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Prostituée ou travailleuse sexuelle ?

La plupart de ces femmes ne revendiquent que le droit de travailler … puisque la prostitution a


toujours existé et qu’elles ne font mal à personne ; très peu nombreuses (10%) sont donc celles qui
se considèrent comme des travailleurs sexuels et qui revendiquent un statut parce qu’elles
travaillent, ne sont pas des « parasites » et contribuent en payant des impôts, « comme tout le
monde ». Un gros tiers (37%) acceptent avec une certaine résignation le nom qu’on leur donne,
celui de prostituées. Elles sont quasiment aussi nombreuses (32%) à dire qu’elles ne sont pas des
prostituées. D’ailleurs cette question est celle où le taux de non-réponses est le plus élevé – 16% des
femmes ne répondent pas, probablement parce qu’elles ne savent pas comment nommer leur activité
ou parce qu’elles ne la nomment pas quand elles ne sont pas sur le trottoir.

12. Autodifinition selon la situation socioprofessionnelle déclarée :

Profes- Travail- Péripaté- Prosti- Putes Non Autres TOTAL


sionnelles leuses ticiennes tuées prostituée
du sexe sexuelles

Actifs 20% (1) - (0) - (0) 60% (3) - (0) - (0) 20% 100% (5)
(1)

S a n s - (0) 3% (1) 3% (1) 5% (2) - (0) 84% (33) 5% (2) 100% (39)
emploi

Etudiants - (0) - (0) - (0) 33% (1) - (0) 67% (2) - (0) 100% (3)

Prostituées 10% (11) 13% (14) 10% (10) 47% (49) 3% (3) 14% (15) 3% (3) 100%
(105)

TOTAL 8% (12) 10% (15) 7% (11) 36% (55) 2% (3) 33% (50) 4% (6) 100%
(152)

Le nom de professionnelles du sexe ne comporte pas de revendication consciemment formulée,


celles qui se sont définies ainsi le font par rapport à leur expérience ou parce que ça sonne bien.
Dans la rubrique « autres » on trouve deux usagères de drogues qui se disent « occasionnelles » –
un nom qu’on leur a donné dans les années quatre-vingt-dix par opposition aux « traditionnelles » –,
une « cocotte », une « fille de joie », « madame bonheur » et une « clocharde en mieux habillée » –
autant dire qu’elle n’est pas une prostituée.

La situation socioprofessionnelle
Seulement 15% de ces femmes ont eu le bac (ou un équivalent pour les étrangères) ou ont fait des
études supérieures. Souvent leur niveau d’études apparaît, dans leur discours, lié à l’exercice de la
prostitution car sans diplôme aucun travail ne leur permettrait de gagner suffisamment d’argent pour
vivre correctement. Neuf d’entre elles n’ont pas été scolarisées dont cinq Africaines, trois femmes
des Balkans et une manouche française.
Cependant les plus jeunes ne considèrent pas toujours la prostitution comme une situation. Les
femmes d’Europe de l’Est, dont la moitié n’accepte pas sa condition, ont souvent des projets très
précis : acheter une boutique ou un établissement ou plus simplement faire de l’argent pour
s’acheter une maison, retourner chez elles et reprendre leur vie « normale ». La prostitution serait
juste un passage pour réaliser ce projet. Une femme, qui se prostitue en France depuis 1999, disait
qu’elle a acheté trois appartements et un terrain dans son pays d’origine ; deux appartements sont
loués donc elle a déjà un revenu mais elle se prostitue encore parce qu’elle n’a pas fini de meubler
le troisième appartement, où elle compte habiter, et pour construire une discothèque dans son
terrain. Elle a ajouté qu’elle n’est pas une prostituée et qu’elle fait aussi des affaires avec ses clients.
Il y a aussi celles qui refusent moralement leur condition de prostituée, comme si la sexualité
renfermait une souillure qu’on peut laver en se débarrassant du plaisir ; elles ne sont donc pas des
prostituées parce qu’elles font « ça » pour l’argent, les prostituées – d’après elles – le feraient pour
leur plaisir. Les jeunes africaines, qui ont moins de peine à accepter leur statut de prostituées (elles
sont 80% à l’accepter), ne rêvent pas moins d’avoir des papiers et d’apprendre le français pour faire
un travail « normal ». Une de ces jeunes a dit que quand elle est sur le trottoir elle est une prostituée
mais quand elle est ailleurs elle est « a normal girl ».

Les femmes françaises ou étrangères à Paris intra-muros acceptent d’autant plus la prostitution
comme une situation qu’elles payent des impôts sur le revenu de cette activité, mais les choses se
compliquent lorsqu’on parle de la sécurité sociale ou de la retraite, que certaines d’entre elles
cherchent à assurer en investissant dans l’immobilier.

4. Situation socioprofessionnelle selon les classes d’âge :

Actifs (CDI) Sans emploi Etudiants Prostitution TOTAL

25 ans ou moins - (0) 39% (22) 5% (3) 56% (31) 100% (56)

26 à 35 ans 2% (1) 28% (16) - (0) 70% (39) 100% (56)

36 à 45 ans 12% (3) 4% (1) - (0) 84% (22) 100% (26)

46 ans ou plus 3% (1) - (0) - (0) 97% (29) 100% (30)

TOTAL 3% (5) 23% (39) 2% (3) 72% (121) 100% (168)


Pr. = 0.000

Pour les « actifs », deux sont fonctionnaires, l’une fait ses passes le week-end, dans une pompe à
essence fermée pendant la nuit, pour arrondir les fins de mois et mettre de l’argent de côté, et espère
vite arrêter ; l’autre travaille soir et nuit pour payer ses dettes à la banque. Pour les autres, une est
auxiliaire de vie, une autre fait des ménages et la troisième a un emploi adapté à sa condition de
handicapée. Parmi les trois étudiantes deux sont albanaises, l’une prétend suivre des études de
médecine en Italie et venir de temps en temps se prostituer en France et l’autre a en fait abandonné
des études qu’elle compte bien reprendre à son retour en Albanie1 ; l’autre est une jeune française
qui a à sa charge une fille en bas âge et se prostitue rue Saint-Denis pour subvenir à ses besoins, à
ceux de sa fille et payer ses études.

1 Une façon de dire qu’elle n’est pas prostituée.

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