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CONSTANTIN
ET LA
FONDATION DE CONSTANTINOPLE
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242 LOUISBRÉHIER.
Parmiles historiens modernes, Gibbonest un de ceux qui
ontrecherché avec le plus de pénétration les motifsdétermi-
nantsde Constantin, et nousverronsqu'en finde compteson
explication, sansavoirunelargeursuffisante, estd'accordavec
les faits. Il montred'abordque l'empereurn'avait aucune
raisonde resterattachéà Rome.« La patriedes Césarsn'ins-
piraitque de l'indifférence à un princeguerrier, né surlesrives
du Danube,élevédansles coursou dansles arméesd'Asieet
revêtude la pourpre parles légionsde Bretagne.» Mais,selon
lui, le choixde Constantinople est dû surtoutà des considéra-
tionsstratégiques. « Dans le choixd'unesituation avantageuse,
il préférales confinsde l'Europeet de l'Asie pour en imposer
avec une puissantearméeaux barbaresqui habitententrele
Danubeetle Tanaïsetpouréclairerde plusprèsla conduitedu
roi de Perse... Telles étaientlès vues de Dioclétienquand il
avaitchoisiet embellile séjourde Nicomédie.Maisla mémoire
de Dioclétienétaitjustement odieuseau protecteur de l'Eglise
et Constantin n'étaitpas insensible à l'ambitionde fonderune
villequi pûtperpétuer la gloirede sonnom1.»
Duruy, tout en faisant la partdes motifs et straté-
militaires
giques,paraît avoir subi l'influence du témoignage Zosime.
de
« Unecourasiatique», dit-il,« eûtétémalà l'aise au milieudes
souvenirsqu'éveillaient les nomsdu sénat,du peupleromain
et du Forum,et puis un princechrétienne pouvaithabiter
parmitous ces templesen face du Capitoleoù Jupitersié-
geait toujours2.» Dans son Histoireanciennede l'Église,
MgrDuchesnea développédes considérations du mêmeordre.
D'aprèslui, Constantin voulaitavanttout avoirune capitale
«
chrétienne ». Romeétaittropattachéeaux souvenirsdu paga-
nisme.« II avait dû constaterque les vieux cultesétaient
encoretropvivantspourqu'il fûtaisé de les déracinerou d'en
faireabstraction. Sur le Bosphore, il auraitles mainslibres3.»
La raisonreligieuseparaîten sommeavoirles préférences
des modernes et l'on n'estpas peu surprisde voirreparaître
dans leurs explicationsl'influencede la Fausse Donation.
DomLeclercqprêteainsi à Constantin le plan machiavélique
1. Gibbon,Décadence et chute de l'empire romain, trad. Buchón, eh. xvii.
2. Duruy, Histoire des Romains. Paris, t. VII, 1885,p. 202.
3. Duchesne, Histoire ancienne de VÉglise, t. II, 1907,p. 85.
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DE CONSTANTINOPLE. 243
ET LA FONDATION
CONSTANTIN
d'avoirabandonnéRomeafind'y laisserle pape « en qui il
paraîtavoirvu toutensemble etselonl'occurrence un déléguéet
un collègue» libred'y menerla luttecontrele paganisme.
« Plus ou moinsrapidement, ceci tueraitcela, suivantle
de
degré vigueur et d'habiletéqu'y apporteraient les papes1.»
Ce seraitdoncpourlaisserRomedevenir unecapitalereligieuse
que Constantin l'auraitabandonnée. Il estinutiled'insister sur
le véritableanachronisme qui enlèvetoutcrédità cetteexpli-
cation.
Tellessontles diversesraisonspar lesquelleson a essayéde
justifierla fondation de Constantinople, mais la plupartde
leursauteursse sont contentésd'affirmations d'un caractère
assez généralet n'ontpas cherchéà réunirles preuvesde ce
qu'ilsavançaient.Unequestionaussiimportante pourl'histoire
universelle estdoncaujourd'hui encorepresqueentière etilplane
toujours une certaine obscurité surles motifs qui ont déterminé
la volontéimpériale.N'est-ilpas possiblede dissiperquelque
peuces ténèbres et de rechercher dansla conduite deConstantin
l'explicationde cet événement? C'estce que l'examenimpartial
des circonstances au milieudesquellesfut fondéeConstan-
tinopleva nousapprendre.
I.
Il n'estpas inutilede remarquer d'abordqu'avantsoninstal-
lationà Constantinople en 330, Constantin n'a jamaisadopté
de résidencefixeet que pendantvingt-quatre ans il a vécu en
empereurerrant.Lorsqu'ilest proclaméempereurpar les
légionsde son père à York en juillet306, le régimede la
tetrarchieest toujoursen vigueuret, depuis293, quatre
gouvernements impériaux sontinstallésà Nicomédie, Sirmium,
Milan,Trêves,sansqu'aucuneatteinted'ailleursait été portée
aux institutions traditionnellesde Romequi est restéela ville
impériale.Trêvesest doncla première résidencedu nouveau
Césaret,aprèssonexpédition contreles FrancsetlesAlamans,
il y célèbreles « Ludi Alamannici» (octobre306). C'est à
l'atelierde Trêvesque sont émisesses premières monnaies.
1. Dom Leclercq, Dictionnaire d'archéologie chrètienneì pubi, par Dom
Cabrol,articleByzance.Paris,1910,t. II (1), col. 1373.
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•244 LOUIS BRÉHIER.
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ET LA FONDATION
CONSTANTIN
doncbienque le partageacceptéen314 n'aitétédanssa pensée
que provisoire et quela conquêtedesrichesprovincesd'Orient
abandonnéesà Liciniusait été depuiscetteépoquel'objetde
ses préoccupations.
Bienplus,il paraîtvraisemblable qu'au moment où il quitta
la Gaule, Constantin avait déjà formé le projetd'établirsa
résidence définitive des
dansla péninsule Balkans,à portéedes
frontières du Danube.S'il ne songeaitpas encoreà Byzance,
qui appartenait d'ailleursà Licinius,il eutun moment l'inten-
tionde placersa capitaleà Sardique,c'est-à-dire surl'emplace-
mentde la ville actuellede Sofia,au centredu haut bassin
lacustrequi commande les principales routesde la péninsuleet
auquel la trouée de l'Isker ouvre un débouché versle Danube1.
Le faitestaffirmé par le continuateur de Dion Cassius2,d'après
lequelConstantin aimaità répéterqu'il n'auraitd'autreRome
que Sardique.Or, c'est en 317 que Constantinséjourneà
Sardiqueety élèveses filsau rangde César; ce futsans doute
à ce moment que la situation de cettevillelui parutoffrir les
avantagesqu'il cherchait poursa future capitale.
En un mot, avant la deuxièmeguerrecontreLicinius,
Constantin paraîtavoir abandonnél'Occidentsans retouret
l'idée de créer en Orient,à proximitéde la frontière du
Danube, une nouvelle capitale avaitdéjàgermé dans son esprit.
Et d'ailleursla rapiditéavec laquellese sontsuccédéles événe-
mentsmetcetteconclusion horsde doute.
L'histoirede la fondation de Constantinople est aujourd'hui
bien connue grâce aux belles études de numismatique de
M. JulesMaurice3.En outre,les découvertes papyrologiques
deM. Jouguet permettent d'apercevoir d'unemanière plusnette
encoreles relationsqui unissentla victoireremportée sur
Liciniusà la nouvellecréation.La plupartdes historiens en
effetavaientplacé en 323 la guerrecontreLicinius. Seul,
1. Le traitéde 314 n'avait laissé à Licinius d'autre provinceeuropéenneque
la Thrace.
2. Ta jiexà Atwva,i; (Müller, Fr. H. Gr., IV, 199) : UriKa>v<rcavrtvoceßov-
Xeúaraxorcpwxovev Sapôtx^ lAexayaYeîvxà Ôrj^ódia <piXwvxe x^v rcóXivèxefvyjv
auvsx&ç ëXeyev.« CH épi^ 'Pcú^yj SapSixirj èaxiv. »
3. Voir surtoutJ. Maurice, les Originesde Constantinople.Centenaire de
la Société des Antiquaires de France. Paris, 1904; Numismatique constanti-
nienne, 2 volumes,1908et 1911.
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ET LA FONDATION
CONSTANTIN DE CONSTANTINOPLE. 247
fondationétaitdéjàélaborédans son esprit.Ce futsans doute
dèsla findeTannée316, lorsqu'ilabandonnal'Occident, désor-
maispacifiéet protégécontreles incursionsgermaniques,qu'il
conçutle projetde transporter dansla péninsuledes Balkans,
à proximité de la valléedu Danube,le centreprincipalde ses
forces.Les faitsainsirapprochéspermettentde conclurequ'en
agissantainsi il obéissaitavant tout à des considérations
stratégigues.
II.
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248 LOUIS BRÉHIER.
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ET LA FONDATION
CONSTANTIN DE CONSTANTINOPLE. 249
de l'inaugurationfut célébréele 11 mai 330. Comme il
arrivedans nos expositions modernes,ce futsans douteau
milieudes chantiersencoreouvertset mal dissimulés que se
déroulacettefête.Mais la cour et le gouvernement impérial
s'installaient
déjà dansles bâtiments à peineconstruits. C'est
en 330 que le Consistoriumprincipis est fixéà Constanti-
nople,et la première loi datéede la nouvellecapitaleest du
16 juillet330*. D'aprèsun renseignement donnépar Julien,
les travauxfurent achevésà peuprèsen3342; mais,depuis330,
elleétaitdevenuela résidence habituelle de Constantin.
En se transportant ainsiavec sa couret son gouvernement
surlesrivagesdu Bosphore, Constantin avaitaccompliun acte
d'uneportéeconsidérable et d'un caractèrefranchement révo-
lutionnaire. La fondation de Constantinople marquaiten eflet
une véritableruptureentrel'empereur et l'ancienneRomeet
il étaitimpossiblede lui trouverun précédentquelconque.
C'était plus qu'un simple transfertde capitale. Lorsque
Dioclétienet ses collèguesde la tetrarchie avaientadoptépour
leursrésidences d'autresvillesque Rome,ils y avaientsimple-
mentorganiséleurcouret leuradministration. Les privilèges
de Romeétaientrestésintacts; elle avait gardé,à l'exclusion
desautrescapitales,son sénat,ses consuls,sonadministration
frumentaire, ses sacerdoces.Elle étaittoujours la villeimpériale
par excellence,alorsque les nouvellescapitalesn'étaientque
descentresadministratifs. On ne trouvedanscetteorganisation
aucunenouveauté juridique.
La créationde Constantin a un toutautrecaractère.Il n'a
pas touché aux privilèges Rome; il les a dédoublésen
de
les conférant à une autreville. C'est une nouvelleRomequ'il
a voulufonder et il y a eu désormais dansl'empiredeuxvilles
impériales exerçanten théorie la souveraineté surl'univers.
Tousles témoignages reviennent avec insistancesurl'inten-
tionbienmarquéede l'empereur qui voulaitégalersa ville à
l'ancienneRome.Zosimeditque Constantin, frappéde la situa-
tionde Byzance,résolutdel'agrandir en
pour faire« la capitale
1. Mommsenet Meyer,Codex Theodosianus, I, pars i, ccxxi; Seeck, Die
Zeit der Gesetze Constantins (Zeitschriftfür Rechtsgesch.,Rom. Abth.tX,
241); Maurice,les Originesde Constantinople,p. 288 et suiv.
2. Julien,Oratio I (coll. Teubner,p. 9).
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de l'univers », et il rapporte un oracleattribué à la sibylleEry-
thréequi prédisait cettefuture grandeur1. Socrate nousdonnece
détailimportant « qu'après avoir fait reconnaître Byzance
commel'égalede Romesouveraine, il changeasonnomen celui
de Constantinople et établitpar une loi qu'elle prendraitle
titrede secondeRome.Cetteloi, gravéesurune stèledepierre,
futexposéepubliquement à l'endroitappeléStrategion près de
sa statueéquestre»2. Sozomènedit de même: « II nomma
Constantinople la nouvelleRomeetla constituasouverainesur
tousceuxqui sontsujetsdes Romainsau nord,au midiet au
levant3.» D'aprèsPhilostorgius, Constantin qualifiasa villedu
titred' « almaRoma» etl'embellit de manièreà ce qu'elle pût
rivaliseravec « l'ancienneRome»4. Dans un rescritdaté de
334, Constantinople est appeléeà l'égal de Rome « la ville
éternelle Enfin,lorsquedans les concilesœcuméniques
»5. le
patriarche de Constantinople revendiquera d'abordla seconde
place dans la chrétienté, puis des honneurs égaux à ceux du
pape, son principalargumentsera que la ville dontil est le
pasteurest appelée« la nouvelleRome», égaleen dignitéà
l'ancienne6.
Le témoignage desmonnaies est encoreplus significatif, car
ellesnousdécouvrent sansambiguïté la théorieque Constantin
faitofficiellement prévaloir. Aussitôt aprèsl'inauguration solen-
nellede Constantinople, le 11 mai330, despiècessontfrappées
enl'honneur de l'ancienneet de la nouvelleRome,aussibienà
l'atelierde Romequ'à Constantinople7. Chacunedesdeuxvilles
estfigurée par un buste laure et casqué, couvertdu manteau
1. Zosime, II, 31.
2. Socrate, H. 2?., I, 16 : « xPYîtJLaT*^etv vójjkoexúpaxrev.»
Seuxépav 'Ptopnrçv
3. Sozomène, H. J?., Il, 3.
4. Philostorgius,H, E., II, 9.
5. Cod. Theod., XIII, 5, 7 : « Pro commoditateurbis quam aeternonomine,
iubenteDeo, donavimus.»
6. Concile de Constantinople, 381, canon 3 : Tòv (xévxotKwvcixavxivovTcóXeù);
euiffxoTTov I^siv xà wpeaßeta xìj; xtpjç {J.exàxòv xyjç ^(¿(xyjç eTuaxorcov,Sia xò
eîvat auxVjvvéav fPtó{i.riv - Concile de Chalcédoine,
(Mansi, Concilia, III, 560).
451, canon 28, rappelant le précédent : Ta fact7cpe<rßeiaa7cévetfj.av xô xr'ç vlaç
cPu>|Ar}ç àytíúxáxo) 8póva> euXoywcxptvavxeçxrjvßaatXeia xa' avyxXTJxa) xifjnqôeîdav
TCÓXiv xaî x&v t'dtovaTcoXauoudavTtpeffßeiwvxîj TCpecrßuxEpaßa<xiXi'8icPtú{j.Ti(Mansi,
Concilia, VII, 369).
7. J. Maurice,Numismatique constantinienne,t. I, p. 251, pl. XVIII, 14;
p. 253, pl. XVIII, 15; t. II, p. 518, pl. XV, 12; p. 521, p. 534.
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DE CONSTANTINOPLE. 251
ET LA FONDATION
CONSTANTIN
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252 LOUISBRÉHIER.
doterla nouvellevilled'unstatutjuridiqueaussisemblable que
possibleà celuide Romeetà y introduire la plupartdes institu-
tionsqui la distinguaient des autresvillesde l'empire.
Avant324, Byzance,qui avaitperdusonrangde villelibre
sous Septime-Sévère, étaitrattachéeà la provinced'Europe,
dontla métropole étaitHéraclée.Ce rangsecondaire ne pouvait
plus lui conveniret Constantin la plaça sous l'administration
d'unproconsul spécialauquel,en 359, Constancesubstituaun
« Praefectus Urbi», dontles pouvoirsfurentles mêmesque
ceux du préfet de Rome1.
La principaleinnovation juridiqueconsistaà distraire le
territoire de Constantinople du sol provincialpour en faire
légalement unmorceaudu sol italien.On ne possèdeplusl'édit
parlequel Constantin accordale <cius italicum> aux habitants
de la nouvelleRome,maiscetéditfutconfirmé par ses succes-
seursen 3702 et en 4213. Au pointde vue juridique,le sol de
Constantinople étaitdoncassimiléentièrement à celuideRome:
il cessaitde fairepartiedu territoire provincial et il enrésultait
pourses habitants l'immunité du tributfoncieret de la capi-
tation4.Sans doute,depuisDioclétien, l'Italieavaitétésoumise
au tributprovincial, maisle territoire de Romeavaitdû garder
l'immunité dontConstantinople reçutle bénéfice5.
Le prestigeincomparable qu'exerçaittoujoursl'ancienne
Romeprovenaitsurtoutdes vieillesinstitutions républicaines,
des magistratures et du sénat,restesbien amoindris/ mais
toujoursrespectés, d'un passé glorieux. Il était impossible
d'appelerRomeune ville qui n'auraitpas eu un sénatet des
consuls.Un des premiers soinsde Constantin futdoncd'insti-
tuerdansla nouvelleville un sénat à l'image celuide Rome.
de
D'après Sozomène,« il établit un autre grandconseilappelé
sénatet lui donnales mêmespouvoirset les mêmesfêtesmen-
suellesqui étaienten usage chez les anciens Romains»6.
1. Socrate,II, 41; Cod. Theod., I, 6, 1; Lécrivain, le Sénat, p. 219.
2. Cod. Theod., XIV, 13, 1.
3. Cod. Justinian,XI, 20, 1 : « ürDS Constantinopolitana non solum iuris
italici sed etiam ipsius Romaeveterisprerogativa laetetur.»
4. Jullian,Jus italicum (Daremberget Saglio, Diction. Anttq., t. III, i,
745-748).
5. Jullian,op. cit.
6. Sozomène,H. E., II, 3.
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CONSTANTIN DE CONSTANTINOPLE. 253
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254 LOUISBREHIER.
Romedescorporations de « navicularii » furent instituéespour
allerchercherle bléen Syrieet en Egypte1.L'organisation de
l'annoneétaitle signematériel del'identitéque Constantin avait
vouluétablirentreles deuxvilles.
Enfin,pourcompléter la ressemblance, de mêmeque Rome,
Constantinople eutsoncirqueet ses associations sportives,ses
factions.Ce n'étaitpas là à vraidireun privilègeexclusifde
Rome, puisque des cirques existaientaussi dans les plus
grandesvillesde l'empire, à Trêves,à Carthage, à Antioche,à
Thessalonique, mais celuide la seconde Rome devait avoirune
importance particulière.Septime -Sévère avait déjà commencé
la construction de l'hippodrome de ByzancedontConstantin
décidal'achèvement. Ce futlui qui fitconstruire les gradins,
la
aménager spinamédiane,qui fut embellie à l'aide d'œuvres
d'artenlevéesaux temples et la
païens, ériger logeimpériale, le
Kathisma, véritablepalais qui communiquait directement avec
le Grand-Palais impérial2.
La divisiondu territoire assignéau développement futurde
la villeen quatorzerégions,la détermination dans cet espace
de sept collines,le nom de Capitoledonnéà l'une d'elles,
montrent jusqu'à quelleminutie presqueenfantine futpousséle
soucid'identifierlesdeuxvilles.En outre,la nouvelleRomeeut
à sa naissanceun avantagemarquésurl'ancienne: elle ne fut
pas seulement la villesouveraine,elle devintaussi en faitle
du
siège gouvernement impérialet la résidencedes principaux
fonctionnaires l'empire.La nouvelleRome eut donc sur
de
l'anciennela supériorité d'êtreà la foisla citéimpériale, souve-
rainethéorique la
de l'univers,eten mêmetemps capitalepoli-
tique,siègeréeldu gouvernement central.Dioclétienavait cru
pouvoirséparerles deux titres;les capitalesde la tetrarchie
avaientlaisséà Romesonrangde métropole de l'empire.Cons-
tantinople au contraire devient à la foisla métropole nouvelle
et la capitaledéfinitive. Afind'assurerà la majestéimpériale
un siègequi fûtdigned'elle,Constantin fitconstruire sur le
plateauqui domine la mer de Marmara un ensemble grandiose
1. Eunapius, Vie des sophistes, Mdesius, éd. Boissonade, p. 462; Cod.
Theod., XIII, 5, 7 (334).
2. Ebersolt,le Grand-Palais impérial, p. 13-14.Patria Constantin.(Ban-
duri,Imper, orient.,I, p. 4).
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CONSTANTIN DE CONSTANTINOPLE. 255
de palais, véritablecitéinterdite au cœurde la grandeville,
dontlesjardinsmagnifiques s'inclinaientenpentedoucejusqu'à
la mer: le palais de Chalcé,destinéaux actes solennelsdu
gouvernement; Daphné,où se trouvaientles appartements
privésde l'empereur et de sa famille; la Magnaure,réservée
aux réceptions solennellesd'ambassadeurs1. Enfin,commepour
affirmer officiellement
la supérioritéde Constantinople, le buste
laureet couvertdumanteauimpérial la
qui représentait surles
monnaiesétaitreprésenté avec un sceptre;l'absencede cet
attribut surles figurationscontemporaines de l'ancienneRome
nousdécouvrela nuancede la penséeimpériale2. Les deux
villes sontégalement les métropoles de
historiques l'empire,
mais Constantinople en est aussi la capitalepolitiqueet le
sceptrequ'elletientà la mainreprésente la souverainetéimpé-
rialedontelle estle siège.
III.
La volontésystématique manifestéepar Constantin de créer
une nouvelleRomeest donchorsde doute.Aprèsavoiressayé
de déterminer le' statutjuridiquede la nouvellemétropole,
il est nécessairede rechercher quel futson régimeau point
de vue religieux.L'opinionde quelqueshistoriens, nousl'avons
vu, est que Constantin a voulu quitterla Rome des Césars,
citadelledu vieuxpaganisme,pourpouvoirédifier une Rome
chrétienne surle Bosphore.Il estdoncimportant pourapprécier
cetteconclusionde connaîtrela politiquereligieusede Cons-
tantindanssa nouvellecapitale.
S'il eût voulu pousserjusqu'au boutle parallélismeentre
l'ancienneetla nouvelleRome,Constantin eût dû établirdans
sa villelesantiquescollègesdeprêtres, pontifes,flamines,frères
arvales,saliens,vestales,dontl'existenceavaitpassé si long-
tempspourêtreliéeà cellede l'Étatromain.Onnevoitpasqu'il
en aitjamais eu la pensée,et pourtant la seuleabsencede ces
institutions devaitétablirune différence essentielleentreles
deuxcapitales.Cetteconduite s'explique d'ailleurs
suffisamment
1. Ebersolt,le Grand-Palais impérial, p. 14-16,49-50,68, 161-164.
2. J. Maurice,Numismatiqueconstantinienne,1. 1, p. 251-254; t. II, p. 520-
523. Cf. supra, p. 251.
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CONSTANTIN 257
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DE CONSTANTINOPLE. 259
ET LA FONDATION
CONSTANTIN
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260 LOUISBRÉHIER.
Tout ce que nous savons de son caractèreparaîtdémentircette
opinion; la puissance formidableet incontestéedont il dispo-
sait depuis la chute de Licinius eût rendu toute opposition
impossible.Lorsqu'il a cru devoir prendredes mesuresdéfavo-
rables au paganisme,aucune considérationne Ta arrêtéet il ne
paraîtavoirrencontréaucune résistance.S'il a permisces mani-
festationspaïennes dans la ville qu'il fondait,c'est qu'il ne les
désapprouvaitpas. M. J. Maurice a émis l'hypothèseque jus-
qu'à l'inaugurationde la ville en 330 ce furentle sénat nou-
vellementcréé et les hauts fonctionnairesen grande partie
païens qui eurentla haute mainsur les travauxet dirigèrentla
restaurationdes templespaïens : à partirde 330, au contraire,
l'empereuret la cour s'installentà Constantinople, le christia-
nisme devientla religion officielleet c'est alors que le culte
païen est interditsur le territoire
de la ville1.
Il est exact qu'à partirde 330 la répulsion de Constantin
pourle paganismeest allée en s'accentuant,mais est-ilpossible
de croire qu'un hommeaussi actif, qu'un prince aussi autori-
taire, qu'un croyantaussi convaincu se soit désintéresséà ce
point du régime religieux qui allait régner dans la nouvelle
Rome? Ne vaut-il pas mieux chercherdans l'évolutionde la
penséereligieusede l'empereurl'explicationde ce changement
d'attitudeà l'égard du paganisme?
On a aujourd'huila preuve certaine qu'avant son adhésion
publiqueau christianisme qui suivitla batailledu Pont-Milvius,
en octobre312, Constantinpratiquaitle cultedu Soleil qui s'était
répandudans l'empireau niesiècle et avait un caractèrede syn-
crétismephilosophique2.CommeM. J. Mauricel'a montré,cette
religionétait ceÙe de ConstanceChloreet, lorsqueles panégy-
ristesde Constantinprétendirent rattacherà Claude II l'origine
de sa famille,le Soleil, <ctuus Apollo »3 fut présentépar eux
commele dieu patrimonialde lá dynastiedes secondsFlaviens.
La nouvelledynastiesolairefutglorifiée commeprenantla place
des dynastiesjovienne et héracléennede la tetrarchie.Cette
religion,qui était probablementcelle de son enfance,Constan-
tiny demeuralongtempsfidèleet, mêmeaprès qu'il eut témoi-
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ET LA FONDATION
CONSTANTIN DE CONSTANTINOPLE. 261
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262 LOUIS BREBIER.
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ET LA FONDATIONDE CONSTANTINOPLE.
CONSTANTIN 263
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264 LOUISBREMER.
traire,l'identitéqu'onrelèveentrel'inspiration donttémoigne la
statued'Hélioset celle des monnaiesde 313 sembleindiquer
que nous noustrouvonsici en facede la penséeimpériale. Il
paraîtd'ailleursinadmissible que Constantin se soit désintéressé
entièrement de l'ornementation du Forumdestinéà porterson
nom.
Le monument de Constantinople nousmontre doncque,même
après avoir accepté le christianisme, l'empereur n'avaitpas
renoncéà l'attribut tout païen qui étaiten quelquesortela
représentation concrètede sa dynastie.Le soleil avait cessé
d'êtrepourlui unedivinitétutélaire, maisson effigie avaitpris
unevaleuren quelquesorteallégoriqueet servaità glorifier la
et
dynastieà laquelleil se rattachait qu'il avait la volonté de
perpétuer surle trônedesCésars.Cesvuespolitiques expliquent
la présencedans la nouvelleRomed'unestatuede Constantin-
Hélios; peut-êtrefaut-il admettreaussi que ce monument
témoigne d'uncertainattachement aux doctrines astrologiques.
On peut rappelerà ce sujet certainsfaits caractéristiques
dontla « Patria » a conservéle souvenir.Aux thermesde
Constantin, on avait construitsept loges (èv(%aç) en l'hon-
neurdes sept planèteset douzeportiquescorrespondant aux
douzemois*.On voyaitautrefoisdevantSainte-Sophie trois
cent quarante -sept statuespaïennes dont on attribuaitla
réunionà Constantin et dontplusieursavaientun caractère
astronomique; il y avait entreautresun Zodiaquefigurépar
douze statueset Yon avait conservéla tradition qu'avantde
fondersa ville,Constantin en avait faittirer l'horoscopepar
desastrologues2.
Ainsil'élémentpaïena tenudansla fondation de Constanti-
nople une place assez importante. La plupart des historiens ont
faitla parttropbelleà Eusèbeen acceptantson témoignage
sansrestriction. Il neparaîtpasdu toutqu'enfondant une nou-
velle Rome,Constantin ait voulu systématiquement en faire
une ville plus chrétienne que les autres villes de l'empire. Il
s'est contentéd'y appliquerles principesqui régissaient l'en-
semblede sa politique religieuse.
1. Banduri,Imper, orient.,Í, 3.
2. Patria Constantin. (Banduri, Imper, orient., I, 3); Preger, dans ia
de
ByzantinischeZeitschrift,t. XI, p. 164 et suiv. (compte-rendude l'ouvrage
Maas, Ânalecta sacra et profana).
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CONSTANTIN ET LA FONDATION DE CONSTANTINOPLE. 265
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266 LOUISBRÉHIER.
IV.
Cetteanalysedes conditions danslesquellesfutfondéeCons-
tantinoplenous apprendseulementque Constantineut la
volontéde créeren Orientunevillequi occupâtdans l'empire
la mêmesituation hiérarchique que Romeet lui devîntmême
supérieure par la résidence de la cour impériale.Cettecréa-
tiondevaitêtredéjà décidéeau moment où s'engageala guerre
contreLicinius,puisquequelquessemainess'écoulèrent seule-
mententrela victoirede Chrysopolis etla fondation officiellede
la nouvelleville.De 306 à 316, Constantinavaitrégnéexclusi-
vement en Occidentet Trêvesavaitété dansl'intervalle de ses
campagnes sa principalerésidence;puis de 316 à il
324, avait
parcouru les provincesde son domaine,sans se fixernullepart,
maisse rapprochant des
toujours pays du Danube et de l'Orient.
1. Sur les fondationsà Rome, voir Lib. Pontificate, éd. Duchesne,I, 172,
178-182.
2. Maurice,Numismatique constantinienne,t. I, p. 246-248.Aux pieds de
l'empereurune panthèreaccablée baisse la tête. La panthère,symbolediony-
siaque, représentaitle paganismetout entier.
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DE CONSTANTINOPLE. 267
ET LA FONDATION
CONSTANTIN
Sa victoiresurLiciniuslui permitenfind'accomplir le dessein
qu'il paraît avoir médité depuislongtemps. Il fonda une ville
qui reçuttousles droits et les de
privilèges Rome,maisqui ne
futau pointde vuereligieux ni pluschrétienne, ni pluspaïenne
que les autresvillesde l'empire.
Il sembledoncbienque des considérations d'ordrereligieux
n'ontexercéaucuneinfluence sur la décisionde l'empereur.
L'idéequ'il auraitabandonnéRomepourlaisserle pape libre
de menerla luttecontreles païensest un simpleanachronisme
où reparaîtla doctrine de la Fausse Donation.Le désirde fuir
desRomains,que sa politique
l'hostilité religieuseauraitirrité,
affirmé par le seul ne
Zosime, paraîtpas une explication bien
meilleure.Il fautd'abordremarquer que Romen'a jamaisétéla
résidencepermanente de Constantin ; il seraitdoncinexactde
direqu'ill'a désertée,puisquedepuisDioclétien elleavaitcessé
d'êtrele siège du gouvernement impérial. Il n'y fiten réalité
que troisséjourspendantlesquelsil reçutdu sénatde nombreux
témoignages d'adulation. Il y entrepourla première foisaprès
la victoiredu Pont-Milvius (27 octobre et
312) y demeure jus-
qu'enjanvier313. Le sénatlui dédiele templeélevéen l'hon-
neurde Romulus,filsde Maxence,lui offresa statueen or,lui
donnele titrede « principal Auguste» ; c'est à ce moment que
Constantin manifeste publiquement son adhésionau christia-
nismeet ilometdecélébrer lesJeuxSéculaires; enjanvier313,
il célèbrepar des jeux la prisede possessionde son troisième
consulat1.
Constantin revientune deuxièmefoisà Romeaprès sa pre-
mièrevictoire surLiciniusety séjournedu 17 juilletau 27 sep-
tembre315. Il y célèbreses « decennalia» par anticipation
d'unan etreçoitdu sénatla dédicaced'unarc detriomphe dont
l'inscription commémore sa victoire sur le tyran et l'attribueà
l'intervention de la divinité « instinctu divinitatis»2.
LorsqueConstantin reparutà Romepourla troisième foisen
326, Constantinople étaitdéjà fondée,ses travauxétaienten
pleineactivitéet l'on ne voitpas que les Romainsen aient
témoignéouvertement du déplaisir.Le 25 juillet,l'empereur
célébrases « vicennalia» au milieude grandesfêtes,maisce
1. Maurice,Numismatiqueconstantinienne,t. I, p. lxxxv-lxxxix.
2. Maurice,Ibid., t. I, p. oci.
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268 LOUISBRÉHIER.
futpendantce séjourqu'eutlieu la tragédiedomestique qui se
terminapar le supplicede Crispuset de Fausta. Constantin
quittaRome1pourn'yplusrevenirversle 25 septembre.
On voitdoncd'unepartque Constantin n'a faità Romeque
des apparitions assez courteset qu'il ne paraîtavoirjamais eu
la penséede s'y établir;d'autrepart,ses rapportsavec les
Romains,dontil attiraun certainnombreà Constantinople,
paraissentavoirété corrects. Il fitéleverau Forumla somp-
tueusebasiliquedonton voitencoreles restesgrandioses.Il
semblemêmeavoiracquisà Romeune certainepopularité : dès
que la nouvelle de sa mort y fut connue en 337, les thermes,
les marchés, les théâtresse fermèrent aussitôtettoutela ville
prit le deuil
; partout on entendait son éloge,on promenait en
grande vénération ses images ainsi que des tableaux peints où
il étaitreprésenté planantau-dessusdes nuages.Les Romains
demandaient mêmeà grandscris qu'il fûtensevelià Rome2.
Cetteexplosionde douleurpopulairemontreassez qu'aucun
malentendu n'existaitentreConstantin et les Romains; elle
enlèvetouteautorité à l'affirmation de Zosime.
En réalité,le motif qui détermina Constantin à transporter la
puissanceromainesurles rivesdu Bosphore a des causesplus
profondes qu'unemesquineblessured'amour-propre. La fonda-
tionde Constantinople n'estque la conséquence logiquede tout
le développement de
historique l'empire romain ; elleétaitjusti-
fiéeà la foispar desraisonspolitiques et militaires.
Dès sonorigine,l'empire romaineutle caractèred'undouble
étatdontl'imagefutla doublechancellerie instituée parAuguste
sousla direction de 1' « ab epistulislatinis» et de 1' « ab epis-
tulisgraecis». D'unepart,l'Italie,les paysneufsdel'Occident,
l'Afrique,la partieouestdela péninsule desBalkans,lesrégions
des Alpesorientales et du Danubeformèrent le domainede la
latinité,tandisque l'Orientrestacelui de l'hellénisme. La con-
quêtede l'Orientparles Romainsne futque la substitution de
leurpouvoiraux monarchies fortement organiséespar les suc-
cesseursd'Alexandre. Nonseulement les Romainsrespectèrent
les institutionsséculairesqu'ilstrouvèrent en Egypte,en Syrie
ou en Asiemineure, maisils prirent à leurcomptel'œuvredes
1. Maurice,Numismatiqueconstantinienne,t. I, p. cxxxviii-cxl.
2. Eusèbe, Vita Constant.,IV, 69.
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DE CONSTANTINOPLE. 269
ET LA FONDATION
CONSTANTIN
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270 LOUIS BRÉHIER.
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ET LA FONDATION
CONSTANTIN DE CONSTANTINOPLE. 271
aussisa pensée.En définitive, il choisitunmoyen terme: frappé
desavantagesadmirables de toutesortequ'offrait la positionde
Byzance,il résolutde prendrecetteville d'étenduemédiocre
commela base de sonétablissement et il l'absorbadans sa nou-
velle Rome.On chercherait en vain dans l'histoirel'exemple
d'unecréationd'uncaractère aussioriginalet aussi personnel.
La nouvellecité futvéritablement « sa ville »4, sa nouvelle
Romeet sa capitaleen mêmetemps.
Maisdansle choixde cettesituation, Constantin obéitaussi
assurément à desconsidérations militaires, et ce n'est pasparun
simple hasard la de
que position Constantinople trouvala se
meilleure dansla luttequel'empire soutenait contre lesbarbares.
Au débutdu ivesiècle,sesfrontières étaientmenacées surtoutde
trois côtés : sur le Rhin,les Francs et les Alamanscher-
chaientà pénétrer en Gaule; dansla valléedu Danubeet surla
merNoire,les Gothsetles Sarmatesétaientun dangerpourla
péninsuledesBalkanset l'Asiemineure;enfin, enOrient,l'em-
pireperse,qui avaitdûsubirle traitéde297, n'avaitpasrenoncé
à son plan de conquérirla Syrieet l'Egypte.Au milieude
ces troisdangers,la situation de Constantinople étaitparticuliè-
rement favorable, commepointde concentration des forcesde
l'empire. Située à l'entrée du elle
Bosphore, pouvait* arrêter
toutesles incursions maritimes des Gothset des peuplesde la
Crimée ; la proximité de la valléedu Danubepermettait depéné-
trerau cœurde la barbarie et de
germanique prendre quelque en
sortelesbarbares à revers; enfin, à l'abridesatteintes desPerses,
Constantinople formait en faced'eux un excellentposted'ob-
servation.Lorsqu'ilrésidaità Trêves,Constantin avait défi-
nitivement assuréla frontière du côté des Francs et des Ala-
mans.Cetteœuvreétaitachevéeen 316, au moment oùil quitta
la Gaule. Son établissement à Constantinople lui permitde
prendre uneoffensive semblable contreles barbaresduDanube.
En 327, pendantla construction de sa nouvelleville,il inspecte
cettefrontière etla réorganise solidement. A peineinstallédans
sa capitale,en 332, il faitattaquerles Gothset les Sarmates,
leurinflige unedéfaitedécisiveetles prendau servicede l'em-
pire comme lètesou commeauxiliaires2.
1. Voir les expressionssignificatives
d'Eusèbe, Vita Constant, III, 48 : xijv
otÙToGTtóXiv; III, 54 : tyí; SaaiXéwç uóXecoç, fi ßaciXetoc ¿ti covuutoc ttóXic.
2. Maurice, Numismatique constantinienne, t. I, p. cxlh-cxliii, glvii-
clvhi.
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272 LOUIS BRÉHIER. - LA FONDATION DE CONSTANTINOPLE.
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