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6 Cit. “La musique et la magie. Étude sur les origines popoulaires de l'art musical, son influence et sa fonction dans
es sociétés”; J. Combarieu; Ed. Alphonse Picard et fils, Paris, 1909.
7 “Un mulet n'engendre pas; une pierre n'a pas de laine; de même la tête de ce mal ne doit pas grandir, ou, si elle a
grandi, qu'elle se dissolve!”
Dans ce carmen, qui etait utilisé pour guérir les furoncles, on peut voir la structure avec
des vers sans doute inegaux (A, A', B), dont j'ai parlé avant.
Après toutes ces considérations, on peut réfléchir sur le fait que le chant magique soit
connecté à la vie communautaire, parce qu’il constitue un rituel traditionnel. Pour cette
raison, il était utilisé aussi pour les prières aux dieux.
Il faut quand même se rappeler que le texte pour les primitifs n’avait pas une importance
primaire. On a même utilisé des notes en relation avec les dieux mentionnés. Par
exemple, J. Combarieu dit dans son étude que le chanteur-magicien adopte des notes qui
sont en relation avec les dieux et donne à travers la mélodie une place d’honneur au dieu
plus important. Par exemple les notes employées le plus souvent sont le do, le ré et le mi,
qui correspondent respectivement à Saturne, Mercure et la Lune.
En réfléchissant, on peut dire que la voix été considérée comme un instrument magique,
soit quand elle était unie à des formules, soit quand elle était purement sonore.
Tout cela est conforme à l’idée de l’art musical que l’on a encore aujourd’hui. En fait, afin
de donner encore plus de verité à ce discours, on peut prendre comme examples quatre
compositeurs très connus dans la musique classique: Bach, Webern, Boulez ou Berg.
Tous les quatre ont utilisé la numerologie pour représenter des images de la Bible, ou
pour citer les noms des collegues compositeurs, comme dans le cas d' Alban Berg.
Il est donc clair que l'utilisasion des symboles a evolué dans differetes formes, mais le
concept de base reste le même.
Il y a une théorie fort ancienne qui considère les premiers chants de l’homme comme
ayant eu pour objet d’imiter le chant des oiseaux. Les primitifs attribuent toujours au chant
des oiseaux une signification magique, parce qu’ ils chantent qui pour appeler l’hiver, qui
pour amener le printemps; celui-ci veut la pluie, et celui-là veut séduire les oiseaux
femelles.
Cette croyance a conduit à voir, dans le chant des oiseaux, une indication magique de
l’avenir et la constitution de l’art de la séduction. On peut dire que l’incantation d’amour
agit à distance. En admettant que la musique de l’homme soit imitée de celle des oiseaux,
il serait tout naturel qu’on ait attribué à la copie le même pouvoir magique qu’au modèle.
L’enchantement d’amour dans la musique qu’on connaît aujourd’hui est utilisé soit pour se
faire aimer à travers la musique, comme par exemple la sérénade dont se sert Don
Giovanni, quand il chante à la fenêtre de Donna Elvira, soit pour triompher des adversités,
comme dans l’opéra Il Trovatore de G. Verdi; c’est un moyen sûr de créer ou rétablir
l’union de deux coeurs, comme par exemple dans Le Nozze di Figaro de Mozart.
En effet, la musique et le chant particulièrement, est l’un des arts les plus intimes, les plus
personnels et plus sincères de l’homme. Or, l’amour prend parfois une connotation plus
négative, parce que l’homme établit un lien avec l’esprit d’amour et le Dieu d’amour, et
alors il considère la grande passion comme une souffrance. La seule manière de guérir
est de recourir aux enchantements spéciaux (je parle par exemple des philtres) pour
échapper à cette maladie.
Selon l’expérience de la majorité d'entre nous, l’amour se manifeste dans différentes
formes, lesquelles sont exprimées en musique par des compositeurs. Mais il faut
remarquer que l’amour de la fable, qui termine avec: «Ils vécurent heureux pendant très
longtemps» est celui idéal avec lequel on grandit. La mélodie, qui illustre parfaitement ce
concept est “La belle au bois dormant”, de Debussy. Tant le texte que la musique
représentent le cliché de la fable avec les deux personnages principaux. Forcement, si la
belle dort, c'est que des personnages malephiques l'ont mise dans cet état.
Cette mélodie, sur un texte de Vincent Hyspa, reprend le thème du sommeil de la Belle au
bois dormant et des aventures d'un chevalier venant à elle. La conclusion prend
cependant le contrepied du conte classique : au lieu du réveil de la Belle, le chevalier «au
casque couleur de lune» (cachant une «chevelure pleine de soleil») a «volé l'anneau
vermeil». Cette mélodie alterne entre couplets narrant les aventures du chevalier
(caractérisés musicalement par le motif ascendant entendu dès la première mesure) et
refrains, décrivant le sommeil de la belle naïve.
Motif du chevalier.
Au premier refrain apparaît la référence au sommeil enchanté de la Belle, que Debussy
harmonise de la manière la plus « classique».
Dès le premier de ces enchaînements, la conduite des voix renforce encore cet effet en
suivant leurs mouvements obligés. Les oppositions entre types de systèmes musicaux
constituent clairement la source du dynamisme de cette mélodie, alors que les
associations entre texte et musique sont particulièrement explicites. De cette manière
Debussy sous-tend aussi les personnages qui sont notamment maléfiques, comme par
exemple les sorcières.
Il convient maintenant de regrouper deux des compositions les plus descriptives du XIX
siècle: «Hexenlied» (1827) de Mendelssohn et «Walpurgisnacht» (1878) de Brahms. Si le
premier est un lied et le deuxième un duo, la forme musicale est la même. Les deux ont,
en effet, une structure régulière en strophes. En plus, dans les deux compositions, le texte
est chanté par les sorcieres-mêmes. Dans «Hexenlied», le personnage principal décrit la
situation présente de préparation pour ce que va venir: “Bald huschen wir lies aus der Tür,
juchheissa zur prächtigen Tänze” (Tôt on sortira en silence, pour aller au magnifique bal).
«Walpurgisnacht» suit le même fil rouge de la narration, mais rajoute une voix, qui est la
voix de la petite fille du personnage narrateur. Pendant toute la narration, nous ne
comprenons pas très bien le but pursuivi par la mère, qui explique à la fille les traditions
des sorcières. On comprend seulement à la fin que la mère est effectivement elle-même
une sorcière! Dans les deux compositions, le thème de la nuit de Walpurgis est commun
et la description de l’atmosphère de cette nuit est complètement confiée au piano. Donc,
pendant que les voix nous décrivent le paysage fabuleux qui suscite notre imagination, le
piano traduit le climat de la nuit la plus mystérieuse de la culture païenne.
La reine de toutes les fées qui habitent le bois est la belle et blonde Tytania. Consacrée
comme personnage principal dans l’œuvre de Shakespeare A Midsummer Night’s Dream,
elle est aussi la gracieuse et en même temps mystérieuse créature qui chante dans
l’œuvre musicale de Britten. Ses deux airs sont «Come, come now a roundel», et «Be kind
and courteous». Les thèmes récurrents en sont toujours la grâce, la courtoisie, le bonheur
et la légèreté, typiques de ces figures merveilleuses. L’étude et l’analyse de ces airs m’a
permis de noter combien le personnage de la fée, pour Shakespeare, était déjà considéré
comme une figure bonne et gentille. En conséquence, Benjamin Britten crée des palettes
de styles musicaux, tour à tour légères et majestueuses, brillantes et sensuelles. Il
dessine ainsi une composition subtile et divertissante et exprime idéalement le monde
merveilleux des fées tout comme les traditions paysannes. Comme dans un rêve, le temps
d’une nuit d’été, la confusion règne parmi plusieurs couples, dans l’univers chimérique des
fées et dans le monde.
Donc pour moi la musique vocale qui parle de la magie se charge de symboles qui sont
évident pour l'immaginaire commun. On peut vraiment parcourir un chemin un peu plus
dramatique au niveau de l’histoire, mais en même temps prendre plaisir à un côté
divertissant. Le personnage de la fée peut transmettre ce message léger, mais aussi
mystérieux, de magie noire, d’incertitude. Et la même chose a lieu avec la figure de la
sorcière: les deux compositeurs W.S. Gilbert et A. Sullivan utilisent juste cette figure pour
créer un opéra drôle et rempli de qui pro quo. Ils ont composé en fait l'opéra The Sorcerer
qui donne vie à une croyance magique dans la réalité des personnages principaux. Donc
dans ce cas le malentendu est le moteur qui fait rire le public et qui également est créé par
la magie “obscure”. Selon mon expérience d'écoute de cet opéra, j’ai trouvé que cet opéra
suivait plutôt un style d’opérette que de vrai opéra dramatique (comme Parsifal), ou opéra
divertissant (comme pour le style italien L'Elisir d'amore). Aussi l’accompagnement
orchestral est plus léger et ainsi le chant donne à l’auditeur l’impression d’un chant
naturel, sans effort.
Le scénario un peu compliqué et paradoxal est typique de la narration comique, mais est
assez difficile à réaliser. Le jeu dans le jeu et l’imbrication de la narration sont, selon moi,
parfaitement élaborés et mis au point par Verdi dans l’opéra Falstaff. En fait, Nannetta
combine les deux personnages, la sorcière et la fée, dans un seul. Dans l’air de Verdi et
grâce au livret de Boito, le morceau s’est fait plus doux, mais dans la version originale de
Shakespeare, le climat était plus inquiétant. Ce moment, où Nannetta chante, est une des
rares fois où on trouve un vrai air dans cet opéra. Elle, personnification de la candeur de la
jeunesse, se déguise en reine des fées et invite les compagnes magiques à faire un rituel
en écrivant des mots mystérieux avec les pétales des fleurs. Les références à tous les
éléments de conte de fées sont extrêmement précis: le bois, la lune, le paysage
bucolique, la danse et le chant magique. Verdi ne se limite pas à cela, mais il décrit les
fées et la nature comme gardiens de quelque chose de plus grand que l’être humain:
“Erriam sotto la luna, scegliendo fior da fiore/ ogni corolla in core, porta la sua fortuna”. 8
L’air de Nannetta reste l’un des plus beaux airs de l’opéra italien, non seulement pour la
musique, mais surtout pour le texte, pas évident à saisir, mais précieux et raffiné.
Conclusions
Cet dernier air de Nannetta fait partie de mon programme de récital, comme toutes les
œuvres auxquelles j'ai fait référence dans ce travail. Elle conclut ce mémoire, en fermant
le cercle magique que j’ai ouvert au début de cette réflexion. Pour moi, l’air “Sul fil d’un
soffio etesio” représente parfaitement toutes les formes magiques que j’ai cherché à
analyser dans ce parcours: le rituel, l’enchantement, l’utilisation des personnages bons et
des méchants, le paysage bucolique et naturel, la magie d’amour et la magie salvatrice,
celle qui vise à aider autrui. Néanmoins, le sens de ce travail n’était pas la pure analyse
des formes magiques, ni la description ou la recherche d’une musique purement magique,
qui peut avoir de nombreuses significations. J’ai développé le sens de ce travail chemin
faisant, parce que l’étude et la découverte de la magie, la vraie, celle qui a ses origines
dans les populations plus anciennes, qui utilisaient la musique pour exprimer leur propre
âme, m’a fascinée et enthousiasmée en même temps.
En écoutant les œuvres que je me suis proposé d’analyser, et par l’analyse même, j'ai
montré comment un sujet comme celui-ci se trouve être extrêmement banalisé. En réalité,
les sources depuis lesquelles prendre inspiration son quasi inexistantes, et
l'approfondissement est faible. Je veux dire par là que peu de choses ont été écrites sur le
sujet. Si on s’aventure dans les nombreux parcours que la magie propose, on se rend
sûrement compte de comment un thème comme la magie est peu compris, et étudié
seulement en surface. C’est assez compréhensible, vu que la magie reste encore
aujourd’hui un sujet bizarre et mystérieux pour nos esprits; surtout parce qu' on est écrasé
par la matérialité des choses et des événements, au point que la magie nous semble trop
abstraite pour être comprise. Dans la réalité, je pense qu' elle est seulement trop
profonde, qu’on l’à mise de côté et que pour cela elle ne nous semble plus une part de
l’être humain, mais seulement quelque chose de supérieur à nous et qui probablement
n’existe pas.
8 “Essaim de la nuit brune, Glissez sur les soupirs de l'air”
J’espère avec ce travail avoir rallumé la curiosité à l’égard de cette question, assez
délaissée, et j’espère avoir montré comment la musique liée à la magie n’est pas
simplement celle qui recourt à des mots imputables à la fable, ou au fantastique. La vraie
musique magique a des origines très anciennes, est liée aux dieux, et au peuple: ça veut
dire qu' elle assure un dialogue entre le peuple et les dieux. Elle est étraingère à nos
préoccupations de tous les jours. Il n'appartient plus à notre culture de convoquer la magie
pour résudre tel ou tel problème. En même temps, simplement, elle appartient à l'être
humain et l’âme seule peut la comprendre.
Appendix
Dans cette appendix vous trouverez tous les textes des morceaux auquels je me suis
referée dans ce travail.
François-Bernard Mâche: Trois chants sacrés pour voix seule et tambourin - Maponos
Insinde, se insinde.
Se bnanom brikhtom anuana.
Sananderna widlu, widluias.
Tigontias widluias widluias eianom brikhtom.
Adsaksona wolunget, wo du noderke.
Sewerim tertioniknim lissatim likiatim.
Eianom utonid nitiksintor.
Luge dessumis, Maponnon.
Lukse!
Eliana
Mirinda
Melusina
Grasinda
Morgana
(Cœur)
La selva dorme
e sperde incenso ed ombra;
e par nell'aer denso
un verde asilo in fondo al mar.
(Nannetta)
Erriam sotto la luna
scegliendo fior da fiore;
ogni corolla in core
porta la sua fortuna.
Coi gigli e le viole
scriviam de' nomi arcani;
dalle fatate mani
germoglino parole...
parole alluminate di puro argento
e d'or...
carmi e malìe.
Le fate hanno, per cifre,
i fior.
(Cœur)
Moviam ad una ad una
sotto il lunare albor
verso la quercia bruna del nero Cacciatore
(Nannetta)
Le fate hanno per cifre i fior
(Cœur)
Verso la quercia bruna del nero Cacciator.