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LES FRUITS DE L’ARBRE

PARTHASARATHI RAJAGOPALACHARI
Causeries et questions-réponses
Séminaires Sahaj Marg
Septembre à octobre 1986
Italie, U.S.A. et Allemagne
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Shri Ram Chandra Mission France 1989.


Tous droits réservés pour tous les pays.
ISBN 2-906 219-02-9
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Table des matières

I. Latina, Italie
19 au 25 septembre 1986 ......................................................................6
L’ ACCEPTATION DE LA REALITE......................................................6
QUESTIONS-REPONSES I................................................................11
LE SACRIFICE ET L’AMOUR.............................................................34
QUESTIONS-REPONSES II...............................................................42
QUESTIONS-REPONSES III.............................................................54
QUESTIONS ET REPONSES IV.........................................................61
QUESTIONS-REPONSES V...............................................................76
II. Lebanon New Jersey, U.S.A.
25 septembre au 5 octobre 1986 .....................................................84
Discours d’ouverture .............................................................84
Le mystère ultime .....................................................................86
Fraternité ................................................................................101
Les fruits de l’arbre ..............................................................105
De l’amitié . ................................................................................116
Questions-réponses I..............................................................128
Des enfants ..............................................................................143
Discours du président à la réunion américaine
annuelle....................................................................................150
Questions-réponses II ............................................................170
Discours du président à la réunion du bureau des
directeurs canadiens............................................................184
Questions-réponses III . .........................................................192
Su i t e du s o m m a i r e →
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Porte ouverte .........................................................................201


Discours de clôture ..............................................................215
III. Munich Allemagne
15 et 16 octobre 1986 ......................................................................220
Evolution .................................................................................220
L’évolution maintenant ......................................................229
La résolution des problèmes dans la vie ........................239
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LES FRUITS DE L’ARBRE

« Ecouter parler toutes ces personnes a été une bonne


expérience. Et, comme d’habitude, cela révèle une
énorme compréhension et une quantité considérable de
confusions. Mais, comme nous le disons, c’est le fruit
de l’arbre qui est important et il y aura toujours une
multitude de feuilles. Les feuilles sont aussi nécessaires à
la santé de l’arbre que le fruit l’est pour nous ».

Shri P. Rajagopalachari
New Jersey
28 septembre 1986
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I. Latina, Italie
19 au 25 septembre 1986

L’ ACCEPTATION DE LA REALITE
20 Septembre 1986

Nous devrions être reconnaissants à notre frère Paolo d’avoir


exprimé si franchement ses expériences, ses sentiments et je me
réjouirais s’il y avait, à l’avenir, davantage de discours de ce genre
de la part d’autres abhyasis d’Italie.
Il est toujours difficile de parler de ses propres expériences,
surtout ici en Occident, parce qu’il semblerait que « cela ne se fait
pas ». Je pense que cela démontre une certaine confiance qu’ont
nos associés, de pouvoir parler d’eux-mêmes en toute franchise
et liberté. Mon Maître, Babuji Maharaj, disait souvent que si vous
avez un linge mouillé, à moins de le mettre dehors pour le faire
sécher, il ne peut sécher. Si vous n’osez pas déplier vos vêtements
et les étendre sur un fil pour qu’ils sèchent, si vous en faites un
tas et le lancez dans un coin, ils ne feront qu’empester. Ainsi,
la spiritualité nous apprend à être ouverts, si possible, dès le
début, de telle sorte que ce que notre Maître veut faire ou ce que
la Nature veut faire, puisse être fait, alors que nous sommes dans
un état d’ouverture. Il est, à mon avis, très important de cultiver
l’habitude d’être ouvert, dès le premier jour si possible, ou du
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moins d’essayer de développer rapidement cette habitude. Ainsi,


dans cette mesure, Paolo a fait du bon travail et je pense que nous
allons tous bénéficier de ce qu’il a dit.
D’après ce que Babuji Maharaj disait souvent, c’était toujours
un problème d’accepter tant de choses, non seulement le Maître,
mais aussi la méthode, la Mission. Et pourquoi est-ce si difficile ?
C’est difficile parce que nous arrivons avec des notions préconçues,
sur ce qu’un système devrait être, sur ce qu’une Mission devrait
être, sur ce qu’un Maître devrait être et nous es­sayons d’évaluer
la Réalité de ces choses avec nos propres idées, puis nous
souffrons. Dans la Nature, nous devons accepter. Quand nous
voyons le soleil, nous devons accepter le soleil, d’abord parce que
nous ne savons pas comment le soleil aurait pu être autrement,
nous n’avons pas d’opinion à ce sujet. Nous acceptons le soleil,
parce que nous arrivons avec l’esprit ouvert, notre mère nous dit
que c’est le soleil et nous acceptons le soleil. J’ai le sentiment
que la raison pour laquelle notre enfance est si heureuse, est que
nous n’avons pas de notions préconçues et que nous acceptons
aisément et naturellement tout ce que nos parents nous disent,
et en particulier notre mère ; il n’y a pas de division dans notre
esprit entre ce que nous devons accepter et ce que nous pensons
devoir accepter. Mais, en grandissant, nous commençons à nous
faire ou à nous forger nos propres opinions sur les choses, et il
se produit alors un hiatus entre la façon dont nous voyons les
choses et comment nous nous attendions à les voir. Le processus
n’a pas besoin d’être con­scient, car selon les psychologues, même
lorsqu’un homme se marie, il a très souvent tendance à choisir
une femme qui d’une certaine manière ressemble à sa mère. La
mère représente quelqu’un que nous avons beaucoup aimé et que
nous aimons encore beaucoup, elle représente sécurité, amour,
refuge, tout ce genre de choses.
Il s’agit donc d’un processus inconscient, ce n’est pas une
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chose consciente, mais cela montre à quel point nous sommes


dépendants des bases de connaissance et d’expérience que nous
avons posées dans notre enfance. Cela m’amuse toujours de voir
écrit, dans certains restaurants, par exemple «  Pickles, comme
chez maman ». Ils ne mettent pas « Comme chez votre maman »,
mais seulement « Comme chez maman ». Cela nous fait penser
que c’est comme si notre mère les avait faits, c’est donc un
truc publicitaire, mais il ne marche pas, parce que quand nous
les mangeons, ils ne peuvent jamais être comme ma mère ou
votre mère les faisaient. Mais cela montre le conditionnement
psychologique auquel nous sommes soumis par nos propres
expériences passées et nos attentes présentes et s’il y a un hiatus
entre les deux, nous souffrons.
Ceci s’applique aussi à la spiritualité, parce que nous avons
des gens qui viennent de différentes cultures religieuses et qui
quittent cette culture parce qu’ils veulent autre chose que ce dont
ils ont fait l’expérience dans ces religions. Mais il y a une chose
bizarre, c’est que quelqu’un arrive d’un milieu chrétien et dit : « Je
n’aime pas le christianisme. Il ne peut pas m’aider », mais il veut
que le nouveau système dans lequel il arrive change seulement
les détails qu’il n’aimait pas dans le christianisme, le reste, par
contre, devrait être conforme. Ainsi, même là, nous avons nos
préjugés, ceci et cela devrait être comme dans le christianisme,
cette chose précise que je n’aime pas dans le christianisme
devrait être changée, mais l’ensemble devrait être conforme au
christianisme, avec juste ce petit changement et j’espère que le
Sahaj Marg est comme cela.
Nous avons vu cela au cours des vingt dernières années en
Europe. De nombreuses personnes viennent, elles veulent le Sahaj
Marg avec le nom du Maître changé, à la place du Christ, Ram
Chandra. Quelqu’un ne veut pas de prière, alors tant qu’il n’y a pas
de prière, le christianisme est valable. Quelqu’un d’autre n’aime
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pas le mot « Mission », parce qu’il lui rappelle le christianisme,


bien qu’il veuille le christianisme, mais sans Mission. Donc, tout
ce que cela signifie réellement, c’est que, même si nous voulons
changer, nous ne sommes décidés à n’accepter que le minimum
de change­ment, de manière à avoir la sécurité du reste, qui
demeure la même vieille histoire à laquelle nous étions habitués.
Le discours de notre frère Paolo a grandement éclairé toutes ces
choses, voyez-vous.
Et lorsqu’on en arrive à l’acceptation du Maître, c’est la même
histoire. J’aimais Shivananda, peut-être pour certaines raisons.
J’aime quelqu’autre Guru, pour d’autres raisons. Or, pouvez-
vous théoriquement jamais trouver une personne qui ait en elle
tout ce que vous voulez ? Voilà le problème. Nous voulons que
la vie continue, mais nous voulons qu’aujourd’hui soit comme
hier, que demain soit comme aujourd’hui, si aujourd’hui est bien.
Je veux le même gâteau, mais aujourd’hui pas de raisins, plutôt
des noix, parce que maman le faisait comme cela. Après demain,
pas de noix, mais à nouveau des raisins. Nous voulons que nos
femmes fassent la cuisine comme nos mères la faisaient. Nous
voulons que notre femme chante comme notre soeur chantait.
Nous voulons que notre femme soit bonne comme notre père l’est.
Alors, nous commençons à faire tout un amalgame avec les dif­
férentes choses que nous avons aimées chez des personnes, dans
des endroits et des situations différents de notre enfance. C’est le
problème de la souffrance humaine. Ce n’est pas que les choses
en elles-mêmes soient capables de nous apporter la souffrance,
mais c’est que nous en attendons ce qu’elles ne peuvent pas nous
donner. Et c’est là tout le problème des préjugés humains, de la
bigoterie religieuse, de toutes ces choses. Parce qu’un homme
veut un Guru, mais celui ci devrait être à nouveau le Christ,
un autre homme veut un Guru, mais il devrait être à nouveau
Bouddha. Et d’une certaine façon, la religion aussi nous met dans
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l’attente. Le Christ a dit, je reviendrai, alors nous attendons un


autre Christ. Et alors quand nous trouvons un Maître qui n’est
pas le Christ, certains sont déçus, d’autres sont en colère, comme
nous venons de le voir il y a peu de temps. Ainsi, la spiritualité
dit : « Acceptez la réalité de ce que vous avez. Ne permettez pas
à vos idées fantasques de gouverner ce que vous voyez et d’en
souffrir ensuite. Parce que la Réalité est comme elle est. Vous ne
pouvez pas la changer pour qu’elle se plie à vos goûts et désirs ».
Nous avons tous les droits de chercher un système, de chercher
un Maître, en cela nous exprimons notre besoin intérieur d’un
système et d’un Maître. Maintenant, tout ce qui est nécessaire
pour nous aider à faire le bon choix, est de savoir ce dont nous
avons besoin et si ce système ou cet homme peut nous le donner.
Aussi la thèse de la spiritualité est-elle que lorsque vous cherchez,
cherchez avec l’idée de ce que vous voulez et quand vous trouvez
quelqu’un, voyez s’il peut « livrer la marchandise », comme on
dit, et n’allez pas au-delà. Attendez que cela soit prouvé, et si cela
ne se produit pas, alors changez à nouveau.
Ainsi, la première leçon de la spiritualité est qu’elle nous
apprend à percevoir la Réalité et à l’accepter. Mais, la chose étrange
est que nous devons avoir un peu de cette qualité d’acceptation,
avant même de chercher la spiritualité ou la Réalité. C’est
pourquoi, je pense, beaucoup de gens ratent le but, parce qu’ils
n’ont pas en eux cette petite aspiration pour la Réalité. Quand ils
sont pleins de préjugés, je ne pense pas que la spiritualité puisse
les aider. Ainsi nous devrions tous avoir une prière : « Donnez-
moi au moins assez d’ouverture d’esprit pour savoir ce que je
veux et trouver ce que je veux, en celui avec lequel je suis, et s’il
n’est pas la bonne personne, si ce n’est pas la bonne méthode, s’il
vous plaît, guidez-moi vers le bon chemin ».
Maintenant, les gens peuvent penser : « C’est ce que je fais »,
mais ce n’est pas ce que nous faisons. Ici, dans une telle prière,
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au lieu de dépendre de nos propres capacités à juger et à évaluer,


nous les transférons à la plus haute source possible, que nous
pouvons appeler Dieu. C’est pourquoi Babuji a dit  : «  Si vous
ne pouvez pas trouver un Guru, asseyez-vous, juste là où vous
êtes et priez pour cela ; il viendra à votre porte ». Ensuite vient
le second problème, nous prions Dieu pendant quinze ou vingt
ans et un jour comme le Maître l’a promis, Il vient à votre porte
et vous vous demandez si ce type est bien le Maître pour lequel
vous avez prié. Alors, au lieu d’avoir foi dans la Grâce Divine que
nous avons priée  : «  S’il vous plaît, envoyez-moi un Maître  »,
nous nous créons des problèmes en utilisant à nouveau notre
esprit et notre jugement humains, alors nous souffrons et parfois
nous le rejetons aussi. Alors, nous découvrons que lorsque nous
regardons avec notre jugement humain, nous souffrons. Lorsque
nous prions Dieu, parce que nous ne pouvons pas trouver par nos
propres efforts, et qu’il nous envoie quelqu’un, à nouveau nous
commençons à souffrir quand nous nous mettons à utiliser notre
propre jugement. La leçon est donc : « Suspendez votre jugement
humain et laissez Son jugement travailler pour vous ».
L’essence de la voie spirituelle, de l’approche spirituelle est :
« Ne dépendez pas de vous-même, dépendez de Lui ». Et votre
quête est non seulement remplie, elle est complète, elle devient
fructueuse, vous atteignez le but au moment même. Tel est le
message de mon Maître. Merci.

QUESTIONS-REPONSES I
20 Septembre 1986

Q (question): Comment est-il possible d’envoyer des pensées


d’amour au même moment à des personnes qui vivent dans des
endroits différents ?
R (réponse): Vous répondez (s’adressant à un abhyasi)
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Abhyasi  : Je ne pense pas que l’amour soit une question de


distance. La distance ne peut pas être un obstacle à l’amour,
autrement nous ne serions pas capables d’aimer le Maître à
chaque instant.
R : C’est à dire...(rires)
Eh, bien, je ne l’entendais pas dans ce sens là (Il rit). Ce n’est
pas seulement une question de distance, mais l’amour n’est pas
comme une flèche que vous tirez en direction de quelqu’un.
Q : question inaudible.
R : Comme Cupidon et son arc semaient l’amour entre deux
personnes. Donc, l’idée de l’amour qui doit être dirigé vers
quelqu’un est une idée fausse de l’amour. Parce que lorsque nous
nous rappelons l’idée de l’amour universel, cela veut dire que vous
devenez vous-même amour, comme Babuji l’était. Nous parlons
tous de Lui, un homme qui Le voyait pour la première fois,
ressentait Son amour ; une personne qui était avec Lui pendant
vingt ans percevait encore Son amour. Des personnes qui ne
l’avaient même jamais rencontré, pouvaient ressentir Son amour.
Ce n’était pas comme si Babuji nous aimait tous individuellement.
C’est comme une lampe qui brille dans l’obscurité. Elle ne brille
pas pour vous ou pour moi ; elle répand sa lumière partout et tout le
monde en profite. Donc, tant que nous sommes des êtres humains
étroits d’esprit, capables de n’aimer qu’une ou deux person­nes,
nous devons penser à diriger notre amour vers ces personnes.
Mais lorsque nous devenons amour, tout ce qui entre dans l’orbite
de cette influence reçoit cet amour, ressent cet amour, est inspiré
par cet amour. Donc,celui qui a posé la question, doit réaliser que
l’amour n’est pas quelque chose comme un fil électrique qui relie
deux personnes, un téléphone qui vous connecte avec un autre
abonné, et autres choses du même genre. Avant de rencontrer
une personne qui soit lui-même ou elle-même amour, nous ne
pouvons pas ressentir cette universalité de l’amour  ; et quand
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nous ressen­tons cela, nous devrions essayer de devenir nous-


mêmes amour, non pas développer notre capacité à aimer, mais
devenir nous-mêmes amour.
Q: Après le nettoyage, je n’arrive pas à dormir. Pourquoi cette
vitalité qui pourrait me faire commencer une autre journée de
travail ?
R : Après le nettoyage ?
Q : Après le nettoyage.
R : J’aimerais bien que cela m’arrive (rires).
Il semble qu’en ce qui concerne le nettoyage, il y ait certaines
déviations par rapport à la pratique recommandée. En fait, Pia
se réfère au fait qu’il est suggéré de méditer avant le dîner, mais
ce n’est pas correct. Le système de Babuji préconise de faire
le nettoyage quand notre journée de travail est finie. Pour les
hommes, cela veut dire lorsqu’ils rentrent du travail. Ils devraient
se laver et s’asseoir pour faire le nettoyage. Pour les femmes, si
elles font la cuisine, elles devraient terminer la cuisine, ou si elles
travaillent, elles devraient rentrer du travail et faire la même
chose que les hommes. Donc, c’est la première chose. Nous
devrions faire le nettoyage au moment requis, c’est à dire lorsque
la journée de travail est terminée.
Maintenant, que faisons-nous pendant le nettoyage ? Ceci est
important, parce que, je découvre que beaucoup de personnes
méditent au lieu de faire le nettoyage. Vous devriez tous lire
soigneusement la feuille que nous avions l’habitude de distribuer
à Shahjahanpur, «  Pratique pour les débutants  ». Il y est dit  :
« Asseyez-vous comme si vous alliez méditer ». C’est à dire que
la pose à adopter est la même que pour la méditation. (coupure
dans la cassette)...
La grossièreté est nettoyée par quelque chose qui entre par devant
et qui l’évacue par l’arrière sous forme de fumée ou de vapeur.
Ici, je veux mettre l’accent sur quelque chose que beaucoup de
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gens n’ont pas compris, c’est que dans le processus du nettoyage,


nous devons appliquer notre volonté. Dans la méditation, nous
n’employons pas notre volonté du tout. En méditation, il s’agit de
fixer notre attention sur l’objet de notre méditation. C’est peut-
être pour cela que beaucoup de personnes s’aperçoivent qu’elles
méditent au lieu de faire le nettoyage, parce que si la volonté n’est
pas appliquée, cela devient quelque peu une farce. Mais, comme
nous nous asseyons dans la même posture que celle que nous
prenons pour la méditation, l’esprit ayant été habitué à méditer,
glisse vers la méditation. Donc, mon Maître Babuji insistait
toujours sur le fait que nous devrions employer la volonté pendant
le nettoyage. Et il avait l’habitude de faire un geste, vous savez,
comme si vous mettiez vos mains dans votre coeur, et jetiez des
choses, comme cela, par derrière. Voilà la manière correcte de
faire le nettoyage et le moment correct, comme je l’ai dit plus tôt,
est lorsque la journée de travail est terminée.
Pour en venir à cette question particulière à propos de
l’incapacité à s’endormir, je me demande si la personne qui a
posé la question a médité sur ce point entre les sourcils avant de
com­mencer le Sahaj Marg. Je suppose qu’il en est ainsi, parce
que chaque fois qu’il y a libération d’énergie dans le système par
une activité quelconque, cela montre que de l’énergie est bloquée
à l’intérieur de nous, et cela arrive dans ce que nous appelons
la «  méditation Shakti  », entre les sourcils. Parce que en vertu
du vieux principe selon lequel nous devenons ce sur quoi nous
méditons, lorsque nous méditons sur les points en relation avec
l’énergie, et ce point entre les sourcils est le point de distribution
de l’énergie, il semble que nous accumulions de l’énergie en nous,
exactement comme une batterie se charge ou se recharge.
Maintenant, c’est une bonne chose que l’énergie sorte au
moins pendant le nettoyage, parce que le but du nettoyage est
d’enlever tout ce qui n’est pas nécessaire et s’il se trouve là de
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l’énergie superflue, elle doit aussi partir. Et s’il en est ainsi, cela
devrait s’arrêter un jour, car il y a toujours après le nettoyage,
un sentiment de bien-être normal et naturel. Rien d’extatique,
rien de joyeux, mais disons un état de contentement qui nous
permet de nous endormir d’une façon très harmonieuse. En fait,
cette idée, je veux dire l’idée de donner à ce système de nettoyage
un horaire fixe, après la journée de travail, est d’enlever toute
la lourdeur que nous avons accumulée, que ce soit du fait de la
grossièreté ou des tensions mentales et de nous rendre d’humeur
harmonieuse. Ainsi,nous pouvons prendre notre dîner en paix,
digérer d’une manière normale et ensuite aller dormir très
harmonieusement. C’est pourquoi il est si important de le faire
au moment juste, après la journée de travail.
Q  : Devons-nous nous rappeler chaque événement de la
journée ?
R : Non,Non.
Cette dame veut savoir si elle doit se souvenir de chaque
événement de la journée et essayer d’en nettoyer les impressions.
Mais quand nous prenons un bain, est-ce que nous nous
souvenons de chaque saleté que nous avons touchée et essayons
de d’enlever ? C’est quelque chose de global.
Je dois peut-être aussi vous dire l’importance de faire
la méditation à l’heure juste. Puisque nous avons parlé de
nettoyage, nous pourrions aussi parler de la méditation. Parce
que le nettoyage prépare le système d’une certaine façon et que
la méditation répond à notre demande spirituelle d’une autre
façon. Tout le problème vient du fait que certaines personnes
disent : « Eh bien, je ne peux pas méditer à telle ou telle heure,
est-ce que je peux le faire plus tard ? « . Donc, nous disons, bien,
vous n’êtes pas capables de faire le nettoyage le soir parce que
vous rentrez à neuf heures, ensuite vous êtes trop fatigués pour
faire la méditation, alors faites les deux avant d’aller au lit. Mais
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ceci est une exception, pour une ou deux occasions, quand vous
êtes vraiment fatigués, mais les gens commencent à adopter
cette méthode de manière permanente car elle leur convient. Je
n’ai jamais vu aucun abhyasi sérieux avoir le moindre problème
à faire la méditation ou le nettoyage à l’ heure prescrite. Cela
signifie seulement que tant que notre intérêt pour notre propre
développement spirituel n’est pas établi, nous avons ce problème.
Les gens parlent de sacrifice, mais c’est à mon avis l’idée même
du sacrifice qui est mal comprise. Parce que lorsque nous avons
deux intérêts, disons la vie sociale et la vie spirituelle, alors se
pose la question de choisir entre les deux. Or qu’arrive-t-il  ?
Même là, ce n’est pas un sacrifice. Supposons qu’un jour vous
choisissiez de faire le nettoyage au lieu de rencontrer vos amis
et que le jour suivant, vous rencontriez vos amis au lieu de faire
le nettoyage ; c’est l’acceptation naturelle de l’idée selon laquelle
vous ne pouvez faire qu’une seule chose à la fois. Maintenant que
se passe-t-il ? (rires) (Il rit). Nous ne pouvons faire aucune des
deux choses de façon satisfaisante. C’est la vérité fondamentale
du Sahaj Marg et de l’enseignement de mon Maître, qu’il n’y a
pas de mal à avoir des centaines d’intérêts, mais souvenez-vous
qu’il y aura des centaines de canaux dans votre esprit et que le
pouvoir de chaque canal bénéficiera seulement d’un centième de
la puissance de l’esprit. Donc, ce n’est pas un sacrifice, c’est nous
qui sommes insensés d’avoir trop de canaux dans notre esprit,
trop d’intérêts dans notre vie et de ne pas être capables de faire
une seule chose correctement. Donc, nous devons décider et cela
n’est pas un sacrifice. Quand notre propre intérêt est en jeu, nous
devons décider ce qu’il y a de mieux pour nous. Où se trouve alors
la notion de sacrifice ? Dois-je boire du vin ou du lait ? Seul un
imbécile boira du vin, évidemment parce que votre santé vous
suggère de boire du lait, même si vos désirs vous disent de boire
du vin. Maintenant chacun sait que les désirs sont faux, que les
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désirs sont destructeurs. Mais nous disons, « Oh ! je sacrifie mon


vin pour du lait. Dites plutôt que vous sacrifiez votre stupidité
pour de la sagesse. C’est tout ce que nous sacrifions, notre
stupidité, notre grossièreté, notre ignorance, notre sottise, notre
perversité, notre convoitise, ce genre de chose. C’est un fait, et si
vous y réfléchissez vous verrez que c’est un fait réel. Donc, chaque
fois que nous pensons faire un sacrifice, ce n’est pas entre deux
choses de valeur égale qu’il y a conflit, mais entre nos besoins et
nos désirs.
Quand ce conflit survient, nous sommes bouleversés, nous
sommes tiraillés dans deux directions opposées. Je considère
donc que toute cette notion de sacrifice est fausse, elle n’existe
pas. Nous ne sacrifions rien du tout. Nous devons donc être très
hon­nêtes avec nous-mêmes et réaliser que chaque fois que nous
croyons sacrifier quelque chose, nous ne faisons que combattre
nos désirs. Mais les désirs semblent être des choses vraiment très
agréables, alors nous sommes troublés. Ainsi, chaque fois que
cette idée de sacrifice apparaît, elle montre que le soi est divisé.
Je me combats moi-même, ou celui ou celle qui est concerné se
combat lui-même ou elle-même  ; d’un côté, ce qui est bon, de
l’autre «  wantonness  », littéralement  : caprices, dans un sens
particulier, car le Maître dit  : «  Les besoins et la demande  ».
Les besoins sont naturels et doivent être satisfaits. Le mot
«  wantonness  » vient de «  wants  »(demande), qui sont fondés
sur le désir.
Et ceci nous amène inévitablement à la question de l’amour.
Là aussi, tout comme l’esprit a sa pleine puissance quand il n’y
a qu’un seul canal à travers lequel elle s’écoule, il ne peut en être
autrement pour le coeur. Comme Babuji l’a écrit, vous ne pouvez
pas transformer le coeur en un hôtel de deux cents chambres,
chaque chambre étant occupée par une personne différente. Il
est un et ne doit être occupé que par un.
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C’est la même chose en amour. Nous aimons quelqu’un et nous


désirons quelqu’un d’autre, parfois momentanément, parfois
pour de très longues périodes. Encore une fois, l’amour et le désir
entrent en conflit et l’homme ou la femme est littéralement divisé
en deux et dit alors que son coeur est brisé. Il n’a pas été brisé,
c’est la personne elle-même qui se brise le coeur.
Cela me fait penser à la différence qui existe entre l’égoïsme et
l’intérêt que l’on porte à soi-même. Celui qui est intéressé par lui-
même n’est pas quelqu’un d’égoïste. L’égoïsme veut dire : utiliser
d’autres personnes, d’autres choses ou lieux, pour se satisfaire et
non dans son propre intérêt.
C’est comme une personne devant laquelle vous posez une
bouteille de vin et qui la boira en entier et se soûlera parce que
c’est gratuit. Mais si cette personne se porte quelque intérêt, elle
dira : « Non merci, je préfère boire du lait ».
Donc l’égoïsme est basé sur le désir, l’intérêt pour soi-même
est orienté vers le développement de soi. Dans le Sahaj Marg,
tout ce que le Maître a enseigné, ce que Babuji Maharaj et Lalaji
ont enseigné, tout est important. Mais, pour moi l’idée la plus
importante est celle du souvenir constant du Maître destinée à
développer l’amour pour le Maître.
Pourquoi ? Nous avons dans l’existence humaine deux choses :
nous avons le coeur et nous avons l’esprit. Bien sûr, chez les
animaux, le cerveau et le coeur sont des organes physiques,
mais vous ne pouvez pas dire des animaux qu’ils ont un esprit
et un coeur. Or, c’est une chose qu’il est vital de comprendre car
la méditation nous permet de réguler considérablement notre
mental et il devient un instrument de révélation. Quand notre
méditation est réussie, nous avons une totale maîtrise de notre
cerveau ; nous pouvons l’utiliser pour ce que nous voulons. C’est
pourquoi on dit que lorsqu’un saint regarde quelque chose, tout
ce qui concerne cette chose lui est révélé, que ce soit un objet tel
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qu’une pierre ou un diamant, que ce soit un être humain, ou Dieu


Lui même, bien que Dieu ne puisse être connu de cette manière,
ne l’oubliez pas.
Or, que se passe-t-il  ? Nous sommes parfois étonnés de voir
des gens qui méditent depuis de nombreuses années devenir
soudain comme fous, au sens réel du terme. Je ne critique pas,
mais cela arrive. Ils deviennent soudain comme fous, perdent la
direction et le contrôle d’eux-mêmes et se mettent à mal tourner,
comme peu d’êtres humains peuvent le faire. Je me suis souvent
demandé pourquoi. Un jour,j’ai découvert, ou plutôt il m’a été
révélé dans ma méditation, que notre sadhana a deux aspects :
notre développement ou l’acquisition de la régulation de notre
mental et la chose que nous oublions, c’est à dire le coeur. Babuji
n’osait sans doute, comme d’habitude, que très timidement,
mettre l’accent sur le besoin pour un abhyasi d’aimer le Maître. Il
n’aimait jamais dire ces choses là. Mais Il a donné une indication :
le souvenir constant est supérieur à la méditation. Cela a été
mentionné dans Ses livres et Il en a parlé très souvent, disant que
lorsque nous sommes capables d’établir le souvenir constant,
il n’est plus besoin de méditer. Et, lorsque l’amour pour la
personne dont on se souvient se développe, le souvenir constant
n’a plus besoin d’exister, parce que tant que nous pratiquons,
ou essayons de pratiquer le souvenir constant, c’est une activité
consciente. Mais lorsque l’amour est là, vous n’avez plus besoin
de vous demander toutes les cinq minutes si vous aimez ou pas.
Donc, la méditation est importante. Avant la méditation, la
discipline est importante ; c’est à dire que nous devons la faire à
l’heure juste et de la manière juste. Quand nous sommes capables
de la faire correctement, le souvenir constant devient possible.
Mais pourquoi pratiquer le souvenir constant  ? Babuji dit que
c’est pour développer l’amour pour le Maître. Parce que nous nous
souvenons de ceux que nous aimons et réciproquement, nous nous
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souvenons afin de pouvoir aimer ou de créer l’amour en nous.


Maintenant qu’arrive-t-il  ? Quelle est l’importance de cet
amour  ? Nous avons la capacité de réguler l’esprit par la
méditation. Qu’est-ce qui lui donne la bonne direction, la capacité
de juger entre ce que nous devrions faire et ce que nous ne
devrions pas faire ? C’est le coeur. Parce que, là encore, le Maître
dit : « Dans le doute, référez-vous au coeur ». Ainsi, même chez le
saint le plus évolué, l’esprit ne reste qu’un instrument. La valeur
morale est toujours donnée par le coeur, mais si, comme je l’ai dit
tout à l’heure, vous avez dans le coeur deux cents personnes pour
le guider, il n’y a pas de direction précise ou fixe pour l’amour
qui est dans ce coeur et l’esprit coopère à cela. Cela signifie que
nous sommes capables de faire des choses fausses avec la plus
grande énergie et la plus grande compétence. C’est pourquoi,
je considère que le développement spirituel sans amour pour
le Maître, est bien plus dangereux qu’un état non développé,
car dans un état non développé, nous n’avons à faire qu’à nos
propres samskaras, c’est naturel, personne ne s’en préoccupe.
Mais si, après le nettoyage et tout cela et après avoir perfectionné
les facultés du mental, il n y a aucun facteur pour guider, s’il
n’y a pas l’amour pour canaliser tout votre être dans une seule
direction, vous acquérez des capacités destructrices énormes -
des capacités auto-destructrices.
Donc, l’amour pour le Maître a toujours été pour moi de la plus
haute importance. Oubliez le développement spirituel, parce que
si vous aimez le Maître, Il commence à vous aimer et quand Il
vous aime, Il vous donne tout. Vous n’avez plus besoin de méditer
pour cela, ni de mendier pour cela, ni de vous asseoir sur la tête.
Toutes ces choses sont nécessaires si vous ne L’aimez pas et s’Il
ne vous aime pas. Donc, cet amour pour le Maître accomplit tout.
La sadhana, la méditation, la pratique spirituelle, peuvent vous
donner certains pouvoirs, certaines capacités, même s’ils sont
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très spirituels et différents des pouvoirs ordinaires  ; mais sans


l’amour du Maître, nous n’arrivons à rien. C’est comme jeter du
pain aux chiens.
Alors, arrive cette chose tragique, peut-être comme celle que
vous avez dans la tradition chrétienne, la chute de Lucifer devenant
Satan. Je pense que s’il est vrai qu’un ange ait put déchoir, cela
a dû se produire parce qu’il était devenu un ange sans amour de
Dieu et alors l’égoïsme apparut. Quand vous aimez quelqu’un,
vous pensez à lui et vous ne pouvez pas être égoïste. Quand vous
n’avez pas d’amour dans le coeur, c’est l’égoïsme total. Comment
puis-je exploiter tout ce qui est autour de moi - gens, endroits,
choses ?
Comment puis-je utiliser cette femme  ? Cet homme, cet
endroit ? On devient une sangsue de la société.
J’aimerais donc terminer cette discussion par l’avertissement
suivant  : plus nous nous élevons spirituellement sans amour
pour le Maître dans notre coeur, plus cela est dangereux pour
nous. Car comme tout pouvoir, celui de l’esprit peut aussi nous
détruire, tant que notre être tout entier n’est pas totalement uni
à une autre existence et que se perde alors tout sens de l’identité,
ce que nous appelons l’immersion dans l’Infini. Enfin cela cache
la sagesse qui dit que l’amour doit venir d’abord et le mariage
ensuite. Merci.
Q  : La sadhana peut être dangereuse sans l’amour pour le
Maître, même dans le Sahaj Marg ?
R : Oui. Pourquoi ? Nous voyons tant de gens qui travaillent
contre le Maître, contre Babuji, pas contre moi.
Q : Je comprends, mais cela me perturbe d’entendre cela, car
comment pouvons-nous être sûrs d’aimer le Maître ?
R : Par la prière, par le souvenir constant. Il enseigne tout, mais
nous ne suivons pas. Que pouvons-nous faire ? Vous voyez, c’est
la même chose que si vous avez un travail mais que vous aimez
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 22

seulement l’argent que vous gagnez et n’aimez pas le travail. Ou


bien vous voulez de la nourriture, mais vous ne l’aimez pas, vous
voulez seulement manger comme un porc. C’est le bas instinct.
De même les gens viennent voir le Maître, si mille personnes
viennent, une seule a de l’amour - c’est mon expérience : parce
qu’ils ont cette idée de progrès, de développement, de région
centrale. Tout ceci est faux.
Q : Alors la seule chose que nous ne pouvons pas mal faire,c’est
d’aimer ?
R : Oui, c’est la seule chose juste. Et maintenant, qu’arrive-t-
il ? Quand vous êtes capables d’aimer de tout votre coeur, vous
devenez amour, et alors l’amour universel devient possible sans
danger. Or, si en tant qu’être humain, vous aimez une, ou deux
ou trois personnes, c’est dangereux ; mais si vous êtes un saint
et que vous aimez, il n’y a plus de danger, parce que ce n’est plus
de l’amour personnel. Il y a amour, mais personne derrière cet
amour. Comprenez-vous  ? C’est pourquoi seulement un saint
peut aimer de nombreuses personnes. Parce qu’il n’aime pas.
Son existence est amour.
Q : Mais si nous ne sommes pas un saint, et que nous aimons
notre Maître, cela passe par le Maître ?
R : Oui, par le Maître. Ainsi c’est bien, vous voyez, Il sait quoi
en faire (Rires). C’est comme lorsque votre petit garçon vous
donne ce qu’on ramasse sur la plage, vous savez, les coquillages.
Ou bien Elizabeth qui dit : « Maman, garde-les, tu sais quoi en
faire ».
Q : C’est une banque de l’amour. (Rires)
R  : La banque de l’amour. Une banque d’amour universel.
(Rires). C’est pourquoi, vous voyez, tant que nous ne savons pas
ce qu’est l’amour, nous ne devrions pas...Voyez vous, l’amour est
une chose très dangereuse. Ce n’est pas cet amour stupide, comme
les animaux, qui est seulement physique. Qu’est-ce que l’amour ?
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 23

C’est comme lorsque vous avez une rose, une fleur avec des épines,
des pétales, un parfum. Cette épine est douloureuse, les pétales
sont doux, vous pouvez même les manger, mais c’est le parfum
qui est la chose la plus importante. Il n’a pas de substance, il va
n’importe où. N’est-ce pas ? De même la personne est comme les
épines, le coeur est comme les pétales, ce qui en sort est l’amour.
Et il doit sortir sans être suscité par des individus, voyez vous.
Un saint ne devrait pas dire  : «  J’aime untel et untel, ou bien
elle ou lui ». Il aime, il est amour. De même que le soleil brille.
Si vous êtes là, le soleil brille sur vous. Il ne vous cherche pas
et ne traverse pas votre porte ou ne passe pas par la fenêtre de
votre chambre pour dire : « Je brille pour vous »(rires). Pas de
chambre dans cet amour.
Q : C’est comme les yeux de Babuji. Où que vous soyez....
R : Ils semblent vous regarder. Oui. Comment est-ce possible ?
Vous devez devenir comme Lui. Et comment est-Il devenu
comme cela ? Grâce à Son amour pour Lalaji, non par la sadhana.
Parce qu’il m’a dit qu’Il n’avait jamais fait de nettoyage, qu’Il
n’avait jamais médité, peut-être deux minutes (rires), et Il m’a
dit  : «  Vous savez, je médite seulement deux minutes  », et j’ai
dit  : «  Pourquoi ne m’apprenez-vous pas cette manière  ? «  . Il
n’apprécia pas et dit  : «  Non, vous deviendrez paresseux  ».
(Rires). Ainsi, il y a une façon, vous voyez.
Maintenant votre fille vient et s’allonge sur vos genoux. Cela
vous fait mal, mais vous l’autorisez à y dormir, parce qu’elle est
votre fille, qu’elle vous aime et que vous l’aimez. N’est-ce pas ?
Ainsi, le Maître a dit : « Vous devez frapper à la porte du coeur
du Maître de telle manière, qu’Il vienne vous ouvrir ». Et alors
votre travail est terminé. Puisqu’Il m’aime, pourquoi devrais-je
m’inquiéter de quoi que ce soit maintenant. Ce n’est pas nécessaire
voyez vous. Quand vous êtes là, Elizabeth n’est pas inquiète ; si
vous n’êtes pas là, elle court partout en criant »maman, maman,
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maman », n’est-ce pas ?


Voici donc le secret de l’amour : quand nous aimons et qu’Il
aime, notre travail est terminé. Je peux aller comme l’air, libre,
la liberté totale, dans la confiance, dans la certitude absolue qu’Il
veille sur moi, où que je sois.
Alors toute cette bêtise de spiritualité, je n’ai jamais pu y croire,
voyez vous.(rires). C’est une discipline. Oui, j’ai parlé comme cela
en présence du Maître, puis Il a dit : « Vous savez, c’est un discours
très dangereux, les gens ne vont plus méditer ». J’ai dit : « Non,
je leur dis qu’il faut d’abord méditer pour arriver à ce niveau ».
Q : Quand le souvenir constant est là, quel est l’intérêt de la
sadhana ?
R : C’est ce que j’ai dit, la sadhana devient inutile. Mais parce
que le Maître le dit, nous le faisons.(rires) Discipline. De même
que lorsque maman dit  : «  Vas lire  », la fillette va lire. Elle ne
dit pas  : «  Non, non, je t’aime maman, je veux être avec toi
tout le temps  ». L’amour rend la discipline essentielle et alors
la discipline devient très facile. Vous obéissez par amour et non
parce que vous y êtes contraints. Le gouvernement dit : « Stop »
et vous êtes agacés, mais maman dit : « Ne vas pas là », et vous
êtes heureux parce que vous savez qu’elle le dit par amour pour
vous, pour votre sécurité, votre bien-être.
Q : Je ne sais si l’enfant sait....
R  : Eh bien, ils savent instinctivement. Quelquefois, si vous
êtes égoïste, ils le savent et ils n’aiment pas cela. Mais quand vous
êtes vraiment soucieux d’eux, ils le savent. Les enfants savent
bien plus de choses que les adultes. Les adultes sont insensés,
pas les enfants. C’est un fait. L’enfant sait toujours si vous parlez
dans votre intérêt ou dans son intérêt. Ensuite, nous perdons
cette capacité, progressivement, c’est une tragédie.
Une demi heure.
Q : Sacrifice.(rires)
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R  : (riant) Comment puis-je sacrifier ma faim  ? Elle est à


l’intérieur, vous voyez. (rires)
Q : Maître, il y a un abhyasi à Munich qui est à l’hôpital. Il prie
et fait le nettoyage.
R : Mais est-il capable maintenant de s’asseoir et tout le reste ?
Q : Oui.
R : Pas de fièvre ?
Q : Pas de fièvre.
R : S’il n’a pas de fièvre, il peut méditer.
Q : Il n’a pas de fièvre, mais il est faible.
R : Nous sommes tous faibles. (rires)
Q : Il a de l’énergie mais son sang n’est pas assez bon.
R : Oui, mais pour la méditation, nous ne nous soucions pas du
sang, mais du coeur. S’il veut, il peut méditer.Il n’y a aucun mal à
cela. La méditation ne peut jamais faire de mal.
Q  : Quand vous dites que le Maître nous suit où que nous
soyons, voulez-vous dire aussi qu’Il sait tout ce qui nous arrive,
dans notre vie quotidienne ?
R : S’Il le désire, oui. S’Il le désire, Il peut savoir.
Q : Mais ce n’est pas nécessaire ?
R  : De savoir  ? Il n’est pas nécessaire de tout savoir. Il n’est
nécessaire de savoir que les choses importantes. Supposez que
vous ayez une centaine de moutons et de vaches, à la ferme, vous
n’allez pas tout vérifier tout le temps, vous savez qu’ils sont là et
si quelque chose ne va pas, vous allez voir. S’il y a un bruit la nuit,
vous allez voir.
Q  : Vous voulez dire que vous sentez si quelque chose ne va
pas ?
R : Vous savez quelquefois, vous voulez aller voir la nuit ce qui
ne va pas, vous vous levez et découvrez que quelque chose ne va
pas. Comment le savez-vous ? Même de simples êtres humains le
savent. Je me rappelle qu’une fois, pendant le Basant Panchami,
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nous avions un veau. Il était attaché à côté de la clôture, à l’arrière


près de la cuisine et Babuji était dans Son cottage. A dix heures
environ, ou onze heures, les gens étaient assis comme maintenant
et Il parlait. Soudain Il dit  : «  Je dois aller voir le veau  ». Il y
alla et resta à le regarder. Le veau émit un bruit et mourut. C’est
tout. Maintenant, comment savait-Il que le veau allait mourir à
ce moment-là ?
Q : Son « feeling » ?
R : Cela veut dire qu’Il savait n’est-ce pas ?
Q : Oui.
R : Il savait le moment exact. Alors Il y est allé et je suis sûr
qu’Il a libéré le veau.
Tel est le vrai Maître. Il doit savoir quand nous existons, Il
doit savoir quand nous sommes en train de mourir, Il doit savoir
quand nous sommes morts et que faire après. Parce que nous
imaginons que notre contact avec le Maître n’est que dans cette
vie. Un vrai contact est pour toujours.
Et s’il n’en est pas ainsi, cela ne sert à rien. Autrement, c’est
comme un homme qui épouse une femme, elle est sa femme
aussi longtemps qu’elle est vivante et après cela, personne ne sait
où elle est partie. Nous parlons tant du mari et de la femme, de
l’amour intense, de l’intimité et de tout cela
-des mots-. Qu’arrive-t-il quand on meurt ? Que ce soit le mari
ou la femme qui meure, il ne reste que le souvenir après cela et
ce souvenir ne ramène pas la personne. Mais avec le Maître, c’est
toujours efficace, car Il est partout. Il est partout, en tout temps,
passé, présent, futur. Vous pensez à Lui et Il est là. Le Maître dit :
« Pensez au Maître et Il est là ». Mais vous ne pouvez pas penser
à votre femme et dire qu’elle est là. Il faut que vous l’appeliez et
qu’elle vienne.
Q : Ou bien siffler ?
R : Oui, siffler, dans mon cas.(rires)
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Alors, vous voyez, il y a une limitation. Pourquoi ? Parce que


dans un cas, c’est une présence physique et dans l’autre, une
présence spirituelle.
J’étais à Milan, en Italie, lorsque j’ai vu le Maître comme cela
pour la première fois. J’étais dans cet hôtel à Milan et j’avais eu
une très mauvaise journée dans mes affaires et d’autres choses.
J’étais bouleversé et voulais rentrer en Inde. Puis, je suis allé
sur le balcon qui se trouvait là, et je me tenais là, sans raison.
Il y avait une voiture tirée par un cheval, une voiture ouverte et
il y avait un vieil homme avec un calot et soudain, il a regardé
en l’air et c’était le Maître ! J’ai eu un choc.Et tel que j’étais, en
pyjama et chemise, sans même des pantoufles, je suis descendu
en courant. C’était un hôtel très luxueux, cinq étoiles et je courais
sans chaussure (Il rit) et quand je suis arrivé en bas, il n’y avait
plus rien, ni voiture, ni cheval, ni Maître, rien.
Q : Vous avez eu une vision du Maître ?
R : Oui. Pourquoi à ce moment ? Parce qu’Il sait que j’ai des
problèmes. Il est là bas à Shahjahanpur et je suis à Milan, mais
quand j’ai besoin de Lui, Il est là. Ca, c’est le Maître, voyez-vous
(rires).
C’est ce qui arrive aussi en spiritualité. Quand nous sommes
des êtres spirituels, nous devons savoir que tout ce qui vient
comme un appel, vient seulement du Maître.
Et maintenant le plus grand danger, c’est quand les abhyasis
commencent à vous aimer parce que vous êtes un précepteur. Ils
commencent à vous aimer, parce que vous leur rendez tellement
service  : vous leur donnez des nettoyages, des sittings, des
transmissions individuelles, tout. Si vous pensez que c’est vous
qu’ils aiment, cela devient un problème. Ils vous aiment parce
que vous faites le travail du Maître. Si vous cessez, il n’y a plus
d’amour. Aussi, devez-vous donner cet amour au Maître, sinon
cela devient un problème - une difficulté - tant de choses.
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Q  : ...comme un torero (faisant un mouvement comme avec


une cape)
R  : Oui. C’est comme lorsque vous dites «  abandon  », cela
ne peut plus être à vous. Quand vous vous abandonnez, tout ce
que vous recevez ne peut pas être à vous, parce que vous-même
n’êtes pas à vous. Quand je m’abandonne à mon Maître, cela veut
dire que je n’appartiens plus à moi-même. Si je ne m’appartiens
plus, comment l’amour de quelqu’un peut-il m’appartenir  ? Il
appartient à Celui à qui j’appartiens, tout naturellement.
Q : Parce que rien ne reste en vous.
R : Oui, je suis comme un vendeur dans une boutique. Vous
prenez quelque chose et apportez de l’argent, mais l’argent n’est
pas à moi. Je le mets dans une boîte, et Il me donne mon salaire.
Ainsi pour mon existence je dépends de Lui. Tout ce que je reçois
est à Lui, vous comprenez ?
Q : Oui.
R : C’est le plus grand danger en spiritualité. Parce que, que
cela vous plaise ou non, que peut-être une personne vous aime,
ou deux, ou peut-être cent - plus il y en a, plus c’est cause de souci.
Vous vous rappelez, j’ai dit quelque part, que lorsque les gens
ne m’acceptent pas, je suis heureux pour deux raisons : d’abord,
parce que cela permet à l’égo de ne pas croître, ensuite, parce
que s’ils m’acceptent avec le coeur, ma responsabilité est trop
grande. Je deviens responsable. C’est comme un chien, parfois
vous marchez dans la rue et un petit chien arrive derrière vous
en remuant la queue. Vous vous arrêtez et dites «  hello  ! «  et
puis il ne vous quitte plus et vous devez l’emmener à la maison.
Il vous a adopté (rires). Vous voyez, c’est comme cela que l’on
devient responsable. Pourquoi serais-je responsable de qui que
ce soit ? Alors en réalité, je suis très heureux quand les gens ne
m’acceptent pas. (rires)
Q : Mais le Maître vous a demandé...
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R : C’est ma relation avec mon Maître, pas avec vous. (rires). Je
dois des comptes à Lui seul (Il rit), pas à vous (rires). C’est mon
affaire. Ce que je vais faire, comment je le ferai - je le sais. Mais si
vous acceptez, je suis personnellement responsable ; Babuji dit :
« Regarde maintenant, il dépend de toi, fais-le ». Autrement, je
peux toujours dire, « Eh bien Maître, vous savez, j’ai mal à la tête
aujourd’hui, je ne travaille pas ».
C’est pourquoi je dis toujours, vous vous souvenez, même à
Vorauf je l’ai dit, il est faux de dire que le Maître m’aime. Il n’aime
personne.
Il n’aime que son Maître. Mais en devenant parfait, Il est devenu
Amour. De même que ce qui est devenu miel, est devenu doux à
tout le monde. Vous ne pouvez pas dire : « Oh, le miel est doux
pour moi, mais pas pour elle ». L’Amour est devenu Sa nature, Son
existence, Son moi. C’est pourquoi, nous le ressentons comme
s’Il nous aimait. Mais, c’est une erreur de penser que le Maître
nous aime. Le Maître ne peut aimer qu’une seule personne, et
c’est Son Maître. Mais Il est devenu comme ...j’ai utilisé une fois
quelque part, cet exemple d’astronomie, des nuages de poussière,
ils se condensent et la force de gravité devient telle que, plus ils se
condensent, plus la chaleur augmente et ils deviennent un soleil.
C’est maintenant un soleil, c’est pourquoi Il illumine tout.
Q : Mais vous avez dit que plus on aimait le Maître, plus Il nous
aimait.
R : Dans ce sens. Mais ce n’est pas un amour individuel. Par
exemple, vous ne pouvez pas dire du Maître qu’Il vous aime et
qu’Il ne l’aime pas, elle.
Q : Oui.
R : Donc, cet amour humain est toujours individuel. De même
que si votre femme vous aime, normalement elle ne devrait
aimer personne d’autre comme elle vous aime. N’est-ce pas ? Il
y a une limitation. Vous ne pouvez pas dire : « Ma femme aime
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tout le monde comme elle m’aime ». Les gens riraient et diraient :


« Qu’est-ce que c’est que ça ? « 
Q  : Alors, même le Maître aime d’une manière humaine
parfois ?
R : Pas d’une manière humaine. C’est une manière spirituelle.
Je le sais, parce que parfois, quand Il découvrait peut-être un
petit attachement, Il le coupait comme cela - sans pitié - dès son
commencement, parce que si cela se développe, il peut être trop
tard.
Q : Alors, c’est nous qui augmentons notre capacité à recevoir
de l’amour et non Lui qui aime davantage.
R : Oui. Parce que le soleil brille toujours. Vous êtes à l’intérieur,
il n’y a pas de soleil. Vous sortez, le soleil est sur vous. C’est
pourquoi j’ai dit qu’il vous fallait être en sa présence.
Q : Il ne nous aime pas ? Nous trouvons tous que l’amour afflue.
R : Oui. L’amour afflue.
Q  : Plus l’amour pour Lui se développe, plus nous devenons
amour, plus nous sommes capables de recevoir l’amour du
Maître. N’est-ce pas ?
R : C’est à nous de recevoir. Il n’a pas à donner. Dans l’existence
humaine, pour que je reçoive votre amour, il faut que vous
m’aimiez, n’est-ce pas  ? Je ne peux pas recevoir votre amour,
si vous ne m’aimez pas. Mais en spiritualité, c’est différent. En
spiritualité, Il aime toujours, mais je ne reçois pas. Quand je
deviens réceptif, je ressens Son amour. Et alors je dis : « Le Maître
m’aime ». Mais Il m’aimait aussi avant que je ne le reçoive. C’est
la différence. Ici, un jour vous haïssez, un jour vous aimez. Là, il
y a toujours de l’amour, parce que Son existence est comme cela.
Q : Vous avez dit que lorsque Babuji ressentait de l’attachement
pour quelqu’un, il le coupait ?
R : Oui, parce que l’attachement n’est pas de l’amour.
Q : C’est dangereux.
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R  : L’attachement n’est même pas dangereux. C’est un effet


de l’égoïsme. Vous savez, dans l’un des plus anciens Upanishads,
le Rishi Yagnavalkya, a deux femmes. L’une est une femme très
spirituelle, l’autre est très ordinaire, dans le matériel. Alors la
femme spirituelle veut connaître la spiritualité,
l’amour. Et, Yagnavalkya dit très exactement à sa femme : « Ce
n’est pas par amour pour la femme, que celle-ci est chère au mari,
mais c’est par amour de son propre Soi qu’elle est chère à son
mari ». C’était il y a six ou sept mille ans et c’est presque dans la
deuxième ou troisième stance de cet Upanishad. Ensuite, il dit :
« Ce n’est pas par amour pour le fils, que celui-ci est cher à sa
mère, c’est par amour du Soi que le fils est cher à sa mère ». Ainsi,
voyez-vous, l’amour pur vient seulement d’un Maître. Il aime,
non parce qu’il dépend de votre amour, mais parce que c’est Sa
nature d’aimer.
Q : Même le meurtrier qui est sur le point de le tuer ?
R : Il aimera aussi ce meurtrier, non qu’il choisisse d’aimer ou
de ne pas aimer. Il est tout amour, qu’y peut-il ? (rires)
Q : Il y est obligé ?
R  : Pas même obligé. C’est comme le parfum d’une rose, il
est là pour tout le monde. Si un meurtrier prend une rose, elle
a le même parfum que si un saint la prend. Il ne peut pas être
différent. Dans la nature, c’est comme cela, une pomme est une
pomme pour tout le monde, une rose est une rose pour tout le
monde. Mais, chez les êtres humains, c’est différent  : je suis
bon avec un tel, méchant avec un tel, indifférent avec un tel.
N’est-ce pas  ? Je suis gentil pour quelqu’un, cruel envers un
autre, indifférent envers un troisième.
Q : C’est très normal.
R : C’est très normal, mais cela ne devrait pas être ainsi. Un être
humain devrait être un être humain en tout temps, tout lieu et
avec tout le monde. Ce qui est appelé, être Soi. Maintenant, nous
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jouons un jeu avec les gens. Vous êtes comme ceci avec untel,
comme cela avec tel autre, nous avons une «  personnalité  »,
comme nous l’appelons. Ce sont des masques. Quand je joue
Othello, je mets le masque d’Othello. Quand je joue « Le marchand
de Venise », je joue autre chose. Quand je joue Prosper, je mets
un autre masque. Que suis-je ? Ainsi, la spiritualité dit : « Soyez
vous-mêmes ».
Q : A chaque instant ?
R : Toujours. Alors, il n’y a pas d’hypocrisie, pas de tension.
Ensuite, développez le Soi vers ce qu’il doit devenir. Ne jouez pas
à des jeux.
Q : Ainsi, nous devons toujours être francs avec tout le monde,
à chaque instant à tout moment.
A : Vous devez être vous-mêmes, quoi que cela veuille dire. Ne
vous cachez pas. Et c’est un problème, parce que les gens attendent
de vous que vous soyez différent. Maintenant, quand Pia a dit :
« J’avais peur de lui », je pourrais aisément être très charmant et
gentil, et dire (à Pia) : « Oh, ne méditez pas. Ce n’est pas la peine
de faire le nettoyage ». (Rires) Mais ce n’est pas correct.
Q : Mais nous devons être francs, même si nous savons que la
personne ne comprend pas ce que nous disons ?
R : Oui, bien sûr. La vérité est la vérité. Cela ne dépend pas de
la compréhension que vous en avez. Si je dis deux et deux font
quatre et que vous dites : « Mon enfant connait seulement le un,
le deux, le trois, donc deux et deux font trois, deux et cinq font
trois, deux et cent font trois  », cela n’est pas possible. Deux et
deux font quatre, que votre enfant sache compter ou non. Vous
devez apprendre à l’enfant à comprendre la vérité et non changer
la vérité pour l’adapter à la compréhension de l’enfant.
Q : Oui. Mais ne devrions-nous pas juger la situation parfois ?
R  : Ce n’est pas une question de jugement. La vérité n’a pas
besoin de jugement. Quel est votre nom ? -Fausto Russo- Vous
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ne jugez pas, « Oh,est-ce que Chari sait ? « , et vous dites : « Je
suis un disciple de Ram Chandra ». Oui bien sûr, vous en êtes un,
mais ce n’est pas votre nom. Ainsi, la Vérité n’a pas de jugement.
De même que lorsque vous avez un appareil photo, vous réglez
l’ouverture de l’objectif en fonction de l’intensité actuelle de la
lumière. Vous ne dites pas au soleil : « S’il te plaît, deviens un peu
moins lumineux, je veux prendre une photo de Chari  » (rires).
De même que le soleil brille, vous devez régler l’appareil pour le
recevoir. Nous devons dire la vérité, le récepteur doit s’ajuster
pour accepter la vérité. Quand ils en deviennent capables, vous
dites qu’ils ont progressé.
Q : Oui, mais vous avez dit que Babuji ne disait pas à son père
qu’Il allait voir Lalaji.
R : Non, non, je n’ai pas dit cela. Son père ne Lui permettait
pas d’y aller.
Q : Disait-Il : « Je vais voir Lalaji pour méditer » ?
R : Il n’y allait jamais, seulement six ou sept fois en dix ans.
Q : Il ne l’a jamais caché ?
R : Non, non, Il ne l’a jamais caché, comment aurait-Il pu le
cacher ? Ce n’était pas possible. Il ne pouvait pas y aller parce que
son père pensait qu’Il allait devenir un sannyasi.
Q : Ainsi, nous ne devons jamais mentir. A aucun moment, à
aucune personne, dans aucune situation.
R : Il y a quelques situations...
Q : Est-ce mal de dire que nous sommes malades, pour ne pas
aller travailler et venir voir le Maître ?
R : Cela est à vous de le décider (rires). Si vous êtes déterminé
à y aller, les circonstances changeront de telle sorte que vous
n’aurez pas à mentir - c’est mon expérience. La première fois,
c’était un programme de trois mois : or si je vais voir mon Maître
une demi-heure, je peux mentir à mon patron, mais je ne peux
pas dire que je m’en vais pour trois mois. Alors, je suis allé voir
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 34

mon patron et j’ai dit : « Je veux des vacances ». Il a dit : « Où ?
« . J’ai dit : « Je dois aller avec le Maître ». Il a dit : « Bien, quand
revenez-vous ? « . J’ai dit : « Dans trois mois ». Il a dit : « Quoi ?
« . (rires) J’ai dit : « Oui ». Il a dit : « Et qui va faire votre travail ?
« . J’ai dit : « Eh ! bien, je m’arrangerai pour qu’il n’y ait pas de
problème. C’est ma responsabilité  ». Alors il a regardé de haut
en bas et a dit  : «  D’accord, partez  ». Il ne m’a pas seulement
donné des vacances, mais il m’a aussi payé pendant trois mois.
Pouvez-vous imaginer cela  ? Il m’a donné mon plein salaire.
Alors ça marche, vous voyez, si vous avez le courage. C’est vrai, je
n’ai jamais eu à mentir pour aller voir mon Maître.
Q : Mais vous disiez que dans certaines situations... ?
R  : Eh Bien, par exemple, si je suis en train de mourir d’un
cancer et que vous soyez mon médecin. Je vous demande  :
« Docteur, est-ce que je vais vivre ou pas ? « , et vous dites : « Vous
savez, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». Bien sûr, c’est vrai
aussi. Ce n’est pas un mensonge. Mais vous ne pouvez pas dire :
« Oh, il me pose une question, je dois lui dire la vérité : Non, mon
cher Chari, vous allez mourir dans six semaines ». Pouvez-vous
le lui dire ? Cela le tuerait. Alors quelquefois, ce n’est pas dire un
mensonge, mais plutôt ne pas dire la vérité. Ce n’est pas la même
chose. Je n’ai pas besoin
de dire la vérité, bien que je ne doive pas mentir.

LE SACRIFICE ET L’AMOUR
21 Septembre 1986

Hier, j’ai parlé du sacrifice, je ne me souviens pas très bien de


ce que j’ai dit. Mais hier soir, un abhyasi a fait la remarque que
j’avais dit que le sacrifice n’était pas nécessaire alors que Babuji
avait dit que le sacrifice et l’amour sont nécessaires en spiritualité.
Il y a donc apparemment un malentendu quelque part que je vais
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essayer de clarifier aujourd’hui.


Je me souviens que j’ai parlé d’un abhyasi, de sa vie et de
l’abandon des désirs au profit de ce que nous devons faire et j’ai
dit que ceci ne devrait pas être considéré comme un sacrifice. Je
me souviens avoir utilisé l’exemple du renoncement aux boissons
alcoolisées au profit du lait, parce que celui-ci est meilleur pour
notre santé, par exemple. L’autre illustration était l’abandon des
activités sociales -les activités sociales superflues- afin d’utiliser
le temps pour notre méditation, le nettoyage, et des choses
semblables. Et j’ai dit que ceci ne pouvait être considéré comme
un sacrifice, car à mon avis, lorsque nous renonçons à quelque
chose que nous faisons pour nous-mêmes, au profit d’une autre
chose favorisant notre propre croissance, dans notre propre
intérêt, cela ne peut décidément pas s’appeler un sacrifice. Donc
jusqu’ici rien de ce que j’ai dit, ne peut être interprété comme
étant différent de ce que mon Maître enseignait.
Je dois donc répéter que lorsque nous abandonnons quelque
chose que nous faisons pour nous-mêmes, et que nous y substituons
une autre chose que nous pensons meilleure pour nous, ce n’est
pas un sacrifice sinon, chaque fois que nous choisissons quelque
chose, c’est un sacrifice. Si j’ai un peu d’argent en poche et qu’au
lieu d’acheter des chocolats, j’achète un stylo, puis-je dire que j’ai
sacrifié les chocolats ? Je le fais pour moi. Au lieu de m’acheter
une chose, je m’en achète une autre. C’est une drôle de manière de
concevoir l’idée de sacrifice. Je pense que c’est ce que j’ai dit hier
et j’aimerais maintenant approfondir cette notion de sacrifice,
afin de voir ce qu’est le sacrifice dont parlait Babuji. C’est très
simple : toute chose à laquelle nous renonçons et qui se rattache
à notre personne -par exemple mon bien-être, mon confort- afin
de faire quelque chose pour autrui. En bref, le sacrifice signifie
renoncer à mon «  Moi  », par amour pour une autre personne,
un autre « Moi ». Quand Babuji vint à nous, Il était très malade,
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Il était très vieux, mais Il sacrifia Son confort, Sa vie dans Son
foyer, pour venir en Europe et être avec nous. Ceci pour notre
bénéfice. Cela peut être appelé à juste titre un sacrifice.
Donc le sacrifice signifie vraiment renoncer à mes propres
besoins, mes nécessités, mon confort et même mon existence,
pour le bien-être des autres. Ce sacrifice est essentiel en
spiritualité et c’est de celui-ci dont parlent le Sahaj Marg, mon
Maître, et tout le monde. Et, quand Babuji dit que le sacrifice et
l’amour sont nécessaires, c’est une extension de cette pensée que
je vais examiner maintenant.
A mon avis, l’amour et le sacrifice sont les deux côtés d’une
pièce. Parce que lorsque l’amour est absent, il ne peut y avoir de
sacrifice. Parce que nous nous sacrifions, soit pour des personnes
que nous aimons, soit pour des lieux que nous aimons, soit pour
des idéaux que nous aimons. Trois choses, vous voyez.
Pour des personnes que nous aimons, c’est très courant. Une
mère se sacrifie pour ses enfants, un père se sacrifie pour ses
enfants, un frère pour son frère, c’est une idée courante, elle n’a
pas besoin d’explication. Pour les lieux que nous aimons, l’idée la
plus courante est le patriotisme. Nous sommes prêts à sacrifier
notre vie pour notre pays. Pourquoi  ? Parce que nous aimons
notre pays. Je ne sacrifierais pas ma vie pour un pays qui ne
m’appartient pas. Je n’aimerais pas mourir pour une chose qui
se passe au Nicaragua ou en Uruguay. Mais si l’Inde est attaquée
et que je doive me battre et mourir, les gens diront : « Il a sacrifié
sa vie par amour pour son pays ». « Mais si je meurs pour ma
maison, personne n’appellera cela un sacrifice. Donc, il y a une
distinction, voyez vous. Il ne faut pas que l’endroit soit si petit,
que je meure pour ma maison, que je sacrifie ma vie pour ma
maison. Ainsi, derrière le sacrifice de la vie pour un lieu, il y a un
concept plus vaste que celui de l’appartenance, de la possession,
c’est une idée et cette idée c’est le patriotisme.
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Nous en arrivons ainsi à la troisième chose, le sacrifice de notre


vie pour des idées ou des idéaux, et cela aussi est très courant. Des
gens ont donné leur vie pour leur religion. Nous connaissons les
guerres qui eurent lieu au nom de la religion, où chacun pensait
sacrifier sa vie pour sa religion. Ceux de l’autre côté aussi pensaient
sacrifier leur vie pour leur propre religion. Je suggèrerais qu’ici,
ce n’est pas tant l’élément amour que le fanatisme que l’on
trouve derrière le sacrifice. C’est une frénésie de groupe créée
par quelques personnes. Elles disent : « Nous devons prendre les
armes pour sauver notre religion des infidèles » ou de quoi que ce
soit. Je ne pensais pas que l’on pouvait aimer sa religion au point
de se sacrifier, mais c’est une frénésie de groupe, la manifestation
collective d’une espèce de folie conduisant à la violence.
Néanmoins, c’est reconnu comme un sacrifice et très souvent
récompensé par la société. D’après la religion, un des plus grands
sacrifices fut la crucifixion du Christ. Il aurait volontairement
accepté de mourir sur la croix, afin de maintenir la vérité, la
nécessité de la vérité, restant fidèle aux idéaux de miséricorde,
de charité, de compassion, soutenant la vérité et des choses
similaires. On pourrait interpréter comme sacrifice de sa vie
pour l’idéal de la liberté de pensée, le fait qu’un homme ou une
femme ait la capacité d’adorer de la manière qu’il choisit, ce qu’il
considère être la Vérité, le Chemin, la Lumière.
Maintenant, il y a quelques différences, car lorsqu’ une mère
sacrifie sa vie pour son enfant, la société ne la récompense pas.
Vous ne donnez pas de médailles aux mères qui meurent pour
leurs enfants. Pourquoi  ? Parce que cela est considéré comme
étant naturel. Après tout nous aimons nos enfants, c’est une
chose très naturelle et quand nous mourons pour eux ou faisons
d’énormes sacrifices pour eux, il me semble juste de considérer
que, quelle que soit la récompense que nous devrions obtenir
pour ce sacrifice, nous l’avons déjà du fait de pouvoir les aimer.
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Quant à sacrifier sa vie pour son pays, si l’on en juge par la


réaction de la société face à un tel sacrifice, ce n’est de toute
évidence pas si naturel.
Tout le monde n’est pas disposé à mourir pour son pays. Par
conséquent, ceux qui meurent pour leur pays sont récompensés.
On leur donne quelques médailles du mérite, ou quelque
écrit sur une feuille de papier signée par le Président, ou une
pension pour leur famille, des choses comme cela. Dans de tels
cas la récompense n’est pas attribuée parce que le sacrifice est
réellement un sacrifice, mais parce qu’il est rare. C’est la rareté
du sacrifice qui est récompensée.
Enfin, quand nous en arrivons à la troisième idée, la plus
haute, mourir pour un idéal - si l’idéal est assez important - la
récompense n’est pas décernée par la société, mais par l’humanité
elle-même. Une telle personne est vénérée pendant des centaines
et des milliers d’années par toute l’humanité sans distinction.
C’est la récompense qu’une telle personne obtient.
Ainsi, nous avons vu les différentes manières de penser au
sacrifice. Les personnes qui meurent, meurent essentiellement
parce qu’elles ont une telle vénération pour les idéaux qu’elles
chérissent, qu’elles sont prêtes à donner leur vie pour eux et
cela survient par amour de cet idéal - que ce soit un enfant, que
ce soit une nation, que ce soit l’idéal le plus élevé de liberté, de
miséricorde, de charité ou autre. C’est pourquoi je me risque à
suggérer que l’amour et le sacrifice sont deux aspects d’une même
chose, ce ne sont pas deux choses différentes. Mais pour notre
compréhension d’êtres humains ordinaires, ils sont distincts,
aussi notre Babuji disait-il que l’amour et le sacrifice sont
nécessaires à la spiritualité. C’est pourquoi nous n’attendons pas
de sacrifice, là où il n’y a pas d’amour et nous savons que là où il
y a sacrifice, l’amour doit exister.
Maintenant dans la vie humaine ordinaire, telle qu’elle est
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vécue aujourd’hui, il est difficile de voir des signes de sacrifice.


Et il me semble que plus le niveau de vie est élevé, moins il y a de
possibilité de sacrifice, car il y a tant de surplus, qu’allons-nous
donc bien pouvoir sacrifier ? Quand un homme a besoin de cent
dollars, qu’il en a dix sept millions et qu’il achète à sa femme un
diamant de quatre millions et demi, personne n’est impressionné.
Mais si un homme a dix roupies, qu’il en a besoin de cent, mais
que sur ces dix roupies, il en donne une au Maître, le Maître est
touché.
J’ai vu le Maître ému presque aux larmes, lorsqu’une
personne lui présenta une roupie trois quarts, économisée sur
six ans. Pouvez-vous imaginer cela  ? Deux cent cinquante lires
économisées sur six ans, voilà un sacrifice !
Cela nous ramène à notre point de départ, qu’il ne peut y avoir
idée de sacrifice à moins que je ne renonce à quelque chose dont
j’ai besoin, pour l’amour d’autre chose, quel qu’il soit. Si je ne
peux faire cela, il n’y a pas de sacrifice. Et, pourquoi le fais-je  ?
Parce que j’aime le Maître, cela peut être la Mission, cela peut être
n’importe quoi, voyez vous. C’est pour cela que, lorsqu’un homme
riche donne de l’argent, nous appelons cela une donation. Parce
qu’il en possède tant, qu’il peut vous donner toute une province
de l’Italie par exemple, sans sentir la différence. Pour lui ce n’est
rien, il signe un chèque et c’est fini, il l’oublie. Cela ne produit
aucun effet dans sa vie parce qu’il ne sent pas qu’une partie de lui
l’a quitté pour alimenter quelque chose d’autre, pour faire vivre
quelque chose d’autre, ou faire croître quelque chose d’autre. Je
pense que l’un des gros problèmes des sociétés matériellement
riches est précisément cette chose : ceux qui sont dans l’opulence
ne peuvent pas pratiquer le sacrifice. Ils ont beaucoup trop pour
pouvoir réellement sacrifier quoi que ce soit. Un homme qui a dix
sept maisons peut en donner seize sans que cela représente un
sacrifice. Donc ces pauvres gens riches - quand je dis «  pauvres
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 40

gens », ce n’est pas sur le plan matériel - même quand ils donnent,
ce n’est pas apprécié. Parce qu’un riche ne sent pas qu’il a donné
quelque chose de tangible, bien que pour nous cela puisse être
une énorme somme d’argent. Par conséquent, il n’obtient pas de
récompense de notre part, même pas un « merci ». Tout le monde
dit : « Eh bien, ce type est riche, il peut se le permettre. On refuse de
reconnaître ce qu’il donne. D’ailleurs, il ne s’y attend pas, sachant
bien qu’il ne fait que se débarrasser d’un excès de poids.
Ceci m’amène à considérer un aspect important de la vie  :
si nous ne pouvons pas faire de sacrifice en sentant que nous
avons sacrifié quelque chose, cela interfère peut-être d’une
certaine manière avec le flot d’amour lui-même - car la plus
haute expression de l’amour est la capacité à se sacrifier. C’est
pourquoi, lorsqu’un homme riche donne deux cents millions de
dollars par charité nous disons simplement : « O.K, bien, c’est un
chic type ». Mais quand un homme donne sa vie pour quelque
chose, il a donné sa vie afin que nous puissions vivre encore. Et
que vaut une vie ? Si vous allez en Orient, une vie d’homme n’est
guère meilleure qu’une vie de chien. Cependant, quand vous
sacrifiez votre vie cela a un sens, car que pouvez-vous donner de
plus élevé que votre propre vie ? Donc le don de votre vie est la
plus haute expression de votre amour pour l’objet de cet amour.
C’est pourquoi nous aimons tant notre Maître. Lorsqu’Il est
venu vers nous, nous savions que Sa vie n’avait plus aucune
signification pour Lui. Elle était à notre disposition et s’Il vivait,
c’était uniquement pour nous servir, s’Il mangeait et allait se
coucher, c’était aussi uniquement pour nous servir. Et on devait
l’obliger à manger, car Il ne désirait que rester assis à parler avec
nous. On devait Lui imposer d’aller se coucher, « Babuji, il est 11
heures ». Il disait : « Oui, je reste avec vous encore dix minutes ».
Ainsi, c’est de cette manière que nous ressentions Son amour. Or,
dans une relation normale d’amour humain nous nous attendons
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à être aimé, mais c’est une manifestation trop ordinaire et trop


basse de l’amour, qu’une personne qui aime, aime. C’est comme si
nous disions l’eau est mouillée, donc je suis reconnaissant à l’eau.
Elle ne fait qu’exprimer la qualité de sa nature. Mais quand cet
amour se manifeste en tant qu’intérêt pour vous et non pour Lui-
même, alors nous pouvons parler de la plus haute expression de
l’amour et nous pouvons y associer l’idée de sacrifice. Bref, Il ne
nous aimait pas au sens habituellement attribué au mot amour,
mais nous ressentions Son amour pour nous par le sacrifice qu’Il
faisait pour nous. Tel était le secret de Son amour et c’est pour
cela que nous ressentions tous Son amour, parce que ce n’était
pas un amour individuel. Comme je le disais hier, l’amour ne
devrait pas être individualisé mais universalisé.
Cela nous amène au dernier point, à savoir si l’idée de sacrifice
doit disparaître, comme quelqu’un l’a demandé. Je ne pense pas
que Babuji ait jamais eu l’idée qu’Il sacrifiait Sa vie pour nous.
Cela n’aurait pas été naturel. C’est pourquoi nous exprimons notre
amour pour le Maître de la seule manière qui nous soit possible,
en lui offrant des fleurs, des bonbons, des dons. Il exprime Son
amour pour nous de la manière la plus élevée possible pour un
être humain, par le sacrifice.
Très souvent, les abhyasis me demandent comment ils
peuvent savoir si leur amour pour le Maître croît. Il y a un indice
très simple. Si votre amour a franchi l’expression ordinaire de
l’amour et implique maintenant des sacrifices de votre part pour
le Maître, votre amour est en train de grandir. Et, lorsqu’arrive le
stade où vous êtes aussi prêts à sacrifier votre vie pour Lui, alors
votre amour est total.
J’aimerais maintenant conclure en citant trois expressions de
l’amour. La première, quand chaque chose que nous faisons, par
ce que nous appelons amour, ne profite qu’à nous-mêmes. Elle
est totalement égoïste. J’aime, non pas par amour pour vous,
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mais pour moi. La seconde, lorsque nous avons un réel amour


pour l’autre personne, non pas par égoïsme, pour moi, mais
par égard pour l’autre. Nous pouvons l’appeler l’amour humain
sans égoïsme. Le premier est l’amour humain égoïste, celui-ci
est l’amour humain sans égoïsme. La troisième expression est
l’amour que le Maître a pour nous, un amour divin. Il ne sait rien
de lui, Il ne voit que nous, nos besoins, nos requêtes et meurt en
essayant de répondre à toutes ces choses.
C’est tout ce que j’avais à dire au sujet de l’amour et du sacrifice
et c’est différent de ce que nous entendons normalement par
«  amour  ». Nous pensons que l’amour s’exprime par l’action
d’aimer. Oui, bien sûr, au début on l’exprime en s’aimant soi-
même, puis on l’exprime en aimant réellement les autres, mais
l’ultime expression de l’amour n’est pas dans l’amour, elle est
dans la capacité à se sacrifier. C’est pourquoi ces deux choses
deviennent une, au stade ultime  : l’amour est sacrifice et le
sacrifice est amour. Telle est donc l’évolution de l’amour lui-
même, au commencement en tant qu’action d’aimer, pour arriver
à l’amour en tant que sacrifice.
Vous pouvez donc dire que même l’amour a une course
évolutive à suivre et ceci ne devrait pas s’appliquer uniquement au
Maître et à Ses disciples, mais aussi à nos relations personnelles,
entre mari et femme, père et fils, entre frères. Car, sans sacrifice à
chaque stade de notre association, - que ce soit un petit sacrifice,
ou le sacrifice ultime de sa vie - l’amour réel n’est pas exprimé.

QUESTIONS-REPONSES II
21 Septembre 1986

R : Il y a une chose que je désire clarifier ; vous vous souvenez


que je vous ai dit que lorsqu’ une mère sacrifie sa vie pour son
enfant, il n’y a pas de récompense. Elle n’est pas récompensée.
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Lorrain,vous souvenez-vous ?
Q : Oui.
R  : Lorsqu’une mère sacrifie sa vie pour son enfant, aucune
société ne la récompense. Mais si un homme sacrifie sa vie pour
son pays, il est récompensé. Pourquoi cette différence ? Parce que
lorsqu’il s’agit de votre enfant, les gens disent : « Bon, c’est son
enfant et elle se sacrifie, qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ? C’est
naturel, et cela va de soi. Mais si vous êtes capable d’étendre votre
amour pour y inclure tous les gens de votre pays, votre pays vous
récompense. Maintenant, si vous êtes capable d’englober dans
votre coeur l’humanité toute entière, quelle est la récompense ?
Quelle est-elle ?
Q : Vous l’avez dit ce matin.
R : Non, je ne l’ai pas dit. Je voulais le dire, mais je ne l’ai pas
fait. La récompense est que l’humanité toute entière vous aime,
vous adore et vous vénère.
Q : Vous l’avez dit.
R : Je l’ai dit ?
Q : Oui, vous l’avez dit.
Q : Non, non, vous ne l’avez pas dit.
R : Je voulais le dire, mais je ne l’ai pas dit. J’ai oublié. J’ai été
aiguillé sur...(arrêt de la cassette)
R : Je n’ai pas mentionné que lorsque vous vous sacrifiez pour
quelque chose que vous considérez comme vôtre, même si c’est
un sacrifice, ce n’est pas une chose aussi extraordinaire que cela.
Ainsi, le coeur doit devenir si grand, voyez-vous, de plus en plus
grand et l’amour doit devenir, au lieu d’une seule chose, il doit
devenir universel, alors le sacrifice est vraiment reconnu. Vous
voyez donc la différence. Aussi, le sacrifice doit-il être toujours là,
mais le coeur doit devenir, comme le disait Babuji, « un terrain
de jeu pour l’humanité entière ». Je ne pense pas avoir dit cela.
Q : Non, non..(arrêt de la cassette)
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 44

R : Le sacrifice est sa propre récompense.


Q : Il est récompensé par les gens des pays, mais pas par les
gens des autres pays, par exemple.
R : Non. Quand vous prenez toute l’humanité, pas seulement
un pays ou un autre, alors vous ne pouvez pas être récompensé
par de l’or ou des diplômes. Vous devenez alors un personnage
vénérable.
Q : Pour le monde entier ?
R : Il n’est pas question du monde entier, mais de chacun, c’est
pourquoi le coeur doit s’ouvrir. (arrêt de la cassette).
R : Comment un homme tel que le Christ est-il vénéré pendant
deux mille ans ?
Parce que son enseignement n’était pas pour les chrétiens,
mais pour l’humanité. Ensuite, les chrétiens sont venus et ont
dit : « C’est seulement pour les chrétiens ». Vous voyez la tragédie,
vous comprenez ? Le Christ n’a pas créé une église. Jésus Christ
n’a pas créé l’Eglise. Il voulait accepter quiconque venait à Lui.
Mais plus tard on a dit que c’était seulement pour les chrétiens et
à présent les chrétiens disent : « Dieu est seulement pour moi ».
(rires) Voyez-vous la différence ?
C’est le problème de toutes les religions. C’est la même chose
avec Bouddha.
Il a dit : « Toute personne qui vient », mais ensuite ses disciples
ont dit : « Seulement les Bouddhistes ». Et un bouddhiste ne naît
pas bouddhiste, il le devient. Mais nous pensons que parce que
notre père est chrétien et notre mère chrétienne, nous sommes
chrétien. Ce n’est pas correct.
Q : (inaudible)
R : Oui, c’est pourquoi toutes les religions parlent du besoin de
renaître dans cette vie. Né deux fois, disent-ils. Une fois quand
vous naissez pour vos parents et une fois quand vous naissez à
l’existence spirituelle, sinon vous n’êtes pas chrétien, vous n’êtes
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 45

pas hindou, vous n’êtes pas musulman, vous n’êtes rien. Vos
parents sont chrétiens. Personne ne comprend cela.
Q : Oui. Vous pouvez poser une question..(arrêt de la cassette)
R : Une fois, Babuji a dit : « Supposez que vous soyez le patron
dans votre bureau. Vous êtes un patron pour les autres, pas pour
vous-même. Donc, vous ne devriez pas dire : « Je suis un patron »,
les gens doivent dire : « Il est le patron ». Comprenez-vous ? De
même, Dieu ne peut pas dire : « Je suis Dieu ». Pour nous, Il est
un Dieu. Ainsi, la religion dit : « Il est Dieu », la spiritualité dit :
« Où qu’Il soit, c’est Dieu ». S’Il est en vous, vous êtes aussi Dieu,
pas Ce Dieu, mais semblable à Dieu, divinisé. Ainsi, Dieu ne peut
pas savoir qu’Il est Dieu. Comprenez-vous  ? Il fait seulement
Son travail, quel qu’il soit. De la même manière, si vous vous
sacrifiez pour votre fils, pour votre fils c’est un sacrifice, mais
vous ne devriez pas avoir l’idée que c’est un sacrifice. Pour vous,
c’est seulement quelque chose qui découle de votre amour pour
votre fils. C’est pourquoi je dis, « amour et sacrifice sont la même
chose  ». Ce qu’Il fait en déversant Son amour, vous le recevez
comme un sacrifice, vous comprenez ? Ainsi, du côté de celui qui
donne, c’est une chose et du côté de celui qui reçoit ç’en est une
autre. Ainsi, Babuji dit : « Que fais-je ? Je ne fais rien ». Nous
disons qu’Il se sacrifie pour nous. N’est-ce pas ?
Q : Je trouve souvent chez les gens qui disent se sacrifier, que
cela n’est pas.
R  : Ce n’est pas un sacrifice. Ou même comme les gens qui
disent : « Je fais de la charité ». Si vous êtes conscients que c’est
de la charité, ce ne peut pas être de la charité. C’est pourquoi si
vous allez plus loin dans cette façon de penser, rien de ce dont
vous êtes conscients n’est réel.(rires). Oui.
Q : Oui. Mais c’est terrible. (rires)
R : C’est difficile à accepter.(rires)
Q : Nous sommes tellement conscients.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 46

R  : Parce qu’ici, en Occident, on nous apprend que seul ce


dont nous sommes conscients est réel. Mais ceci dit : « si vous
en êtes conscient, ce n’est pas réel ». Si Dieu sait qu’Il est Dieu, Il
n’est pas Dieu. Si vous savez que vous vous sacrifiez, ce n’est pas
du sacrifice. Si vous savez que vous faites la charité,ce n’est pas
de la charité. C’est pourquoi, il est dit dans les Védas, dans les
Upanishads particulièrement, « Toutes les grandes choses sont
faites sans notre conscience  ». C’est à dire que Dieu travaille à
travers nous, mais nous ne devrions pas en être conscients. Vous
voyez comme la différence est grande.
Q : Quand savez-vous que vous aimez ?
R  : Vous ne pouvez pas savoir que vous aimez. Vous ne
devriez pas. C’est l’amour humain,voyez vous. On appelle cela
« papillonner », en Occident. (Il rit)
Q : Nous en arrivons à l’innocence de l’enfant.
R : La Réalité. L’innocence de l’enfant, l’enfant ne dit pas : « Je
t’aime ». L’adulte dit : « Je t’aime » et dit des mensonges. L’enfant
vient seulement et se serre contre vous. Il montre son amour.
L’adulte parle d’amour, vous voyez c’est une autre différence.
Q : C’est pourquoi nous devons être comme des bébés.
R : Oui.
Q : Ainsi nous n’avons pas besoin de savoir que nous aimons
le Maître ?
R : Oui, au plus haut niveau vous ne devriez pas le savoir. Si vous
avez lu le « Sahaj Marg en Europe », je crois qu’il y a un discours
sur l’amour. Après que j’aie terminé, Babuji a dit la même chose :
«  Si vous êtes conscient de l’amour, ce n’est pas de l’amour  ».
Parce que lorsque c’est de l’amour universel, comment pouvez-
vous en être conscient ? Lorsque c’est de l’amour individuel, vous
pouvez être conscient : « Je l’aime, je la hais », de cette façon,vous
êtes conscient. Mais quand c’est universel... La pluie ne sait pas
qu’elle tombe ici et là et là. Il pleut seulement. De fait, il s’est
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 47

passé une chose très intéressante : François Deroulède traduisait


quelque chose, puis j’ai dit : « Cela arrive quelquefois ». Alors il
s’est arrêté et a dit : « Qu’est-ce qui arrive ? «  (rires). J’ai dit : « Je
ne l’ai pas encore dit », il faut voir dans le futur ce que « cela »
est. (rires) (Il rit) De même, nous disons : « Il m’arrive parfois de
tomber malade », le « il » n’a aucun sens. Maintenant, en anglais
nous disons : « Il pleut ».
Qu’est-ce, ce « il » qui pleut ? N’est-ce pas ? C’est une bizarrerie
du langage. Mais vous pouvez trouver un sens spirituel, cela ne
veut pas dire que Dieu fait qu’il pleut, c’est automatique. Il n’y
a pas de souhait ou de volonté derrière la pluie, cela se produit
lorsque les circonstances sont propices, alors cela arrive.
De la même façon, quand l’abhyasi est prêt, le Maître ne peut
pas arrêter Sa transmission. Je pense que la volonté du Maître
est utilisée seulement quand l’abhyasi n’est pas préparé, aux plus
bas niveaux et alors Il utilise Sa volonté pour enlever les blocages,
pour ôter la grossièreté et quand ce nettoyage est complet, la
transmission coule automatiquement. Parce que dans la nature
tout est automatique, mais quand nous perturbons la circonstance,
alors ce flot est interrompu. Ainsi, même le développement
spirituel est naturel et automatique. Ainsi, il n’est pas question
de demander quelque chose au Maître ni d’obtenir quelque chose
de Lui. Quand nous y sommes préparés, personne ne peut arrêter
ce flot. C’est pourquoi Babuji avait l’habitude de dire si souvent :
« Vous voyez, la transmission coule ». Et je me demandais : « Il
est un Maître, comment peut-elle couler sans qu’Il le souhaite ?
«  Mais quand il est juste qu’elle doive couler, Il ne peut l’arrêter.
C’est la justice de la Nature, que vous puissiez utiliser votre
volonté pour donner à ceux qui ne sont pas méritants et que vous
ne puissiez l’arrêter pour ceux qui sont méritants.
Q  : Quand nous étions dans la chambre à Copenhague, à
l’hôtel, Babuji a dit : « Nous sommes cinq, donc la transmission
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 48

ne s’arrête pas ». Pourquoi cinq ?


R : Combien étions-nous réellement ?
Q : Vous, Sulochana, Paule Fleury, Babuji et moi.
R : Cela n’a pas de signification, je pense. Supposez que l’on
ait été un de moins, cela aurait coulé quand même. Vous savez
quand la rivière coule, s’il y a des gens là, ils boivent l’eau et
l’utilisent pour leur bain, s’il n’y a personne, la rivière coule
quand même. Peut-elle s’arrêter  ? C’est pourquoi Babuji disait
que Lalaji transmettait vingt quatre heures sur vingt quatre,
sans arrêt. Je pense que c’est aussi une autre chose, vous savez
-certains peuvent ressentir cela comme un manque de respect
envers le Maître, mais ce n’est pas un manque de respect - un
Maître évolue aussi.
Q : Alors, qu’est-ce que c’est que le manque de respect ?
R  : Bien, ce que je vais dire (rires), (il rit). Comme François
Deroulède. Maintenant, comme le Maître évolue, au début Son
travail n’est pas automatique, parce qu’Il utilise Sa volonté, Il
utilise Son intelligence. Mais, plus Il est divinisé, plus Il dépend
du Divin et moins de Lui-même, donc plus le travail devient
automatique. L’évolution ne s’arrête jamais. Maintenant, certains
peuvent dire, « Il est irrespectueux. Comment peut-Il dire que le
Maître évolue » ?
Q : C’est vers l’infini.
R : Donc, Il doit évoluer, vous savez. Or, au fur et à mesure qu’Il
évolue, Sa dépendance est totalement transférée de Lui-même à
Son Maître, alors Son travail est automatique, automatique à cent
pour cent. Il n’a pas besoin de savoir quoi que ce soit. En 1974,
lorsqu’Il était en plein délire, inconscient et délirant, Il a écrit
après, qu’Il avait élevé un abhyasi de cinquante cinq ou cinquante
deux points, peu importe le nombre, de Parabrahmanda à la
frontière de la région centrale - cinquante deux points et ce fut
le travail d’une seconde. Et Il a dit  : «  Je transmettais aussi à
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 49

d’autres associés », tout le travail se poursuivait. Comment cela


s’est-il passé ? Alors que lorsqu’Il était conscient, Il a mis parfois
un an pour élever un abhyasi d’un point dans la Région du Coeur.
Q  : Donc, nous pouvons faire le travail d’une année en une
seconde ?
R  : Oui, lorsque vous êtes dans cet état. C’est pourquoi, Il
travaillait toujours la nuit. Et c’est pourquoi, vous voyez, le travail
plus élevé est plus facile que le travail inférieur. Parce que dans le
travail inférieur, il y a un blocage et dans le travail plus élevé, il n’y a
aucun blocage, l’abhyasi est prêt, le Maître est prêt, le travail se fait.
Voyez vous, une fois quelqu’un m’a posé une question : « Pourquoi
les précepteurs sont-ils nécessaires ? « . Parce que le Maître peut
s’asseoir sur Son lit à Shahjahanpur et tout faire. Donc, j’ai posé
au Maître la même question : « Pourquoi les précepteurs sont-ils
nécessaires ? « . Il a dit : « Bien, s’ils font le travail inférieur, je peux
faire le travail plus élevé ». Mais ceci n’est pas la réponse complète.
La réponse est donnée dans la Voix de la Réalité, lorsqu’Il parle du
Maître et dit : « Il est à un tel niveau de conscience, qu’il est rare
qu’une personne puisse venir changer Son état de conscience ».
Oui, Sa conscience, celle du Maître.
Or, nous pensions tous : nous parlons avec Babuji, nous rions
avec Lui, nous jouons avec Lui et sommes convaincus que nous
atteignons Sa conscience, mais Il a écrit le contraire. Alors, avec
qui jouions-nous et parlions-nous ?
C’est la première question. Deuxième question  : puisqu’Il
évolue de plus en plus haut, et que Sa conscience pénètre dans
la conscience Divine, Il atteint la condition de Dieu, la Divinité,
où Dieu n’a pas de mental donc pas de conscience, Il ne peut
donc travailler consciemment. Or, s’Il doit rester dans cette
condition, comme le Seigneur, c’est parfait, le travail plus élevé
continuera, mais qu’en sera-t-il du travail inférieur ? Et c’est ce
qui nous importe, ce qui importe aux humains, parce que sans
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 50

ce travail nous ne pourrions jamais progresser. Car, à moins


que quelqu’un ne fasse le nettoyage pour moi, regardant ma
condition consciemment, c’en serait fini de moi - de tous les êtres
humains. Alors Il fait des précepteurs, de sorte qu’ils travaillent
consciemment et Lui, travaille inconsciemment. Ils travaillent
aux niveaux les plus bas et Lui travaille aux niveaux les plus élevés.
Vous comprenez ? Et si le précepteur évolue et devient comme
cela, alors vous devez faire un autre précepteur. C’est bien. C’est
ce que veut la Nature, ce que Dieu veut, ce que le Maître veut.
Q : Quelqu’un m’a dit que le Maître ne peut être réellement sur
le plan le plus élevé, que lorsqu’Il a trouvé son successeur.
R : Jusqu’à ce moment, Son travail n’est pas achevé. Dans la
Nature, il est dit qu’il ne peut pas y avoir de vide et s’Il n’a pas
de successeur, le pouvoir s’arrête. Il s’arrête ! Voilà pourquoi je
vous ai dit cet après-midi, que le Christ n’avait pas nommé de
successeur, il a seulement fait un disciple, et ce disciple a fait
d’autres disciples : le premier Pape, le second Pape, le troisième
Pape, mais il n’y a pas de continuité de l’autorité, donc le pouvoir
s’arrête là. Que se passe-t-il ? Une autre personne doit venir, doit
se développer et prendre ce pouvoir. Elle n’est pas venue dans le
Christianisme.
C’est très difficile à accepter. Vous voyez, c’est comme la famille
Romanov, aussi longtemps qu’il y a des fils, la famille Romanov
est là, mais à n’importe quel niveau, s’il n’y a pas de fils, la famille
Romanov s’éteint. Très simple. Maintenant, si Babuji n’avait pas
de successeur, il n’y aurait plus de Sahaj Marg.
Q : La supra-conscience veut-elle dire, ne rien savoir du tout ?
Je veux dire consciemment.
R  : A mon avis, elle signifie  : aller au-delà de la conscience.
Surhomme, veut dire aller au-delà de l’homme, n’est-ce pas  ?
Cela ne veut pas dire un homme plus grand. Supra veut dire
transcender. Ainsi, la supra-conscience doit signifier aller au-delà
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 51

de la conscience. Babuji a dit que la volonté doit être tellement


entraînée que, même dans le sommeil, elle doit travailler.
Maintenant, tous les systèmes de notre corps travaillent
automatiquement. Supposez que votre coeur se soit arrêté
pendant votre sommeil, que vous serait-il arrivé ? Vous n’auriez
pu dormir. (arrêt de la cassette)....
Q  : ...La vraie existence ne dépend pas de votre conscience.
Ainsi, si votre existence elle-même ne dépend pas de votre
conscience, quelle est l’utilité de la conscience  ? Elle est utile
pour travailler, c’est tout. Donc, pour quelqu’un qui n’a pas de
travail, la conscience n’est pas nécessaire. Et pour quelqu’un qui
a des relations Divines, la conscience n’est pas nécessaire. C’est
pourquoi un Maître n’a pas besoin d’être conscient, vous voyez,
il est dans cet état que nous appelons « supra-conscience », mais
qui est au-delà de la conscience.
Maintenant, que se passe-t-il  ? Je veux dire, ceci est ma
supposition, ne la prenez pas comme définitive  : on dit que,
lorsqu’une âme Divine descend pour un travail, comme le Christ,
Bouddha et tant d’autres, ce qui se passe réellement - ce que
l’on appelle Amsha - c’est que cette partie du Divin qui descend,
acquiert une conscience et alors la conscience fait tout le reste, le
corps, l’environnement, le mode de vie. Je crois donc que cette
existence terrestre est une fonction de la conscience et tant que la
conscience existe, vous devez rester ici. Et lorsque nous allons au-
delà de la conscience, alors c’est ce que l’on appelle en spiritualité
la « vie éternelle ». C’est mon idée.
Q : Inaudible...
R : Oui, c’est désagréable, parce que, au niveau humain, l’amour
existe, mais au niveau humain, vous voulez aimer quelque chose.
Ce n’est pas suffisant d’avoir de l’amour, mais vous voulez aimer
quelque chose, quelqu’un, n’est-ce pas  ? Alors vous cherchez
un amoureux, ou quelque chose à aimer. Mais au niveau Divin,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 52

c’est l’Amour et il n’y a pas besoin d’aimer quelqu’un. De même,


au niveau humain, la conscience, vous savez, si vous donnez
quelque chose à un enfant, une lampe électrique, il éclairera ici et
là, même en plein jour. Il faut bien qu’une lampe électrique brille
quelque part. Ainsi, nous sommes comme des enfants avec notre
conscience, il doit y avoir quelque chose dans cette conscience.
Supposez que vous donniez un porte monnaie à un enfant, il va
l’ouvrir et regarder s’il y a de l’argent dedans. Donc, nous pensons
qu’il devrait y avoir quelque chose dans la conscience, mais la
conscience n’a pas besoin d’avoir quoi que ce soit. Comme l’amour
n’a pas besoin d’amoureux. De même que le feu peut exister sans
brûler. Vous connaissez le fameux philosophe grec Démocrite,
qui a dit : « Le feu est déjà dans le bois, il n’est pas manifesté ». Ce
doit être parce que vous ne fabriquez pas une allumette et dites
que c’est du feu. Ainsi, le feu est déjà là. Ce feu-ci libère ce feu-
là. De même, la spiritualité dit : « Le Divin est déjà là, vous avez
besoin d’un Maître pour le toucher et le réveiller ».
Ainsi, il n’y a pas de création dans la Nature, rien n’est créé. Ce
qui dort est rendu actif. Je pense que c’est le problème de la vie
humaine. Si vous pouvez être amour et n’avez pas besoin d’aimer
quelque chose, il n ‘y a pas de problème. De même, je peux avoir
conscience sans être conscient de quoi que ce soit, il n’y a pas de
problème. De nos jours, ces deux choses sont de gros problèmes.
C’est pourquoi il y a tous les jours quelqu’un qui vient et dit  :
«  Oh  ! J’ai tant d’amour dans mon coeur, mais mon mari ne
m’aime pas » (rires). Qu’est-ce que l’amour dans votre coeur a à
faire avec le fait que votre mari ou votre femme vous aime ? C’est
ainsi que nous créons nos problèmes. C’est comme un enfant
qui dit  : «  J’ai de la lumière, je veux l’obscurité maintenant  »,
pendant la journée. C’est comme dans les maisons occidentales,
vous tirez tous les rideaux lorsque le soleil brille et allumez les
lumières (Il rit). En Occident, il y a trop de cette folie, (rires). Oui,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 53

surtout en Angleterre. Ils ont quatre jours de soleil en Angleterre,


c’est ce qu’ils disent, et le jour où le soleil brille tout le monde sort
et regarde le soleil. Ils disent : « Chari, quel soleil magnifique !
N’est-ce pas  ? Quelle belle journée  ! «  Et immédiatement, ils
rentrent à l’intérieur et tirent tous les rideaux (rires). Quelle
drôle de chose !
Q : Quand vous êtes en Angleterre, vous ouvrez une fenêtre...
(inaudible)
R  : J’ouvre la fenêtre, mais ils la referment. (rires). J’étais
malheureux, en Angleterre. Mais nous faisons la même chose :
nous avons la lumière à l’intérieur, mais nous l’enfermons. « Ma
lumière », « Ma vie », vous voyez et ensuite, nous disons : « Je suis
dans l’obscurité, donnez-moi la lumière, donnez-moi l’amour,
donnez-moi la vie ». Tout est là (montrant le coeur).
Q : Jésus a dit : « Ne mettez pas la lumière sous... »
R : Un boisseau ?
Q : Oui.
R  : Oui, mais c’est ce que nous faisons. C’est la raison pour
laquelle vous devez ouvrir votre coeur, pas tant pour recevoir,
que pour donner et alors, vous vous apercevez que quand vous
donnez, vous recevez.
Q : Je pense que c’est le même processus....(inaudible)
R : C’est toujours le même processus. Vous voulez recevoir à
nouveau.
Q : Non, non.
R : C’est ce que j’ai dit dimanche : lorsque vous fermez la porte
pour ne pas me laisser entrer, vous fermez aussi la porte pour ne
pas sortir vous-même.
La même porte permet les deux activités. Vous devez ouvrir la
porte. Alors si vous voulez être libre, vous devez ouvrir la porte.
Mais vous avez peur : « Ah ! Si je laisse la porte ouverte, quelqu’un
va venir ». Alors vous faites de vous-même un prisonnier. C’est
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ce que l’Eglise catholique fait. Pas d’idées nouvelles, l’inquisition,


ceci, cela et autre chose. Alors, ils ferment la porte. Or, qu’arrive-
t-il si la porte est fermée en permanence ? Il n’y a pas d’air frais
à l’intérieur et la pièce sent mauvais (rires). Oui, vous pouvez
essayer (Rires). Surtout si vos chaussettes n’ont pas été changées
(rires). C’est pourquoi, vous voyez, toute société libre et ouverte
croît, toute société fermée décline. C’est l’air frais qui préserve
la vie. Or, nous voulons bien ouvrir nos portes et fenêtres, mais,
(montrant le coeur) pas ici, cette porte.
Q : (inaudible)
R : Oui, frère. C’est pourquoi je dis que la porte est ici. Si je
vous laisse à l’extérieur, je reste moi-même à l’intérieur. Une
porte sert dans les deux sens. Aussi, l’homme sage dit  : «  Peu
importe si quelqu’un vient, au moins je peux sortir ». L’insensé
dit : « Personne n’entrera », sans réaliser qu’il ne peut pas sortir
non plus.

QUESTIONS-REPONSES III
22 Septembre 1986

Q : Elle a lu un certain livre, et d’après ce qu’elle y a lu, elle a


compris que nous « sommes » dans une certaine partie du coeur.
Pendant la méditation, elle perçoit une sensation, la sensation de
la transmission, une fois à un certain point et une autre fois à un
autre point. Elle ne comprend pas pourquoi.
R : Quel livre a-t-elle lu ? « Vers l’Infini » peut-être ? Elle sent
la transmission à des endroits différents ?
Q : Oui
R  : On ne sent jamais la transmission. On sent l’effet de la
transmission. Parce que la transmission va toujours dans le
coeur, mais l’effet peut être senti n’importe où. De même que nous
mangeons ici, mais nous sentons la nourriture dans l’estomac et
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si quelqu’un a de l’acidité, il sent la douleur -ici-. Voilà donc ce


qui se produit, c’est comme l’électricité, s’il y a une ampoule, vous
voyez la lumière, s’il y a un ventilateur, vous le voyez brasser l’air,
s’il y a un moteur, il tourne.
Ainsi, nous ne devrions pas confondre la transmission avec son
effet qui peut être n’importe où. Cela devrait changer de point en
point. Vous comprenez ?
Est-ce clair maintenant ?
Pour en venir au côté physiologique, si vous étudiez la neu­
rologie, vous verrez qu’ils ne savent pas vraiment où les choses
sont ressenties. Parce qu’à partir du point des nerfs, par exemple,
si l’on touche le feu, l’impulsion va au cerveau et lui dit que vous
sentez la chaleur quelque part, mais la sensation est ici, pas là. Il
est bien connu que si quelqu’un a des problèmes avec sa jambe,
qu’on la lui coupe et qu’on la jette, cette personne va essayer
pendant plusieurs jours de se gratter le pied. Le pied n’existe
plus. Ainsi vous pouvez avoir une sensation là où il n’y a rien à
sentir.
Donc la spiritualité dit, où est la cause  ? Où est l’effet  ? Et
où est la sensation  ? C’est pourquoi nous ne donnons pas trop
d’importance à ces sensations. Nous les mettons dans notre
journal spirituel et les oublions. C’est le conseil que Babuji
donnait toujours : « Ecrivez-le dans votre journal et oubliez le ».
Nous avons faim et nous disons : « J’ai faim » ici, mais ce n’est
pas ici dans l’estomac que nous sentons la faim, c’est quelque
part ici, dans le cerveau. Aussi, est-il toujours difficile de dire où
je sens et ce que je sens. D’une certaine manière, nous formons
des associations, de même que lorsqu’une épine me pique le pied,
la douleur est ici, mais c’est seulement l’habitude à une même
cause et à un même effet ; ainsi, le cerveau interprète d’une même
manière. C’est pourquoi tous les êtres humains voient la même
chose ; vous voyez l’arbre, je vois l’arbre aussi, mais nous ne le
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 56

voyons pas exactement de la même manière. Nous ne voyons pas


la même couleur, nous ne voyons pas la même forme non plus
quelquefois. Ainsi, la spiritualité dit : « Tout ce que vous voyez,
tout ce que vous sentez, est votre interprétation de la Réalité ».
Qu’est-ce que la Réalité ? Vous devez aller au-delà de la cause,
au-delà de l’effet, au-delà de la sensation.
Ainsi, nous avons la sensation subjective et nous avons
l’explication physiologique. La spiritualité dit, supposez que vous
voyez un chien, vous aimez les chiens et vous dites : « Allez, viens
ici... » et vous le caressez. J’ai peur des chiens, alors je pars en
courant. La même chose peut causer deux sentiments différents
chez deux personnes différentes. Maintenant, comment cela
se produit-il ? Cela ne vient pas du chien, mais de moi. C’est à
cause de mes samskaras. Peut-être ai-je eu une fois une mauvaise
expérience avec un chien, alors j’ai peur des chiens. Vous avez
toujours eu de bonnes expériences avec les chiens, alors vous
aimez les chiens, c’est la même chose avec les êtres humains
et les lieux. Je viens à Rome pour la première fois, on me vole
mon appareil photo, alors, je dis que Rome est un sale endroit.
Quelqu’un vient à Rome, va à la fontaine des « trois pièces » et
rencontre une jeune fille dont il tombe amoureux et qu’il épouse.
Il dit que Rome est un bel endroit. Qu’est ce que Rome  ? Ce
que Rome est, dépend de vous. Ainsi, de la même manière, la
spiritualité dit que tant que vous avez des samskaras, vous ne
voyez pas la Réalité, vous la voyez à travers un verre teinté.
Retirez ce verre, alors nous voyons tous la même chose et c’est la
Réalité. C’est pourquoi en spiritualité, nous sentons, mais nous
n’accordons aucune importance à ce que nous ressentons. Nous
voyons, mais nous n’accordons pas d’importance à ce que nous
voyons, parce que nous devons voir avec la vision intérieure, et
c’est la Réalité.
Q  : Est-il naturel qu’en méditation, la conscience étant
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 57

maintenue dans le coeur, elle puisse soudain être projetée dans


un autre espace, peut-être situé derrière le front, quelque part
dans la tête ?
R  : Je dois donner une longue réponse. Vous n’y voyez pas
d’inconvénient  ? Où est la conscience  ? Nous n’avons pas la
conscience ici ou là. Par exemple, je marche dans l’obscurité, j’ai
une torche à la main. Avec cette torche, je peux éclairer quelque
chose à cent mètres, la lumière est dans ma main, l’objet est ici,
je le vois là. Je peux éclairer d’ici et voir ce qui est là-bas avec mes
yeux ici. De même, la conscience n’a pas besoin d’être localisée
à quelque endroit que ce soit, et en fait, elle n’est localisée nulle
part.
La psychologie occidentale fait beaucoup de confusions, parce
que vous avez le mental, vous avez le cerveau, l’intellect et la
conscience. Le cerveau nous savons où il se trouve  ; le mental
- dans la psychologie occidentale, ils disent que c’est le cerveau -
dans l’hindouisme, nous disons que ce n’est pas la même chose.
La conscience est quelque chose d’autre. L’âme est quelque chose
d’autre. Toutes ces choses n’ont pas de localisation physique. Où
est l’âme ? Nous ne pouvons pas le dire. Où est l’esprit ? . Nous ne
pouvons pas le dire. Où est la conscience ? Nous ne pouvons pas
le dire. Mais nous les utilisons. Comme je vous l’ai dit au sujet de
la faim.
Où est la faim ? Nous ne pouvons pas le dire, bien que l’estomac
soit vide. Ainsi, l’idée que la conscience est située dans le coeur
ou derrière le cerveau, n’est pas vraie, n’est pas correcte.
Alors que faites-vous lorsque vous êtes assis en méditation ?
Vous dirigez votre attention, de même que j’oriente la torche sur
l’objet. Elle est encore dans ma main, je peux la tenir de cette
manière, de celle-ci et même vers le haut et voir un avion peut-
être. Ainsi, cette direction du faisceau lumineux de ma main
à l’objet est l’attention, la direction. De même, je dirige mon
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 58

attention sur le coeur, sur la lumière dans le coeur pendant la


méditation. Or, d’une certaine manière il y a un mouvement en
moi par la grâce du Maître, si cela se produit. Ce déplacement
n’a pas lieu chez tout le monde. Quelquefois, il faut attendre 15
ans avant que cela n’arrive. Mais quand il y a ce mouvement -
nous l’appelons le « Yatra » dans le Sahaj Marg - du point 1 au
point 2, le déplacement doit s’effectuer dans le point 1 lui-même.
De même que si je viens à Latina, je peux aller à de nombreux
endroits dans Latina. Quand je connais très bien Latina, je peux
dire que j’ai le contrôle complet sur Latina, je connais chaque
rue, chaque place, toutes les directions. Il en est de même dans le
voyage spirituel, le coeur, 1er point, vous devez d’abord voyager,
vous pouvez dire « voyager » voyez-vous. Et quand c’est suffisant
pour vous donner le contrôle sur ce point, le Maître vous fait aller
au 2ème point.
Maintenant, l’expérience que vous avez est celle de la
condition à ce point. Ce n’est pas votre expérience, ce n’est pas
votre condition. C’est comme lorsque je viens d’une pièce bien
chauffée et que je sors, je sens le froid là. Je n’ai pas froid, je sens
le froid ici ; quand je retourne à l’intérieur, je dis : « J’ai chaud ».
Je n’ai pas chaud, je sens la chaleur de l’intérieur. Nous devons
faire très soigneusement la distinction entre « j’ai chaud » et « je
sens la chaleur », de même que « j’ai froid » et « je sens le froid »,
ce sont deux choses différentes. Je ne peux être froid que lorsque
je suis mort, littéralement parlant, parce que le corps n’a plus de
température. (Il rit tout bas). Alors, je suis froid. Mais quand je
suis vivant, je ne suis jamais froid, je sens seulement le froid qui
est à l’extérieur et qui m’influence. Je sens la chaleur d’une pièce
et elle m’influence. C’est comme un thermomètre. Vous le placez
dans un fourneau, il sent la température du fourneau. Vous le
mettez dans un bloc de glace, il sent la température du bloc de
glace. Il n’a pas de chaleur propre. Ainsi, dire que j’ai froid ou
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 59

chaud est ridicule, vous voyez, c’est l’identification subjective du


Moi avec le corps. Je ne suis rien de tout cela.
Donc, le Maître dit  : «  Ne prenez pas votre interprétation
de votre environnement pour votre condition  ». Quelqu’un est
heureux, je me sens heureux. Quelqu’un est triste, je me sens
misérable. Pourquoi cela devrait-il m’influencer  ? Je devrais
être comme un thermomètre, enregistrant la température. C’est
suffisant.
Q : Et ne pas être influencé par elle ?
R : Comment est-ce possible ?
Q : Oui. Je vais l’expliquer.
Nos yeux devraient être comme des objectifs d’appareil photo.
L’appareil prend une photo de n’importe quoi, ce peut être un
lion, une belle fille, un morceau de roche. Mais il ne fait pas
d’interprétation subjective. Il ne dit pas : « C’est joli, c’est dur,
c’est laid  ». Il enregistre. Un instrument est censé enregistrer.
Ensuite,nous interprétons. En interprétant, nous nous attirons
des ennuis. De même nos oreilles doivent être comme un
magnétophone. Quoique vous disiez, il enregistre. Il ne dit pas :
«  Ceci est ridicule, ceci est sage, ceci est beau, c’est une belle
idée  ». Il n’a rien à voir avec cela, il enregistre. Ainsi, j’ai reçu
des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, tous les sens, le
toucher, le goût, l’odorat. Ce sont des instruments utilisés pour
apprécier ce qui est à l’extérieur de moi.
Maintenant le cerveau évalue ce qui est bon, ce qui est mal,
mais le cerveau ne peut pas travailler sans mes samskaras. Le
samskara dit  : «  J’ai fait une mauvaise expérience avec ceci
auparavant, donc c’est mauvais  ». Ainsi, le cerveau non plus
n’est pas un pur instrument d’estimation, il estime d’après
mes expériences passées de tel ou tel objet. Aussi disons-nous,
qu’aussi aigus et raffinés que soient vos sens, aussi merveilleux
que puisse être votre cerveau, tant que vous avez des samskaras,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 60

votre interprétation de ce que vous voyez ne sera pas juste. Ce


que vous entendez et ce que vous pensez entendre sont deux
choses différentes. Je prends un exemple très courant : supposez
que je me dispute avec vous, 1/2 heure plus tard vous partez et je
souris. Vous dites : « Aha ! ce type Chari me sourit d’une manière
particulière. Pourquoi me sourit-Il maintenant ? « . Alors vous
êtes fâché, juste parce que je souris. Si je ne souris pas, vous dites
«  Il ne sourit jamais quand Il me voit. Il ne m’aime pas  ». Les
deux interprétations sont fausses, vous voyez. Je peux sourire
pour tout autre chose. Je peux avoir vu hier une fille que j’aime
beaucoup et je souris à ce souvenir, mais vous pensez que je
souris de vous. Ou bien la pizza d’hier, qui était tellement bonne
que chacun en a mangé 2 ou 3. (Rires). Ainsi ce souvenir me fait
sourire, et vous pensez que je souris de vous et vous en arrivez à
votre propre interprétation
Alors où est la Réalité  ? L’oreille entend correctement, mais
nous, à l’intérieur, nous n’entendons pas. C’est pourquoi le
Christianisme dit : « Vous avez des oreilles mais vous n’entendez
pas ». Quelle est cette chose bizarre, j’ai des oreilles et je n’entend
pas ? Ce que le Christ voulait dire c’est que vous entendez, mais le
vous, à l’intérieur de vous entend différemment, c’est à dire qu’il
entend autre chose.
Les yeux voient quelque chose ; par exemple, nous avons cet
exemple fameux dans les Védas, celui de la souche d’un arbre
dans l’obscurité  : un homme voit la souche d’un arbre, un
autre voit une fille debout là, un troisième a peur que ce soit
un fantôme. Nous voyons tous la même chose, mais le mental
interprète différemment et il interprète, là encore, à cause des
samskaras. Donc la Spiritualité dit, je le répète, ce que je vois - je
ne le vois pas. Je vois quelque chose - je pense voir autre chose.
J’entends quelque chose - je crois entendre autre chose. Nous
ne pouvons même pas nous fier à nos propres sens, parce que ce
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qui est en moi, mon samskara, change ce que je vois en ce que je


pense voir, selon ce qu’il veut voir. C’est pourquoi en spiritualité
nous disons que vous ne voyez rien, vous êtes aveugle. Ouvrez les
yeux, réveillez-vous, comme le dit cette fameuse déclaration des
Védas : « Vous dormez, réveillez vous ! «  et regardez à présent
la Réalité avec une vision différente. Mais pour cela, nous avons
besoin de l’aide d’un Maître, nous devons pratiquer, nous devons
faire le nettoyage et alors un jour, nous voyons la Réalité telle
qu’elle est. Cela est vrai.
(rires, parce que le traducteur regarde Chariji désespérément,
après un passage particulièrement long à traduire.)
R : Je n’ai pas de magnétophone ici. (rires)
Le traducteur: Ainsi, même la traduction peut être une
interprétation (rires).
R : C’est souvent le cas. C’est très souvent le cas.

QUESTIONS ET REPONSES IV
22 SEPTEMBRE 1986

(Question à propos des sensations intérieures non enregistrée.)


R : En yoga, on dit que parfois quand vous allez très haut, vous
sentez comme du miel coulant à l’intérieur, du nectar, mais je ne
l’ai jamais senti. (rires)
Q : Auparavant, j’avais beaucoup de visions, mais maintenant
je n’en ai plus.
R : Les visions sont très communes.
Q : Mais maintenant je n’en ai plus.
R : Oui, cela signifie qu’il n’y a pas de samskara, ou pratiquement
pas. Tout ce que nous voyons pendant la méditation, vient de la
libération de notre samskara. C’est comme un disque de musique.
Quoi que ce soit, cela sort. Vous savez, si vous êtes en train de faire
cuire des pommes de terre et que vous remuez la cocotte, vous
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sentez l’odeur des pommes de terre. De même, nous avons des


samskaras et quand nous méditons, ils sont libérés et entrent en
contact avec l’esprit, ainsi nous recevons la même impression que
celle qui a créé les samskaras au début. Cela n’est pas vraiment
important, cela montre seulement que quelque chose est en train
de sortir. Pour prendre un exemple ordinaire, quand un enfant
mange quelque chose et vomit, il ne peut rendre que ce qu’il a
mangé, il ne peut créer quelque chose et le rendre. Ainsi, ne peut
ressortir que ce qui était déjà à l’intérieur. C’est pourquoi nous
disons, n’accordez pas d’importance à ces choses.
Q : Inaudible.
R : Ce n’est pas possible. D’oublier ?
Q : De perdre sa sensibilité.
R  : Une fois que vous avez développé la sensibilité, vous ne
pouvez pas la perdre. Vous voyez, nous avons des samskaras. Les
samskaras créent une expérience. Maintenant, nous ne savons
même pas, la plupart des abhyasis ne savent pas ce dont ils font
l’expérience, parce qu’ils n’ont pas de sensibilité. Mais lorsque
nous devenons sensibles, cela devient un problème parce qu’alors
cela affecte notre méditation. Mais cela doit sortir. Aussi la
sensibilité doit-elle être sous notre contrôle, alors nous pouvons
- de même que nous allumons et éteignons la lumière une - nous
pouvons être ou ne pas être sensibles, au choix. C’est ce que j’ai
dit au début, je peux entendre ou ne pas entendre la musique,
comme je le décide. C’est mon choix et non le choix de la musique.
Cela signifie que vous contrôlez votre environnement, sinon vous
êtes un esclave, vous suivez ?
Q  : Est-ce que les samskaras sortent aussi quand nous ne
méditons pas ?
R  : Non. Seulement en méditation, parce que vous détournez
votre attention. C’est comme lorsque vous faites bouillir de l’eau, ce
n’est que lorsque vous retirez le couvercle, que la vapeur peut sortir.
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Q : Mais il arrive que quelqu’un ait des pensées qui le gênent
lorsque sa conscience est à l’état de veille, qu’est-ce que c’est ?
Est-ce un samskara ?
R  : Non, c’est une activité du mental. Voyez-vous, il y a une
différence entre le mental en activité et un samskara touchant
l’esprit et recréant l’impression qui a été à l’origine de ce samskara.
Ce sont deux choses différentes. Comprenez-vous  ? L’une est
une activité mentale, l’autre est comme lorsque vous entendez la
sonnette et que vous dites : « Quelqu’un est à la porte ». Mais, je
peux avoir un samskara à cause d’une sonnette. Quand je pense,
c’est une activité mentale.
Q : Ce n’est pas un samskara ?
R : Non, non. Les samskaras peuvent déterminer comment je
pense. Vous voyez, c’est comme un voleur. Il pense à la manière
dont il pourra cambrioler cette maison ou celle-là. C’est encore une
activité mentale. Ses samskaras le font penser à voler des choses.
Q : C’est la base.
R  : Oui, c’est la base. Ainsi, le fait que ce soit la base de la
pensée est une chose différente. Un samskara, sans le savoir
consciemment, recrée les vieilles impressions. Supposez que dans
votre vie passée vous ayez été dans les Alpes, les montagnes ; vous
aimiez beaucoup l’alpinisme. Dans cette vie, vous vous asseyez
en méditation et vous pouvez imaginer que vous êtes dans les
montagnes, vous avez une vision de ce genre. Il y a beaucoup de
choses comme cela, quelqu’un se voit dans un jardin, quelqu’un
d’autre sur un bateau. Je me souviens que nous avions une abhyasi
quelque part, pendant la méditation elle avait toujours peur d’un
avion s’écrasant au sol. Babuji disait qu’elle avait dû mourir dans
un accident d’avion dans sa vie précédente. Et cette impression
est si forte. Elle vient et revient en méditation et est difficile à
nettoyer. Une petite chose maintenant, nous n’avons jamais de
samskara quand nous mourons dans notre lit, je veux dire que
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nous ne formons aucune impression, sinon nous ne pourrions


pas dormir dans un lit. Vous diriez : « Oh ! Ce lit, j’ai peur de ce
lit », mais vous n’avez pas peur. Pourquoi ? Parce que vous êtes
conditionnés par la société et pensez que c’est naturel de mourir
dans un lit, mais pas naturel de mourir dans un accident d’avion.
Aussi, d’une certaine manière, notre conditionnement social
décide aussi de quelle façon nous acceptons une situation. Par
exemple ici, vous ne pensez pas que c’est mauvais de boire du vin.
(Le séminaire se tenait à proximité d’une cave coopérative.). On
pense que nous sommes insensés de nous asseoir ici, à discuter de
méditation, alors qu’il y a tant de vin autour. (rires) Cela, c’est un
conditionnement social. C’est pourquoi il est si difficile d’enlever
des tendances, parce que l’esprit est modelé pour accepter une
culture particulière et vous devez vraiment imprimer la nécessité
du changement. C’est le problème. Ainsi, nous devons enlever
les samskaras et changer aussi l’attitude de l’esprit. La première
chose - enlever les samskaras - est facile, mais changer l’attitude,
cela n’est pas si facile.
Q : Parce que c’est le travail qui nous est assigné ?
R : Non, non. Parce que c’est comme cela qu’on vous a appris.
Votre vue de la Réalité est basée sur votre culture, votre langue,
vos traditions. Vous savez, si à chaque fête religieuse on mange de
la viande, cela fait partie de la culture et de la tradition religieuse.
Si vous ne mangez pas de viande, on pensera que vous n’êtes pas
religieux. Alors comment changer un tel homme ? Vous pouvez
changer la religion, mais vous ne pouvez le faire cesser de manger
du mouton. Si vous vous représentez Noël tel qu’on le fête en
Angleterre, vous avez la dinde : « Il n’y a pas de Noël sans dinde
en Angleterre, à certains endroits c’est le pudding. Mais si vous
allez en Australie où il n’y a pas de neige, il n’y a pas d’hiver à
Noël, Noël est différent. Ainsi leurs samskaras seront différents
des samskaras des anglais. Ici, ils élèvent des dindes, voyez-vous,
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seulement pour les tuer au moment de Noël et les gens ne peuvent


comprendre quand vous dites : « Vous tuez une dinde pour Noël,
c’est cruel ! « . Ils disent : « Mais il ne peut y avoir de Noël sans
dinde ». De la même façon, il n’y a pas d’anniversaire sans vin en
Italie. Il est donc difficile de changer.
Qu’arrive-t-il quand vous enlevez un samskara ? Les personnes
créent un nouveau samskara, le même samskara, parce qu’elles
vivent de la même façon, sans changer. C’est pourquoi le
progrès est si difficile. Si ce n’était qu’une question d’enlever les
samskaras et de transmettre, nous serions tous des saints depuis
20 ans. C’est comme un enfant, voyez-vous, vous lui donnez
un bain, vous le parfumez, vous le talquez, vous lui mettez de
nouveaux vêtements, il sort et revient tout sale. Vous voyez,
c’est une chose très simple. Vous lavez votre chemise, elle reste
propre jusqu’à ce que vous la salissiez à nouveau mais si c’est une
chose vivante, comme un bébé ou un chien, vous n’avez aucun
contrôle. Le chien aussi sort, se roule dans la boue et revient
en remuant la queue. C’est ainsi avec les choses vivantes, elles
ont leur propre esprit, leur propre volonté. C’est pourquoi le
nettoyage est si important, voyez-vous, parce que vous ne pouvez
changer l’esprit de l’extérieur, aussi essayons nous de changer
de l’intérieur en enlevant les samskaras. Aussi pouvons nous
dire que 80% de l’effet est enlevé, mais l’esprit garde encore son
propre fonctionnement à cause du conditionnement social.
Maintenant, vous savez, vous venez à Shahjahanpur pour 15
ou 20 jours et vous changez votre vie. Pourquoi ? Parce que la
pression de votre environnement local n’est plus là, aussi est il
facile de vivre une vie différente et puis les personnes rentrent
chez elles et disent : « Oh, vous savez, je suis rentré et j’ai repris
toutes mes vieilles habitudes  ». C’est le problème. Aussi vous
devez être capables de vivre de telle façon que l’environnement
ne vous affecte pas, où que vous alliez.
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Q : Est-ce que c’est ce que Babuji voulait dire quand Il disait
que nous devrions vivre comme des canards ?
R  : Oui, oui. Mais comment  ? C’est le problème. A moins
que vous ne le vouliez - Vous devez être totalement disposés
à dire  : «  Je me soumets, ôtez mes samskaras  » et la seconde
soumission est : « J’accepterai vos conseils sans m’inquiéter de
ma famille, de la société », ce n’est pas si facile. Les gens viennent
et méditent pendant 6 mois, puis ils disent : « Ma femme n’aime
pas la méditation  » et ils arrêtent. Ou une femme dit  : «  Mon
mari n’aime pas la méditation  » et arrête. Vous devez être
disposés à accepter que le changement ne peut venir que si vous
rejetez totalement votre état actuel. Alors, vous pourrez l’avoir
comme cela (Il fait claquer ses doigts), le changement. C’est
pourquoi le changement est facile quand nous avons un groupe,
parce qu’alors nous avons une petite société et tous font la même
chose, pensent de la même manière, et donc leur dépendance par
rapport à l’autre société diminue. Tandis que si vous êtes l’unique
abhyasi d’un endroit, c’est très difficile. Telle est la valeur du
satsangh. Satsangh signifie : des gens semblables se rassemblant.
C’est aussi une des raisons pour lesquelles nous aimons avoir ces
réunions si souvent.
Q : Comment pouvons-nous contrôler la sensibilité ?
R  : Naturellement  ; cela vient naturellement. Si vous êtes
capable de pratiquer le souvenir constant, la sensibilité se tourne
vers la plus haute direction et alors cela ne vous affectera pas.
Q : Est-ce cela « Vivre comme les canards dans l’eau » comme
disait Babuji ?
R : Oui. Voyez-vous, ce n’est pas comme un appareil-photo dont
vous réglez simplement l’objectif. Là, la sensibilité est toujours
présente, mais au lieu d’être réceptif à ceci, vous pensez au Maître,
à Dieu, quelle que soit la manière dont vous l’appelez et alors que
dans un cas l’effet est mauvais, dans l’autre, il est bon.
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Q : L’effet est l’émotivité ?


R : Non, non. Ceci est plus bas, cela est plus élevé. Vous savez
c’est comme pour viser avec un appareil-photo. Si vous appuyez
et prenez la photo alors que je ne vous regarde pas, vous n’avez
pas ma photo. De même nous ajustons notre coeur vers le haut.
La sensibilité oeuvre à Le rapprocher de nous. Nous avons besoin
de la sensibilité.
Q : Oui mais quand nous concentrons la sensibilité vers le plus bas..
R  : Cela nous abaisse, fait descendre notre niveau spirituel.
Vous savez nous sommes tous sensibles d’une certaine façon.
Nous disons, cette nourriture est bonne, ce fromage est bon, ce vin
est bon. Comment pouvez-vous dire bon et mauvais ? Ce n’est pas
seulement une question de goût, c’est une question de sensibilité.
Il y a donc toujours de la sensibilité, mais la méditation l’accroît
et il devient alors vraiment essentiel qu’elle soit mise là et non ici.
Q : La sensibilité est-elle différente de l’émotion ?
R : L’émotion ?
Q : Oui. Nous discutions et elle m’expliquait qu’elle était allée
à un endroit où il y avait eu une grande bataille, Montecassino,
et qu’elle avait été très troublée par l’atmosphère du lieu et assez
inquiète.
R : C’est de la sensibilité. Ce n’est pas de l’émotivité.
Q : Quand elle est avec quelqu’un qui a de gros problèmes ou
qui est très malade, elle le capte.
R : Oui. Maintenant vous devez pratiquer le souvenir constant.
Q : J’essaye.
R : Oui mais vous devez essayer plus. Vous savez, quand nous
sommes enfants, beaucoup d’enfants ont peur d’aller dans le
noir. Vous dites  : «  Vas jusqu’à la rue principale et là, appelle
quelqu’un ». Vous devez traverser des arbres, il fait très sombre.
Alors que se passe-t-il ? Certains enfants commencent à chanter
et ils courent et ils n’ont pas peur parce que leur esprit est passé
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de la peur à la musique. Ou d’autres enfants n’arrêtent pas de


crier : « Maman, Maman », et vous dites : « Oui Paul, oui Paul ».
Et ils vont et reviennent tant qu’ils entendent le son. Qu’arrive-
t-il donc à la peur ? La peur ne peut surgir que lorsque l’esprit
n’est pas occupé. Si l’esprit est occupé avec de la musique ou un
nom, - comme en Inde où on dit : « Ram, Ram, Ram, Ram, ». On
prend le nom de Dieu et on y va. Donc si l’esprit reste occupé, la
peur ne peut pas venir.
De même si vous pensez au Maître ou à quoi que ce soit, tout
le temps, la sensibilité ne se dirige que vers cela, vous voyez. Cela
ne peut vous affecter. Sans souvenir constant, la vie spirituelle
n’est pas possible. Nous en avons besoin pour tant de raisons :
pour garder notre esprit actif, pour développer notre amour pour
le Maître, pour contrôler notre sensibilité de la bonne façon,
pour tout, voyez-vous. Même pour les petites choses, voyez-vous,
comme de marcher dans la rue  ; si vous êtes dans le souvenir
constant vous ne voyez rien et c’est bien.
Q  : Il arrive que nous ne voyons pas les choses, comme un
appareil-photo qui n’est pas dirigé vers les objets.
R : Oui. Bien.
Q : Mais nous devons encore nous sentir les pieds sur terre ...
R : Cela se fera. Voyez-vous Babuji disait que lorsqu’Il travaillait
au tribunal à Shahjahanpur, Il était dans le souvenir constant de
Lalaji. Lorsque le juge rendait le jugement, Il était censé l’écrire,
mais Il était dans le souvenir de Lalaji, Il n’entendait même
pas ce qui était dit. Mais après la fermeture du tribunal, Il se
rendait dans sa chambre et Il disait : « Que dois-je faire ? « . et Il
commençait à écrire et cela se présentait exactement comme cela
avait été dit.
Q : Peut-il arriver parfois que quelqu’un réponde à une question
qu’il n’a jamais entendue ?
R : Je suis en train de donner des réponses que je ne connais
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pas. (rires) je ne plaisante pas. Je ne sais pas d’où cela vient,


voyez-vous. C’est pourquoi je veux écouter à nouveau mes
enregistrements ? Le plus souvent je ne sais pas de quoi je parle.
Voyez-vous je suis en train de lire ce nouveau livre « Le Rôle du
Maître ». Je suis étonné parce que tout ce que j’ai dit est nouveau.
Ce matin j’ai parlé du sacrifice. Je ne sais pas d’où cela vient et je
suis étonné par ces nouvelles idées.
Q : Oui. Parce que Babuji a parlé du sacrifice et ...
R : D’amour.
Q : L’amour est nécessaire à la spiritualité.
R : Oui. Voyez-vous, à chaque niveau ; il y a tant de niveaux.
Mais la chose bizarre en Occident est que vous pensez que
vous devez connaître quelque chose avant de pouvoir répondre.
Maintenant je sais que je n’ai pas à connaître quoi que ce soit et
que je peux répondre. Oui. C’est un fait. Donc d’où cela vient-
il  ? Cela montre seulement que c’est comme un robinet, il n’y
a pas d’eau dans le robinet mais de quelque part l’eau arrive.
Maintenant supposez que toute l’eau doive se trouver dans le
robinet, combien pourrait-il en contenir  ? Vous connaissez
l’électricité. Vous avez des piles, combien de temps peuvent-elles
vous donner du courant  ? 2 heures, 3 heures, 4 heures  ? Mais
ceci (en désignant le coeur) vous donne tout le temps parce qu’il
est relié à la source. N’est-ce pas ? Aussi quand vous êtes relié à
la source, vous n’avez pas besoin de connaître les réponses, la
réponse vient.
Q : (inaudible)
R : Au début c’est difficile parce que nous pensons que nous
allons répondre à partir de nos connaissances et vous avez peur
d’oublier vos connaissances et de laisser faire. Alors vous ne
pouvez parler, car ce que vous savez est insuffisant mais vous
avez peur de l’abandonner. Il n’y a pas d’issue, alors vous restez
ce que vous êtes. L’abandon, voyez-vous, la soumission, signifient
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cela, jetez ce que vous savez, ce n’est rien.


Q  : L’expérience que j’ai parfois est que d’une manière ou
d’une autre je réponds à une question que je n’ai pas entendue.
L’attention n’y était pas quand la personne me parlait et je ne
savais pas ce que la personne avait dit.
R  : Mais vous savez que Babuji avait l’habitude de répondre
à des questions sans même que vous ayez posé la question.
D’abord, nous entendons la question et nous ne connaissons
pas la réponse. Ensuite, nous entendons la question et nous
connaissons la réponse. Puis, la question est posée mais nous
ne l’avons pas entendue et nous donnons la réponse . Enfin, la
question n’est pas même posée mais nous donnons la réponse.
C’est un miracle. Mais c’est la spiritualité.
Q  : Même quand la question était posée en français, Babuji
répondait à la question.
R : Oui parce qu’Il ne répondait pas au français, Il répondait à
la question et la question est déjà dans votre coeur.
Pourquoi, lorsque vous êtes à 10.000 kilomètres de Babuji et
que vous avez un problème, que vous écrivez une lettre au Maître,
parfois vous ne la postez même pas et votre problème est cependant
réglé. Vous savez, je me suis souvent demandé comment cela se
produisait ; comment cela se produit-il, quelqu’un peut-il me le
dire ?
Q : (inaudible)
R : Nous pensions écrire au Maître à propos de ce problème et
c’est déjà ...
Q : Parce que vous vous concentrez sur le problème.
R  : Parce que vous vous concentrez. Parce que toute votre
existence est tendue vers ce problème et vous écrivez la lettre.
Sans écrire la lettre, cela ne se produit pas. Parce que lorsque
vous écrivez, vous n’avez qu’une seule idée à l’esprit pour la Lui
communiquer, dès lors le lien est établi. Alors que si vous pensez
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simplement à un problème, cela ne se produit pas. Aussi au


moment où cela frappe Sa conscience, quoi qu’Il veuille faire, se
fait.
Q : Même dans le monde matériel, vous savez, si vous faites une
note ou un schéma de quelque chose, la pensée travaille mieux.
R  : C’est une question de concentration. Pourquoi cela ne
marcherait-il pas dans le domaine matériel si cela marche dans
le domaine spirituel ? Rien ne peut marcher dans le matériel, à
moins que cela ne marche dans le spirituel. Parce que cela doit
marcher au niveau le plus élevé, avant de pouvoir marcher au
niveau le plus bas. Vous savez qu’à moins d’avoir une pensée à
l’esprit, vous ne pouvez la mettre sur papier. Vous ne dessinez
pas quelque chose avant d’y avoir pensé ; vous pensez, puis vous
dessinez. Je veux dire, c’est le principe de base du Raja Yoga que
l’esprit crée tout, le traduit ensuite en action et cela se traduit
ensuite par un effet, l’effet crée un samskara, le samskara crée la
nouvelle action. Donc c’est un cercle, voyez-vous. C’est pourquoi
la méditation est le yoga dans sa totalité. Nous ne faisons pas de
Hatha Yoga ou de Pranayama, nous méditons.
Q : Est-il possible de faire la méditation dans la région du coeur
mais sans sentir le coeur ?
R : Vous ne sentez pas le coeur ?
Vous savez, nous ne sentons jamais le coeur. Quand avez-vous
senti le coeur auparavant ? Je veux dire avant de commencer à
méditer. Avez-vous jamais senti votre coeur ?
Q : Le battement
R : Oui, s’il ne battait pas, vous ne le sentiriez pas. Donc vous
ne ressentez que l’effet du battement, comme lorsque l’eau bout
dans la bouilloire et que le couvercle fait « ta ta ta ta ta » , vous
savez, vous n’entendez pas la vapeur, vous entendez l’effet de la
vapeur.
Maintenant pendant la méditation aussi il peut arriver que
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 72

parfois vous deveniez plus sensible et ce battement du coeur -


« dub, dub, dub, » - vous l’entendiez ici, comme quelqu’un qui
martèle quelque chose. Je l’entendais au début et j’étais très
inquiet parfois. Pourquoi mon coeur fait-il tant de bruit ? Mais
c’est vous qui l’entendez comme un bruit. Parfois il fait du bruit
d’une autre façon, voyez-vous,, il veut des choses. Cela aussi
est son effet. Vous dites : « Mon coeur vous veut ». Quand a-t-
il dit qu’il voulait  ? Ceci est votre interprétation. Personne ne
sait ce que le coeur pense réellement parce que nous n’écoutons
pas le coeur, nous écoutons nos propres désirs. C’est ce que j’ai
tenté d’expliquer ce matin. Alors nous souffrons parce que nous
pensons que c’est le coeur, alors que c’est notre désir. Ce sont deux
choses différentes. Et un jour le coeur ne coopérera plus, il dira :
« Oh, je ne voulais pas de ces choses ». Dès lors le désir est parti.
Maintenant les deux y sont opposés, l’amitié doit disparaître ou
l’association doit disparaître ou quelque chose doit disparaître,
voyez-vous. C’est pourquoi nous devons savoir, non pas où le
coeur se trouve, mais comment l’écouter.
C’est comme le téléphone. Je peux vous téléphoner de
n’importe où, mais vous n’avez pas besoin de savoir où je suis.
Tout ce dont vous avez besoin est de m’écouter, n’est-ce- pas ?
Pourquoi l’endroit où je me trouve importerait-il  ? Je dirai la
même chose, que je sois à Tombouctou ou à Toronto. Cela ne
fera pas de différence. Aussi, la localisation du coeur n’est pas
importante, c’est ce qu’il dit qui est important, mais cela nous
ne l’entendons jamais. En méditation nous essayons de nous
tourner vers le coeur et alors lentement il commence à parler,
c’est ce que vous appelez la conscience, et plus vous écoutez,
plus cela devient fort, plus cela devient puissant. Alors, vous êtes
guidés de l’intérieur, tandis qu’à présent vous voulez être guidés
de l’extérieur.
C’est la même chose pour Dieu, vous savez, quand vous faites
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une prière à Dieu, vous ne savez pas où Il est, mais vous priez
quand même. Supposez que vous deviez téléphoner à quelqu’un
du gouvernement ou au central téléphonique. «  S’il vous plaît,
puis-je avoir le numéro de Dieu  ? «  . Nous n’avons donc pas
besoin de savoir où, nous devons savoir comment. N’est-ce pas
vrai ? (rires)
Q  : Ce matin vous avez parlé d’un certain abhyasi qui est
devenu fou après plusieurs années de méditation.
R : Voyez- vous, si vous n’aimez pas et que vous vous développez
spirituellement, c’est l’idée du pouvoir qui vous mène. Aussi ai-je
donné l’exemple de Lucifer qui devint Satan et j’ai dit qu’à mon
avis, il n’aimait pas Dieu. Parce que finalement c’est l’amour-
même pour l’obéissance, la moralité et les choses de ce genre,
voyez-vous- c’est l’amour qui nous fait aller droit, non pas le
pouvoir. Autrement quand le gouvernement dit  : «  Ne prenez
pas une rue à sens unique », vous obéiriez effectivement. Mais
si le policier n’est pas là ou qu’il fait nuit, les gens empruntent
cette rue et disent : « Oh, Basta ! « . Mais si c’est l’amour qui vous
dirige, vous dites : « Non. Peu importe qu’il y soit ou non, je dois
me comporter toujours de la même façon ». C’est pourquoi, j’ai
dit quelque part que la véritable moralité est votre comportement
lorsque vous pensez que personne ne vous voit. (interruption de
l’enregistrement)
R : .... nous essayons de créer des circonstances dans lesquelles
personne ne nous voit, essayant d’être seuls, essayant d’être dans
l’obscurité, essayant de voler dans un magasin quand personne
n’est là. Mais nous oublions qu’IL est toujours là.
Q  : Que devons-nous faire lorsque nous entendons du bruit
dans la pièce où nous méditons  ? Elle a entendu des bruits
pendant la méditation, elle n’a pas eu peur mais cela l’a étonnée.
R : Vous savez, il y a toujours des bruits, mais parfois nous ne
sommes pas habitués à ces bruits et quand nous méditons nous
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devenons plus sensibles et donc le bruit devient énorme. L’année


dernière quand nous étions à Vorauf, nous étions seuls dans une
petite maison. Nous ne pouvions dormir, car toute la nuit il y
avait des bruits. La neige tombe et cela fait du bruit. Il pleut et
cela fait du bruit. Quelque part des gens frappaient à la porte,
je pensais que c’était à la mienne. Deux ou trois fois je suis allé
voir à la porte, il n’y avait personne. Et puis dans une maison de
bois, la nuit, il fait froid, les tensions se relâchent, un «  crac  »
quelque part, vous savez, comme si quelqu’un montait l’escalier.
Je n’ai pas pu dormir, ma femme n’a pas pu dormir. La nuit
suivante nous avons demandé à quelques jeunes gens de venir
dormir dans la maison (interruption de l’enregistrement) .... et il
était toujours en ville, jamais dans un village ou dans un endroit
semblable. Il y avait sur le chemin un endroit planté d’arbres
semblables à vos sapins, des pins très hauts avec des feuilles.
Aussi, je lui dis : « Viens avec moi » Nous arrêtâmes la voiture et
je l’emmenai vers les arbres. Et à chaque fois qu’il y avait un peu
de vent, on entendait « chuchuchu » comme dans une forêt de
pins.Il n’avait jamais entendu ce chant en plein jour, à 10h30 du
matin et il avait peur.
Qu’est-ce que la peur ? C’est la peur de l’inconnu. Quand vous
savez ce que c’est, il n’y a pas de peur. Vous suivez ?
Q : (inaudible)
R : Vous n’avez pas peur. Je n’ai pas peur non plus. Cela arrive
très souvent quand vous allez dans un endroit inconnu. Vous
voyez, je dors dans ma maison, j’ai un lit, j’ai 3 fenêtres et je
sais ce qui est ici ou là  ; je reconnais la lumière, vous savez, je
regarde simplement par la fenêtre la nuit et je sais l’heure qu’il
est, car je suis habitué à la lumière, à minuit telle luminosité, à 4
heures telle luminosité, je n’ai pas besoin de montre. Maintenant
si je vais dormir dans une autre pièce, les fenêtres sont ici, je me
réveille et regarde là, tout est noir, je ne sais pas l’heure qu’il est,
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je suis un peu perplexe, mais je n’ai pas peur. Si à ce moment-là


quelque chose se produit, comme un bruit ...
Vous savez, un jour je dormais dans la maison de Babuji, à
l’étage, dans ce qu’on appelle les chambres d’hôtes pour les
étrangers. J’étais seul. Donc après 22h30, Babuji rentra dans la
maison et je montai (Il rit tout bas) dans une chambre à l’étage.
Je priai, fis le nettoyage et m’endormis. Il n’y avait personne
à cet endroit, alors que normalement une demi-douzaine de
personnes dorment là. Soudain, vers minuit, je me réveillai en
tremblant parce que j’avais entendu un bruit comme celui d’un
chien «  hou ou «  (Il rit). J’étais réellement secoué. Et c’était
dehors, juste sous ma fenêtre. Je me levai et allumai la lumière.
Elle ne marchait pas, car il n’y avait pas de courant. J’ai toujours
une lampe de poche avec moi, je l’allumai, il n’y avait rien. Je me
remis à prier et me recouchai. Au bout de 5 minutes, le même
bruit. C’était le veilleur de nuit qui criait, mais je n’ai pas pu me
rendormir après. Au matin (Il fait un bruit de baillement) j’étais
assis devant Babuji et Il dit : « Qu’est-ce qui ne va pas ? «  Je lui
dis : « Je n’ai pas pu dormir ». Il me demanda : « Pourquoi ? «  Je
lui dis : « Le bruit toutes les cinq minutes, d’abord j’ai eu peur, je
pensais que c’était un chien ou un fantôme. Il me dit : « Pourquoi
n’êtes-vous pas venu dormir avec moi ? « .
Je vais vous raconter une histoire encore plus drôle. La
première fois que je suis allé voir le Maître à Shahjahanpur, vous
connaissez cette longue pièce sur le côté où Gunde Rao habitait,
Raosab ?
Il y a un grand tableau de Lalaji au mur, une peinture. C’est
comme cela ; le lit est comme ceci et le tableau est accroché là.
Le Maître me donna ce lit et de toute la nuit je n’ai pas pu dormir
parce que quand je regardais là, IL me regardait (rires) -Lalaji-
(rires). Alors je me suis retourné pour dormir (rires) Je n’ai pas
pu dormir une minute. Et c’était Lalaji, voyez-vous, non pas un
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 76

chien ou un fantôme, c’était Lalaji ! Vous savez, c’est un tableau


très sévère (rires).
Q : Un jour, j’étais seul dans la salle de méditation et j’ai eu
peur du tableau de Lalaji.
R : Lalaji - oui- Je suis heureux de ne pas être le seul (rires).
Donc pourquoi cette peur de Lalaji  ? Cela montre seulement
qu’il y a une certaine peur en nous qui réagit à certaines choses
extérieures.
Quelqu’un a peur des chiens, quelqu’un a peur des serpents,
quelqu’un a peur du noir, quelqu’un a peur des bruits. Ce dont
nous avons peur dépend des samskaras que nous portons en
nous. Par conséquent, lorsque le nettoyage de ceci est fini, vous
ne pouvez plus avoir peur. Ainsi les saints n’ont pas peur. Ils
peuvent aller dans la jungle, vous savez, l’éléphant vient, le lion
les accompagne, le tigre marche devant eux, ils n’ont pas peur.
Comment peuvent-ils avoir peur, il n’y a pas de samskaras en eux.
Par conséquent, lorsque vous n’avez plus de peur, cela signifie
plus rien là. Pas de tentation, car la tentation est aussi de même
nature, elle vient du coeur.
Si la tentation venait de la chose elle-même, tous seraient
tentés par elle. Mais elle est ici, donc je suis tenté par quelque
chose qui ne vous tente pas. La tentation n’est pas à l’extérieur,
elle est à l’intérieur. Aussi la tentation, la peur, tout doit partir
quand le nettoyage est achevé.
Q : Je pense que nous devons partir.
R : Oui. Nous avons dépassé notre temps de quelques minutes.

QUESTIONS-REPONSES V
23 Septembre 1986

(Des questions écrites sont lues à haute voix au Maître.)


Q  : L’abandon au Maître. Comment peut-il être ressenti et
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 77

accompli  ? Devons-nous abandonner toute espèce de volonté,


tout projet conscient et volontaire, et attendre dans une sorte de
passivité réceptive mais attentive ? Cela signifie-t-il faire ce que
nous sentons être juste et nécessaire tout en étant reliés à ce que le
Maître crée en nous ? Est-ce que l’abandon signifie simplement,
rester ouvert, en contact avec le Maître Divin dans notre coeur,
dans la réalité du moment présent ?
R : Trop de questions (Il rit) en une question. (rires)
Le Maître a dit que l’état d’abandon est comme celui d’un
cadavre dans les mains de l’habilleur, c’est à dire celui qui prépare
le corps pour l’inhumation. Cela signifie que nous n’avons aucun
sentiment, que nous n’avons aucun désir, et que nous ne devrions
même pas savoir que nous nous sommes abandonnés, parce que
si nous le savons « je me suis abandonné », le « je » est toujours
là.
Dans l’abandon, le « je » ne devrait pas exister, par conséquent
l’idée que nous nous sommes abandonnés, la conscience que
nous nous sommes abandonnés devraient aussi disparaître.
C’est tout. Cela répond à tout. Voulez-vous demander quelque
chose de plus à ce sujet ?
Q : Je vais essayer d’intégrer, de comprendre de l’intérieur.
R : Oui. Vous voyez, l’abandon n’est pas un processus comme
le nettoyage ou la méditation. Dans le nettoyage, nous faisons
quelque chose pour enlever quelque chose, pour atteindre une
condition différente. Je mange, ainsi j’assouvis ma faim, mais ce
n’est pas le but de l’action de manger. La faim est une sensation
créée par le système, afin de m’indiquer que j’ai besoin de plus de
fuel dans la chaudière. Dans les machines, vous avez des lampes
rouges, ou quelque chose qui clignote, cela signifie qu’il n’y a plus
d’essence. Dans une voiture vous avez la même chose, il y a un
système de voyants, une réserve de sécurité qui contient cinq
litres. Lorsque le réservoir principal est vide, une lampe s’allume
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 78

et vous allez au poste d’essence faire le plein. Ainsi, il n’y a pas de


chose telle que la faim. La faim est un signal pour dire : « Rajoute
du carburant  ». Aussi, quand nous disons  : «  J’ai faim  », cela
ne veut pas dire que j’ai faim. J’éprouve une sensation qui me
dit que mon estomac est vide et qu’il faut que j’y mette quelque
chose.
C’est la même chose avec la soif, mon corps a besoin de liquide,
d’une boisson, cela ne signifie pas que je doive prendre du vin ou
de la bière. Cela signifie que mon corps a besoin d’une certaine
quantité de liquide. De même, lorsque je ne me sens pas propre,
je prends un bain. Mais il n’y a pas de mot pour propre et pas
propre. Vous pouvez seulement dire : « Je me sens sale ».
C’est une saleté extérieure, que vous pouvez voir, toucher et
dire : « Oh ! C’est tout noir », voyez-vous. La saleté intérieure,
la grossièreté, nous ne la sentons pas. Aussi,le Maître vient et
dit : « Vous êtes plein de grossièreté, faites le nettoyage ». Vous
avez donc besoin d’une aide extérieure. Nous dépendons donc
d’abord de nous-mêmes - nous ressentons la faim, la soif, nous
nous sentons malades, nous nous sentons heureux, toutes ces
choses et nous essayons de satisfaire tous ces besoins par nous-
mêmes.
Puis viennent les besoins intérieurs : j’ai le coeur brisé, je dois
aller chez le psychiatre, je fais des cauchemars, je dois aller voir
quelqu’un d’autre. Maintenant, j’ai besoin de Dieu. Je ne peux
pas Le trouver, je ne sais ni où Il se trouve ni comment entrer en
contact avec Lui. Alors, je vais voir le Maître et Il dit : « D’accord,
fais d’abord le nettoyage, puis prends un sitting ».
Donc, quand nous allons voir le Maître, c’est comme si nous
allions chez le médecin. Le Maître dit  : «  Si vous allez chez le
médecin, et que vous lui dites : « Faites ceci ou faites cela », il n’y
a pas d’abandon au médecin. Il faut que vous laissiez le médecin
faire ce qui est nécessaire. S’il dit « allongez-vous », vous devez
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 79

vous allonger. S’il dit «  je veux vous faire une piqûre dans le
bras », vous dites « oui docteur ». Il dit « je dois vous opérer »,
vous dites « d’accord ».
Nous nous abandonnons au médecin. Nous sommes capables
de nous abandonner au médecin, parce que le besoin de nous
rétablir est urgent, autrement nous pourrions mourir. Donc,
l’intérêt pour nous-mêmes, nous fait nous abandonner au
médecin.
Mais en spiritualité, nous ne ressentons pas le besoin urgent de
corriger notre condition intérieure, parce que nous ne pouvons
pas la voir, ni la sentir. C’est pourquoi nous disons : « D’accord,
je m’en occuperai demain ou l’année prochaine  » et nous
continuons à remettre à plus tard et la grossièreté s’accumule,
notre condition va de mal en pis. Puis, comme dans les pays non
développés comme l’Inde, le jour où nous sommes mourants,
nous allons voir le médecin lorsqu’il est trop tard. Nous devrions
donc être capables de nous rendre compte que, de même que la
santé nous est une nécessité vitale et que nous sommes disposés à
dire au médecin : « Faites tout ce que vous voulez, mais guérissez
moi « , nous devrions être capables d’accorder autant d’intérêt
à notre salut spirituel, de sorte qu’en allant voir le Maître, nous
puissions dire : « Faites ce que vous voulez, mais guérissez-moi
spirituellement ». C’est pourquoi mon Maître utilisait l’exemple
ultime du cadavre : il n’a aucune réaction, aucune douleur, aucun
plaisir, il n’a rien. Vous pouvez faire tout ce que vous voulez avec
lui. Ceci doit être notre état dans l’abandon.
Q : Je sens que le Sahaj Marg est l’université de la spiritualité
et j’ai l’impression d’être arrivé au Sahaj Marg, sans être passé
par l’école primaire. Je n’avais aucune foi religieuse auparavant
et j’ai l’impression de n’avoir aucune base.
R : Que désire donc cette personne ? Elle désire retourner à la
religion ou à quelque chose comme cela ?
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 80

Mon Maître dit que toute chose a une base. Je dois tenir
debout sur le sol, j’ai donc besoin de ce que vous appelez «  la
terre ferme ». Je ne peux tenir dans l’air, par exemple. Mais cela
n’est vrai que tant que j’ai du poids, de la grossièreté. Si je n’ai
pas de poids, je peux me maintenir dans l’air parce qu’alors, je
ne tomberai pas - c’est un phénomène de physique -, je n’ai pas
besoin de m’appuyer sur quelque chose. C’est pourquoi nous ne
pouvons pas nous tenir sur l’eau, car notre poids est plus élevé
que celui de l’eau sur laquelle nous nous trouvons. Donc, nous
nous enfonçons. Mais si mon poids est nul, je peux tenir sur
l’eau, je peux tenir en l’air, je peux me tenir où je veux. Ceci est un
des aspects. Tout comme les astronautes, lorsqu’ils sortent dans
l’espace, ils sont en état d’apesanteur et flottent simplement, ils
n’ont pas besoin de quoi que ce soit pour se tenir. Ceci est un
exemple purement physique, de science physique.
Maintenant, lorsque nous en arrivons à la base dont parle cette
personne dans sa question, la spiritualité dit que vous avez créé
la base dans le passé, mais vous n’en savez rien. Prenez l’exemple
des génies célèbres, en musique, en sciences, dans les arts, ils
ne sont jamais allés dans aucune école pour étudier l’art ou la
musique, mais ils ont commencé à composer dès l’âge de deux
ou trois ans. Où est leur base ? Ils ne peuvent pas dire : « Je n’ai
pas de base, je dois retourner à l’école de musique ». Quelqu’un
dira : « Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es capable de composer de la
musique, de jouer au piano les morceaux les plus renommés et tu
veux retourner à l’école ! « . La spiritualité dit que vous avez dû
avoir une base dans le passé, dans une vie antérieure peut-être.
Aussi, cela ne signifie pas que quelqu’un qui entre au Sahaj
Marg, devrait abandonner le Sahaj Marg et retourner vers une
religion afin de créer une base. Parce que s’il est ici ou si elle est
ici, cela signifie qu’elle a déjà une base, sinon elle ne serait jamais
venue ici. C’est comme une maison - ses fondations se trouvent
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 81

dans le sol et je ne peux les voir, mais je n’ai pas à creuser le sol tout
le temps pour prouver qu’elles sont bien là, parce que je sais que,
sans fondations, la maison ne serait pas là. Ainsi, mon existence,
sous cet aspect, prouve que la base qui lui est nécessaire, existe
déjà, car la base vient en premier et la superstructure seulement
après.
Q : La dernière question : « Certains soirs, quand j’ai très peu
de temps, je fais un nettoyage de dix à quinze minutes seulement.
Est-ce suffisant, est-ce efficace ?
R : Vous répondez. (s’adressant à un abhyasi.)
Abhyasi : Le Maître dit que le processus du nettoyage le soir, doit
durer de vingt minutes à une demi-heure. Mais, indépendamment
de la durée du nettoyage, je pense que si le sentiment de légèreté,
de calme, et de disparition de la grossièreté ne s’est pas développé
chez l’abhyasi pendant le nettoyage, il ne doit pas s’arrêter avant
que cet état ne soit obtenu. Je pense donc qu’une demi-heure est
nécessaire. Est-ce juste ?
R : Tout ce qu’il faut, c’est suivre ce qui a été prescrit par le
Maître. Vous savez, parfois les gens vont voir le médecin, celui-ci
leur donne une grande bouteille de médicament et leur prescrit
seize doses à prendre trois fois par jour, une fois le matin, une
l’après-midi, et une le soir, pendant cinq ou six jours. A présent,
si la personne s’imagine qu’en buvant toute la bouteille en une
seule fois, elle se rétablira plus vite, il peut y avoir mort d’homme.
Nous devons donc laisser le médecin nous dire ce que nous avons
à faire, combien de fois et pendant combien de temps, et nous y
tenir. Nous ne devons pas oublier que ce n’est pas parce qu’une
chose est bonne, qu’un peu plus de cette chose sera meilleur et
qu’encore plus sera le mieux. C’est par ce processus que nous
devenons ivres ou des choses similaires. Un verre de vin est
bon, un second verre nous étourdit un peu et au troisième, nous
sommes hors-jeu, pour de bon. (Il rit tout bas) Ainsi, même les
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 82

bonnes choses ne deviennent pas meilleures parce que l’on en


prend plus. C’est pourquoi nous avons un proverbe Tamil qui
dit -je pense que je vous l’ai déjà dit-, que même le nectar qui
est censé nous donner l’immortalité, doit être pris en quantité
limitée.
Abhyasi  : Ainsi, il n’est pas bon d’attendre la sensation de
légèreté ? Bon, j’ai donné une mauvaise réponse. (rires)
R  : (Il rit). Vous voyez, j’ai une chemise. Normalement, je
la lave et elle est propre. Mais supposez que j’ai fait une tache
d’encre dessus, de l’encre très noire, si je continue de la laver
jusqu’à ce qu’elle soit propre, je vais déchirer le tissu. Donc, je
dois la laver un peu, normalement il y a encore de l’encre, je la
porte deux jours, puis je la lave à nouveau, encore un peu d’encre
s’en va. Cela peut demander six ou sept lavages, vous voyez, je ne
peux pas le faire en un seul lavage et si j’essaye de la récupérer
en un seul lavage, je n’ai plus de chemise. C’est pourquoi, il est
dit que dans notre processus du nettoyage, lorsque l’abhyasi fait
le nettoyage, c’est pour enlever les impressions de la journée,
accumulées pendant la journée. Les impressions antérieures
sont le travail du précepteur et du Maître.
Si quelqu’un veut poser une question, nous avons le temps.
Pas de question ?
S’il vous plaît, restez assis, nous allons distribuer du Prasad.
(Interruption de l’enregistrement.)
Q : Est-ce que la fusion avec le Maître est notre travail, ou bien
advient-elle par la grâce du Maître ?
R : Mon Maître disait que le Maître donne tout le reste, mais
que la fusion est notre devoir, le travail de l’abhyasi. Il prenait
toujours l’exemple de la rivière qui va à la mer. La mer ne va pas
à la rivière.
Comment peut-on y parvenir ? Seulement par l’amour. Car, en
premier lieu, nous allons vers le Maître, pour avoir un Maître ;
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 83

au début, nous ne savons même pas ce qu’un Maître peut faire


pour nous ou ce que nous devrions attendre du Maître. Je pense
que cela prend du temps, une certaine pratique, avant que nous
ne comprenions réellement ce qu’est le véritable lien entre un
Maître et son disciple et ce qui doit être fait dans cette association.
A ce stade, cela ne fait que commencer, on pourrait dire qu’une
relation réfléchie commence, mais c’est encore une situation de
donner-recevoir, et ce stade, peut malheureusement durer toute
votre vie, toute la vie d’un abhyasi, et c’est ce qui se produit pour
la plupart des abhyasis. L’abhyasi ne pense qu’à son progrès, aux
régions, aux problèmes et à la façon de les résoudre. Bien sûr, le
Maître étant un Maître rempli de compassion, il donne toutes
ces choses. Il peut y avoir quelques cas d’abhyasis chanceux qui
commencent à aimer le Maître et viennent à Lui uniquement parce
qu’ils L’aiment. Et au fur et à mesure que leur amour grandit,
lentement, ils commencent à désirer devenir comme Celui qu’ils
aiment. On peut dire que lorsque se manifeste ce désir ardent
d’être comme Lui, alors la possibilité de fusion devient effective.
Donc, vous voyez, si cela dépend de l’amour, il nous faut aimer
et ensuite désirer la fusion ; par conséquent, c’est notre travail,
-le Maître ne peut aider-. Donc l’amour, le commencement de
l’amour rend tout possible et quand cet amour est total et que
nous voulons être comme Lui, en tous points, alors la fusion
se produit - ce n’est pas quelque chose que nous faisons - elle
survient d’elle-même.
J’ai dit au début que la rivière devait se fondre dans l’océan
et c’est vrai, bien entendu. Mais il y a cependant une possibilité,
l’unique cas où le Maître s’immerge dans le disciple. C’est lorsqu’Il
fusionne avec le représentant qu’Il a choisi. En termes spirituels,
nous disons que n’importe quelle tasse d’eau peut être versée
dans l’océan, mais que c’est un miracle quand l’océan rentre dans
une tasse.
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II. Lebanon New Jersey, U.S.A.


25 septembre au 5 octobre 1986

Discours d’ouverture
Soirée du 26 septembre 1986

Celui-ci ? (faisant allusion au micro qui n’était pas branché) je


devrais être diplômé en électronique... ( rires ).
Comme je le disais, je suis très heureux d’être de nouveau avec
vous tous, et je ne pense pas qu’il soit nécessaire de vous rappeler
que nous sommes ici pour nous occuper de notre croissance
spirituelle et que toutes autres considérations sont secondaires.
Comme nous en avons parlé dans le passé, nous avons à fomenter
notre propre croissance, comme le disait mon Maître, et avons
aussi le devoir d’apporter ce système de pratique spirituelle à
ceux que cela intéresse dans ce pays.
Pendant que nous roulions pour venir ici cet après-midi,
j’ai entendu quelques remarques plutôt pessimistes quant
à la rapidité de croissance de la Mission dans ce pays. Mais il
n’y a pas lieu d’être pessimiste à ce propos, car Babuji insistait
toujours sur la qualité plutôt que sur la quantité. Par conséquent,
un bon abhyasi vaut 200 abhyasis inutiles... Il y a un bon abhyasi
canadien juste devant moi et, en un sens, cela remplit donc le
quota de cette année.
Mais en même temps, nous ne devrions pas être satisfaits de nous-
mêmes et dire  : «  Nous sommes ici, et point final. Nous n’avons
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 85

besoin de rien de plus ». J’essaie de vous faire comprendre à tous


que si nous faisons attention à notre propre croissance spirituelle,
et devenons des exemples de ce que devrait être une personne
spirituelle, nous attirerons automatiquement l’attention de ceux qui
croisent nos chemins. Comme le disait Babuji, si vous allumez une
lampe, les insectes seront automatiquement attirés vers elle.
Donc en un sens, si ce travail échoue, c’est parce que nous
échouons dans notre propre développement spirituel. C’est
la première chose à laquelle nous devons faire absolument
attention. Ce n’est pas seulement un intérêt superficiel ou une
sorte d’intérêt compartimenté. Chaque abhyasi devrait attendre
le jour et devrait essayer de faire en sorte que vienne le jour où la
vie spirituelle sera toute sa vie. Parce que nous avons tendance à
classer la spiritualité, à la mettre dans un casier et dire : « Bien,
Babuji a dit une demi-heure le matin, quinze minutes dans la
soirée, dix minutes de prière-méditation au coucher, et c’est
tout  ». C’est loin «  d’être tout  », car notre existence spirituelle
doit pénétrer totalement notre existence personnelle, l’existence
de chaque individu, le reste devenant secondaire.
La vie doit être maintenue. Pour cela nous devons manger,
dormir, travailler. C’est comme un train qui circule pour
transporter des passagers. Les passagers sont les gagne-pain des
chemins de fer et des avions. Ils ne circulent pas pour le plaisir.
Tout comme un véhicule, nos corps se déplacent, jouent etc...
pour quelque chose d’autre qui est le but de notre existence. Et à
moins que cette existence ne soit accomplie, à moins que ce but
ne soit réalisé, on peut à peine dire qu’on a vécu.
Par conséquent, ceci devrait être, dirons-nous, ce sur quoi
nous allons focaliser notre attention durant la semaine à venir. Et
nous devrions essayer de profiter d’une interaction mutuelle. Il
va y avoir beaucoup de précepteurs. Tout spécialement ceux qui
vivent dans des endroits isolés du continent américain et qui n’ont
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 86

pas de précepteurs, ceux-là feraient bien d’accepter le maximum


possible de sittings individuels donnés par les précepteurs. Posez
des questions. Mais auparavant lisez les livres, je vous en prie,
car toutes les réponses y sont déjà, j’en suis sûr.
Par conséquent acquérez les livres, lisez les, posez des
questions, prenez des sittings et essayez, si possible, de réduire
à zéro les activités hors programme. Ceci est la demande que
je vous fais à tous, et le reste étant accessoire. Car le temps est
court, le voyage long et le But est loin. Mais à l’inverse de cela,
Babuji disait toujours  : «  Le But est ici, le temps est éternel et
vous êtes déjà là si vous choisissez d’être là  ». Comment donc
rendre ceci et cela compatible et mettre dans la même besace, le
fait que je sois dès à présent là où je devrais être ? C’est le but de
notre existence spirituelle, et c’est l’objet de notre rencontre. Et
je prie le Maître de bénir cette rencontre et de nous amener tous
plus près du But, plus près d’une compréhension mutuelle, plus
près de nos aspirations humaines communes  : l’harmonie, la
paix, vous savez tous ce dont nous parlons habituellement. Mais
avec un peu plus de substance, un peu plus de sentiment venant
du coeur, si je peux dire. Car toutes ces choses échouent, à mon
avis, parce que nous les autorisons à venir de l’intellect et non du
coeur. Il y a tant de slogans politiques qui sont dits du bout des
lèvres à chaque meeting ; les gens se serrent la main, se portent
des toasts au champagne et c’est tout.
Nous devrions apporter un peu plus de sérieux à notre objectif.
Et notre coeur devrait coopérer à cet objectif, à cette aventure. Et
comme je le disais, je prie pour cela. Merci.

Le mystère ultime
27 septembre 1986

Nous avons entendu un très touchant exposé de notre frère Don


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à propos de sa rencontre avec ce que nous sommes tentés d’appeler


la mort. Mais je ne pense pas du tout que cela fût une rencontre
avec la mort. Cela serait vrai en littérature occulte où nous avons
des livres tels que, «  La vie après la vie  », dans lequel les gens
prétendent être morts et être revenus. Peut-être est-ce vrai, mais
je souhaite que non. Je vais expliquer pourquoi. Parce que d’après
notre tradition de sadhana yogique, la mort est quelque chose
d’où nous revenons. C’est pourquoi, il est dit dans la littérature
yogique que nous sommes morts bien des fois, d’innombrables et
incalculables fois, et pourtant nous n’avons toujours pas appris à
mourir. C’est une logique que les américains comprendront  : si
vous devez continuer constamment à faire quelque chose, cela
signifie que vous ne l’avez pas encore maitrisée.
C’est donc une idée, aussi tentant cela soit-il, aussi beau cela
soit-il, que de dire : « J’ai rencontré la mort et je suis de retour ici
pour en parler ou en discuter ». En fait, celui qui est réellement
capable de traverser la frontière, entre cette existence ci et
cette existence là (c’est délibérement que je n’utilise pas le mot
« mort » dans ce contexte), celui-là ne revient pas pour nous dire
comment c’était. Et celui qui revient pour dire ce que c’était, ou
ce qu’il a expérimenté, n’y est pas allé. C’est donc la raison pour
laquelle, dans les traditions occultes, les traditions yogiques, il
est dit que celui qui parle ne sait pas, et que celui qui sait, ne peut
pas parler. Ce n’est pas qu’il ne veuille pas en parler, mais il ne le
peut pas, c’est inexplicable.
J’aimerais à présent diverger un peu vers notre enfance. Nous
avons tous été comblés par l’amour de bien des gens. Nous avons
reçu de fabuleux, d’innombrables cadeaux. En un sens, nous
sommes passés, pourrions-nous dire, du stade où nous recevions
des cadeaux avec un sentiment d’émerveillement, ne sachant pas
ce que nous recevions, même après l’avoir reçu, au stade où, très
vite, ce sentiment d’émerveillement disparaissait. De nos jours,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 88

nous pouvons même entendre un enfant de trois ans dire en


ouvrant un cadeau : « Mais Papa, c’est seulement une voiture »
ou «  C’est juste une bicyclette  » ou «  Ce n’est qu’un jouet  ».
Je pense que c’est tragique parce que, dans un certain sens,
lorsque nous savons ce que nous recevons, nous nous situons au-
dessus de ce que nous recevons. Bien sûr, dans le domaine des
cadeaux matériels, le fait de recevoir quelque chose que nous ne
comprenons pas, ne peut pas durer éternellement. Une voiture
est une voiture. Seulement, quand un enfant de trois ans dit qu’il
reçoit une voiture, il n’a pas conscience de ce qu’elle représente
mais, cependant, il la reconnaît. Mais lorsque nous avons seize
ans, nous en savons beaucoup sur les voitures. Certains « petits
prodiges même », savent tout du sujet : comment elles marchent,
comment les démonter, comment les remonter à nouveau. En
un sens, notre quête matérielle du bonheur, du succès, de
l’accomplissement, est vouée à l’échec parce que très vite nous
savons ce que nous faisons. Nous savons très vite ce que nous
avons reçu : de la poussière et des cendres.
Une Cadillac est une Cadillac, pour celui qui n’a pas eu de
Cadillac. Mais lorsque vous en avez une, c’est juste une autre
voiture. Là, c’est une garniture plastique, là c’est du cuir véritable,
fait main. Et après ? Cela pue quand il pleut ! ou c’est piqué par
l’humidité...
Par conséquent, ce désenchantement de ce que nous obtenons,
n’est possible que dans le monde matériel. Un million de dollars
est un million de dollars. Pour un millionnaire ce n’est rien. Et
il veut cent millions. Quand il les a, il veut un milliard. Et, qu’il
obtienne ou pas ce milliard, il ne sait pas combien il a, ou cela ne
compte pas, ce sont juste quelques zéros de plus sur son compte
en banque. La situation est alors tragique  : soit qu’il s’adonne à
la drogue ou que ses enfants commencent à en prendre, faisant
des tentatives de suicide parce qu’ils se heurtent à cette barrière :
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ils attendaient tant de cette expérience de vie sur le plan matériel


où ils ont probablement été fourvoyés par leurs professeurs, par
leurs pairs, leurs parents, qui pensent que si telle chose est bonne
à posséder, en avoir davantage est mieux encore. Ayant obtenu
« plus », ils s’aperçurent que c’était pire. D’abord, ce fut déroutant,
puis contrariant ; plus tard cela devint frustrant. Finalement, ils
en vinrent à dire : « Eh bien si c’est tout ce que la vie a à offrir, si
plus de quelque chose peut être moins que quelque chose, qu’elle
est la réalité que j’essaie d’aggripper  ? Est-ce là un monde de
supercherie  ? Est-ce que tout le monde me ment en disant que
lorsque l’on a de plus en plus de ceci, on va de mieux en mieux,
on est de plus en plus heureux, alors que je trouve que je vais de
pire en pire ? Je suis plus cynique. Je suis plus défaitiste dans mon
attitude envers la vie ». Jusqu’au jour où l’on cherche la fuite finale,
soit dans une condition comateuse produite par des drogues, soit
en se retirant complètement de la vie en annhilant sa propre vie ;
ce qui est la tragédie ultime, parce que c’est une vie vers laquelle
ils vont à coup sûr retourner - une mort dont ils vont à coup sûr
revenir, et ils vont devoir payer pour cet échec.
Pourquoi suis-je en train de parler de cela - ce n’est pas quelque
chose de nouveau - tout le monde ici le sait. Quel est le rapport
avec la spiritualité ? Le rapport est que si vous savez ce que vous
obtenez, et si vous savez ce qu’est votre Maître, cherchez un autre
Maître. D’une autre façon, je dirais que si vous avez un vrai Maître
vous ne pouvez jamais savoir ce qu’Il est. Et s’Il vous donne quelque
chose transcendant ce monde, cet univers, par là même vous ne
pouvez pas savoir ce que vous obtenez. Par conséquent, essayez
d’évaluer la transmission, essayer d’évaluer ce que nous sommes...
Bien sûr, nous devons nous adonner à cet exercice de façon à rester
nous-mêmes actifs et à essayer de nous élever jusqu’au niveau
d’existence que nous sommes supposés atteindre.
Cela m’amuse toujours quand les gens disent : « Mon Maître
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 90

est ceci, et mon Maître est cela ». Oui, bien sûr, il est ceci et aussi
cela  ! Vous dites qu’il est gentil  ; oui, il est gentil. Vous dites
qu’il est aimant  ; oui bien sûr. Ses yeux sont beaux  ; oui, cela
aussi. Vous devez admettre tout cela, mais ce n’est pas tout. Qu’y
a-t’il derrière tout cela  ? Qu’est cela que nous ne pouvons pas
connaître, que nous ne pouvons pas saisir, que nous ne pouvons
pas voir ? Cette chose que nous devons finalement pénétrer. Et
comme me l’a dit une fois Babuji, comme me l’a expliqué mon
Maître, ce mystère est révélé par Dieu. Même le Maître ne peut
décider quand Il devrait le révéler, comment Il devra le révéler,
parce que c’est le mystère final, la révélation ultime. Parce que
c’est Dieu se révélant Lui-même à nous. Là, nous voyons - si nous
sommes assez bénis pour être capables de le voir - alors oui, ici
marchait Dieu, ici s’asseyait Dieu, et j’étais assez stupide pour
ne pas le savoir. Et peut-être, aurait-Il été, comment pourrais-je
dire, affreusement désireux de nous le donner.
Mais cette révélation doit seulement venir lorsque nous y
sommes totalement préparés. Pour nous, le Maître n’est plus
alors un être humain. Nous devons au moins atteindre ce niveau.
Il ne devrait plus être un objet pour nous, un donneur de cadeaux,
même d’immortalité. Qu’est-ce que l’immortalité en présence
de la Divinité  ? Il ne doit plus être quelqu’un dont je puisse
être séparé même par la pensée. Parce que dans le royaume de
l’Infini, il ne peut pas y avoir de séparation. Séparation de quoi,
où, comment ?
Je respire, et l’air que je respire est, bien sûr, séparé de moi,
mais c’est aussi une partie de moi. C’est quelque chose qui est
de moi, en moi, et qui, cependant, ne procède pas de moi, parce
qu’arrive un moment où je cesse de respirer. Ce moment où je
cesse de respirer, lorsque je peux dire : « Je ne peux plus respirer,
je n’ai plus d’oxygène dans les poumons  », est précisément
l’instant de ma mort. Cette séparation signifie la mort.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 91

Ce n’était pas pour rien que Babuji disait qu’Il ne pouvait


pas être séparé de Lalaji ne serait-ce qu’une seconde. C’est la
respiration de Sa respiration, la vie de Sa vie, Pranasya Prana.
Nous parlons tous de Pranasya Prana, nous ne comprenons pas
ce que cela signifie. Nous savons tous que l’extinction physique se
produit quand la respiration physique s’arrête. Dans le passé, ils
ne savaient pas comment faire, comment dire que la respiration
s’était arrêtée. Ils mettaient donc un miroir devant l’homme,
devant son nez, parce qu’il a toujours de la buée et s’il y avait de
la buée sur le miroir cela signifiait que l’homme respirait encore
un peu. Sinon, on disait alors, « Voilà, il a cassé sa pipe ». Donc,
si une simple séparation d’avec ce qui est déjà séparé de moi,
mon souffle, ma respiration... C’est en quelque sorte un genre
différent de séparation  ; maintenant je prends mon souffle, je
le laisse sortir et mes poumons agissent comme une paire de
soufflets, mais même lorsque j’expire, il y a encore quelque chose
à l’intérieur de moi. Je n’en ai pas le contrôle. Je ne peux pas dire
que j’ai fait sortir tout l’air de mon corps. Si je le pouvais, je ne
serais pas là pour le dire.
Si de simples petits centimètres cubes d’air peuvent faire pour
moi la différence entre la vie et la mort, comme nous l’entendons
physiquement, que serait-ce si la vie de ma vie se détachait de
moi ? Car dans la tradition yogique, nous disons que le corps vit
grâce à ce que nous appelons la vie, et que la vie vit grâce à ce
que nous appelons la vie de la vie, le prana du prana. Donc si
pour cette simple existence physique mortelle la respiration est
importante au point que quelques secondes, quelques minutes
de séparation signifient l’extinction de mon existence, pourrons-
nous jamais être séparés de ce qui est la vie de cette vie  ? La
logique dit non. Parce que si cela arrivait, je ne pourrais même
pas exister physiquement. C’est ce qui est la cause de cette vie en
moi qui me garde vivant dans cette existence.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 92

Quelle que soit la folie dont nous fassions preuve en disant : « Eh
bien, vous savez, j’ai ce système, ou j’ai ce Maître, et mon Maître
est en Corée ». Quelqu’un dit : « Non, non, il est au Canada ». Un
troisième répond : « Non non, il est à Tombouctou ». La vérité
dans cette affaire est que le Maître de ces Maîtres est encore
en moi  ; sans Lui, ce Maître ne serait pas vivant pour m’aider.
Donc la cause ultime est toujours le Maître. C’est ce que veut dire
le Maître en disant : «  Dieu est le véritable Maître. Les autres
Maîtres sont seulement Ses représentants ».
Par conséquent, juger ce que nous obtenons, l’évaluer avec
notre raison ou avec nos émotions, c’est essayer de subordonner
ce qui ne pourra jamais l’être, à notre intellect, à nos sentiments,
nos émotions. Car si c’est le Maître, et si c’est un cadeau du Maître
pour nous, nous y sommes toujours assujettis. Nous ne pouvons
jamais le comprendre.
Il est donc dit dans la Gita  : «  C’est merveilleux à voir,
merveilleux d’en parler, merveilleux d’en entendre parler  ».
C’est merveilleux. C’est comme de regarder un coucher de soleil
divinement resplendissant. Mais nous ne pouvons pas l’expliquer.
Quelqu’un de cynique dirait : « Mais pour l’amour du ciel, ce n’est
que ce bon vieux soleil qui recommence encore et encore : il se
couche, et à peine levé, il se recouche ». Mais qu’il est merveilleux
à voir. Qu’est ce que cela a de merveilleux si l’on commence à
analyser ? C’est comme un homme qui prend son scalpel et essaie
d’inciser un homme vivant pour voir où est la vie. Il détruit ce
qu’il essaie d’examiner.
Dans un sens, c’est pourquoi nous disons que la relation qui
devrait régir, ou qui devrait exister entre un Maître et son disciple
devrait être imprégnée d’émerveillement, pas de curiosité. Les
gens disent souvent : « Vous savez, cet homme est censé être mon
Maître. A quoi ressemble-t-il ? Qui est-il ? Est- il fait de cartilages,
d’os et de chair ? A-t-il des appétits ? Se met-il en colère ? «  Et
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lorsque nous réfléchissons, nous découvrons qu’il est ce que nous


cherchions à prouver qu’il était. Un simple être humain. Donc
si vous cherchez un être humain, vous trouvez un être humain.
Vous cherchez une personne aimante, vous trouvez une personne
aimante. Vous cherchez quelqu’un qui vous hait, vous le trouverez
certainement aussi ! Parce qu’il est tout et toute chose.
C’est comme lorsque vous vous regardez dans la glace, si vous
regardez votre nez, vous trouvez un nez. Regardez votre oreille, et
vous trouvez une oreille. Ce n’est pas la faute du miroir. Parce que
cela existe en vous, et vous recherchez cela parce que cela existe en
vous ou sur vous, et vous le découvrez, là, réfléchi. C’est pourquoi
Babuji disait toujours, un Maître est un miroir. Il n’y a rien en Lui.
En Lui-même, il n’y a rien. Parce que s’il y avait quelque chose,
cela serait sujet à la perte, à la détérioration, au jeu de l’existence
et de la non-existence. Donc, si nous voyons quelque chose dans
le Maître, quoi que cela puisse être, bon, mauvais, indifférent,
élevé, bas, soyez assurés que vous voyez reflété en Lui ce qui est
en vous. Et tant que nous sommes capable de percevoir que nous
avons obtenu ceci, et ceci, et cela, ce sont des jouets. Car toute
connaissance dit que, pour connaître quelque chose, vous devez
vous élever à un niveau supérieur à cette chose. Vous ne pouvez
être inférieur à une chose et la connaître. Et par conséquent, si
vous pouvez dire d’un Maître, c’est un homme bon, eh bien ! en un
sens vous Le jugez. Si vous dites, c’est un homme puissant, votre
puissance doit dépasser la sienne pour dire qu’Il est puissant.
Votre bonté doit dépasser Sa bonté pour dire qu’Il est bon. Votre
gentillesse doit dépasser la sienne pour dire qu’Il est gentil. Car,
pour parvenir à un jugement, on doit toujours juger d’un point
supérieur, un être inférieur.
Si vous êtes capable de juger votre Maître, comme je le disais
au début, alors changez de Maître. Il ne mérite pas de l’être. Par
conséquent, j’aimerais suggérer, avec toute l’humilité possible,
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que nous trouvons beaucoup de gens venir à nous, de différents


systèmes et dire : « C’est un bon Maître, c’est un Maître gentil, Il
est puissant, Il m’a donné ceci et ceci, et cela ». Je suis toujours
tenté de dire : non seulement êtes-vous allé vers une personne
puérile, mais vous êtes vous-même puéril. Vous pouvez encore
évaluer vos jouets. Ceci est une voiture à quatre roues, ceci est
une grue qui peut soulever deux tonnes, ou ceci est un empire qui
vaut des milliards. Le Christ fut tenté, pas avec un quelconque
petit jouet, mais avec le plus gros jouet que Satan ait pu offrir.
Mais malgré tout un jouet. Parce que si vous pouvez donner
quelque chose de tangible que je puisse recevoir, cela peut valoir
des milliards de dollars, c’est toujours un jouet. C’est toujours
une babiole. Et si vous savez que cela vous est donné pour vous
tenter, vous impressionnez, ou en quelque sorte pour avoir de
l’autorité sur vous par le fait de vous avoir donné un cadeau,
celui qui donne n’est qu’un donneur de jouets ou pire encore, un
donneur de pots de vin.
C’est pourquoi mon Maître ne disait jamais, je vais vous
donner ceci ou cela, Il donnait et Il n’en parlait jamais. Parfois, il
en parlait et disait, comme le mentionnait Don : « C’est la Grâce
de Lalaji », ce qui l’était certainement.
Même le donneur ne devrait pas savoir ce qu’il donne. Très
souvent le Maître me disait, (cela m’amusait), Il disait : « Vous
savez, je lui ai trop donné » ou « Je l’ai élevé de trois points de
plus que je n’aurais dû ». Et nous sommes habitués... Même nous,
en Inde, sommes corrompus par cette idée de précision que vous,
peuple d’Occident, admirez tant. Précision dans quoi ? Pouvez-
vous aimer précisément votre femme ? Aujourd’hui elle vaut tant
d’amour et je l’aimerai seulement pour cette valeur.
Vous connaissez l’histoire de Shakespeare - Justice - la livre
de chair que Shylock voulait et Portia disait : « Oui, la loi vous
la donne et le tribunal vous l’accorde. Mais attention, pas un
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millionième de gramme de plus que le poids de chair auquel vous


avez droit. Si vous en prenez moins vous êtes encore punissable.
Si vous en prenez plus votre punition sera double », des choses
comme ça. C’est une situation purement humaine. Nos idées
sont toujours approximatives. Si vous achetez une livre de
beurre, c’est approximativement une livre. Si vous commencez
à vous quereller avec le marchand en lui disant : « Donnez-moi
exactement une livre », vous n’achèterez jamais de beurre.
Je dirais en un sens que ces idées de précision, le fait que l’on
puisse être précis, reflètent une approche de la vie extrêmement
égoïste. Lorsque même un mètre n’est défini que comme la
longueur entre deux points d’une barre de métal particulière
déposée quelque part à Paris, c’est approximatif. Une partie
du radian de la circonférence de la terre. Maintenant si la
notion de précision matérielle est telle que l’on ne puisse pas
localiser exactement un point dans l’espace, comment allons-
nous déterminer ce qu’un homme, avec ses capacités infinies
approchant la Divinité elle-même, va nous donner  ? Peut-Il le
mesurer ? Peut-Il mesurer la spiritualité dans un verre, ou une
tasse, qui ont, vous savez, ces lignes : une once, deux onces, trois
onces  ? «  Donnez-moi trois onces et demie de spiritualité  ».
«  Oui, prenez-les  ». «  Combien d’amour vous dois-je  ? «  Car
nous traitons l’amour comme une marchandise. Je vous aime,
par conséquent vous devriez m’aimer. Où peut-il être question
de : « Par conséquent ? «  Nous n’achetons pas quelque chose, en
donnant 10.00 $ et en achetant quelque chose avec. J’aime parce
que je ne peux m’empêcher d’aimer. C’est ma nature d’aimer.
Supposez qu’une rose vienne à vous parler un matin dans le
jardin, alors que vous êtes en train de la sentir, toute couverte de
rosée, et vous dise  : «  Chéri, tu me dois tant de dollars pour le
parfum que tu m’as pris aujourd’hui ». « Non, non, tu n’es qu’une
rose ». « Oui, mais quand tu m’achètes en bouteille à Paris avec de
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jolis noms fantaisistes imprimés dessus, ne paies-tu pas 200 $ ? »


Voyez-vous  ; c’est une situation très tragique  : lorsque nous
parlons d’aimer, et d’être aimé, nous rabaissons en quelque sorte
ce qui devrait être sublime et divin au niveau d’une bourse de
commerce, d’échanges, d’affaires, d’achat et de vente. Oh, j’aime
tant mon Maître, pourquoi me fait-Il tant souffrir  ? Peut-être
parce qu’Il vous aime autant. Je serais surpris si un Maître qui
m’aime, ne me faisait pas souffrir quand je le dois. Je veux dire,
quel genre de Maître serait celui qui serait seulement égaré par les
toutes petites souffrances que je dois subir ? Et Il dirait : « Non,
non, non, pauvre Parthasarathi, il ne devrait pas souffrir, laissez-
moi lui enlever ce cadeau  ». L’appelleriez-vous un Maître  ? En
serait-Il digne ? Au contraire, Il devrait dire : « Mon cher ami,
vous êtes venu à moi, je suis un ferronier, je dois vous faire
fondre, vous battre, vous rouer de coups, vous marteler, vous
mettre sous la presse, sous des tonnes de pression, de manière à
ce que vous soyez ceci ». Et nous devons dire : « Avec joie Maître,
je suis d’accord. Je suis ici parce que Vous pouvez le faire. Je
n’irais pas vers quelqu’un qui ne saurait pas quoi faire de moi ».
Iriez- vous chez un forgeron qui ne saurait pas comment faire
fondre son métal ou le marteler pour lui faire prendre forme ?
Accepteriez-vous un conducteur d’automobile, un chauffeur, qui
ne saurait pas quoi faire avec un volant ?
Toutes ces idées bizarres, ces idées curieuses que nous avons de
la souffrance, du plaisir et de la douleur. Nous voulons traverser
l’existence spirituelle comme si c’était une croisière de plaisance
en Méditerranée sur un des yatchs du Shah - avec trois bars dans
chaque salon. Ce n’est pas la vie spirituelle. La vie spirituelle,
c’est ma vie confiée aux soins de mon Maître, pour qu’Il fasse ce
qu’Il pense être le mieux pour elle. Et s’Il pense que je dois subir
toutes ces choses que mes sens appellent plaisir ou douleur, eh
bien, c’est mon problème. J’interprète une situation comme étant
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 97

douloureuse ou plaisante, pas Lui. Il fait ce qui est nécessaire.


J’interprète. Le problème réside dans l’interprétation.
La sagesse dit que lorsque vous êtes avec un Maître et qu’Il
travaille sur vous pour votre bien-être (Il n’a rien à y gagner),
acceptez. Et comment accepter  ? Il dit Lui-même  : «  Soyez
comme un mort dans les mains de celui qui vous habille pour
l’enterrement » - pas de réaction. Un cadavre n’a pas de réaction.
C’est le stade ultime pour lequel nous devrions opter, stade,
pourrais-je dire, de flexibilité entre les mains du Maître où il n’y
a pas de critique parce qu’il n’y a pas de jugement. Qui suis-je
pour juger  ? Qu’est-ce que mon intellect est capable de juger  ?
Un pot de crème glacée, c’est bien. Un deuxième pot commence
déjà à être écoeurant. Un troisième pot, et on doit vômir. Les
choses sont bien faites. Nous aimons les glaces - Haagen Dazs,
les meilleures. Mais même cela ne vous est pas supportable, au-
delà d’une certaine limite. Les chocolats, délicieux ! Un morceau
de chocolat, formidable  ; un deuxième, «  Bon Chari, puisque
vous me l’offrez, je vais le manger » ; un troisième, vous devez
le refuser. Si vous le mangez, vous allez être malade. Vous voyez
donc que nous ne savons même pas quel est l’effet réel sur nous
d’un chocolat. Parce qu’un morceau a un effet, deux morceaux ont
un effet différent, un troisième un effet désastreux, le quatrième
peut très bien m’envoyer à l’hôpital. Quel est donc sur moi l’effet
du chocolat ? Je ne sais toujours pas. L’un d’entre vous le sait-
il  ? Excepté pour dire, que si j’en mange un je suis heureux, si
j’en mange deux, je suis malheureux, si j’en mange trois, je dois
courir pendant les trois jours suivants pour perdre du poids. Cela
a un effet variable sur nous.
Rien dans cet univers n’a un effet qui ne change pas. Même
chose pour la soupe, si vous aimez la soupe, ou le mouton si vous
aimez le mouton. Notre expérience dépend donc de quand nous
la faisons, où nous la faisons, et dans quelle proportion nous la
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 98

faisons. Je veux de l’air bien frais à la maison, mais si je suis en


avion, et qu’il y pénètre de l’air frais et que l’avion commence à
être un peu secoué, je commence à prier. Donc le quand, le où
et le combien sont très en rapport avec notre situation et notre
capacité à la juger.
Nous ne savons pas quand le Maître nous donne, où il nous
donne, et combien il nous donne. Aucun de nous n’est capable
de l’évaluer. Alors que nous ne pouvons pas évaluer sur le plan
matériel, qu’allons-nous évaluer sur le plan spirituel  ? Par
conséquent, c’est un exercice futile que de : premièrement, juger
ce que nous recevons du Maître, deuxièmement, de juger ses
effets sur nous, parce que si un morceau de chocolat a un effet que
je connais ou que je peux percevoir, la transmission, elle, passe
souvent inaperçue ; et troisièmement, le plus tragique et le plus, si
je puis dire, dangereux exercice, juger le Maître Lui-même.
Tout ceci est donc issu du discours de Don parce qu’il y avait
une quatrième raison, qu’il n’a probablement pas comprise dans
sa «  rencontre  », dirons-nous avec un point d’interrogation.
C’était pour prouver à Don qu’il avait été béni avec ce que nous
pouvons appeler l’immortalité, parce que c’est ce que nous
voulons dire quand nous disons qu’un homme a été libéré.
L’immortalité ne veut pas dire une existence éternelle, comme
cela est habituellement interprété. Cela signifie ne plus être sujet
à la mort. Je crois donc que le Maître lui a donné une expérience
transcendentale. Il a dit  : «  Espèce d’animal, tu veux mourir,
voyons comment tu vas t’y prendre. Même le Seigneur de la
Mort ne peut te faire mourir maintenant, parce que tu es passé
à un stade où la mort ne peut plus te toucher. C’est la véritable
immortalité ».
L’existence éternelle n’a pas de sens, parce que nous pensons
qu’elle signifie une existence se prolongeant indéfiniment dans le
temps. L’existence éternelle signifie s’élever au-dessus du temps
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lui-même. Il n’y a pas de passé, il n’y a pas de présent, il n’y a pas


de futur  ; dans ces conditions, comment allez-vous vivre pour
des siècles et des siècles. Amen ? Dans une église, d’accord. Pas
ici. Lorsque je suis au-delà du temps, il n’y a pas de possibilité de
vivre éternellement, de vivre à jamais, et plus longtemps encore.
Je vis c’est tout. J’existe. Voilà l’expérience transcendentale que
Don a reçu en bénédiction.
Bien sûr, quand vous naissez d’une vie dans une autre, c’est ce
que nous appelons le traumatisme de la naissance, et nous devons
tous le subir  : une fois quand nous accédons à cette existence
physique, et une fois quand nous la quittons pour passer de
nouveau, par la grâce de mon Maître de l’existence physique à
l’existence spirituelle. Il doit forcément y avoir un traumatisme
causé par un changement de dimension. Par Sa grâce, c’est Son
amour pour nous, Sa charité, Sa miséricorde, Sa compassion, Il
nous donne ce traumatisme par petites doses, échelonnées sur
une période de vingt ans, trente ans, quarante ans. C’est comme
si l’on faisait une piqûre d’épingle chaque jour pendant trente
ans à un homme condamné à la guillotine. C’est tout ce qu’il peut
faire pour nous. Parce que sans le traumatisme de la naissance,
ni la mère ni le bébé ne pourraient être délivrés. Et vouloir un
accouchement sans douleur est une autre idiotie occidentale  ;
bien sûr c’est possible, mais pas au moyen de drogues. Comment
cela se produit-il  ? Quand vous acceptez la souffrance comme
quelque chose de nécessaire - alors vous découvrez que la douleur
devient un plaisir.
La loi spirituelle dit  : «  Acceptez ce dont vous avez peur,
acceptez ce que vous essayez de fuir, et vous découvrirez que ce
n’était pas ce que vous pensiez, mais quelque chose d’autre, à
savoir le « Moi », le Divin, que vous avez recherché toute votre
vie ». Sachez que c’est la Divinité qui vous recherche. Ce n’est pas
ce Satan qui vous a poursuivi, ce n’est pas une douleur, c’est un
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 100

plaisir, vraiment. Et vous ne connaissez la vraie nature du plaisir


que lorsque vous acceptez la souffrance  ; quand vous cherchez
la vraie nature du plaisir, vous trouvez la souffrance. Pour en
revenir à l’exemple du chocolat et de la glace, nous retrouvons la
même chose. Nous associons le plaisir aux chocolats, aux glaces,
à tant d’autres choses, mais alors nous y trouvons la souffrance.
La loi spirituelle dit  : «  Cherchez ce que vous désirez dans
son opposé  ». Bien sûr, ceci a été malheureusement interprété
et déformé dans un si grand nombre de pratiques ascétiques
et inutiles, même en Inde, que l’idée originelle a été perdue. Je
ne voulais pas dire de subir la douleur. Cela signifiait, cherchez
dans la douleur. N’ayez pas peur de la douleur. Par conséquent
toutes ces choses que nous devons apprendre à apprécier, pas
par un saut exceptionnel de l’intellect, de ce bord à l’autre de
l’abîme... On ne nous demande pas de faire de la gymnastique
mentale ou intellectuelle. Le Maître dit seulement : « Soyez avec
moi ». « Upanishad » signifie : « S’asseoir aux pieds du Maître.
« Asseyez-vous simplement à mes pieds, tout le reste, je le fais
pour vous ».
Et «  s’asseoir aux pieds  » ne veut pas dire de le faire
physiquement, mais c’est un acte d’abandon. «  Maître, je suis
éternellement avec Vous  ». Bien que nous devons être séparés
physiquement nous avons aussi été séparés. Si nous ressentons
cette proximité avec le Maître, par tous les pores de notre être,
à chaque instant de notre existence, alors nous découvrons
cette miraculeuse transformation, que l’existence remplie de
souffrance devient une existence de béatitude, même dans ce
monde mortel. L’échec devient un succès, la souffrance devient
une gloire transcendantale et une joie, et ce que nous cherchons
sans l’avoir jamais trouvé, existe avec nous parce que nous
existons avec Lui, le Donateur de toutes les bienfaits.
L’ultime - comment dire - vérité de la spiritualité n’est pas de
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 101

faire, ni d’accomplir, ni d’obtenir, ni de troquer, ni de donner,


mais d’être avec Lui. Ceci est le message du Maître. Cela a
toujours été le message et nous n’avons simplement qu’à essayer
de le mettre en pratique, non pas en sautillant de façon physique
et en faisant de la gymnastique, mais en n’étant jamais séparé du
Maître dans notre conscience. Je suis toujours avec Lui où qu’Il
puisse, où que je puisse être. Et cette identité (oneness) produit
l’identité de l’être qui est Lui. Merci.

Fraternité
27 septembre 1986

J’aimerais dire quelques mots sur l’idée de fraternité, non


pas pour vous éduquer ou vous faire un cours, mais parce que
je trouve qu’une mauvaise compréhension de ce sujet a mis fin à
des associations prometteuses.
La première idée est qu’une fraternité est un petit groupe à
l’intérieur d’une plus grande humanité. Mais ce n’est pas ainsi
que le Maître entendait la fraternité. Un groupe est un groupe.
Ce n’est pas, cela n’a pas besoin d’être un groupe de frères et de
soeurs. Car si nous pensons ainsi, alors nous nous isolons du
reste de l’humanité et, d’une certaine façon, nous empêchons le
reste de l’humanité de venir à nous.
C’est comme l’exemple que j’ai donné l’autre jour ; si vous vous
enfermez dans une pièce et fermez la porte, non seulement vous
êtes-vous enfermé à l’intérieur, mais encore enfermez vous tout
le monde à l’extérieur. Vous n’avez pas deux portes. Une pour
laisser les autres dehors et une pour vous enfermer dedans.
Une seule porte est suffisante. Nous avons de même ces portes
mentales : vous savez que nous sommes du Sahaj Marg, ou du
Rotary, ou que nous sommes catholiques et, en essayant de
préserver l’identité d’un groupe pour nous-mêmes, nous créons
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 102

l’autre groupe qui n’est pas nous.


L’idée que nous sommes un groupe de frères et soeurs est la
première idée dangereuse que nous ayons. Je pense que ce que
mon Maître voulait, c’était que toute l’humanité soit frères et
soeurs, pas un groupe ; même là, nous ne pouvons pas être un
groupe. C’est pourquoi Il parlait toujours d’amour universel et de
choses semblables.
Je me souviens qu’une fois à Copenhague (j’en ai parlé
précédemment), un précepteur demanda à Babuji : « Comment
faire pour que les autres deviennent abhyasis ? «  Babuji répondit :
«  Vous êtes précepteur, et vous ne devriez pas avoir cette idée
qu’il ou qu’elle n’est pas abhyasi. Car le pouvoir du Maître est
en vous, et si vous formulez la pensée qu’il n’est pas abhyasi, il
ne le deviendra jamais. La personne concernée peut penser qu’il
ou elle n’est pas abhyasi  ; mais, vous, pourquoi pensez- vous
ainsi  ? «  Donc, quand nous adoptons une identité de groupe,
une structure de groupe, et que nous sommes un, nous faisons
la même erreur, me pardonnerez-vous de le dire, que fait la
Chrétienté, que fait toute autre religion. Car pour moi, cela a
été parfois une légère déception, en voyant ces belles images du
Seigneur Jésus-Christ debout les bras levés, « Venez à moi ». A
qui s’adresse-t-Il ? Et pourquoi ne sent-Il pas que les gens sont
déjà avec Lui ? Tu n’auras pas d’autres dieux que moi, dit un des
Commandements. Quiconque a dit cela est non seulement assez
arrogant pour clamer qu’il est un dieu mais pose un problème à
ceux qui l’écoutent, en disant qu’il y a d’autres dieux mais de ne
pas aller vers eux. Il est possible que chacun d’entre nous fasse
de telles erreurs. Ce n’est pas l’erreur qui est importante, car tant
que nous sommes des êtres humains, nous sommes sujets aux
erreurs. Mais nous devrions réaliser que dans un propos comme
celui-ci où nous parlons d’être frères et soeurs, si nous partons
avec une fausse idée de la fraternité, nous construisons le mur
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 103

même que nous essayons de détruire. Nous ne devrions pas avoir


l’idée que nous sommes distincts de l’autre ou que notre groupe
est distinct d’autre chose. En fait, nous ne devrions pas avoir
d’idée du tout. C’est la première chose.
La deuxième idée dangereuse est qu’à l’intérieur d’un groupe, il
devrait toujours y avoir de l’harmonie, au sens que vous semblez
lui donner. C’est-à-dire que tout le monde serait d’accord avec
tout le monde. Une telle vie serait véritablement une chose terne
et fastidieuse. Il ne devrait y avoir ni récriminations mutuelles, ni
contrariétés, ni colères, mais il y aurait à coup sûr la liberté d’être
différents. Toute chose dans la nature fonctionne ainsi. Vous
avez ce que vous appelez votre système solaire. Un soleil avec,
autour, un nombre de planètes en rotation. Le soleil a son propre
mouvement indépendant. Il tourne sur son axe propre et erre à
travers l’espace à l’intérieur de la galaxie. Et même si les planètes
tournent comme une famille autour de lui, elles ont toutes leur
indépendance, elles tournent toutes sur leur axe propre  ; elles
tournent toutes autour du soleil.
Qu’est ce donc qui importe ? Que même si vous pouvez bouger
par vous-même, avec la liberté totale de le faire, vous mainteniez
en même temps la cohésion d’un système. Donc à l’intérieur de
ce système, vous devez avoir la liberté totale d’agir selon votre
choix, de vous comporter selon votre choix, de différer l’un de
l’autre, la seule chose essentielle étant que l’identité du groupe ou
sa structure, ou sa cohésion devrait être préservée. Sinon ce que
les individus ont d’unique serait perdu.
Maintenant, ne pensez pas s’il vous plaît que nous devrions
délibérément créer des différences parmi nous. Nous devrions
essayer d’être harmonieux. Mais c’est comme l’harmonie d’une
musique où vous avez 27 instruments qui résonnent en différents
endroits de la salle de concert - quelques flûtes, quelques cymbales,
des instruments à corde et à vent. Mais le tout étant guidé par une
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 104

personne centrale - une personnalité - pour produire ce que vous


appelez de la musique, ce que vous appelez harmonie, symphonie,
etc... Un délice pour l’âme ! Ce qu’il importe de comprendre, c’est
que chaque instrument fonctionne selon sa nature. Une flûte ne
peut pas être un violon, une cymbale ne peut devenir une paire
de clochettes. Mais l’idée importante est qu’ils travaillent en
accord avec celui que nous appelons le chef d’orchestre. Il dirige
la musique. Chaque musicien joue selon ses instructions.
Ici aussi, je suggère donc que la seule chose qui compte
est d’être nous-mêmes. Apprenons sous Sa conduite ce que
nous devons faire, et faisons-le bien et nous découvrirons que
l’interaction entre nous tous produit une grande harmonie, une
grande musique. Et c’est ce que nous essayons d’accomplir dans
un rassemblement d’individus comme le nôtre. Le problème
commence quand le violoniste dit : « J’ai joué, donc la symphonie
était bonne » ou quand le flûtiste dit : « Hé bien sans moi, vous
ne pourriez pas exister ». La leçon est donc très claire. Faites ce
que vous avez à faire sous Sa conduite et laissez les autres Le
suivre et faire ce qu’Il dit. Alors tout ce dont nous avons parlé et
discouru, une existence harmonieuse, un ensemble, une unité,
deviendra une Réalité. Non pas parce que nous sommes un, au
sens où nous sommes tous les mêmes, avons la même opinion, ou
parce que nous jouons pareillement, mais parce que Lui, le Maître
est capable de mélanger ensemble bien des génies individuels,
des capacités, en un grand thème harmonique. La leçon est très
claire. Faites ce que vous pouvez faire en obéissant à Ses souhaits.
Et si chacun d’entre nous le faisait individuellement, le groupe ne
pourrait être qu’harmonieux.
Une autre idée porte sur le langage. Vous avez 26 lettres dans
la langue anglaise. Et il est possible de produire un tas d’images
fantastiques, de la belle poésie, de l’amour, précisément parce
que les 26 lettres sont différentes. Maintenant, imaginez que
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 105

vous deviez écrire un courrier seulement avec la lettre A. C’est


ce qui nous arriverait si nous insistions sur la ressemblance, la
similarité d’exécution et sur des idées humaines de ce genre,
essentiellement stupides. Car seuls les êtres humains font la
stupide conclusion que nous devrions être tous les mêmes, que
nous ne devrions pas avoir de différences, que nous devrions nous
comporter de façon similaire, nous habiller tous pareil, etc...
La Nature est belle pour deux raisons. Il y a un mélange de
diverses unités d’existence dans une grande et harmonieuse
image d’existence, et il y a une liberté totale pour les unités
individuelles d’exprimer leur existence de beaucoup, beaucoup
de façons différentes. En cuisine, les piments doivent être des
piments, pas des tomates. Les tomates ne peuvent pas être des
pommes de terre.
Donc mélanger un nombre d’unités diverses dans une harmonie
est l’affaire du Maître. C’est Son travail. Lorsque, en tant que
membres de l’unité ou membres du groupe, nous insistons sur
le fait que les individus du groupe devraient être ceci ou cela,
nous commettons en un sens l’erreur d’essayer de prendre sur
nous le travail du Maître. L’affaire de l’abhyasi est de faire son
travail en obéissant au Maître. Préserver l’identité du groupe, le
faire grandir et finalement embrasser l’Univers est le travail du
Maître. Laissons-Lui son travail. Merci.

Les fruits de l’arbre


28 septembre 1986

Je suis sûr que vous êtes tous tout à fait rassasiés. Car nous
avons tous eu le quota habituel d’entretiens, et toute cette journée
a commencé avec une situation émotionnelle très hautement
chargée. Je suis sûr que nous avons tous besoin maintenant
d’un petit repos. Il est juste d’accorder au jeune couple un peu
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 106

d’intimité (rires). De ne pas trop les garder occupés à écouter le


Sahaj Marg le jour de leurs noces. Aussi je vais essayer d’être bref
dans mes remarques.
Ecouter parler toutes ces personnes a été une bonne expérience.
Et comme d’habitude cela révèle une énorme compréhension et
une quantité considérable de confusions (rires). Mais comme
nous le disons, c’est le fruit de l’arbre qui est important, et il y
aura toujours une multitude de feuilles. Les feuilles sont aussi
nécessaires à la santé de l’arbre que le fruit l’est pour nous. Ainsi,
notre confusion met seulement en lumière la compréhension que
nous avons déjà acquise du système. J’observe que la confusion est
le résultat de la permission accordée à notre intellect de trop jouer.
Vous avez certainement tous entendu les entretiens,
aujourd’hui. Vous aurez senti vous-mêmes, que lorsque l’orateur
parle du fond du coeur, ses paroles nous vont également au
coeur. Ainsi, cela met en lumière l’importance du coeur dans le
Sahaj Marg, et il n’est presque pas besoin, comme Raj l’a dit ce
matin je pense, de comprendre le système. Car la compréhension
se fait avec l’intellect. Mais nous recevons le Maître et Son
amour à travers nos coeurs ; c’est de là que doit venir la réelle
compréhension. Cela nous aide d’entendre toutes ces nombreuses
expériences, et j’en suis toujours heureux car c’est encore un
autre moyen pour moi d’évaluer l’abhyasi, ainsi que son progrès
et sa compréhension.
Hier, j’ai tenté de dire quelque chose du Maître et de Son
travail. Je n’ai cependant pas eu le temps d’écouter ce que j’ai dit
et ne sais encore pas comment le développer car, honnêtement je
ne sais pas ce que j’ai dit (rires). Voici la façon dont je prépare les
entretiens. Car j’ai entendu bien des gens dire que ce ne sont pas
eux qui parlent, mais le Maître qui parle à travers eux. Mais, une
fois, nous étions à Allahabad et le docteur Varadachari devait
faire un exposé deux soirs de suite devant un auditoire très érudit
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 107

et très éminent, juges de la Haute Cour, percepteurs, etc... Le


premier soir, il donna ce que je pensais être un très brillant
discours et Babuji dit que c’était un bon discours. Il était là et
présidait la soirée. Le soir suivant, le docteur Varadachari était
dans une totale confusion. Je le vis nerveux pour la première
fois de ma vie, car il avait préparé quelques notes sur le sujet
qu’il allait exposer, et les avait égarées. En arrivant devant le
public pour parler, il ne savait littéralement pas ce qu’il allait
dire. Mais, chose étonnante, il fit un discours hors de ce monde.
Et une fois le discours fut terminé (incidemment, il avait duré
plus d’une heure), il vint présenter ses excuses à Babuji et dit :
« Maître, je n’ai pas pu aussi bien parler aujourd’hui car j’avais
perdu mes notes ». Alors Babuji le regarda de sa façon profonde
et habituelle, et dit  : «  Hier vous avez parlé. Aujourd’hui j’ai
parlé ». C’est donc ici que réside la différence ; c’est ce que nous
devrions essayer de faire quand nous venons devant un micro :
laisser nos coeurs parler pour nous.
Et je pense que le fait de trop utiliser l’intellect en toute
situation est une maladie courante. Comme j’en ai probablement
trop souvent parlé, en trop d’occasions, c’est surtout une
maladie de la culture occidentale : il nous faut analyser chaque
chose, même l’amour. J’ai connu un homme qui m’a demandé :
« Chari, j’aime cette fille plus que ma vie, mais pouvez-vous me
dire pourquoi ? «  (rires). Eh bien, c’était une des questions à
laquelle je n’ai jamais pu répondre ! (rires). Et pour moi, c’est
la dernière - comment dirais-je ? - l’ultime stupidité, tragédie,
dérision, voyez-vous, que celui qui aime veuille savoir pourquoi
il aime, et en soit perplexe au point de venir m’interroger.
Par ailleurs, nous aimons impressionner les gens par ce
que nous pensons connaître du système, et au lieu de laisser
parler l’expérience pour nous, lorsque nous parlons avec notre
intellect, nous permettons seulement à nos incompréhensions
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 108

d’apparaître au grand jour, nous affichons ouvertement en public


notre ignorance du système. Je pense que c’est pourquoi Babuji
parlait si peu. Premièrement, il avait très peu à dire. Car il faisait
le nécessaire pour nous. Et vous savez tous que même lorsque
nous avions des questions et venions nous asseoir devant Lui,
peu d’entre nous les posaient ou avaient besoin de le faire. Car
Il y répondait, et nous étions toujours étonnés. Alors que j’ai
vu quelquefois des gens formuler leur question à voix haute et,
comme l’a dit quelqu’un, Il se contentait simplement de sourire.
Parfois même, Il se levait et partait. Ainsi, la question formulée
verbalement n’avait pas d’importance pour Lui. Car Il n’était
jamais impressionné par ce qui venait de l’intellect.
J’ai connu des gens venant à Lui qui étaient, je veux dire
presque des prix Nobel dans leurs disciplines respectives, et
bien qu’habituellement Il reconnut poliment le mérite de leur
érudition, de leurs connaissances et de leurs réalisations, Il
n’était jamais ému par ces personnes. Invariablement des
questions étaient posées auxquelles Il répondait, bien sûr, à
titre de courtoisie, de politesse. Mais Son coeur n’y était pas. Et,
pardonnez-moi de le dire, je n’insinue pas que Babuji insultait
les gens, mais souvent j’ai senti qu’Il corrigeait ou réprimandait
ces personnes très intellectuelles qui venaient à Lui, lorsqu’à une
question posée, Il répondait avec grande humilité : « Vous êtes
vous-même professeur, vous le savez ». Je me demandais ce qu’ils
connaissaient eux-mêmes ou que, d’après Babuji, ils savaient.
Comprendre cette réponse de Sa part me prit quelques années.
Ce qu’Il disait vraiment était : « Vous êtes un professeur, et vous
savez que vous êtes professeur, cela bloque votre connaissance ».
Vous êtes professeur et vous le savez. Telle était Sa réponse.
Le professeur pensait qu’il connaissait la réponse à la question
posée. Babuji voulait dire « jusqu’à ce que vous oubliiez que vous
êtes professeur, vous ne comprendrez pas cela ».
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 109

Ainsi, c’est notre propre conception ou fausse conception de


nous-mêmes qui bloque la compréhension. Après bientôt 26 ans
passés avec le Maître, mon expérience me dit que la compréhension
est totalement inutile pourvu que nous mettions tout notre coeur
dans le travail. Car le Maître nous parlait toujours avec Son coeur,
et Il parlait à nos coeurs. Et nous avons très souvent conversé
tard dans la nuit, jusqu’à une heure, deux heures du matin, et
un aspect du comportement humain, de l’existence humaine
qu’Il n’a jamais pu comprendre, était le besoin de comprendre
avec l’intellect. Il me disait très souvent : « C’est ce qui bloque les
gens. Car ils reçoivent et ils veulent savoir pourquoi ils reçoivent.
N’est-ce pas suffisant de recevoir ? « 
Si nous voulons vraiment comprendre ce que toute Sa vie mon
Maître a essayé de nous enseigner, et qu’Il est encore en train de
nous enseigner, je pense que nous devrions donner à l’intellect la
place qu’il mérite dans notre existence, et pas plus. C’est un outil.
Je veux dire par là que si j’ai un ordinateur et si je lui demande :
« Ai-je faim ? « , aucun doute qu’il puisse être programmé pour
répondre à un certain moment, « oui ». Et si je répète la question,
et qu’il est programmé intelligemment, la seconde fois il pourra
dire : « Idiot, ne répète pas la même question. Tu devrais savoir
si tu as faim ou non ».
Voyez-vous, les choses de l’âme qui nous affectent dans notre
voyage spirituel ne relèvent pas de la compréhension intellectuelle,
et ne devraient pas être soumises à notre intellect. C’est comme
si je recevais un télégramme, le montrais à mon chien et lui
demandais son avis. Mon chien a aussi sa place chez moi, mais
aussi intelligent soit-il, il ne va pas interpréter le télégramme
pour moi. Et rappelons-nous que Swami Vivekananda - pas
moins qu’une personne telle que Swami Vivekananda - disait que
l’intellect a une certaine place, nous le suivons jusqu’à un certain
point et, que là, nous le renvoyons respectueusement. Je dis
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 110

« Pas moins qu’une personne telle que Vivekananda » car il était


hautement intellectuel. Les gens peuvent dire : « Oui, Babuji ne
voulait pas d’intellectuels car Il n’était pas un intellectuel ». Mais
que Vivekananda dise cela, est la plus étonnante des déclarations.
Ainsi entendre dire de la part d’un intellectuel, qu’à la vérité,
l’intellect a un très petit rôle à jouer dans nos vies spirituelles,
justifie un petit examen et un accueil favorable de cette idée.
Tels sont les problèmes de l’intellect. Et nous rencontrons très
souvent des personnes qui font des expériences et commencent
à en douter parce qu’elles tendent à intellectualiser. La question
qui revient le plus souvent est  : «  Est-ce réel, ou est-ce une
projection  ? «  Dans ce cas, je dois toujours répondre par une
autre question : « Vous croyez à toutes les peines, frustrations,
et choses négatives que vous avez. Pourquoi ne pensez-vous
pas que ce sont aussi des projections  ? «  Nous devrions donc
traiter les deux sur le même pied. Mais le plus sage est encore
d’abandonner l’intellect. Car c’est l’intellect qui nous fait ruminer
nos douleurs, nos frustrations. Ma soeur California (que j’appelle
Kali) - Judith - disait avoir reçu énormément de bénédictions
l’année dernière. Cela fait plaisir à entendre. Nous sommes ici
en présence d’une abhyasi prête à traiter misères et frustrations
comme des bénédictions. Mais même là, c’est son intellect qui
parle. Car si nous devions vivre la vie d’un abhyasi parfait, nous
ne saurions pas ce qui nous arrive, nous ne saurions pas si c’est
une bénédiction ou une calamité. D’ailleurs, on ne se pose même
pas cette question. Quelle importance que ce soit une bénédiction
ou une malédiction ?
S’il ou elle est capable d’accepter ces choses dans l’esprit du
Sahaj Marg et des enseignements de Babuji, l’abhyasi révèle sans
aucun doute un bon niveau. Mais cela révèle encore un effort
dans l’acceptation. Et donc, il y a une tension, un stress derrière
ce qui devra finir par s’en aller.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 111

Aussi ne nous occupons-nous pas de ces choses dans le


voyage spirituel, et l’abhyasi ferait très bien de continuer à
suivre aveuglément le Maître. Ce serait bien si les gens lisaient
Son autobiographie, premier volume, où Il parlait de Lui en
tant qu’abhyasi, et écrivait avec une franchise telle que j’en étais
choqué au début. Vous savez que les gens font souvent l’éloge
de Saint Augustin pour ses confessions, et je suis parfois enclin
à être d’accord, car il a écrit très ouvertement sur ses fautes, sur
des péchés qu’il a commis et ceux qu’il a faits par omission. Mais
- pardonnez-moi de le dire - j’avais l’impression qu’il y avait une
certaine auto-satisfaction à s’exposer au regard public. Je ne me
sens pas très à l’aise en présence d’un pécheur qui ne cesse de
répéter  : «  Je suis un pécheur, je suis un pécheur  ». Une fois
devant le Maître, oui. Mais encore et encore, et avec force détails
dont nous n’avons pas besoin, cela paraît presque être un étalage
indécent de soi. C’est mon avis personnel. Je n’essaie pas d’être
irrespectueux envers Saint Augustin, puisse son nom demeurer
à jamais. Mais lorsque vous lisez les déclarations toutes simples
du Maître, Il ne donne que des indications, comme toujours
dans Ses enseignements. Il indique seulement en trois ou quatre
mots  : «  Ai ressenti telle ou telle pensée  ». Car cela Lui était
suffisant pour exprimer ce qu’Il ressentait. Et, plus important
encore, c’était suffisant pour que Son Maître comprenne ce qui
se passait en Lui.
Je me suis souvent rendu dans des dispensaires médicaux.
Et vous y voyez tous ces patients malades d’eux-mêmes, qui ne
viennent pas pour se faire traiter mais pour raconter avec des
détails précis, des détails atroces, des détails qui font perdre
du temps, chaque symptôme, imaginaire ou non. Et souvent le
médecin voudrait leur donner 50 dollars et leur dire : « Laissez-
moi en paix, s’il vous plaît  ». Il pense que tout cela n’est pas
nécessaire. Souvent, si vous venez juste vous asseoir devant le
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 112

Maître, Il sait tout ce qui vous concerne. Si vous considérez qu’Il


sait tout, qu’Il voit tout et que, par politesse, Il vous demande
de Lui exprimer de la façon la plus concise possible ce que vous
ressentez, est-il vraiment nécessaire d’en faire des volumes de
littérature autobiographique ? Donc, je le répète, cela montre un
rapport malsain avec le soi. Et nous devrions l’éviter.
Nous ferions bien de lire le premier volume de l’autobiographie
de le Maître. Je voudrais faire un commentaire en ce qui concerne
le second volume. Les gens sont toujours en train de comparer le
Maître ou de le mettre en contraste. Est-Il Dieu ? Est-Il plus élevé
que Dieu ? Est-Il moins élevé que Dieu ? Je me permets de vous
faire observer que ce sont là nos propres idées sur le pouvoir et
les hiérarchies du pouvoir. Car nos esprits ont été si entraînés à
percevoir l’exercice du pouvoir comme un flux venant des plus
hauts niveaux de hiérarchie vers les plus bas, que même lorsque
nous traitons du Divin, nous vouloir savoir qui est plus haut et qui
est plus bas. Je ne sais pas combien d’entre vous ont lu le volume
2 de l’autobiographie du Maître. Si vous l’avez lu attentivement,
vous avez dû être choqués à certains passages. Et à juste titre.
Car voici mon homme, mon Maître. De l’autre côté de la table
se déroule un dialogue entre Swami Vivekananda, Lalaji, et le
Seigneur Krishna par dessus le marché ! Et ils sont tous en train
de se taper dans le dos (rires), de se congratuler mutuellement
d’avoir produit le Maître de l’Univers, mon humble Maître, lové
dans un fauteuil, sans prétention, regardant ailleurs. Et ils sont
tous en train de se féliciter entre eux. Vivekananda félicite Lalaji :
« Vous seul avez pu produire une telle personnalité ». Et Lalaji
congratule Vivekananda. Et tous deux félicitent le Seigneur
Krishna. Eh bien nous ne savons de quoi il retourne. (rires). Et
soudain Vivekananda dit à Babuji  : «  Votre travail est négligé.
Réveillez-vous ». Et je ne peux m’expliquer qui est ce Maître de
l’Univers dont ils font tant d’éloges entre eux, et à qui, soudain,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 113

l’un d’entre eux a le toupet de dire : « Votre travail est négligé,


réveillez-vous ».
J’aimerais que l’un de vous me dise qui est le plus élevé dans
cet exemple. Je pense que Babuji a inclus délibérément cette
conversation à ce niveau supra-cosmique pour montrer qu’Il
pouvait être le plus élevé, et pourtant pouvait être critiqué par
ceux qui sont peut-être plus élevés que Lui, peut-être moins
élevés que Lui, peut-être égaux à Lui, nous ne le savons pas. Nous
ne nous en soucions pas. Quel besoin avons-nous de le savoir ?
Une fois Babuji me raconta que quelqu’un disait  : «  Je vois
le Divin en vous ». Babuji se mit à rougir et, dans sa confusion,
partit. Après cela, Il évita cette personne pendant trois jours. Cet
homme était très perturbé, car il avait trois jours de vacances,
et il avait commencé par porter le Maître aux nues et ne L’avait
jamais revu. Même lorsqu’il partit vers 10h30 avec le rickshaw de
nuit, en plein été, Babuji était à l’intérieur, roulé en boule dans
son lit avec une couverture sur la tête. Il n’était pas disponible,
même pour dire au revoir. Aussi le matin suivant, je dis à Babuji :
«  Il était complètement chaviré et il est parti vraiment désolé,
et dans l’angoisse ». Babuji regarda autour de lui et dit : « Est-il
vraiment parti ? «  (rires). Je dis : « Oui, Maître, il est parti la
nuit dernière  ». Il dit  : «  Je suis heureux  ». Je me sentais très
désolé pour cet homme : Babuji qui avait l’habitude de recevoir
même des chiens et des chats dans sa maison, et qui était désolé
lorsqu’ils partaient, Babuji avait dit qu’Il était heureux que cet
homme soit parti. Alors je Lui demandai  : «  Babuji, comment
pouvez-vous dire une chose pareille  ? Ne voulez-vous pas qu’il
reste plus longtemps avec Vous ? «  Il me dit une grande vérité. Il
dit : « Quand les gens disent des mensonges je ne les aime pas ».
Je dis : « Quel mensonge ? «  Il dit : « Oh, il est venu et m’a dit
qu’il voyait le Divin en moi  ». Je dis  : «  Peut-être, le voyait-Il
vraiment en vous ». Il dit : « S’il L’avait vu, j’aurais été heureux.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 114

Mais il essayait seulement de me flatter ». Ainsi c’est une chose


que nous faisons tous la plupart du temps, consciemment ou
inconsciemment.
Cela a été une de mes plus tristes expériences ou, dirais-je,
une de mes tristesses, que peu de gens aient dit la vérité devant
le Maître, à propos du Maître. Ils Lui ont toujours menti, L’ont
toujours trompé ; « Non, non, Babuji, vous êtes le plus grand ».
Et laissez-moi vous assurer que Babuji n’était pas seulement
ennuyé ou en colère, mais il était écoeuré d’éloges de ce genre.
Il n’a jamais aimé les éloges. Mais si vous Lui disiez la vérité, Il
était très heureux. Donc, nous devons éviter cela. Et un de ses
enseignements fondamentaux que je n’oublierai jamais était  :
« Parlez de moi de la façon dont vous m’avez expérimenté ; pas
plus, pas moins. Et si vous me voyez comme un fou, dites-le, ce
n’est pas important. Car que ce soit juste ou non, ce sera la vérité
telle que vous l’avez perçue à ce moment-là ». Donc la flatterie
est toujours abominable. Car non seulement pensez-vous être
suffisamment grand pour flatter autrui, mais vous ridiculisez
l’homme qui est assis devant vous et que vous avez flatté. Et
lorsque c’est votre Maître, je pense que c’est un blasphème.
Donc, si vous lisez les volumes 1 et 2 de l’autobiographie, si
vous en comparez le contenu, vous trouverez qu’ils ont une
chose en commun : ce fil caché d’humilité qu’Il n’a jamais perdu.
Il était absolument humble et plein d’auto-abnégation quand
Il était abhyasi et, si c’est possible, encore plus humble et avec
encore plus d’abnégation lorsqu’Il était un Maître. Voici donc
la leçon que j’ai reçue en lisant ces deux livres et il m’importe
peu de savoir s’Il était le plus élevé ou le moins élevé. Les gens
parlent tant d’amour. Lorsque vous aimez, vous n’aimez pas telle
ou telle personne parce qu’elle est la plus élevée. Si tel était le cas,
toutes les filles devraient être folles du Président Reagan ! Qu’ont
à voir la grandeur ou la petitesse avec l’amour  ? Donc, quand
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 115

nous insistons sur le fait que le Maître devrait être le plus grand,
le plus puissant, plus élevé que Dieu et que nous disons alors
L’aimer, nous démentons notre amour. Nous nions nous-mêmes
cet amour.
J’ai donc un message  : prenez garde aux mensonges, prenez
garde à la flatterie envers le Maître. Il n’est pas affecté car Il est
ce qu’Il est, mais votre avenir est en jeu. Et ne nous mêlons pas
de penser : « Oh, Shiva est le plus grand ». Ou Vishnou est le plus
grand, ou Bouddha est le plus grand, ou Babuji est le plus grand.
Car il n’est même nécessaire pas de lire le volume 2. Pensez à la
connection entre Lalaji et Babuji. Il y avait un Maître qui avait créé
un Maître, et notre Maître dit que sans son Maître, Il ne pourrait
pas exister, même un moment. Et tout ce qu’Il faisait ou ce qui se
passait à travers Lui, Il l’attribuait à Lalaji et à Sa Grâce. Dans Sa
conversation, le mot Lalaji était comme une ponctuation ; tous
les trois mots, Il disait « Lalaji ». Et pourtant, si nous admettons
que le Maître nous a dit la vérité et s’Il a laissé entendre dans un
renvoi en bas de page que la Personnalité Spéciale est au travail
depuis telle ou telle époque, si l’on calcule à partir de la date de
publication de ce livre... Je veux dire qu’Il s’est désigné Lui-même
du doigt et a dit : « Je suis la Personnalité Spéciale ». Eh bien, qui
est le plus élevé - Lalaji ou Babuji ? La logique dit que le Créateur
doit être plus grand que sa création. Le désir que nous avons de la
grandeur de notre Maître nous fait dire, qu’Il doit être forcément
plus grand que cela même qui L’a créé. J’aimerais vous faire
observer que notre égo déborde même les limites de notre propre
moi personnel. Non seulement désirons-nous être grands, et les
plus grands, mais encore ne sommes-nous pas contents à l’idée
que notre Maître ait quelque chose en moins que le plus grand.
Et c’est cet égoïsme qui nous fait dire des mensonges au Maître.
Abandonnons tout cela aux Maîtres. Ils savent qui est plus élevé,
qui est le plus élevé. C’est comme l’eau qui coule de la montagne
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 116

à la mer. La montagne est-elle plus grande parce qu’elle apporte


l’eau à l’océan  ? Ou est-ce l’océan, parce qu’il permet qu’il soit
évaporé et de s’envoler au-dessus des montagnes où il peut
devenir glace et de nouveau couler jusqu’en lui-même ? Lequel
est le plus grand ? Ainsi, n’ayons pas ce genre de pensées.
En spiritualité, nous n’avons qu’un but. Je dois atteindre ce
que mon Maître me promet comme but, qu’Il promet comme
étant accessible, qu’Il garantit pouvoir être accompli et auquel
Il s’est consacré à nous conduire. Non seulement promettant,
mais se consacrant à nous conduire. Tout ce qui est nécessaire en
nous est une innocence d’enfant. Et comme un bébé tient la main
de sa mère, nous devrions tous Lui tenir la main et continuer à
marcher. Merci.

De l’amitié
29 septembre 1986

Les deux interlocuteurs d’aujourd’hui nous ont donné deux


points de vues différents. En réalité, ce sont deux sujets différents.
L’un traite des relations inter-personnelles entre êtres humains
dont Fred a parlé en profondeur : quelle devrait-être notre relation
avec les autres êtres humains  ? Par la grâce du Maître, Fred a
intuitivement compris l’exclusion ou, dirons-nous, la séparation
qu’engendre l’amitié qui, en ce sens, ressemble beaucoup à la
religion. Elle divise. L’un est un ami, l’autre n’est pas un ami.
Pas nécessairement un ennemi. Ainsi, il y a des amis, il y a des
zones de rapports grises ou neutres, et il y a une inimitié déclarée
envers les autres. J’avancerais que Fred a eu cette perception
intuitive quand il a admis le point de vue qui lui était proposé.
Ainsi, l’acceptation du conseil donné par quelqu’un qui nous veut
du bien ouvre notre compréhension intérieure.
Les gens demandent très souvent comment un conseil peut
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 117

vraiment aider. Le conseil travaille sur plusieurs niveaux. Par


exemple, comment me rendre d’ici à New-York  ? Quelqu’un
me dit  : «  Prenez ce bus, puis changez pour cet autre et vous
arriverez à New-York ». C’est également un conseil. Je vais chez
le médecin. Il dit : « Faites ceci et ne faites pas cela ». C’est plus ou
moins sur le même plan que l’histoire du bus. Cela traite encore
de l’existence physique. Puis vous avez les niveaux supérieurs
de conseil, nous donnant des préceptes moraux et éducatifs, où
il ne suffit pas de faire ce qui est dit, mais où il est également
nécessaire de comprendre ce qui est dit. Car prenez les dix
Commandements chrétiens où tant de conseils sont affirmés
sous forme de commandement comme, par exemple  : «  Tu ne
tueras point  ». Mais ils ne disent pas comment nous abstenir
de tuer car, dans certaines situations, il ne semble pas y avoir
d’alternative.
Il se peut qu’un conseil nous mette dans une situation
embarrassante, semant en nous plus de confusion qu’auparavant.
Cela met donc l’accent sur la nécessité ou l’importance de
trouver quelqu’un qui puisse nous conseiller de façon à ce que
nous comprenions le conseil reçu. Et c’est pourquoi Babuji avait
coutume de dire : « Donnez des conseils positifs et non pas des
conseils négatifs ». Et cela s’applique au tout départ, c’est-à- dire
à l’éducation des enfants. Quand vous voulez qu’un enfant étudie,
vous devriez dire : « Etudie, s’il te plaît ». Au lieu de quoi l’enfant
s’entend dire : « Ne perd pas ton temps. Ne va pas dans la cour.
Ne va pas chez Fred ». Mais on ne lui dit pas ce qu’il devrait faire.
Lorsque nous parvenons aux niveaux supérieurs, il est encore
plus important que le conseil soit exact. Sinon, ce serait comme
de dire au pilote d’un avion qui s’est égaré dans la tempête et
dont le radar ne fonctionne plus : « Ne quitte pas ta route ». « A
quoi rime ce conseil de ne pas quitter la route ? Je l’ai quittée,
je suis perdu, que devrais-je faire  ? «  Et vous savez que c’est
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 118

une situation fâcheuse dans laquelle nous nous trouvons tous.


La plupart des êtres humains sont perdus de cette façon-là. Alors
quelle est l’utilité sur terre d’un quelconque gourou ou maître,
ou meneur religieux venant dire  : «  Tu ne tueras pas  ; tu ne
convoiteras pas la femme de ton prochain ; tu ne convoiteras pas
les biens de ton voisin ? «  A quoi tout cela sert-il ? Je pense que
c’est pour cette très importante raison que Babuji a dit  : «  Ne
donnez pas de conseil ». Car dans une telle situation, nous avons
besoin d’aide, non de conseils.
Généralement, le conseilleur ne veut pas prendre de
responsabilité. Il ou elle dit  : «  Bien, j’ai donné un conseil et
mon devoir s’arrête là  ». Mais il ou elle accepte rarement la
responsabilité de l’étape suivante vis-à-vis de la personne qui se
trouve dans l’impasse ou en fâcheuse situation. le Maître était
toujours très, très précautionneux et disait qu’on ne devrait pas
donner de conseil. Et vous savez tous qu’il y a deux, trois raisons
à cela. Car si le Maître nous donne des conseils et si nous ne les
suivons pas, cela engendre la désobéissance - ce qui est un péché
supplémentaire. De toutes façons, ceci constitue un détour, un
propos en marge de notre débat.
A quoi servent les amis ? En quelque sorte, ils servent notre
complaisance. Comme l’a dit Fred, cette amitié n’a pas besoin
d’être dévorante. C’est une forme extrême de complaisance. Si
vous considérez attentivement ce point, vous vous apercevrez qu’il
ne peut y avoir d’amitié sans une certaine forme de complaisance.
Avec un Gourou, la complaisance n’existe pas. Car lorsque nous
avons du temps libre et que nous désirons faire quelque chose
avec un ami, il rit, nous rions  : rien d’utile. Je veux dire qu’en
général jamais rien d’utile ne se produit. C’est pour passer le
temps dans un environnement qui ne nous attire pas trop de
mécontentements ou de points de vues opposés aux nôtres. Tout
se passe donc dans la bonhommie, « Hé, salut mon vieux, cela
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 119

fait plaisir de se voir  ! «  , et on se tape dans le dos, etc. C’est


pourquoi nous avons des amis et des non-amis. Ils ne font rien
prospérer en nous. Aussi, pour Fred, c’était une situation assez
grave. Comme il le disait lui-même, non que les amis fussent
mauvais. Le vin n’est pas mauvais par nature. Mais, si je l’associe
à moi, c’est une mauvaise chose.
Dans la nature c’est une des sagesses ou, dirons-nous, une des
sagesses transmises par les grands hommes du passé, les sages
du passé, que Dieu n’a rien créé de mauvais. Et un ami n’est pas
nécessairement mauvais. C’est un hommage à notre bon sens, au
peu que nous en ayons, que nous choisissions généralement pour
amis des gens d’une bonne nature. Mais cette amitié qui ne fait
néanmoins que démontrer que deux choses bonnes ne le restent
pas forcément une fois assemblées, cette amitié est mauvaise. Je
suis bon, l’eau est bonne, mais de mon association à l’eau peut
résulter ma noyade. Le feu est bon, je suis bon, mais nous ne
pouvons avoir ensemble aucun commerce d’aucune sorte. Ainsi
quand vient à l’idée d’un esprit humain qu’un tel est un brave
type, pourquoi ne pas le fréquenter ? « , il faut comprendre que
le sucre est bon, le sel est bon, mais qu’on ne peut pas les mettre
ensemble dans le même plat. Le tigre est bon, la chèvre l’est
aussi  : vous ne les mettez pas tous deux dans une même cage.
Nous devons uniquement rechercher la fréquentation de ce qui
contribue à notre total bien-être. Et, curieusement, quand on
demande : « Qui ou qu’est-ce qui peut m’aider totalement ? « , la
réponse est : un ami.
Je ne veux pas dérouter Fred en disant cela. Mais, par
définition, un ami est celui qui est prêt à donner sa vie pour moi.
Rien de moins que cela. C’est pourquoi, dans la tradition soufi,
seul le Gourou est appelé ami, parce qu’il donne littéralement sa
vie pour nous. Quand mon Maître nous transmettait et que nous
appelions cela Pranahuti - ce qui voulait dire offrande de Sa vie
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 120

déversée dans la nôtre -, Il nous donnait Sa vie à tout moment de


Son existence. Quel est, par conséquent, ce manque d’amitié que
nous ressentons ? N’est-il pas suffisant d’avoir un tel ami ? Peut-
il y en avoir deux ? Ce n’est pas possible. Donc, si je dois vivre une
amitié et avoir un ami pour satisfaire pleinement le besoin d’une
telle relation, cet ami ne peut et ne devrait être que le Maître seul.
Et si, en ayant le Maître, nous sentons encore que nous n’avons
pas d’amitié, cela veut seulement dire que nous ne savons pas
assez bien apprécier ce qu’Il fait pour nous, ce qu’Il nous donne.
Le besoin est donc là pour accroître notre sensibilité, et aussi
pour corriger notre compréhension de ce que l’amitié veut dire
et de qui est un ami.
C’est par la grâce de mon Maître que Fred fut béni d’être
précipité - je ne dirais pas en mauvaise compagnie - mais en
compagnie indésirable. Car cette compagnie n’était pas bonne
pour lui. Ils étaient bons. Il était, et est, bon. Mais la combinaison
revenait à jeter au feu le testament de votre père - un document
de grand valeur -, au feu que vous aimez parce qu’il chauffe les
châtaignes, chauffe la boisson et vous réchauffe l’hiver si vous
avez un peu de bois. C’est le genre d’erreur que nous commettons
quand nous parlons d’amitié.
L’amitié peut survivre et nous soutenir seulement au plus haut
niveau. Aux niveaux inférieurs, cela cesse d’être de l’amitié et la
fréquentation d’autrui n’est que de la satisfaction mutuelle Je le
répète, cela n’a pas besoin d’être dévorant ; même le besoin de
passer un moment de loisir ensemble est de la satisfaction. Nous
sommes donc tous reconnaissants à Fred d’avoir partagé un de
ses problèmes intimes avec nous, puisque c’est instructif pour
nous tous.
J’en reviens aux propos de Tom, mon frère. Surtout ici, en
Amérique, il existe un sentiment malheureux qui conduit à penser
que les idées comme celles que nous exposons en ce moment (et
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 121

que Bill Waycott avait peut-être exposées dans une lettre l’année
dernière) interfèrent en quelque sorte avec notre liberté.
Maintenant, je dois carrément vous dire d’entrée de jeu qu’avoir
un contact physique avec un homme ou une femme n’est pas un
péché. Mais au cas où vous me demanderiez  : «  Alors, Chari,
pourquoi dites-vous que nous ne devrions pas avoir de contacts
physiques, si ce n’est pas mauvais  ? «  , il serait souhaitable de
réfléchir aux différentes façons possibles d’exprimer une relation
humaine. Si vous avez observé deux bébés en train de jouer (je
parle de bébés qui peuvent bouger, un an, dix-huit mois), leur
seul mode de fréquentation est physique. Ils doivent toucher,
lécher, se donner réciproquement des coups. C’est la forme
d’association la plus primaire.
Puis, vous réalisez qu’il y a des formes d’association supérieures.
Peut-être savez-vous qu’il y a trois types de gourous dans la
tradition orientale. Peut-être vous en ai-je parlé précédemment.
Le type le plus bas est comme la poule qui a besoin de s’asseoir
sur ses oeufs pour les couver. Le contact physique entre le
disciple et le gourou est nécessaire. Au niveau supérieur, c’est
comme le poisson qui est censé pondre ses oeufs dans l’eau, ne
gardant avec eux qu’un contact visuel. En pareil cas, vous devez
au moins résider dans le même ashram que le gourou. Il n’a pas
besoin de vous toucher mais doit pouvoir vous voir. Nous savons
tous combien nos mères étaient bouleversées quand nous étions
hors de leur champ visuel, la réflexion la plus fréquente étant :
« Où étais-tu ? Je ne te voyais plus ! «  Il y a donc une sécurité
pour la mère à voir son bébé ou son enfant, ce qu’elle n’éprouve
pas quand elle perd l’enfant de vue. C’est donc le second niveau
du gourou. Le plus haut est supposé être comme la tortue qui
sort de l’eau, va sur le sable, pond ses oeufs, les couvre de sable
et retourne dans l’eau en gardant le contact mentalement. C’est
le niveau le plus élevé.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 122

J’avancerais que ces trois niveaux existent dans toutes les


relations humaines. Il y a le niveau le plus bas de fréquentation
où nous avons besoin de toucher, d’étreindre, d’embrasser, etc.
Je répète qu’il n’y a rien de mal à cela. Ce n’est pas immoral, ce
n’est pas une critique de la moralité en soi, quoi que vous ayez pu
comprendre du discours de Tom. Mais la spiritualité dit : « Essayez
d’avoir la plus haute forme d’association, non la plus basse ». J’y
pensais moi-même souvent. Pourquoi ce contact physique est-
il si nécessaire  ? Si vous voulez bien accepter pour l’instant ce
que je dis et y réfléchir plus tard, je dirais que, généralement,
cette nécessité est une peur. Quand nous avons peur de perdre
quelqu’un, nous nous y agrippons. Peut-être avez- vous vu des
photos de la seconde guerre mondiale, de maris partant pour la
guerre, s’agrippant frénétiquement à leurs épouses sur les quais
de gare, avec la peur de se lâcher. Ceci se passe au niveau adulte,
chez des gens adultes, des garçons de 22, 23, 24, 18 ans avec
leurs bien-aimées de 16, 17, 18 ans ou leurs femmes de 17, 18 ans,
s’agrippant les uns aux autres, saisis d’une peur misérable de ne
jamais revenir, de ne jamais se revoir peut-être. Vous rencontrez
la même chose chez les enfants. Si l’enfant soupçonne sa mère
de sortir, de quitter la maison, il s’y accroche. Il ne veut pas être
laissé seul, et si vous voulez un exemple à un niveau inférieur,
prenez le singe et son petit.
Il n’y a donc rien de mal dans les fréquentations humaines. La
moralité et l’immoralité se présentent par un autre biais. Car vous
pouvez même toucher votre soeur avec une sorte de mauvaise
pensée dans la tête. Ou vous pouvez même être allongé auprès de
la femme d’une autre homme sans avoir de pensées polluantes
à l’esprit. Donc ce n’est pas le contact qui est immoral. C’est ce
que contient l’esprit qui est moral ou immoral. Ainsi, ce n’est pas
parce qu’un garçon touche une fille que cela devient immoral. Ou
ce n’est pas parce qu’un homme ne touche jamais de femme qu’il
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 123

n’est pas un saint. Ainsi, ne supposez pas que le discours de Tom


ou la lettre de Bill Waycott aient quelque connotation ou quelque
ton supérieur de jugement moral.
J’ai compris ceci d’après les enseignements de mon Maître  :
dans toutes sortes de fréquentations, essayez de les élever au
plus haut niveau d’expression possible. Quand vous êtes jeunes
mariés, en lune de miel, le contact est presque entièrement
physique. Après 20 ans, 30 ans de mariage, si Dieu le veut et si le
mariage tient toujours, le contact est alors d’un niveau supérieur.
Quelquefois, vous pouvez vous en apercevoir dans des salons,
dans des réceptions : la femme et le mari n’ont qu’à se regarder
l’un l’autre et ils comprennent intuitivement ce qu’il est nécessaire
de comprendre. Vous vous apercevez que, maintenant, le contact
visuel suffit. Pas besoin de parler. Vous regardez simplement
votre femme et elle sait ce que vous voulez. C’est la beauté de
l’épanouissement de l’amour. Et si la bénédiction d’une longue
vie vous est conférée, disons 50 ans, alors vient le moment où il
vous est possible de vous comprendre mutuellement même sans
contact visuel : la femme veut quelque chose, ou elle sait que son
mari veut quelque chose. Ainsi, même dans notre vie conjugale,
si nous avons la patience d’accepter et d’explorer ces divers
niveaux de contact, étape par étape, nous découvrons qu’à partir
d’une expression grossière, nous atteignons progressivement des
niveaux d’expression de plus en plus élevés dans la subtilité.
Puis-je maintenant vous suggérer à tous - abhyasis de la Mission
- que nous éprouvons de la part du Maître le niveau le plus élevé
de l’expression de l’amour ? Combien d’entre nous a-t-Il touchés ?
J’ose dire personne. Peut-être quelqu’un occasionnellement.
Pratiquement jamais une femme. Car je me souviens d’un temps
où Il ne permettait pas aux femmes de toucher même Ses pieds.
Mais y a-t-il ici ou ailleurs au monde une femme qui, étant Son
abhyasi, ait senti qu’Il ne l’aimait pas ? N’est- ce pas une preuve
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 124

suffisante que l’amour peut exister sans le besoin de contact  ?


Alors pourquoi nous élevons-nous contre la disposition prise
de séparer les sexes pendant la méditation  ? Ou si l’on nous
dit de ne pas toucher quelqu’un sans nécessité, pourquoi nous
rebellons-nous ? Non que nous ignorions ces vérités, mais parce
que nous devons encore mûrir et nous extraire de notre état
d’amour inférieur et immature. Etre assez mûr signifie accepter
les formes d’expression les plus élevées, celles que nous sommes
capables d’accepter de la part du Maître. Ainsi, il suffit de dire :
« Si je peux accepter cela du Maître, pourquoi pas de ce garçon
ou de cette fille ? «  Il n’est besoin que d’accepter plus largement
le fait que l’amour le plus élevé est possible, que son expression
totale est possible, sans aucun besoin non seulement de contact
physique, mais même de se voir mutuellement. Vous pouvez être
séparés par des continents.
Et maintenant je peux aller jusqu’à suggérer que vous n’avez
pas même besoin d’être dans le même plan d’existence. Car la
disparition physique du Maître n’a fait sentir à aucun d’entre
nous que Son amour n’existe plus. La vie et la mort deviennent
donc inutiles pour nous. Sans importance. Et la mort elle-même
ne peut arrêter l’expression de cet amour. La preuve en est que
nous le sentons. Nous sentons tout la présence de Babuji. Nous
sentons, chacun d’entre nous sent, Son amour. Parfois, nous
versons en même temps des larmes parce qu’Il nous a quittés et
est parti, mais ce n’est que l’éclat émotif d’un moment. C’est donc
la preuve que l’amour transcende toutes les barrières.
Au début, nous avons besoin de tous nos sens pour exprimer
notre amour, le toucher, l’odorat, la vue, le goût... tous les sens.
Dans notre tradition hindoue, on dit que le sexe est une force
extrêmement puissante, non qu’il ait quelque pouvoir spécial,
mais parce que dans son expression les cinq sens travaillent
ensemble. Quand vous admirez une peinture, vous ne la voyez
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 125

qu’avec les yeux. Quand vous admirez un bon plat, le goût, la vue,
l’odorat coopèrent. C’est pourquoi vous ne pouvez consommer
une nourriture qui paraît très bonne mais dont l’odeur est
terrible. Dans le sexe, les cinq sens sont présents. Il y a le sens
du toucher, de la vue, de l’odorat - des parfums, des fleurs, etc...
-. Son attraction est donc cinq fois supérieure à celle d’un sens
isolé. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que la Nature a senti que
si chacun devenait un ascète, la race humaine ne se propagerait
pas. Donc, elle fit cette force d’une puissance énorme dont seul
un saint peut triompher, parce qu’un saint est une personne
ayant atteint une maîtrise totale de ses sens. De plus, les saints ne
peuvent se reproduire. Pas dans ce sens. D’où ce dicton sanskrit,
selon lequel les saints naissent rarement saints ; ils le deviennent
après leur sadhana, par la grâce d’un maître.
Ainsi nous avons d’un côté l’exigence et la nature, de la nature
aveugle, qui dit que le flot de la vie doit continuer et donc rend
l’acte de reproduction si excitant, si fascinant, si puissant. De
l’autre côté, il y a le pouvoir évolutif, ou la force d’évolution,
disant : « Veux-tu contribuer au courant évolutif ou au courant
vital  ? «  C’est comme l’eau coulant avec la rivière, ou l’eau
s’évaporant dans une dimension supérieure. L’eau n’a pas pour
devoir de faire couler la rivière, bien que sans eau il ne puisse y
avoir de rivière. Mais chaque tasse pleine d’eau n’a pas le devoir
de dire : « Oh, sans moi, la rivière ne peut exister ». Quand nous
accédons à notre évolution spirituelle, nous arrivons à un niveau
d’existence où nous n’avons plus ce devoir de propager l’humanité
en ce sens. Mais le devoir individuel nous pénètre pour évoluer
vers l’expansion la plus haute possible : d’où le besoin de réguler
nos sens - non de contrôler, mais de réguler, d’équilibrer.
C’est la voie du chemin sanctifié. Et tous jugements de nature
morale ou éthique sont des jugements humains. Et je pense qu’ils
sont les instruments de la religion, pour nous aligner, c’est-à- dire
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 126

nous discipliner, et pas nécessairement dans quelque sens absolu


de code moral ou d’exigence. Mais, s’il vous-plaît, n’allez pas vous
méprendre et dire que ceci n’est pas une nécessité morale. C’en est
une. Pour ceux qui veulent évoluer. Pour ceux qui se contentent
d’une existence d’amitié et d’une existence animale, aucune loi
ne l’interdit. Seule chose, souvenez-vous que vous continuerez
à être là. Alors tout comme l’eau qui doit s’échapper d’un point,
s’est évaporée et a intégré une autre dimension, nous n’avons pas
le choix.
Si jamais l’évolution se présente, nous n’avons pas le choix.
Vous devez donc graver ces mots dans vos mémoires. Il ne s’agit
pas de ce que dit le gourou, ou de ce que dit la loi, ou de ce qu’a dit
Dieu, il s’agit de ce que mon être me dit. Si vous voulez changer,
vous devrez intégrer des lois différentes. Imaginez maintenant
que vous deviez faire fonctionner une chaudière avec des glaçons.
Cela ne marchera pas. Vous devez donc mettre de l’eau ou même
de la glace, allumer le feu dessous, convertir l’eau en vapeur puis
utiliser son immense puissance. Or, la puissance est latente dans
l’eau mais il n’est pas possible de l’exprimer sous la forme solide
de la glace. Mais quand vous la faîtes fondre en eau puis évaporer
en vapeur, cela libère une grande puissance. De même, quand
d’une certaine façon nous rassemblons en nous-mêmes toutes
nos énergies que, pour l’instant, nous éparpillons çà et là, cela
convertit ces énergies en des formes les plus élevées. Et en un
sens, un peu comme une fusée, cela nous jette dans l’éternité.
Comme une fusée, cela nous propulse d’un coup.
Voici pourquoi il est nécessaire de suivre certaines instructions
régulatrices. Car s’il y a jugement moral, c’est odieux. Vient
le premier sentiment  : «  Qui est ce type pour venir me dire
des choses ? «  Aucun type ne vient vous dire quoi que ce soit.
Mais le type vient dire aux Américains libres, spécialement aux
Américains qui aiment tant la liberté : « Mes chers filles et garçons,
souvenez-vous que même la liberté doit être exprimée de la façon
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 127

la plus élevée, non de la façon la plus basse à laquelle nous avons


amplement goûté en Inde quand nous sommes devenus libres des
lois britanniques : les lampes des réverbères étaient emportées
dans les maisons, les garnitures intérieures des trains et des
bus étaient découpées et emportées pour fabriquer des cabas à
légumes ». Parce que les gens pensaient, « Nous sommes libres,
donc tout nous appartient ». Je vous donne cet exemple pour vous
dire que liberté ne veut pas dire possession. Je suis une personne
libre. Rien ne m’appartient. Du moment où j’essaie d’exercer
un sens de possession ou de propriété sur quelque chose, je ne
tends pas seulement à perdre ma liberté, je l’ai perdue ! Car cette
chose que je possède me possède à présent. Alors, sans aucune
intention de discréditer cette grande et ancienne idée de la
liberté américaine, je ne veux qu’essayer de vous dire que si vous
exercez cette liberté de la façon la plus élevée possible, vous la
conserverez. Sinon, vous la perdrez sûrement, un jour ou l’autre.
Voici donc la nécessité d’une loi morale, d’un mode de vie
moral. Il est nécessaire que, pour notre propre évolution, nous
nous dépouillions progressivement, rejetions, enlevions tout ce
qui tend à nous abaisser, que ce soit de l’or ou de l’amitié. Et
comme Fred le disait à juste titre, la seule chose qui pénètre tout
et qui soit naturelle est la fraternité. Donc, la spiritualité non
seulement accepte le besoin de fraternité, mais encore demande
que chaque abhyasi, individuellement, développe ce sens de la
fraternité. Comme je l’ai souvent dit, on peut divorcer d’une
femme ou d’un mari, mais pas d’un frère ou d’une soeur. Parce
que c’est une relation naturelle subsistant dans une famille
depuis le début.
Quand nous considérons l’unité de l’existence humaine, nous
voyons que nous sommes tous frères et soeurs. Quand, par la
bénédiction de mon Maître, nous voyons l’unité de toute vie,
alors cette fraternité s’étend pour accueillir en elle jusqu’aux
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 128

animaux, aux oiseaux, aux minéraux, tout. Je dis cela pour que
nous ne nous imaginions pas que notre fraternité s’arrête aux
seuls êtres humains. Elle doit atteindre le stade où notre coeur
se dilate pour contenir toute existence. C’est la vraie fraternité, la
réelle fraternité. Merci.

Questions-réponses I
Soirée du 29 septembre 1986

Q  : Il y a une question dans la boîte à questions  : «  Je pose


cette question pour vérifier si j’ai bien compris votre discours
sur l’amitié et la relation homme/femme. Je me suis demandé
de quelle manière il est correct de cesser d’avoir des relations de
type inférieur. La fraternité demande au moins que l’on demeure
disponible, sinon nous ne serions plus à même d’offrir un
exemple et d’aider ceux qui fonctionnent à un niveau inférieur.
De la même manière, je pense que l’idée selon laquelle la maîtrise
implique un travail sur les plans subtils uniquement est fausse.
Par exemple Lalaji est devenu un Maître dans Sa jeunesse et
cependant il a élevé une famille. Le danger de l’attraction des
sens est évident dans ces domaines et de plus, la capacité qu’un
sage a de rester intact, même lorsqu’il accomplit des fonctions à
des niveaux inférieurs, est source de confusion. Qu’en pensez-
vous ?
R : Eh bien, il y a tout un mélange d’idées dans cette question,
parce que lorsque Tom a parlé, lorsque Fred a parlé, et qu’ensuite
j’ai parlé, nous ne parlions pas de ce qu’un sage devrait faire.
Nous discutions plutôt de ce que nous devrions faire ici, entre
humains, à un niveau humain. Et qu’un homme élève sa famille
avec sa femme légitime est un fait et ce n’est pas une chose à
critiquer. Parce que la loi morale implique que lorsque vous
vous mariez, vous le faites dans le but d’élever une famille, et
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 129

j’aurais peut-être dû insister sur cet aspect quand j’ai dit que,
bien que tous les niveaux d’expression de l’amour nous soient
accessibles, nous devrions essayer d’agir au niveau le plus élevé.
Cela n’excluait pas les niveaux inférieurs lorsque c’est nécessaire.
Par exemple quand on s’occupe d’enfants, on doit les caresser,
les embrasser, les serrer dans ses bras. Où est donc l’exclusion ?
Je suis désolé que la personne qui a posé cette question se soit
grossièrement trompée sur le sens de tout ce qui a été dit et elle
ferait bien d’acheter une copie de la cassette. Peut-être coûtera-t-
elle 25 dollars, je ne sais pas (rires). Mais cela les vaut, car si elle
peut clarifier cette confusion, cela vaudra bien 25 dollars. C’est
une plaisanterie... mais quand même. (Il rit, rire général).
Ce que je veux dire, c’est que nous parlions de la relation
humaine moyenne. Et même là, nous nous efforçons de nous
élever au-dessus de la situation dans laquelle nous sommes
nés. Quelqu’un est né dans une ferme, quelqu’un d’autre près
d’une voie de chemin de fer, mais nous essayons tous de devenir
président des Etats-Unis. Et alors on ne se promène pas avec
une pelle, vous savez, déblayant la neige ou les cendres de la voie
de chemin de fer en disant : « C’est là que j’ai commencé, voyez
vous, alors je voudrais rester là, au plus bas. Je devrais toujours
être prêt à biner la terre ou semer des cacahuètes quelque part ».
C’est un malentendu qui montre un désir de rester au plus bas, et
non une mauvaise compréhension des réponses que nous avons
données. Si quelqu’un désire rester au plus bas, nous n’avons pas
le choix. C’est son choix.
Il s’agit d’évoluer perpétuellement et de comprendre cette loi :
le plus élevé contient le plus bas, il ne l’exclut pas. Alors que le
plus bas exclut tout ce qui est au-dessus de lui. Donc s’il vous
plaît, essayez de comprendre cette loi  : au fur et à mesure que
nous nous élevons, nous ne laissons rien derrière nous, tout est
inclus en nous. Quand un enfant grandit et devient un homme, il
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 130

y a toujours quelque chose de l’enfant en lui. C’est inévitable. Et


il y a toujours quelque chose de l’adolescent en lui, il y a encore
le sens du jeu en lui et toujours le romantisme. Il y a aussi la
sagesse qui commence à pointer. C’est comme un arbre qui porte
des fruits, d’abord ils sont verts, puis ils mûrissent, mais l’arbre
reste toujours l’arbre et les feuilles restent les feuilles. Vous ne
vous attendez pas à voir les feuilles se changer en fruits. Ainsi
dans l’existence humaine, évoluer et s’élever de plus en plus,
c’est comme devenir de plus en plus grand. Je m’explique : il y a
longtemps, je mesurais un pied de haut et mes pieds touchaient
le sol. Aujourd’hui, je mesure six pieds et mes pieds touchent
toujours le sol. Je ne m’envole pas simplement parce que je
mesure six pieds de haut. Voilà le malentendu grossier et peut-
être même délibéré que cette question reflète. Quand il y a un
besoin, nous touchons et nous embrassons. Comme je l’ai dit hier
-et je le répète, cette personne devrait écouter la cassette- il n’y a
rien d’immoral dans le fait de toucher. J’ai été très explicite à ce
sujet, c’est ce qui est dans l’esprit qui importe. Un attouchement
est un attouchement, mais si quelqu’un recherche délibérément
un contact physique... vous savez, il y a un adage en sanskrit dans
la Bahgavad-Gîta qui dit : « Un attouchement peut mener à l’éveil
d’un désir ».
C’est comme si vous alliez dans un magasin alors que vous
n’avez besoin de rien, vous voyez quelque chose et vous voulez
l’acheter. Et si vous avez de l’argent en poche, ou -grâce à la
civilisation américaine- une carte de crédit, vous revenez chez
vous avec un sac plein de choses inutiles que vous allez regretter
plus tard d’avoir acheté. Cela m’est arrivé hier (rires). Donc
personne n’est à l’abri de cela, voyez-vous. J’ai dépensé 70
dollars (Il rit). Je veux parler des opportunités. C’est comme si
on mettait une barrière autour d’une plante. Il n’y a peut-être
pas de chèvres, mais vous mettez une barrière au cas où une
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 131

chèvre viendrait. Voilà donc les idées que nous devrions essayer
de comprendre et d’accepter. Un conseil à tous les abhyasis : la
liberté de mettre en question, la liberté d’expression, oui ; toutes
les constitutions de nos pays la garantissent, mais pour l’Amour
du ciel, essayez de poser des questions pertinentes. Ces questions
ne devraient pas reposer sur un désir. Je veux encore toucher,
ok, allez-y, touchez. Qui a dit non ? Parce que je suis certain que
la plupart d’entre vous ont compris ce qui a été dit hier. Il y avait
dans le discours de Tom une attitude moralisante. Et quel mal y
a-t-il à cela ? Simplement parce que la chrétienté l’a dit, nous ne
devrions pas le dire ? Et il y a des incidents. Nous essayons de
protéger nos possessions. Mettez vos chaussures ici. Quelqu’un
les met dehors et elles disparaissent. «  Oh, mais en Amérique
ces choses- là n’arrivent jamais  ». Cela arrive parfois. Vous
cadenassez vos portes, vous mettez des barreaux à vos fenêtres.
Attendez-vous qu’un voleur entre et vous vole pour mettre des
barreaux à vos fenêtres  ? Vous prenez une mesure préventive,
n’est-ce-pas  ? Vous prenez une police d’assurance quand vous
achetez une voiture, vous n’attendez pas qu’elle soit volée ou
détruite pour le faire. Qui vous assurerait alors ?
Alors, s’il vous plaît, essayez de garder un coeur ouvert,
l’intellect n’est d’aucune utilité dans ces domaines. Et je dois
répéter et répéter sans cesse les paroles de sagesse de Babuji  :
«  La liberté signifie la liberté de faire ce qui est juste, non pas
ce qui ne l’est pas  ». Et quand toucher est nécessaire, eh bien
touchez. Quand lécher est nécessaire, allez-y bien sûr. Si vous
tenez une glace, je ne vais pas vous dire de la mettre à six pieds
de vous et de l’admirer de loin. Il faut que vous la léchiez, non ?
Alors ne faites pas exprès de ne pas comprendre et ne posez
pas de questions qui manquent de pertinence, car les discours
étaient très clairs, tout à fait clairs, il ne pouvait pas y avoir de
malentendu.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 132

Et nous ne parlions pas de la vie d’un sage. Nous parlions


de la vie d’un abhyasi moyen, dont je suis. A notre niveau, où
nous devons encore évoluer et luttons pour évoluer, la sagesse
dit d’éviter les pièges autant que possible. Sinon, essayez de
construire un pont par-dessus. Et si cela n’est pas possible,
essayez au moins de rester d’un côté et de ne pas tomber dedans ;
car il se peut qu’il n’y ait personne pour vous en sortir. Mais je le
répète, vous savez, vous êtes des gens libres et si certains parmi
vous veulent faire ce qui est contre leur intérêt, eh bien ni moi,
ni la loi de leur pays ne pouvons les en empêcher. Mais s’il vous
plaît, rappelez-vous que vous regretterez plus tard chaque jour
où vous n’avez pas oeuvré pour votre évolution, car une échéance
viendra. Nous avons tous été des voyous, des vagabonds, certains
peut-être même des gangsters à New-York, fustigeant les gens
et... je ne sais quoi. Quand nous vieillissons, nous regrettons -
une jeunesse perdue, une opportunité manquée, une éducation
ratée.
Vous savez, les êtres humains devraient être sages avant les
événements, cela ne leur sert à rien de l’être après. Et c’est par
stupidité, ignorance grossière et arrogance que nous rejetons les
conseils de nos aînés, de nos parents, des gens sensés, de sages et
même des imbéciles. Si vous pensez que c’est cela votre liberté,
alors c’est votre droit de naissance. Je voulais dire quelque chose,
mais j’ai bien peur d’avoir perdu le fil de ce que je voulais dire.
Mais si quelqu’un d’entre vous a une question - il n’y avait qu’une
seule question dans la boîte - mais, s’il vous plaît, une question
ayant rapport à notre sadhana. Si vous avez envie de parler de vos
problèmes dans votre méditation, de vos expériences, et que vous
vouliez le faire anonymement, vous êtes invités à mettre votre
question dans la boîte. Si vous désirez en parler ouvertement,
vous êtes les bienvenus. Oui.
Q : J’ai lu « L’autobiographie 2ème partie » où il était demandé
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 133

à Babuji d’aider à réorganiser plusieurs autres missions. Pourtant


j’ai entendu des gens dire ici que cette voie-ci est la meilleure et
l’unique, et je me demandais quel pouvait être le statut de ces
autres groupes ?
R : Je n’ai pas expérimenté d’autres voies.
Q : Pouvez-vous répéter la question devant le micro ?
R : Il veut savoir, se reférant à « L’autobiographie 2ème partie »
de Babuji Maharaj, dans laquelle des instructions ont été données
à Babuji pour réorganiser certaines autres organisations, s’il était
vraiment possible qu’elles soient aussi bonnes que le Sahaj Marg.
Pourquoi pas ? Ce que j’aimerais dire cependant, c’est que lorsque
je possède quelque chose de vraiment bien, je ne m’amuse pas à
regarder ailleurs pour voir s’il n’y a pas aussi de bonnes choses
là. Ce n’est que lorsqu’on est insatisfait que l’on cherche ailleurs.
Si j’ai une maison qui prend l’eau, je cherche une autre maison.
Quand je suis dans un château, je ne vais pas chercher un autre
château.
Je me souviens qu’un jour un homme vint me voir, il pratiquait
une méditation différente dans une autre organisation, et j’ai dû
perdre à peu près six heures de suite avec lui. Perdre, dans le sens
où ce temps m’était précieux, bien que cela fût bénéfique pour
lui. Il s’évertuait à me prouver que son système était le meilleur,
qu’il était entre de bonnes mains, avec un bon guru et qu’il
progressait bien. Je l’ai laissé parler. A la fin je lui ai dit : « Alors
pourquoi êtes-vous venu ici ? «  Je veux dire qu’un homme n’a
pas besoin de sortir de chez lui pour prouver à tout le monde
qu’il est heureux. Ce n’est que lorsqu’on est malheureux qu’on
va chercher du réconfort. Un homme qui a soif va se chercher à
boire. Vous ne venez pas me dire le ventre plein : « Chari, je n’ai
pas soif ». Personne ne fait ça.
Donc, du fait même que quelqu’un vient à nous, quelle que
soit la force avec laquelle il vante son propre système ou son
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 134

Maître, en déclarant qu’il est très heureux, nous pouvons en


déduire qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Comme il a été dit
dans Shakespeare : « Tout n’est pas si bien dans le Royaume du
Danemark ». Et cet homme a dû l’admettre -et il a dit : « Non,
non voyez-vous. Il y a bien quelques petits problèmes  ». Je
répondis : « Oui, il y a toujours quelques problèmes, sinon vous
n’iriez pas discuter de ces choses avec quelqu’un d’autre  ». Et
après six heures, il est devenu un abhyasi. Voilà le destin d’un
homme appartenant au meilleur des systèmes, avec le meilleur
des Maîtres, ailleurs qu’au Sahaj Marg. Cela ne prouve rien, bien
sûr, mais c’est un de ces cas.
Vous savez, nous avons une histoire dans la vie de Lord Krishna,
le dieu hindou. Il avait deux femmes. Apparemment tout se
passait bien - 2 femmes au moins. L’une d’elles était une femme
jalouse, alors que l’autre était divine. La femme jalouse avait
extorqué la promesse à Lord Krishna que celui-ci ne la quitterait
jamais. Et elle était là 24 heures sur 24, et Il était là 24 heures
sur 24. Puis des voisins, des gens de New-York ou du Kentucky,
ou d’où vous voulez, vinrent et se mirent à chanter les louanges
de Krishna. « Oh, vous savez il est tout le temps avec moi, quel
type merveilleux ! «  Toutes sortes de choses semblables. Cela la
troubla et elle devint jalouse. Un jour, elle sortit dans la rue, et
partout où elle frappait et entrait, il y avait Lord Krishna qui avait
l’air de bien s’amuser. Elle était furieuse. Elle s’en retourna et se
mit dans une colère ! Non- coopération. Alors Lord Krishna qui
était plein d’amour et de gentillesse lui prit le menton entre ses
mains, la regarda profondément dans les yeux et dit : « Chérie, je
t’aime, pourquoi en doutes-tu ? Je suis toujours avec toi ». « Non,
non, mais tu étais là-bas, et là-bas ». Il dit alors : « Puisque je suis
ici avec toi, pourquoi es-tu allée voir là-bas si j’y étais ou non ? « 
La morale est que lorsque vous êtes heureux et avez une femme
gentille ou un mari gentil à la maison, vous n’allez pas voir ailleurs
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 135

ce qui s’y passe. Il y a toujours un élément de -pas exactement


tentation- mais de recherche pour savoir si je suis vraiment le plus
heureux, si j’ai vraiment le meilleur mari. Et une femme stupide
arrive et dit : « Oh mais mon mari est le meilleur ». Et alors, vous
savez, ça commence : « Est-ce que mon mari est vraiment bien ?
Est-ce qu’il gagne assez d’argent ? A-t-il une Cadillac ? « . Et on
énumère toute la liste. Et vous savez ce qui arrive à cette vieille
femme dans Blanche Neige ? « Miroir, ô mon miroir, qui est la
plus belle de toutes  ? «  Et quand le miroir lui répond «  toi  »,
elle est heureuse. Et un jour elle eut comme réponse : « Blanche
Neige est la plus belle  » et cela a détruit la paix de son esprit,
sa beauté, son sommeil je suppose. Donc, nous ne devrions pas
nous poser de drôles de questions. Nous devrions être heureux
avec ce dont nous sommes pourvus, avec la certitude que nous
avons ce que nous avons gagné dans nos vies passées par nos
propres pensées, nos propres samskaras. Cela ne pouvait pas être
pire, cela ne pourrait pas être mieux. Dans le futur, oui. Je ne
parle pas de maris, soit dit en passant- mais du futur. Un mari,
c’est pour la vie, une femme c’est pour la vie. Mais le mari peut
devenir un meilleur mari. Il n’est pas nécessaire de changer de
mari pour avoir un meilleur mari. Vous pouvez faire du même
mari un meilleur mari. Tout comme le feu qui se meurt, vous
remettez quelques bûches et il se remet à brûler plus vivement.
(rires) Vous ne changez pas de feu.
Telle est donc la sagesse de l’Orient qui dit : « Gardez ce que
vous avez. Faites-le croître ». De même, nous arrosons les plantes
pour les faire pousser. Vous voyez, elles poussent et nous en
sommes très fiers, nous les soignons. « Oh cette pomme vient de
mon jardin. Cette tomate a poussé dans mon jardin ». Qu’y a-t-il
de si extraordinaire à propos de votre jardin et de votre tomate ?
C’est le mien. Voilà ce qui est important, voyez-vous. Et quand
on peut chérir des tomates et des oeufs, je veux dire des choses
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 136

aussi insignifiantes que cela, pourquoi ne pourrions- nous pas


chérir nos maris et nos femmes ? «  C’est mon mari, je l’ai épousé
il y a 56 ans, et regardez-moi ce vieux bonhomme, toujours en
forme ! Nous ne devrions pas nous refuser la possibilité de dire
ces choses.
Cela ne pose pas de problème de changer de modèle de voiture
année après année. Les ennuis viennent de ce que vous regardez
à l’extérieur. Le voisin a acheté une nouvelle voiture. Le voisin
de ce côté-là achète une nouvelle voiture. Et notre mécanisme
commence à tourner en rond, et nous harcelons notre mari,
le système économique est si parfait que l’on peut donner en
reprise, faire un emprunt et avoir quelque chose sans vraiment le
posséder. Et malheureusement cette philosophie envahit même
les relations humaines. Nous avons des amis qui ne sont pas
des amis. Nous avons des maris qui ne sont pas des maris, des
femmes qui ne sont pas des femmes. Donnés en reprise contre un
nouveau modèle chaque année.
Tout cela part de l’idée que toucher est une bonne chose,
que parler est une bonne chose. Je ne m’éloigne pas du sujet, je
reviens encore et encore à la question, voyez-vous, car je veux
qu’on comprenne bien, que lorsqu’un homme parle de toucher
une femme et dit : « Pourquoi pas ? Où est le mal ? Qu’ai-je perdu
ou qu’a-t-elle perdu ou gagné ? «  Swami Vivekananda a dit un
jour à propos de la prostitution : « Ne méprisez pas ces soeurs
déchues qui sont les vôtres, car si elles n’étaient pas là, votre
femme ou votre soeur ou votre mère pourraient bien être à leur
place ». Donc, il nous faut avoir de la compassion pour ceux qui
ont chu. Il faut leur montrer de la compassion, sachant qu’ainsi
est faite la société. Mais on ne doit pas pour autant contribuer à
cela. Et tout homme qui veut toucher et goûter, avec le sentiment
que c’est son droit d’homme, ferait bien de se rappeler ce qui
arriverait à sa femme, ou à sa soeur, ou à sa mère si un autre
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 137

homme exerçait cette même prérogative.


Donc, ce n’est pas l’affaire d’un seul homme. Nous ne sommes
pas des Robinson Crusoë sur une île déserte. Nous vivons en
société où, quand vous vous accordez un droit, vous devez
l’accorder aux autres aussi. Bon, je pense que je ne veux pas en
dire plus, à moins que quelqu’un ait une autre question à poser.
Oui.
Q : Beaucoup de gens en Occident ne veulent pas avoir d’enfants
à cause de la situation écologique du monde, la surpopulation.
R : Eh bien, si c’était le cas, nous devrions tous nous suicider
maintenant.
Q  : Pouvez-vous répéter la question  ? R  : Un grand nombre
de personnes en Occident, dans cette culture particulière,
pensent qu’ils ne devraient pas avoir d’enfants à cause de la
situation écologique et de ses conséquences, de ses conséquences
éventuelles, comme un désastre. Alors j’ai répondu que nous
devrions tous nous suicider d’abord. Car, si la situation n’est pas
assez bonne pour mes enfants, elle ne l’est pas pour moi. Pourquoi
pensons-nous qu’il faille continuer à vivre ? Il y a de nombreuses
façons de sortir de cette situation- la mort facile. Il y a tant de
fours à gaz dans le pays. Je ne cherche pas à être macabre. Ce
que je suggère, c’est que si c’est assez bon pour vous, ça l’est aussi
pour quelqu’un d’autre. Si cela ne l’est pas, alors vous n’avez pas
non plus le droit d’exister.
Tout cela, voyez-vous, ne sont que solipsisme, scepticisme et
cynisme et au fond, c’est de l’égoïsme. Je ne veux pas d’enfant
parce que je ne peux pas me payer de voiture, je ne peux pas
m’acheter de maison. Et on essaie de dissimuler cela de toutes
les manières. «  Oh  ! regardez Tchernobyl, ma chère, il paraît
que le lait a été contaminé ». Et alors ? Vous n’êtes pas encore
morts. Vous êtes toujours en vie pour en parler, n’est-ce-pas  ?
Vous êtes-vous débarrassés de vos équipements atomiques ici à
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 138

cause du désastre de Three Mile Island ? Vous en faites de plus en


plus. Donc la société ne va pas changer juste pour vous permettre
d’avoir un enfant. Alors allez-y, ayez-en un. Si telle est sa destinée,
il n’y échappera pas et il y a un Dieu pour le protéger, comme Il
vous a protégés et continuera de le faire.
Autre chose ? Oui ?
Q : Je veux que vous nous indiquiez la manière de percevoir la
lumière ?
R : La manière de percevoir la lumière ? Où ?
Q : Dans le coeur.
R : Nous ne percevons jamais la lumière dans le coeur. Le Maître
dit que c’est une simple supposition. Oui, je sais, c’est dans la
brochure pour débutants. « Imaginez qu’il y a une lumière dans le
coeur ». Il ne dit pas : « Voyez la lumière dans le coeur ». Car tout
l’exercice est de faire venir la lumière. C’est comme un homme
qui serait dans l’obscurité d’une pièce, avec les rideaux tirés, et
qui voudrait de la lumière avant même d’ouvrir les rideaux. Il
faut ouvrir les rideaux et alors la lumière arrive d’elle-même.
Les instructions du Maître sont très claires. Imaginez qu’il y a
une lumière dans le coeur, l’illuminant de l’Intérieur et méditez
sur cela. N’essayez pas de voir ou de projeter la lumière. Cette
instruction est très claire. Tout ce que vous avez à faire pour
répondre à la question est de montrer cette partie de l’instruction
à l’abhyasi et de dire : « C’est ça ». A propos, j’ai eu une fois une
expérience qui a rendu cela lumineux. Vous savez, moi aussi
j’étais très ennuyé parce que dans la tradition hindoue, on parle
de la présence divine comme de quelque chose qui brille comme
un million de soleils et qui rend les yeux vitreux. Quelque chose
comme cela. Je ne voyais jamais la lumière. Chaque fois que je
m’asseyais en méditation, j’allais de plus en plus profondément,
je plongeais même parfois en Samadhi, je perdais la conscience
du corps, parfois même je suis tombé, mais je ne voyais jamais la
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 139

lumière. Et quand j’ai demandé à Babuji, il a dit que c’était là le


problème, voyez-vous, nous ne voyons jamais la lumière, parce
que la lumière n’est pas notre but. Mais d’un côté vous avez les
promesses de la littérature yogique, de la littérature religieuse, et
de l’autre côté, vous avez le vieil homme, mon Maître, « Méditez
sur la lumière que vous ne verrez jamais ». Et au troisième coin
du triangle, il y a notre littérature occulte qui dit que l’on devient
ce sur quoi on médite. Cette mission, cette méthode ne semblait
répondre à aucune de ces promesses. Et un jour, j’étais assis dans
mon jardin, il faisait nuit, il était environ vingt heures. Tout d’un
coup, j’ai vu un petit point brillant qui se déplaçait très vite, de
l’horizon à l’Ouest, vers le ciel. Il resta brillant jusqu’à environ
30 degrés au-dessus de moi et soudain disparut. Alors je me
souvins, ou je compris, que c’était un de ces engins modernes,
un satellite. Il était assez bas sur l’horizon pour pouvoir refléter
la lumière. Lorsqu’il entra dans l’ombre de la terre, il disparut.
Alors je compris que le ciel que je croyais noir était en fait plein
de lumière. Mais on ne voit jamais la lumière, à moins qu’il n’y
ait un objet.
Vous connaissez cette expérience courante que l’on fait à l’école.
Il y a un trou dans le rideau et un rayon de soleil y entre. S’il y a
des particules de poussière, vous pouvez voir le rayon de lumière.
S’il n’y a pas de particules de poussière, vous ne voyez que le
cercle de lumière sur le tapis. Donc, on ne voit jamais la lumière.
Cette expérience me fut accordée par la grâce de mon Maître. Et
quand je l’ai racontée au Maître, Il m’a déclaré : « Tu vois, tu as
obtenu la réponse de l’intérieur ». Donc on ne peut jamais voir
la lumière, on ne voit que des objets illuminés par la lumière. La
lumière en elle-même n’est jamais vue. Elle est invisible. Et c’est
peut-êre une loi : cela même qui illumine ne peut jamais être vu.
Comme quelqu’un qui vous rend heureux est rarement heureux
lui-même. Les clowns, au cirque, sont généralement considérés
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 140

comme des gens tragiques. Mais ils rient tout le temps, se donnent
des claques, font des choses comiques, des singeries. Mais leur
vie privée est pleine de misères.
Il semble donc que le principe d’invertendo agisse là aussi.
Ce qui illumine est invisible, ce qui est visible ne peut illuminer,
car il est lui-même illuminé. Que peut-il faire alors  ? Comme
la lune, vous savez. Quelle lumière obtenez-vous de la lune  ?
Vous dites « un clair de lune brillant », mais c’est la lumière du
soleil qu’elle reflète. Il y a une histoire dans la tradition Soufie
qui raconte qu’un jour le Seigneur était assis dans son jardin, il
y avait une brise fraîche, un parfum délicieux se dégageant des
fleurs environnantes et la pleine lune. Le Seigneur était ravi. Il
dit à la pleine lune : « Demande ce que tu veux, je te le donnerai ;
je suis si heureux aujourd’hui ». La lune dit : « Que le soleil ne se
lève jamais  ». (rires) Elle était jalouse, voyez-vous. Elle voulait
que seule sa propre lumière soit visible tout le temps. Elle avait
oublié que sans le soleil, elle aurait été sombre.
Ceci à propos de la lumière, des gurus, des sages, des questions
et des réponses. Je propose que maintenant nous nous asseyions
et méditions. Nous avons un peu de temps. Quatre ou cinq
minutes de plus, s’il y a encore ... une question. Oui, monsieur !
Q : Au Sahaj Marg, pour ceux qui veulent se marier en Occident,
il faut passer actuellement par l’intermédiaire d’une instance du
gouvernement ou quelque autre groupe religieux. Est-il possible
de faire quelque chose à l’intérieur de notre Mission, ou voulez-
vous l’éviter ?
R : De se marier ?
Q : De se marier légalement.
R : Eh bien, vous devez faire enregistrer votre mariage, vous
devez l’enregistrer à l’état civil, c’est une exigence légale. Même en
Inde, il faut le faire. Nous avons nos propres mariages védiques,
mais de nos jours, nous les enregistrons. A cause de problèmes
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 141

de propriété, et de la légitimité des enfants par la suite. Donc,


la légalité a besoin de preuves et la seule manière de le prouver
se fait par l’entremise du gouvernement. Nous pouvons vous
donner, des institutions comme celle-ci, les temples, les églises,
peuvent vous apporter une validité morale, elles ne peuvent pas
vous apporter la légalité, pas de nos jours. Il y a eu une époque
où les mariages n’étaient pas enregistrés. Il suffisait de se marier
sous les auspices d’une loi morale. Mais aujourd’hui, la loi
civique a sa place et son rôle à jouer. Donc, vous pouvez vous
marier comme ces jeunes qui se sont mariés il y a deux jours, et
puis aller l’enregistrer. C’est une simple formalité. Comme vous
écrivez une lettre et que vous la postez, ce n’est pas la poste qui va
écrire la lettre pour vous, vous l’écrivez vous-même. Oui.
Q : Il y a une clause dans notre loi qui dit que les chefs religieux
ont cette légalité. Si nous le désirions, en tant que mission, nous
pourrions nommer des fonctionnaires ou bien les précepteurs
pourraient, ou quelqu’un d’autre...
R  : Non, cela amènerait des complications. Nous préférons
que la loi reste à sa place. Quel mal y a-t-il à cela ? Il n’y a pas de
mal à cela !
Q : (inaudible)
R : Non, non. Il se peut qu’il y ait une clause, mais vous savez,
si on en arrive... Il y a toujours cette question. C’est comme une
police d’assurance. Normalement vous n’en avez pas besoin.
Mais quand vous en avez besoin, si vous ne l’avez pas, vous êtes
perdant. Donc, en particulier dans une situation tendue comme
lorsque que quelqu’un meurt et qu’il faut prouver un héritage,
alors se pose le problème de la légalité. Trente ans après votre
mariage, l’homme que vous avez épousé n’existe pas. A ce moment
là, vous vous en voulez de ne pas vous être fait enregistrer. Une
personne sur un million se trouve dans cette situation. Mais pour
le bénéfice de cette personne, tous les autres doivent le faire.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 142

C’est comme l’assurance pour les vols aériens. A chaque fois


que vous prenez l’avion, quelqu’un prend une assurance. Cela
semble stupide. D’abord vos vies ne valent pas une assurance.
Mais alors vous pensez à ceux qui restent, et vous vous assurez.
Et vous ne seriez pas content si cette assurance s’avérait utile,
n’est-ce-pas  ? (rires). Vous aimez mieux qu’elle ne serve pas.
Que le diable prenne cet argent, pourvu que je sois sain et sauf.
Donc ce sont ces choses-là qu’il nous faut dans la vie moderne,
protéger non pas rétrospectivement, mais en prévision de... Donc
c’est une bonne chose que d’enregistrer les mariages, bien que la
loi morale soit bien établie et que vous puissiez le faire ici. Aucun
Etat ne peut vous l’offrir, alors nous l’assumons nous-mêmes.
Dernière question.
Q : Nous sommes censés dire la prière une fois pendant que
nous sommes assis pour puja. Il m’arrive parfois de commencer
la prière et d’être incapable de la terminer. Je perds conscience.
J’ai l’impression d’être déjà dedans. Il m’est arrivé parfois de ne
pas dire la prière du tout et dans la méditation la pensée venait :
« Oh, je n’ai pas dit la prière ».
R : C’est une excellente chose qui vous arrive là. Vous ne devez
pas y résister. Le but de la prière est de vous relier à l’acte de
méditation, à la conscience divine que vous essayez d’établir
en vous. Donc, ce qui vous arrive montre bien qu’avant même
d’avoir terminé la prière, vous êtes dans le flux de la méditation,
que vous avez glissé dedans. Quel mal y a-t-il à cela ? Et il ne faut
pas vous sentir coupable, parce que ce n’est pas une obligation
de dire la prière. A un certain stade, dès que je ferme les yeux,
je suis en méditation. Que faire de la prière alors ? C’est comme
pour dormir, vous savez qu’on conseille à ceux qui n’arrivent pas
à dormir de compter les moutons. Mais vous n’allez pas vous
réveiller et dire  : «  Oh, j’ai oublié de compter mes moutons  »
(rires).
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 143

Des enfants
1er octobre 1986

Bon, j’allais dire.... je dois parler lentement, car les Canadiens


ont protesté hier. Ils se sont plaints de mon accent et de mon
débit ; je dois donc faire très attention.
Je vais exposer quelques pensées que j’ai eues autrefois, relatives
à des questions que l’on m’a posées  : premièrement, le besoin
d’avoir des enfants  ; deuxièmement, le désir («  desirability  »)
d’en avoir. Il se peut que je diverge un peu en y répondant car
je vais essayer d’assembler divers courants de pensée. Je vous
demande donc d’être patients avec moi.
En ce qui concerne le besoin d’avoir des enfants, je pense avoir
été assez clair l’année dernière pendant les réunions de Vorauf.
Et ceux qui en ont lu les compte-rendus se souviendront que
l’une des fonctions de l’existence est la reproduction. Il y a des
hommes qui s’imaginent commodément que porter des enfants
est une fonction de la femme seule et pensent donc que, si ils n’en
ont pas, ils ne perdent rien. C’est une idée mâle et chauvine très
commode. Car avoir des enfants pour un couple conduit, d’une
façon intangible, à l’accomplissement émotionnel des deux, l’être
humain devenant une personne achevée. Et je pense que c’est la
raison pour laquelle la nature les a réunis dans cet effort conjoint.
Il faut donc bien se souvenir de ceci : dans une famille, un enfant
est nécessaire aux deux - à l’homme et à la femme. En quelque
sorte, un couple sans enfant est une entité incomplète. Comme
je l’ai suggéré hier, c’est la raison pour laquelle cette fonction de
procréation a été dotée d’un pouvoir aussi irrésistible. Je pense
donc qu’il n’est pas nécessaire de discuter du besoin d’avoir des
enfants.
Pour autant qu’il soit question du désir d’en avoir, la réponse
est plus ou moins la même. Mais dans le contexte particulier
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 144

dont nous discutons maintenant, je pense que la question est


d’ordre économique plutôt qu’autre chose. C’est-à-dire, mettre
le budget dans la balance : un enfant ou une voiture, un enfant
ou une maison, un enfant ou des vacances dans le Pacifique, des
choses de cet ordre. Mais si vous attendez assez longtemps sans
en avoir... Je n’ai encore pas rencontré de femme qui ne soit
pas désolée de ne pas en avoir eu. Ce n’est pas que les hommes
ne le soient pas  ; ils sont capables de mieux dissimuler leurs
sentiments. Mais pour une femme, je dirais que c’est un besoin
essentiel et vital et, dans une plus large mesure, un besoin pour
l’accomplissement personnel. Ainsi, le besoin et le désir sont
mêlés de façon telle que vous n’avez pas besoin d’essayer de les
séparer.
Certains ont avancé des arguments très spécieux, des
arguments tortueux  : que nous ne devrions pas augmenter la
population mondiale, que nous ne devrions pas mettre au monde
des enfants dans une atmosphère polluée. Je voudrais dire que
ce sont en fait des mensonges ; ces personnes se mentent d’abord
à elles-mêmes. Car, lorsque nous désirons avoir un enfant, nous
ne pensons pas à la population mondiale, ni au degré actuel de
pollution de l’atmosphère. Les habitants du désert ont des enfants
et les Esquimaux du Cercle Arctique ont aussi des enfants. Ainsi
à la base du manque de dispositions à avoir des enfants se trouve
l’égoïsme. Nous avons quelque chose de bien. Pourquoi le gâcher
en amenant un gosse brailleur qui a besoin d’attention, de soin
et d’amour ?
Non que nous nous inquiétions face à la dépense. Car j’ai vu en
Amérique des couples qui gaspillent des centaines et des milliers
de dollars en jouets pour leurs enfants. Je veux dire que les enfants
en Amérique ont plus de jouets que les adultes n’ont de livres à
lire, par exemple. Et je n’ai pas eu besoin d’une grande faculté
de spéculation, ou d’une grande sagesse, pour comprendre que
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 145

toutes ces dépenses en jouets servent à dissimuler leur culpabilité


pour l’amour qu’ils ne sont pas capables de donner, pour le temps
qu’ils ne sont pas capables de donner, pour l’attention qu’ils ne
sont pas capables de donner à leurs enfants. Alors, toute cette
culpabilité alentour est bonne pour l’industrie américaine du
jouet. Elle ne serait pas si florissante autrement.
Maintenant, les gens peuvent se demander pourquoi j’ai parlé
de temps, d’attention et d’amour. Après tout, n’aimons-nous
pas nos enfants  ? Avec beaucoup d’hésitation, j’avancerais que
non. Ce n’est pas que nous soyons incapables d’amour. Mais il
est tourné vers nous-mêmes et nous ne permettons qu’à très peu
d’amour de s’écouler, même vers les enfants. C’est essentiellement
ce que signifie l’égoïsme ; nous tournons en quelque sorte vers
nous- mêmes l’amour et l’attention que nous devrions donner
aux autres. Ainsi la condition préalable, ne serait-ce que pour
penser à avoir des enfants, est que nous devrions les aimer. Nous
devrions aimer l’idée d’avoir des enfants avec tout ce que cela
implique - sacrifice de temps, de commodité, d’argent, et de
plaisirs personnels.
Voici ce qui est en toile de fond ou à la racine du problème : je
m’aime trop. Et je m’adonne trop à mes plaisirs et à ma façon de
vivre, pour permettre à un gamin de tout gâcher. Ceci se poursuit
allègrement jusqu’à ce que ayant atteint 40, 42, 44, 45 ans.
Nous découvrons alors que la société dit en quelque sorte : « Ok,
maintenant tu es vieux ». Nous ne sommes plus aussi recherché.
Et heureusement, dans bien des cas, les appétits se réduisent
également. Les appétits de plaisir, « la joie de vivre » (en français
dans le texte) commencent à décliner. Et vient le besoin d’avoir
chez soi quelque chose qui nous donne cette plénitude que nous
avons recherchée à l’extérieur. Et tragiquement, il est trop tard.
Tel est le drame de l’existence dans toutes les sociétés
opulentes. Je pense que c’est une bonne chose que les gens des
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 146

pays du tiers-monde ne soient pas si riches. Car le plaisir, même


s’il est librement accessible, coûte de l’argent. Même si ce n’est
rien de plus qu’un plein d’essence. Et nous, dans le tiers- monde,
ne pouvons nous l’offrir. Certains cyniques ont donc suggéré que
le tiers-monde produisait autant de bébés parce qu’il n’y a qu’un
seul plaisir dont il puisse abuser sans frais. Et de surcroît, avec
moralité car il n’y a que dans les liens du mariage que le plaisir
soit absolument gratuit. Notez bien que je ne parle pas seulement
de l’argent que nous devons dépenser quand nous recherchons
des plaisirs extra-conjugaux. C’est également, dirons-nous, la
paix de l’esprit, le contentement, la satisfaction, être libre de toute
culpabilité. Ainsi, quand nous nous aventurons dans des champs
plus verts... On dit quelque part dans la Bible : « Ne t’aventure
pas dans des champs ou des pâturages plus verts ». C’est que de
l’autre côté, l’herbe semble toujours plus verte, mais en fait, elle
n’est pas si verte que cela.
Ainsi, combien devons-nous investir, premièrement en
culpabilité ? C’est une des raisons pour lesquelles nous devrions
nous attacher à ceux à qui nous devons l’être. Parce que là, vous
trouvez un amour réciproque, une harmonie, une paix d’esprit et
un investissement dans le contentement. Non tant dans le plaisir,
que dans le contentement. Tandis que dans les « affaires de coeur »
comme on en dit en français, il n’y a qu’une sorte d’exploitation
de l’un par l’autre, pour le plaisir de soi. C’est pourquoi en fin
de compte, ces relations constituent un échec pour soi-même,
sordides, décevantes, frustrantes et ne conduisent jamais à un
plaisir ou un contentement d’aucune sorte.
Ainsi, voyez-vous, ce n’est pas comme si le tiers-monde
était conduit au seul plaisir accessible. Encore que la pénurie
économique soit, sans doute, une bénédiction car elle maintient
l’unité familiale. Vous n’avez pas d’argent pour aller vous enivrer
ou faire des frasques ailleurs. Vous restez donc chez vous, et un
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 147

ou deux enfants de plus ne font pas grande différence quand vous


êtes déjà à la limite de la famine. Et il est étonnant de voir avec
quel énorme amour dans le coeur et quelle réelle générosité ces
familles aux conditions de vie extrêmement précaires existent.
Elles ne pensent pas à l’avenir, n’ont pas de comptes bancaires,
pas d’assurances. Et cependant, si survient un invité, leur visage
ne montre jamais d’aigreur ou d’inquiétude quant à la nourriture
à pourvoir. C’est une chose très simple : donnez leur ce que vous
avez. Et le met principal est l’amour. Parce que c’est souvent un
sachet de cacahuètes ou quelques cornflakes - pas exactement
des cornflakes, mais ce que nous appelons du riz soufflé - et
tout le monde est heureux. L’invité se sent chez lui, les hôtes
se sentent heureux et joyeux que quelqu’un vienne leur rendre
visite même dans leur condition misérable. Et si vous opposez
cela à l’Occident, où avec toute notre abondance, nous devons
être prévenus de l’arrivée des hôtes, avoir du linge de table neuf,
des verres étincelants, de beaux couverts et de la belle vaisselle,
tout pour la pompe et la galerie.
Il y avait un mystique en Angleterre, qui s’appelait James
Allen. Incidemment, les mystiques semblent avoir été assez rares
en Angleterre. Ce mystique, James Allen a écrit avoir observé
que l’hiver, quand tout est sous la neige, si vous jetez quelques
miettes de pain sur la neige, tous les moineaux vont venir
manger amicalement, en coopérant. Mais en été, quand c’est
l’abondance, si vous mettez tout une grosse miche de pain dehors,
un moineau, un seul moineau, s’assiéra dessus et empêchera les
autres d’approcher. Ainsi l’abondance engendre l’égoïsme.
C’est une chose surprenante, voyez-vous. Lorsque nous
pouvons nous permettre d’être généreux, lorsque nous avons
les moyens de l’être, lorsque nous sommes comblés, c’est alors
que nous devenons égoïstes. Vous voyez alors le processus
d’invertendo opérer là aussi  : les gens riches sont égoïstes, et
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 148

plus ils deviennent riches, plus ils deviennent égoïstes. En fin de


compte, au sommet, si vous avez une personne absolument riche,
elle n’a pas de coeur. C’est comme si nous échangions notre coeur
morceau par morceau contre notre bien-être matériel. Nous
ferions bien de nous souvenir que l’abondance ne se gagne pas
par le travail ; on l’apprend en donnant, en jetant son coeur aux
quatre coins.
C’est pourquoi dans une culture si égoïste, centrée sur elle-
même et orientée vers le plaisir, s’élève même cette pensée  :
devrions-nous avoir un enfant  ? Je veux dire que, dans des
cultures orientales, les gens seraient choqués si un couple de
jeunes mariés posait une telle question. Ils diraient : « Pourquoi
vous êtes-vous mariés, si ce n’était pour avoir des enfants ? «  Et
c’est un fait bien connu que si après un an de mariage un couple
n’a pas d’enfant, tout le monde se ronge. Ils vont d’abord voir
des médecins. S’il n’en résulte pas de solution, ils vont voir les
astrologues. Si encore rien ne vient, les temples, les pélerinages
et, en dernier lieu, un Maître (rire). Voyez-vous, c’est la façon de
vivre dans nos cultures d’Orient. Pourquoi ? Parce que, comme
il est dit avec beaucoup de concision, si vous avez un pommier,
vous en attendez des pommes. On ne fait pas pousser un arbre
pour s’amuser. Si vous avez une basse-cour, vous en attendez des
oeufs et des poulets. Vous n’avez pas un beau coq nain pelotonné
sur vos genoux, et ne lui dites pas : « Mon chéri, tu sais, ne te
reproduis pas, tu es si heureux, si mignon ».
C’est donc - dirais-je - la différence dramatique entre ces deux
cultures, et j’avancerais, pour que vous y réfléchissiez, que la
façon orientale est naturelle. Là encore, j’aimerais dire qu’il n’y a
pas de jugement moral. Il n’est ni bien ni mal d’avoir des enfants.
Il est naturel d’avoir des enfants. Nous sommes donc sur la voie
du Sahaj Marg et disons que c’est la voie naturelle ; donc il est
naturel d’aimer, naturel de se marier, naturel d’avoir des enfants.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 149

Ces choses n’ont pas besoin de permission ; elles n’ont pas besoin
d’être sanctionnées. On ne devrait même pas y penser.
En Occident, le problème commence avec l’amour lui-même.
Devrais- je aimer cette personne ? Le mérite-t-il (ou elle) ? Est-il
(ou elle) assez désirable ? D’un assez bon niveau économique ?
Capable de me donner le divertissement dans la vie que je
dois tirer du mariage  ? L’amour n’est pas une marchandise
commandée par correspondance. Desséchée. Nous ne pouvons
choisir d’aimer. Nous aimons. Et quand cela arrive, l’étape
suivante est le mariage. Ce n’est pas quelque chose à laquelle
nous pensons. Quand une rivière coule, elle ne pense pas où elle
doit couler ensuite. Elle ne cesse d’aller. Et elle trouve la plus
petite voie, surmonte tous les obstacles sur son passage et atteint
en fin de compte sa destination. La vie est pareille.
Maintenant, où est la différence entre la vie et la rivière ? La
rivière coule et l’eau change tout le temps. Dans notre vie, la vie
est éternellement la même, les corps changent. C’est comme s’il
s’agissait d’une rivière dont les rives changent mais dont l’eau
reste immobile. Mais elle doit couler. Et pour ce flot, l’amour, le
mariage, la procréation sont des choses absolument naturelles.
Et, bien sûr, quand du fait de leurs samskaras certains ne
peuvent avoir d’enfants, cela devient une situation tout à fait
tragique qu’ils sont seuls à comprendre. C’est un aspect particulier
de la nature humaine, que nous ne perdions jamais rien, jusqu’au
jour où nous nous en trouvons privés. Ce que nous n’avons pas
nous manque. Ce que nous avons ne signifie rien pour nous. Il y
a un beau poème en Urdu qui dit que : « Ce monde est un jouet
de sable. Ce que vous avez devient poussière et cendres. Et ce que
vous n’avez pas, est toujours doré, attrayant, désirable ».
Vous connaissez cette vieille histoire d’arc-en-ciel : là où l’arc-
en-ciel touche terre, de l’autre côté de l’arc, il y a toujours de l’or.
Et on sait que des gens sont partis à la quête de cet or  ! Nous
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 150

recherchons donc toujours un or de folie. Nous passons à côté du


bonheur, du contentement, de la joie, de la plénitude dont nous
disposons entre les quatre murs de notre maison, et recherchons
cela ailleurs, de par le vaste monde. Voici donc pour ce qui de la
question d’avoir des enfants.
Or, jusqu’ici j’ai parlé du couple. Nous devons ensuite penser
aux responsabilités sociales, celles que nous avons envers la
vie elle-même. Parce que lorsque nous accédons à l’existence,
nous apportons avec nous les joies et les responsabilités qui en
découlent. Et il existe un poème védique qui donne un très bon
conseil à ce sujet. Il dit que le père renaît dans son fils. Non pas
au sens physique, mais dans celui d’une continuité de l’existence
qu’il représente. Et c’est pourquoi on dit que, sans enfant, qui
peut réfléchir votre amour et votre affection ? Sans enfant, il n’y
a pas de plénitude dans la vie.
Voici donc quelques points en ce qui concerne le fait d’avoir
des enfants. N’examinez pas le besoin ou le désir d’en avoir.
Laissez vous simplement aller à la Nature. La Nature en prendra
soin. Merci.

Discours du président à la réunion américaine


annuelle
1er octobre 1986

Je vous suis reconnaissant de m’avoir invité à présider cette


rencontre. La lecture du procès-verbal de la rencontre de l’année
dernière, m’a en quelque sorte donné une introduction à ce
que je vais dire. Parce que dans la dernière partie, que Fred a
eu la gentillesse de lire, l’accent est mis sur le double objet des
rencontres dans le cadre de la Mission. Le premier est l’aspect
purement «  affaires  » que nous tenons conformément aux
exigences de la loi, aux exigences des affaires. C’est comme l’écume
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 151

à la surface de l’étang. Ce sont les profondeurs de l’eau qui nous


importent, c’est-à-dire notre objectif spirituel. Très souvent, les
institutions tendent à être plus sévères et à prêter plus d’attention
aux finances, à la gestion et ceci est une puissante menace. Ce
n’est pas juste un danger - c’est une menace, avec la technologie
moderne des communications, les technologies d’information et
toutes les machines de surveillance qui sont à notre disposition.
Chaque fois que je vois un ordinateur, j’ai un pincement au coeur,
parce que d’une certaine manière, alors qu’ils sont très utiles et
distrayants aussi, il y a toujours le danger qu’ils nous entraînent
dans cet océan d’existence superflue - prolifération d’information
- Je le sais, j’ai travaillé dans un milieu d’entreprises et j’ai eu
un jour le privilège de représenter mon pays à une assemblée
de l’ »International Standards Organization » (Organisation des
Normes Internationales) en Suisse il y a vingt ans.
Lorsque nous arrivâmes, nous avions les mains libres, je veux
dire en agitant les mains joyeusement ; et quand nous repartîmes,
nous portions environ 25 kgs de papier chacun. A l’époque, ils
étaient laborieusement tapés, ronéotypés et photocopiés à l’aide
de vieilles machines. Et ce qui est bizarre avec les paperasses c’est
qu’on n’aime pas s’en débarrasser. Peu de gens peuvent jeter des
papiers dont ils n’ont pas besoin. Et je suis moi-même victime de
cette maladie. Plus je donne de papier, plus je reçois de papier. Cela
semble suivre une sorte de courbe de croissance exponentielle.
Aussi, nous devrions garder nos activités concernant le travail à
un strict minimum.
De même que nous mangeons raisonnablement. Nous
mangeons le minimum nécessaire pour nous maintenir en bonne
santé et permettre à notre corps de vivre. Et je suis toujours
stupéfait que ceci soit considéré comme une chose sage. Ce
n’est pas une chose sage. C’est une exigence de la nature. Je
demande souvent à mes amis qui reprennent d’un plat deux et
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 152

trois fois : « Sous prétexte que l’essence est bonne, mettriez-vous


par exemple 77 litres dans un réservoir qui en contient 45 », en
disant : « Oh, pauvre petite voiture, pourquoi ne pas faire le plein
de cette délicieuse essence ? «  Là, nous parlons de l’efficacité d’un
moteur, de kms par litre, de choses comme ça. Mais quand on en
arrive au système humain, le goût et la soif pour la satisfaction,
ces choses semblent envahir notre existence.
L’intelligence et les ingéniosités technologiques que nous
sommes capables de fournir pour améliorer la vie font plus que
nous concerner, c’est fantastique. Je veux dire que nous avons fait
tant de choses que personne n’aurait pu imaginer. Je dis « nous »
au sens le plus large de l’humanité, car une invention américaine
est une invention humaine, de même qu’une invention russe ou
japonaise.
Aussi, dans ce sens, je prends la liberté de dire « nous » avons
découvert tant de choses, des merveilles de la science, traduites
en miracles technologiques, qui rendent la vie si agréable.
Mais quand elles tendent à nous écarter de la Nature et à nous
mener vers des milieux artificiels, alors il existe le danger très
précis de cette menace bien connue en science-fiction, que les
machines prennent le dessus. C’est pour cette raison que, tout
en les utilisant, nous ne devrions pas être dominés par elles. Cela
s’applique aux machines, à nos appétits, nos goûts, nos désirs,
à toutes ces choses. Ainsi, en tant que président de la Mission,
je serais très heureux de laisser l’aspect administratif au comité
des directeurs, leur concédant le droit de décider du travail de la
Mission sur ce continent. Et j’aimerais avoir le minimum à dire
sur cet aspect. Simplement à titre consultatif, et seulement en cas
de besoin.
Maintenant en ce qui concerne l’aspect spirituel, le président
de la Mission a malheureusement une double fonction. Il est
d’abord le représentant spirituel de Son Maître et comme le veut
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 153

la constitution de la Mission, il est par conséquent président de la


Mission. Donc, la fonction présidentielle est une sorte de fonction
acquise, en vertu du fait qu’il est le représentant spirituel de Son
Maître. Donc, la fonction spirituelle est ce qui importe le plus,
vous pouvez dire la plus importante fonction, et j’aimerais clarifier
certaines choses pour répondre à des doutes existants dans
l’esprit de certains abhyasis, quant à ce qu’implique exactement
la fonction spirituelle, quel sorte de rôle le représentant spirituel
du Maître est supposé exercer dans l’accomplissement de ses
devoirs, non pour l’humanité ou vous rassemblés ici, mais envers
Son Maître.
S’il n’était question que de venir vous donner un sitting, une
petite transmission et de repartir chez moi, je serais le plus heureux
des hommes. Ce serait un rôle limité, donc la responsabilité serait
limitée. Par conséquent, j’aurais l’esprit beaucoup plus tranquille
que je ne l’ai actuellement. Mais malheureusement, que vous le
réalisiez ou non, et plus important, que vous l’acceptiez ou non,
l’orateur de ce soir est responsable envers Son Maître. Et là,
vous savez, la question de responsabilité est une question totale.
Le Maître peut demander  : «  Que faisiez-vous, ce type partait
par ici, cette fille allait par là, que faisiez-vous  ? Qu’êtes-vous
allé faire en Amérique ? Manger des glaces Haagen-dazs ? Oui,
mangez-en à tout prix s’ils vous les donnent avec amour ». C’est
ce qu’une de nos maximes dit : « Mangez avec amour ce qui est
mis devant vous avec amour ». C’est très agréable quand il s’agit
d’Haagen-dazs. Mais ce n’est pas le but de la visite. C’est un de
ces - comme nous les appelons dans le langage des entreprises
- petits profits (rires), très agréables petits profits  ! Mais cette
responsabilité envers Mon Maître est pour moi un engagement
total. C’est ce qu’Il attend, pas seulement de moi, au fait, je ne suis
qu’un fonctionnaire, vous voyez, travaillant sous Son autorité, Sa
direction et sous Ses instructions, mais cela s’applique à chacun
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 154

d’entre vous.
Nous parlons tous d’accepter le Maître, d’accepter la Mission,
d’accepter la méthode. Accepter dans quel sens  ? On ne peut
accepter d’une façon fragmentaire. Quand vous donnez le
conseil «  Tu ne tueras point  », pouvez-vous dire  : «  Retirez le
mot «  tuer  » et j’accepterai votre conseil. Tu ne ... pas. Je vais
remplir les blancs... Tu ne te marieras pas avec cette fille que tu
aimes... Tu n’auras pas d’enfants ». Je veux dire qu’il est facile de
remplir les blancs une fois que le mot qui répugne est retiré de ce
commandement de la religion chrétienne, vous voyez. Mais c’est
là que se trouve la valeur du conseil, qu’en acceptant sept mots,
le mot le plus significatif est celui que nous n’aimons pas : tuer,
ou convoiter.
Maintenant, c’est le devoir d’un enseignant d’enseigner. Ce
serait très agréable si nous pouvions aller à l’école et dire au
professeur : « Regardez, vous recevez un salaire. D’accord, nous
l’al’acceptons, vous venez et vous asseyez ici, nous faisons ce
que nous voulons, et à la fin de l’année, soyez un chic type et
accordez-nous le passage dans la classe suivante ou le semestre
suivant, peu importe. C’est votre fonction, n’est-ce pas  ? Vous
êtes là pour veiller à ce que nous passions et continuions dans la
classe suivante et dans une classe supérieure ». Mais le professeur
dit : « Comment puis-je faire cela à moins que vous ne répondiez
à certaines exigences du cours, de votre capacité à maîtriser ce
cours. Ne manquerais-je pas à mon devoir si je vous poussais
juste comme on pousse un wagon d’une voie de garage vers le
train  »  ? Même là, nous avons une responsabilité  ; les wagons
doivent être chargés, vous ne pouvez pas faire circuler des wagons
de marchandise vides à travers tout le pays sans justification.
Ainsi, lorsque nous insistons pour être amenés d’un point de
l’existence spirituelle à un autre point de l’existence spirituelle
tout en souhaitant être dans la condition dans laquelle nous
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 155

sommes, avec nos valeurs morales, nos manières de vivre et de


temps en temps j’entends des éclats, disant : « Ceci est une façon
de vivre orientale, la nôtre est une façon de vivre occidentale. Votre
société est orientale, la mienne est une société occidentale ». Eh
bien alors, pourquoi ne cherchez-vous pas un guru occidental qui
se conformera à vos exigences morales, à vos modes morales, et
peut-être partagera votre existence « barbare » comme quelqu’un
l’a dit hier ? Nous avons eu aussi ces gurus. D’Inde, ils sont venus
ici, ils ont gagné de l’argent par millions et sont repartis. Je ne
sais pas si quelqu’un est plus heureux pour ça. Si même le guru
est plus heureux pour ça. Car, il a trahi la confiance qu’on mettait
en lui. C’est comme cette vieille déclaration attribuée au Christ
« Ne vous vendez pas pour - au fait combien de pièces d’argent
était-ce  ? -32 pièces d’argent, ou 18 pièces d’argent, 20 pièces
d’argent ». Je ne sais pas pourquoi 20, peut-être parce que nous
avons 10 doigts aux mains et 10 orteils.
Ainsi, vous voyez, d’un côté nous avons le Maître, mon Maître,
et Ses rêves d’une humanité rajeunie, respiritualisée, revitalisée,
qui peut d’un coup nous faire aller d’ici dans l’autre vie. L’existence
plus lumineuse comme Il l’appelait. De l’autre, nous avons une
humanité aspirante, l’aspiration est absolument là, sinon nous
ne serions pas ici à cette réunion. Mais une aspiration colorée,
atténuée par les désirs qui disent : « Bien, je suis prêt à faire ceci,
ceci et ceci mais pas cela ». Entre les deux, se trouve le pauvre
représentant qui est responsable envers Lui, envers Son Maître,
pour l’accomplissement, le juste accomplissement de ses devoirs
et malheureusement aussi responsable envers la multitude.
D’un côté, l’Un, de l’autre la multitude ; il doit les satisfaire, leur
répondre et combler leurs besoins sans paraître leur prendre
leur liberté en aucune façon, telle qu’ils la voient, pour vivre de
la manière qu’ils pensent être juste. Alors, quelle est la solution ?
Quelle est la solution ? Vous voyez, la solution est : le pauvre
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 156

type doit continuer à parler (rires) et essayer d’obtenir une telle


coopération. Et vous savez, avec des mots mielleux, en ôtant les
mots inutiles, ou plutôt ceux que les gens n’aiment pas entendre.
On devrait retirer moralité du dictionnaire. On devrait retirer
discipline du dictionnaire. Et alors nous dirions : « Eh bien, vous
savez, nous devons rester dans le courant. Nous devons - non pas
nous conformer - ce n’est pas le mot exact, mais être là si nous
voulons obtenir quelque chose  ». En fin de compte, cela tend
à abaisser le niveau de l’enseignement, le niveau de ce qui est
enseigné.
Or, un système est un système. Un système spirituel, en vertu
du fait que mon Maître a dit que là où la religion finit, la spiritualité
commence, n’est pas un système oriental, ni occidental, ni
hindou, ni chrétien. C’est un système spirituel. Deuxièmement,
en vertu du fait qu’Il a dit que c’est un système universel où les
considérations de caste, de couleur, de croyance, n’ont aucun
impact et ne jouent en aucune façon. Par conséquent, ce n’est
ni indien, ni européen, ni occidental, ni quoi que ce soit, c’est un
système humain. C’est un système pour les êtres humains. Aussi,
transcende-t-il la religion, il est totalement humain dans son
approche. Les valeurs qui sont enseignées ne sont ni orientales,
ni occidentales. Elles sont des valeurs nécessaires.
Quand nous disons « Mangez des vitamines », il y a des gens
en Inde qui disent, c’est une création du diable. Le diable blanc
de l’occident. Aussi, nous ne prendrons pas de vitamines  ».
Que prendrez-vous  ? Eh bien, ils ont leurs propres décoctions
nuisibles. Ils font infuser quelques herbes mystiques dans de
l’eau, la font bouillir, empestent toute la maison et la boivent.
Je ne sais pas comment ils font pour le supporter mais ils y
arrivent. Pour eux, le monde blanc est un monde corrompu.
La médecine blanche est quelque chose, vous savez, à redouter
comme le diable. Ils préfèrent leurs vieux moyens superstitieux.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 157

Les remèdes de grand-mère faits maison. Quelquefois ça marche,


et quelquefois ça ne marche pas. Statistiquement parlant, cela
réussit à 50/50. Pour vous, ils sont les diables noirs, ignorants,
insensés, stupides, superstitieux.
Alors qui a raison et qui a tort ? L’Orient pense que l’Occident
est corrompu, immoral. L’Occident pense que l’Orient est
stupide, dégénéré, qu’il se cramponne aux vieilles valeurs,
et par conséquent souffre. Ce ne sont même pas des sociétés
économiquement viables. A entendre cela on croirait presque que,
l’Occident prétend qu’une façon de vivre totalement déréglée et
barbare contribue à la prospérité économique - presque, pas tout
à fait. Alors que l’inverse est vrai, comme je le disais ce matin,
que la prospérité économique contribue à rendre la vie barbare
et déréglée. Et cela est une différence très nette, ceux d’entre
vous qui sont disposés à aller voir le monde, pas seulement des
hôtels Hilton, comme la plupart des Américains le font, mais
prêts à descendre aux bases de l’existence, alors vous découvrirez
que ceci est un fait. Et il y a des allusions  : «  Oh, mais n’avez-
vous pas en Inde des coutumes stupides ? «  Bien sûr que nous
avons des coutumes stupides. Nous ne serions pas humains si
nous n’en avions pas. Nous serions des dieux. Nous serions des
anges. Mais cela signifie-t-il que parce que l’Indien est stupide,
l’Américain doit l’être aussi ? Eh bien, si vous considérez que vous
avez naturellement le droit d’être stupides, personne ne le mettra
en doute. Alors, nous devons faire le point, vous voyez, ils sont
stupides dans vingt choses, je dois être stupide dans vingt choses.
Et alors, nous nous asseyons comme pendant les négociations du
GATT et du SALT. « Faisons le point des stupidités, Chari ! « , les
représentants orientaux et les représentants occidentaux.
Ainsi vous voyez, nous devons en arriver à comprendre très
sûrement que la spiritualité transcende tout ce que nous avons
pu connaître et comprendre jusqu’à présent en fait de moralité,
ainsi que les exigences sociales. Nous sommes des êtres humains.
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Le Sahaj Marg dit : nous sommes des animaux, nous sommes nés
avec des tendances animales. Le premier travail de la spiritualité
est de les ôter et de faire de nous des êtres humains normaux.
Puis vient la considération de la divinisation. Ainsi, partant de
l’homme animal, aller vers l’homme humain, jusqu’à l’homme
divin. Telle est la voie. Et si vous restez attaché au niveau humain
animal et proclamez que nous avons une sorte de prérogative
donnée par une société animaliste, bien sûr une société animale
ne donnera que des suggestions animales, des désirs animaux et
favorisera une croissance animale.
Vous avez tous lu cette fameuse histoire de Ramakrishna
Paramahansa au sujet d’un lion qui eut un bébé et l’abandonna
parmi les moutons. Et le lionceau grandit, pensant qu’il était un
mouton, bêlant comme un mouton, mangeant de l’herbe. Un jour,
quand il fut assez vieux, un gros lion arriva, regarda le mouton et
dit : « Que fait cette chose ici parmi les moutons » ? Mais quand il
s’approcha et rugit, le petit lion se contenta de bêler et s’enfuit. Il
dit : « Viens ici », l’attrapa au collet, le mit dans une mare et dit :
« Regarde ton image là. C’est toi ». Alors il émit un rugissement.
Il dit : « Oui, tu es un lion. Que faisais-tu avec les moutons pour
l’amour du ciel » ?
Ainsi, vous voyez, ne pensez pas qu’en vertu du fait que votre
société condamne, ou même approuve, certaines choses, la
société est une insensée. Qui est la société ? Nous sommes une
société, ici. La société n’existe pas. C’est une chimère créée par
une centaine de personnes qui pensent qu’elles sont une société.
Quand il y en a mille, c’est une plus grande société. Quand il y en
a quatre millions et demi, elle est encore plus grande. Et ce n’est
pas parce que quatre cent millions de personnes font quelque
chose de stupide, que cette chose devient juste pour autant.
Avez-vous lu le « Livre de la jungle »de Kipling, dans lequel un
groupe de singes gambade dans la jungle et tout ce que les singes
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 159

font, vous savez, un chef dit : « Nous disons tous ça, alors c’est
sûrement vrai  ». Cela n’a pas d’importance que ce soit quatre
cent millions ou 400 milliards qui disent que quelque chose est
vrai. Si ce n’est pas vrai, c’est faux. Il suffit qu’un homme dise que
c’est vrai pour contredire quatre mille milliards de personnes qui
finiront par dire que c’est vrai. Par conséquent, n’ayons pas ces
notions bizarres, ma société le permet, donc c’est bon pour moi.
Ce n’est pas la société qui permet. Ce sont les individus humains
devenus corrompus, dégradés, amoraux, et qui font partie de cette
société. Sinon chacun de nous aurait le droit de dire : « Chaque
cellule de mon corps est malade, donc la maladie est la norme,
pas la santé ». Qui dit ceci ? Mon coeur dit ceci : chaque fois que
je voulais faire quelque chose, il flanche.
Que penseriez-vous d’un homme qui dirait : « Vous savez, je suis
malade, chaque cellule de mon corps est malade, alors la maladie
est la norme, c’est l’existence normale ». Que penseriez-vous ? Et
comment osez-vous dire que c’est juste, simplement parce que
dans la société, quatre cent millions d’idiots et d’insensés font des
choses stupides ? Pardonnez mon langage, mais vous savez, je me
sens très ... parfois, comment dirais-je, non pas contrarié, non pas
en colère, mais honteux pour mes frères et soeurs qui sont des gens
intelligents, qui sont des gens instruits, qui profitent du plus haut
niveau non seulement de vie, mais aussi de communications ; ils
ont accès aux communications, à la connaissance et à la sagesse
de la race humaine au bout de leurs doigts. Aujourd’hui, vous
pouvez littéralement en poussant quelques boutons, avoir La
Brittanica sur votre écran de télévision. Et persister dans cette
voie stupide et dégénérée en disant que la société le permet, c’est
pire que malhonnête.
Ainsi vous voyez, nous devons comprendre que ce n’est pas
parce que beaucoup d’entre nous le font, que c’est bien. Et ce
n’est pas parce qu’un homme a le cran de venir devant un micro
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 160

pour vous morigéner qu’il a tort. Nous devons évaluer ce qui


est dit. Répondez à votre coeur. Comme Babuji l’a dit  : «  En
cas de doute, référez-vous à votre coeur ». Nous nous référons
seulement à nos cerveaux. C’est agréable d’être corrompu. J’y
prendrais plaisir aussi. Je veux dire, s’imaginer roulant sur l’or,
se roulant dans l’herbe avec toutes les annexes que cela implique.
Ce serait une existence agréable, qui dira le contraire ? Mais est-
ce une existence valable, est-ce une existence orientée vers la
croissance ?
Nous sommes suffisamment sages pour prévoir dans nos
entreprises une courbe de croissance et faire des plans pour les
cinq années à venir. Que devrais-je faire et que ne devrais-je pas
faire ? Comment investir mon capital ? Et ici, nous sommes avec
nos ressources, telles que Dieu nous les a données, elles sont
notre capital de base, que nous gaspillons pièce à pièce. Puis,
nous proclamons que cette société a une sorte de droit mystique
ou échu de Dieu et qu’en tant que membre de cette société, j’ai
donc le droit de vivre comme ma société le dit. Reportez-vous à
il y a 50 ans, avant la première guerre mondiale, que faisait votre
société alors ? Etait-ce la même société ? Vous aviez certainement
des valeurs morales de base à l’époque  ? «  Oh, mais Chari, la
société change  ». Eh bien, pourquoi ne la changez-vous pas à
nouveau maintenant ? Si la société a le droit de changer, oubliez
les individus de la société, oubliez que ce sont les individus qui
font une société, supposons que la société ait une identité en soi.
Elle change depuis des temps immémoriaux. Vous n’avez jamais
eu de société statique.
Je dis tout ceci, non pas pour vous réprimander ou pour
critiquer votre mode de vie. J’admire beaucoup le mode de vie
des américains... à 98 %... je déteste les 2 % restants de toute mon
âme. Et cela est ce qui importe réellement. Vous voyez, ce sont
ces 2 % qui importent, les 98 % restants sont comme la paille du
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 161

grain. Comme il est dit dans la Bible : « Quand vous rentrez votre
moisson et que le vent souffle la paille, le grain reste ». Ce sont
ces 2 % que nous jetons, ne retenant que les 98 % de la paille.
Même le plus idiot des agriculteurs sait que lorsque vous
moissonnez c’est presque ce pourcentage, les tiges, les feuilles
et le son. Le grain représente environ 5 %, 10 %, je ne sais pas,
mais ce n’est pas matériel. Plus le pourcentage est faible, plus il a
de valeur. La même chose s’applique à l’exploitation des mines.
Vous extrayez des tonnes de minerai et n’obtenez que quelques
kilos de métal. Ainsi, le système humain est aussi une mine, il est
« à moi » (en anglais : « mine »), c’est aussi une mine. Je dois y
creuser profondément, plonger dedans, trouver ce qui se cache à
l’intérieur de ces scories. Cela veut dire enlever la surcharge, la
détruire, la jeter, pour obtenir le minerai, le fondre, enlever les
scories pour obtenir à la fin très peu de métal. Et cela est le coeur.
Voilà la fonction que le Maître est sensé remplir à travers Ses
précepteurs, Son représentant, par Lui-même. Donc, envisager la
fonction spirituelle comme quelque chose qui se réduirait à des
conseils d’ordre spirituel, aux transmissions et aux nettoyages, je
suggérerais que c’est là une décision très partisane. C’est comme
aller chez le médecin et lui dire : « Donnez-moi un médicament,
mais ne me dites pas quel régime suivre, je le sais mieux que
vous » ! Non, non, mon cher ami, il vaut mieux ne pas manger
de viande la semaine prochaine. « Fermez-la ! Vous voulez vos
honoraires ? Prenez-les ! Quel médicament, dois-je prendre ? Si
je bois de la bière ou du whisky, ce n’est pas votre affaire. Si votre
médicament est efficace, il fera effet ! «  Comment diable va-t-il
bien pouvoir faire effet ? Le médecin n’est pas une sorte de dieu
qui peut vous autoriser à manger de la viande quand il ne faut
pas ou à boire quand il ne faut pas et malgré tout vous donner
un médicament qui vous guérisse. Je souhaiterais que ce soit
possible.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 162

Je souhaiterais que la même chose soit possible en spiritualité,


que nous puissions faire ce que nous aimons et qu’en même temps
un Maître miraculeux vienne et dise  : «  Je vous ai libéré  ». Ce
serait merveilleux. C’est le concept, à nouveau essentiellement
occidental de « Tout ceci et le paradis en plus ». Je ne sais pas ce
que cela signifie. « Tout ceci et le ciel par surcroît ». C’est comme
dire : « J’irai en enfer, mais je dois avoir le paradis ici » ou : « Chari,
j’aimerais bien aller au paradis, mais tous les gens sympathiques
sont ici, vous voyez, je ne veux pas les laisser derrière moi ». Eh
bien, voyagez seul ; si vous voulez aller à New-York maintenant
et si vous avez une voiture, vous y allez seul, tous ceux là ne vont
pas avec vous.
Ainsi, veuillez comprendre que dans une organisation
spirituelle comme la nôtre, l’organisation s’est engagée au bien-
être total des aspirants qui cherchent asile aux pieds du Maître.
L’organisation s’est engagée, parce que le Maître s’est engagé au
bien-être total des aspirants, que cela leur plaise ou non, qu’ils
le sachent ou non, et qu’ils en aient besoin ou non. Ce n’est pas
comme une école où on forme seulement vos esprits, mais où on
laisse errer votre morale dans des allées latérales et des chemins
à l’écart. Ce n’est pas comme dans les bureaux qui vous rendent
efficaces, mais vous enseignent aussi comment tricher. Ce n’est
pas comme les hôpitaux qui vous donneront des médicaments,
mais vous laisseront votre maladie. C’est un engagement total à
un bien-être total. Si vous ne l’acceptez pas, le Maître ne peut
pas dire : « Bien, je vous absous ». Son engagement envers Son
Maître ne peut être brisé. Vous voyez, c’est malheureusement
une situation inconciliable et sans échappatoire. Il n’y a aucune
possibilité de fuite dans cette position.
Réfléchissez, combien de fois n’avez-vous pas soumis à votre
Maître, vos problèmes, vos décisions de travail, vos situations
de divorce, vos problèmes de filles, de garçons, de maladies,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 163

d’enfants  ? Que faisiez-vous alors de ce concept fragmentaire


concernant la responsabilité du Guru envers Ses disciples ou Son
emprise sur leur vie ? Cela signifie seulement que nous sommes
assez égoïstes pour aller brailler auprès du Guru : « Vous savez,
mon enfant est malade, s’il vous plaît ». Et alors si le Guru disait :
« Mon cher ami, je ne suis ici que pour nettoyer et vous donner
la transmission  », que penserions-nous de lui  ? Ainsi, nous
ne pouvons pas avoir une sorte de mirage conceptuel, c’est un
brave type qui va me donner ce que je veux quand je veux, que
ce soit physique, mental, moral ou spirituel. Mais il ne devra pas
intervenir dans ma vie, excepté au niveau spirituel. C’est comme
pénétrer dans une mare d’eau et dire  : «  Vous avez seulement
le droit de me mouiller les pieds, pas plus  ». La mare dira  :
«  N’entrez pas. Vous savez, je ne peux pas faire la distinction
entre vos pieds et votre tête. Pour moi, vous êtes une masse de
chair et en vertu du fait que votre densité moyenne est supérieure
à la mienne, vous allez vous enfoncer. Ce n’est pas ma faute. Par
conséquent, si vos cheveux se mouillent, et même si vous avez
dépensé 80 dollars chez le coiffeur hier, ce n’est pas ma faute.
Ainsi, si vous ne voulez pas être complètement mouillé, restez
au bord ». Iriez-vous dire au feu : « S’il vous plaît, ne brûlez que
mes doigts, pas ma main  ». Ne mettez pas votre main dedans.
Donc, si vous ne voulez pas que le Maître se préoccupe en totalité
de votre bien-être, n’ait aucun intérêt, n’ait aucune autorité - je
répète encore une fois  : aucun intérêt, aucune autorité - mais
ne soit concerné qu’en tant qu’être humain, laissant de côté
Son travail de Maître qu’il accomplissait de manière totale, il ne
peut y avoir qu’une seule solution : l’isolement. C’est comme le
soleil, voyez-vous, il réchauffe. Quand il devient plus chaud, nous
devons nous en éloigner. Nous ne pouvons pas dire au soleil  :
« S’il te plaît, couche-toi, j’ai eu assez de chaleur aujourd’hui ».
Ce serait agréable, mais imaginez le chaos si chacun d’entre nous
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 164

avait en main une télécommande comme pour nos postes de T.V.


et qu’une personne demande au soleil de se lever et une autre, de
se coucher.
Vous voyez donc quel est le rôle du Maître dans le Sahaj
Marg - un engagement total. Une fois de plus j’insiste, c’est un
engagement à cause de l’intérêt porté au bien-être de l’humanité.
Cela ne s’adresse pas à vous, ou à vous, ou à vous. Dans le Sahaj
Marg, à cause du concept de l’amour universel, le Maître n’a
pas le droit d’aimer les individus. Il aime. Il aime d’une façon
universelle. Tout ce qui se présente à Lui bénéficie de Son amour.
Quand cela arrive en Sa présence, c’est soumis à cet amour, non
pas dans le sens d’une sujétion, mais, disons, comme un effet
qu’il a automatiquement sur vous. C’est comme lorsque vous êtes
sous la douche, vous êtes mouillés. L’eau n’exerce aucun contrôle
discriminatoire sur la fonction de mouiller. Elle accomplit son
existence, les lois de son existence, sa fonction dans l’existence.
L’eau mouille les insensés. Ainsi, quelqu’un qui ne veux pas
prendre de douche, ne devrait pas se mettre sous la douche.
Telle est la fonction divine, je répète, c’est une fonction divine,
et une chance divine pour nous qu’il existe des gens disposés à
prendre un intérêt total à notre bien-être total, sans égard pour
leur propre situation, leur propre sort, leur propre destinée,
leurs propres souffrances, tout, vous savez, leurs misères...
Et pour prendre soin de nous d’une manière totale. Tout ceux
d’entre nous qui ont élevé des enfants, savent que, très souvent
les enfants aiment une partie de ce que nous faisons pour eux
et n’aiment pas l’autre partie. Mais seul un parent indigne se
dégagerait d’une responsabilité en disant : « D’accord, tu fais ceci
et tu ne fais pas cela ».
A ce propos, c’est une tragédie de la société moderne que les
parents soient guidés par leurs enfants dans leur éducation. « OK.
Tu ne veux pas de cornflakes, que veux-tu ? - Du jus d’orange. - Tu
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 165

veux du jus d’orange ? - Non, j’aimerais mieux du jus de pomme.


Tu veux du jus de pomme, chéri ? - Non, non je crois que je vais
prendre un gâteau. - OK, prends un gâteau ». J’ai vu ceci nombre
de fois dans les foyers américains, vous voyez. Quelle sorte de
parents sommes-nous ? Et c’est parce que nous sommes de tels
parents, qui n’avons aucun sens de nos responsabilités envers
nos enfants, que nous attendons que notre Guru se comporte
d’une manière semblable avec nous. Permettez-nous de faire ce
que nous voulons mais donnez-nous tout ce que nous voulons.
C’est notre attitude parentale stupide, dominée par la culpabilité,
inefficace, qui fait que nous attendons la même attitude parentale
de la part du Maître. C’est une condition. Je ne blâme personne,
vous voyez. Cela arrive en Orient. Les gens peuvent dire : « Cela
n’arrive-t-il pas en Inde » ? Bien sûr que si, parfois, ils vendent
même leurs enfants. Mais comme je l’ai dit au début, est-ce juste
de le faire parce que quelqu’un d’autre le fait ? Alors, à chaque
fois qu’il y a un suicide, je devrais me suicider, pourquoi pas ? Il
l’a fait, je devrais le faire aussi.
Ainsi, frères et soeurs, ou en Amérique, soeurs et frères,
essayons d’être sages, et plus que d’être sages, essayons de
saisir une opportunité qui se présente rarement, celle d’avoir
un Maître qui dit : « Venez à moi, je prends vos vies en charge
d’une façon totale. Remettez-vous en totalement à moi ». C’est ce
que l’abandon signifie, vous voyez. L’abandon ne veut pas dire :
«  Permettez-moi d’être moral dans certains domaines, et libre
dans d’autres ». ; C’est comme si un train disait : « Que toutes les
roues de droite aillent sur les rails, mais pas celles de gauche ».
Il va dérailler. Ou un avion, quatre moteurs, et les moteurs qui se
trouvent à babord disent : « Eh bien, vous savez, nous sommes
fatigués, pourquoi ne feriez-vous pas le voyage sans nous ? «  et le
pilote dit : « Entendu, nous sommes une nation libre et vous êtes
un moteur libre, je vais vous couper  ». Ainsi, vous voyez, nous
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 166

sommes gouvernés par un moteur ici (montrant le coeur) qui a


une seule norme. Admettez-le, je vous en prie.
C’est pourquoi nous nous révoltons contre ces concepts
moralistes. Nous reconnaissons que ce que dit ce type est juste,
mais qui diable est-il pour nous le dire ? C’est notre ressentiment.
Car si vous ne saviez pas déjà que c’était la vérité, vous vous
demanderiez : « Oh, est-ce ainsi ? Je n’ai jamais entendu ces choses
auparavant ». Un sentiment d’étonnement nous envahirait. Mais
nous savons que ce que nous faisons est faux, nous le sentons
dans chaque fibre de notre être, de notre existence, nous sommes
tourmentés par la culpabilité jusqu’au tréfonds de nous-mêmes,
donc cela nous énerve et nous met en colère lorsqu’un type vient
nous dire : « Tu ne feras pas ceci. Tu ne toucheras pas. Tu n’auras
pas d’amis ». Et à propos, personne n’a dit toutes ces choses. Ce
n’est que l’expérience d’un individu qui a dit que l’amitié l’avait
perdu. Et c’est un fait. Cela ne veut pas dire : « N’ayez qu’un ami ».
Je veux dire que c’est une bénédiction d’être capable d’arriver à
cette situation ou à cet état spirituel, où vous n’aurez qu’un seul
ami.
Une fois, le Maître nous a raconté une histoire au sujet de
l’amitié. Au sujet d’un villageois qui avait beaucoup d’amis. Sa
hutte brûlait, et il appelait à l’aide, vous savez. Mais Tom disait :
« Jack ira ». Jack disait : « Betty ira ». Betty disait : « Non, non,
Hélène ira  ». Personne n’y alla parce que tout son village était
plein d’amis. Chacun pensait que l’autre irait. Et sa maison fut
réduite en cendres. Dans le village voisin, il y avait un garçon
dont le seul ami était un infirme avec des béquilles. Sa maison
brûlait. Il appela à l’aide et l’infirme dit : « Pour l’amour du ciel,
je dois y aller, infirme ou pas, car je suis son seul ami ». Il y alla et
sauva cette maison de l’incendie. Voilà la situation de quelqu’un
qui a beaucoup d’amis. Chaque ami pense que l’autre ami ira. Et
vous pouvez voir ceci, que par quelque caprice de la Nature, la
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 167

Nature fait en sorte que lorsque nous avons réellement besoin


d’aide, même nos amis ne sont pas disponibles. Vous téléphonez
au médecin, il est parti en vacances. Vous téléphonez à l’avocat,
il est en congé. Vous téléphonez à quelqu’un d’autre, il n’est pas
en ville.
Vous savez, lorsque nous devons souffrir, la Nature veille
à ce que nous souffrions. Même ceux que nous aimons le plus
ne seront pas près de nous. Je veux dire que la Nature n’est pas
suffisamment stupide pour tout mettre à votre disposition en
disant : « Maintenant, souffrez ». C’est comme si on mettait de
la nourriture devant un homme en lui disant  : «  Maintenant,
jeûne ». Est-ce possible ?
Par conséquent, nous devons être très prudents dans ce que
nous faisons. Et même si je parle pour souligner l’engagement
de la Mission, l’engagement du Maître envers l’humanité, pas
seulement envers nous qui sommes rassemblés ici, y compris
moi-même, mais envers l’humanité elle-même - cela souligne
aussi, chers soeurs et frères, la nature de votre engagement envers
le Maître et la Mission. Si cela n’est pas totalement réciproque -
le Maître ne vous refuse rien  ; Il est trop généreux, Il est trop
universellement aimant. Il est trop compatissant, miséricordieux
- mais c’est vous qui ne pouvez pas prendre. Parce que ce qu’Il
donne est un contrat global, ce n’est pas une situation de choix
(soit/soit).
A moins que notre engagement d’abhyasis n’égale la totalité
de l’engagement du Maître envers Ses abhyasis, il y aura toujours
quelque chose qui fera défaut et manquera à cette association, et
donc notre progrès n’arrivera pas à la hauteur des espérances du
Maître, ni de ce qui est promis par le système. Comment cela se
fait-il ? Lorsque j’achète un billet, il ne me garantit pas l’arrivée
à destination à moins que je ne sois dans le véhicule, que ce soit
un train, un bus ou un avion. « Non, non, j’ai un billet, mais je ne
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 168

veux pas prendre l’avion. Conduisez-moi quelque part par là ».


Comment vous conduirai-je ? Le billet me donne droit à un trajet
en train ou en avion et je dois aller complètement. Je ne peux pas
me tenir d’une main à la rampe et garder un pied sur le sol, en
disant : « Vous savez, je ne suis pas satisfait d’une dimension de
l’existence ; j’ai l’habitude du sol, de la « terre ferme », comme on
dit ». Eh bien, s’il vous traîne, vous n’aurez plus de pieds après
trois miles.
Il y a toujours cette obligation, que vous le reconnaissiez ou
non, que vous le vouliez ou non, que vous l’acceptiez ou non,
lorsque vous vous déplacez, de vous déplacer d’une dimension
à une autre, même physiquement. Si je veux faire un voyage en
bateau, je dois quitter la terre et aller dans l’eau sur un bateau. « Il
peut couler ». Oui, il peut couler, mais il peut aussi m’emmener
de l’autre côté. Si je dois prendre l’avion, il faut que je monte
dans un avion. « Le pilote a bu ». OK, que faire alors ? Annulez
votre vol et restez chez vous.
Ainsi, vous voyez, quand cela nous convient, nous nous
engageons totalement parce qu’il n’y a pas le choix. Ce n’est pas
comme si vous aviez le choix et que vous disiez : « Je laisserai la
moitié de moi-même ». Nous ne sommes pas des vers de terre ou
des sangsues dont la moitié se régénérerait et redeviendrait une
sangsue entière. Ainsi, je pourrais laisser la moitié de moi-même
à la maison, et si quelque chose arrive à l’autre moitié, j’aurai de
nouveau un Chari entier en rentrant à la maison. Ca ne marche
pas comme ça.
Vous vous engagez complètement chaque fois que vous montez
dans la voiture d’un ami, dans la voiture de votre amoureux,
dans un bus ou dans un avion. Tout ce que dit la spiritualité est :
«  Accordez au moins la même confiance à cette Mission et au
Maître que vous accordez à un avion ». Si vous pouvez remettre
votre vie entre les mains de pilotes ivres et de belles hôtesses de
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 169

l’air qui sont plutôt là pour les distraire davantage, ne pouvez-


vous pas le faire ici ? Et n’obéissons-nous pas aux instructions à
bord de l’avion ? « Attachez vos ceintures ». « Oui ». « Ne fumez
pas ». « Oui ». « N’allez pas aux toilettes, restez assis ». « OK ».
Ne le faisons-nous pas ? Nous ne clamons pas que nous sommes
des citoyens libres, d’une nation libre, la plus grande nation du
monde - parce que notre vie est en danger. Malheureusement,
vous ne savez pas que votre vie est bien plus en danger lorsque
vous brisez des engagements moraux. Nous ne le savons pas,
car ce n’est pas le corps qui meurt. Cette mort, nous sommes
incapables de la voir. Par conséquent, nous allons joyeusement,
gaiement, main dans la main, galopant sur l’herbe, chantant des
chansons : « Salut à Toi, joyeux Esprit ». Où est le joyeux esprit ?
Il n’existait même pas à l’époque de Tennyson ou si ce n’est lui,
de celui qui écrivit ce « Salut à Toi, joyeux Esprit ».
Si nous pouvions voir ce qui meurt en nous chaque fois que
nous allons contre nos propres intérêts, contre notre voix
intérieure, oubliant le Maître, oubliant la Mission, oubliant la
société, oubliant la moralité. Si vous pouvez vous regarder et
dire  : «  Oui, je fais ce que je dois faire  », vous êtes un homme
moral ou une femme morale. Donc, au bout du compte, cela se
résume à la conscience, c’est à elle que nous devons faire face.
Un Maître, vous pouvez le rejeter. Du Sahaj Marg vous pouvez
dire  : «  Fichez le camp d’ici. Nous avons assez de systèmes en
Amérique ». Mais qui va jeter ceci ? (montrant le coeur). Même
un médecin ne peut le découper en disant  : «  Eh bien, voici
votre coeur, mettez-le à la poubelle  ». Tout le problème est là,
voyez-vous. Et c’est ce qui réagit chaque fois que vous dites  :
« Oui » ou « Non ». C’est l’intellect et le coeur qui sont en lutte,
engagés dans une lutte mortelle comme nous disons en parlant
de manière dramatique. C’est ce qui se rebelle. L’un dit : « Vas-y,
tout le monde le fait, c’est là que se trouve le plaisir. Tu ne seras
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 170

pas jeune éternellement, saisis l’opportunité, au sens littéral du


terme ». L’autre dit : « Pour l’amour du ciel, combien de fois l’as-
tu fait ? Tu n’as pas assez souffert ? Tu n’a pas été assez malade ?
Encore une fois ? «  Ce conflit est ce qui nous fait nous rebeller à
chaque fois qu’une troisième force est introduite dans la dispute,
sous la forme du Maître ou du code moral, parce qu’elle se range
du côté de mon coeur, et je n’aime pas ça. Par conséquent, nous
nous rebellons, donc nous protestons et donc nous avons des
questions et des réponses ».
Aussi, chers soeurs et frères, si mon, ou notre engagement
envers notre propre croissance, notre propre développement,
notre propre évolution spirituelle est juste, est vrai, notre
engagement envers nous-mêmes doit être total. Ce n’est pas
un engagement envers la Mission, ce n’est pas un engagement
envers le Maître. C’est votre engagement envers vous-mêmes.
S’il vous plaît, essayez de l’honorer, et le Maître vous aidera et
vous bénira. Merci.

Questions-réponses II
Soirée du 1er octobre 1986

(La plupart des questions ont été tirées d’une boîte à questions
et lues à haute voix)
Q  : Pendant ce genre de réunion où le Maître Lui-même est
présent, est-il nécessaire de faire son propre nettoyage et d’avoir
des sittings individuels ?
R : La réponse est oui. Babuji a dit que quoiqu’il puisse arriver
par ailleurs, notre pratique quotidienne doit toujours être faite :
c’est-à-dire la méditation du matin, le nettoyage du soir et la
prière/méditation au coucher. On les continue sans tenir compte
du reste.
Q : Quel est votre sentiment au sujet du contrôle des naissances,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 171

de la contraception ?
R : Du point de vue religieux, on considère généralement que
ce n’est pas tout à fait la chose à faire. Mais il existe des techniques
au cas où vous soyez obligés de ne pas avoir de bébé. Mais pas au
moyen de la contraception, c’est plutôt par l’abstinence.
Un jour, j’ai posé au Maître une question au sujet de la
renaissance. J’avais l’impression - une impression toute
personnelle - que les bonnes âmes renaissent instantanément
après la mort. Je pensais qu’elles étaient aptes à évoluer
rapidement. Mais le Maître répondit négativement. Ce sont les
âmes mauvaises qui renaissent rapidement, ou plutôt les âmes
de mauvaise qualité, les âmes chargées de mauvais samskaras.
Non pas des âmes mauvaises, mais des âmes chargées de
mauvais samskaras. Je lui demandai pourquoi il devait en être
ainsi. Il me dit que celles qui ont de bons samskaras, ou qui n’ont
pas beaucoup de samskaras mais qui sont encore destinées à
renaître, ne peuvent pas trouver le milieu approprié. En suivant
ces pratiques contre nature, il se peut que, par conséquent, nous
refusions la possibilité de renaître à des âmes qui sont plus
évoluées et qui ont cependant besoin de renaître.
C’est donc la raison majeure pour ne pas pratiquer le contrôle
des naissances et spécialement de la part des personnes qui
suivent une voie spirituelle telles que les abhyasis du Sahaj
Marg. Car nous devons nous souvenir qu’au fur et à mesure que
nous évoluons il devient impossible aux types négatifs d’âmes
de renaître de notre fait, dans notre milieu. Seules les âmes
supérieures trouveront que notre environnement leur convient
pour naître. Je dis ceci parce que nous ne devrions pas penser
automatiquement que nous aurons en conséquence 9 ou 12
enfants. Car du fait que nous évoluons, la possibilité d’avoir des
enfants de ce niveau diminue aussi pour nous-mêmes puisqu’il
n’y en a pas beaucoup «  en circulation ». Ainsi ce sera une vie
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 172

conjugale sans risque, même sans pratiquer la contraception. Il


n’y a pas de problème (rires).
Q : Voici une feuille de papier avec juste « Question » suivie de
trois points d’exclamation.
R : La réponse est « Réponse » avec trois points d’interrogation
(rires).
Q : Faut-il que dans tous les centres on commence maintenant
à s’asseoir séparément, les hommes d’un côté, les femmes de
l’autre, pour la méditation de groupe ?
R : Comme ligne de conduite, ce serait bien d’essayer. Je veux
dire qu’il n’y a pas de mal à cela. Après tout, vous allez méditer
pendant une demi-heure et on suppose que vous n’avez pas
l’intention de vous «  balader  » quand tout le monde aura les
yeux fermés (rires). En quoi le fait de méditer séparément les
uns des autres constitue-t-il un problème ? Je pose carrément la
question. On pourrait difficilement imaginer une méditation de
groupe où se passerait quelque chose quand chacun a les yeux
fermés et, espérons-le, médite. C’est le premier endroit où nous
devrions essayer d’être assis séparément car c’est là où notre
liberté va être le moins entravée. N’est-ce pas ? Cela me semble
logique. C’est par excellence l’endroit où nous ne nous proposons
pas du tout de faire quelque chose et, par conséquent, que nous
importe l’endroit où nous nous asseyons. Alors pourquoi chacun
n’essaierait-il pas, apportant ainsi sa petite coopération ?
En soi, cela n’a rien d’artificiel, rien de contre-nature. Et
je vous assure que si vous en faites l’essai, vous en éprouverez
vous-même les avantages de bien des manières. Savez-vous, je
me suis trouvé en présence (vous m’excuserez de raconter cela,
ce n’est pas quelque chose de très agréable), mais enfin je me suis
trouvé en présence de rassemblements comme celui-ci où, parce
qu’hommes et femmes étaient mêlés dans les dortoirs, dans les
résidences, des incidents se sont produits alors qu’on aurait pu
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 173

les éviter. Et c’est seulement la promiscuité qui les a provoqués.


La personne à l’origine de l’incident n’avait rien prémédité.
Mais vous vous trouvez seul avec quelqu’un et le bon vieil Adam
s’éveille sans que vous puissiez le blâmer. Adam a bel et bien
chuté et, par conséquent, Adam continue de chuter.
C’est pourquoi je dis que si nous adoptons depuis le début une
saine ligne de conduite, l’occasion ne se présentera pas pour que
se produisent des accidents de cette nature. Nous serons dans de
bien meilleures conditions dès le départ. L’avantage immédiat
est que cela évite d’embarrasser tous ceux qui sont concernés et
cela pourrait peut-être bien éviter des problèmes. Cela n’a rien de
nouveau, c’est arrivé en bien des endroits, en bien des occasions.
Donc c’est une chose très saine, même en matière de logement, à
moins que mari, femme et enfants veuillent rester ensemble pour
des raisons évidentes. Dans ce cas, d’accord. Mais permettez-moi
d’avertir mes soeurs en particulier : elles sont l’élément vulnérable
et c’est dans leur intérêt que nous proposons ces changements.
Et il n’y a pas de mal à cela.
Q  : Manger de la viande n’est pas bénéfique à la croissance
spirituelle. La viande, « tamas », est-elle donc une nourriture si
grossière que cela  ? En quelle manière est-elle plus grossière  ?
Comment influe-t-elle sur la pratique ?
R  : Cet Anglais semble issu de quelque Indien. Babuji a dit
que ce n’est pas une question de bien ou de mal  ; mais ce que
nous absorbons doit s’assortir à notre niveau de subtilité. Ceci
s’applique non seulement à ce qu’on mange mais encore à la
nourriture de l’esprit comme les pensées, les lectures. N’auriez-
vous pas été choqués de voir Babuji en train de lire un roman
pornographique, par exemple ? Cas extrême (rires). Vous auriez
dit  : «  Que fait cet homme avec ce roman entre les mains  ? Et
avec des illustrations par dessus le marché ! «  (rires). Donc, nous
savons que certaines choses ne vont pas ensemble.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 174

Dans l’ensemble, le principe est donc que la source est la même.


C’est comme pour le carburant des avions, celui des voitures,
le mazout pour les poëles domestiques : tous sont des produits
pétroliers. Mais ce qu’on absorbe doit concorder avec la subtilité
de l’organisme. Donc manger de la viande n’est pas recommandé.
Mais Babuji a dit Lui-même dans « La Réalité à l’Aube » que
si les Rishis de l’Inde étaient nés en Islande, on ne leur aurait
pas prescrit l’alimentation végétarienne parce que ce n’est pas
possible là-bas. Nous devons donc décider que là où c’est possible,
il vaut mieux être végétarien. C’est comme en Inde où nous avons
une seule catégorie d’essence pour toutes nos voitures. Nous n’en
avons pas 17 variétés comme vous ici : avec plomb, sans plomb,
d’octane 90, d’octane 26, d’octane 52. Rien de cette absurdité.
Nous avons une seule essence, une seule pompe, un seul prix
(rires).
Il en va de même pour notre télévision : une seule chaine (rires).
Il n’y a pas de différence. Il n’y a pas de choix. Nous achetons des
récepteurs à 12 chaines, mais il n’y en a qu’une de disponible.
Cela simplifie beaucoup les choses. J’ai souvent constaté qu’en
Europe où les gens ont accès à 32 chaines différentes, ils passent
55 minutes par heure à en changer (rires). Et au moment où ils
tombent sur celle qui leur convient, le programme tire à sa fin
(rires). Ainsi vont les choses !
L’alimentation végétarienne est recommandée parce que,
devenant de plus plus subtils, ce que nous absorbons doit concorder
avec cette subtilité. De même qu’un appareil fonctionnant en
220 volts doit recevoir un courant de 220 volts. Si vous branchez
un appareil fait pour du 120 volts sur du 220, cela va juste faire
« splash » ! C’est ainsi que ces choses là fonctionnent.
Tout comme pour la question des relations intimes et d’amitié
entre individus, penser que manger végétarien est une sorte de
frein à la liberté de manger ce qu’on veut est sans fondement. Mais
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 175

non  ! Si vous désirez grandir... C’est comme les montgolfières


d’autrefois. Elles contenaient des sacs de sable qu’on jetait par-
dessus bord au fur et à mesure que le ballon montait. Il fallait
qu’il soit plus léger pour voler. Peu importe si c’était de l’or. Si
vous vouliez voler plus haut, il vous fallait aussi jeter l’or. C’est
ainsi. C’est tout.
Q : Comment et pourquoi vous êtes-vous arrêté de fumer ?
R : C’est une question personnelle (rires).
Q : Est-il bon, pour la pratique spirituelle, de ne pas fumer ?
R  : Je ne peux pas prétendre avoir cessé de fumer. Savez-
vous, c’est juste une supposition, mais peut-être que j’éprouvais
de la joie à fumer aussi longtemps que Babuji était là. Il fumait
le hookah et moi je fumais la cigarette. Quand le vieil homme
disparut, peut-être n’avais-je plus de raison de fumer. La cigarette
m’a quitté ; ce n’est pas moi qui ai arrêté de fumer.
En ce qui concerne la pratique spirituelle, quand je vins pour
la première fois à Babuji, je Lui posai cette question. Il me dit
que fumer n’avait rien à voir avec la pratique spirituelle. « C’est,
bien sûr, une mauvaise habitude. Je permets de fumer, mais
j’interdis l’alcool ». C’est ce que disait Babuji. Alors je répondis :
«  Pourquoi interdire l’alcool quand Vous permettez le tabac  ?
«  Il répondit : « Fumer n’a pas d’effet sur la spiritualité, alors
que l’alcool interfère dans l’ivresse divine qui est produite par la
transmission. Elle est très subtile, alors que l’ivresse produite par
l’alcool est très grossière. Donc l’alcool est interdit ». Ceci va au
devant de la question suivante.
Q  : Etant un nouvel abhyasi, je suis en accord total sur la
question de la moralité. Je découvre cependant que, la plupart
du temps, je ressens de la convoitise en regardant les femmes.
J’aimerais m’en délivrer ; je sens que c’est un blocage pour mon
progrès spirituel. Puis-je faire quelque chose de plus dans ce
domaine au cours de la pratique ? Merci.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 176

R : Si le problème est pour vous d’une ampleur considérable,


vous devriez prendre un sitting - un sitting individuel - avec un
précepteur, plus fréquemment. Disons, une fois par semaine,
une fois tous les 3 ou 4 jours pour commencer, jusqu’à ce que
cela prenne, dirons-nous, des proportions normales (rires).
Q : Pour en revenir au végétarisme, en le considérant du point
de vue de la santé, je pense que, si quelqu’un s’adonne à un rude
travail physique dans un environnement septentrional, c’est une
forte contrainte pour sa santé que d’essayer d’être strictement
végétarien. De même, vivant dans un climat septentrional,
provenant d’une groupe génétique habitué aux protéines
animales depuis des générations, tenter de devenir végétarien
du jour au lendemain serait également un choc brutal pour
l’organisme. Et je recommande personnellement à mes patients,
particulièrement en hiver, de consommer d’une façon ou d’une
autre des protéines animales deux fois par semaine  : soit un
oeuf, du poisson ou quelque chose comme cela. Je me demande
simplement ce que Vous en pensez. Je sais aussi que j’ai mangé
des oeufs avec Babuji en hiver à Shahjahanpur quand il faisait
froid. J’hésite à dire que le strict végétarisme est nécessaire. Cela
dépend du degré d’activité d’une personne.
R : C’est une question d’opinion. En ce moment, vous parlez
en tant que médecin. La question était posée par un abhyasi.
Et, encore une fois (en dehors de tout jugement de valeur sur la
consommation de viande ou de protéines), la réponse était que si
vous souhaitez avoir une pratique spirituelle et si vous devenez de
plus en plus subtil, ce que vous consommez doit l’être également.
Si votre emploi exige une grande dépense, peut-être devez-vous
en changer et prendre un emploi nécessitant une faible dépense
d’énergie.
D’où la célèbre citation de la Gita où les devoirs de l’être humain
sont prescrits ou, disons, attribués en fonction du rang social. Le
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 177

brahmin était censé n’être que conseiller du roi, enseignant, ou


quelque chose comme ça. Le kshatriya était défenseur du pays,
il était d’une caste guerrière. Aussi lui était-il permis de manger
de la viande. La communauté laborieuse, les vaishyas, étaient
censés labourer, cultiver la terre et s’adonner au commerce.
La démarcation était nette et faisait ainsi ressortir les besoins
alimentaires. Par exemple, il est dit que le brahmin ne devrait
rien manger qui soit trop piquant au goût, trop fortement épicé.
Pas de piments, pas d’oignons, pas d’ail. Précisément parce
que, primo, il n’a pas besoin de beaucoup d’énergie  ; secundo,
s’il absorbe cette énergie il semble qu’elle doive nécessairement
s’exprimer au travers de voies erronées. Vous avez donc les
variétés de nourriture « satvic », « tamasic » et « rajasic », non
seulement en matière de nourriture, mais en fait en toutes choses,
même pour les couleurs. C’est pourquoi la pureté est associée au
blanc. Il en est ainsi dans toutes les sociétés. Toute couleur est,
par nature, d’un degré un peu inférieur au blanc lui-même. Vous
constatez ainsi que, dans toutes les communautés, les saints ont
porté du blanc. Ce n’est pas que le blanc représente la pureté. Il
est la pureté.
Il s’agit donc d’une question posée par un aspirant à la
spiritualité. Il est bien connu que, Babuji ayant dit qu’il y a
des points dans le corps humain qui peuvent produire même
de l’oxygène à partir de l’intérieur et qu’à un certain point
vous n’avez plus besoin de respirer, la protéine n’est guère un
élément concurrentiel. L’oxygène lui-même peut être produit de
l’intérieur, le gaz qui donne la vie. A quoi rime ce problème de
protéines et d’hydrates de carbone ?
L’idée subséquente est que plus vous montez, moins vous mangez.
A un certain point, le corps semble exister indépendamment
de toutes ces exigences prescrites scientifiquement telles que
vitamines, sels minéraux, hydrates de carbone, protéines,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 178

graisses. Le corps semble capable de vivre d’une vie indépendante


précisément parce que maintenant c’est l’esprit qui contrôle ses
activités, et non plus les forces élémentaires de la nature. Et nous
essayons de gouverner notre vie et de la diriger dans ce sens.
Q : Pourquoi un certain nombre de saints en Inde portent-ils
des vêtements oranges ?
R : C’est seulement pour faire voir qu’ils sont des saints et dire :
« Tenez-vous à l’écart ! «  C’est une sorte de barrière protectrice.
C’est une sorte de distinction dans la société : ce sont des gens
saints, ils devraient être respectés comme tels et l’on ne doit pas
les toucher. Je pense que c’est plutôt un dispositif protecteur
qu’autre chose.
Q : Je suis un peu troublée au sujet de la séparation des sexes ?
R : Ne vous tracassez pas. Agissez.
Q : Non, mais je voudrais juste vous demander quelque chose.
Si nous sommes tous les mêmes intérieurement, pourquoi
l’énergie serait-elle différente entre les hommes et les femmes
durant le sitting ?
R : Nous ne sommes pas tous les mêmes, les âmes seulement
sont les mêmes, nous ne sommes pas encore les mêmes.
Q : Eh bien, si toutes les âmes sont les mêmes...
R : C’est comme de dire que tous les cerveaux sont les mêmes.
Physiologiquement, ils sont tous les mêmes.
Q : Oui, mais je pensais que dans le Sahaj Marg, nous étions
tous...
R : Non, non, non. Vous utilisez abusivement le Sahaj Marg pour
revendiquer une égalité dans une intention fausse. Revendiquez-
la dans une intention juste. Qu’y a-t-il de si intolérable à être
séparés pendant une demi-heure que vous désiriez tellement
protester à ce sujet ? Où est le problème ?
Q : Ce n’est pas le fait d’être séparés. C’est juste l’idée que nous
sommes tous enfants de Dieu et que cela ne devrait pas avoir
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 179

d’importance.
R : Devenons d’abord enfants de Dieu, et alors nous verrons
(rires). Nous ne sommes pas encore enfants de Dieu. Nous
sommes en train de devenir enfants de Dieu.
Q : Chariji, hier vous disiez (je pense que c’était à propos des
contacts physiques) que ce qui compte avant tout, c’est ce que
nous avons à l’esprit. Je pense donc qu’il en va de même pour
cette question. Par exemple, je n’ai pas d’homme à l’esprit quand
je m’assois en méditation de groupe et par conséquent je ne suis
pas perturbée.
R : Non, non. Cela ne signifie pas que vous devriez vous asseoir
les uns à côté des autres pour ne pas être troublés. Vous supposez
le problème résolu. Cela revient à dire que si un voleur pense à
voler, peu importe qu’il soit dans une banque ou dans un train.
Mais cela ne s’applique qu’à une personne qui a l’idée de voler,
n’est-ce pas ?
Vous autres prenez toujours des cas extrêmes qui ne reflètent pas
la situation générale. Nous sommes en présence d’une situation
générale. De même, les non fumeurs s’assoient séparément dans
un train « Défense de fumer dans ce compartiment ! « . Pourquoi
ne dites-vous pas : « J’insiste pour fumer dans ce compartiment ».
C’est une question de bon sens et de voir comment ça marche.
Mettez vos chaussures ici. Pourquoi ne les mettrais-je pas là  ?
Vous allez au théâtre : vous avez un vestiaire où suspendre vos
affaires, n’est-ce pas ?
C’est juste une question de discipline. Pourquoi n’essayez-vous
pas de vous asseoir séparément en méditation de groupe, sans
toutes ces protestations ? Si ça ne marche pas, nous protesterons
après ! (rires). Je serai le premier à protester. Je dirai : « Non ! Je
refuse d’être séparé ».
Q : (Inaudible)
R  : S’il vous plaît, je ne désire plus en discuter davantage
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 180

maintenant. Parce que nous en arriverons sans qu’il en soit


besoin à donner des explications détaillées faisant intervenir les
homosexuels, les pervers, l’association contre le SIDA. Il serait
écoeurant pour moi qu’une question aussi simple que celle de
la séparation des sexes pendant la méditation de groupe puisse
être une sorte de déballage à ciel ouvert et de battage. Nous ne
sommes pas en train de secouer un tapis pour voir quelle quantité
de poussière en sortira.
Si vous voulez faire un essai... Voyez-vous, permettez-moi de
vous dire une chose : tout ceci est pour votre bien. Je vous ai déjà
dit que des cas s’étaient produits et, s’il m’est permis de le dire,
un incident s’est produit dans ce campus même. Alors, prenez-
moi en patience. Et je sais ce qui se passe. Ne détournons pas
les yeux de ces choses et ne disons pas  : «  Rien ne se passe et
patati et patata, nous sommes enfants d’un même père ». Parce
qu’alors, il y a beaucoup d’incestes dans les parages. Si nous nous
sentons vraiment les enfants d’un même père, il y a une sacrée
dose d’incestes autour de nous !
Si vous me poussez à dire la vérité, je devrai la dire. Je veux
dire que, dans l’ensemble nous sommes des gens délicats, des
gens bien. Mais quand il y a promiscuité et que vous sentez le
frottement d’une épaule contre vous - vous savez, elle est agréable
et douce -, la tendance est d’appuyer un peu (rire) et de voir à
quel moment elle cèdera. C’est la nature humaine, voyez-vous. Il
n’y a pas de reproches derrière cette constatation. Comme dit le
« YI KING » : « Pas de reproches ».
Q : Mais voulez-vous dire que cela aurait été différent si nous
avions été séparés pendant nos sittings ?
R : Voulez-vous en faire l’essai, s’il vous plaît, avant de poser
de nouveau cette question ?
Q : D’accord.
R : Merci.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 181

Q : Alors, demain ?


R : Non, non. Pas nécessairement ici. Vous en ferez l’essai dans
vos satsanghs respectifs. Là où vous serez six environ. Ainsi, il
n’y aura pas trop d’accumulation d’humeur, dirons-nous, ou pas
trop de mécontentement (rires).
Ou bien, s’il vous plaît de m’obliger et de montrer votre amour
pour le Maître et d’en faire l’essai ici...
Q : Bien sûr !
R : Bon !
Q : Les hommes par ici, les femmes par là ?
R : N’importe où. Cela dépend de qui est communiste et qui est
capitaliste (rires). Les communistes, à gauche.
Essayez-le. Faites-en l’essai. Il n’y a rien à perdre. Que
faites-vous en ce moment même  ? Quel mal y a-t-il à s’asseoir
séparément 1/2 heure ou 45 minutes pour que vous en fassiez
une affaire d’état ? Dites-le moi, je vous en prie.
Q : Je ne crois pas que nous protestions tellement contre cela,
mais je crois plutôt que nous voudrions en connaître le pourquoi.
R : Eh bien, le résultat (de l’expérience) vous en fera découvrir
la raison. C’est comme de dire à un enfant  : «  Ne mets pas les
doigts dans la soupe chaude, mon fils ». Et il les met. Il sait à quoi
s’en tenir.
Le fait que rien de mal ne vous soit arrivé ne signifie pas que cela
n’arrive pas ailleurs. Et je sais ce qui arrive partout ailleurs. C’est
mon ... pas seulement mon intérêt, c’est mon devoir d’empêcher
que de telles choses n’arrivent. Et comme je vous le disais, c’est
une vérité devant Dieu, cela est arrivé justement sur ce campus.
Si vous voulez en être informé en privé, eh bien, je vous
donnerai aussi les détails (quelques rires). Oui ! Je veux dire que
cela peut mettre en cause le nom de la Mission, la réputation du
Maître. « Ah ! c’est ça qui se passe sur vos campus ? « 
Savez-vous l’une des raisons pour lesquelles une préceptrice
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 182

aux Etats-Unis quitta la Mission ? Cela remonte aux années 72, 73,
74 : c’est qu’elle était écoeurée. Elle me dit : « Chari, j’en ai marre
du groupe du Sahaj Marg ». Je lui demandai : « Pourquoi ? «  Elle
me répondit : « Vous savez, tous ces gosses qui arrivent sont de
sacrés bons gosses, des gosses charmants, des parents adorables,
mais rien ici ne semble se passer selon le Sahaj Marg  ». Je lui
dis : « Que voulez-vous dire quand vous dites : « Rien ne semble
se passer selon le Sahaj Marg  ? «  Elle me répondit  : «  Ils ne
pensent qu’à coucher, et rien d’autre ». Je la cite textuellement.
Si vous voulez, vous pouvez lui écrire et le vérifier.
Q : (Inaudible)
R : Ici, en Amérique ? Nous sommes en Amérique. Nous parlons
à des Américains de la nécessité de la discipline. Que vous soyez
Allemand n’a pas de rapport. Je suis moi-même Indien.
Le tout est de dompter la mégère, de dompter le bon vieil
Adam... De s’y essayer dans une situation où ça marchera et tâcher
ensuite de transposer dans une situation où, normalement, ça ne
marcherait pas mais où nous faisons en sorte que cela marche.
C’est comme la discipline à l’école. Vous apprenez à un garçon ou
à un enfant la manière de se comporter en société. Il essaie ainsi
d’emporter avec lui ce qu’il apprend à l’école. L’instruction doit
s’appliquer hors de l’endroit où vous avez été enseigné et devenir
une généralité, un trait de votre existence, une réalité de la vie.
«  Non, non, cela n’a de rapport qu’avec l’école  ». Ce n’est pas
ainsi que vont les choses.
Nous voulons être des individus cultivés, mais malheureusement
ici, aux Etats-Unis, la culture semble signifier deux garages,
des jolies maisons au milieu de pelouses, un réfrigérateur dans
chaque pièce, la télévision en couleur dans le salon, un récepteur
portatif dans les chambres à coucher, des toilettes reluisantes
de propreté. Ce n’est pas la culture au sens où nous l’entendons.
La culture est quelque chose qui a un rapport avec l’existence
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 183

humaine, les valeurs humaines, la manière dont vous concevez


la vie de telle sorte que vous ne tiriez pas profit d’une autre vie,
même de la vie d’un être humain. Et vous connaissez cette idée
passable bizarre : une femme constitue - par le simple fait d’être
une femme - un assez bon divertissement. C’est un concept
totalement faux, un concept immoral.
Ainsi, vous devez me permettre de ... Puisque vous posez des
questions, je dois répondre. Si vous n’aviez pas posé la question,
je n’y aurais pas répondu (rires).
Ainsi, faites l’essai (de méditer séparément) pour voir comment
cela marche. Je ne ferai aucune objection, si cela ne marche pas,
à revenir à l’ancien système. Mais souvenez-vous, je vous prie,
que c’est votre évolution spirituelle que vous mettez en jeu, pas
la mienne. Oui !
Q : Ce n’est rien du tout.
R  : Rien du tout pour ceux qui tiennent à leur évolution
spirituelle. Si vous vouliez être ingénieur, vous auriez à traverser,
disons, les affres morales de la discipline de l’ingénieur. Vous
voulez être étudiant en médecine, eh bien ! à minuit, vous devez
vous rendre à la morgue et disséguer quelques cadavres. Vous
pouvez avoir peur de l’obscurité, peut des morts, mais vous n’avez
pas le choix.
Ainsi, il s’agit de nous exercer nous-mêmes à être capables
d’atteindre un niveau supérieur de responsabilité, de vie, de but,
d’accomplissement. Si quelqu’un affirme avec insistance  : «  Je
suis heureux tel que je suis, en tant qu’individu  », d’accord  !
Mais vous n’avez alors aucun droit d’abuser de quelqu’un
d’autre, simplement parce que cette personne est assise près
de vous ou dort près de vous. Aucune société ne donne ce droit.
Naturellement, si tous les deux sont consentants, c’est une autre
histoire. Mais, même alors, pas dans un contexte comme celui-
là ; nous devons aller exercer nos activités ailleurs.
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Q  : En ce qui concerne la pratique de la prière à 21 heures,


quelqu’un demandait si elle devait être suivie ou non ?
R : C’est une pratique pour le bien-être général de l’humanité.
Ceux que l’humanité intéresse peuvent la faire. Mais nous avons
deux aspects dans notre pratique spirituelle : l’un est la croissance
et l’évolution personnelles ; le second est l’élévation humaine en
tant que telle, l’élévation de tous les êtres humains pour laquelle
nous prions à 21 heures. Ainsi, en un certain sens, cela nous rend
un peu plus larges d’esprit.

Discours du président à la réunion du bureau des


directeurs canadiens
3 octobre 1986

Chers soeurs et frères, je suis heureux d’être ici avec vous tous.
Soeur Krishna nous a fait quelques remarques au sujet de la
distance existant entre les deux ailes de l’oiseau. J’espère qu’elles
nous aideront à les relier.
C’est bien d’avoir deux ailes, mais nous avons besoin d’un
corps entre elles, car le corps vole à l’aide des ailes. Ainsi, c’est le
devoir des deux extrémités, Montréal et Vancouver, d’introduire
le corps et j’espère que vous y arriverez très bientôt.
Elle a aussi parlé de la barrière créée par la langue. Mais si un
Indien peut venir au Canada et aux Etats-Unis et parler avec vous
d’un sujet indien, de yoga indien et toutes ces sortes de choses,
cela ne devrait pas être une barrière insurmontable.
J’ai eu quelques expériences amusantes cette dernière
semaine. Vous savez tous que chaque matin, j’ai une réunion
spéciale pour un certain groupe de gens - Californie un jour,
Ohio un jour, New-York/New Jersey un autre jour. Et nous
avons vu comme les groupes se sont étendus pour inclure même
les gens extérieurs aux U.S.A., les Allemands, les Italiens, les
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 185

Français. Ainsi, les barrières linguistiques et géographiques ne


sont valables que lorsque nos intérêts diffèrent, mais quand nous
avons un but commun et une direction commune, elles n’ont
aucun sens. Ceci est amplement prouvé par nous tous ici, tant de
cultures, tant de langues, tant de couleurs de peau. Et avec toutes
nos différences d’opinion sur des sujets divers, nous sommes
cependant capables d’être assis ensemble en harmonie, et cela
n’est possible que parce que nous avons un but commun. Et à ce
stade, j’hésiterais à dire que c’est à cause d’un amour partagé. Il y
a un amour partagé, un amour pour le Maître, mon Maître.
En cela, nous sommes tous reliés. Mais si par amour partagé,
nous entendons amour mutuel et affection venant de nous,
cela reste encore à accomplir. Maintenant, j’aurais supposé,
et selon toute logique il aurait dû arriver qu’un amour partagé
pour le Maître amène un amour partagé parmi nous, également.
Maintenant, pourquoi cela n’est-il pas arrivé, ou n’arrive pas
encore ? C’est parce que bien que nous partagions un but spirituel
commun, nous sommes encore en quelque sorte immatures, et
avons des buts différents les uns et les autres. C’est que nous
avons des buts culturels différents, des visées culturelles, des
ambitions sociales, des choses comme cela. Mais pour quelqu’un
qui fait de son but spirituel, son seul but, ce problème ne se
posera pas. Ainsi, ce que cela signifie est : nous devons avoir un
but transcendant et final, cela nous réunira solidement.
Je vais vous donner un exemple : quand nous escaladons une
montagne pour arriver au plus haut sommet, nous n’escaladons
pas chaque pic pour en redescendre, remonter sur le second, en
redescendre et ainsi de suite. Les routes, les voies de chemin de
fer longent généralement les vallées des fleuves et cela est aussi
ce que dit la spiritualité, suivez le chemin qui offre le moins de
résistances. Alors, vous n’avez pas à continuer à gravir des buts
moindres pour arriver au plus haut but. Ainsi, cette sagesse que
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 186

nous utilisons dans la construction des chaussées, des grands


axes, nous devrions l’utiliser dans notre chemin spirituel aussi.
Mais ici, nous voulons qu’un ingénieur soit un chef-ingénieur
avant qu’il ne devienne un sahaj margi. Qu’un docteur soit un
parfait docteur et un sahaj margi. Et sur le plan géographique ou
politique, un Allemand doit rester un Allemand, un Français un
Français, et un citoyen des Etats-Unis un Américain. Ainsi, bien
que nous partagions un but spirituel commun, nous introduisons
des failles en ayant de moindres fidélités à d’autres buts, à d’autres
entreprises.
Ceci est la sagesse de mon Maître qui dit : « Laissez tomber tout
le reste ». Oubliez que vous êtes un Indien, oubliez que vous êtes
un Américain, oubliez que vous êtes de sexe masculin, oubliez
que vous êtes instruit, oubliez que vous êtes sage. Souvenez-
vous seulement du Maître, de la Mission et de la méthode. Alors
tous ces facteurs qui contribuent à introduire des différences
et des divisions parmi nous, tomberont d’un coup. Ainsi, c’est
le message que nous devons nous rappeler encore et encore, et
essayer d’introduire dans nos vies d’une manière pratique. Parce
qu’autrement, notre progrès vers le but, notre but spirituel, en
sera définitivement affecté.
Nous avons vu ces derniers jours qu’il y a quelques problèmes
lorsque nous pensons au Sahaj Marg comme à un système indien
de yoga, ou aux valeurs que mon Maître nous a enseignées,
comme à des valeurs indiennes. C’est pourquoi, nous avons
eu une petite friction, une petite incompréhension, une petite
tristesse. Complètement stupide  ! Parce que nous sommes
encore ici, en harmonie, suivant encore un Maître et pratiquant
encore Sa méthode. Qu’avons-nous perdu  ? Ainsi, cette petite
turbulence dans l’atmosphère des deux, trois derniers jours était
notre création. Nous nous rebellions contre certains principes.
Non parce qu’il était nécessaire de se rebeller contre eux, mais
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 187

parce que nous avons une tendance inhérente à résister au


changement. Cela s’appelle l’inertie dans le monde matériel.
Ici aussi, c’est une sorte d’inertie. Vous voyez, au moins nous
devrions avoir la sagesse d’examiner une proposition et ensuite la
rejeter. Mais quand la résistance est instinctive ou automatique,
vous excuserez mon propos, c’est une réaction animale, non une
réaction humaine. Je ne porte aucun jugement de valeur. Encore
s’il vous plaît, souvenez-vous que je ne porte aucun jugement
de valeur sur cette histoire. Quand je dis réaction animale, c’est
la façon dont les animaux réagissent à une situation, parce
qu’ils ne pensent pas et que leur réaction doit être immédiate,
instantanément orientée vers une situation, parce que pour eux,
cela peut-être une question de vie ou de mort. Donc chez les
animaux, il n’y a pas intervention de la pensée entre la donnée
reçue et la réponse à celle-ci. C’est immédiat. Mais nous n’avons
pas à affronter une situation de vie ou de mort, et nous sommes
des êtres humains. Nous avons l’intelligence et nous avons
le coeur pour nous guider. Et étant dans une voie spirituelle
d’évolution, et particulièrement lorsque quelque chose vient
du Maître Lui-même, oubliez le fait que nous ne sommes pas
capables d’obéir immédiatement. Oubliez- le. Ne devons-nous
pas, au moins à notre Maître, d’examiner ce qu’Il dit et ce qu’Il
nous demande ? Et alors, dire oui ou non. Ainsi, vous serez tous
d’accord que ceci n’est pas du tout une demande déraisonnable.
En fait, je suggérerais que lorsqu’un Maître vous demande de
considérer Ses propositions, Il agit de façon déraisonnable.
Pourquoi  ? C’est comme offrir à un enfant le choix entre deux
jouets. Il n’a pas de façon rationnelle de sélectionner. Il veut les
deux. Mais généralement, il ne peut en avoir qu’un. Et même si
vous lui donnez celui qu’il désire, il regrette celui qu’il n’a pas eu.
Finalement, nous sortons du magasin. Ni les parents, ni l’enfant
ne sont heureux du cadeau. Chaque parent, chaque frère aîné,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 188

chaque soeur aînée sait cela. Quand nous donnons le choix à un


enfant, il y a frustration.
Or, si je peux humblement suggérer, nous sommes seulement
des enfants en spiritualité devant notre Maître. Donc, il me
semble d’une certaine manière que lorsque le Maître nous donne
un choix, Il nous rend peut-être un mauvais service. Il suffirait
qu’Il dise de faire ceci, ceci et ceci. Ainsi, vous voyez, la liberté de
choisir, non seulement peut être une source de soucis, en ce que
vous ne savez pas comment choisir, mais ce peut être perturbant
en ce que nous voulons avoir les deux, et que nous ne pouvons
pas avoir les deux. Comme un enfant dans un magasin de jouets,
nous voulons la spiritualité et nos avantages sociaux. Nous
voulons la spiritualité, et ceci, et ceci et ceci. Impossible.
J’ai très souvent discuté avec mon Maître Shri Ram Chandraji
Maharaj du fait qu’Il nous rendait un mauvais service en nous
permettant de penser et de choisir. Il souriait toujours et disait :
«  Tu sais, Parthasarathi (Il avait appris à le prononcer, alors),
je veux des dévôts qui viennent vers moi de leur plein gré. Ils
doivent m’aimer assez pour m’obéir. Ils doivent vouloir leur but
suffisamment pour rendre les autres choix inexistants. Ce n’est
pas une question de choix. Il n’y a pas de choix. Je préférerais
un seul abhyasi de la sorte, si cela est tout ce que je suis destiné
à obtenir, plutôt qu’avoir un monde plein de disciples non
engagés  ». Ceci est ce qu’Il m’a dit, du premier jour de mon
association avec Lui, jusqu’au dernier jour, lorsqu’Il quitta ce
monde. Notre désir d’atteindre le but doit être notre désir total,
la voie que nous choisissons doit être la seule voie, et le Maître
qui va nous y mener, le seul Maître qui puisse nous y conduire.
Et c’est pourquoi, notre engagement au but, à la voie, et au guide
est inflexible et total.
Alors, je disais : « Dans ce cas, cela revient toujours à la même
chose, l’obéissance, n’est-ce pas ? «  Il disait : « Oui naturellement,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 189

mais si je leur dis de faire quelque chose et qu’ils obéissent, ils


sentent qu’ils doivent obéir. Mais lorsqu’ils ont la discipline
intérieure qu’ils ont créée eux- mêmes par amour pour le Maître,
par dévouement à l’effort d’atteindre leur but, alors quand bien
même ils font la chose que je veux, la chose précise que je veux,
ce n’est plus par obéissance à mes souhaits, mais par obéissance
à leurs propres souhaits, venant de l’intérieur de leur coeur. Par
conséquent, il n’y a aucune réaction, il n’y a aucune rébellion, il
n’y a aucune frustration. Je lui dis : « Ca va être très difficile, car
il est très aisé de dire : « Faites ceci » et la personne le fera. La
plupart des gens le feront. Et ils vous béniront quand ils auront
atteint le but auquel vous les aurez menés aisément. Il répondit :
« Oui, mais je ne veux pas que cela se passe ainsi, parce que Lalaji
ne le veut pas de cette manière ».
Or, malheureusement, je ne pouvais pas discuter de ceci avec
Lalaji (il rit). Ainsi, c’est de cette manière que cela se passe encore
et nous sommes tous impliqués dans cet effort plutôt ennuyeux,
d’essayer d’éduquer les abhyasis à ce qu’ils devraient chercher,
ce qu’ils devraient suivre et qui ils devraient aimer. C’est difficile,
c’est ennuyeux, c’est frustrant. Si vous ne le savez pas, moi je
le sais, car je suis le pôle récepteur de ces trois choses. Mais je
suis sûr que vous avez senti aussi que c’est difficile, que c’est
ennuyeux, que c’est frustrant. Parce que vous entendez la même
chose encore et encore. Et votre attitude face à ce que vous pensez
être en droit de faire est si dure, que la réaction devient prévisible
presque à chaque fois.
C’est presque comme ces discours sur le désarmement. Chacun
sait ce qui va arriver. J’utilise le mot désarmement dans le vrai
sens du terme, parce qu’ici aussi je dois vous « désarmer ». Et
quelles sont les armes que vous portez ? Fierté de race, préjugé de
couleur, fierté - dirons-nous - nationale, la fierté de l’éducation,
la fierté des standards de vie et encore plus difficile et ennuyeux,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 190

la fierté de la liberté. Race, religion, caste, couleur, communauté,


sexe, chaque chose devient un armement pour vous, vous voyez.
Et la liberté est la chose la plus ennuyeuse. Car, à moins que
nous ayons la sagesse de nous rendre compte que notre liberté,
dans quelques domaines que ce fusse, est la liberté d’évoluer
et de croître, nous faisons un mauvais usage de cette liberté.
C’est comme un écolier. Il est libre d’étudier, il est libre de ne
pas étudier. Mais si l’écolier choisit la liberté de ne pas étudier,
c’est une perte de temps et d’argent. Mais si vous dites : « C’est
justement cela qui est amusant dans la liberté, Chari, autrement
que signifie la liberté si c’est seulement la liberté d’étudier et de
passer un examen ? «  Alors la Nature doit vous ramener à une
école où l’idée de liberté elle-même doit être enseignée, ce qu’est
la vraie liberté, quel est le bon usage de la liberté.
Ainsi dans un sens, dans une organisation spirituelle ou un
groupe comme le nôtre, chaque fois, le Guru ou le guide doit vous
enseigner ce qu’est la liberté elle-même et ses applications à votre
vie et à l’existence. Cela signifie que nous repassons du collège à
l’école, en quelque sorte. C’est comme cette vieille histoire, vous
savez, l’homme qui grimpe deux marches, en redescend trois, en
remonte deux encore et en redescend trois.
Ainsi nous venons pour la spiritualité, nous devons apprendre
la discipline. Nous avons un sitting pour l’élévation spirituelle, on
doit nous inculquer la discipline. Nous avons une belle conférence
sur la spiritualité et ce que Babuji nous a enseigné, puis nous
devons apprendre la discipline. C’est comme un homme qui a
bu et qui erre dans les rues, il vacille d’un trottoir à l’autre, vous
voyez, et chaque fois qu’une voiture passe, il doit être tiré par
le col de la chemise et ramené sur le trottoir. C’est ce qui nous
arrive.
Et je suggérerais humblement que c’est pourquoi nous ne
progressons pas aussi rapidement que nous le devrions. Car si un
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 191

garçon apprend la géographie, l’histoire ou la science et qu’on doit


lui enseigner l’anglais chaque fois qu’il va en cours, la discipline
linguistique vous savez, quand arrivera-t-il à apprendre le sujet
lui-même  ? C’est aussi simple que cela vous voyez. Lorsque je
vise un niveau plus haut, je ne devrais pas avoir à redescendre au
plus bas niveau. Car alors, c’est une double perte de temps, parce
que je dois revenir au niveau d’où je suis tombé, et puis aller plus
loin encore une fois.
Ainsi, chers soeurs et frères, chaque fois que nous devons
discuter la discipline ou parler de la discipline, votre temps
est perdu et mon temps est perdu. Alors que si nous pouvions
juste suivre ce qui nous est demandé par le Maître avec la plus
grande confiance et la plus grande foi, considérant que s’Il l’a
dit, cela est bon pour nous, voyez-vous combien de temps serait
gagné et combien plus rapide serait notre progrès ? Ceci est ma
requête à l’occasion de cette rencontre du bureau des directeurs
canadiens, que nous devrions jeter par-dessus bord toutes ces
idées conventionnelles de liberté, tout ce que vous pouvez penser
être en droit de faire, vous voyez, et juste suivre le Maître qui est
devant vous. Car chaque fois que vous L’arrêtez et dites : « Hey,
Ram Chandra, est-ce la bonne voie ? «  vous Le retardez, vous
vous retardez vous-mêmes. Il y a tant d’embranchements. « Ne
pensez-vous pas que ceci est le chemin  ? J’ai une carte qui dit
le Minnesota  ». OK. Le Minnesota peut être ce chemin, mais
la seule voie pour la Réalité est seulement celle sur laquelle le
Maître avance.
Donc, si nous sommes réellement voués à la cause de notre
évolution, de notre évolution spirituelle, et si vous comprenez
l’urgence du besoin d’y parvenir aussi vite que possible, la vie
étant ce qu’elle est - imprévisible - nous ne devrions pas regarder
ici ou là, penser à ceci ou cela, mais continuer à suivre le vieil
homme où Il va, et nous y sommes déjà. Aussi, je prie pour que
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 192

mon Maître vous donne à tous cette sagesse qui est la seule
sagesse dont nous ayons besoin, et nous emmène au But aussi
rapidement qu’Il peut. Merci.

Questions-réponses III
3 octobre 1986

Q : Est-il courant d’avoir de violents maux de tête, de la colère,


ou une intense somnolence immédiatement après la méditation ?
R  : Ce n’est pas courant, mais cela peut parfois se produire.
Il peut y avoir somnolence si vous allez très profond dans la
méditation. J’ai souvent eu ce problème et j’écrivis à Babuji à
ce sujet. Je Lui écrivis et Il me répondit que si l’action est la vie
du corps, une certaine forme d’inaction est celle de l’âme. C’est
pourquoi, lorsque nous allons très profond dans la méditation,
la vie de l’âme prend le dessus. Donc, nous voulons être inactifs
et de ce fait, nous avons envie de nous allonger et de dormir, ou
autre chose de ce genre.
J’ai aussi eu pendant de nombreuses années de sévères maux
de tête après la méditation. Plus la méditation était profonde, plus
les maux de tête étaient forts. Et, cela se produit encore parfois.
De cela aussi, j’informai mon Maître. Il me conseilla d’arrêter de
méditer pendant quelque temps. Mais cela ne marchait pas, donc
je continuai à méditer. Si le mal de tête revient, nous devons nous
en accommoder.
La colère arrive aussi parfois pour les mêmes raisons que la
somnolence ou la léthargie. Parce que suite à une bonne méditation,
nous désirons nous relaxer et rester tranquilles et lorsque nos amis
ou parents viennent nous déranger, nous sommes contrariés. Donc
dans un certain sens, les trois sont liés : colère, somnolence, mal de
tête, sont tous liés d’une certaine manière à la même cause. Mais
nous ne devrions pas être importunés par eux.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 193

Q : Qu’advient-il du but spirituel si un abhyasi sérieux tombe


malade et que son décès est imminent et prématuré, laissant
inaccomplie sa tentative d’atteindre le but ?
R : La réponse est évidente, parce que mon Maître a dit qu’à
moins que nous atteignions la libération durant cette vie, nous
devons renaître à nouveau. Donc, l’abhyasi sérieux doit s’assurer
d’atteindre au moins la libération au cours de cette vie.
Nous avions un abhyasi à Coimbatore dans le sud de l’Inde. Il
était très sérieux, et j’avais l’intention d’en faire un précepteur
pour le centre de Coimbatore. Il vint pour raisons professionnelles
à Bangalore ; et là, il tomba malade. Un violent mal d’estomac.
On le ramena à Coimbatore et trois jours plus tard il mourut.
Mais juste avant de mourir, deux ou trois heures avant, il appela
sa mère auprès de lui et lui dit : « S’il te plaît, ne fais pas toute
une histoire, ne pleure pas, reste seulement tranquille et quitte la
pièce ». Donc, ils le laissèrent seul. Une demi-heure plus tard, il
appela seulement sa mère dans la chambre et il pointa du doigt
en l’air au-dessus de son lit, montrant l’atmosphère au-dessus de
son lit, et dit : « Je vois ici la lumière divine, et c’est pour cette
lumière que tout le monde médite. Je vais mourir, mais je suis
heureux. Je te dis donc au revoir ». Et une demi-heure plus tard
il était mort.
Cela me contraria car je voulais le faire précepteur pour ce
centre. C’était une belle âme vous savez. J’écrivis donc au Maître.
Le Maître me répondit et dit : « Je vois l’âme assise dans un coin
et pleurant ». Il était capable de la voir dans Sa vision et il ajouta :
« S’il avait médité un mois de plus, il n’aurait pas eu besoin de
renaître parce qu’il aurait atteint la libération. Mais maintenant,
il devra renaître encore une fois ».
Donc vous voyez, cela met l’accent sur la nécessité d’une
pratique spirituelle très très assidue. Les gens me disent toujours,
particulièrement dans des pays comme les Etats-Unis, qu’ils
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 194

n’ont pas le temps (contraintes de travail, contraintes de la vie


de famille). Mais nous ne devons pas oublier que dans les pays
moins développés, nous devons travailler plus pour beaucoup
moins que ce que vous gagnez ici. Nous n’avons ni voiture pour
nous déplacer, ni toutes les commodités modernes qui rendent la
vie d’ici si confortable ; les pizzas toutes prêtes, toute la cuisine
pré-cuite que vous n’avez qu’à réchauffer et à servir.
Puisque vous avez toutes ces facilités de la vie moderne et le
niveau de vie le plus élevé du monde, ne pensez-vous pas qu’il est
un peu contradictoire de dire que vous ne pouvez pas trouver une
demi-heure par jour pour la méditation ?
Donc, d’une façon ou d’une autre nous devons trouver le temps,
sinon nous en venons à nous poser ce genre de questions. Je me
souviens qu’à deux reprises Babuji avait donné des réponses de
cet ordre à des personnes qui étaient très occupées en Inde. Un
homme refusait de méditer parce qu’il n’avait pas du tout le temps.
Et après bien des discussions, Babuji lui dit : « C’est une erreur
de la part de Dieu de n’avoir pas fait des journées de 26 heures.
Alors peut-être auriez-vous eu le temps de méditer ». Donc, nous
devons gérer le temps qui est à notre disposition et nous assurer
que nous atteindrons au moins un point de non retour.
Vous savez, tous les vols d’avions ont un point de non retour.
Malgré les apparences c’est un bien, parce qu’il est certain que
vous ne pouvez pas revenir au point de départ. Nous devons donc
nous assurer de cela au moins dans notre pratique spirituelle.
Sinon, si nous mourons avant d’avoir atteint ce point, aussi
sérieux que nous ayions pu être, nous devrons revenir ici.
Q : Est-il négatif de désirer que tous les membres de la famille
d’un abhyasi rejoignent la Mission ?
R : Ce qu’il veut dire c’est : est-ce mauvais de désirer que les
membres de notre famille deviennent des abhyasis ? Cela ne peut
pas être mauvais. Il est impossible que cela soit mauvais, car ce
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 195

que nous voulons c’est, non pas en faire des abhyasis, mais leur
donner quelque chose que nous recevons. Donc, tout ce que nous
désirons, c’est partager les bénédictions que nous recevons avec
ceux que nous aimons. Cela ne peut en aucun cas être mauvais.
Q : Que signifie la Grâce du Maître ? Est-ce un cadeau divin
ou bien le Maître reconnaît-il le bon travailleur qu’il veut
récompenser ?
R : D’un point de vue, dirons-nous, très réaliste, ce n’est ni l’un
ni l’autre. C’est comme le courant d’une rivière qui nous entraîne
si nous nageons dans son sens, mais s’oppose à nous si nous
essayons de nager contre lui. Donc, quand nous allons dans son
sens, il marche en notre faveur. Si nous allons à contre courant, il
s’oppose à nous. Dans les deux cas, c’est Sa Grâce.
Q : Si nous blessons mortellement un animal ou un insecte, est-
ce un devoir de ne pas le faire souffrir plus longtemps en le tuant
de suite ? Cela m’a toujours contrarié de tuer. Avons- nous le droit
de tuer lorsque les évènements rendent la vie insupportable ?
R : A vrai dire, je ne vois pas comment une personne qui ne
peut pas tuer, peut blesser un animal. Bien sûr, s’il s’agit d’un
accident, vous ne pouvez rien y faire.
Pourquoi uniquement un animal ? Vous pouvez renverser un
enfant, vous pouvez écraser un être humain, et vous n’aimez pas
les voir souffrir. Vous voyez, ce n’est pas la question... Supposez
que je tombe malade et que j’aille trouver Barry Day et qu’il dise :
«  Chari, vous souffrez trop, laissez-moi vous délivrer de votre
souffrance  ! «  . La situation est la même vous voyez. La loi dit
que nous n’avons pas le droit d’ôter la vie, non parce que l’animal
souffre ou que la personne souffre, mais parce que, comme on
dit, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Et c’est cet espoir que
nous ne devons pas nier.
Q  : Voulez-vous, s’il vous plaît, définir les devoirs et les
responsabilités du mariage  ? Pour chaque époux, l’un envers
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 196

l’autre, envers les enfants, et envers la famille tout entière, à tous


les niveaux et pour les mariages précoces ou tardifs.
R : C’est une question trop vaste. Ce qu’il veut c’est un guide du
mariage, démarrant à 16 ans et se terminant à 85 ou 86 ans. Je
n’ai qu’une suggestion à faire : les relations entre époux ou entre
parents et enfants, devraient être fondées sur l’amour. Parce
que même le devoir est quelque chose de superficiel. Vous savez
tous que lorsqu’un homme dit : « Eh bien, vous savez, il faut que
je fasse mon devoir d’époux  ». Cela signifie qu’il n’aime pas sa
femme. Donc dans ce sens, il n’y a qu’une seule solution pour
tous les mariages, tardifs, précoces, ceux-ci, ceux-là et les autres :
c’est l’amour.
Q : Depuis quelques mois, ma méditation a changé en temps.
Souvent elle dure bien plus d’une heure, parfois même deux
heures. Lorsque j’en sors, je sais que ce n’était pas du sommeil et
il me semble qu’il s’est écoulé peu de temps. Qu’est-ce que cela
signifie ?
R : Babuji a dit que, autant que possible, nous ne devrions pas
méditer plus d’une heure à la fois. Donc, nous devons exercer une
sorte de contrôle discriminatoire sur notre temps de méditation.
Il peut se produire occasionnellement que nous méditions plus
longtemps. Mais si c’est une chose fréquente, on devrait alors
peut-être utiliser un réveil pour y mettre un terme. Parce que dans
le Sahaj Marg, une trop longue méditation exerce une pression
sur le cerveau - pendant un sitting. C’est pourquoi Babuji a dit
que nous pouvons méditer une heure à la fois, autant de fois que
nous avons le temps de le faire dans la journée, mais pas plus
d’une heure à la fois.
Il est très possible qu’un sitting d’une heure nous semble durer
5 minutes, et qu’un de 5 minutes paraisse durer une heure. Cela
n’a rien à voir avec la qualité de la transmission. Cela montre
seulement qu’il y a un changement dans notre façon de percevoir
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 197

le temps. Il est bon de méditer entre 2 h. et 4 h. du matin parce


que Babuji a dit que c’était le meilleur moment de la journée.
Q : Quelle sorte d’informations voulez-vous trouver dans notre
journal  ? Devons-nous vous l’envoyer  ? Avec quelle fréquence
voudriez-vous le recevoir ?
R  : Nous ne voulons aucune information. Tout ce que nous
voulons c’est que vous notiez ce que vous ressentez pendant la
méditation et les changements que vous percevez un peu plus
tard en vous (pendant la journée ou pendant une période, vous
voyez, une semaine ou autre).
Pour vous aider, reportez-vous s’il vous plaît à l’Autobiographie
du Maître - Volume I. Rien n’y est superflu, et vous pourrez y lire
que le Maître a très souvent noté « Aucun changement à noter ».
Un jour, je Lui ai demandé, je Lui ai écrit et Lui ai dit : « Pourquoi
me demandez-vous d’écrire cela : « Aucun changement ». « Aucun
changement à noter », jour après jour ? «  Vous voyez cela me
semblait du gaspillage de papier. Mais Il me répondit en disant :
« Cela montre que je me suis observé moi-même ».
Et c’est une chose très juste. Car bien souvent, nous savons
qu’il y a des changements en nous, mais nous ne les observons
pas. Donc, c’est la nécessité de nous observer nous-mêmes, qui
est la plus importante dans le fait de tenir un journal. Si vous le
souhaitez, vous pouvez me l’envoyer une fois par mois. Beaucoup
le font, mais s’il vous plaît, photocopiez-le avant de me l’envoyer,
ne m’envoyez pas l’original. Vous pouvez aussi le dactylographier,
je n’y vois aucun inconvénient.
Q : Il me semble parfois ressentir une émotion intense pendant
la méditation, j’ai envie de pleurer et je me sens déprimé. Quelle
peut en être la raison et que devrais-je faire ?
R  : L’émotion apparaît généralement au début de la vie
d’abhyasi. Il est très fréquent qu’au cours de la première ou
de la seconde année de nos abhyas, il y ait très souvent des
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 198

bouffées d’émotions intenses. Babuji me disait que c’est à cause


de la reconnaissance envers le Maître, à un niveau intérieur de
l’existence et comme ce n’est pas une chose consciente, le coeur
l’exprime de la seule façon qu’il puisse le faire, par des larmes.
Mais si cela continue plus tard dans nos abhyas, ce n’est pas
une chose souhaitable. L’émotion n’est pas souhaitable pour la
vie spirituelle. Babuji faisait très nettement la distinction entre
les émotions et les sentiments. Les sentiments sont essentiels.
Les émotions sont susceptibles de nuire à notre évolution
spirituelle. Souvent cela devient une habitude, l’émotion devient
une habitude et cela devrait être évité. C’est tout.
Q : Le moment pour la méditation est-il celui juste avant l’aube,
ou bien parlez-vous d’un autre moment ?
R  : Avant le lever du soleil. Cela peut varier suivant votre
latitude. De 2 heures à 4 heures, c’est ce que disait le Maître.
Parfois les gens me demandent  : «  Que pouvons-nous faire, si
nous sommes dans l’Arctique, où il y a 6 mois de jour et 6 mois
de nuit ? «  Bien sûr, pour les situations extrêmes, il n’y a pas de
réponse. C’est comme pour manger, là-bas aussi nous mangeons,
même si c’est toujours le jour, n’est-ce pas ? Donc nous suivons
l’heure et méditons toujours entre 2 heures et 4 heures du matin.
Q : Si nous méditons entre 2 h. et 4h. du matin, devons-nous
rester éveillés, ou retourner dormir ?
R : Vous pouvez faire les deux, mais si vous vous rendormez,
vous devrez refaire la méditation du matin. (rires)
Q : Quelle est la différence entre le salut et la libération ? Quelle
est l’étape après la libération ?
R  : Babuji a dit que le salut est une pause entre deux vies,
tout comme la libération signifie qu’il n’y a plus de retour à la
vie physique. Et quelle est l’étape après la libération  ? Si nous
atteignons seulement la libération, nous devons renaître dans
des sphères plus hautes d’existence, avec la différence que là,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 199

l’évolution est automatique. Nous continuons à évoluer parce


qu’il n’y a aucune formation de samskaras sans vie physique.
Mais cela peut continuer et continuer, voyez-vous.
Il y a trois étapes reconnues dans le Sahaj Marg. La libération
est la plus basse (en réalité, Babuji l’a définie comme un jouet
dans les mains d’un saint). Puis vient l’étape de la réalisation, et
l’étape finale qui est la fusion avec l’Infini - ce que nous appelons
layavastha. Je pense qu’elles sont bien définies dans « La Réalité
à l’aube » du Maître.
Q  : Pouvons-nous méditer sur la forme du Maître, même si
nous n’avons pas vu le Maître lorsqu’Il était en vie ?
R : La méditation sur la forme du Maître est censée commencer
seulement lorsque la forme apparaît spontanément devant nous,
et cela doit être naturel. Si vous tentez avec force de faire surgir
cette forme en vous pour la méditation, c’est artificiel.
Bien sûr Babuji a commencé à méditer sur la forme de son
Maître dès le premier jour. Mais Il a aussi écrit que c’était pour
Lui seul. Pour les autres, comme nous, nous devons attendre que
notre dévotion pour le Maître soit si grande, que notre amour
pour Lui soit si grand, que lorsque nous cherchons la lumière dans
notre coeur, nous Le voyons là. En ce qui concerne la seconde
partie de la question, le Maître Lui-même a écrit que nous ne
pouvons pas méditer sur quelqu’un avec lequel nous n’avons pas
été - comment dirais-je - dans la vie physique. Et le besoin d’un
Maître vivant est souligné dans La Voix de la Réalité.
Q  : J’ai senti pendant la méditation que mes liens avec mes
enfants avaient été coupés et c’était acceptable pour moi. Mais
plus tard, j’ai senti que les liens avec mon Maître étaient coupés
et je me suis demandé comment cela était possible.
R : Peut-être que ce ne sont que des projections de votre mental.
Bien sûr, il est possible que notre lien avec le Maître puisse être
coupé. Mais il est important de se souvenir que jamais le Maître
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 200

ne le coupe. L’abhyasi peut le couper et cela, c’est sa bénédiction,


voyez-vous.
De ce fait, nous devons être très prudents dans notre façon
de traiter notre association avec le Maître. Je me souviens de
quelqu’un qui alla un jour trouver Babuji, très en colère. Il avait
tant de malheurs, ses enfants mouraient, tant de choses voyez-
vous, et il était assez en colère pour dire au Maître : « Si vous ne
rectifiez pas la situation, je vais être obligé de changer de Guru ».
Et Babuji avec son habituelle humilité dit : « Si je peux trouver
quelqu’un qui soit meilleur que moi, je vous recommanderai à lui
personnellement ». Après qu’il soit parti, Il était très triste. Il dit :
« Vous savez, de la bouche d’un être humain, de la bouche d’un
abhyasi, de tels mots ne devraient jamais venir. Parce que même
les mots peuvent avoir un effet destructeur sur le lien ».
Je pense que dans votre cas, il y a peut-être la peur que les
liens soient coupés. Soyez assuré que le Maître ne peut pas les
couper. Sauf dans des cas extrêmes, et ils sont très rares. Voyez,
le Maître ne vient pas à nous pour couper des liens, Il vient pour
en créer. Couperiez-vous les liens avec vos enfants ?
Et vous avez lu, je pense, l’exemple que j’ai relaté dans Mon
Maître, où un abhyasi ne faisait aucun progrès malgré les plus
grands efforts du Maître. Donc un jour, Il se demanda comment
cela était possible et se décida à examiner la précédente existence
de l’abhyasi. Et là, il vit que cet abhyasi avait été une femme. C’était
également une femme dans cette existence-ci. Elle avait plusieurs
enfants, et étant très intéressée par l’évolution spirituelle, elle
amena ses enfants au bord d’une rivière et les abandonna ; ils se
mirent à gémir et à crier, et cela créa en elle une impression si
profonde qu’elle l’empêchait de progresser dans cette existence-
ci.
Donc vous voyez, nous jouons avec le feu à chaque fois que
nous créons une impression. Parce que les gens demandent
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 201

souvent : « Que peut bien faire une prise de drogue, ou ceci, ou


cela ? Qu’est-ce que cela peut faire ? Quel mal cela peut-il faire ?
«  Et voilà le mal que cela peut faire. Une seule expérience forte
peut nous hanter, d’existence en existence, pendant plusieurs
vies. Donc, particulièrement ici en Occident, les gens doivent
s’en souvenir, voyez-vous, car ici nous sommes à la recherche
d’expériences intenses - pas seulement d’expériences - mais
d’expériences intenses. Ne comprenant pas que plus c’est intense,
plus profonde sera la grossièreté, plus solide aussi, et cela va nous
harceler vie après vie, nous poursuivre vie après vie.
Q  : Comment comprendre les sentiments qui sont en nous,
qu’ils soient bons ou mauvais ?
R : Eh bien, c’est pour cela qu’il y a la conscience. Nous savons
toujours si c’est juste ou faux. Je peux ignorer si j’ai donné une
bonne réponse dans mon devoir de mathématiques.
Q : (Inaudible)
R : Qui peut juger qui est coupable ? Il vaut mieux penser que
c’est une erreur et ne pas le faire, plutôt que de penser que ce n’en
est pas une, la faire et souffrir. Dans le doute, abstiens-toi. Telle
est la loi. C’est ma réponse. Vous voyez, lorsqu’il y a un élément de
doute, c’est en soi la réponse qu’il y a quelque chose de mauvais.
Que voulez- vous de plus ?
Donc nous disons : « Laissez le bénéfice du doute au diable ».
Ma formule-type est : dans le doute, abstiens-toi.

Porte ouverte
4 octobre 1986

Je désirerais simplement faire quelques remarques pour


développer ce que notre frère Don Sabourin a dit au sujet du Sahaj
Marg. Certaines pensées me sont venues pendant la méditation
et j’ai pensé que peut-être elles serviraient à rendre ce que nous
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 202

faisons ici plus compréhensible et plus acceptable. La pensée


me vint que lorsqu’un enfant naît, il vient dans ce monde, et vit
alors ce que nous appelons la «  vie  » -avec tous les espoirs et
les aspirations qui en font partie, aussi bien ceux de nos parents
que les nôtres, ceux de la société et de nos pays. Tout le monde
semble attendre quelque chose de nous, indépendamment de
ce que nous attendons pour nous-mêmes. Donc, d’une certaine
manière, cela gouverne notre vie, notre façon de la mener. Et à
la fin, il semble que nous disparaissions simplement en laissant
tout derrière nous. Il ne semble pas que nous emmenions quoi
que ce soit avec nous.
Alors, je me suis demandé : « Qu’est-ce qui vient et qu’est-ce
qui part ? «  Nous disons « la vie ». Pendant la méditation, j’ai
eu cette pensée : « Si la vie vient et s’en va, qu’est-ce qui évolue ?
«  Car nous avons une citation célèbre dans la Bhagavad-gita,
qui fait partie de notre culture hindoue : « Ce tout est partie de
l’Ultime ». Et étant cette partie de l’Ultime, il prend les qualités,
ou les non-qualités de l’Ultime, de toutes les manières. Cela d’une
manière grandiose, ceci d’une manière minuscule, atomique.
Et la citation continue en disant que l’âme ne peut pas souffrir,
qu’elle ne peut naître,ni par conséquent mourir. Elle ne peut pas
non plus être mouillée par l’eau, séchée par le soleil ou brûlée par
le feu- tout cela dit la citation.
Je me suis souvent demandé : « Si la vie va et vient, qu’est-ce
donc qui évolue  ? Parce que nous parlons d’une vie évolutive.
La vie évolue. En Occident, on entend parler de l’évolution
de la vie partir de ce qu’ils appellent le «  limon  » originel des
océans, au commencement des temps, qui a évolué en une sorte
de vie aquatique, de vie des océans. Puis les jambes poussèrent,
grimpant sur les rives, devenant une vie partiellement amphibie,
et traversant tous les cycles pour terminer avec les reptiles, les
singes et les vertébrés, et pour devenir ce que nous sommes
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 203

aujourd’hui, nous les êtres humains. Or, est-ce seulement la


forme qui évolue  ? Est-ce comme un morceau d’argile que le
potier peut mettre en boule pour son fils, puis remodeler en le
mouillant ? Comme la pâte à modeler que nous utilisions quand
nous étions enfants. Nous pouvions lui donner la forme que nous
voulions. Mais ce n’est qu’une évolution de la forme. Donc, d’un
côté nous avons ce concept de l’âme éternelle, qui ne naît ni ne
meurt jamais  ; l’âme est, en elle-même, Divine. Qu’est-ce que
cette évolution alors ? Ceci me tracassait beaucoup avant même
de rencontrer mon Maître. Parce que j’avais un mental un peu
fou, comme disait mon père, je pensais à des choses inutiles. En
Inde, nous appelons la philosophie un sujet auquel ne pensent
que les gens qui n’ont rien d’autre à penser (rires). Donc, elle
est souvent associée à un peu de folie et à beaucoup d’oisiveté.
Elle est par conséquent une aire de jeu pour les riches. Les gens
pauvres doivent travailler pour gagner leur argent, ils ne peuvent
se permettre de philosopher. Mais cette question restait dans
mon esprit. A cette époque, j’apprenais à jouer de la flûte. Un
jour, alors que je revenais d’un cours de flûte, un homme réputé
pour son interprétation des textes religieux et philosophiques,
faisait un discours sur la Bhagavad-gita. C’est là que j’entendis
ce que je viens juste de vous dire, que l’âme ne naît jamais, ne
meurt jamais, et tout ce que je pensais être du bla-bla-bla. Mais
cela me fit réfléchir, aussi achetai-je un exemplaire de la Gîta.
Sa lecture ne me rendit pas plus savant. Car si je viens en étant
parfait, en tant qu’âme s’entend, et que je m’en vais parfait, en tant
qu’âme, que signifie tout ceci ? Cette idée d’évolution, cette idée
de croissance, cette idée d’aspirer à ce que nous ne sommes pas,
voici le fondement de toutes nos traditions en Inde, la tradition
védique, la tradition de la Gîta, les Upanishads. Cela semblait être
une sorte d’énigme ; d’un côté nous sommes parfaits, de l’autre
nous devons évoluer vers la perfection. Tout cela demeurait sans
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 204

solution et ma perplexité augmentait. Car ne nous dit-on pas


que dans la vie certains sont des pécheurs, d’autres des saints,
certains réussissent, d’autres échouent  ? Tout ceci s’accentua
encore de mystérieuse manière, par la lecture d’une nouvelle
d’Herman Hesse, intitulée SIDDARTHA. Elle est basée sur le
bouddhisme, ce qu’il savait du bouddhisme. C’est l’histoire d’un
garçon qui étant né dans une famille de brahmanes était élevé
dans les plus nobles traditions et pratiquait toutes sortes de
rituels religieux. Il était la fierté de sa famille, la fierté de son
petit groupe social établi au bord de la rivière et il était destiné à
devenir prêtre, la vocation la plus élevée pour un être humain à
cette époque. Puis, un jour, une idée folle entra dans la tête de ce
garçon. Des ascètes étant venus dans la forêt où ils pratiquaient
leurs rituels, il partit tout simplement avec eux. D’une certaine
manière, il était impressionné. Il abandonna son brahmanisme,
sa famille, son avenir. Il rejeta tout pour partir dans les jungles,
vivre comme un animal pendant 15 ou 16 ans. Seulement les
choses essentielles : rien pour se vêtir, rien à manger à l’exception
de ce qu’il pouvait ramasser dans la jungle dans les conditions
d’ascèse les plus déshumanisantes, dirons-nous. Puis un jour,
il croise le Bouddha. Il n’est pas impressionné. Il abandonne
alors ses pratiques ascétiques car d’une certaine manière, elles
ne semblent pas lui avoir rien apporté, pas d’accomplissement.
Puis, alors qu’il se repose devant les grilles d’un grand jardin,
dans un bosquet, il est attiré par une belle jeune fille, portée sur
un palanquin qui entre dans le jardin. Il y pénètre aussi avec ses
cheveux poussiéreux et emmêlés, son corps d’ascète, tout en os,
pas agréable à regarder, et il s’approche de la jeune fille. Elle dit :
« Vous et moi ? N’y songez pas. Je suis le jouet des riches et des
puissants. Si vous voulez être avec moi, devenez comme cela
d’abord, puis revenez ». Il lui demande comment il peut y arriver.
Elle lui dit : « Allez chez Untel, c’est un de mes bienfaiteurs. Il
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 205

vous aidera ». Le nom de la jeune fille était Kamala. Ainsi, elle


lui indique où aller. Il y va, se présente et devient apprenti. Et,
grâce à son esprit sans passion, ni de cette manière, ni de celle-
là, s’il doit faire quelque chose, il le fait parfaitement. Il devient
aussi riche que son patron en un temps record. Il revient alors
trouver Kamala et devient son amant. Ils ont un enfant. Il passe
par tout cela vous voyez. Il a eu une éducation de brahmane, une
vie ascétique pendant 15 ou 16 ans, et plusieurs années de plaisir
avec la plus belle courtisane dans la plus grande richesse dont il
puisse rêver. Son secret était de ne jamais se soucier de gagner
ou de perdre de l’argent. Il apprit ceci de son travail ; vous êtes
un idiot si vous pensez à gagner de l’argent. Au moment où vous
pensez à gagner de l’argent, vous en perdez, car votre problème
surgit quand vous voulez quelque chose. Mais ceci n’est pas la
sagesse qu’il souhaite. Il veut savoir ce qu’il advient du Soi. Son
père lui avait dit tout ce que je vous ai raconté. Alors finalement,
il quitte Kamala. Un jour, il regarde dans une rivière, et là, il
se voit. Son visage grossier, animal. Il est devenu comme cela,
transformé. Il est écoeuré de lui-même et s’évanouit. Quelqu’un
arrive et éprouve de la compassion pour lui. Un passeur arrive et
l’emmène sur son bateau, puis dans sa hutte. Et là, il est dit que
cet homme lui donne un enseignement par l’observation patiente
de la rivière. La rivière apprend à parler ou plutôt il apprend à
entendre ce que dit la rivière. Et il est dit dans ce livre qu’il reçoit
la réponse à son attente le jour où il entend le « OM ». Et lorsqu’il
va dire au vieux passeur ce qu’il avait entendu, le vieil homme lui
dit : « Oui » et disparait. C’était un Maître.
Donc, mêmes ces histoires sont confuses. Qu’apprit-
il réellement  ? Il apprit que le Brahmanisme avait échoué,
que les pratiques ascétiques avaient échoué. Il apprit qu’être
multimillionnaire n’amène pas le succès et que les bras de la plus
belle des courtisanes ne lui faisaient aucun bien. Il a eu la nausée
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 206

de lui-même, est allé chez un passeur de gué, a conduit le bateau


de long en large sur la rivière, pour finalement entendre quelque
chose de la rivière, et voilà tout.
Puis nous avons cette histoire célèbre des Upanishads, appelée
Kathopanishad. Un jeune garçon de 8 ans réussit à atteindre la
demeure de la mort, le Dieu de la Mort. On le fait attendre 3
jours parce que le Seigneur de la Mort est absent. A son retour,
le Seigneur de la Mort lui dit : « Tu dois avoir une faveur pour
chaque jour d’attente. Demande-moi ce que tu veux ».
Les deux premières demandes sont plutôt insignifiantes. La
troisième est : « Qu’y a-t-il au-delà de la mort ? «  Yama lui dit : « Tu
es un jeune garçon. Demande des choses qui correspondent à ton
âge. Demande des choses agréables, des choses divertissantes,
de la connaissance. Je te donnerai ce que tu voudras ». Le garçon
lui dit : « Non, c’est ce que je veux savoir. Vous êtes le Seigneur
de la Mort. Vous devriez savoir ce qu’il y a au-delà ». Le Seigneur
de la Mort dit : « Mon fils, ne demande pas ces choses. Ce sont
des mystères qui sont au-delà même de la compréhension des
dieux. Les grands Rishis qui ont fait « Tapasya » ainsi que nous
l’appelons, « askasik », ne savent même pas. Alors que feras- tu
de cette connaissance ? «  Le garçon dit : « S’ils ne savent pas, si
même les dieux ne le savent pas, ce sont autant de raisons pour
que je le sache. Je ne m’en irai pas avant que vous ne me l’ayez
dit ». Alors le seigneur essaya de soudoyer le jeune garçon : « Je
te donnerai dix mille années à vivre et dix mille petits fils qui
vivront chacun dix mille ans, et toutes les belles femmes des
cieux, tout ce que tu veux, des richesses immenses ».
Le garçon demanda à Yama : « Dis-moi une chose : « Après ces
dix mille ou cent mille ou deux cent mille années que je peux te
demander et que tu es sûr de me donner, n’aurai-je pas à revenir
te voir pour aller au-delà  ? «  Yama répondit que oui. «  Alors,
pourquoi devrais-je attendre toutes ces années  ? Dis-le moi
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 207

maintenant. Je veux savoir maintenant ». C’est très malin et le


texte s’arrête là. Malheureusement le texte en reste là. Il ne dit
pas ce qui arrive après cela. (rires).
Donc, vous voyez pourquoi je vous dis tout cela : que ce soit
des livres traditionnels, des romans basés sur les traditions, ou
des parties même des Védas, tous vous mènent jusqu’à un certain
point, puis vous laissent tomber comme une brique. Donc, la voie
de l’expérience comme celle de la connaissance échoue.
Et la question demeure sans réponse. Qu’étais-je lorsque je
suis venu, que serai-je quand je partirai  ? Et si les deux sont
semblables, pourquoi devrais-je avoir une approche évolutive de
cette existence ? Cette sorte de question est posée par la plupart
des hommes. On ne peut estimer le besoin de l’éducation, le
besoin de l’éthique, des valeurs morales, tout s’écroule. Car si
indépendamment de ce que je fais, je dois partir comme je suis
venu, pur, divin, un amsha du Divin, une partie du Divin, alors à
quoi rime cette vie ? Cela signifierait que la vie elle-même est une
expérience dépourvue de sens. Pourquoi vivons-nous ici ?
J’amenai toutes ces choses à mon Maître que je rencontrai par
hasard en 1964. C’était un pur hasard. Mais cela allait amener
un profond changement dans ma vie et lui donner un sens et
répondre à bien des questions que je m’étais posé toute ma vie,
parce qu’Il ne dissimulait pas les réponses aux questions, car Il
n’avait pas de réponses. Il disait : « Mon cher garçon, on ne peut
répondre à ces questions ». Je disais : « Que voulez- vous dire ?
Vous êtes en train de dire ce que les Védas et les Upanishads
ont dit ». « Non, il y a une différence. Je ne peux vous donner
la réponse, mais je peux vous montrer la condition de ce que
vous devez devenir, et n’êtes pas encore, si vous êtes disposé à
pratiquer ce que nous pratiquons ».
La première et la plus vitale des différences d’approche, quand
nous venons à un Maître spirituel, est que nous ne venons pas
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 208

pour savoir, mais pour ressentir. Le savoir n’a aucune place dans
une organisation spirituelle ou une aventure spirituelle comme
la nôtre. Quand les gens viennent pour savoir ce qu’est Dieu, ils
repartent déçus. Dieu ne peut pas être «  su  ». Il n’a ni forme,
ni nom, ni attributs et personne ne sait où Il demeure. Il est dit
qu’Il est partout et nulle part, qu’Il est plus petit que le plus petit
et plus grand que le plus grand, qu’Il n’a pas de qualités et que
cependant toute chose émane de lui. Il n’a même pas de force,
mais toute la force vient de lui. Il est dans Sa création et hors de
Sa création, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. « Comment
pourrions-nous connaître une telle chose  ? «  C’est comme si
nous disions  : «  Donnez-moi deux dollars de bonheur. Faites-
moi un paquet-cadeau ». Vous pouvez envelopper un objet, mais
pas le bonheur. L’objet peut procurer du bonheur, mais aussi une
déception. Cela dépend de qui le reçoit.
Ainsi, nous en arrivons à cette partie fondamentale de -sagesse-,
dirais-je plutôt que connaissance, que Dieu ne peut être connu.
Mon Maître dit qu’Il peut être expérimenté. L’expérience est la
seule manière de se rendre compte de ce qu’est la divinité. La
première chose que j’ai apprise, est qu’il ne faut pas chercher la
sagesse divine ou la sagesse à propos du Divin dans les livres. Alors
je lui ai demandé comment il fallait faire. C’est là que commence
l’histoire que Don Sabourin vous a racontée, comment nous nous
sommes assis et avons médité. J’étais heureux. J’ai dit à Babuji :
«  Oui, je suis d’accord avec tout cela. Mais qu’en est-il de ma
première question ? Si l’âme est pure quand j’arrive, comme le
disent les livres, et si à ma mort seule mon âme s’en va, laissant
tout le reste - nous le voyons bien par nous-mêmes - alors que
faites-vous entre mon apparition et ma disparition de ce lieu ?
Il me dit  : «  Mon fils  ». Il avait beaucoup de compassion
parce que c’était une démolition totale de la structure de pureté
que nous nous étions construits. J’étais pur, je suis pur, je
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 209

continuerai à être pur éternellement. Il dit  : «  Non, il y a une


grande différence. Les Védas n’ont pas tout dit ». Ce fut un sacré
choc, car voyez-vous, je suis brahmane, et nous jurons par les
Védas, si une telle chose est possible. Alors entendre dire que
les Védas n’avaient pas tout dit... a été un choc. Je lui demandai
donc ce qu’il entendait par : « Les Védas n’ont pas tout dit.. ».
Il me répondit : « Avant les Védas, Dieu existait aussi. Avant les
Védas, les gens devaient aussi aspirer à atteindre cette condition
divine que vous essayez de découvrir maintenant. Donc les Védas
ne sont pas le «  Tout  » et la «  Fin  » de l’existence spirituelle.
Elles sont l’expérience des rishis qui les ont écrites. Et il se peut
qu’à notre époque, d’autres rishis écrivent leurs expériences  ».
Alors je lui dis  : «  Mais alors, cette question fondamentale...  ?
«  Il répondit  : «  C’est précisément le problème. Ils n’ont pas
fait l’expérience que, bien que l’âme ait été pure, d’une manière
imperceptible, la première fois qu’elle sortit de la Source Divine,
nous l’appelons la Source ou le Centre, elle commença à former
ce que nous appelons les samskaras ».
C’était la première explication que je recevais : une chose qui
est pure à l’origine, que les religions prétendent toujours pure,
éternellement pure car étant partie du Divin, pouvait cependant
se recouvrir de quelque chose que nous appelons la grossièreté et
qui la fait revenir dans cette vie, dans des formes, des situations
et des environnements différents, et elle doit traverser tout cela
et tenter de se dépouiller de ce qu’elle a amené avec elle pour
conserver sa pureté originelle avant de pouvoir être libérée.
Ceci est donc un des fameux ou plutôt un des concepts les plus
révolutionnaires du Sahaj Marg, que nous ne rencontrons nulle
part ailleurs, et qui est cette idée de grossièreté qui explique d’un
trait pourquoi une personne est ce qu’elle est.
C’est une chose bien connue que nous ne sommes pas forcément
ce que nous sommes, parce que nous voulons être cela. Si nous
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 210

pouvions être ce que nous voulons, aucun d’entre nous ne serait ce


qu’il est. C’est précisément parce que nous ne pouvons pas l’être
que nous continuons à être ce que nous sommes. Ce n’est pas
une énigme. C’est un très... je n’arrive pas à trouver les mots pour
présenter cela de manière séquentielle. Si je pouvais être ce que
je pourrais être, alors je serais Cela n’est-ce-pas ? Aucun criminel
ne désire continuer à être un criminel. Aucun fou dangereux ne
veut être un fou dangereux. Les gens demandent  : «  Pourquoi
est-il riche, alors qu’il fait tant de mal, et que moi qui suis un
homme bon et gentil, je suis pauvre et malade ? « . L’Hindouisme
répond : « Karma ». Les autres religions disent beaucoup choses
de cette sorte : « Oeil pour oeil, dent pour dent » etc. Mais cela
n’explique pas, alors que le Karma, oui. Vous avez fait quelque
chose, donc la loi de la rétribution s’applique. Mais on peut se
poser la question  : «  Qui rétribue  ? «  Toutes les philosophies
ou les systèmes religieux impliquent la présence d’une déité
dispensant des jugements, tu seras puni, tu seras récompensé.
Le Sahaj Marg se démarque fondamentalement de ce concept.
Dieu n’est pas un juge, Dieu ne juge jamais. D’abord, il n’a pas
suffisamment de temps pour juger. Supposez que vous ayez,
disons dix mille personnes sous votre responsabilité, où trouvez-
vous la capacité de juger les actions de chacun et de distribuer
au compte-gouttes récompenses et punitions ? Bien sûr, certains
théologiens diront : « Mais mon fils, Dieu a des pouvoirs infinis, des
capacités infinies ». Mais ce n’est qu’une extension dans l’espace.
L’idée d’infinité appliquée aux pouvoirs, n’est qu’une extension.
Comme notre idée de la vie éternelle est une extension du temps
à l’infini. La plupart d’entre nous pensent comme cela. Mais mon
Maître dit que ce que nous avons pensé, ce que nous avons fait
jusqu’à maintenant, crée ce qu’Il appelle des «  impressions  »
sur notre mental, qui, lorsqu’elles se solidifient, deviennent des
« samskaras ». C’est comme un petit ruisseau qui suit toujours le
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 211

même cours, le creusant de plus en plus profondément, jusqu’à


ce qu’il devienne une rivière. Dès lors, chaque fois qu’il pleut,
l’eau suit ce cours. Elle n’a pas le choix. Elle s’est creusée son
propre tombeau, que nous appelons le lit de la rivière. Ainsi nous
formons aussi des tendances.
Nous devons changer ces tendances. Et qui va les changer pour
nous ? Pas Dieu, parce qu’il n’y a pas de Dieu dispensateur que
nous pourrions prier et qui nous enverrait Son émissaire, aussi
merveilleux que ce concept puisse paraître. Mon Maître dit que ce
doit être un être humain ayant subi lui-même tous ces problèmes,
et qui, ayant par la grâce de son propre Maître atteint la maîtrise,
est donc capable d’aider les autres. Nous avons besoin d’une aide
extérieure. Mais cette idée de recherche d’une aide extérieure
a été et continue à être un concept qui répugne de nombreuses
personnes parce que nous sommes tous dotés de beaucoup de
fierté. « J’ai été quelqu’un, je suis quelqu’un. Je me suis fait moi-
même. Pourquoi devrais-je aller trouver quelqu’un pour cette
chose apparemment insignifiante ? «  Ainsi, c’est un concept très
difficile à accepter.
Mais si nous prenons des exemples en physique, par exemple,
l’eau ; à la surface, il y a toujours une évaporation. Les molécules
s’élèvent, retombent, remontent, retombent. Si par chance il y a
une brise, les molécules en suspension dans l’air sont dispersées.
Le reste demeure là. Avec les fusées, vous avez le concept de
vitesse de libération dont nous avons besoin pour pouvoir quitter
la terre. Vous avez besoin d’une source d’énergie extérieure pour
vous propulser jusqu’à cette vitesse. Alors la gravitation terrestre
n’a plus de pouvoir sur vous. Elle ne peut vous ramener en arrière.
Sinon, lorsque vous jetez une pierre, elle retombe. Si vous sautez,
vous retombez. C’est ce que Newton a observé en regardant la
pomme tomber.
Donc ici, la nature joue le rôle d’un guide. Quand un vent
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 212

souffle, l’eau est emportée. C’est pourquoi le linge sèche plus


facilement quand il y a du vent. Une fois, j’ai demandé à un
garçon qui voulait obtenir un emploi de physicien comment le
linge séchait. Il m’a répondu que l’eau séchait. Je lui ai dit que
j’avais entendu dire que l’eau mouillait, pas qu’elle séchait. « Non,
non je veux dire qu’elle s’évapore  ». Je lui demandai de quelle
manière. Il ne connaissait pas les notions fondamentales, il ne
savait pas qu’il faut un apport d’énergie pour enlever l’eau et que
cet apport est fourni par le soleil lorsqu’on étend le linge dehors.
Avec les pratiques modernes, on fait tourner le linge pour créer
une force artificielle qui expulse l’eau. Donc, une force extérieure
est nécessaire et c’est peut être parce qu’il me restait quelques
rudiments d’éducation scientifique que cela me fut facile à
accepter. Mais le mystère est que lorsque je vins pour la première
fois en Europe avec mon Maître, ce furent les scientifiques les
plus difficiles à convaincre parce que, disaient-ils : « La science
même est un royaume divin et il y a un Dieu de la Science qui
n’est pas celui de la religion ». Et qui est ce Dieu ? Peut-être un
prix Nobel, personne ne sait.
Donc nous devons apprendre peu à peu. Ce n’est pas comme
si nous allions assister à une conférence et qu’on déploie tout
devant nous en une vue panoramique et que nous disions  :
« Ah, c’est cela, laissez-moi le faire ». Petit à petit. Mon Maître
avait pour habitude de dire que c’était comme de nourrir des
enfants. Vous augmentez progressivement les quantités selon
leur capacité à absorber et à digérer. Vous devez suivre leur
capacité. De même, lorsqu’un étudiant arrive aux pieds de son
Maître, ce n’est pas un «  ange-philosophique -tout- fait  » qui
peut absorber intellectuellement tout ce que son Maître dit, et
qui, étant spirituellement déjà un ange, n’a besoin d’aucune aide.
C’est un être humain, avec tous ses points faibles, ses préjugés,
ses conceptions erronées et ses incapacités à accepter.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 213

L’enseignement d’un Maître est toujours graduel. A l’école on


les appelle les degrés. Ce doit être une organisation progressive,
séquentielle. C’est ce qui se passe dans le domaine spirituel,
ainsi, ne peut-on pas, même si on le veut, connaître toutes les
réponses en un sitting. Mon Maître nous mettait toujours en
garde  : «  Cherchez celui en qui vous pouvez avoir foi dès le
premier instant et s’il détruit cette foi, quittez cet endroit ». C’est
comme de grimper un escalier. Une marche après l’autre. Et c’est
pourquoi et comment j’ai appris de mon Maître ce que je sais de la
spiritualité. Des choses qu’aucune littérature religieuse ne m’avait
enseigné auparavant. Parce que dans ce domaine, j’ai beaucoup
lu  : sur le Judaïsme, le Christianisme, l’Islam, le Bouddhisme,
les sphères de la pensée chinoise, la pensée philosophique, tant
de choses. Toutes étaient des voies sans issue. Elles donnaient
toutes de belles descriptions, étaient joliment éditées, écrites sur
du beau papier etc. Chères bien sûr. Mais quand vous en arriviez
au point où vous attendiez une révélation, c’était la dernière page
et rien n’était dit.
Ceci est mon expérience. Aussi longtemps que j’ai suivi la voie
de la connaissance et que je l’ai cherchée dans les livres ou auprès
des philosophes -nous en avons rencontré beaucoup- à la fin, j’ai
toujours obtenu la même réponse : « Mais, mon cher ami, nous
ne pouvons pas aller au-delà de cela ». Ils ne disaient pas : « Je ne
connais pas au-delà, ou je n’y suis pas arrivé moi-même ». C’est
une très grande difficulté pour quelqu’un qui se considère comme
un intellectuel ou un philosophe, de dire qu’il ne connaît pas les
réponses. En conséquence, ils souffrent. Mais nous ne sommes
pas des philosophes, nous aspirons à devenir des étudiants en
spiritualité. Alors, nous avons la patience d’écouter, d’absorber
petit à petit et de dire : « Eh bien, j’étais pur et non-pur d’une
certaine manière ».
Et un jour, j’eus cette brillante idée, comme dit mon Maître.
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Un enfant posait une question : « Quelle est la différence entre


Dieu et l’Homme ? Parce que vous dites que vous êtes une partie
du Divin. Dieu vous a fait à son image ». Mon Maître répondit :
« Pense » et Il me donna un sitting. J’obtins pour réponse que
c’est comme la vapeur d’eau, l’eau et la glace ; l’une est totalement
libre, elle peut faire ce qu’elle a envie de faire : elle peut au choix
flotter alentour, se contracter ou se dilater. L’eau quand elle se
condense devient de l’eau, elle est plus limitée, elle peut couler
mais n’a pas la mobilité de la vapeur. Et si elle se condense
davantage, elle devient de la glace, un morceau de pierre qui n’a
aucune mobilité, qui est la forme la plus grossière. Mon Maître me
dit alors : « Ceci vous est révélé par la grâce de mon Maître. Cela
et ceci sont identiques en essence ». Tout ce que ceci a, est une
grossièreté de ses propriétés. Exposez le à la chaleur et il devient
cela. Mais c’est une drôle de coïncidence qu’en Inde, le mot pour
les pratiques yogiques soit «  tapas  », du sanskrit «  tapa  » qui
signifie chaleur -exposez à la chaleur-. Quelle est cette chaleur à
laquelle nous nous exposons ? «  La chaleur de l’amour pour la
Divinité. C’est donc en fin de compte l’amour pour la Divinité qui
est nous- mêmes.
C’est comme un fils qui désire rentrer à la maison. Quand cet
énorme désir du coeur apparaît, le désir d’être de retour au Foyer,
il se précipite. Et la mère va à sa rencontre. Elle ne pense pas à sa
saleté, à la poussière, à ses chaussures boueuses ou à ses savates.
Elle le serre dans ses bras. La spiritualité dit que c’est ainsi que vous
serez accueilli. Oubliez votre grossièreté. Si vous avez la Grâce de
votre Guru et si Son amour vient en vous, oubliez la connaissance,
oubliez la sagesse, oubliez même l’aspiration, ce qui semble être le
dernier stade. Si vous Le recherchez, avec l’amour dans le coeur,
non pas pour ce qu’Il est, ce qu’Il représente, ou ce qu’Il peut vous
donner, mais pour Lui seul, alors le miracle se produit : en un clin
d’oeil, vous passez de ce que vous êtes à ce qu’Il est, sans délai.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 215

Ceci est une idée de la pratique spirituelle que nous suivons


dans la grâce de mon Maître. La raison pour laquelle je vous ai
dit tout cela est bien sûr évidente. La religion n’est pas en jeu.
C’est au-delà de la religion. Comme je vous l’ai dit, il s’agit de ma
propre expérience. Aujourd’hui, je n’ai pas de religion, bien que
j’aie un esprit. J’espère ! Et la pratique est très simple. N’importe
qui peut la faire car elle n’est pas basée sur des rituels ou des
schémas d’existence rituels. Elle n’a rien à voir avec la culture.
N’importe quel être humain peut avoir le désir ardent de devenir
comme Celui qui était Son Père.
C’est essentiellement une manière de retourner là d’où nous
sommes venus. Et là je perds l’idée de l’évolution telle que je l’ai
apprise -que cela évolue. Evolution signifie changer en quelque
chose. Ici, il n’y a pas de changement. Comme mon Maître le
disait, c’est au contraire un non-devenir. Ce n’est pas un devenir,
mais un non-devenir. Jetant tout ce que nous avons accumulé
pendant des siècles innombrables, à travers différentes vies, nous
dépouillant de tout ce que nous avons accumulé. Et cela est ce
que nous devons devenir -cela. J’espère donc et particulièrement
pour nos visiteurs qui ne sont pas abhyasis de cette mission, que
ces quelques remarques dissiperont l’idée que cette voie est une
voie indienne ou d’origine hindoue. Elle n’est rien de la sorte.
Elle est totalement humaine dans son origine, Divine dans sa
conception et la pratique en est simple. Merci.

Discours de clôture
5 octobre 1986

Bon, je suppose qu’il faut clore, en un sens, ce que nous avons


commencé. J’avais espéré pouvoir dire quelque chose, mais ce
rusé Don me l’a dérobé (il rit - rire général).
Car une fois, il m’arriva d’être très ému alors que je quittais
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 216

Shahjahanpur, et j’eus l’insolence de dire au Maître que je ne


reviendrais pas Le voir. Il adopta alors l’un de Ses airs surpris
et me demanda pourquoi. Je lui dis que cela fendait tellement
le coeur quand on Le quittait, que je préférerais ne plus venir Le
voir. Alors, Il me dit : « Ne sois pas idiot, car lorsque tu viens et
que nous nous retrouvons, il y a bien sûr une joie d’union et du
bonheur, mais spirituellement, cela n’apporte rien. C’est quand
tu pars et que nous nous séparons que le désir ardent du coeur
crée l’amour qui est nécessaire à la croissance spirituelle ». Puis,
les yeux pleins de malice, Il me posa une question classique, Il
dit : « Comment pouvons-nous nous séparer si tu ne reviens de
nouveau ? «  (rires).
C’était donc l’histoire de ma vie. Nous séparant pour nous
retrouver de nouveau. Et, en un sens, c’est également une
définition de la vie. Nous ne nous rencontrons que pour nous
séparer, et ne nous séparons que pour nous rencontrer de
nouveau. Et si nous avons la bonne connexion spirituelle, ces
séparations et ces retrouvailles se poursuivent de vie en vie. Ne
pensons pas qu’il n’y a que dans cette vie que nous allons nous
rencontrer, nous séparer et recommencer, parce que je tiens
d’autorité de mon Maître, que Lui et moi avons été associés dans
deux vies au moins avant celle-ci. L’une, il y a au moins 4.500
ans ; et Il a dit : « Peut-être plus tôt également, avons-nous été
associés ». Mais c’est trop reculé dans la mémoire humaine pour
survivre. Ainsi, ceux d’entre vous qui ont étudié les lois du son, la
longueur d’onde, ce genre de choses (vous connaissez cette idée
de longueur d’onde) savent que nous pouvons avoir de petites
courbes se rencontrant très souvent, et les grandes courbes qui
se rencontrent peut-être une fois, deux fois, dix fois dans une
éternité. Mais rencontrons-nous, nous le devons.
Voici donc la promesse de la spiritualité  : même ceux qui
pensent s’en aller pour ne jamais plus se retrouver, n’ont pas le
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 217

choix comme l’a dit Gabi. Et je pense que c’est une bénédiction
car nous nous comportons très souvent comme des enfants,
fuyant la maison, menant une existence vagabonde, mais notre
père et notre mère ne nous oublient jamais. Autrefois, savez-
vous, quand un membre de la famille était hors de la maison, on
avait coutume de laisser brûler une bougie à l’une des fenêtres, de
façon à ce que le garçon ou la fille, en cas de rentrée tardive dans
la nuit, puisse voir le chemin grâce à la lumière, et en recevoir
une marque d’amour.
Or, c’est la miséricorde du Maître de laisser une lumière
semblable dans nos coeurs. A l’époque des chauffe-eaux à gaz dans
les salles de bains, vous avez vu qu’il y a une minuscule flamme
témoin, qui s’allume quand c’est nécessaire. Mais elle ne s’éteint
jamais. C’est ce que nous avons dans nos coeurs. Une étincelle de
divinité qui est là éternellement et, comme je le suggérais hier,
c’est ce morceau d’atome divin qui est en nous tous. Et c’est ce
que, par notre méditation, nous essayons d’activer en une grande
flamme, en un embrasement.
Imaginez comme cela doit être fort ! Car dans l’un des Vedas,
c’est décrit comme une flamme atomique. De vie en vie, nous
avons été incapables de l’éteindre J’oserai dire que beaucoup
d’entre nous ont beaucoup essayé, mais cela n’a pas réussi car, de
nature divine, elle a une existence éternelle. Et au fond, si nous
avons une quelconque utilité, c’est celle de la lampe qui contient
la flamme et lui permet de briller à l’intérieur. De même qu’une
lampe sans lumière à l’intérieur n’a ni raison ni besoin d’exister,
nous ne pourrions exister sans cette petite flamme dans nos
coeurs.
Je suggérerais donc qu’aussi longtemps que nous existons,
nous sommes des preuves vivantes de cette Divinité en nous.
Voici donc pourquoi, quand quelqu’un parlait de chercher Dieu,
le Maître disait : « On ne recherche jamais ce qui est présent, on
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 218

le trouve et on l’accepte ». Et où devrions-nous Le rechercher ?


En nous-mêmes. Voici une façon de définir la spiritualité.
Voyez vous, aussi longtemps que nous plaçons la vie hors de
nous, le Maître hors de nous, il y a ces moments de séparation
et de chagrin. Mais Il est là où Il a toujours été, éternité après
éternité, attendant d’être reconnu, de s’épanouir dans son
existence éternelle. Et je suis sûr que nous avons aussi vécu
cela de nombreuses fois ; mais, comme des enfants, nous nous
laissons distraire, et la flamme retombe à sa nature atomique, et
attend une autre occasion, tout comme une graine qui doit être
semée pour sortir de terre.
C’est une flamme que nous devons, en quelque sorte, épanouir
par notre dévotion spirituelle, notre pratique spirituelle. Et
l’idée, ou la reconnaissance de son existence dans chaque coeur,
est la base de l’amour universel du Maître. Parce qu’Il se voit
dans chaque coeur qu’Il voit, et comment peut-Il le rejeter  ?
Cela voudrait dire se rejeter Lui-même. D’où, l’idée d’amour
universel. Ce n’est pas que le Maître souhaite ou doive aimer.
C’est aussi humain qu’un être humain se regardant dans chaque
miroir devant lequel il ou elle passe. On peut le constater dans les
ascenseurs, les trains, chaque fois qu’il y a une glace.
Donc, en un sens, le Maître se voit Lui-même en chacun
d’entre nous et S’aime en nous. Mais Il voit qu’Il est emprisonné,
recouvert de saleté, et Il fait alors ce que chaque mère fait pour
son bébé - ce que Christine a si joliment dit hier - Il nous nettoie.
Non comme un devoir pesant qu’Il doit accomplir, mais de sorte
à se nettoyer Lui-même en nous. Voici donc le travail du Maître.
Et chaque fois que je vois des abhyasis remerciant le Maître, je
me sens un peu bête. Pourquoi devrions- nous Le remercier de
se faire quelque chose à Lui-même ? Voyez vous, au plus haut,
au point culminant de cette situation, de ce processus, se situe
ce jour merveilleux qu’Il attend, quelquefois à travers l’éternité,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 219

le jour où Il se voit, pleinement Lui-même, libre comme Il est, se


reflétant de toutes les façons possibles dans un autre coeur.
Voici donc le jour qu’un Maître attend, et quand poind ce jour
délicieusement merveilleux, c’est, bien sûr, le point culminant du
voyage spirituel de l’abhyasi. Mais c’est aussi un jour de plénitude
pour le Maître Lui-même. Parce que c’est le jour où Il se voit dans
quelqu’un d’autre.
Puissions-nous donc nous séparer, et nous rencontrer
éternellement. Cela n’a pas d’importance. Mais souvenons-nous
qu’un jour, quand nous nous rencontrerons de nouveau, il devra
y avoir cette miraculeuse expérience que nous faisons dans les
labyrinthes de glaces des foires  : le Maître se tient au Centre,
regarde tout autour de Lui, et se voit partout. Merci.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 220

III. Munich Allemagne


15 et 16 octobre 1986

Evolution
15 octobre 1986

J’aimerais faire quelques commentaires sur l’évolution, car j’ai


toujours été, non pas préoccupé par l’évolution - aucun individu
ne se préoccupe de l’évolution -, mais par l’idée d’évolution. Cela
m’a toujours fasciné de penser à un processus qui vous conduit
d’un endroit à un autre, processus que nous appelons évolution.
Bien sûr, il y a toutes ces théories sur l’évolution materielle,
l’évolution de la vie et l’évolution de l’esprit. Je pense que j’en
ai parlé récemment quelque part, en Angleterre peut-être, et je
voudrais répéter ici ces idées.
Dans notre tradition spirituelle orientale - ce n’est pas
seulement indien ou occidental - nous avons idée que l’âme est
éternellement une partie de la Divinité, du Divin, que ce qui
pénètre la vie c’est l’âme et que ce qui la quitte, c’est de nouveau
l’âme. Il y a longtemps lorsque je suis tombé sur cette idée, je fus
particulièrement déconcerté, car j’étais étudiant en biologie (pas
la biologie moléculaire, mais la biologie) et j’avais étudié un peu
Darwin et des choses dans ce genre. Pas de trop pour me rendre
sage, pas assez pour rester idiot, mais juste assez pour me plonger
dans la confusion. Cela a été mon expérience de l’instruction,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 221

qu’elle embrouille plus qu’elle ne nous apporte.


C’était pour moi une pensée qui prêtait beaucoup à confusion ;
si l’âme entre dans la vie, si l’âme s’en va et si elle est toujours
une partie du Divin (une partie cela signifie une étincelle, un
morceau, tout comme un éclat d’or est encore de l’or, un morceau
de poisson est encore du poisson) comment donc l’âme pouvait-
elle évoluer  ? C’était ma première question. Qu’est-ce que
l’évolution ? Si ce qui pénètre dans le courant de la vie est divin
par nature, étant une partie du Divin Lui- même, et si ce qui s’en
va est de nouveau l’âme qui est, et a toujours été, une partie du
Divin, qu’est-ce qui évolue ?
C’était donc mon premier doute quant à l’évolution  : que
l’évolution soit une grande force. C’est une invention de l’esprit
occidental qui a besoin de logique pour entretenir son jeu avec
des formules et des mots. Nous avons besoin de savoir. Au moins
en Occident les gens désirent savoir, ou ont besoin de savoir, que
la vie a évolué. Car, en quelque sorte, je pense que le fait d’avoir
évolué soutient l’égo de l’être humain. Et pourquoi ce soutien
de l’égo est-il nécessaire ? Parce que d’un côté, nous découvrons
que nous avons chuté au point que, si nous n’avions pas eu cette
idée d’évolution pour soutenir notre égo, nous nous serions tous
probablement suicidés en masse. Car dire qu’à ce jour l’humanité
est la phase culminante de l’évolution, - quoique Teilhard de
Chardin ait pu dire, ou Darwin, ou
n’importe qui d’autre - est le concept le plus stupide auquel
je puisse penser. Parce que d’un côté on parle de la situation
écologique, d’un autre on parle de la situation morale, d’un
troisième de l’Eglise Romaine Catholique etc, et si nous sommes
le sommet de l’évolution, que Dieu vienne en aide à l’évolution !
Donc voyez-vous, le fait que la vie évolue a été pour moi une idée
très troublante, très conflictuelle et inacceptable. La vie n’évolue
pas du tout. Parce qu’autrement, l’entière tradition selon laquelle
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 222

l’âme est une partie de la Divinité elle-même, tombe à l’eau. Et


si cela tombe à l’eau, alors où est la vie ? Qu’est-ce que la vie ?
Nous devons en revenir à une autre situation, peut-être dans un
univers parallèle de science- fiction.
Ceci a donc été un gros, comment pourrait-on dire - dilemme.
Y a-t-il évolution ou n’y a-t-il pas évolution ? C’est la première
question à laquelle j’aimerais que les scientifiques occidentaux
répondent. Mon humble avis est que penser qu’il y ait une
évolution est une idée stupide. Ce serait comme l’argile qu’un
homme extrait du sol, à laquelle il ajoute de l’eau, qu’il place sur
un tour et transforme en pot - et dont cet homme dirait qu’elle a
évolué. L’argile est encore la même argile. Et parler de l’évolution
de la matiére est, je pense, encore plus stupide parce qu’il n’y a
pas d’évolution de la matière.
Il y a un changement de forme, il est possible qu’il y ait
changement dans la configuration moléculaire. De nouveaux
assemblages se formant, le sodium s’unissant au chlore pour
former le sel, se séparant ensuite à nouveau en sodium et chlore,
le chlore s’alliant au baryum pour former un chlorure de baryum
- des choses comme cela. Si nous faisons un parallèle avec la
situation humaine, nous rencontrons le même phénomène : un
couple se séparant, formant un autre couple ici, un autre couple
là, deux liens, trois liens. Il y a cette théorie des assemblages, une
avec un assemblage, l’autre avec deux assemblages, capable de
former deux assemblages  ; par exemple le carbone est capable
de former plus d’assemblages que le sodium. Est-ce donc cela
une évolution  ? J’ai deux mains. Supposez que j’en aie quatre,
je pourrais tenir quatre personnes. Si je n’ai qu’une seule main
je ne peux tenir qu’une personne à la fois. Est-ce donc là une
évolution ?
Bien entendu, les gens qui ont un penchant intellectuel
diront : « Oui, bien sûr c’est une évolution « . Vous avez la chimie
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 223

inorganique, puis vous avez la chimie organique, puis, bien d’autres


chimies encore. C’est pareil en géométrie : vous avez la géométrie
plane puis la géométrie dans l’espace, par exemple, où l’on traite
de la géométrie d’une surface courbe, où les lois changent. Y a-t-
il une évolution de la géométrie plane aux géométries courbes,
aux géométries des espaces courbes  ? Qu’en est-il plus tard de
l’espace riemannien et de choses dans ce genre ? Y a-t-il là une
évolution  ? Ou est-ce une évolution ici, dans ma tête  ? D’où
Riemann et tous ces fameux mathématiciens allemands tirèrent-
ils leurs idées  ? Ont-ils créé un espace riemannien ou ont-ils
nommé un espace dont ils avaient découvert une possibilité
d’existence, « espace Riemannian ». Je ne pense pas que l’espace
évolue pour satisfaire notre plaisir. Je ne pense pas qu’il y ait un
espace uni-dimensionnel, qui soit devenu bi-dimensionnel, puis
tri-dimensionnel, au fur et à mesure de notre propre évolution.
Nous sommes capables de nous rendre compte que l’espace
peut exister sous bien des formes, brillantes, inimaginables et
complexes. Je ne sais pas comment nous en sommes arrivés à
cette situation très complexe, mais toute la théorie scientifique
au travers de laquelle nous admirons notre science et, par
conséquent nous-mêmes pour l’avoir créée, cette science nous dit
que nous sommes vraiment admirables. C’est ce qu’on appelle en
Inde une société d’admiration réciproque, je vous admire, vous
m’admirez, je vous admire en retour, vous m’admirez à votre
tour, je dis  : «  Non, non, vous êtes plus grand  ». «  Non, non,
vous êtes le plus grand ». « Vous êtes plus ». Donc qui soutient
qui ? Est-ce que l’homme soutient la science ou est-ce la science
qui soutient l’homme ? Aujourd’hui il semblerait que la science
soutienne l’être humain.
Je suggérerais donc que nous avons perdu la base même,
pourrions- nous dire, de la pensée rationnelle organisée, bien que
nous soyons fiers en Occident d’être rationalistes. Je suggérerais
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 224

à tous ceux qui sont intéressés par l’évolution, de réfléchir très


attentivement à cet aspect. Est-ce que nous évoluons ? Le « nous
«  s’appliquant à ce qui fait «  moi «  - moi. Il y a peu de temps,
Carl faisait référence à un livre récemment publié par Popper et
Eccles ; chacun devrait le lire, parce qu’il ne soutient aucune de
ces vieilles théories de l’évolution  ; au contraire, il montre une
nouvelle voie.
Tout comme en mathématiques vous avez un point qui n’a pas
de dimension. Il est par définition sans dimension. Et comment
une chose sans dimension peut-elle exister  ? Eh bien, je vous
laisse l’imaginer. Maintenant quand ce quelque chose se déplace,
cela fait naître ce que nous appelons une ligne, n’est-ce pas  ?
Et quand cette ligne se déplace dans une direction qui n’est pas
contenue en elle-même, elle fait naître quelque chose que nous
appelons un plan. Et lorsque ce plan se déplace dans une direction
qui n’est pas contenue en lui-même, nous l’appelons une forme,
un solide. Tout ceci est basé, énoncé, à partir de l’existence
de quelque chose que nous appelons un point, qui, étant sans
dimension, n’a pas d’existence.
La spéculation philosophique vous conduit donc à une
conclusion  : que l’existence provient de la non-existence. Ce
n’est pas une évolution. De toute évidence, quelque chose qui n’a
pas existé, et n’a jamais existé, ne pouvait pas évoluer. Qu’est-
ce qui évolue ? D’un autre côté, nous en arrivons au Vedanta et
à la sagesse orientale qui dit : « Ce qui était, sera à jamais et ne
peut être changé », parce qu’une chose changeante peut changer
de deux façons, vers l’évolution et l’involution. Comment allons-
nous donc faire accorder ces deux idées : ce qui n’a jamais existé
ne pourrait pas exister aujourd’hui et ne peut pas évoluer par soi-
même ; et ce qui est éternel, étant éternel, est sans changement,
immuable, ne peut pas subir de transformation et subséquemment
ne peut pas évoluer. Par conséquent des deux côtés, il n’y a pas
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 225

d’évolution. De quoi nous parle donc la science de l’évolution ? Et


qu’est-ce qui évolue ? Et comment cela évolue-t-il ? Et vers où ?
Nous sommes en train d’être piégés dans un magnifique cul de
sac. Dire que nous descendons du singe et ne pas oser le regarder
de nouveau parce qu’il nous rappelle ce que nous pensons avoir
été, nous empêche d’avancer parce que cela dresse un mur devant
nous, et nous empêche de reculer parce que nous avons dressé
un mur derrière nous. Je suis donc coincé dans une situation
dans laquelle je ne peux ni avancer, ni reculer. Heureusement, la
spiritualité dit : « Elevez-vous au-dessus ».
Ces idées, bien que fascinantes intellectuellement, ne sont
donc qu’un jeu. Chaque sens a ses jeux. Les yeux se délectent
à regarder des formes. C’est tout ce qui concerne la vue  ; vous
voyez de belles choses, des choses colorées, pas seulement des
filles, mais des pizzas, des tomates ; l’oeil en est enchanté. Il est
supposé être fait pour voir, et il s’en délecte. Et plus il voit, plus
il se réjouit parce que cela lui donne une fausse impression de
multiplicité, là où il n’y a pas de multiplicité. De même pour
le nez ; il aime sentir de belles choses, et plus il sent plus il est
joyeux - et nous appelons cela la faculté de sentir. Nous donnons
des millions de dollars à ces gens qui sentent les parfums et les
combinaisons de parfums. Je me suis laissé dire qu’un nez avait
été assuré pour une somme aussi importante que cinquante
millions de dollars par un industriel en parfumerie, juste parce
qu’il peut sentir un peu mieux que vous et moi ; et nous oublions
que le chien est peut-être capable de bien mieux sentir que ce
nez. Les oreilles aiment entendre  ; et là, nous retrouvons de
nouveau cette aptitude à couper les cheveux en quatre : par un
entraînement répété, nous développons la faculté de différencier
les notes entre elles, la hauteur d’un son, la longueur d’onde, ce
que vous voulez, et c’est ce que nous appelons l’acoustique, la
science de l’acoustique. Celui qui possède cette sensibilité pour
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 226

distinguer entre ceci et cela est très sensitif, c’est un artiste.


Je veux en venir au fait que l’homme n’évolue pas nécessairement
juste parce qu’un de ses sens approche de la perfection (car nous
connaissons des artistes qui ont été escrocs, coureurs de jupons,
violeurs). C’est le cas de la plupart des parfumeurs parce qu’ils
travaillent dans cette profession. Et la plupart des musiciens ont
aussi été comme cela. Cela aussi nous le savons. Et heureusement
l’un d’entre eux au moins devint sourd, peut-être parce qu’il ne
pouvait pas entendre sa propre musique.
Voyez-vous, je ne suis pas... Ceci n’est pas une tirade contre la
civilisation occidentale ou les arts et les corps de métiers. Nous
ne devrions pas nous méprendre et croire qu’un ciseau affûté
est plus évolué qu’un ciseau émoussé. Un ciseau est un ciseau.
Mais il vous suffit de l’aiguiser pour le rendre plus utilisable.
Par conséquent, lorsque nous parlons d’évolution, nous parlons
seulement d’instruments plus affinés dont nous nous sommes,
pourrait-on dire, équipés nous-mêmes. Nous sommes arrivés avec
des instruments émoussés, nous les avons aiguisés, améliorés,
affûtés, jusqu’à ce qu’ils brillent comme des diamants  ; mais
est-ce cela l’évolution  ? Si cela était tout, alors les astronautes
seraient des êtres suprêmement évolués car leurs aptitudes
physiques et intellectuelles sont si merveilleusement entrainées et
affinées, jusqu’à la perfection, qu’ils constitueraient aujourd’hui
une super-race. Mais quand ils redescendent... Comme vous le
savez, récemment un astronaute a été mis en prison ou, peut-
être, condamné à une amende pour turpitude morale. Oui, l’un
d’entre eux, l’un des tous premiers astronautes. Il s’était drogué.
Il dût aller affronter les accusations du tribunal. Ce qui prouve
uniquement que cette sorte de perfection n’est pas l’évolution.
Par conséquent, toute la conception occidentale de l’évolution,
qui conduirait vers une perfection qualitative, est, à mon sens,
je vous le répète humblement, songez-y bien, je vous en prie,
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 227

une idée très fallacieuse de l’évolution. L’évolution doit signifier


non pas une qualité, mais la transformation de l’essence. Une
meilleure mangue n’est pas une mangue plus évoluée, c’est
toujours une mangue. Une meilleure pizza est seulement une
autre pizza, peut-être avec un peu plus d’oignon, un peu moins
de ceci, un plus de parmesan ou n’importe quoi d’autre que vous
mettez dessus, pas brûlée dans l’huile de friture. C’est encore ce
que c’est. Cela appartient à ce que les biologistes appellent une
espèce, ou un genre, un type.
Un être humain est un être humain. Lorsque nous parlons
d’évolution, a-t-il cessé d’être un être humain et est-il devenu
quelque chose d’autre ? S’il est encore un bon être humain, un
intellectuel, une personne qui a de la morale même, il est encore
très proche de ce qu’il était. Il y a certains changements, comme
changent les modèles de voitures ; il y a un changement de modèle
pour les êtres humains, un est plus petit, l’autre est plus grand,
les Vikings engendraient des hommes de 2,13 m, les Pygmées
engendraient des hommes de 0,61 m, Vikings et Pygmées sont des
êtres humains. Ils ont les mêmes tendances, les mêmes appétits,
les mêmes urgences. Quelle est la différence ? L’un est noir, l’autre
est blanc, l’un est petit, l’autre est grand, l’un a une chose, l’autre
pas. Quelle est donc la différence essentielle ? Et comment osez-
vous dire que l’homme blanc a plus évolué que l’homme noir,
ou que le Pygmée ou que l’Hottentot ? Je n’appellerais pas cela
l’évolution.
Si vous me pardonnez de dire cela, je dirais au contraire
qu’un groupe de personnes qui, par le simple fait d’être capables
d’accaparer les ressources économiques du monde, peuvent s’offrir
un niveau de vie dont les autres sont privées - si ces personnes
pensent qu’elles sont supérieures et plus évoluées, parce qu’elles
ont les ordinateurs et, pourrait-on dire, les armes de la guerre
des étoiles, que Dieu leur vienne en aide ! Car lorsqu’ils cesseront
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 228

d’exister, le Nègre et l’Hottentot et le Pygmée seront toujours là.


Ils n’ont pas besoin de ces choses. Aujourd’hui, un Occidental
sans son ordinateur est un type aveugle. Sans sa calculatrice, il
ne peut pas compter. Sans ses instruments, il est perdu. Il n’en
va pas de même du pauvre homme, de l’opprimé, du misérable
de l’Orient. Ils peuvent exister, parce qu’ils n’ont besoin que d’un
verre d’eau tirée du réservoir crasseux le plus proche. Ils ont été
suffisamment habitués aux microbes et aux bactéries parce qu’ils
en boivent depuis des siécles. Les bacilles du choléra ont peur
d’eux, pas le contraire (Il rit).
Maintenant, est-ce ceci l’évolution, ou est-ce cela  ? En
Occident... j’exagère à dessein le tableau pour vous remettre
présent à l’esprit, l’impact que j’essaie de provoquer. Ce n’est pas
que je sois critique envers l’Occident, car maintenant j’ai moi-
même un ordinateur et je vais l’aimer (rire). Mais la dépendance
vis-à-vis de l’extérieur, amène à oublier que c’est l’homme qui a
créé l’ordinateur. Et tous ces propos sur l’intelligence artificielle,
qu’un jour l’ordinateur deviendra si intelligent que les êtres
humains seront liquidés de la surface de la terre... à quel point
de stupidité pouvons-nous arriver  ? Quoi que puissent dire les
scientifiques, ma création ne peut pas me devenir supérieure.
C’est pourquoi Dieu est l’Ultime. Car si vous regardez cela du
point de vue philosophique, si Dieu pouvait jamais créer quelque
chose qui Le transcenderait, que devient l’idée de Dieu ? Où Dieu
existe-t’Il ? Quelle est Sa place ?
Ainsi, nous devons conduire ces choses jusqu’au point ultime
de projection dont l’esprit humain soit capable et dire alors  :
«  Non, ce n’est pas possible. Ce ne peut être possible  ». Donc,
si vous regardez l’évolution, dans ce sens, elle ne peut avoir de
limites parce que la limite est déjà fixée. Par quoi ? En vertu de ce
qu’elle est ce qu’elle a toujours été, qu’elle a oublié, qu’elle essaie à
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 229

présent de se rappeler par un acte de souvenir que nous appelons


méditation, en pénétrant à l’intérieur et disant : « Je suis cela,
j’étais cela, je serai cela éternellement. Que diable pensez-vous
être ? Réveillez-vous ! «  A mon avis, frères et soeurs, l’évolution
est uniquement la réalisation de ce qu’est la Divinité et tout le
reste, si vous me permettez un américanisme, n’est que fadaise
(« crap ») Merci.

L’évolution maintenant
15 octobre 1986

Nous avons eu, avant notre méditation, une discussion à


propos de l’évolution, et je pense que je devrais développer ces
idées car j’ai interrompu mon propos de façon assez incomplète
et abrupte. Je vais maintenant vous exposer quelques idées. Vous
ne devriez pas penser qu’elles appartiennent à l’Inde ou à l’Orient,
ou quelque chose comme cela. Bien sûr, elles proviennent de ma
philosophie, de mes philosophies orientales, mais cela ne signifie
pas qu’elles appartiennent uniquement à l’Orient et qu’elles ne
soient pas applicables ici. Nous devons avant tout partir de l’idée
que nous devons accepter le bon sens d’où qu’il vienne.
Dans les Védas, nous trouvons le célèbre sloka (vers) suivant :
« Laissez les pensées nobles venir à moi quel que soit l’endroit
de l’Univers dont elles proviennent ». Etre capable d’accepter ce
qui est bon, sans tenir compte d’où cela provient, est une attitude
raisonnable ; ce n’est pas de la générosité ou de la largesse d’esprit
au sens où nous l’entendons, ici, en Occident. Je vous demande
donc à tous d’avoir une oreille patiente et un esprit compréhensif
parce qu’autrement nous allons rester ce que nous sommes. Si
vous voulez aérer cette pièce, vous devez en ouvrir les fenêtres.
Par conséquent, si vous voulez rafraichir votre esprit vous devez
en ouvrir les fenêtres et les portes. Ceci, en guise de préambule
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 230

pour requérir votre coopération.


Nous autres, en Orient, sommes plus chanceux. Pourquoi  ?
A cause de notre pauvreté, de notre ignorance, nous sommes
obligés d’avoir une attitude ouverte envers tout. Le fait que non
seulement nous pensions tout avoir mais aussi tout savoir, est
une conséquence malheureuse de la prospérité et de l’abondance.
Donc, dans ce sens, nous autres en Orient, sommes mieux traités
par la nature qui nous a fait pauvres matériellement mais plus
ouverts d’esprit.
Je fais délibérément cette comparaison entre l’Orient et
l’Occident, parce que c’est un point qui concerne l’évolution.
Bien des gens, à travers l’histoire de l’homme, ont découvert que
l’évolution semble favoriser ce qui a besoin d’évoluer. Une chose
trop spécialisée dans une direction particulière semble devenir
une branche morte de l’évolution. Nous n’avons pas besoin
d’exemples, nous pouvons les vérifier dans n’importe quel livre
sur l’évolution. Chaque fois qu’il y a eu sur-spécialisation, ce bras
de la vie évolutive est mort. C’est le généraliste, celui qui n’était
pas un spécialiste mais dont toutes les facultés étaient intactes qui,
d’une manière très générale, semblait évoluer. C’est pourquoi les
gens ont été plutôt effrayés quant aux chances d’évolution pour
l’humanité. Car il est indéniable
que l’être humain d’aujourd’hui est sur-spécialisé dans une
direction particulière  : celle du bien-être matériel, des profits
matériels, de la civilisation matérielle. Et nous n’avons pas
seulement besoin de théories évolutionnistes à l’appui, même
l’histoire récente du monde peut en témoigner. Nous savons
tous ce qui est arrivé à la civilisation grecque, aux Egyptiens, aux
Romains, les uns après les autres. Trois grandes civilisations du
passé qui nous ont laissé beaucoup à penser, de quoi beaucoup
philosopher mais qui n’ont rien laissé d’elles-mêmes. Et vous
savez tous qu’elles étaient toutes des civilisations hautement
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 231

spécialisées, orientées vers le plaisir, engendrant des êtres


humains égoïstes, indifférents au bien-être général.
La spécialisation et l’égoïsme sont deux choses qui semblaient
aller à l’encontre de l’évolution, à l’encontre à la fois de la nature
individuelle et de la société elle-même. Ceci est donc la leçon de
la spécialisation et la raison pour laquelle il est nécessaire d’avoir
une tenue morale dans l’existence. C’est pourquoi il est nécessaire
d’éviter une sur-spécialisation et de penser d’une manière plus
large, au-delà de nos personnes. C’est ce que la société a tenté
de faire de diverses façons  ; nous avons eu des associations
de bienfaisance, des activités religieuses, des organisations
s’occupant de valeurs sociales et morales, mais aucune d’elles ne
semble avoir donné un quelconque signe de réussite. Il y a peut-
être eu des individus qui ont évolué grâce à cela, mais il n’y a pas
eu de changement général, précisément, je pense, parce qu’elles
ont gardé leurs fenêtres closes et que chaque organisation ou
chaque société pensait qu’elle connaissait tout, et que tous les
autres ne savaient rien.
Ceci a été très manifestement visible en ce qui concerne les
religions. Car les religions, tout en essayant de faire le bien,
divisaient par cet effort même les êtres humains, parce qu’elles
voulaient tout d’abord faire le bien aux leurs, et certaines d’entre
elles allèrent jusqu’à dire que ceux qui n’appartenaient pas à
cette religion particulière ne pouvaient échapper au plus profond
enfer. Au mieux, c’était donc une très étroite largesse d’esprit,
l’égoïsme transféré d’un individu à un groupe.
Nous pouvons le constater partout, à tous les niveaux  :
ceux qui appartiennent et ceux qui n’appartiennent pas. Par
conséquent, ici aussi nous découvrons un effort qui engendre
notre propre défaite, et bien que quelques organisations aient
essayé d’élargir leur action au-delà des barrières nationales,
raciales, linguistiques, même alors, elles n’ont pas été capables
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 232

d’éviter la tentation de se servir du pouvoir de faire le bien. Cela a


parfois été ma « presque - conviction », dirais-je, que le pouvoir
de faire le bien est pire dans son fonctionnement que le pouvoir
de faire le mal. Parce que le pouvoir de faire le mal est très direct,
il n’implique pas l’hypocrisie. L’intention de celui qui le fait est
très claire et tous ceux qui en sont affectés savent ce qui va se
passer. Mais le pouvoir de faire le bien est très, très subtil  ; le
mal qu’il cache est très subtil, et ce pouvoir est une puissance
formidable. Nous avons vu comment cela fonctionnait à travers les
organisations religieuses, à travers les organisations charitables
et, de manière plus importante, à travers les gouvernements
où le pouvoir de faire le bien est utilisé comme une arme pour
assujettir ceux qui ont besoin de ce bien. C’est pire que le mal.
Et cela, nous l’expérimentons tous aujourd’hui  ; même chez
les soi-disant nations «  avancées  » d’Europe, nous ressentons
l’insidieuse présence de cette machine à écraser (« clutch »).
Maintenant, vous pouvez vous demander quel est le rapport de
tout ceci avec l’évolution. Je vous donne juste ces exemples pour
vous montrer que de telles sociétés sont loin d’être évoluées.
Elles sont à tel point avilies qu’elles veulent utiliser leur pouvoir,
leur fortune, leur richesse, pour soumettre le reste de l’humanité,
le rendre esclave. A propos, ceux d’entre vous qui ont étudié
l’histoire de l’esclavage dans le passé aurez découvert que ce fut
invariablement les esclaves qui finalement gagnèrent. Pourquoi ?
Parce qu’ils ne dépendaient que d’eux mêmes. Ils n’avaient pas
d’armes, pas d’argent, pas de biens, rien. Ils n’avaient qu’eux-
mêmes, une unité dans leur pauvreté, dans leur misère ; et à cause
de leur extrême faiblesse, frustration, condamnation, s’ils avaient
quelque chose d’autre dont dépendre, c’était d’un soi-disant
Dieu. Les grandes et florissantes sociétés qui les combattirent ne
dépendaient pas d’elles-mêmes, elles dépendaient des pouvoirs
empruntés et artificiels des armes, de l’argent, des choses de ce
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 233

genre. Et l’histoire dit qu’elles ont toujours perdu.


La leçon est donc très claire : c’est l’auto-dépendance qui rend
l’évolution possible, tandis qu’un être humain, aussi sage,aussi
intelligent, aussi fort soit-il, perd le combat pour la vie s’il
dépend de ces choses extérieures. C’est donc pourquoi, je pense
que - dans tous les schémas d’évolution élaborés par l’homme,
en faveur d’une évolution individuelle jusqu’au plus haut niveau
possible - les grands instructeurs ont toujours enseigné qu’il est
nécessaire de rejeter le pouvoir, de rejeter la fortune, la force,
toutes ces idées d’ennoblissement personnel, et de dépendre du
soi nu. Et trouvant que ce n’est pas assez, la transférer, je veux
dire transférer la dépendance sur ce que l’on appelle la Divinité,
Dieu, le Maître, ce que vous voulez.
Je limite délibérement ce discours sur l’évolution à l’évolution
humaine. Nous ne nous occupons pas de ce qui est passé. Il n’est
pas nécessaire pour nous de parler de Mendal, Lamark et Laplace
et de tous ces gens. Car, quoi qu’il ait pu se passer autrefois, c’est
passé, c’est de l’histoire maintenant. Nous devrions nous occuper
de ce qui va nous arriver. Quelles sont les possibilités et comment
y parvenir  ? C’est maintenant qu’intervient l’importante,
pourrais-je dire, antique révélation de l’Orient selon laquelle
toute l’idée d’évolution, telle qu’elle est comprise en Occident,
est un mythe. Pour une raison l’Occident pense à l’évolution.
Il existe un livre célèbre d’un nommé Blum «  Time Arrow and
Evolution » (La flèche du temps et l’évolution) où il est dit que
l’évolution commence à partir d’une origine non spécifiée dans le
passé et qu’elle finira quelque part dans le futur avec un objectif
défini. En Orient, il n’y a ni commencement, ni fin. C’est toujours
cyclique. Cela commence quelque part pour chacun de nous, cela
finira quelque part pour chacun de nous, mais ce n’est pas un flot
linéaire du passé dans l’avenir. Au contraire, c’est un décollage
vertical du présent dans le présent. C’est pourquoi nous le
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 234

nommons un chemin qui transcende l’espace et le temps.


Par conséquent, est-ce que l’évolution est possible  ? Dans
l’idée que nous pouvons devenir des êtres humains parfaits et par
conséquent divinisés, oui. Quand cela peut-il se faire ? Les grands
Maîtres disent, maintenant. Pas seulement maintenant, ici et
maintenant. Et comment y parvenir ? Par un procéssus de « non
devenir  » («  unbecoming  »). Vous connaissez ce vieux cadeau
de Noël, une boite chinoise, un beau gros carton joliment coloré
avec de la peinture et des guirlandes. L’enfant heureux l’ouvre
et il y a une autre boite dedans. Cette boite est avidement sortie
et ouverte, il y a une autre boite dedans, et finalement l’enfant
arrive à une petite boite, de cette taille, à peu près un cube de un
centimètre. Et quand il l’ouvre il y a le cadeau à l’intérieur : rien.
Par conséquent, la philosophie du yoga, la théorie évolutioniste
du yoga, dit : « Ceci est le chemin de l’évolution ».
L’idée occidentale est : plus de complexité. L’idée occidentale
de l’évolution est celle d’une complexité croissante, de plus en
plus. Vous avez l’organisme originel qui n’était rien d’autre
qu’une particule dans l’océan. Pas de vie, pas de corps, pas
d’estomac, pas d’intestins, rien, juste unicellulaire, une cellule
- une cellule unique. La vie commença avec une cellule unique.
Et aujourd’hui vous avez l’idée magnifique d’une vie humaine,
avec une superbe «  complexification  », et nous essayons de la
rendre de plus en complexe. Cette «  complexification  » se voit
dans les domaines de l’existence. Dans nos foyers, nos bureaux,
nos écoles, nos instruments, les machines que nous utilisons et,
bien sûr, ce summum de la réalisation humaine, l’ordinateur.
Nous avons eu la première génération, la seconde, la troisième
génération d’ordinateurs, et l’Amérique fut très fière de les avoir
réalisés. La quatrième génération semble avoir en quelque sorte
sauté à l’Est de chez nous vers les terres aux noms inconnus, et il
y a maintenant des rumeurs que la cinquième génération est en
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 235

cours de développement dans ce pays entre tous, la Chine.


Je dis ceci parce que cette idée que la chose complexe est plus
développée que la chose simple est si fascinante, que l’Orient -
réputé pour sa sagesse à s’en tenir au simple - est bêtement en
train d’importer la complexité de l’Occident. En quelque sorte,
par conséquent, soit que nous ayons entrainé l’esprit humain à
aimer la complexité par des générations d’éducation, soit peut-
être qu’il y ait quelque chose dans la psyché humaine qui, en
quelque sorte, travaille contre notre évolution. Je pense que la
seconde est une possibilité différente. Parce que dans sa pire
manifestation, sa plus grossière manifestation, nous voyons cela
comme l’instinct de suicide. La théologie en parle comme du
diable. Le diable attend toujours de nous tenter, nous égarer. Mais
je pense que comme mesure d’auto-protection, les théologiens
ont déplacé le diable à l’extérieur, alors qu’il est réellement à
l’intérieur de nous, et c’est ce diable là que nous devons vaincre
si nous devons évoluer. Et c’est précisément à ce diable là que
nous nous adressons en spiritualité.
Il n’y a donc pas un diable, il n’y a pas un pauvre Lucifer, qui
chuta et devint le diable. Chacun de nous avait un Lucifer en lui,
qui chuta et devint le Satan en nous. La spiritualité dit : travaillez
sur le diable, changez-le, divinisez-le et vous aurez de nouveau
partout Lucifer, vous gouvernant. C’est-à-dire, un ange guidant
votre destinée de l’intérieur de vous-même. Nous sommes alors
capables de développer la véritable sagesse, en essayant de vivre
une vie simple, en rejetant progressivement toutes les choses
inutiles, jusqu’à en arriver à un état où l’on peut difficilement dire
que nous existons. C’est l’état de divinité. Car toute description
possible de Dieu dit la même chose. Bien sûr les théologiens disent
qu’Il existe. La spiritualité dit  : «  Vous ne pouvez ni dire qu’Il
existe, ni dire qu’Il n’existe pas ». Parce que la vérité spirituelle
dit : « Si quelque chose existe, elle peut cesser d’exister »,-dans
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 236

le sens où nous comprenons l’existence. Mais si Dieu n’existe


pas, dans le sens où nous comprenons la non-existence, l’univers
perd tout sens. Par conséquent, un des passages les plus célèbres
des Védas en Inde commence par : « Il n’existe pas, mais Il n’a
pas non plus de non-existence  ». Il dit aussi que Dieu n’a pas
de pouvoir, mais que de Lui émanent tous les pouvoirs. Parce
que si Il avait un pouvoir, Il pourrait perdre Ses pouvoirs. Il n’a
pas de sagesse, mais toute sagesse provient de Lui. C’est donc
un concept très intriguant  : n’étant rien, tout peut cependant
provenir de Lui. La philosophie du Yoga, ou la pratique yogique
de l’évolution, prescrit exactement la même chose comme but de
l’évolution humaine. Celui qui n’a pas de pouvoir, qui ne peut être
considéré comme étant sage ou idiot, dont on ne peut dire qu’Il
est riche ou pauvre, ni bien portant ni malade, et en fait, dont on
peut presque dire qu’il n’existe pas, mais qui existe cependant,
celui-là est le point culminant de l’évolution humaine.
Comme je l’ai dit auparavant, dans notre idée en Orient -
mais je le répète ce n’est pas à cause de cela que c’est une idée
orientale - l’évolution est un dépouillement progressif du soi.
Et par conséquent, tout ce qui nécessite d’être de plus en plus
accumulé, acquis, qui stimule les instincts de possession, est
anti-évolutionniste. Par conséquent le yoga dit - et l’histoire en
témoigne - que toute société qui encourage la possession pour
soi-même, de santé, de richesse, de biens et, si vous n’êtes pas
choqués, même de sagesse, une telle société est condamnée à
mourir.
C’est donc ainsi que nous regardons l’évolution, et c’est ainsi
que nous essayons de vous la faire accepter par vous tous.
C’est bien sûr difficile. Aucun doute à cela. Et pour montrer
combien c’est difficile, les religions ont rendu nécessaires les
pratiques ascétiques  : minimum de vêtements, minimum de
nourriture, dormir sur le sol nu. Je ne pense pas que c’était
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 237

vraiment nécessaire, mais c’était pour imprimer dans l’esprit


humain individuel le besoin de s’éloigner de la dépendance des
prolongements matériels de l’existence. Vous savez tous combien
il est difficile aujourd’hui de dormir si vous n’avez pas un matelas.
Au début, quand nos frères et soeurs d’Occident venaient en Inde
à notre ashram, j’étais assez naïf pour penser qu’ils seraient à
leur aise dans les situations les plus inconfortables. Parce que
vous êtes célèbres pour escalader les montagnes, nager dans les
rivières, dormir sous des tentes, et cela fut par conséquent plus
qu’un choc pour moi, que l’Occidental bien nourri, en bonne
santé, intelligent, s’avérait n’être pas après tout en si bonne santé,
si riche ou si sage. Car, avec ou sans nourriture, il leur faut leurs
matelas et leurs crèmes anti- moustiques, et la moitié d’une valise
pleine de médicaments contre toutes les maladies possibles. Cela
m’a donc uniquement prouvé que l’Occidental est non seulement
assez idiot pour dépendre de sa richesse et de sa santé etc..., mais
que quand il est poussé dans ses retranchements, il ne peut même
pas se reposer sur ces choses. De quoi dépendez-vous ? Car, pour
parler de façon générale, dans la société occidentale d’aujourd’hui,
Dieu n’est pas (je ne veux pas dire au niveau des individus, mais
dans un sens très large, au niveau de la masse). C’est une société
qui fonctionne par la peur. La peur non seulement de la guerre,
de la peste et de la pollution, mais peur de ne pas être aimé, peur
de la solitude. Ce devrait donc être les Occidentaux aujourd’hui
qui devraient enseigner les Orientaux, « Ne soyez pas idiots, ne
venez pas à nous pour la civilisation matérielle. Pour l’amour du
ciel ! ne lâchez pas ce que vous avez. Ne demandez pas des armes
et des munitions ; ne venez même pas à nous pour la philosophie,
parce que si notre existence est une quelconque preuve de ce
qu’est réellement notre société, tout ceci est dérision ».
Supposez que je vienne vous voir pour collaborer, disons pour
fabriquer une nouvelle arme fantastique. Pourquoi donnez-
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 238

vous cette technologie  ? Pour deux raisons. L’une est que si je


dois être détruit, vous pourriez aussi être détruit. Cela n’a pas
d’importance. Si je ne suis plus là, qui s’inquiétera si vous y êtes
ou non ? La première raison est donc : si je n’existe pas pourquoi
existeriez-vous ? La seconde raison, bien sûr, est de l’égoïsme pur
et simple : nous faisons de l’argent avec ça. Bien, vous êtes tous
suffisamment éduqués pour comprendre l’idée fondamentale
que toute acquisition vient de la peur. Parce que lorsque nous
avons assez d’argent et que nous en voulons davantage, c’est
uniquement pour nous protéger de plus en plus avec cet argent.
Et quand cette idée est répandue, nous avons une société dans
laquelle chaque individu veut être la plus riche, la plus forte, la
plus puissante personne du monde - pas la plus sage et la plus
spirituelle. Donc de telles sociétés non seulement ne vont pas
évoluer elles-mêmes, mais comme vous l’avez tous justement
compris partout dans le monde, non seulement menacent-elles
l’évolution future du reste de l’humanité, mais elles menacent
l’existence même de cette humanité. Ce n’est pas quelque chose
de nouveau, vous le lisez tous les jours dans les journaux.
C’est donc pourquoi aujourd’hui un cri est lancé contre la
civilisation matérielle, la matérialisation de l’individu, et un besoin
criant de revenir à la simplicité fondamentale de la vie, dans une
quête, d’une part pour l’existence, d’autre part pour l’évolution.
Par conséquent que nous soyons prêts à l’accepter ou non,
l’humanité, particulièrement en Occident, essaie frénétiquement
de revenir en arrière et de trouver un autre chemin d’évolution.
Ceci prouve assez par soi-même que la vie matérielle doit être
abandonnée, que la simplicité doit revenir, et que nous devons
revenir aux valeurs humaines de base si nous voulons de nouveau
cheminer plus avant vers la destinée humaine qui nous attend.
Je voudrais soulever un dernier point. Pas seulement
l’hindouisme, mais toutes les religions semblent dire que l’âme a
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 239

toujours été pure et divine ; et l’existence mortelle en ce monde


est supposée être une existence corrompue, théologiquement
parlant. J’emploie le mot « corruption » dans le sens théologique.
Donc la simple venue dans l’existence matérielle avec un corps
semble être une corruption. Et quelques unes des religions
occidentales en parlent comme d’une chute. Dieu n’a pas de
forme, pas de nom, pas d’attributs ; les anges ont des noms, mais
pas de formes ni d’attributs. Et c’est uniquement lorsque nous en
arrivons au plus bas niveau de vie, notre vie, que nous trouvons
des noms, certains très beaux, bien sûr, des formes, bien d’entre
elles fort belles et attrayantes, et des attributs tels que la beauté,
la richesse et le pouvoir, que nous recherchons tous. Donc vous
voyez la corruption engendre en nous l’égoïsme de posséder ce
qui nous corrompt.
Nous en revenons donc au besoin de rejeter tous ces désirs qui
concernent des personnes, des lieux et des choses, aussi beaux,
aussi attrayants, aussi séduisants qu’ils puissent être. Ceci mes
chers frères et soeurs est l’appel de la spiritualité. Oubliez tout.
Rejetez tout. Oubliez-vous vous-mêmes. Et alors vous Le trouvez,
Lui, ou cela que vous cherchez. Merci.

La résolution des problèmes dans la vie


16 octobre 1986

On m’a demandé de parler de la résolution des problèmes dans


la vie. J’aimerais bien connaître la réponse, car ainsi je n’aurais
plus de problèmes moi-même (rire). Quoiqu’il en soit, je vais
tenter de vous dire comment j’essaie de résoudre ces problèmes
qui surviennent de temps en temps.
Nous avons plusieurs sortes de problèmes. La plupart d’entre
eux ne nous ennuient pas trop. C’est-à-dire des choses comme :
« Comment aller d’ici à Francfort ou que manger aujourd’hui ?
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 240

«  ; ce ne sont pas de gros problèmes. Dans toutes les situations


de ce genre, nous sommes assez compétents et ce n’est pas bien
difficile.
Je pense que ce que nous entendons par «  problème  », est
généralement une situation dans laquelle sont impliquées des
questions d’ordre moral. Je ne veux pas seulement dire ce que
nous comprenons normalement par « situations morales », mais
des situations dans lesquelles il y a conflit entre deux intérêts,
entre deux choix. Et cela peut amener beaucoup de confusion
car même pour de petites choses comme : « devrions-nous nous
rendre à une soirée ou aller à une méditation  », ce genre de
choix peut se présenter. Les problèmes n’ont pas besoin d’être
importants pour nous dérouter. Ce peuvent être même de petits
problèmes.
Par conséquent, si nous analysons ce genre de situation,
nous découvrons que c’est généralement un conflit entre une
satisfaction externe et une satisfaction interne. La difficulté est
que le contentement externe est facile  ; nous le voyons devant
nos yeux, nous pouvons le sentir, le toucher parfois. Les choses
internes comme la croissance, comme le développement spirituel,
sont si intangibles que nous ne pouvons pas les voir ou les sentir.
Nous voyons donc que ce conflit commence même dès l’enfance.
Car les enfants, par exemple, ont pour problème d’aller à l’école
ou de jouer. Mais quand nous sommes petits, et même dans
notre jeunesse, nous avons heureusement les conseils de ceux
qui sont plus âgés et plus sages que nous et, généralement, il est
simplement nécessaire d’être obéissant. Mais tout le problème
commence lorsque nous devenons indépendants, parce que
maintenant nous devons décider par nous-mêmes ce qui est
bien et ce qui devrait être fait. Je pense que l’une des raisons
pour laquelle l’enfance et la jeunesse sont si heureuses, réside
précisément dans le fait que nous n’avons pas à décider de ce
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 241

qu’il faut faire  ; la décision est prise par les autres. A ce stade,
le seul problème est l’obéissance. Mais c’est facilement résolu
par un petit conflit et ce n’est pas très important. Lorsque nous
grandissons, alors commence le dilemme. Et je pense que c’est
un grand sacrifice que nous faisons, quand nous renonçons à
l’obéissance envers l’autre et que nous devons devenir obéissants
à nous-mêmes.
Vous voyez donc que nous devons payer un gros prix pour
être indépendant. Par conséquent, grandir est un processus de
maturité, maturité mentale, maturité émotionnelle, les deux. Bien
sûr, si nous avons les deux et si nous avons la chance d’avoir une
bonne éducation et un bon milieu familial pour nous instruire,
alors la probabilité d’une maturité morale est beaucoup plus
importante que dans le cas contraire. C’est pourquoi l’éducation
adéquate, l’environnement adéquat pendant l’enfance et la
jeunesse, sont si importants. Et si l’atmosphère émotionnelle
et éducative adéquate nous est donnée à cette étape de la vie,
nos outils intérieurs deviennent si sains et si parfaits que nous
n’avons pas de problèmes, ou de très petits problèmes.
Je ne crois pas que le fait d’être exposé à des problèmes nous
fortifie en quoi que ce soit. Ceci est une philosophie malsaine
qui provient de la psychologie occidentale. Cette petite partie
de manque de bon sens a probablement été empruntée à la
médecine. Je pense à l’analogie avec l’immunisation, par
exemple, dans laquelle vous introduisez quelques microbes dans
le corps qui développe les anticorps renforçant ainsi le système.
Nous en faisons de même avec les métaux dont nous avons fait
des alliages pour les renforcer et leur donner certaines propriétés
dont nous avons besoin. Mais je ne pense pas que cette technique
soit applicable au mental. Autrement, nous devrions mettre une
petite peur dans un enfant et nous n’aurions plus jamais peur.
Mettre un petit vice dans une personne qui n’aurait plus aucun
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 242

vice après cela. En fait, c’est le principe sous-jacent dans le dicton


anglais : « Semer l’avoine sauvage » (faire des frasques). C’est un
terme qui est utilisé pour dire : « Se débarrasser de ses passions
et de sa luxure quand on est jeune, dans l’espoir qu’elles ne nous
causeront pas de problème lorsque nous serons plus âgés  ».
Mais l’expérience nous apprend que plus nous cédons, plus nous
voulons céder. Dans les philosophies orientales, nous disons que
c’est comme de jeter de l’huile sur le feu. On ne peut pas éteindre
un feu en y versant plus d’essence.
Pour dire carrément les choses, le désir nourrit le désir. Ou
vous pouvez dire : le désir est le combustible pour plus de désirs.
On ne peut donc pas en finir une fois pour toutes avec les désirs,
cela n’arrive jamais. Et si vous vous en reférez à l’expérience de
beaucoup de personnes âgées qui ont été désillusionnées par
cette approche-là de la vie, elles vous diront que toute leur vie,
elles ont cédé à leurs désirs, mais que leurs désirs ne se sont pas
arrêtés. C’est drôle, mais ceux- ci persistent même quand ces
personnes-là ont perdu la capacité de les réaliser. Ce n’est pas
une vérité profonde, tout le monde sait cela.
C’est énoncé de belle et courte manière dans un célèbre
quatrain de la Gita : « Quand nous ne sommes pas vigilants, le
désir apparaît ; et quand le désir n’est pas assouvi, il fait monter
la colère ; quand la colère dépasse ses limites, l’être humain perd
son pouvoir de raisonner ; et quand cela se produit, c’est-à-dire,
quand ce pouvoir de raisonnement est perdu, il ou elle se détruit
lui-même ou elle-même ». Par conséquent, si vous raccourcissez
l’équation  : le désir conduit à l’auto- destruction. S’il n’est pas
assouvi, cela conduit à la perte de l’intelligence, à la perte de la
faculté de discrimination et nous nous détruisons nous-mêmes.
Si nous sommes capables d’assouvir les désirs, c’est pire parce
que le désir grandit comme d’un petit feu à un grand feu, puis
à une explosion. Et, de nouveau, cela conduit à la destruction.
Retour →sommaire L ES F R U I T S D E L’AR B RE 243

Il est donc très clair que le désir est, en soi, notre ennemi. C’est
pourquoi notre prière dit que nos désirs font obstacle à notre
avancement. Désir pour n’importe quoi : cela peut être pour le
plaisir, le confort, la fortune, la richesse, la santé, pour n’importe
quoi. Je dis ceci parce qu’il ne peut y avoir de bon désir ; il n’existe
pas de bon désir.
Des personnes demandent  : «  Est-ce que le désir pour
la croissance spirituelle n’est pas un désir  ? «  Ce fut une des
premières questions posées à mon Maître en 1972. C’était en
Europe, bien sûr, (rire) et Il a donné deux réponses. Une fois, il a
dit : « C’est le seul désir qui soit permis ». Ailleurs il a dit : « Ce
n’est pas un désir, parce que la croissance est une chose naturelle
et une loi naturelle ». Désirer la croissance ne peut donc être une
mauvaise chose, parce que, ce faisant, nous allons dans le sens
de la Nature.
Maintenant, c’est précisément quand notre désir se heurte à
notre devoir que nous avons des problèmes. C’est le problème
de la condition humaine  : nous rencontrons peu de situations
dans lesquelles nous ne savons pas ce que nous devrions faire
réellement, et c’est la miséricorde de Dieu. Peu d’entre nous vont
avoir à faire face à une situation dans laquelle nous ne pouvons
pas juger. Mais nous savons par expérience que même avec les
situations les plus banales et les plus terrestres, nous avons des
problèmes, nous sommes confrontés à des difficultés ; pas parce
que nous ne savons pas ce que nous devrions faire, mais parce
que nous ne voulons pas le faire.
Si jamais Dieu devait descendre et nous poser une question :
« Que voulez-vous réellement ? « , il ne pourrait y avoir qu’une
réponse ou un souhait sensé. Je pense que vous savez ce que
c’est. Vous demanderiez à Dieu : « S’il vous plaît, faites que ce qui
est agréable soit notre devoir ». (rire). Ce serait une merveilleuse
solution, n’est-ce pas  ? Je pensais cela à une certaine époque.
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Mais si vous y réfléchissez, vous découvrirez que ce n’est pas si


merveilleux après tout, parce que si Dieu le permettait, ce serait
le chaos.
Imaginez ce qui arriverait à Munich ou à la circulation dans
Munich, si l’on vous disait que vous pouvez conduire comme
vous l’entendez, où vous voulez  ! En quelques minutes, même
une ambulance ne pourrait plus circuler dans les rues. Et cela,
quand vous auriez probablement besoin de dix mille ambulances
en circulation pour ramasser les morts et les blessés. Donc,
une existence ordonnée implique de la discipline. Conduire à
droite, céder la priorité, obéir aux feux rouges, bref, un sacrifice
d’un certain degré de liberté personnelle pour obtenir un ordre
général, comme une règle universelle, pour le bien-être général
et universel. Et plus grand est le bien-être ou plus grand est le
degré de bien-être que nous désirons, plus grand sera le sacrifice
de liberté personnelle.
Si vous développez suffisamment cette façon de penser,
il s’ensuit que celui qui a totalement renoncé à sa liberté
personnelle, contribue le plus au bien-être général  ; et c’est la
condition du Saint ou du Maître. Car, dans l’existence d’une
personne comme celle de notre Maître, vous trouvez l’exemple
d’une vie sacrifiée pour le bien-être humain général en remettant
toute sa liberté personnelle à son Maître : liberté de choix, liberté
d’action, liberté de pensée, tout. Et nous appelons ceci l’abandon.
C’est donc comme un large spectre : d’un côté, nous avons une
totale liberté individuelle mais pas de bien-être, de l’autre côté,
nous n’avons pas de liberté individuelle mais un bien-être total ;
et au milieu, nous avons un mélange de différents degrés de ceci
et de cela.
Vous pouvez dire d’une autre manière, que l’une est la situation
du bébé ; il n’a pas de liberté mais sa mère s’occupe totalement
de lui. A l’extrême limite, vous avez le Maître ou le Saint qui, de
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nouveau, n’a pas de liberté et qui est de nouveau totalement pris


en charge par son Maître. La différence entre ces deux états est
uniquement celle de la conscience de la liberté. L’enfant n’a pas
du tout conscience de sa liberté, il ne lui est donc pas difficile
d’y renoncer. Mais, au fur et à mesure que nous grandissons,
nous devenons de plus en plus conscients de nos droits, comme
nous les appelons, ce qui n’est qu’un autre mot pour notre liberté
telle que nous pensons qu’elle devrait être. C’est pourquoi, il est
dit : « Soyez comme des petits enfants et vous entrerez dans le
royaume des cieux ».
Donc, voyez-vous, le problème est de nouveau cette idée de
liberté. Mais le fait que la liberté existe ne constitue pas en soi un
réel problème. C’est nous qui créons le problème parce que nous
autorisons le désir à entrer en nous pour faire quelque chose ou
jouir de quelque chose. Alors, le sens du devoir dit : « Non, tu ne
peux faire cela  ». Et, nous sommes donc entre deux situations
extrêmes ; nous ne savons pas laquelle choisir. Par conséquent,
la sagesse dit : s’il n’y a pas de désir, il n’y a qu’une voie, donc un
seul déroulement des événements, une seule ligne de conduite.
S’il n’y a pas de désirs, il n’y a alors que le chemin du devoir, il n’y
a donc pas de conflit.
Ceci est la sagesse qui sous-tend le fait d’éviter les désirs de
manière à n’avoir pas de problèmes dans la vie. (rire étouffé).
Mais pour nous autres, êtres humains, c’est presque impossible
car nous ne sommes pas comme des trains qui roulent sur des
rails. A notre stade d’évolution - (rire étouffé) (énorme sujet,
comme l’a dit hier ma femme, (Il rit) -, le plan évolutionniste
semble avoir besoin que nous décidions par nous- mêmes ce qui
est bon pour nous. C’est-à-dire que nous devons être bons en
voulant être bons, pas en étant obligés d’être bons. En quelque
sorte, il semble que l’humanité ne puisse évoluer qu’en voulant
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évoluer. Par conséquent, j’ai toujours ressenti que ce ne sont


pas les maladies et les guerres qui sont nos plus grands dangers,
mais nos propres désirs intérieurs. Ils constituent les plus grands
dangers pour l’évolution. C’est pourquoi, mon Maître a donné
une telle importance aux désirs dans la prière.
Ayant maintenant parlé de toutes ces choses, comment allons-
nous décider de ce que nous devons faire  ? J’ai déjà dit qu’il y
avait peu de situations où nous avons à décider. Invariablement,
nous savons ce que nous devons faire. La difficulté est que nous
manquons de volonté pour faire ce que nous devons faire. Donc,
la véritable solution est de développer la volonté jusqu’au point
où elle ne nous laissera pas tomber quand on aura besoin d’elle.
Et la volonté n’est pas développée par quelques fantastiques
prouesses du pouvoir de la volonté. On ne devient pas haltérophile
en saisissant soudainement 350 kilos et en essayant de les
soulever. Nous commençons par ce que nous pouvons soulever
sans danger et nous continuons en ajoutant du poids petit à petit,
développant lentement nos pouvoirs  ; mais en les développant
graduellement, nous les développons sûrement, progressivement
et de façon certaine. Le pouvoir de la volonté se développe de la
même manière : par chaque petite action d’application positive
de la volonté, celle-ci est progressivement développée.
Je pense que dans le Sahaj Marg c’est le but principal de
notre sadhana, à la fois de la méditation et des dix maximes, car
chaque fois que nous nous asseyons en méditation et que nous
n’allons pas à une soirée ou au cinéma, ou à de telles stupidités,
nous renforçons la volonté. Et plus nous le faisons, plus cela
devient facile. Donc, en faisant ce que nous devons faire, nous
devenons de plus en plus capables de le faire, jusqu’à ce que
nous atteignions un degré intérieur de sérénité et de volonté
tel que tout devient automatique. Ce n’est pas automatique
dans le sens d’une machine travaillant automatiquement. C’est
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automatique dans le sens où le travail devient quelque chose de


naturel, ce qui doit être fait devient quelque chose de naturel,
et continue d’avancer de façon naturelle. Je dis cela parce que
beaucoup de gens s’imaginent que lorsque nous atteignons un
tel état de sainteté, nous devenons comme des machines. Dans
une existence spirituelle, c’est impossible. L’homme peut faire
des machines, il ne peut jamais devenir lui-même une machine.
J’aimerais suggérer maintenant que c’est en suivant le chemin
de nos désirs que, dans nos existences, nous devenons de plus en
plus mécaniques et, par conséquent, de plus en plus comme des
machines. J’essaie de vous dire ceci : l’homme ne peut devenir
une machine qu’en suivant ses désirs, pas en suivant le chemin
de la spiritualité où il devient un homme véritable. Une des
fonctions de base même de la machine est d’obéir aux ordres, ou
à ce que nous appelons des données. Donc, une machine manie
des données et ressort des résultats. Vous pouvez dire qu’elle a
une réponse figée.
Maintenant quand, de la même façon, notre réponse à des
désirs ou à des situations devient figée, nous devenons de plus
en plus comme des machines. Un homme voit un bar sur la
route et il doit y entrer et boire un verre, qu’il ait soif ou pas. La
donnée est le dessin des bouteilles sur la façade ; il agit comme
une machine parce qu’il entre et prend un verre. Le verre devient
la donnée pour le prochain, et ainsi de suite. Nous sommes en
présence d’une situation... Savez-vous, il y a une définition
classique de l’ivrogne : d’abord, l’homme boit la bouteille, puis la
bouteille boit la bouteille, puis la bouteille boit l’homme (rire). Ce
n’est pas une plaisanterie. Parce que c’est ce qui se passe avec les
désirs. Car dans un premier temps, nous satisfaisons nos désirs,
puis les désirs satisfont d’autres désirs et, finalement, le désir
nous achève. C’est comme la bouteille qui boit l’homme. C’est un
enchainement automatique. Parce qu’un broyeur broie jusqu’à
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ce qu’il n’y ait plus rien à broyer. Et vous connaissez tout le reste :
si vous laissez aller une voiture elle avancera jusqu’à ce qu’elle
soit accidentée ; elle continuera si elle n’est pas stoppée.
Qu’est-ce qui compte derrière tout cela ? Quand nous livrons
notre liberté personnelle à nos désirs, ils deviennent libres et nous
sommes ligotés. Pas parce que les désirs ont du pouvoir sur nous,
mais parce que nous avons abdiqué nous-mêmes à ce pouvoir. Il
est important de le comprendre car nous disons habituellement :
« Oh, le désir était irrésistible ! «  Cela ne peut jamais se produire.
C’est nous qui donnons notre pouvoir au désir et alors, le désir
agit sur nous avec notre propre pouvoir. Il en va de même pour
traiter les pensées indésirables durant la méditation. N’y faites
pas attention, et elles tombent. Ce qui arrive en méditation,
s’applique aussi à tout le reste dans la vie, à l’état de veille. Ne
faites pas attention au désir, et il tombe.
Frères et soeurs, c’est la seule manière de s’y prendre dans
notre situation humaine. Et ceci s’applique à presque toutes les
situations auxquelles nous aurons jamais à faire face. Très rare
est la situation où nous devons prier pour être guidés ou attendre
les instructions du Maître. Je n’y ai pas encore été confronté. Et
je pense que quand se présente une situation dans laquelle nous
devons prier pour être conseillé, elle doit être vraiment grave.
Grave, pas seulement pour nous individuellement, mais quelque
chose qui peut-être affecterait l’humanité dans son ensemble.
Donc, pour conclure, tout ce que je peux dire est : souvenez-
vous de votre devoir et de votre intérêt personnel, où il réside,
et c’est la solution à tous les problèmes. Mon développement
est mon intérêt personnel n’est-ce pas  ? Pas égoïsme, intérêt
personnel. Oui, quand je veux aller quelque part, je ne suis pas
détourné de ma route. C’est donc comme avoir une boussole dans
la tête. Elle doit toujours pointer vers notre but. Toute variation
mineure est alors à éviter. Un requin ici, une tempête là, mais
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nous continuons toujours d’avancer vers le but. Par conséquent,


mon Maître a toujours dit que, pour que notre méditation soit
un processus dynamique, il faut que l’idée du but soit toujours
fermement à l’esprit. Parce que c’est ce qui donne à nos efforts
leur direction et leur détermination. Merci.

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