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Patrimoine géologique marocain et développement durable : L'exemple du


Dévonien du Tafilalt, Anti Atlas oriental

Article · September 2017

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5 authors, including:

Ahmed El Hassani Zhor Sarah Dr. Aboussalam


Mohammed V University of Rabat University of Münster
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Ralph Thomas Becker Farah el Hassani


University of Münster Sidi Mohamed Ben Abdellah University
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0 Géologues Couv.194 26/09/2017 9:55 Page 1

Numéro 194 - septembre 2017 - 20 € - ISSN 0016.7916 - Trimestriel

Géologues n°194 (03 • septembre 2017)


REVUE OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE
Géosciences appliquées

Haut Atlas de Marrakech, à 10 km au NO du col de Tizi n’Tichka. Cliché : H. Ouanaimi.

REVUE OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE

Cliché : H. Ouanaimi.
Le Maroc, paradis des géologues
patrimoine géologique

Patrimoine géologique marocain et développement durable :


l’exemple du Dévonien du Tafilalt, Anti-Atlas oriental
Ahmed El Hassani 1 , Sarah Aboussalam 2 , Thomas Becker 3 , Mohamed El Wartiti 4 et Farah El Hassani 5 .

Introduction globe (de l’Archéen, 3 Ga, au Quaternaire). Il présente, à ce


titre, un intérêt majeur pour la communauté scientifique
La notion de patrimoine géologique dérive de la internationale, ce qui lui vaut d’être régulièrement visité
notion de patrimoine naturel qui reconnaît que des élé- par un grand nombre de géologues des cinq continents.
ments de la nature font partie des biens communs, tels que
En plus de la grande diversité des terrains géolo-
les richesses géologiques, minéralogiques et paléontolo-
giques, plusieurs stratotypes et groupes de fossiles repré-
giques. En tant que patrimoine naturel, le patrimoine géo-
sentatifs à l’échelle planétaire, ont été identifiés au Maroc.
logique doit être considéré comme un bien commun d’une
collectivité, d’un groupe d’hommes, de l’humanité, et com- Le Maroc présente également plusieurs curiosités
me un héritage transmis par les ancêtres. (paysages) géologiques rares de par le monde (exemple :
les mud-mounds Dévoniens de Hamar Lakhdad dans le
La géologie marocaine présente des affleurements
Tafilalet, les péridotites de Beni Bousera dans le Rif inter-
reconnus mondialement parmi les meilleurs et les plus
ne, les nombreuses grottes, …).
complets sur une très longue période de temps géolo-
gique. Cependant, les richesse/ressources naturelles, dont Ces richesses restent de nos jours, méconnues par la
dispose le pays, subissent une détérioration irréversible : majorité des marocains,y compris les gestionnaires des espaces
fossiles et minéraux faisant l’objet actuellement de pilla- naturels, voire la communauté scientifique non spécialisée.
ge, d’exploitation abusive, de vente et d’exportation. Les Ceci incite à des études de type « inventaire » auxquelles les
mesures réglementaires sont elles suffisantes pour sa géologues se livrent rarement, mais qui ont un rôle fonda-
protection, sa valorisation et sa préservation ? Ou bien mental dans la sensibilisation du public à la sauvegarde, à la
s’agit-il d’un système intégré où interviennent divers fac- valorisation et à l’utilisation rationnelle de ce patrimoine.
teurs humains à différents niveaux ? Il s’agit là d’une pro- Il résulte de cette ignorance, une faible sensibili-
blématique complexe nécessitant, de notre part, d’émettre sation à l’échelle nationale envers la conservation et/ou la
un avis scientifique pour faire connaître ce patrimoine, le valorisation respectueuse des « sites patrimoniaux ».
valoriser et surtout le protéger pour que le Maroc demeu-
re une référence mondiale en géologie. Présentation de quelques exemples
La présente note s’intéressera aux merveilleuses suc- du patrimoine géologique marocain :
cessions de couches géologiques dévoniennes de la région
du Tafilalt (Anti Atlas oriental) et représente une contribu- le Dévonien du Tafilalt
tion qui veut encourager la préparation d’un inventaire Les coupes du Dévonien de l’Anti Atlas sont parmi
national des espaces géologiques (autre que dévoniens) et les meilleures au monde, car elles permettent de suivre,
des espèces (minérales et fossiles) nécessitant une conser- sans interruption notable, les affleurements sur plusieurs
vation ou une gestion rationnelle. Cet inventaire, en plus kilomètres. Leur étude tardive les a malheureusement
des mesures réglementaires susmentionnées,comblera une exclues d’être élues « stratotypes » et l’on ne se réfère
grande lacune qui persiste dans le Plan Directeur des Aires qu’à une seule coupe adoptée par la Subcommission de
Protégées du Maroc, récemment établi à l’initiative de Stratigraphie du Dévonien (SDS) ; celle de Mech Irdane
l’Administration Forestière Marocaine. pour la limite Eifélien-Givétien (Walliser et al., 1995).

Mech Irdane
Contexte et intérêt pour la sauvegarde
Le jbel portant le même nom, englobe le GSSP (Glo-
du patrimoine géologique bal Stratotype Section and Point) après recommandation
Pour donner envie de protéger, il faut d’abord fai- de la SDS en séminaire (1991) puis ratification par IUGS en
re connaître le patrimoine. Le Maroc, comme on peut le lire 1994 (Walliser et al., 1995). Le jbel Mech Irdane est une
sur les cartes géologiques, est parmi les pays qui couvrent structure synclinale située dans la partie SE du Tafilalt à
112 de manière la plus complète, l’histoire géologique du 12 km au SW de la ville de Rissani. Comme partout ailleurs

1. Académie Hassan II des Sciences et Techniques, Maroc. Courriel : a.elhassani@academiesciences.ma


2. Institut für Geologie und Paläontologie, Münster, Allemagne. Courriel : taghanic@uni-muenster.de
3. Institut für Geologie und Paläontologie, Münster, Allemagne. Courriel : rtbecker@uni-muenster.de
4. Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Courriel : wartiti@hotmail.com
5. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, Maroc. Courriel : elhassanifarah@gmail.com

Géologues n°194
patrimoine géologique

Photo 1. Le Jbel Mech Irdane, son stratotype et ses événements géolo-


giques (Photo : El Hassani). Photo 2. La série dévonienne au Jbel Amelane. (Photo : El Hassani).

dans le Tafilalt, la coupe peut être entamée dès les niveaux partie centrale de la zone varcus, et avec la séquence de cal-
calcaires à Scyphocrinites, caractérisant, dans l’Anti Atlas, caires fins noduleux, caractéristiques de la partie supé-
la limite Silurien - Dévonien (Photo 1). rieure comprenant les genres Maenioceras, notamment le
La partie Dévonien inférieur est très bien repré- M. terebratum et Pharciceras amplexum. Les calcaires à
sentée et riche en fossiles (Goniatites notamment) : les cal- Pharciceras, qui coïncident avec l'ancienne zone à lunuli-
caires à Mimagoniantites avec le groupe des Anetoceras, costa du Dévonien supérieur, sont absents dans cette cou-
dont Nowakia cancellata, apparaît dans la transition pe. Au dessus de cette lacune, affleurent les calcaires à
calcaires-schistes noirs du Dalejien. Manticoceras dans un faciès crinoïdique.
Au jbel Mech Irdane, les calcaires eiféliens sont très Quelques exemples d’affleurements
fossilifère, avec d’abondants trilobites, des pélécypodes du à intérêts scientifique et géo-touristiques
groupe « Panenka », des orthocône céphalopodes et des
goniatites, en particulier Subanarcestes et Cabrieroceras, On ne peut pas parler du Tafilalt sans avoir en
mais aussi Werneroceras, Fidélites, Agoniatites. mémoire les merveilleux affleurements dévoniens et leur
richesse en fossiles qui font le trésor des bazars et le bon-
La limite Eifélien-Givétien est située au niveau du
heur des visiteurs/collectionneurs.Vu l’énorme variété et
banc 117, limite attestée aussi bien par des méthodes
la richesse des coupes géologiques, nous ne donnons ici
paléontologiques (Walliser et al., 1995) que magnéto-stra- que quelques exemples de ce riche patrimoine naturel
tigraphiques (Ellwood et al., 2011). marocain, telles les séries stratigraphiques du jbel
Le Givétien montre une large séquence de calcaires Boutchrafine, du jbel Amelane et de Ouidane Chebbi à
noduleux et lamellaires avec deux niveaux de pumilio6 la frontière avec l’Algérie et les mud-mounds de Hamar
(provoquées par les tsunamis) situés à la base et dans la Lakhdad (Photos 2 à 5).

Photo 3. La série siluro-dévono-carbonifère du Jbel Bou Tchrafine (Photo : El Hassani). 113

6. Niveau calcaire à très nombreuses Terebratula pumilio.

Géologues n°194
patrimoine géologique

L’analyse de la coupe géologique du Jbel Amelane nom que l’on donne localement au couscoussier tradi-
(voir Photo 2), située à 25 km au SO d’Erfoud, très facile- tionnel qui décrit parfaitement la morphologie de ces édi-
ment accessible par la route goudronnée allant à Msissi fices : conique, à base subcirculaire et sommet pointu pour
et Alnif, permet de suivre une série complète depuis la la majorité d’entre eux. Ils sont au nombre de 46, étalés sur
fin du Silurien jusqu’au Famennien où l’on observe (au 7km en direction E-W et dont la hauteur est comprise entre
bord de la route goudronnée) de longs orthocères et des 3 et 45 m avec des pentes variables de 15 à 60°, mais géné-
goniatites de grandes tailles qu’on retrouve dans les bazars ralement plus fortes vers le Nord.
du Tafilalt (tables d’Erfoud : Photo 6). Cette coupe pré- Ces structures constituent un exemple classique
sente plusieurs curiosités géologiques, mais l’évènement de monticules de boue en eau profonde (démontré par
Kellwasser (KW event)7 reste le plus important dans la l’absence d’algues vertes) liés à l’hydrothermalisme. Elles
région par ses deux niveaux inférieur et supérieur. ont été créées par des éruptions volcaniques sous-marines
Le jbel Bou Tchrafine (voir Photo 3) et le jbel Ame- au Dévonien inférieur. Ces infiltrations hydrothermales
lane sont des témoins d’une période géologique complè- ont persisté pendant une longue période, depuis la fin du
te pour tout le Dévonien, ce qui leur vaut d’être visités Praguien jusqu’au début du Frasnien. La réactivation des
par de nombreuses équipes de géologues de divers pays. processus magmatiques vers la fin de l’Emsien a permis
Les affleurements situés dans la partie orientale du la formation de structure en dômes du complexe volca-
Tafilalt, à Ouidane Chebbi (voir Photo 4), montrent éga- nique, recouvrant des strates sédimentaires, et en consé-
lement une coupe complète du Dévonien avec le passage quence création d’un réseau de failles. Ces failles servent
au Tournaisien (Carbonifère). Les terrains crétacés et néo- alors de conduits pour les fluides chauds qui migrent sur
gènes de la Hamada du Guir sont en discordance angulaire le fond marin. Les données géochimiques suggèrent que
sur le Paléozoïque. les carbonates des monticules de boue se sont formés
par un mélange de fluides hydrothermaux et l'eau de mer
L’une des curiosités géologiques majeures du patri-
(Belka et al., 2015).
moine litho-stratigraphique marocain reste manifestement
les monticules dévoniens de Hamar Lakhdad dans le Tafila- L'un des traits caractéristiques de ces monticules
let, à l’Est d’Erfoud (voir Photos 5) qui sont visités chaque de boue est la présence d'un grand nombre de cavités qui
année tant par les scientifiques que par les touristes. sont des fragments de plus grands espaces libres. À l'ori-
gine, ils constituent un système complexe de fissures, de
Ces structures, assez particulières, ont été décrites
cheminées et d’espaces ouverts remplis de sédiments
dès le début du siècle dernier par Nicolas Menchikoff, géo-
laminés micritiques à grains fins et à ciments de calcite.
logue pétrolier franco-russe, comme une accumulation
Bien que les phases de leur formation ne corresponde
d’origine récifale (Roch, 1934), divers termes ayant été
qu’à une courte période (une seule zone de conodontes),
utilisés par la suite par nombre d’auteurs :
ces monticules sont restés un lieu d'activité animale inten-
protubérances ou bulles pleines (Roch, 1934) ; se. En effet, les parties supérieures de ces structures, offrant
curieux pitons récifaux (Massa et al., 1965) ; une meilleure circulation des eaux, ont été colonisées par
formations récifales du Dévonien inférieur (Hollard, des communautés diverses de Coraux tabulés, de Bivalves,
1963) ; de Crinoïdes, et de Brachiopodes. Les cavités et les fissures,
récifs du Dévonien inférieur (Hollard, 1974, Michard,
1976) ;
mud mounds (Gendrot, 1974 ; Brachert et al., 1992, Hüss-
ner, 1994, Belka, 1998) ;
buildups, reef-mounds ou mud mounds (Tönebohn,
1991) ;
venues hydrothermales localisées au droit du massif
magmatique de Hmar Lakhdad (Mounji et al., 1996,
Belka, 1998) ;
monticules de boue (Belka et al., 2015).
Il s’agit en fait d’accumulations de carbonate du
Dévonien, affleurant dans la partie est de l'Anti-Atlas (Tafi- Photo 4. Le passage Dévonien-Carbonifère à Ouidane Chebbi (partie est
114 lalt), connues sous le nom des monticules « Kess-Kess », du Tafilalt) (Photo : El Hassani).

7. Une des cinq extinctions massive de l’histoire de la Terre à la fin du Dévonien.

Géologues n°194
patrimoine géologique

Et hors site
Les collections des musées peuvent servir à
l’éducation relative à la conservation du patrimoine envi-
ronnemental (au niveau des écoles) en permettant de
conserver une partie de ce patrimoine. Mais, dans l’état
actuel, au vu de la rareté des musées, des magasins
(bazars) se sont développés un peu partout au Maroc,
particulièrement dans la région du Tafilalt (Erfoud,
Rissani, Alnif, Ouarzazate, …). Ces édifices offrent de jolis
spécimens mis à la vente, bien qu’une bonne partie ait
été façonnée d’une manière peu conventionnelle (voir
Photo 5. Vue générale des mud-mounds (au nombre de 48) dévoniens de photo 6, à droite).
Hamar lakhdad (kess-kess) et différents aspects de ces mud-mounds en 3D
et en coupes (Photo : El Hassani). Cependant, dans le Tafilalt, de petits musées ont
été également élaborés par des particuliers : on peut y
admirer tant la richesse de la région que celles d’autres
régions grâce à l’exposition de pièces rares, de valeurs
scientifiques inestimables telles des copies de dino-
saures, de reptiles et de poissons du plateau des phos-
phates (de Khouribga) ou des météorites de tailles et
types différents. L’un des plus importants se situe au
cœur d’une des principales palmeraies entre Erfoud et
Rissani dans une bâtisse traditionnelle montrant, à
l’extérieur, une emblématique copie de dinosaure. Ce
musée comprend une partie exposition et une partie
Photo 6. Exposition de fossiles dans un Bazar à Erfoud (Photo : El Hassani). magasin de vente. Les espèces rares sont jalousement
gardées. Son objectif est de vulgariser ce type de pro-
anciennes voies de migration de fluides, sont devenues le duits en le rapprochant d’un public large et diversifié
lieu de développement du biotope,avant d’être remplies par (écoliers, touristes, scientifiques).
des sédiments. En outre, ces cavités ont été visitées pério-
Dans le Tafilalt, le commerce des fossiles est une
diquement par des centaines de trilobites (Scutellum,
source de revenu pérenne appréciable pour bon nombre
Harpes) qu’on retrouve actuellement à l’état fossile.
de familles et permet d’attirer des touristes (dont des
Cet environnement fait de cette région un lieu excep- scientifiques). La mise au jour de la réalisation de pièces
tionnel dans le monde,méritant d’être conservé et protégé. mises en vente nécessitent un travail acharné par des
équipes de spécialistes (de fortune), pendant plusieurs
La protection de ce patrimoine jours, voire plusieurs semaines, pour dégager un trilobite,
un crinoïde ou une goniatite.
géologique doit être envisagée
Cette richesse en fossiles et minéraux est menacée
de surexploitation ; seul prime ici, en effet, le prix de ven-
D’abord sur site
te alors que la valeur scientifique est trop souvent laissée
La création de réserves naturelles ou géo-parcs, de côté. Et pourtant, le Tafilalt figure dans le réseau mon-
permettra d’interdire la collecte d’échantillons à des fins dial des réserves de biosphère de l’UNESCO ! Il s’inscrit donc
autres que scientifiques, de valoriser des sites géologiques dans la convention de 1970 concernant les mesures à
par la création d’itinéraires guidés (qu’on peut tirer des prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'ex-
excellents documents des Notes et Mémoires du Service portation et le transfert illicites de biens culturels qui cite
Géologique du Maroc), et la réalisation de panneaux expli- dans son article premier (paragraphe a) les fossiles com-
catifs à fixer sur les géo-sites, en organisant des confé- me biens naturels à protéger. Cette convention a été rati-
rences grand public, en confectionnant et en mettant en fiée par le Maroc en février 2003, mais pour le moment,
vente des moulages (à buts éducatif et économique),et en aucune action sérieuse pour la protection de ce patri-
réalisant des films documentaires. moine n’est visible.
115

Géologues n°194
patrimoine géologique

Mesures de protection De telles initiatives permettront la description des


sites et de leur richesse par la cartographie, par système
du patrimoine naturel d’information géographique (SIG) et aussi par l’élaboration
Pour mieux protéger, il faudrait donc envisager des de programmes d’inventaires et de documentation scienti-
mesures et des lois pour la conservation et l’utilisation ration- fique. Elle permet également la vulgarisation des connais-
nelle des ressources géologiques. Ceci passe par l’établisse- sances et sa médiatisation grâce à l’organisation de col-
ment d’un inventaire national, sous forme de base de don- loques,de séminaires thématiques et de rencontres avec les
nées, des sites géologiques à valeur patrimoniale et élus et les populations locales.
également, la nécessité d’établir des sites web traitant et Cela entraînera, sans nul doute, des impacts et des
faisant connaître le patrimoine géologique du Maroc. Ces retombées :
sites devraient comprendre toutes les propositions de lois et scientifiques : contribution à l’avancement des connais-
des mesures prises par l’administration en charge de cette sances sur le patrimoine géologique marocain et à sa
tâche (Ministère de la Culture, Ministère de l’Énergie et des conservation en tant que valeur scientifique interna-
Mines) pour une meilleure gestion de ces ressources. tionale en facilitant l’accès aux données « patrimoniales »
De telles initiatives nécessitent des mesures régle- via la base de données et le site Web.
mentaires et incitatives dont certaines sont déjà prises par socio-économiques : contribution à une exploitation durable
le Ministère de l’Énergie et des Mines. Celui-ci a lancé une des ressources géologiques à caractère patrimonial du
étude pour l’établissement de mesures réglementaires Maroc,tout en proposant de nouvelles formes de mise en
pour remédier à la disparition progressive du patrimoine exploitation à valeurs éducatives et touristiques.
géologique national (par l’établissement de listes de fos-
Ces retombées permettront aussi la participation
siles, minéraux et sites à protéger). Le Plan Directeur des
au développement durable par la création d’activités et
Aires Protégées, établi par le Haut Commissariat aux Eaux
d'emploi rémunérés autour des géo-sites.
et Forêts et à la Lutte contre la Désertification, qui a iden-
tifié un large réseau de SIBE (Sites d’Intérêt Biologique et
Ecologique) évoque, de temps en temps, les valeurs géo- Conclusions
logiques comme contribuant à la connaissance, la préser-
L’étude du patrimoine géologique marocain nous
vation et la protection de ce patrimoine.
permet de constater que l’histoire de la Terre et l’histoire de
la vie sur terre sont marquées par plusieurs épisodes enre-
Les mesures urgentes se résument gistrés dans les couches stratigraphiques et leurs conte-
comme suit : nus en minéraux et fossiles. Elle nous apprend et confirme
en même temps, que les constituants de la Terre bougent
réaliser un inventaire national pour combler cette lacune et (plaques tectoniques),que les climats et le niveau des mers
compléter le travail élaboré par l’administration forestière ; changent sans cesse, que la flore et la faune évoluent
veiller à l’application des mesures établies par le Minis- constamment et que l’on s’achemine très probablement
tère de l’Énergie et des Mines et par le dahir (loi) de vers la sixième extinction. Celle-ci, à la différence des cinq
2002 relatifs à l’exploitation des carrières, en collabo- précédentes, serait complètement due à la présence de
ration avec Ministère de l’Équipement ; l’homme et à l’impact de ses actions sur les écosystèmes,
mettre l’accent sur les moyens d’exploitation durable des dont le plus grave reste le réchauffement climatique qui pro-
ressources et sur les mises en valeur conservatrices de voquerait l’élévation du niveau de la mer par suite de la
ces ressources. fonte des glaces de l’Arctique et de l’Antarctique.
Des partenariats avec les institutions éducatives Il est donc du devoir des hommes de science et des
(ou de recherche) sont à encourager dans le cadre de pro- sociétés savantes d’informer les responsables et les déci-
jets intégrés pouvant impliquer les universités (Facultés deurs de ce que nous savons de l’état de la planète Terre.Dans
des Sciences), les AREF (Académies Régionales de l’Édu- ce contexte, la connaissance du patrimoine géologique
cation et de la Formation), le Ministère de l’Énergie et des marocain et sa conservation sont des valeurs scientifiques
Mines (Patrimoine Géologique), les Autorités et Collecti- internationales inestimables qu’il faut préserver à tout prix.
vités locales, les Sociétés savantes et la Société civile. Tous Le futur musée national d’archéologie et des sciences de la Ter-
doivent se rendre compte qu’il s’agit d’un patrimoine dont re, à Rabat, est, en ce sens, une excellente idée qu’il faudrait
l’exploitation abusive est irréversible et dont l’utilisation démultiplier dans la majorité des régions du Maroc, avec
116 rationnelle est devenue aujourd’hui plus que nécessaire. probablement, une spécificité associée à chaque région.

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patrimoine géologique

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