d'ailleurs assez préoccupant de voir cette sentence décisive, équivalente au neti neti

Hindou, constamment mise en opposition avec le tat tvam asi des Upanishads (« Tu es Cela »)2,

1 « La forme matérielle est comme un nuage d'écume ; les sensations comme une bulle

soufflée  ; les perceptions ne sont qu'un mirage ; les constructions [mentales] sont pareilles à un

bananier, la conscience à une illusion  : voilà ce qu'a dit le Parent du Soleil » (Samyutta Nikâya, III,

142) ; « Toute forme matérielle, ô Râhula, toute sensation, toute perception, toute construction,

toute conscience, passée, future ou présente, grossière ou subtile, vile ou excellente, lointaine ou

proche, qu'on reconnaît par la sagesse correcte pour ce qu'elle est véritablement – c'est-à-dire en

pensant : ''Cela n'est pas mien, je ne suis pas cela, cela n'est pas mon Soi'', - il suffit de la

reconnaître telle, de la voir telle, pour que ne vienne pas à l'existence vis-à-vis de ce corps formé

par la conscience, ou des éléments qui lui sont extérieurs, la notion ''Je suis l'agent, l'agent est

mien'', ni aucune affirmation implicite du ''Je suis'' » (Ibid., II, 252) ; etc.

2 Chhândogya Upanishad, VI, 8, 7. Il s'agit là d'une des quatre « Grandes Paroles »

(mahâvâkya), synthétisant en elles tout l'enseignement initiatique Hindou : « Tu es Cela », « Je suis

Brahma » (aham brahmasmi, cf. Brhadâranyaka Upanishad, I, 4:10), « Ce Soi est Brahma »

(ayam âtmâ brahma, cf. Mândukya Upanishad, I, 2) et « La Connaissance est Brahma »

(prajnânam brahma, cf. Aïtareya Upanishad, III, 3). Ces mahâvâkya peuvent être résumées par

l'équation fondamentale Âtmâ = Brahma (cf. Shuka Rahasya Upanishad), ou par la formule tad
alors qu'elle en représente l'exact complément, selon une méthode, cependant, non point affirmative

mais négative. En effet, ce que l'Hindou « est », c'est l'Âtmâ Inconditionné dont tout être est une

manifestation relativement illusoire et nécessairement éphémère ; ce que Shâkyamuni « n'est pas »,

c'est précisément cette multiplicité conditionnée en tant que telle, qui « n'est pas » le Soi sous le

rapport de son individualité fragmentaire – car « Le soi n'est pas dans le Soi » (Dhammapada, 62).

Ce que l'Hindou « est », c'est le Vide Principiel ; ce que Shâkyamuni « n'est pas », c'est le vide

cosmique ; ce que tous deux conseillent, c'est de « prendre le Soi pour lampe et pour refuge »

(Samyutta Nikâya, III, 42-43 ; V, 162-63 ;...). En effet, comment l’Éveillé, l'« Ainsi-Venu »

pourrait, s'il n'y avait pas d'Essence Immobile à la fois Transcendante et Immanente, parler de

«  l'Immersion dans ce qui ne meurt pas, la Consommation dans ce qui ne meurt pas » (Anguttara

Nikâya, IV, 321), ou dispenser pareil enseignement : « Il y a un Non-né, un Non-devenu, un Non-

créé, un Non-composé, et, si ce n’était pour ce Non-né, Non-devenu, Non-créé, Non-composé, il ne

pourrait être montré aucun chemin d’Évasion hors de la naissance, du devenir, de la création, et de

la composition. » (Udâna Sûtra) ?

Dans la tradition Islâmique, cette double voie ressort clairement de la mise en parallèle de

êkam (« Tout est Un »). De telles sentences paraclétiques, d'une haute densité métaphysique,

trouvent stricte correspondance dans toutes les formulations traditionnelles de l'« Identité

Suprême », dont le ehyeh asher ehyeh (« Je suis Celui qui Est » ou, littéralement, « qui Suis »

(Exode, III, 14)) du Pentateuque constitue un important exemple ; mentionnons également les

shathîyât Soufis (propos extatiques, paroles « théophaniques » et « paradoxales »), dont le plus

fameux est sans doute le 'Anâ-l-Haqq (« Je suis la Vérité ») de Mançûr al-Hallâj.
certains versets Qur'âniques ; car si Allâh est « le Connaisseur de l'Invisible tout comme du visible.

C'est Lui, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux (…) le Souverain, le Pur, l'Apaisant, le

Rassurant, le Prédominant, le Tout-Puissant, le Contraignant, l'Orgueilleux (…) le Créateur, Celui

qui donne un commencement à toute chose, le Formateur. A Lui les plus beaux Noms. Tout ce qui

est dans les cieux et la terre Le glorifie. Et c'est Lui le Puissant, le Sage » (Qur'ân, LIX, 22-24), Il

est également - et même éminemment - Celui qui « Transcende tout ce qu'ils Lui attribuent » (VI,

100 ; XXI, 22) et Celui à qui « rien n'est semblable » (XVI, 74 ; XLII, 11 ; CXII, 4 ;…). De même

que, d'après la tradition Hindoue, Brahma est « l'Apparent et le Non-apparent » (Mûrtâmûrta),

l'Islâm enseigne qu'Allâh est à la fois « l'Apparent et le Caché » (adh-Dhâhir wa-l-Bâtin – LVII, 3).

Ce double aspect – impliquant, parallèlement, deux degrés fondamentaux de gnose, à savoir la

« connaissance de l'Essence » (ma'rifa-dh-Dhât) et la « connaissance des Noms et Attributs »

(ma'rifa-l-Asmâ' wa-ç-Çifât) - se trouve synthétiquement résumé en cette Parole : « Il n'y a rien qui

Lui soit semblable ; et c'est Lui l'Audient, le Clairvoyant » (XLII, 11). Le rapport de continuité

entre le Seigneur (ar-Rabb) et Sa manifestation (al-khalq) via le contenu qualitatif de cette dernière,

d'une part, et la dissemblance radicale de Celui que l'on « obscurcit en voulant l'exprimer »1 vis-à-

vis de chacune de Ses productions, d'autre part, se retrouvent également dans les deux termes

techniques Tashbîh et Tanzîh, le premier étant traduit par « Immanence » mais signifiant

littéralement « comparaison », « analogie » ou « proximité », quand le second, habituellement rendu

par « Transcendance », contient les idées d'« incomparabilité », d'« éloignement » et

d'« exaltation ».

Dans le Soufisme (at-taçawwuf), l'« Impersonnalité » Divine est désignée notamment par le

terme Huwiyah, dérivé de Huwa, « Lui » ou « Il », pronom de la personne absente et symbolisant,

par transposition métaphysique, l'« Absence » Divine par Transcendance radicale2, et Son

1 Mançûr al-Hallâj – Dîwân, qasîda 1, 5.

2 Cette « Absence » n'est telle, bien sûr, qu'à un point de vue strictement créaturiel ; ainsi al-

Jîlî : « Toi qui es Absent là-bas, Tu es Présent ici » ou, comme nous l'indiquerons plus loin, Mançûr
Indépendance par stricte Unicité (Wahdâniyah) à l'égard de toute dualité sujet-objet - c'est à dire

vis-à-vis du « moi » (anâ) comme du « toi » ('anta / 'anti). Les termes Hâhût (l'« Aséité » Divine) et

Dhât (la pure « Essence » sans relations) sont aussi régulièrement employés, et le « Nom de

Majesté » Allâh, envisagé en sa plus haute acception renvoie également dans les données générales

du taçawwuf à la totale Absoluité. La sûrat de la Pureté (sûratu-l-ikhlaç), centrale pour tout muslim

- équivalant, d'après un hadîth rapporté par al-Bukhârî, à un tiers du Qur'ân – proclame par ailleurs

d'éclatante manière la Nue Déité d'Allâh : « Dis : Lui, Allâh, l'Un. Allâh, l'Absolu (as-Samad). Il n'a

pas engendré, n'a pas été Engendré, et rien n'est semblable à Lui » (Qur'ân, CXII).

« Présent, absent, proche, éloigné, insaisissable aux descriptions par qualités. »1

L'Hypostase « Personnelle » est, quant à Elle, généralement désignée par les termes Aniyah

al-Hallâj. De façon analogue, si les données générales du symbolisme traditionnel associent la Pure

Aséité aux « Ténèbres » ou à l'« Obscurité », c'est parce qu'Elle apparaît, aux regards de l'être

conditionné et en contraste avec la « lumière » trompeuse et aveuglante de l'Existence, comme

« Occultée » et Inaccessible, ou, d'après le fameux hadîth, comme Séparée de lui par « 70 000

voiles d'ombre et de lumière » - « Dieu est ''abstraction'' pour le monde, parce que le monde est

''abstraction'' par rapport à Dieu » (Frithjof Schuon – Perspectives spirituelles et faits humains,

éditions l'Age d'Homme, 2001, IV, p.139). Or, à un point de vue plus proprement Principiel, c'est le

Réel (al-Haqq) qui est parfaite « Lumière », le kosmos n'étant, dès lors, que l'« ombre » projetée par

Son Irradiation : « Dieu réside dans une Lumière à laquelle personne ne peut parvenir [en tant

qu'individu] (…) Pour que Dieu soit vu, il faut que ce soit dans une Lumière qui est Dieu Lui-même

(…) La Lumière qu’est Dieu brille dans les ténèbres. Dieu est une vraie Lumière » (Maître Eckhart

– Sermon LXXI). Au sujet de l'« Occultation Divine », voir ?; sur le symbolisme de la « Ténèbre »

Principielle, voir ?; enfin, sur celui de l'« ombre » cosmique, voir ?.

1 Mançûr al-Hallâj – Dîwân, muqatta'a 11, 5.


(le « Moi » Divin) ou Lâhût (la « Divinité » digne d'adoration (ulûhiyah), c'est-à-dire engagée dans

le rapport « Créateur-créature » (Khalîq – makhlûq), « Seigneur-serviteur » (Rabb – 'abd), et dont la

« condition Seigneuriale » ou « Dominicale » (Rubûbiyah) s'oppose à la « condition de serviteur »

('ubûdiyah)).

La via negationis est, ainsi, abondamment employée au sein de l'ésotérisme Islâmique, et se

rencontre dans l'enseignement doctrinal de tous les shuyûkh ; contentons-nous de citer, en guise

d'exemple tout à fait représentatif, Awhad ad-dîn Balyânî en ouverture de son Épître sur l'Unicité

Absolue (risâlat al-Ahadiyah) :

« Gloire à Allah, avant l'Unité duquel il n'y a pas d'antérieur, si ce n'est Lui qui est

ce Premier  ; après la Singularité duquel il n'y a aucun après, si ce n'est Lui qui est

ce Suivant. À propos de Lui, il n'y a ni avant, ni après, ni haut, ni bas, ni près, ni

loin, ni comment, ni quoi, ni où, ni état, ni succession d'instants, ni temps, ni

espace, ni être : "Il est tel qu'Il était". — "Il est l'Unique, le Dompteur" sans les

conditions ordinaires de l'Unité. Il est le Singulier sans singularité. Il n'est pas

composé de nom et de nommé, car le nom est Lui et le nommé est encore Lui. Il n'y

a pas de nom sauf Lui. Il n'y a pas de nommé en dehors de Lui. C'est pourquoi il

est dit qu'Il est le nom et le nommé. Il est le Premier sans antériorité. Il est le

Dernier sans les conditions ordinaires de la finalité, c'est-à-dire sans finalité

absolue. Il est l'Évident sans extériorité. Il est l'Occulte sans intériorité. »

Dans la tradition Juive (ou, plus précisément, Qabbalistique), le Principe Suprême est
désigné par le terme Ayn Sof - « Infini », « Interminable », « Sans-fin », « Sans-limites » - et même,

parfois, par la simple particule négative Ayn, renvoyant aussitôt à l'Indétermination et à

l'« Incognoscibilité » (en mode distinctif) du Sur-essentiel – car, d'après les termes même du Sepher

Ietsirah, « Avant l'Un, que peux-tu compter ? » ; Cette pure Vacuité, radicalement Indicible et

Inépuisable analytiquement, ne saurait être cernée par « aucun signe, aucun nom, aucune écriture »

(Azriel de Gérone). De même, le tétragramme YHWH, Nom Sacré de Dieu, imprononçable

(conformément à Exode, XX, 7) en raison du caractère essentiellement Ineffable de l'Ultime : « Ce

qui fait que ce Nom a une si haute importance et qu’on se garde de le prononcer, c’est qu’il indique

l’Essence même de Dieu »1.

Maïmonide considère ainsi que « les vrais Attributs de Dieu sont ceux où l’attribution se

fait au moyen de négations »2. Cette voie d'abstraction se retrouve comme de juste chez de

nombreux rabbi (dont notamment le Qabbaliste majeur Cordovero, et même des auteurs comme Ibn

Gabirol ou Philon d'Alexandrie), et il serait possible à cet égard de citer Moïse de Léon, l'un des

plus importants d'entre eux : « le Saint [le Principe], béni soit-Il, Inconnaissable, ne peut être saisi

[distinctivement et, donc, positivement] que d’après Ses Attributs par lesquels Il a créé les

mondes »3; cette distinction entre l'« Inconnaissable » et « Celui qui peut être saisi » correspond à

1 Moïse Maïmonide - Guide des égarés, I, 61.

2 Ibid., I, 58. De même : « Les Attributs négatifs te rapprochent de la Connaissance de Dieu

et de Sa perception » (I, 52). A ce sujet, voir notamment Isabelle Raviolo – Maïmonide et Maître

Eckhart  : deux penseurs de la négativité.

3 De même, Ibn Gabirol, dans son Livre de la Source de Vie (Fons Vitae) : « Ce qui est

impossible, c'est de connaître l'Essence de l'Essence Première sans les créatures qui ont été

produites par Elle ; ce qui est possible, c'est de La connaître, mais uniquement par les œuvres

qu'Elle a produites » ; ceci est encore confirmé par Moïse Nahmanide dans son commentaire sur le

Sepher Ietsirah : « La différence entre la mesure (middah) du Néant (Ayn) et celle de l’Être (Yesh)

est que le Néant est l’occultation de l’intelligibilité, tandis que dans l’Être il y a un peu
celle entre la Déité « Impersonnelle » et le Dieu « Personnel », dont l'un est retiré dans l'Obscurité

et dont l'autre communique de Sa Lumière.

Trois degrés hiérarchiques sont alors métaphysiquement distingués par le rabbi, de

l'Indifférencié au différencié ou de l'Ayn « concentré en Lui-même » à l'Acte existentiateur de la

« chaîne descendante des mondes » (seder hishtalshelut) :

d’intelligibilité et, ainsi, il est le premier-né de l’intelligibilité »..Tout ceci ne saurait manquer

d'évoquer le fameux hadîth qudsi du « Trésor caché » (al-kanz al-makhfi) : « J’étais un Trésor

Caché et J’ai voulu être Connu [ou « connaître »]. Alors J’ai créé les créatures afin d’être Connu

par elles ».

A préciser que l'Hébreu middah, singulier de middoth (dont le sens littéral se rattache à l'idée

de « mesure », mais sert également à designer les « Attributs » ou « Caractères » Divins), renvoie

au symbolisme général de la « mesure » Principielle par laquelle les mondes sont engendrés ; ainsi

notamment le mâtrâ Hindou (ou plus largement la racine Sanskrite MA, dont dérive notamment

Mâyâ, la « mesure maternelle » des mondes), ou le « Dieu Géomètre » (géo-metria ou « mesure de

la terre ») des anciens Grecs. La racine med, dont les sens principaux sont « mesurer, limiter,

considérer, ordonner, concevoir », se rencontre aussi dans le Latin modus (« mode », « manière »,

« façon », mais également « mesure », « règle », « limite ») et le Grec medomai (« pensée »,

« conception », « méditation »,...).

C'est conformément à ces données qu'en Islâm, le Nom Divin al-Khâliq (« le Créateur »)

peut être traduit par « le Déterminant » ou « Celui qui assigne la mesure » (en accord direct avec

Qur'ân, LIV, 49 : « Nous avons certes créé toutes choses avec juste mesure » ou XIII, 8 : « Toute

chose a auprès de Lui sa mesure », mais encore XV, 21 ; XXIII, 18 ; XLII, 27 ; LXV, 3 ; ...). Il y

aurait d'intéressant développements à faire sur la présence de ce symbolisme en Islâm et sur la

racine QDR (exprimant les idées de décret (al-qadâ', al-qadar), de mesure (al-taqdîran), de calcul,

d'assignation, d'appréciation,...), de laquelle dérive notamment le Nom Divin al-Qadîr, « le


1) l’« Éther Pur » (Avir), Mystérieux, également désigné comme Ayn en raison de son

« incompréhensibilité » Non-duelle ; Il est l'« absolument occulte qui ne peut être saisi »,

correspondant donc au Nirguna Brahma, « cause de toutes les causes et l’origine de toutes les

origines » (en tant que Principe de l'Être Universel même, Lequel produira ensuite la multiplicité

cosmique).

2) le « Point Suprême » (identifié au Iod, et représentant l'affirmation de l'Être Pur),

« prenant naissance » dans le Mystère de l’«  impalpable » Éther (comme Îshwara procède de

l'Ultime Brahma, puisqu'«  Il a fait de Son Néant (Ayn) Son Être » (Sepher Ietsirah, II, 6)), et

désigné comme « Pensée » car représentant le « Verbe » au degré Principiel, c'est-à-dire le « Lieu »

Non-manifesté des possibles avant que ceux-ci soient effectivement produits. Le « Point » est ainsi

le « Commencement compréhensible » car pourvu de Caractères positifs (middoth) et donc

distinctement saisissables, de même qu'Il est le « Commencement de toute chose » en tant que

Principe direct de l'Existence Universelle.

3) la « Voix qui émane de la Pensée », correspondant au « Verbe » considéré en tant que

« Parole » positivement Productrice, permettant donc à « tous les êtres et toutes les causes

d'émerger par la force du point d'en haut »1.

De même, dans la procession Qabbalistique des Séphirot, Kether, la « Couronne Suprême »,

(également désignée par Moïse de Léon comme « Néant ») joue le rôle d'Abysse Sur-ontologique

par rapport à la seconde Séphira, Hokhma (la « Sagesse »), correspondant elle à l'Affirmation

Puissant » ou « Celui qui détient la Puissance déterminante et normative » ; de même pour le Nom

al-Muqtadir. De ce radical provient encore le nom de la « nuit bénie » où le Qur'ân est descendu sur

Terre, la laylatu-l-Qadr.

1 Cf. René Guénon – Le Symbolisme de la Croix, IV (où ce passage de Moïse de Léon est cité

et commenté).
ultérieure de l'Être (Yesh), « le premier ''pas'' de la manifestation Divine  »1. Cette émergence de la

« Sagesse » depuis la « Couronne » – où de l'Être Pur depuis le Sur-Être , « auto-manifestation »

Principielle du Divin – est naissance de Dieu depuis son propre « Néant » ; elle est considérée

comme une « diminution », puisqu'elle représente le degré où naissent les Qualités positives à partir

desquels les possibles pourront être déterminés et le kosmos existencié : « le premier repère de la

manifestation, la première détermination n’est que la diminution de l’Infini et l’Être est pensé

comme l’Occultation du Néant Divin ». Cependant, il ne saurait ici y avoir aucune dualité, la

Réalité étant Une indépendamment de la profusion insondable de Ses manifestations : « pour Lui

qui a fait sortir son Être du Néant, dit Azriel de Gérone, cela n’implique aucune déficience, car

l’Être est dans le Néant dans la manière du Néant et le Néant est dans l’Être dans la manière de

l’Être ».

Dans les traditions Chinoise et Japonaise, l'approche négative, loin d'être simplement

courante, est même prédominante ; cette voie est d'une façon générale caractéristique du type

spirituel et de la « sensibilité » intellectuelle d'Extrême-Orient. En contexte Taoïste, sa nécessité est

ainsi exprimée de façon décisive :

« Grande Pureté demanda à Infini  : ''Connaissez-vous le Tao ?'' ''Je ne Le connais

pas'', dit Infini. Et Grande Pureté demanda encore à Non-agir : ''Connaissez vous

1 Cristina Ciucu – Les penseurs du néant (la prochaine citation provient également de ce

texte). Se référer à cet article pour davantage de développements concernant les données indiquées

dans ce paragraphe.
le Tao ?'' ''Je Le connais'', dit Non-agir. ''Le Tao, d'après votre connaissance, peut-

il être qualifié ?'' ''Il peut l'être'', dit Non-agir. ''Comment peut-il être qualifié ?''

demanda Grande Pureté. ''A mon avis, dit Non-agir, le Tao peut être noble ou vil,

concentré ou répandu  ; telles sont les qualités par lesquelles je connais le Tao''.

Grande Pureté rapporta les paroles d'Infini et celles de Non-agir à Sans-

Commencement et lui demanda : ''Infini ne connaît pas le Tao et Non-agir le

connaît. Lequel des deux a raison  ? Lequel des deux a tort ?'' Sans-

Commencement lui répondit : ''Celui qui ne connaît pas le Tao est profond, celui

qui Le connaît est superficiel. Le premier saisit l'intériorité, le second ne touche

que l'extériorité''. Grande Pureté l'approuva en s'exclamant : ''Ne pas connaître est

donc connaître ? Et connaître est-ce ne pas connaître ? Qui donc connaît la

connaissance qui consiste à ne pas connaître ?'' Sans-Commencement dit : ''Le

Tao ne peut être entendu : ce qui s'entend n'est pas Lui. Le Tao ne peut être vu : ce

qui se voit n'est pas Lui. Le Tao ne peut être énoncé : ce qui s'énonce n'est pas Lui.

Qui donc connaît ce qui engendre les formes est sans-forme. Le Tao ne doit pas

être nommé.'' » 1

1 Tchouang-tzeu - Œuvre complète, XXII. De même : « Le Tao Suprême n'a pas de nom (…)

Le Tao explicité n'est plus le Tao ; le raisonnement discursif n'atteint plus la vérité (…) Qui sait

que le discours est sans paroles et que le Tao est sans nom, celui là possède le trésor du Ciel » (II) ;

« En Le regardant, il [« celui qui s'identifie avec le Tao »] Le trouve sans forme ; en L'écoutant, il

Le trouve sans voix ; en parlant de Lui aux hommes, il Le déclare obscur. Car tout discours sur le

Tao va contre le Tao » (XXII) ; etc.

Sauf indications contraires, nous emploierons désormais pour la traduction des textes

Taoïstes celles de Léon Wieger (L.W) - dont la qualité fut d'ailleurs attestée par René Guénon - et

de Liou Kia-Hway (L.K.H) ; nous nous réservons la liberté de passer de l'une à l'autre en fonction

de l'opportunité.
Les trois grands maîtres Taoïstes ont, chacun, abondamment employée cette méthode ; ainsi,

dans le Tao-tö King (XIV), dont il serait possible d'extraire plusieurs passages significatifs à cet

égard (I, XXI, XXV, XXXV,...), Lao-tzeu écrit notamment ceci : « Le regardant [le Tao], on ne Le

voit pas, on Le nomme l'Invisible. L'écoutant, on ne L'entend pas, on Le nomme l'Inaudible. Le

touchant, on ne Le sent pas, on Le nomme l'Impalpable. Ces trois états dont l'Essence est

indéchiffrable se confondent finalement en Un. Sa face supérieure n'est pas illuminée, Sa face

inférieure n'est pas obscure. Éternel, Il ne peut être nommé : ainsi, Il appartient au royaume des

sans-choses. Il est la Forme sans forme et l'Image sans image. Il est Fuyant et Insaisissable.

L'accueillant, on ne voit pas Sa tête  ; Le suivant, on ne voit pas Son dos. » ; de même encore

Tchouang-tzeu, dans son Zhuangzi (Œuvre complète, XIII) : « Ô mon Maître ! Ô mon Maître ! Tu

détruits tous les êtres du monde et pourtant Tu n'es pas cruel ; Tes bienfaits s'étendent à dix mille

générations et pourtant Tu n'es pas bon ; Tu es plus âgé que la haute antiquité et pourtant Tu n'es

pas vieux ; Tu recouvres le Ciel et portes la Terre, Tu tailles et Tu sculptes toutes les formes, et

pourtant Tu n'es pas habile ; telle est la Voie du Ciel » ; et Lie-tzeu, dans son Vrai Classique du

Vide Parfait (IV, N)  : « La Vraie Raison des choses est Invisible, Insaisissable, Indéfinissable,

Indéterminable. Seul l’esprit rétabli dans l’état de simplicité naturelle parfaite, peut L’entrevoir

confusément dans la contemplation profonde ».

Précisons encore que, comme dans la tradition Bouddhique ou l'ésotérisme Chrétien, c'est

bien de Celui « qui n'a pas de nom » (Tao-tö King, XXXII) dont il est fait mention lorsqu'il est

question, dans de si nombreux textes Taoïstes, du « Vide », de la « Vacuité », du « Néant », du

« Non-Être » (wu), et autres expressions analogues ; ce symbolisme peut également renvoyer, selon

le contexte, à la « Vacuité intérieure » du Sage qui, n'étant plus atteint ou pénétré par la moindre

contingence, étant « vidé du monde », « traverse le Mont Kouen-louen [la « Montagne

Primordiale », « Polaire », Centre du Monde], et va jusqu'au Vide Suprême »1. Quoi qu'il en soit, ce

1 Tchouang-tzeu – Œuvre complète, XXII.


terme doit, dans la grande majorité des cas – et abstraction faite de ceux dont le sens l'impose avec

évidence – être envisagé en son acception supérieure, purement spirituelle : il ne s'agit pas là, une

fois encore, du caractère d'irréalité et d'impermanence du monde phénoménal, lieu de perpétuelles

« mutations » ou « métamorphoses » (bianhua), et désigné comme « courant des formes » ou des

« transformations », royaume des « actions et réactions concordantes » (kan-ing, équivalent au

Ainsi chez Lao-tzeu (Tao-tö King, XI) : « Trente rayon convergent au moyeu, mais c'est le

Vide médian qui fait marcher le char. On façonne l'argile pour en faire des vases, mais c'est du Vide

interne que dépend leur usage. Un maison est percée de portes et de fenêtres, c'est encore le Vide

qui permet l'habitat. L'Être donne des possibilités, c'est par le Non-Être qu'on les utilise », « Il y

avait quelque chose d'Indéterminé avant la naissance de l'Univers. Ce quelque chose est Muet et

Vide » (XXV), ou « Atteins à la suprême Vacuité et maintiens-toi en quiétude » (XVI) ; chez

Tchouang-tzeu (Œuvre complète, XXII) : « Lumière éclairante demanda à Néant (ou Non-Être)  :

''Êtes-vous ou n'êtes-vous pas  ?'' N'ayant obtenu aucune réponse de son interlocuteur, Lumière

éclairante ne put l'interroger davantage et observa mûrement l'apparence du Néant. Elle ne perçut

que Vide et Obscurité. Toute la journée, elle regarda Néant sans rien voir, elle L'écouta sans rien

entendre ; elle Le tâta sans rien saisir. ''Suprême !'' Conclut Lumière éclairante. ''Qui pourra y

atteindre  ? Je peux le concevoir en tant qu'il est un néant, mais je ne peux néantiser le néant. Or, il

est un Néant néantisé. Comment l'atteindre ?'' », « Celui qui a visité en intimité le Palais du Néant

(…) ne connaît-il pas l'Infini ? » (XXII) ou « ''C'est sur le Vide que se fixe le Tao. Le Vide, c'est

l’abstinence de l'esprit [dit Confucius].'' ''Je ne suis pas encore parvenu à cet usage du Vide, en

vérité je reste Yen Houei. Si j'y étais parvenu, je ne serais plus Yen Houei. Est-ce un tel état qu'on

peut appeler le Vide ?'' ''C'est tout à fait cela, dit le maître. (…) Du Vide de l'esprit jaillit la

Lumière ; là se fixe le salut de l'homme.'' » (IV)  ; enfin, chez Lie-tzeu (Le Vrai Classique du Vide

Parfait, I, L) : « Quelqu’un demanda à Lie-tzeu : Pourquoi estimez-vous tant le Vide ? — Le Vide,

dit Lie-tzeu, ne peut pas être estimé pour Lui-même. Il est estimable pour la Paix qu’on y trouve. La
kârya-kârana-bhâva (la « roue des effets et des causes ») Hindou)1.

Dans le Bouddhisme Zen (« contemplation » : tch'an en Chinois, dhyâna en Sanskrit), cette

voie de l'Ineffable prend la forme d'une économie rigoureuse du discours doctrinal, s'exprimant soit

par le silence, soit par l'extrême concision symbolique (comme, notamment, avec l'art des lavis

(sumi-e) ou les kôan) ; il ne convient pas, selon la perspective propre au Zen, de voiler la pureté

Paix dans le Vide est un état indéfinissable. On arrive à s’y établir. Ou ne la prend ni ne la donne.

Jadis on y tendait. Maintenant on préfère l’exercice de la bonté et de l’équité, qui ne donne pas le

même résultat » ou encore « A qui demeure dans son Néant (intérieur), tous les êtres se

manifestent » (IV, N) ; etc.

1 « L'action et la réaction suivent l'homme comme son ombre », dit en effet Le Livre des

actions et réaction concordantes (kan-ing, généralement traduit, de façon sans doute trop

sentimentale ou moralisante, par « Le Livre des récompenses et des peines »). Matgioï propose,

dans sa traduction du Traité des influences errantes de Quangdzu, le titre aussi littéral que possible

de « Traité des mouvements (terrestres ou autres) déterminés par les actions des hommes, et des

sanctions que ces mouvements provoquent ».

C'est d'ailleurs cette loi (que l'on pourrait tout simplement désigner comme « principe de

causalité ») qui empêche l'être d'accéder à l'Affranchissement final au moyen des seules « œuvres »,

car, comme l'a souligné René Guénon en maints endroits, « ce que l'action peut faire gagner, elle

peut également le faire perdre » ; c'est là toute la différence, au fond, entre la notion théologique de

« salut » - dont la nature est partielle et l'obtention toujours incertaine - et celle métaphysique de

« Libération » ou d'« Éveil » - immédiat, transcendant, total et définitif. Un maître comme

Shankarâçârya a souvent mis l'accent sur l'impuissance de l'action seule (karma) en ce qui concerne

ce « passage au-delà du Soleil » qu'est l'obtention du moksha, que seule permet la gnose (jnâna) -

« Le moyen d'atteindre la Libération est la Connaissance », écrit-il ainsi en ouverture des Mille

enseignements. A ce sujet, voir notamment ?.


lumineuse de la contemplation intuitive – qui doit être exaltation vécue directement, secrètement,

intimement, et toujours par-delà les formes - par les formulations doctrinales extrinsèques,

nécessairement segmentantes et constrictives, à quelque degré que ce soit : « Laisse le mur

s'effondrer sur le Trésor »1. Les notions de « Vide » ou de « Vacuité », de « Néant », d'« Absence » -

qui correspondent toutes, en somme, à celle de « Zéro métaphysique » - y occupent, ici encore, une

place centrale ; n'oublions pas, en effet, que cette voie prend racine dans le geste muet du Bouddha

1 Abd el-Kader – Livre des Haltes, mawqif 30.

Il convient cependant de préciser que le caractère « adogmatique » généralement reconnu au

Zen, loin d'être un vague « agnosticisme », une absence de contenu doctrinal positif, ni même un

refus d'intellectualité (entendue, évidemment, au sens véritable ou « pneumatique » du terme), a

pour principale fonction d'empêcher la « pétrification » de l'Informel qui, du point de vue Zen, doit

être saisi de façon directe et vivante par les mouvements spontanés de l'Intuition plutôt qu'au travers

d'une doctrine formelle, inévitablement statique et inanimée tant qu'elle reste théorique ou qu'elle

n'est point « réalisée » spirituellement - et susceptible d'enfermer le disciple qui ne parviendrait pas

à passer des « mots » à la « chose », c'est-à-dire : du « mental » à l'« Intellect » ou du « cerveau » au

« Cœur ». La tradition Zen contourne au maximum le mental, en l'abreuvant le moins possible (par

le silence et l'économie doctrinale), en le dépassant positivement (ce à quoi correspond en effet l'état

contemplatif de « non-pensée » (hishiryô), équivalent du manolaya ou, lorsqu'il est permanent, du

manonâsha Hindou), en le confrontant à ses limites de façon éclatante, décisive et inaugurale (ce

qui est, bien sûr, la fonction du kôan),... Il va d'ailleurs de soi que cette pénétration essentielle,

immédiate – et la discipline psychique qui lui est corrélative, ou plutôt « antécédente » - est prônée

par toutes les Sagesses traditionnelles quelles qu'elles soient, l'originalité du Zen étant, ici, l'absence

quasi-totale d'intermédiaire formel dans le processus d'assimilation. A ce sujet, voir notamment

Frithjof Schuon – Images de l'Esprit, éditions Le Courrier du Livre, 1982, Sur les traces du

Bouddhisme, pp.109-113.

Signalons encore la stricte correspondance entre le zazen, où le pratiquant doit regarder filer
qui, en silence, présenta une fleur de lotus aux moines, symbole de l'Illumination parfaite.

L'héritage du Zen et sa « sensibilité » spirituelle se rencontre notamment dans la « Voie des

fleurs » (ikebana) Japonaise, qui, dans son processus de transmission, privilégie l'enseignement

direct et informel de « Cœur à Cœur ». Par ce « mode secret », le maître, faisant fi de toute

explication discursive au profit du recueillement silencieux et de la pénétration contemplative -

« Porter le Néant dans le cœur, c'est porter le Tout » - invite son disciple à pénétrer le « Cœur des

fleurs » (hana-no-kokoro), qui est également « Cœur Universel », « Repos », « Silence Absolu » ;

car, comme l'enseigne Dôgen dans son Genjôkôan, « La lumière infinie de la lune tient dans une

goutte d'eau. ; la lune et le ciel tout entiers sont à l'aise dans une goutte de rosée sur un brin

d'herbe ».

De même, dans le Culte du Thé traditionnel (chanoyu), la « Chambre de Thé », modèle de

pureté, d'équilibre et de dépouillement, est désignée comme « Séjour du Vide » (ce qui ne manquera

pas d'évoquer la doctrine Hindoue du « Séjour de Brahma » (Brahma-pura) au centre éthéré de

l'être) ; dans la Calligraphie (shodô), l'agencement harmonieux des blancs, donnant leur valeur aux

caractères peints en noir, exprime l’Éternelle Vacuité, la Plénitude du Sans-forme, la Transcendance

du Sans-nom qui n'est « ni ceci, ni cela » (ce qui vaut également pour l'art des lavis, conformément

à Tao-tö king, XI) ; dans l'art traditionnel du tir à l'arc, la cible est le « Néant Vide », et la flèche

décochée doit, au terme d'une course faite d'équilibre entre tension et abandon, ne faire plus qu'un

avec elle... - « Dans la vastitude du Vide, tout se condense, se concentre, tout prend du relief, tout

s'épanouit et se reflète en même temps dans le Vide Illimité, dans la puissance de figuration de la

Source première »1.

les pensées « comme les nuages dans le ciel » - sans s'attacher ni s'identifier à elles – et la

« discrimination entre le Spectateur et le spectacle » (drig-driçya-viveka ) du Védânta.

1 G. L. Herrigel – La Voie des Fleurs, le Zen dans l'Art Japonais des Compositions Florales.

Pour quelques indications supplémentaires sur le symbolisme général du tir à l'arc, voir ?.

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