Vous êtes sur la page 1sur 20

Clarissa Reali

Mémoire de Master Concert


Élève de Maria Diaconu
a.a. 2019/2020

La Magie dans la Musique


Réflexion sur la magie sous toutes ses formes dans nobreux styles musicaux
Introduction:
Dans ce travail, je vais parler du thème de la magie dans la musique, donc de l’art fondé
sur une doctrine qui postule la présence dans la nature de forces immanentes et
surnaturelles, qui peuvent être utilisées par souci d'efficacité, pour produire, au moyen de
formules rituelles et parfois d'actions symboliques méthodiquement réglées, des effets qui
semblent irrationnels.1 Cette thématique semble très générique, mais en même temps très
spécifique. En réalité, l’idée de trouver de la magie dans la musique se révèle être une
entreprise compliquée, parce qu' en fait la magie se présente sous différentes formes.
On peut penser à la magie comme enchantement, ou comme rituel, ou comme prière. Je
trouve très pratique de différencier les trois concepts; ainsi on pourra comprendre mieux
ensuite ce dont on parle: l’enchantement est l’opération magique qui concourt à enchanter
un être ou un objet, à opérer des prestiges, c'est donc une opération effectuée par
quelqu’un sur quelqu’un d’autre. Le rituel, de son côté, est l’ensemble des règles et des
rites d'une religion, d'une association. Autrement dit, les rituels peuvent être religieux, ou
païens. Enfin la prière est l’élévation de l'âme vers Dieu (ou une divinité) pour lui exprimer
son adoration ou sa vénération, ses remerciements ou actions de grâces, pour obtenir ses
grâces ou ses faveurs; c'est aussi l'acte par lequel on s'adresse aux saints pour obtenir
leur intercession auprès de Dieu.2 C’est vraiment important de garder en tête ces
définitions, qui nous seront fort utiles.
Je trouve ce thème fascinant et intéressant, parce qu’ il est si insaisissable, tout en étant
fréquemment imprécis, et parce qu'il est mis en évidence par les musiciens. Par ailleurs,
musique et magie sont liées quasiment depuis l’origine.
J’ai commencé à m’intéresser à cette thématique quand j’ai écrit mon mémoire pour mon
Bachelor il y a deux ans: en fait j’ai procédé à une analyse des figures de l’enchantement,
la signification de ce mot et l’utilisation de cette pratique dans l’opéra, la musique de
chambre, etc. Ce mémoire est la continuation de ce travail entrepris il y a deux ans et son
développement dans une autre direction. L'étude qui m’a aidée à nourrir mes idées et à
améliorer mon mémoire est l’étude de Jules Combarieu La Musique et la Magie3.
Pour avoir une idée plus générale de mon travail, je veux vous expliquer que le fil
conducteur de ce mémoire se fonde sur le concept de comment la magie s’est diffusée
dans la musique, tant dans l’opéra que dans la musique de chambre, et pourquoi elle est
le fil rouge qui lie tous ces genres; sur quoi se fonde la conception de la magie dans la
musique et quelles en sont les origines.
1 Définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. www.cnrtl.fr
2 idem.
3 Jules Combarieu, “La Musique et la Magie. Étude sur les origines populaires de l’art musical son
influences et sa fonction dans les société”; Ed. Alphonse Picard et Fils, Paris, 1909.
Le chant magique:
Le chant magique est un type de chant à propos duquel réfléchissent les doctrines
philosophiques, et qui est à l’œuvre dans les cultes religieux, dans la poésie lyrique, l’art
et les systèmes esthétique. Or il faut savoir que ce type de chant dérive de l’art pa ïen, qui
s’est transformé dans l’art religieux et que la raison de cette transformation est à trouver
dans la tradition: c’est par tradition en fait, qui dérive de l’incantation et de la magie, que la
liturgie est associée au chant. En fait le chant magique a pour but d’obtenir des bénéfices
et s’exprime avec toute l’âme de celui qui chante: il devient donc une œuvre d’amour. En
même temps, le chant liturgique chante l’amour pour les dieux. On peut aussi dire que le
chant liturgique (ainsi que les prières) existent pour obtenir quelque chose: comme le
chant magique, duquel on a parlé auparavant. La difference entre le but du chant magique
et le but du chant liturgique c'est que le chant magique cherche quelque chose de plus
materiel; le chant liturgique par contre recherche un résultat plus «metaphisique», et
extrémement interieur et personel comme par example la beatitude, ou la purification de
l'âme. Ainsi les deux sont comme une sorte de rituel magique, une langue qui crée
l’incantation à travers l’imagination, qui est un des éléments premiers de la poésie, de la
métaphysique et de l’art même. Avant de continuer, je voudrais expliquer un peu mieux
pour quelle raison le chant liturgique peut être vu comme un rituel: si on pense que le
chant religieux est pratiqué par une communauté, qui est unie par le même but et qui fait
la même experience toutes les fois qu'elle se retrouve, alors c'est evident que la pratique
du chant liturgique est elle-même un rituel.
Or, la tradition à laquelle je me suis référée auparavant porte sur les sortilèges et les
incantations, qui selon Combarieu étaient chantés, puis récités et finalement écrits sur des
objets matériaux, que l’on pouvait porter (amulettes). Cependant, sans le recours à la voix,
les incantations étaient jugées inefficaces. Donc, pour préciser encore mieux le concept,
Combarieu affirme que probablement les anciens ont commencé d’abord à chanter les
rituels et seulement après à les parler. Et cela parce que, selon Combarieu, le chant est
une faculté qu’on a naturellement et qui est plus immédiate et instantanée en comparison
du chant.
Un exemple musical très pretinent est la composition de François-Bernard Mâche, Trois
chants sacrés pour voix seule et tambourin. Le compositeur, transpose l’élément rituel
dans sa musique. En fait, revenant aux mythes fondateurs de la Grèce antique, son
œuvre réévalue les rapports entre nature et culture, en traquant les universaux parmi les
modèles sonores, et en s’appuyant sur les structures du langage. Le troisième chant de ce
cycle, s’intitule «Maponos» et est un exemple très éloquent de musique contemporaine,
qui se rattache aux rituels anciens, à travers la structure musicale et le langage utilisé. Vu
que F.B. Mâche est un compositeur peu connu, je voudrais içi approfondir un moment
cette figure. Il a été élève de Oliver Messian et se revèle comme un des createurs de
musique plus innovative du 20° siècle, vu la force de ses recherches. En fait, il a affiné ses
compétences en musicologie, esthetique et linguistique, en devénant «le compositeur et le
savant face à l'univers sonore» 4. Un example très efficace pour comprendre comment ce
compositeur a developpé sa musique est celui qui concerne l'étude que Mâche a
effectuée sur lien entre le chant des humains et celui des oiseaux, en particulier le chant
des perdrix.
Cela est intéréssant pour nous, parce que, si nous suivons ce parcours concéptuèl, on
arrive à penser que donc le chant en general possède une structure qui est
reconnaissable partout.
Alors ce qui est vraiment intéressant, selon moi, c'est que le chant magique, même s’ il se
trouve être antérieur à toutes les constructions d’un système musical, se fonde sur une
organisation interne bien spécifique, parce qu’il obéit à la règle de l’imitation; il est
étranger aux préoccupations esthétiques dans la mesure où il n'est pas pensé pour un
auditeur, parce qu’ il est destiné à quelque chose qui est sensible aux détails d’exécution
mais qui est invisible. Par exemple, on peut penser aux rituels, les plus anciens, qui sont
chantés par les populations païennes, ou pendant des cultes religieux. Les rituels sont
suovant connectés à la religion et au mythe: à travers les rituels, l’être humain cherche la
garantie du maintien de son identité et de celle de sa communauté d’appartenance.
Comme on peut bien comprendre, le rituel à pour but d’obtenir quelque chose. La beauté
de la mélodie, ou de la structure, n’est pas important, parce que ce n'est pas elle qui
garantit le succès du rituel. Il n’est pas chanté pour être écouté avec un sens esthétique
critique, mais plutôt pour afin d’obtenir son propre objectif.
Le concept de répétition est très important dans cette mesure, parce qu’il constitue le lien
entre la magie et le chant. Si on regarde la définition du concept de «rituel» dans le
dictionnaire, on trouvera: «Ensemble des règles et des habitudes fixées par la tradition.» 5
Grâce au mot “habitudes” on peut comprendre que la répétition, en plus qu’être
importante, constitue une norme qui forme le rituel. Toutes deux, la musique et la magie,
si elles n’utilisent pas la répétition pour des mots qui sont importants pour l’auditeur,
utilisent ce système pour créer des rythmes, souvent fondés sur la numération ternaire. Je
parle ici de la théorie selon laquelle le chiffre trois est le chiffre parfait, ou, du moin,
indique une perfection. C’est la raison pour laquelle les rituels ont recours à des rythmes
4 Article “Francois-Bernard Mache, le compositeur et le savant face à l'univers sonore”, Hermann.
5 Definition du Dictionaire Larousse: www.larousse.fr
ternaires: le chiffre trois est la synthèse des chiffres pairs et des chiffres impairs. Or, dans
les religions, les triades divines sont fréquentes et dans la littérature aussi, comme par
exemple dans la Divina Commedia de Dante. Dans cette œuvre le chiffre trois et ses
multiples ont une valeur symbolique.
Je vais içi à expliquer mieux les significations du chiffre trois dans l'œvre de Dante: il se
refère à la theorie de Pythagore selon laquelle le chiffre trois est le chiffre de toutes les
choses. Or, la realité est liée aux chiffres. À ce concept s'ajoute la theorie trinitaire, a
savoir dire le mysthère de la Trinité par lequel Dieu, il est un et trois en même temps. En
plus le chiffre trois est une reference aux trois vertus théologales (Foi, Espérance et
Charité). Comme dernière chose, on peut penser à la structure de la Divina Commedia,
qui est du coup divisée en trois: Enfer, Purgatoire et Paradis. Je pourrais continuer encore
avec les symboles utilisés par Dante, mais je pense que maintenant le concept est clair.
Pour approfondir encore davantage ce concept, il est interessant de noter, comme dans
l'étude de Combarieu, que le chiffre trois est le plus important au niveau du rythm: «Je
remarque pourtant que, de part et d'autre, les nombres favoris de la magie – en ce qui
concerne la repetition – et les nombres musicauz sont les mêmes: 3 et 4 (avec leurs
multiples) sont les principaux. Terna omnia (tout est ternaire), disait le rhéteur Ausone
dans un petit poème consacré à l'eloge du nombre trois.» 6
Après tout cet approfondissement, on peut bien comprendre que le rythme est planifié sur
les mêmes critères que les vers musicaux: des propositions, qui forment des vers inégaux;
vers qui forment des phrases; phrases qui forment des strophes, ou périodes. Pour
comprendre ce que veut dire vers inégaux j'aimerais bien me referer encore une fois à
l'étude de Combarieu et prendre comme example le carmen dans le livre De
medicamentis:

Nec mula parit,


Nec lapis lanam fert,
Nec huic morbo caput crescat, aut si creverit, tabescat.7

6 Cit. “La musique et la magie. Étude sur les origines popoulaires de l'art musical, son influence et sa fonction dans
es sociétés”; J. Combarieu; Ed. Alphonse Picard et fils, Paris, 1909.
7 “Un mulet n'engendre pas; une pierre n'a pas de laine; de même la tête de ce mal ne doit pas grandir, ou, si elle a
grandi, qu'elle se dissolve!”
Dans ce carmen, qui etait utilisé pour guérir les furoncles, on peut voir la structure avec
des vers sans doute inegaux (A, A', B), dont j'ai parlé avant.
Après toutes ces considérations, on peut réfléchir sur le fait que le chant magique soit
connecté à la vie communautaire, parce qu’il constitue un rituel traditionnel. Pour cette
raison, il était utilisé aussi pour les prières aux dieux.
Il faut quand même se rappeler que le texte pour les primitifs n’avait pas une importance
primaire. On a même utilisé des notes en relation avec les dieux mentionnés. Par
exemple, J. Combarieu dit dans son étude que le chanteur-magicien adopte des notes qui
sont en relation avec les dieux et donne à travers la mélodie une place d’honneur au dieu
plus important. Par exemple les notes employées le plus souvent sont le do, le ré et le mi,
qui correspondent respectivement à Saturne, Mercure et la Lune.
En réfléchissant, on peut dire que la voix été considérée comme un instrument magique,
soit quand elle était unie à des formules, soit quand elle était purement sonore.
Tout cela est conforme à l’idée de l’art musical que l’on a encore aujourd’hui. En fait, afin
de donner encore plus de verité à ce discours, on peut prendre comme examples quatre
compositeurs très connus dans la musique classique: Bach, Webern, Boulez ou Berg.
Tous les quatre ont utilisé la numerologie pour représenter des images de la Bible, ou
pour citer les noms des collegues compositeurs, comme dans le cas d' Alban Berg.
Il est donc clair que l'utilisasion des symboles a evolué dans differetes formes, mais le
concept de base reste le même.

Le chant d’amour et la voix des sorcières

Il y a une théorie fort ancienne qui considère les premiers chants de l’homme comme
ayant eu pour objet d’imiter le chant des oiseaux. Les primitifs attribuent toujours au chant
des oiseaux une signification magique, parce qu’ ils chantent qui pour appeler l’hiver, qui
pour amener le printemps; celui-ci veut la pluie, et celui-là veut séduire les oiseaux
femelles.
Cette croyance a conduit à voir, dans le chant des oiseaux, une indication magique de
l’avenir et la constitution de l’art de la séduction. On peut dire que l’incantation d’amour
agit à distance. En admettant que la musique de l’homme soit imitée de celle des oiseaux,
il serait tout naturel qu’on ait attribué à la copie le même pouvoir magique qu’au modèle.
L’enchantement d’amour dans la musique qu’on connaît aujourd’hui est utilisé soit pour se
faire aimer à travers la musique, comme par exemple la sérénade dont se sert Don
Giovanni, quand il chante à la fenêtre de Donna Elvira, soit pour triompher des adversités,
comme dans l’opéra Il Trovatore de G. Verdi; c’est un moyen sûr de créer ou rétablir
l’union de deux coeurs, comme par exemple dans Le Nozze di Figaro de Mozart.
En effet, la musique et le chant particulièrement, est l’un des arts les plus intimes, les plus
personnels et plus sincères de l’homme. Or, l’amour prend parfois une connotation plus
négative, parce que l’homme établit un lien avec l’esprit d’amour et le Dieu d’amour, et
alors il considère la grande passion comme une souffrance. La seule manière de guérir
est de recourir aux enchantements spéciaux (je parle par exemple des philtres) pour
échapper à cette maladie.
Selon l’expérience de la majorité d'entre nous, l’amour se manifeste dans différentes
formes, lesquelles sont exprimées en musique par des compositeurs. Mais il faut
remarquer que l’amour de la fable, qui termine avec: «Ils vécurent heureux pendant très
longtemps» est celui idéal avec lequel on grandit. La mélodie, qui illustre parfaitement ce
concept est “La belle au bois dormant”, de Debussy. Tant le texte que la musique
représentent le cliché de la fable avec les deux personnages principaux. Forcement, si la
belle dort, c'est que des personnages malephiques l'ont mise dans cet état.
Cette mélodie, sur un texte de Vincent Hyspa, reprend le thème du sommeil de la Belle au
bois dormant et des aventures d'un chevalier venant à elle. La conclusion prend
cependant le contrepied du conte classique : au lieu du réveil de la Belle, le chevalier «au
casque couleur de lune» (cachant une «chevelure pleine de soleil») a «volé l'anneau
vermeil». Cette mélodie alterne entre couplets narrant les aventures du chevalier
(caractérisés musicalement par le motif ascendant entendu dès la première mesure) et
refrains, décrivant le sommeil de la belle naïve.

Motif du chevalier.
Au premier refrain apparaît la référence au sommeil enchanté de la Belle, que Debussy
harmonise de la manière la plus « classique».

Motif de la belle au bois dormant.

Dès le premier de ces enchaînements, la conduite des voix renforce encore cet effet en
suivant leurs mouvements obligés. Les oppositions entre types de systèmes musicaux
constituent clairement la source du dynamisme de cette mélodie, alors que les
associations entre texte et musique sont particulièrement explicites. De cette manière
Debussy sous-tend aussi les personnages qui sont notamment maléfiques, comme par
exemple les sorcières.

Il convient maintenant de regrouper deux des compositions les plus descriptives du XIX
siècle: «Hexenlied» (1827) de Mendelssohn et «Walpurgisnacht» (1878) de Brahms. Si le
premier est un lied et le deuxième un duo, la forme musicale est la même. Les deux ont,
en effet, une structure régulière en strophes. En plus, dans les deux compositions, le texte
est chanté par les sorcieres-mêmes. Dans «Hexenlied», le personnage principal décrit la
situation présente de préparation pour ce que va venir: “Bald huschen wir lies aus der Tür,
juchheissa zur prächtigen Tänze” (Tôt on sortira en silence, pour aller au magnifique bal).
«Walpurgisnacht» suit le même fil rouge de la narration, mais rajoute une voix, qui est la
voix de la petite fille du personnage narrateur. Pendant toute la narration, nous ne
comprenons pas très bien le but pursuivi par la mère, qui explique à la fille les traditions
des sorcières. On comprend seulement à la fin que la mère est effectivement elle-même
une sorcière! Dans les deux compositions, le thème de la nuit de Walpurgis est commun
et la description de l’atmosphère de cette nuit est complètement confiée au piano. Donc,
pendant que les voix nous décrivent le paysage fabuleux qui suscite notre imagination, le
piano traduit le climat de la nuit la plus mystérieuse de la culture païenne.

Les personnages fabuleux: les fées

Le mystère et l’imaginaire fabuleux sont partagés par Malipiero dans sa composition I


sonetti delle Fate (1914) sur des poèmes de Gabriele D’Annunzio. Les personnages sont,
cette fois, les fées et non pas les sorcières, mais d’une certaine manière le lien entre les
deux caractères est donné par les indications du compositeur. Il écrit, par exemple dans le
premier sonnet: “con grande mistero” (Très mystérieux) et il commence avec un son
souple, sinistre, qui est joué par la basse. En plus, il est bien connu que les fées, avant
d’être des personnages bienveillants, étaient des figures ambiguës, qui pouvaient rev êtir
de nombreuses formes, ou qui pouvaient subir différentes transformations, et avec
lesquelles il valait mieux ne pas parler, ou qu’il valait mieux ne pas regarder, pour ne pas
susciter leur colère, et éviter de s’attirer de fâcheuses conséquences. Les fées qui sont
décrites dans la composition de Malipiero/D’Annunzio sont au nombre de six: Eliana,
Miranda, Melusina, Gratina, Morgana et Oriana. Chacune d’entre elles a des pouvoirs,
non seulement liés à la beauté, mais toutes sont des princesses et habitent dans des
royaumes qu'elles possèdent. Mon expérience avec l’étude de certaines personnages a
été compliquée, parce qu’elles sont des figures vraiment différentes de toutes les autres et
il n’est pas du tout évident de comprendre leur nature. L’approfondissement de ces
sonnets a été pour moi fondamental dans la découverte des différentes significations de la
magie. Dans ces sonnets, comme dans toutes les fables, les elements descriptifs sont
tellement nombreu et precis, qu’il est facile de prendre ces histoires pour vraies. On a
ainsi un effet de vraisemblence, bien que le vocabulaire soit complexe.

La reine de toutes les fées qui habitent le bois est la belle et blonde Tytania. Consacrée
comme personnage principal dans l’œuvre de Shakespeare A Midsummer Night’s Dream,
elle est aussi la gracieuse et en même temps mystérieuse créature qui chante dans
l’œuvre musicale de Britten. Ses deux airs sont «Come, come now a roundel», et «Be kind
and courteous». Les thèmes récurrents en sont toujours la grâce, la courtoisie, le bonheur
et la légèreté, typiques de ces figures merveilleuses. L’étude et l’analyse de ces airs m’a
permis de noter combien le personnage de la fée, pour Shakespeare, était déjà considéré
comme une figure bonne et gentille. En conséquence, Benjamin Britten crée des palettes
de styles musicaux, tour à tour légères et majestueuses, brillantes et sensuelles. Il
dessine ainsi une composition subtile et divertissante et exprime idéalement le monde
merveilleux des fées tout comme les traditions paysannes. Comme dans un rêve, le temps
d’une nuit d’été, la confusion règne parmi plusieurs couples, dans l’univers chimérique des
fées et dans le monde.

Donc pour moi la musique vocale qui parle de la magie se charge de symboles qui sont
évident pour l'immaginaire commun. On peut vraiment parcourir un chemin un peu plus
dramatique au niveau de l’histoire, mais en même temps prendre plaisir à un côté
divertissant. Le personnage de la fée peut transmettre ce message léger, mais aussi
mystérieux, de magie noire, d’incertitude. Et la même chose a lieu avec la figure de la
sorcière: les deux compositeurs W.S. Gilbert et A. Sullivan utilisent juste cette figure pour
créer un opéra drôle et rempli de qui pro quo. Ils ont composé en fait l'opéra The Sorcerer
qui donne vie à une croyance magique dans la réalité des personnages principaux. Donc
dans ce cas le malentendu est le moteur qui fait rire le public et qui également est créé par
la magie “obscure”. Selon mon expérience d'écoute de cet opéra, j’ai trouvé que cet opéra
suivait plutôt un style d’opérette que de vrai opéra dramatique (comme Parsifal), ou opéra
divertissant (comme pour le style italien L'Elisir d'amore). Aussi l’accompagnement
orchestral est plus léger et ainsi le chant donne à l’auditeur l’impression d’un chant
naturel, sans effort.

Le scénario un peu compliqué et paradoxal est typique de la narration comique, mais est
assez difficile à réaliser. Le jeu dans le jeu et l’imbrication de la narration sont, selon moi,
parfaitement élaborés et mis au point par Verdi dans l’opéra Falstaff. En fait, Nannetta
combine les deux personnages, la sorcière et la fée, dans un seul. Dans l’air de Verdi et
grâce au livret de Boito, le morceau s’est fait plus doux, mais dans la version originale de
Shakespeare, le climat était plus inquiétant. Ce moment, où Nannetta chante, est une des
rares fois où on trouve un vrai air dans cet opéra. Elle, personnification de la candeur de la
jeunesse, se déguise en reine des fées et invite les compagnes magiques à faire un rituel
en écrivant des mots mystérieux avec les pétales des fleurs. Les références à tous les
éléments de conte de fées sont extrêmement précis: le bois, la lune, le paysage
bucolique, la danse et le chant magique. Verdi ne se limite pas à cela, mais il décrit les
fées et la nature comme gardiens de quelque chose de plus grand que l’être humain:
“Erriam sotto la luna, scegliendo fior da fiore/ ogni corolla in core, porta la sua fortuna”. 8
L’air de Nannetta reste l’un des plus beaux airs de l’opéra italien, non seulement pour la
musique, mais surtout pour le texte, pas évident à saisir, mais précieux et raffiné.

Conclusions

Cet dernier air de Nannetta fait partie de mon programme de récital, comme toutes les
œuvres auxquelles j'ai fait référence dans ce travail. Elle conclut ce mémoire, en fermant
le cercle magique que j’ai ouvert au début de cette réflexion. Pour moi, l’air “Sul fil d’un
soffio etesio” représente parfaitement toutes les formes magiques que j’ai cherché à
analyser dans ce parcours: le rituel, l’enchantement, l’utilisation des personnages bons et
des méchants, le paysage bucolique et naturel, la magie d’amour et la magie salvatrice,
celle qui vise à aider autrui. Néanmoins, le sens de ce travail n’était pas la pure analyse
des formes magiques, ni la description ou la recherche d’une musique purement magique,
qui peut avoir de nombreuses significations. J’ai développé le sens de ce travail chemin
faisant, parce que l’étude et la découverte de la magie, la vraie, celle qui a ses origines
dans les populations plus anciennes, qui utilisaient la musique pour exprimer leur propre
âme, m’a fascinée et enthousiasmée en même temps.

En écoutant les œuvres que je me suis proposé d’analyser, et par l’analyse même, j'ai
montré comment un sujet comme celui-ci se trouve être extrêmement banalisé. En réalité,
les sources depuis lesquelles prendre inspiration son quasi inexistantes, et
l'approfondissement est faible. Je veux dire par là que peu de choses ont été écrites sur le
sujet. Si on s’aventure dans les nombreux parcours que la magie propose, on se rend
sûrement compte de comment un thème comme la magie est peu compris, et étudié
seulement en surface. C’est assez compréhensible, vu que la magie reste encore
aujourd’hui un sujet bizarre et mystérieux pour nos esprits; surtout parce qu' on est écrasé
par la matérialité des choses et des événements, au point que la magie nous semble trop
abstraite pour être comprise. Dans la réalité, je pense qu' elle est seulement trop
profonde, qu’on l’à mise de côté et que pour cela elle ne nous semble plus une part de
l’être humain, mais seulement quelque chose de supérieur à nous et qui probablement
n’existe pas.
8 “Essaim de la nuit brune, Glissez sur les soupirs de l'air”
J’espère avec ce travail avoir rallumé la curiosité à l’égard de cette question, assez
délaissée, et j’espère avoir montré comment la musique liée à la magie n’est pas
simplement celle qui recourt à des mots imputables à la fable, ou au fantastique. La vraie
musique magique a des origines très anciennes, est liée aux dieux, et au peuple: ça veut
dire qu' elle assure un dialogue entre le peuple et les dieux. Elle est étraingère à nos
préoccupations de tous les jours. Il n'appartient plus à notre culture de convoquer la magie
pour résudre tel ou tel problème. En même temps, simplement, elle appartient à l'être
humain et l’âme seule peut la comprendre.
Appendix

Dans cette appendix vous trouverez tous les textes des morceaux auquels je me suis
referée dans ce travail.

François-Bernard Mâche: Trois chants sacrés pour voix seule et tambourin - Maponos

Insinde, se insinde.
Se bnanom brikhtom anuana.
Sananderna widlu, widluias.
Tigontias widluias widluias eianom brikhtom.
Adsaksona wolunget, wo du noderke.
Sewerim tertioniknim lissatim likiatim.
Eianom utonid nitiksintor.
Luge dessumis, Maponnon.
Lukse!

Claude Debussy: La belle au bois dormant

Des trous à son pourpoint vermeil,

Un chevalier va par la brune,

Les cheveux tout pleins de soleil,

Sous un casque couleur de lune.

Dormez toujours, dormez au bois,

L'anneau, la Belle, à votre doigt.

Dans la poussière des batailles,

Il a tué loyal et droit,

En frappant d'estoc et de taille,

Ainsi que frapperait un roi.


Dormez au bois, où la verveine,

Fleurit avec la marjolaine.

Et par les monts et par la plaine,

Monté sur son grand destrier,

Il court, il court à perdre haleine,

Et tout droit sur ses étriers.

Dormez la Belle au Bois, rêvez

Q'un prince vous épouserez.

Dans la forêt des lilas blancs,

Sous l'éperon d'or qui l'excite,

Son destrier perle de sang

Les lilas blancs, et va plus vite.

Dormez au bois, dormez, la Belle

Sous vos courtines de dentelle.

Mais il a pris l'anneau vermeil,

Le chevalier qui par la brune,

A des cheveux pleins de soleil,

Sous un casque couleur de lune.

Ne dormez plus, La Belle au Bois,

L'anneau n'est plus à votre doigt.


Felix Mendelssohn: Hexenlied

Die Schwalbe fliegt, der Frühling siegt


und spendet uns Blumen zum Kranze:
bald huschen wir leis aus der Tür
und fliegen zum prächtigen Tanze.
Ein schwarzer Bock, ein Besenstock,
die Ofengabel, der Wocken
reisst uns geschwind,
wie Blitz und Wind,
durch sausende Lüfte zum Brocken;

Um Beelzebub tanzt unser Trupp


und küsst ihm die kralligen Hände,
ein Geisterschwarm fasst uns beim Arm
und schwinget im Tanzen die Brände!
Und Beelzebub verheisst dem Trupp
der Tanzenden Gaben auf Gaben:
sie sollen schön in Seide gehn
und Töpfe voll Goldes sich graben.

Ein Feuerdrach umflieget das Dach


und bringet uns Butter und Eier.
Die Nachbarn dann sehn die Funken wehn
und schlagen ein Kreuz vor dem Feuer.
Die Schwalbe fliegt, der Frühling siegt,
die Blumen erblühen zum Kranze.
Bald huschen wir leis aus der Tür,
juchheissa zum prächtigen Tanze.

Johannes Brahms: Walpurgisnacht

Lieb Mutter, heut Nacht heulte Regen und Wind.


-- Ist heute der erste Mai, liebes Kind!
Liebe Mutter, es donnerte auf dem Brocken oben.

-- Liebes Kind, es waren die Hexen droben.

Liebe Mutter, ich möcht' keine Hexen sehn.

-- Liebes Kind, es ist wohl schon oft geschehn.

Liebe Mutter, ob wohl im Dorf Hexen sind?

-- Sind dir wohl näher, mein liebes Kind.

Ach Mutter, worauf fliegen die Hexen zum Berg?

-- Auf Nebel, auf Rauch, auf loderndem Werg.

Ach Mutter, was reiten die Hexen beim Spiel?

-- Sie reiten, sie reiten den Besenstiel.

Ach Mutter, was fegten im Dorfe die Besen!

-- Es sind auch viel Hexen auf'm Berge gewesen.

Ach Mutter, was hat es im Schornstein gekracht.

-- Es flog auch wohl Eine hinaus über Nacht.

Ach Mutter, dein Besen war in der Nacht nicht zuhaus.

-- Lieb's Kind, so war er zum Brocken hinaus.

Ach Mutter, dein Bette war leer in der Nacht.

-- Deine Mutter hat oben auf dem Blocksberg gewacht.

Gian Francesco Malipiero: I sonetti delle fate:

Eliana

Dorme a notte il palagio d'Eliana,


Simile a un dòmo gotico d'argento.
Or, ne la luce senza mutamento,
Pare un fragile incanto di Morgana.
Armoniosa come uno stromento
Apresi a torno l'alta ombra silvana;
Ed a piè de la scala una fontana
Singhiozza in ritmo ne 'l silenzio intento.
A torme a torme candidi paoni
Lenti, silenti come neve in aria,
Discendono su l'agili ringhiere.
Sono le spose morte di piacere,
Che tentan la dimora solitaria.
E il bosco è pieno d'implorazioni.

Mirinda

Mirinda e il fido, ne l'occulta stanza


Adagiati su' troni orientali,
Dilettansi a gittar lucidi strali
Sotto i piè d'un fanciul nudo che danza.
Un grande e bianco augello, a passi equali,
Carico d'otri, sparge in abondanza
Acque d'ambra d'insolita fragranza
Sui marmi che dan lume ai penetrali,
"Vedrem fiori, com' ampie urne fiorire;
Berremo un vin ne' puri alvi de' frutti;
E guarderemo entro smeraldi il sole."
Dice Mirinda. E il termulo nitrire
De' liocorni e il murmure de' flutti
Si mescono a le sue lente parole.

Melusina

Guarda, assisa, la vaga Melusina,


Tenendo il capo tra le ceree mani,
La Luna in arco da' boschi lontani
Salir vermiglia il ciel di Palestina.
Da l'alto de la torre saracina,
Ella sogna il destin de' Lusignani;
E innanzi al tristo rosseg(g)iar de' piani,
Sente de 'l suo finir l'ora vicina.
Già, già, viscida e lunga, ella le braccia
Vede coprirsi di pallida squama,
Le braccia che fiorian sì dolcemente.
Scintilla inrigidita la sua faccia
E bilingue la sua bocca in van chiama
Poi che a 'l cuor giunge il freddo de 'l serpente.

Grasinda

Dorme Grasinda in mezzo a' suoi tesori,

Ove l'incanto un sonno alto le impose.


E l'intima dolcezza de le cose
Ver lei migra in assai vaghi romori.
Fremono a torno li alberi canori,
Da la grande armonia piovendo rose
Quasi che pre virtù misteriose
Si rispandano i suoni in rari fiori.
Lento il corpo ne 'l sonno a 'l ritmo cede;
Compongonsi le membra agili in arco
E prendon forma di lunata lira.
Si tendono le chiome argute al piede
Facendo strano a' due pollici incarco;
E su tal corda l'anima sospira.

Morgana

Or tremule, su i mar e su le arene,


Crescon ne la lunare alba le imagi:
Materiati d'oro alti palagi
E torri ingenti assai più che Pirene.
Salgono scale in luminose ambagi
Con inteste di fior lunghe catene.
Come navi in balìa de le sirene,
Ondeggiano le pendule compagi;
Poi che Morgana, in dolce atto giacente
Ne 'l letto de la nube solitaria,
Quasi ebra di quel suo divin lavoro,
Ama, seguendo un carme ne la mente,
Cullare de le man languide a l'aria
La città da le mille scale d'oro.

Oriana - Oriana infedele

Oriana tenea l'incantamento.


Giacean, ebri d'assai dolci veleni,
Ne l'antro i prodi; e larga di sereni
Sogni la Luna era a l'umano armento.
Pascean su 'l limitare i palafreni
Meravigliosi, li èmuli de 'l vento:
Battean la lunga coda in moto lento
A la coscia, e nitrian per li alti fieni.
Giunse Amadigi a l'antro solitario,
Tutto de l'armi splendide vestito;
E tre volte sonò, ne 'l muto orrore.
Quindi, rompendo il magico velario
Che l'edera tessea, con quell'ardito
Gesto egli prese ad Oriana il cuore.

Quando Amadigi con l'eterna amante


Giunse a l'isola Ferma (auree ne 'l giorno
Lucean le mura ed i verzieri in torno
Aulivano), le porte d'adamante
S'apriron mute e gravi, a 'l suon de 'l corno,
Ma, lasciando Oriana a Floridante,
Il Donzello del mare, almo e raggiante,
Penetrò solo ne 'l divin soggiorno.
Disse a la donna il bel sir di Castiglia:
Ahi che troppo di te m'arse il desio!
Or tu m'odi! E la trasse ai labirinti
Mago ne l'aria odore di jacinti
Vinse Oriana de 'l soave oblio.
Ridea Lurchetto in sua faccia vermiglia.

Benjamin Britten - A midsummer night's dream:

Come, come now a roundel

Come, now a roundel and a fairy song;


Then, for the third part of a minute, hence;
Some to kill cankers in the musk-rose buds,
Some war with reremice for their leathern wings,
To make my small elves coats, and some keep back
The clam'rous owl that nightly hoots and wonders
At our quaint spirits. Sing me now asleep;
Then to your offices and let me rest.

Be kind and corteous

Be kind and courteous to this gentleman;


Hop in his walks and gambol in his eyes;
Feed him with apricocks and dewberries,
With purple grapes, green figs, and mulberries;
The honey-bags steal from the humble-bees,
And for night-tapers crop their waxen thighs
And light them at the fiery glow-worm's eyes,
To have my love to bed and to arise;
Nod to him, elves, and do him courtesies.

Giuseppe Verdi – Sul fil d'un soffio etesio:

Sul fil d'un soffio etesio


scorrete, agili larve;
fra i rami un baglior cesio
d'alba lunare apparve.
Danzate! E il passo blando
misuri un blando suon,
la magiche accoppiando carole
alla canzon.

(Cœur)
La selva dorme
e sperde incenso ed ombra;
e par nell'aer denso
un verde asilo in fondo al mar.

(Nannetta)
Erriam sotto la luna
scegliendo fior da fiore;
ogni corolla in core
porta la sua fortuna.
Coi gigli e le viole
scriviam de' nomi arcani;
dalle fatate mani
germoglino parole...
parole alluminate di puro argento
e d'or...
carmi e malìe.
Le fate hanno, per cifre,
i fior.

(Cœur)
Moviam ad una ad una
sotto il lunare albor
verso la quercia bruna del nero Cacciatore

(Nannetta)
Le fate hanno per cifre i fior

(Cœur)
Verso la quercia bruna del nero Cacciator.

Vous aimerez peut-être aussi