Église Dans l’Yonne

ÉDY N°3 - mars 2020 - 3 €

S’émerveiller
Sommaire

Édy-torial
Peut-on croire sans s’émerveiller ?
par le père Joël Rignault, vicaire général 1
En bref 2
Sur l’agenda de Mgr Hervé Giraud 2
Intention de prière du pape pour avril 2020 2
Information 3
Dans notre prière 3
Vente immobilière 3

En brEf - vu sur lE wEb 4

initiativEs
• 175 ans… 5
• "Fais-nous revenir, Dieu, notre salut…" 6-7
• Les rites du catéchuménat 8-9
• Une promesse tenue 10
• Comprendre le langage des pierres 11

“JEunEs, vous êtEs lE prÉsEnt”

• Étudiant et catholique : vivre sa foi et partager 14

dossiEr
• S’émerveiller 15-19
• Manifestation de Dieu au cœur de nos "terres lointaines" 20
• "Dieu nous invite à entrer dans la danse de la vie selon l’Esprit" 21
• Des vies icaunaises émerveillées 22-25

rEpèrEs pour unE viE dE foi

• Avec saint Matthieu, vivre la Fraternité, fiche n° 5 26
• Catholiques, redécouvrons la prière des psaumes ! 27

À vos agEndas 28-29

priEr
• Demandons la grâce que tout commence aujourd’hui 32

Couverture : © OlcayErtem from Pixabay


Peut-on croire sans
s’émerveiller ?
par le père Joël Rignault, vicaire général
Ce questionnement n’ignore
pas les situations de souffrance
où l’on se trouve submergé
par une forte douleur.
Évidemment, la traversée
de la douleur s’effectue
dans une sorte d’apnée où
l’on espère ressortir la tête
de l’eau dès que cela sera
possible. Je n’oublie pas non
plus toutes les situations de
fragilité où l’humain se rend
capable du pire. Parfois nos
responsabilités nous font
côtoyer toutes ces fragilités ;
nous pouvons être conduits
à accompagner des situations
de souffrance avec une
question qui prend alors
beaucoup d’importance :
quelle va être l’issue de cette
situation ?
Oser l’émerveillement ne
peut en aucun cas être
oublieux de tout cela.
Notre Pape François qui
s’exprime fréquemment pour
alerter les consciences de
tout ce qui entraîne notre
monde vers la souffrance
et la fragilité, n’oublie jamais
cependant de remettre nos
cœurs et nos esprits dans
l’axe de ce qui fait vivre. À
ceux qui aiment par attraction
donner le goût de vivre selon
l’Évangile, qui souhaitent
donner envie à leurs frères et
sœurs de s’approcher de la foi
en vivant en Église, le Saint-
Père leur dit récemment dans
Édy-torial
un petit ouvrage : “Sans Jésus,
nous ne pouvons rien faire”.
Mais fidèlement et comme un
refrain de son enseignement,
il nous rappelle ce lien avec
le Christ qui est la source de
toute vie. “La joie de l’Évangile
remplit le cœur et toute la vie
de ceux qui rencontrent Jésus”
Evangeli Gaudium.
Donc pour nous remettre
dans l’axe de ce qui nous
fait vivre, l’apprentissage de
l’émerveillement semble
nécessaire. La prière des
psaumes peut nous y aider
grandement. Le Concile
Vatican II a souhaité que les
fidèles puissent participer plus
facilement à la prière du temps
présent appelé également  :
le bréviaire. C’est-à-dire
apprendre à rencontrer le
Seigneur, avec l’aide de la
prière des psaumes. Sans
doute y a-t-il là une route
qui nous facilite l’entrée dans
l’attitude d’émerveillement ?
Celui qui est dans la fragilité
peut dire à son Seigneur :
“J’aime le Seigneur, il entend le
cri de ma prière, il incline vers
moi son oreille. […] Le Seigneur
est justice et pitié, notre Dieu
est tendresse. Le Seigneur
défend les petits : “j’étais faible
et il m’a sauvé.” Ps 114
Je peux réapprendre à voir la
nature comme un message
de soutien de la part du
Seigneur : “Je lève les yeux vers
Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB
les montagnes : d’où le secours
me viendra-t-il ? Le secours me
viendra du Seigneur, qui a fait le
ciel et la terre”. Ps 121
Dans les jours de joie, je
peux, avec toute la création
m’émerveiller de l’action de
Dieu : “Toutes les œuvres du
Seigneur, bénissez le Seigneur :
à lui, haute gloire, louange
éternelle.” Dn 3
Effectivement, il nous
est offert, par la porte des
psaumes, un chemin qui
peut nous aider à ouvrir nos
yeux sur la vie du monde,
avec émerveillement. Il nous
sera alors plus facile de nous
attarder devant les scènes
évangéliques où le Christ
s’émerveille face à de belles
attitudes humaines. Devant
l’inventivité des hommes qui
peuvent être habiles, devant la
foi de telle ou telle personne.
Nous pensons tous à cette
attitude des personnes qui
astucieusement ouvrent le toit
pour que le paralytique puisse
être en présence de Jésus, à
ce soldat qui confie la santé
de son serviteur avec foi, etc…
Au fil des scènes évangéliques,
il n’est pas rare de surprendre
Jésus qui s’émerveille et cela
ne l’empêche pas d’affronter
courageusement le mystère
du mal et de monter
résolument et librement en
direction de Jérusalem, lieu
1
 En bref
où il nous sauve par la Croix.
La croix peut même devenir
pour nous les hommes, le
lieu par excellence de la
révélation de l’immensité
de l’amour de Dieu. J’aime
imaginer la forte émotion
de ce centurion qui dira
devant le Christ en croix :
“Vraiment, cet homme était
Fils de Dieu”.
Lorsque nous décidons
de fréquenter le Christ
dans la prière et l’écoute
de l’Évangile, le Pape nous
dit donc fréquemment
combien notre vie et
notre mission prennent
une tout autre dimension.
Nous donnons une grande
place à l’émerveillement
et ainsi, nous comprenons
plus aisément où est notre
chemin de sainteté : “Soyez
dans la joie et l’allégresse”
Mt 5, 12 dit Jésus à ceux qui
sont persécutés ou humiliés
à cause de lui. Le Seigneur
demande tout, et ce qu’il offre
est la vraie vie, le bonheur pour
lequel nous avons été créés. Il
veut que nous soyons saints
et il n’attend pas de nous
que nous nous contentions
d’une existence médiocre,
édulcorée, sans consistance”.
Gaudete et exsultate, n° 1
Il le dit également aux
jeunes du monde entier :
“Dieu t’aime, le Christ est
ton sauveur…” J’ose ajouter :
“émerveille-toi de cela sans
te lasser…” et le Saint-Père
de poursuivre : “Il est vivant et
il te veut vivant !” Christus Vivit.
L’énergie nécessaire pour
être des “pèlerins audacieux
sur cette terre” (Laudato Si’) et
des citoyens du ciel est dans
cette dynamique.
Que ce dossier d’ÉDY
qui s’arrête sur cette
attitude d’émerveillement,
nous y incite, c’est tout
mon souhait. Ouvrir son
cœur à l’émerveillement
peut nous établir dans la
confiance. Se complaire
dans la dénonciation du
mal, rappeler des règles
que l’on ne parvient pas à
vivre, peut nous entraîner
dans le découragement
et le doute. Comme le dit
l’écriture : “Choisissons la
vie !” Dt 30, 15-16. ■

Sur l’agenda de Mgr Hervé Giraud

16 au
19 ...  Rome, visite ad limina
20 ...  Auxerre, conseil épiscopal
21-22
Mars

...  Mission de France, rencontre des diacres

23
...  Le Perreux, équipe épiscopale
27
...  Auxerre, conseil presbytéral
28
...  Fains-les-Moutiers, récollection des diacres permanents
31 au
3 avril ...  Lourdes, assemblée plénière de la CEF

5 ...  Charny, messe des Rameaux

6 ...  Le Perreux, équipe épiscopale
7 ...  Auxerre, récollection et messe chrismale
Avril

8 ...  Auxerre, Commission historique en la cause de béatification de Marie Noël

11 ...  Sens, veillée pascale
12 ...  Auxerre, messe du jour de Pâques
18-19 ...  Vézelay, rassemblement provincial des services diocésains de la Pastorale
de la santé

Intention de prière du pape pour avril 2020

La libération des addictions
Prions pour toutes les personnes sous l’emprise d’addictions afin qu’elles soient soutenues
sur leur chemin de libération. ■
2 Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB

S’émerveiller
S’émerveiller : n’est-ce pas un mot et
une attitude que notre société réserve
maintenant aux enfants et à ceux qui leur
ressemblent ? Et après tout, ne gagnerions-
nous pas à revenir à l’émerveillement… ?
Nous vous proposons ici des pistes de
réflexion, parues en janvier 2014 dans
la revue des laïcs de l’ordre du Carmel
(OCDS), avec l’aimable autorisation de
sœur Marthe-Bénédicte.
Émerveillement !
Stupeur. Saisissement. Que dire de
cet instant suspendu, où les sens et
l’esprit cessent leur ballet pour s’ouvrir
muettement à une beauté qui les dépasse ?
Beauté d’un paysage, d’une œuvre d’art,
d’un sourire, beauté d’une solution qui
résout enfin un problème, beauté d’un
geste plein d’attention, beauté d’avoir
accompli ce qu’on n’aurait pas même osé
espérer… La liste pourrait être longue de
tous ces moments où la vie nous invite
à l’émerveillement. Mais aussi longue,
sans doute, serait celle des démons qui
nous volent cette primordiale capacité :
peur, crispation, affairement, repli
Dossier
© Cecilemarcy from Pixabay
sur soi, sentiment de toute-puissance,
mélancolie… sérieux  ? Notre monde
trop sérieux n’a souvent plus de place à
accorder à l’émerveillement, absent de nos
dictionnaires techniques ou spécialisés…
S’émerveiller, est-ce donc désuet, trop
neuf ou dérangeant ?… Peut-être est-ce
tout simplement à hauteur d’Évangile…
Quand l’homme
s’émerveille…
De quoi s’agit-il au juste ? L’émerveillement
est-il lié à des situations extra-ordinaires,
toujours plus extrêmes, à rechercher
toujours plus loin ? Ou bien lié à des
produits que la publicité nous pousse
à désirer en suscitant un pseudo-
émerveillement asservissant, ou bien
encore lié à des personnalités au psychisme
naïf et enfantin  ? Étymologiquement,
l’émerveillement est lié à l’admiration et
au miracle, certaine manière de “mirer”,
de voir, et donc de s’ouvrir sur le monde qui
nous entoure. Job fut le premier émerveillé
de la langue française, à regarder l’univers
créé par Dieu1.
Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB 15
 Dossier
Faisons maintenant retour sur ce
qui est communément compris de
l’émerveillement : un consentement, une
ouverture à ce qui advient, qui n’était pas
encore perçu mais le devient brusquement
comme source de vie et de croissance.
L’é-merveillement, l’ouverture ne tient
donc pas uniquement à l’objet : tout objet
peut être source d’émerveillement ; c’est le
regard soudain posé sur lui qui en fait une
“merveille”. Pour autant, l’émerveillement
ne peut se réduire à une auto-suggestion
illusoire, à moins de devenir rapidement
mensonge à lui-même. L’émerveillement
vrai ne peut être qu’un accord : accord
profond de tout l’être, ses sens, son
corps et son intelligence, avec cet objet
qui le saisit. Car l’émerveillement n’est
aucunement une pure émotion du ressort
de l’affectivité.
Si les sens sont au départ effectivement
saisis, l’intelligence doit accepter d’être
dépassée, de s’en émerveiller et d’y
découvrir du sens, de la signification – si
elle le refuse, elle enferme le regard dans
le soupçon, le déjà-vu, l’utilitarisme ou
l’habitude.
© Pete Linforth from Pixabay
L’émerveillement est profondément une
expérience de signification, d’un sens qui
n’était pas prévu, donné d’emblée, mais un
possible qu’une liberté vient actualiser. Pas
d’émerveillement pour celui qui domine la
16 Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB
situation, ne cherche S’émerveiller,
qu’à posséder, ou
refuse de se décider. est-ce donc
Mais pour qui choisit désuet, trop neuf
de s’ouvrir sans
défense, sans savoir ou dérangeant ?
ce qu’il en adviendra, Peut-être est-ce
un émerveillement
devient possible, tout simplement
déposant la personne à hauteur
sur le seuil d’une
relation nouvelle, d’Évangile…
gratuite, avec la
merveille – ou son auteur. S’ouvrir, non
pas au vide, mais se tourner vers. Cesser de
partir de soi, dans une attention particulière
au présent, une présence à. Confiance
d’enfant ? Peut-être, à la différence près que
l’enfant s’émerveille naturellement à chaque
“première fois”, et que l’adulte choisit de
continuer à poser ce regard émerveillé sur
un monde déjà connu, déjà combattu et
pourtant si beau et toujours nouveau.
Pourquoi, comment le monde peut-il
rester beau et nouveau, alors que tant
d’arguments, théoriques et vécus, nous
disent le contraire ? Poser le monde comme
nouveau, malgré son âge, c’est reconnaître
qu’il est sans cesse en devenir, en gestation,
en création. Poser le monde comme beau,
alors qu’il semble inerte et sans conscience,
c’est être invité à reconnaître une
intentionnalité qui le dépasse, le transcende :
un vouloir qui le fait être et qui le donne,
le transmet à ceux qui acceptent de le
recevoir – “Dieu vit que cela était bon…”
L’instant présent de l’émerveillement, dans
toute sa densité, récapitule une histoire qui
nous avait précédés, qui nous provoque et
nous convoque.
Notre réponse, lorsqu’elle opte pour
l’émerveillement, est respect ou (re)
découverte de notre condition humaine,
à sa place dans la création. Attitude active
et passive où, comme dirait Paul Ricœur,
le volontaire en nous ressaisit l’involontaire
de la situation pour lui donner un sens – un
sens, mais non un but. Car le but ôterait
sa gratuité à l’émerveillement. Dès lors,
l’émerveillement ne serait-il pas un des
premiers pas d’une “mystique pour les
nuls” ? L’approche qui en est faite ici le
découvre comme une disposition innée en
tout être humain, et non comme une faculté

ou une capacité. En tant qu’ouverture,
l’émerveillement me dépose sur le seuil
d’une relation : vais-je choisir d’aller plus
loin ? Cela impliquerait une triple attitude
dans l’existence. Oser exister, à ma juste
place, dans l’humilité qui est la vérité de mon
être, libre dans ma relation à l’émerveillant :
Dieu Père, Fils et Esprit Saint. M’engager
dans la gratitude, réponse au don et fruit
d’un émerveillement qui ne se cherche
pas lui-même : l’émerveillement met en
marche. Me mettre ainsi en quête de
ma source profonde qui s’est un instant
révélée. C’est ce mouvement-là qui m’a
conduite au Carmel.
Quand Dieu
s’émerveille…
L’ouverture de la Bible va permettre de
commencer à cerner l’émerveillement
proprement chrétien. Un visage apparaît,
vers lequel tourner notre émerveillement.
Un visage au regard lui-même émerveillé,
dès les premiers instants de création. Notre
Dieu s’émerveille de ce qui sort de ses
mains et de ce que tout cela devient !
Jésus sera le plus grand témoin de cet
émerveillement divin :
“Entendant cela, Jésus fut dans l’admiration et
dit à ceux qui le suivaient : En vérité, je vous le
dis, chez personne je n’ai trouvé une telle foi en
Israël.” (Mt 8, 10) “Jésus tressaillit de joie sous
l’action de l’Esprit Saint et il dit : ‘Je te bénis,
Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir
caché cela aux sages et aux intelligents et de
l’avoir révélé aux tout-petits.” (Lc 10, 21)
Le regard de Jésus sait voir le Royaume
advenir et s’en émerveiller. Comment le
sait-il ? Son attention au présent dépasse
les frontières de son moi, les frontières du
visible, les échelles de nos valeurs humaines.
Sans cesse, il vit relié à l’amour de son
Père, dans le mouvement de l’Esprit Saint :
perception non pas statique
des positions dans l’existence,
mais circulation d’amour Le regard de
et par là, de connaissance,
enrichissement mutuel. Jésus sait voir
Dans cette dynamique, le Royaume
son attention se porte sur
la qualité des personnes, la advenir et s’en
qualité de relation à laquelle émerveiller.
Dossier
elles sont capables de s’ouvrir : humilité, foi
surtout. Pédagogie de l’émerveillement de
notre Dieu, qui nous invite à le suivre aussi
sur ce chemin.
L’émerveillement biblique a encore d’autres
caractéristiques. Sans être un mot des
psaumes, il en est bien le motif, un des
thèmes principaux. Outre la gratitude,
l’émerveillement débouche donc sur la
louange et le chant – prière et liturgie,
manière toute particulière d’entrer en
relation avec Dieu. Les psaumes chantent
l’émerveillement du peuple qui a suivi son
Dieu et qui se retourne, faisant silence
un instant, pour le voir à l’œuvre. Oui,
Dieu était bien là, dans l’histoire personnelle
et collective, dont la traversée de la Mer
Rouge et du désert, le don de la loi et de
la terre ont été les paradigmes sans cesse
revisités. Dieu était bien là, dans la création
et l’univers, œuvrant pour tout mener à son
accomplissement. Ce regard de confiance
émerveillée s’appuie sur les signes, les
prodiges, les hauts faits de Dieu, que les
psaumes énumèrent, et qui permettent une
confiance jusque dans l’épreuve, le malheur,
la souffrance – mémoire et espérance.
Ainsi l’émerveillement du peuple
de la Bible a-t-il été cultivé
jusqu’aujourd’hui, ainsi se cultive-
t-il dans l’amitié, la proximité
avec ce Dieu qui pourvoit :
“Cherchez le Royaume de Dieu,
et le reste vous sera donné par
surcroît” (Lc 12, 31)…
Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB 17
 Dossier
évangélique ne contemple pas le beau, le
© frère Dominique-Marie grand selon nos critères humains, tout ce qui
naturellement nous dépasse, mais le petit,
l’humilié, le faible… le Dieu crucifié […]
L’émerveillement du Père l’a conduit à
s’ouvrir dans le mouvement de la création,
jusqu’à s’y donner lui-même en son Fils ;
l’émerveillement du Fils l’a conduit de
même à se donner entièrement aux
hommes jusqu’à la croix et à leur donner
l’Esprit. L’émerveillement ne va donc pas
sans l’amour, et l’amour sans le don, le
don sans détachement. Le détachement ne
va pas sans la confiance que point mort
ne s’ensuivra, la confiance ne va pas sans
l’émerveillement… Ici encore, notre Dieu
nous précède et nous invite à entrer dans
la danse de la vie selon l’Esprit, à partir
du point de jonction entre Lui et nous, à
l’intime de chacun : lieu sur lequel on ne peut
mettre la main, donc lieu du détachement
L’émerveillement se fait proche de et de l’émerveillement, du silence par-delà
l’enthousiasme, au sens étymologique  : les mots, lieu de l’inhabitation trinitaire au
“être plein de Dieu”. Ici encore, si cette profond de l’âme,“espace sans limite, abîme
attitude est une disposition, elle est à nourrir, sans fond dans lequel il faut plonger comme
à entretenir. “Tu n’as pas besoin de notre dans un océan infini, (…) [ouverture] qui donne
louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires d’être uni à Dieu et présent au monde” .
3

de te rendre grâce ; nos chants n’ajoutent rien à

ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi”2.
“Quand tu es triste, loue Dieu”, conseillaient les
Tout cela n’est donc
Pères du désert. Revenir à l’émerveillement –
un émerveillement non pas béat, mais fondé,
pas sans combat !
raisonné et ouvert à l’inattendu de Dieu Et si l’émerveillement était une des armes
– vient briser les enfermements. Douceur que le Seigneur nous donne au cœur du
thérapeutique de notre Dieu. combat spirituel  ? L’émerveillement
évangélique, donné par Dieu, s’épanouit alors
Enfin, si nous revenons sur les relations en espérance, charité et foi. Mettons-nous
d’émerveillement entre Jésus et ses quelques instants à l’écoute des saints du
contemporains, nous constatons plusieurs Carmel.
choses. D’abord que Jésus ne cherche pas à
émerveiller : ses miracles ne sont pas toujours Mû par l’émerveillement, et par le
ceux que les foules attendent, ou bien ils se font détachement qui en découle, frère Laurent
attendre quand Jésus estime que la demande de la Résurrection s’en est remis entièrement
n’est pas ajustée. L’Évangile n’est pas un conte à la Providence divine, entre mémoire et
pour enfants, le merveilleux ne vient pas clore espérance. Son regard émerveillé de la nature
le réel et le résoudre, mais l’ouvrir à la vie, à lui enseigne comment son Créateur soutient
un surcroît de vie. Aussi les miracles ne sont- son espérance…
ils pas des prodiges (térata) mais des signes Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus a su, pour
(sêmeia), même s’ils ne sont pas toujours sa part, magnifiquement chanter son combat
compris comme tels. De plus, comme nous pour convertir son émerveillement de ce que
l’avons dit, Jésus s’émerveille lui aussi, dans le Seigneur avait mis en elle en charité active
les mêmes termes que ses contemporains pour ses sœurs. Ainsi se recevoir permet-il
(ek-thaumazô), mais pas toujours pour les concrètement des relations humaines
mêmes motifs. Cela peut nous amener à fraternelles, un vivre ensemble libre et joyeux.
convertir l’émerveillement. L’émerveillement
18 Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB

Élisabeth de La Trinité, quant à elle, vibrante
d’émerveillement dans sa retraite pour sa
sœur Guite4, invite à descendre en soi-même
à la rencontre du Christ pour transformer,
au moyen de la “foi vive”, l’émerveillement
en action : passer de “contempler” la gloire
(§ 1) à la “chanter” (§ 44) –Laudem gloriae.
Expérience de détachement, mais plus encore
d’attraction de l’Amour, par la “lumière de foi”
(§ 33).
Dans son cours d’anthropologie
philosophique5, Edith Stein évoque la
disposition à l’émerveillement. Pour elle,
l’émerveillement n’est pas la projection d’un
état d’âme sur un objet. Bien plutôt, les
qualités de cet objet (une vallée sous le clair
de lune par exemple) acquièrent ensemble
un sens, une signification spirituelle, capable
d’entrer en nous, “de nous réjouir, de nous
élever, de nous enthousiasmer” (p. 199). Et
cela est pour nous “source incommensurable
de force psychique” (p. 196). Cette ouverture
anthropologique, cette capacité d’intégration
n’est que la conséquence d’une ouverture tout
intérieure, d’une conscience de soi physique,
psychique et spirituelle, caractéristique de
l’existence humaine (pp. 67-68) – non
seulement caractéristique, mais débouchant
nécessairement sur la sortie de soi pour
assurer la conservation, le maintien de soi,
à l’image de l’esprit divin qui sort de soi
et demeure néanmoins totalement ce qu’il
est (pp. 187-188). L’émerveillement comme
école de sortie de soi…
Chez sainte Thérèse d’Avila, l’émerveillement
semble être l’un des fils par lesquels elle relit
toute sa vie – chacun de ses grands ouvrages
s’ouvre au chapitre premier par des lignes
émerveillées  : sainte Thérèse commence
toujours en exposant les merveilles que le
livre se propose de retrouver après un long
1. Esmervilhement : le mot apparaît pour la première fois au XIIe siècle,
dans des Moralia in Job anonymes. Cf. Dictionnaire étymologique
et Dictionnaire Littré, article “émerveillement”. Pour la remarque
précédente, cf. Dictionnaire historique de la langue française, cité par
Vergely Bertrand, in Retour à l’émerveillement, Paris, Albin Michel,
coll. Essais-Clés, 2010, p. 16.
2. Quatrième préface commune du Missel romain.
3. Mangin Eric, “Maître Eckhart et l’expérience du détachement
– Dire l’intime indicible”, in Études, juillet-août 2009, Paris,
SER-SA, 2009, pp. 69-70.
4. Le Ciel dans la foi (août 1906). La numérotation suit celle des
Œuvres complètes, Paris, Cerf, 2007.
Dossier
chemin6. “Dieu soit à jamais béni de m’avoir
si longtemps attendue !” s’écrie-t-elle dans
le prologue de la Vie. Son émerveillement est
donc bien lié à sa conversion, il en est à la fois
le point de départ et le fruit. Cette conversion
amène une transformation de son être par la
foi, entraînant une modification de son image
de Dieu, de son psychisme personnel, de ses
relations à autrui… Et ces transformations,
cette conversion sont liées concrètement à
l’obéissance et à la grâce. Appuyée fortement
sur ces deux réalités, sainte Thérèse voit en
même temps sa foi grandir, mûrir, se purifier
– et rayonner. Ne prenons qu’un exemple de
transformation, celui de l’image du ver à soie
qui devient papillon7. Avant de l’introduire,
sainte Thérèse rappelle que tout repose sur
notre obéissance et sur la grâce de Dieu.
Profonde justesse théologique, qui articule
grâce et liberté en respectant l’antériorité
divine et la responsabilité humaine.
Un chemin d’émerveillement
De ces quelques lignes, il ressort que
l’émerveillement n’est décidément pas un
état, mais un mouvement, une dynamique,
qui jalonne notre itinéraire de retour à Dieu.
L’émerveillement met en marche, pousse à
chercher, à s’aventurer dans la découverte
aimante de Celui qui se dévoile. Chaque étape
parcourue est alors l’occasion de s’émerveiller
en faisant retour sur les transformations
opérées et vécues, pour rendre grâce. Ce
processus de transformation lent et long,
d’émerveillement en émerveillement, nous
apprend la patience des lentes croissances.
Pour s’émerveiller, il faut savoir attendre,
apprendre à veiller… ■
sœur Marthe-Bénédicte, ocd, Carmel du Havre
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fr/entrer-dans-lannee-nouvelle-en-semerveillant
5. Cf. De la Personne humaine. I- Cours d’anthropologie philosophique
(Münster, 1932-1933), Paris, Ad Solem – Cerf – Carmel, 2012.
6. La Vie décrit son cheminement pour revenir aux vertus de
son enfance et de ses parents ; les Fondations justifient l’œuvre
accomplie par les cinq années passées à Saint-Joseph d’Avila,
“les plus douces de [sa] vie” ; le Chemin de Perfection rappelle les
merveilles du Seigneur relatées dans la Vie et appuie la démarche
exemplaire de sainte Thérèse (“faire le peu qui dépendait de
moi”) sur “la grande bonté de Dieu” et les vertus de ses sœurs ;
le Château intérieur décrit l’itinéraire de l’âme qui cherche à
retrouver la clarté du pur cristal créé par Dieu à son image.
7. 5e Demeures du Château intérieur, chapitres 2-4.
Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB 19
 Dossier
Manifestation de Dieu au cœur de nos "terres lointaines"
Au mois de janvier 2020, à l’occasion du temps
d’enseignement au sein de la rencontre Apostolos,
le père Arnaud Montoux a voulu faire découvrir un
peu plus profondément aux jeunes, le mystère de
l’Épiphanie, en leur rappelant que ces mages venus
d’Orient représentaient aussi tout ce qui, en nous
comme dans le monde, est de l’ordre du lointain.
S i nous rappelons souvent, au cours
de cette fête, que Dieu s’est fait homme
au sein du peuple d’Israël, pour que tous
les peuples soient illuminés et rassemblés
dans son Salut, nous oublions parfois que
le lointain n’est pas toujours le ressortissant
d’un pays éloigné et que ce que Dieu vient
rassembler n’est pas seulement éparpillé
ou oublié dans la géographie du monde.
Il existe du lointain en chacun de nous,
des réalités qui sont en nous, qui vivent et
nous font vivre sans même que nous les
connaissions, que nous les comprenions,
ou que nous les convoquions pour aller à
la rencontre de Dieu.
Bien souvent, nous avons en tête cette
drôle d’idée selon laquelle Dieu devrait
ne venir que dans un espace consacré,
et nous lui ménageons donc en nous une
part, un logis, que nous spiritualisons, que
nous consacrons à l’exclusion du reste. Il
en résulte que chez certains chrétiens chez
qui le désir de la vie spirituelle se fait au
détriment des autres aspects, des autres
domaines de l’existence, on en vient à se
satisfaire de ces amputations spirituelles
qui éloignent de Dieu tant de nos richesses
intérieures. Il faudrait diminuer, réduire,
exclure tout ce qui n’est pas absolument
nécessaire à l’objectif principal que nous
avons identifié une fois pour toutes : la vie
avec Dieu, dans le petit logis, aménagé
en oratoire, au fond de notre âme. Alors,
viennent les reproches de n’être pas assez
exclusif, de vivre trop, d’aimer trop de
choses, de lieux, de personnes comme le
faisait Marie Noël au terme de sa vie ; elle
avait été élevée dans cette vision biaisée
du christianisme et elle croyait avoir perdu
le don de sainteté parce qu’elle n’avait pas
aimé Dieu seulement. Pour aider ces jeunes
à entrer dans une juste compréhension de
l’attraction divine, du désir que Dieu a
20 Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB
de nous attirer tout entier à lui, j’avais
pris le parti de passer par l’expérience de
découverte de deux œuvres d’art.
La première était l’ouverture de La
recherche du temps perdu de Marcel Proust
dans laquelle l’auteur parle de la découverte
fascinante du fait même d’exister, à travers
le récit de ses réveils nocturnes. Si nous
avons tous déjà fait l’expérience de nous
cogner la main contre le mur en croyant
atteindre la lampe de chevet parce que
nous ne savons plus dans quel lit nous
dormons, nous pouvons comprendre cette
page de Proust et surtout découvrir avec
émerveillement que cette expérience si
banale en apparence est extrêmement
révélatrice de ce qu’est notre vie tissée
de mémoire et d’éveils, d’expériences
corporelles, et de désirs spirituels.
La deuxième œuvre était l’ouverture de
Tannhäuser de Richard Wagner : expérience
musicale, entrée dans une perception
sensible d’un monde étonnant que tout
être humain peut percevoir et qui lui révèle
l’ampleur des capacités de son âme.
Celui qui n’a jamais fait l’expérience de
voir s’ouvrir devant lui, par la beauté d’une
œuvre, d’un lieu ou d’une personne, les
portes de ses propres terres lointaines
doit encore redécouvrir le mystère
de l’Épiphanie ; celui qui en a déjà fait
l’expérience ne cessera jamais de
l’approfondir. ■ père Arnaud Montoux
 Dossier

"Dieu nous invite à entrer dans la danse

de la vie
selon l’Esprit"
Ben Sira s’émerveille devant la blancheur
de la neige (Sir 43, 18). Les habitants
de Ninive s’émerveillent de voir Tobith
courir dans la ville, lui qui ne voyait
plus et voit de nouveau (Tb 11, 16).
Les Samaritains s’émerveillent devant
les actes de Simon le Magicien (Ac 8,
9-11) et les foules devant les guérisons
opérées par Jésus (Mt 9, 33. 15, 31).
S’émerveiller est-ce donc rester bouche
bée devant l’in-habituel ?
S i nous regardons vers Jésus
nous pouvons relever un épisode
où Il s’émerveille : “tressaillant
sous l’action de l’Esprit Saint, il
s’écrie : “Père, je te bénis d’avoir
caché cela aux sages et aux
savants et de l’avoir révélé aux
tout-petits !” (Lc 10,21-22).
Deux choses retiennent mon
attention : l’Esprit Saint est à l’œuvre dans l’émerveillement de Jésus et l’émerveillement
est source de joie.
L’Esprit Saint est à l’œuvre dans l’émerveillement
C’est Lui qui nous fait percevoir ce quelque chose de beau, de merveilleux, qui nous
réjouit. L’émerveillement est comme la danse de l’Esprit au plus intime de nous-mêmes,
car il voit, de ses yeux, le Seigneur qui vient (cf. Is 52, 8) ; il reconnaît l’œuvre de Dieu, qui
est toujours une œuvre bonne (cf. Gn 1, 31).
L’émerveillement s’accompagne aussi de joie
Cela nous semble une évidence, et pourtant, il est bon de le souligner : l’horreur ne suscite
pas l’émerveillement. Mais la joie l’accompagne toujours car l’émerveillement nous met
en communion avec la beauté que Dieu nous offre, cette beauté dans laquelle nous
sommes façonnés. L’émerveillement est comme le point de communion entre ce que
nous sommes au meilleur de nous-mêmes et ce qui se révèle à nos yeux.
Alors, s’émerveiller ?
S’émerveiller pour découvrir Dieu dans nos vies ; s’émerveiller et laisser l’Esprit habiter
notre vie.
S’émerveiller, même au plus noir de la vie. Car au plus sombre de l’abîme, il y a encore le
Crucifié-Ressuscité qui nous ouvre son cœur pour nous en faire renaître.
S’émerveiller, car nous sommes faits pour Dieu, et tout nous conduit à Lui ; et Lui vient à
nous… S’émerveiller parce que l’Esprit Saint s’émerveille de nos vies, de l’œuvre d’amour
qui s’y tisse, tant bien que mal, jour après jour. ■ Geneviève Batalie

Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB 21

 Dossier
Des vies icaunaises émerveillées
Le père Jean-Max Gailledrat, 62 ans de sacerdoce et le père
Matthieu Jasseron ordonné en juin 2019, nous confient des
exemples de la fécondité de leur ministère.
Simplement quelques perles vécues, parmi les
centaines de merveilles à raconter et à offrir au
Seigneur dans la prière de chaque jour :
Plusieurs fois, ils avaient sonné chez moi le soir à 10 h
ou minuit, mais se sauvaient quand j’allumais. Je les ai
abordés dans la rue, m’asseyant et discutant avec eux.
Maintenant ils sonnent le soir, et je les invite à monter.
Et on passe une demi-heure ou une heure à parler, de
tout et de rien. Quand je leur demande pourquoi ils
viennent me voir : “Avec qui voulez-vous qu’on parle ?”
Quand je leur dis qu’ils font peur aux gens avec leurs
scooters qui pétaradent, ça les fait rire. Combien d’ados rencontrés L’émerveillement,
depuis soixante ans qui se cherchent en agressant les adultes pour
les rencontrer. Joie de les écouter tâtonner dans leur recherche c’est quand on sent
pour grandir, devenir… adultes… responsables ? Quel plaisir de les
rencontrer dix ou vingt ans plus tard sur des chemins divers ! l’Esprit à l’œuvre,
" C ’est chouette de vieillir !” Cette phrase m’avait échappé. Ma qui ne se dit pas
voisine de table s’étonne : “Ce n’est pas souvent que j’entends ça !” toujours.
Nous sommes à la fête des Cafés-Sourire. “Regardez, cette jeune
femme qui danse sur la scène ! Quand elle est arrivée au Secours Catholique, elle ne parlait
pas. Il a fallu des mois pour entendre le son de sa voix. Maintenant vous la voyez qui s’exprime
à l’aise en public. Et ces bénévoles, que j’ai connus il y a trente ou cinquante ans comme jeunes
foyers dans les équipes du CMR ou ailleurs, ils continuent à se donner aux autres”. Dans ces
quelque 130 personnes qui font la fête, combien d’évolutions, de parcours admirables !
U ne ancienne catéchiste avait invité des mamans à se réunir pour elles-mêmes et non
plus pour l’organisation du caté. Réaction de l’une d’entre elles à la 3e réunion : “Il y a si
longtemps que j’attendais cela !” Cela, c’était la joie de pouvoir mettre en commun leurs
questions de femmes, mères de famille, prises entre les soucis de leurs enfants et ceux de
leur travail et de pouvoir partager ce que leur apportait leur foi.
Signes du Royaume déjà là et qui grandit à travers la pourriture et les crimes. Savoir
trouver les fruits qui nous nourrissent : “Le Ciel est rouge, il fera beau !” (Matthieu 16/2). ■
père Jean-Max Gailledrat

Être témoin des miracles de la vie des gens

Contempler les reflets du Royaume des cieux dans les
yeux de ceux qui n’ont plus que quelques instants à vivre.
Sentir que l’Esprit Saint parle à travers notre bouche,
que ce ne sont pas nos mots qui sortent mais bien ceux
de Dieu.
Aider ceux qui nous sont confiés à discerner les merveilles
que Jésus fait dans leurs vies.
Être bénéficiaire de points de vue d’une sagesse sans
pareille lorsque les gens nous partagent ce qui leur tient
le plus à cœur.
22 Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB
 Dossier

Prier avec les saints et les anges du ciel pour ceux qui nous sont confiés et, dans une joie
authentique, développer avec le Seigneur, à l’égard de tous, une relation particulière, celle
de pasteur, de père (j’imagine, un peu).
Se sentir épaulé, repêché parfois même, lorsqu’on commence à se noyer, par ceux que
l’on aurait le moins soupçonnés capables.
Pouvoir chaque jour rendre grâce pour au moins trois petits trésors sans même avoir à
chercher bien longtemps.
Ressentir qu’on est l’outil, l’instrument de Dieu, celui qu’il a choisi, pour se donner au monde.
Avoir un sourire qui ne disparaît pas jusqu’au coucher le dimanche soir, tant la ferveur, les
énergies positives, et tout ce qu’ont apporté ceux qui sont venus partager l’eucharistie
nous donnent, et sans s’en rendre compte, nous transportent. ■
père Matthieu Jasseron

Ils sont engagés, au service de l’Église pour la préparation au mariage

dans le sénonais ou avec l’équipe de l’aumônerie de l’hôpital d’Auxerre
et ils partagent ici les fruits émerveillés de leur engagement.
Préparation au mariage
B eaucoup de couples se présentent à la préparation au mariage sans toujours savoir où
ils en sont avec Dieu : qui est-Il pour nous, pourquoi souhaitons-nous un engagement
en Église ? Nous pourrions facilement être tentés par un jugement face à cette
méconnaissance. L’expérience vécue pendant ce chemin avec ces couples nous fait
percevoir, au contraire, que le climat d’écoute qui s’installe lors de cette préparation
montre une profonde envie de recherche de sens. Ils ne savent pas trop qui est Dieu,
mais leur amour l’un pour l’autre fait qu’ils se présentent à cette préparation, ils sont là,
participent, confient des parts intimes de leur vie… Des couples réunis de tous horizons,
qui ne se seraient pas rencontrés spontanément, partagent leur expérience en confiance.
Ces rencontres sont des moments précieux pour eux mais aussi pour nous, animateurs.
Mettre des mots sur qui est Dieu pour eux n’est pas une tâche aisée, mais une chose est
sûre : Dieu est parmi nous et Il est à l’œuvre lors de ces rencontres. ■ Lucile et Éric V.
Vivre ensemble, Journal d’information des paroisses catholiques
St-Savinien de Sens, Ste-Colombe du Sénonais, St-Bond du Sénonais, n° 78, janvier/février 2020

À l’hôpital
C ’est toujours avec autant d’enthousiasme et de Foi
que chaque membre de l’équipe d’aumônerie de l’Hôpital
d’Auxerre s’engage dans sa mission de visiteurs auprès
des malades chaque lundi. Toujours avec le même élan du
cœur qui envoie chacun de nous pousser la porte de celle
ou celui qui, alité dans sa chambre d’hôpital, attend un
signe, une once de réconfort, une écoute, un sourire, un
soutien, aucun doute, l’accompagnera sur son chemin de
la guérison.
Certaines de nos visites peuvent parfois faire des merveilles
©Gerd Altmann from Pixabay

et très souvent à notre insu, car nous ignorons toujours

la façon dont le Christ va s’y prendre pour toucher les
cœurs. C’est pourquoi nous aimons ce que nous faisons,
car au fond, qu’y a-t-il de plus merveilleux que d’être un
instrument dont se sert le Seigneur pour distribuer son
amour ! ■
l’équipe de l’Aumônerie de l’Hôpital d’Auxerre

Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB 23

 Dossier
Clothilde fait partie d’un projet innovant nommé Ultérïa regroupant des
activités qui couvrent quatre grands besoins de l’Homme : transmettre/se
former, travailler, créer du lien et se nourrir. Depuis 2017, Clothilde est la
coordinatrice de l’école Élise, basée sur la pédagogie Montessori. Et depuis
le début de l’année 2020, elle propose un programme d’accompagnement
d’adolescents dans le choix de leur orientation : “des racines et des ailes”. Elle
nous livre ici ses motivations profondes.
Avec les enfants et les jeunes irrésistible qui
le pousse à
Comme le dit si bien Catherine Lecuyer, apprendre.
auteure du best-seller “Cultiver Le processus
l’émerveillement” ; il est primordial pour d’apprentissage trouve son origine dans
nous parents, éducateurs, adultes, de les expériences sensorielles de l’enfant
préparer l’enfant à l’émerveillement. qu’il fait de la réalité et surtout dans les
Nous constatons de plus en plus relations qu’il peut avoir avec les autres.
fréquemment une perte de motivation Le rôle de l’éducateur est primordial. La
de nos enfants, adolescents, étudiants… racine étymologique d’éduquer signifie :
À l’ère du divertissement à tout prix, de “accompagner, faire ressortir le meilleur en
l’augmentation du temps d’écran, la jeune chaque personne, depuis l’intérieur.” Un
génération est en quête de sensations apprentissage guidé est donc une des clés
fortes, de vitesse, d’un rythme effréné d’une réappropriation de l’émerveillement
pour assouvir ses besoins de “loisirs”. Cette par les enfants  : allier découverte et
sur stimulation remplace l’élan naturel. discipline (ou guidance).
Cependant, en regardant Einstein a proposé une
de plus près les jeunes formule pour trouver la
enfants, on constate qu’ils "J’aimerai voir réussite :
sont dotés d’une grande grandir des graines “Réussite = travail + jeu
faculté d’émerveillement,
pour les petites choses de d’hommes et de + savoir se taire”
la vie, les détails ordinaires femmes, les arroser Si un enfant travaille,
du quotidien. Les enfants effectue une tâche avec
sont particulièrement avec bienveillance plaisir, imagination et
doués pour voir l’ordinaire et les observer tout créativité, il l’intériorise
dans l’extraordinaire. et la fait sienne. Maria
simplement, heureuse Montessori disait des
Que devons nous faire
pour que les enfants du travail accompli". enfants qui travaillaient
puissent continuer d’être dans ses classes  : “les
émerveillés ? enfants ne font pas tout ce
qu’ils veulent, mais veulent faire tout ce
Plus qu’un sentiment d’admiration, qu’ils font.”
c’est une profonde envie d’apprendre
que suscite l’émerveillement. D’ailleurs Une fois que nous mettons en place cette
Thomas d’Aquin disait : “L’étonnement guidance de l’enfant, il faut y ajouter
est un certain désir de savoir”. Pour d’autres paramètres pour continuer de
Platon et Aristote, l’étonnement est au cultiver sa curiosité :
commencement de la philosophie. Et si • le désir, il faut réapprendre aux enfants
cet émerveillement préexistait en nous ? l’attente ;
Si tel est le cas, alors comment maintenir • l’émerveillement face à la nature ;
nos enfants émerveillés tout au long de
leur vie ? Que faut-il mettre en place pour • le respect des rythmes naturels ;
les y aider ? • le silence et la tranquillité (pour qu’il
puisse être à l’écoute de ce que l’on va
Comme nous venons de l’entre- lui donner)
apercevoir, l’enfant a en lui une force
• instaurer des rituels au quotidien ;
24 Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB
 Dossier
• éveiller les enfants au beau au bon et au
vrai ;
• valoriser la sensibilité (percevoir la réalité
et en capter la beauté) ;
• proposer des contenus culturels adaptés
à leurs âges ;
• les laisser être des enfants (ne pas les
plonger dans un monde adulte trop tôt).
“Notre monde ne périra jamais par manque
de merveilles, mais uniquement par manque
d’émerveillement”, comme le disait si
bien Chesterton. Nous devons revenir à
une société plus inclusive à l’endroit des
enfants et des valeurs liées à l’enfance, en
commençant par l’émerveillement. ■
Clothilde Nollet
www.ulteriados.fr

Michel Sauquet souligne dans son livre “Émerveillement et minorité” que l’“une des
caractéristiques de la spiritualité franciscaine est celle de l’émerveillement qui illustre
bien la propension des franciscains à l’éblouissement devant la création lequel conduit
à la louange, entraîne la joie et fait aborder les rencontres humaines dans un esprit
d’ouverture de découverte et de bien, de bienveillance”. À ce titre, l’héritage le plus
célèbre de saint François est le cantique des créatures composé peu de temps avant sa
mort alors qu’il était devenu presque aveugle. François et Joseph sont engagés dans la
Fraternité Saint-Sauveur, en Puisaye, fraternité d’inspiration franciscaine...
Avec saint François mort. Si nous croyons, et si nous suivons
Saint François d’Assise nous dit dans le le Christ dans les pas du Poverello, notre
Cantique des Créatures qu’“être créé, vocation de Chrétien est de ré-enchanter
c’est être aimé” d’un amour qui nous met le monde pour nos contemporains,
en fraternité cosmique et humaine. Dans nos enfants et ouvrir notre entourage
le mot émerveillement on entend : élan, à l’émerveillement de saint François qui
envol, éveil, lumière, regard transformé, nous dit que par le Christ dans l’hostie
gratitude, feu de joie, transfiguration et par la contemplation de la création, la
des choses, des évènements vécus, des révélation, le royaume de Dieu est sous
êtres, manifestation et présence simple, nos yeux. ■ François
naturelle et bouleversante de Dieu qui Émerveillement de réaliser que le créateur
dans son humilité vient rejoindre notre de l’univers visible et invisible est mon père
pauvreté. L’émerveillement ouvre notre – notre père et qu’il nous aime d’un amour
cœur à la reconnaissance, à la recherche inconditionnel et sur mesure “tu es unique
de la source pour en retour Louer et à mes yeux et je t’aime”…
Rendre Grâce. Devant ces dons gratuits Émerveillement de pouvoir s’abandonner
grandissent en nous la paix, la confiance dans ses bras, sans béquilles, à tout
et l’espérance. instant…
Je suis émerveillé, attendri par toute forme Émerveillement au cœur des épreuves
de vie, par le regard, la présence d’un frère dans nos nuits les plus obscures de ressentir
humain ; la naissance d’un enfant, par ses paradoxalement une paix profonde…
premiers sourires, ses premiers pleurs… Émerveillement, contemplation, louange,
Je suis émerveillé malgré et à cause des imitation et abandon font naturellement
épreuves passées ou à venir que toute vie partie des premiers effets de l’amour
doit rencontrer et surmonter jusqu’à la comme des derniers. ■ Joseph

Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB 25

 Prier

Demandons la grâce
que tout commence aujourd’hui
Maurice Zundel

D emandons la grâce que tout commence aujourd’hui, que notre vie

s’éternise dans un présent donné et qu’il n’y ait plus de retour sur soi,
sur notre passé, plus de regrets des choses qui ne sont plus, mais cette
décision ferme et inébranlable de faire de notre vie un chef-d’œuvre
de lumière et d’amour en étant simplement là au milieu des hommes,
au milieu de notre famille, de notre bureau, de notre société et de ses
enjeux de solidarité, toujours simplement là, comme une présence qui
atteste celle vivante du Christ ressuscité et qui apporte la Lumière et
le sourire de son Amour. ■
Amen

32 Église dans l'Yonne n° 3 - mars 2020 dossier WEB

Un tout petit enfant s’émerveille de tout
Ce qu’il découvre est grand, il ne faut pas en rire.
C’est beau de voir passer le soleil dans les trous
Des volets ; puis, le soir, la grosse lune luire,
De rencontrer des fleurs et des oiseaux partout,
D’apprendre les saisons avant d’apprendre à lire,
– Un tout petit enfant s’émerveille de tout…
C’est lui qui a raison, il ne faut pas en rire.

– Un tout petit enfant, mais c’est un sage, au fond,

Car ça sait contempler, parfois aussi se taire…
Dieu seul sait ce que vaut son silence profond :
Observer, découvrir, c’est une grande affaire.
Mais nous, dans ses yeux purs où l’on voit jusqu’au fond,
Le rêve merveilleux, craignons de le défaire :
– Ne lui parlons pas trop, car c’est un sage au fond
Lui qui sait contempler, parfois aussi se taire.
Élise Bisschop
Poésies et Chansons, Un petit enfant (extraits)

Église dans l’Yonne - Mensuel du diocèse de Sens-Auxerre

Directeur de la publication : Joël Rignault, vicaire général
Rédactrice en chef : Isabelle Téqui
Comité de rédaction : Odile Mariotte, Anne Renard, Laurent
Japiot, Nicolas Tafoiry
Rédacteurs : Odile Mariotte, père Christophe Champenois,
Nicolas Tafoiry
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Rédaction et administration : Association diocésaine de Sens
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Dépôt légal - mars 2020