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Le déclin de la loi au sens formel du terme

DÉFINITION DES TERMES ET DÉLIMITATION DU SUJET

 Définition : (sens formel) : l’acte édicté par le Parlement selon les formes élgislatives
prévues par la Constit (et non pas la loi au sens large visant toute règle de droit écrit
(texte) => important car permettra de distinguer la loi des autres textes)

 Délimitation du sujet : il faudra se limiter à ce qui est vraiment spécifique à la loi
édictée par le Parlement.
 Le sujet est « le déclin de la loi » pas celui du Parlement : DONC : les deux sont liés,
mais il faut en rester au déclin de la loi face aux autres textes édictés par le pouvoir
exécutif (règlements, ordonnances). Le déclin général du Parlement face à l’exécutif
ne devra pas être traité.
 Le déclin de la loi dépasse celui du Parlement : la loi est concurrencée par d’autres
textes de rang supérieur (Constitution, traités internationaux); et la loi connaît des
maux (inflation, complexité, perte de qualité, etc.) qui lui sont propres et qu’il faudra
aborder.
 Le Parlement est largement dépossédé aujourd’hui de la confection de la loi, qui
relève davantage du gouvernement et des cabinets ministériels en charge des projets
de la loi. Cet aspect devra certes être évoqué car il est en rapport avec le déclin de la
loi, mais pas trop

  LOI & AUTRES NORMES : évoquer le déclin de la loi face aux autres textes de rang
supérieur ou bien édictés par le pouvoir exécutif.
o Pour les textes inférieurs, on traitera de la concurrence qu’ils font subir à la
loi : ils peuvent intervenir dans un champ propre, voire dans son champ.
o Pour les textes supérieurs, on traitera seulement du contrôle auquel est
désormais soumise la loi à l’aune de ces textes. En effet, la concurrence
normative qu’ils lui font subir (essentiellement, les traités internationaux et le
droit de l’UE) n’est pas propre à la loi mais concerne tous les textes internes.

INTÉRÊT DU SUJET :

Le droit français moderne (depuis la Révolution française) s’est construit


sur la toute-puissance de la loi en tant qu’expression de la volonté
générale permettant de se prémunir contre l’arbitraire du pouvoir
exécutif (le pouvoir royal sous l’Ancien régime) et du pouvoir judiciaire
(les Parlements d’Ancien régime).

Pourtant, depuis lors, l’histoire de la loi est celle d’un déclin progressif.
Déclin face à des textes de rang supérieur qui, en soumettant la loi à leur
contrôle, ont remis en cause sa suprématie. Déclin encore face à des
textes qui, bien qu’inférieurs, sont venus cantonner la loi et réduire son
domaine. Déclin enfin de la loi en elle-même, car la loi n’est pas
seulement contrôlée et concurrencée par d’autres textes : elle est
également en crise. Trop diserte, trop technique, trop spécialisée, la loi
n’a plus la hauteur d’antan. Outre cette complexité, elle se voit également
instrumentalisée par le pouvoir politique, lui-même soumis à la pression
de l’opinion publique et des médias.

La loi, que pourtant « nul n’est censé ignorer », perd ainsi en simplicité,
en accessibilité et en prévisibilité. En pâtissent la sécurité juridique,
l’égalité de tous les citoyens devant la loi et donc, finalement, l’État de
droit. Plus fondamentalement encore, la fiction de la représentation du
peuple par les parlementaires se voit écornée, menaçant la démocratie
elle-même.

 PLAN : Le déclin de la loi face aux autres textes (I), puis le déclin de la
loi en elle-même (II).

I. LE DÉCLIN DE LA LOI FACE AUX AUTRES TEXTES


 La Constitution de la Ve République marque une rupture. En admettant
un contrôle de la loi et en réduisant son domaine, elle consomme le déclin
de la loi face aux autres textes : déclin de son autorité face aux textes
supra-législatifs (A), mais également déclin de son domaine face aux
textes infra-législatifs (B).

A. Les textes supra-législatifs (ou la loi contrôlée) : le


déclin de l’autorité de la loi

 Dans notre tradition juridique, on considérait que la loi, expression


de la volonté générale, devait être toute- puissante. Elle ne pouvait
donc pas être soumise à un quelconque contrôle juridictionnel car il
reviendrait à contrôler la volonté générale et, au-delà, à remettre
en cause le mythe de l’infaillibilité de la loi. Cette toute-puissance a
vécu.
 La Constitution de 1958, et son interprétation par le juge
(judiciaire, administratif ou encore constitutionnel), opèrent une
rupture majeure en introduisant un contrôle de constitutionnalité
(1) et de conventionnalité (2).

Le contrôle de constitutionnalité (ou la loi contrôlée au regard


d’un texte interne)

 Contrôle a priori de la loi par le CC introduit par la Constitution de


1958 : rupture majeure dans notre tradition juridique car, si ce
contrôle était conçu dans l’esprit constitutionnel originel comme
visant à bien garantir le respect du partage de compétence entre la
loi et le règlement, il se fait désormais au regard de l’ensemble du
bloc de constitutionnalité depuis la décision Liberté d’association
du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 (soit aujourd’hui la
Constitution, la DDHC, le Préambule de la Constitution de 1946, la
Charte de l’environnement de 2004, et les principes reconnus par le
CC hors de tout fondement textuel).
 DONC : de gardien de la séparation des pouvoirs, le CC est devenu
également gardien des droits fondamentaux et libertés publiques.
D’où un changement de statut de la loi pour le CC : si elle demeure
l’expression de la volonté générale, la loi ne l’est plus que « dans le
respect de la Constitution »
 L’atteinte à la souveraineté de la loi demeurait toutefois
supportable car le CC ne pouvait être saisi que dans le cadre d’un
contrôle a priori et dans des conditions restrictives.
 MAIS : introduction de la QPC en 2008, qui permet un contrôle a
posteriori à l’initiative de tout justiciable : l’atteinte est devenue
bien plus forte puisque la loi est désormais susceptible d’être
remise en cause à tout moment à l’occasion

Le contrôle de conventionnalité (ou la loi contrôlée au regard des


textes externes)

 Contrôle de conventionnalité de la loi par le juge judiciaire (et le


juge administratif) au regard des traités internationaux en
application de l’art. 55 Constitution conférant aux traités une
autorité supérieure à la loi, depuis les arrêts Cass. ch. mixte 24 mai
1975, Société des cafés Jacques Vabre, et arrêt CE 20 oct 1989
Nicolo.
 Arrêts fondamentaux car marquent, encore plus que le contrôle de
constitutionnalité a priori, la fin de la suprématie de la loi (ainsi
qu’un nouveau rapport entre la loi et le juge, une nouvelle place
pour les conventions internationales et le droit européen, et
l’émergence d’un nouveau contentieux).
 La loi n’est donc plus toute-puissante : elle est désormais contrôlée
à l’aune des textes supérieurs interne ou externes, c’est-à-dire en
grande partie à l’aune des droits fondamentaux («
fondamentalisation » du droit). Plus surprenant encore, la loi se voit
concurrencée par les textes de niveau inférieur.

B. Les textes infra-législatifs (ou la loi concurrencée) : le


déclin du domaine de la loi
 Dans notre tradition juridique, on considérait que la loi, expression
de la volonté générale, devait être omnipotente (= toute-puissante).
Elle pouvait intervenir en tout domaine et sur toute question. Plus
encore, aucun autre texte n’était supposé concurrencer la loi, dans
la mesure où le règlement n’était là que pour la mettre en
application.
 MAIS : cette omnipotence a vécu. Tirant le constat des échecs des
III et IVe Républiques marquées par une incapacité du Parlement à
assurer sa mission
 Ainsi, le déclin de la loi, qui ici va de pair avec celui du Parlement,
se marque également face aux textes inférieurs :

Le règlement, qui acquiert un champ propre, limitant corrélativement


celui de la loi (1) ; et l’ordonnance, par laquelle le Parlement délègue son
pouvoir au gouvernement dans le domaine cette fois de la loi, ce qui
conduit la loi à partager son domaine (2).

Le règlement (ou la loi concurrencée par le règlement) :

 Décret : norme règlementaire créée et édictée par un pouvoir central avec une
compétence général (ex : président ou 1er ministre)
 Arrêté : norme règlementaire plus spécifique  il va concerner un domaine
particulier OU un lieu spécifique (ministres ou préfet ou marie)
 Règlement d’application : adopté à la suite de l’adoption d’une loi pour la
COMPLÉTER (ex : précision sur le montant pour interjeter appel)
 PLUS : si le pouvoir règlementaire tarde à donner des détails à une loi  el l e
ne s’applique pas
 Norme administrative = CIRCULAIRE = texte produit par une administration
(ex : ministère de la justice) qui est l’interprétation d’une norme juridique
(Attention : pas de portée normative MAIS reste importante

Normes règlementaires rentrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi

L’ordonnance (ou la loi concurrencée par l’ordonnance) : le


partage du domaine de la loi

 Consécration par la Constitution de 1958 de la pratique antérieure


des décrets-lois permettant une délégation de ses pouvoirs par le
Parlement au gouvernement : l’ordonnance permet au pouvoir
exécutif d’agir dans le champ de la loi lui-même (il faut une loi
d’habilitation du gouvernement puis une loi de ratification pour que
l’ordonnance acquière valeur législative).

  en pratique, recours excessif aux ordonnances sous la Ve


République (ex. ord. 10 février 2016 réformant le droit des
contrats, le régime de l’obligation et le droit de la preuve ; autre ex.
les cinq ordonnances du 22 septembre 2017 réformant le droit du
travail) : sous prétexte de rapidité, le débat parlementaire est
quasiment évacué sur des réformes majeures.

TRANSITION La loi est donc en déclin face aux textes qui se trouvent au-
dessus mais également en-dessous d’elle.

- Contrôlée au regard des premiers, son autorité est susceptible


d’être remise en cause en cas d’incompatibilité.
- Concurrencée par les seconds, elle voit son domaine limité et
partagé. Mais la loi apparaît aussi en déclin en elle-même, de
manière intrinsèque

II. LE DÉCLIN DE LA LOI EN ELLE-MÊME


Il s’agit ici d’aborder ce qu’on entend généralement par la « crise de la loi
». Traditionnellement, la loi se devait d’être, non seulement l’expression
de la volonté générale, mais également pérenne, claire, accessible. Telle
était sa « noblesse ».

Si la loi garde sa force symbolique, cette noblesse est largement


dépassée. La loi n’est plus l’expression de la volonté générale, mais de la
volonté gouvernementale. Elle défend souvent des intérêts particuliers au
détriment de l’intérêt général. Elle est enfin devenue instable, bavarde,
mal rédigée, technique, se préoccupant davantage des détails que des «
grandes maximes », etc.

Le déclin de la loi elle-même tient donc tant à son élaboration (A) qu’à
son contenu (B).

A. Le déclin dans l’élaboration de la loi

Si la loi reste formellement votée par le Parlement, le rôle du


gouvernement (1), voire d’autres acteurs (2), dans son élaboration est
devenu majeur.

Le rôle du gouvernement

 Dans la pratique de la Ve République, la loi est essentiellement


l’œuvre du gouvernement et des cabinets ministériels, la plupart
des lois adoptées étant issus de projets de lois, élaborés « dans le
secret de l’administration » bien plus qu’ils ne sortent « des
profondeurs de la Nation » (Carbonnier).
 La loi est désormais la volonté de l’exécutif, et non du Parlement
réduit à une « chambre d’enregistrement » : les parlementaires
votent des lois non parce qu’ils les approuvent mais parce qu’ils
appartiennent à la « majorité » solidaire du gouvernement.

Le rôle des autres acteurs

 Rôle des groupes de pression (chaque lobby essaie d’obtenir « sa


loi»), des associations (exprimant leurs revendications), des
syndicats (droit du travail).
 Utile à la démocratie mais dans une certaine limite, le risque étant
de faire passer des intérêts particuliers, catégoriels avant l’intérêt
général.
 Cette pratique d’élaboration de la loi sous la Ve République, qui
voit le Parlement dépossédé de son pouvoir de véritablement
légiférer, explique en bonne partie également le déclin de la loi
quant à son contenu.

B. Le déclin dans le contenu de la loi

Le déclin dans le contenu de la loi se manifeste par l’instabilité (1) et la


médiocrité (2) des lois.

L’instabilité des lois

 Il fut un temps où il ne fallait toucher aux lois que « d’une main
tremblante » (Montesquieu) car elles ne devaient « point être
changées, modifiées ou abrogées sans de grandes considérations »
(Portalis).
 Ce temps est révolu : inflation législative (crise quantitative) :
trop de lois et des lois trop volumineuses (ex. loi Macron du 6 août
2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économiques : contient plus de 300 articles sur des domaines
extrêmement variés) ; et des lois instables (ex. réforme incessante
en matière pénale).

La médiocrité des lois


 Trop grande complexité, spécialisation et technicité de la loi :
cf. le rapport du Conseil d’État de 2011. La loi ne se contente
plus « des grandes maximes » (Portalis) : elle fixe les détails. Il
en résulte que les parlementaires ne comprennent souvent plus ce
qu’ils votent...
 Faible qualité rédactionnelle de la loi (peu de juristes dans les
cabinets ministériels).
 Loi instrumentalisée par le pouvoir politique : lois de
circonstance adoptées à la hâte à la suite d’un fait divers
 Lois symboliques (ex : loi sur le génocide arménien)

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