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L'information géographique

Centralité et espace urbain, dynamiques, politiques et pratiques des


centres au Mexique
Patrice Mélé

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Mélé Patrice. Centralité et espace urbain, dynamiques, politiques et pratiques des centres au Mexique. In: L'information
géographique, volume 62, n°4, 1998. pp. 187-188;

https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_1998_num_62_4_2603

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PARMI LES THÈSES

Centralité et espace urbain,

dynamiques, politiques et pratiques

des centres au Mexique

Thèse pour Université


le doctoratdedePatrice
laGéographie,
SorbonneMêlé
Nouvelle
aménagement
- ParisetIIIurbanisme *

Alors que d'autres approches privilégient la d'hab. au dernier recensement de 1990),


dynamique des fonctions urbaines ou l'analyse Guadalajara (2,9 millions), Monterrey (2,5
des représentations, ce travail prend comme objet millions) et Puebla (1,5 million) l'accent a été mis sur
le rôle des politiques d'aménagement urbain dans les modalités spécifiques de l'intervention publique
la dynamique intra-urbaine des villes mexicaines. ayant eu l'impact le plus fort sur le
Les spécificités des évolutions des espaces fonctionnement des espaces centraux.
centraux ne sont pas seulement le résultat des
héritages historiques et de dynamiques économiques La politique du patrimoine permet
mais bien aussi de formes particulières d'action l'individualisation d'un sous-espace urbain central, qualifié
publique et de réglementation de l'intervention de « centre historique ». Il correspond dans de
des acteurs privés conditionnant les dynamiques nombreuses villes à l'extension de la ville à la fin
des espaces concrets. du XIXe siècle ou au début du XXe siècle. Les
procédures de protection du patrimoine élaborées
Les villes latino-américaines sont souvent dans les années 1970 et généralisées dans les
décrites comme caractérisées par la déficience des années 1980 se proposent, non seulement de
politiques publiques, par la faiblesse de l'État, par protéger des immeubles classés monuments
des dynamiques marquées par le libre jeu historiques, mais aussi de stopper les évolutions
d'acteurs individuels dans le cadre de stratégies destructrices de l'ensemble du tissu urbain hérité.
d'investissement, de spéculation ou de survie.
Cependant, le laisser-faire n'est pas la négation de La pratique mexicaine de protection du
la présence publique, mais bien un type particulier patrimoine apparaît comme une des rares tentatives
de traitement de certains espaces par les pouvoirs systématiques de protection de l'intégralité des
publics. Pas plus que les lotissements illégaux ou espaces urbains historiques. L'intégration des
les invasions de terrains, la dégradation de quartiers populaires centraux au sein de zones de
certains quartiers anciens et des vecindades (habitat protection a sanctionné la fin des grands
collectif ancien taudifié) ou l'implantation de programmes de rénovation et des tentatives d'
vendeurs « ambulants » ne sont le résultat du libre jeu eradication des taudis, sans toutefois permettre la mise
des forces du marché ou d'un rapport direct entre en place de politiques de réhabilitation. Une
besoin de logement et intérêt spéculatif, ou entre législation ambitieuse a profondément marqué les
nécessité de survie et espace public. Les lois, espaces centraux des villes mexicaines sans
règlements et modalités de leurs applications réussir à instaurer les modalités d'une prise en compte
construisent le champ des relations sociales qui spécifique des quartiers populaires (41 villes sont
créent la situation particulière de chaque type protégées par un décret fédéral et sept sont
d'espace ou strate du parc de logements. inscrites sur la liste du patrimoine mondial).

On s'attache en premier lieu à la définition de


tendances perceptibles à l'échelle nationale, de la * Un ouvrage, présentant une version modifiée et actualisée de ce travail,
genèse et la spécificité des espaces centraux, et de intitulé : Patrimoine et action publique au centre des villes mexicaines
est en cours de publication (octobre 1998), par les Presses de la
la politique du patrimoine. À propos de chacune Sorbonne nouvelle et les Travaux et mémoires de l'Institut des Hautes
des quatre villes étudiées, Mexico (14 millions Études de l'Amérique Latine, Paris.

© Sedes, Paris - L'information géographique 187


n° 4, 1998
Centralité et espace urbain,
dynamiques, politiques et pratiques
Parmi les thèses des centres au Mexique

À Mexico, l'impact des séismes de 1985 (plus dérer que le tissu urbain du centre de la ville
de 100000 logements détruits essentiellement constitue un paradigme du modèle de ville
dans le centre) et les modalités de la coloniale et de son adaptation à l'urbanisation
reconstruction peuvent être assimilés à une rénovation sans contemporaine. Contrastant avec des décennies de lais-
précédent de l 'habitat locatif central. Alors que ser-faire, les pouvoirs locaux ont développé, à
les projets de rénovation des années 1950-1970 partir de 1983, une action volontariste de «
proposaient la création de nouveaux quartiers sur reconquête » et de requalification des espaces centraux.
la base d'un plan masse appliquant les normes de
l'urbanisme moderne pour créer des logements D'importants travaux d'amélioration de
locatifs pour un nouveau type de population, l'image urbaine ont été engagés, complétés par
l'action des programmes de reconstruction (4 300 lots une réorganisation des fonctions et des flux à
expropriés, 62 270 logements construits ou l'échelle de la ville. Le desserrement des
réhabilités) met en place une rénovation parcelle par fonctions centrales traditionnelles, qui dans de
parcelle qui conserve la structure des rues et des nombreuses autres villes s'est étalé sur trente ans - des
quartiers, le patio comme spécificité de années 1950 aux années 1980 - a été réalisé à
l'organisation de l'habitat, mais transforme les locataires Puebla en quatre ans entre 1984 et 1988. Marché
en propriétaires. de gros et marché central, gares routières,
commerçants « ambulants » furent expulsés du centre.
À Guadalajara et Monterrey, les projets ont été
dominés par la volonté de (re)construire un L'intérêt croissant pour le patrimoine,
espace de centralité monumentale. Au début des l'inscription sur la liste du patrimoine mondial, mais aussi
années 1980, deux nouvelles places ont été les réactions de replis de la société locale face aux
aménagées dans les centres-villes des deux plus grandes interventions étrangères, dans un contexte où une
métropoles régionales mexicaines (Guadalajara et partie importante de l'économie locale (en
Monterrey) par destruction du tissu urbain hérité. particulier l'industrie textile) est remise en cause par la
Il s'agit de la construction de nouveaux espaces politique d'ouverture, ont rendu impossible la
centraux à vocation monumentale, mais aussi mise en place d'un ambitieux programme de
administrative, tertiaire et commerciale. rénovation des quartiers populaires.
Analysée à partir des réalisations concrètes, la Malgré la faible prégnance des discours sur la
Gran plaza de Monterrey (cœur d'une zone de mixité sociale et le caractère public des espaces
rénovation de 40 hectares) apparaît comme un centraux, la création d'un champ d'intervention,
dispositif de réaménagement de l'inscription des de négociation et de discussion sur l'avenir des
pouvoirs publics dans le centre, et de centres-villes semble un des seuls terrains où les
réintroduction d'une monumentalité au centre- ville. Une acteurs publics mexicains sont de fait aux prises
telle réalisation permet de rivaliser avec les avec ces notions. Même si les pratiques des
espaces symboles de la puissance des groupes classes moyennes et aisées ne sont pas modifiées,
industriels et de ne pas accepter l'abandon total de le centre historique des villes mexicaines est de
ce dernier et la structuration de l'agglomération plus en plus perçu comme un « bien commun »
autour d'une opposition caricaturale entre les pour l'ensemble de la ville, nécessitant une prise
sièges des pouvoirs publics localisés au sein d'un en compte spécifique par les autorités publiques.
tissu urbain médiocre et dégradé, et la nouvelle
ville moderne et financière en périphérie (Garza
Garcia) au sein de laquelle les symboles des
pouvoirs politiques sont inexistants.
À Guadalajara, il s'agit avant tout de la
réalisation d'un centre commercial et d'une mise en
perspective des principaux monuments. La Plaza
tapatia (sept hectares) n'est pas un centre
directionnel à l'échelle de l'agglomération, mais une
« rue » piétonne rénovée et un dispositif
permettant de mettre sur le marché un produit immobilier
comparable aux locaux offerts dans les nouveaux
centres commerciaux périphériques.
À Puebla, l'ampleur du tracé colonial et la
préservation du plan en damier permettent de

188 © Sedes, Paris - L'information géographique


n° 4, 1998

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