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L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES

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Méthanisation-Biogaz
Président directeur général ÉDITORIAL 3 THÉMATIQUE MÉTHANISATION d’électricité 72
Benoît Johanet 4èmes journées industrielles L’agitation dans la Par Michael Köttner et
méthanisation méthanisation 36 Elisabeth Huba
Directeur de la publication
René Moletta Par Nathalie de Romance
Benoît Johanet
THÉMATIQUE MÉTHANISATION
Rédacteur en chef THÉMATIQUE MÉTHANISATION THÉMATIQUE MÉTHANISATION Cas d’application de l’outil
Vincent Johanet Caractérisation des transferts Méthanisation agricole Métatranscriptomique
E-mail : vjohanet@editions-johanet.com hydriques au sein d’un digesteur en voie sèche continue : pour l’optimisation des
Ligne directe : 01 44 84 78 79 de méthanisation par voie sèche 5 une première en France 38 procédés industriels de
Par André Laura, Par Peter Dorka, méthanisation 79
Directeur de publicité Durante Maëlle, Jan Driegen et Par Sébastien Lacroix,
Benoît Johanet Lutz Pascale, Romain Martin Grégory Marandat,
E-mail : bjohanet@editions-johanet.com Lespinard Olivier, Thierry Arnaud,
Ligne directe : 01 44 84 78 82 Pauss André, THÉMATIQUE MÉTHANISATION Théodore Bouchez et
Ribeiro Thierry et Procédés de méthanisation Anne-Sophie Lepeuple
Maquette Lamy Edvina et gestion des risques industriels
Marie-Christine Barut
Retour d’expérience en France THÉMATIQUE MÉTHANISATION
E-mail : mcbarut@editions-johanet.com THÉMATIQUE MÉTHANISATION et en Allemagne 42 Biogaz et biométhane
Ligne directe : 01 44 84 78 80 Microaération en phase liquide Par Evanno S. et Une implication forte
pour diminuer la concentration Weinberger B. de GrDF dans la filière
Abonnements d’H2S dans le biogaz d’un d’injection 85
François Perrin méthaniseur EGSB traitant THÉMATIQUE MÉTHANISATION Par David Le Noc
E-mail : abonnement@editions-johanet.com des effluents papetiers 11 Optimiser le rendement des unités
Ligne directe : 01 44 84 78 81 Par Thierry Arnaud, de méthanisation par la technique THÉMATIQUE MÉTHANISATION
Serge Giot et d’incorporation 47 Gérer les ressources
Abonnement 1 an (12 numéros) Par Emilien Geish
France : 132,22 € ht + (TVA 2,10 %) 2,78 € = 135,00 € ttc
Boris Tartakovsky microbiennes : exemples
Étranger : 160,00  € d’applications aux procédés
THÉMATIQUE MÉTHANISATION THÉMATIQUE MÉTHANISATION de méthanisation 91
Prix au numéro L’ARKOMETHA : Technologie de Qualité et analyses du biogaz : Par Marina Moletta-Denat
15,67 € ht + (TVA 2,10 %) 0,33 € = 16,00 € ttc méthanisation en matière bonnes pratiques et conséquences
épaisse, multi-étapes, technico-économiques THÉMATIQUE MÉTHANISATION
Règlements modélisable 15 sur la valorisation 50 Solidia : une plateforme
À l’ordre de la société Par Michel Bonhomme Par C. Germain, expérimentale de démonstration
Éditions Johanet V. Chatain et
La Banque Postale 20041 H. Metivier pour la digestion anaérobie
THÉMATIQUE MÉTHANISATION de ressources organiques
00001-065079U020-68
Unité de purification biogaz solides par voie sèche
« AE – Compact » pour les THÉMATIQUE MÉTHANISATION
Biométhanation du gaz de discontinue 96
Impression petits débits 19 Par S. Pommier,
Par Bossan David et synthèse par couplage avec la
Imprimerie Nouvelle
digestion anaérobie 55 E. Paul,
45800 Saint-Jean-de-Braye Reijerkerk Sander M. Mauret,
Par Serge R. Guiot
E. Mengelle,
Routage THÉMATIQUE MÉTHANISATION THÉMATIQUE MÉTHANISATION G. Debenest,
Pubadresse Ricoul - 95 Taverny La réalisation d’essais en La gestion du digestat E. Gandon,
réacteurs pilotes en vue en France : possibilités C. Couturier et
L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES d’une demande d’homologation techniques et juridiques 58 J.L. Da Lozzo
est une publication Éditions JOHANET de digestat 23 Par Claire Ingremeau
Siège social Par Cordelier M, THÉMATIQUE MÉTHANISATION
60, rue du Dessous des Berges - 75013 Paris Lascourreges JF., THÉMATIQUE MÉTHANISATION Prétraitement fongique
Téléphone 01 44 84 78 78 - Fax 01 42 40 26 46 Peyrelasse C., Les grands chantiers du Club pour la méthanisation de la
Internet : www.editions-johanet.com Lagnet C. et Biogaz en 2014 62 biomasse lignocellulosique :
E-mail : info@editions-johanet.com Pouech P. Par Claire Ingremeau premiers résultats du projet
Stockactif 99
Distribution THÉMATIQUE MÉTHANISATION THÉMATIQUE MÉTHANISATION Par E. Rouches,
Commission paritaire n° 0314 T 84477 Optimiser les performances Cogénération biogaz : un moteur S. Zhou,
ISSN 0755-5016 des digesteurs : l’utilité bien exploité pour optimiser la I. Gimbert,
Dépôt légal : à parution
des tests en laboratoire et production d’énergie 65 J.C. Sigoillot,
mesures Flash BMP® Par Xavier Joly J.P. Steyer et
Toute reproduction ou représentation intégrale
ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de potentiels méthanogènes 29 H. Carrere
des pages publiées dans la présente publication, Par Romain Cresson, THÉMATIQUE MÉTHANISATION
faite sans l’autorisation de l’éditeur, est illicite Eric Latrille et THÉMATIQUE MÉTHANISATION
et constitue une contrefaçon. Seules sont Développement d’un service
autorisées, d’une part, les reproductions Michel Torrijos outillé permettant le suivi des Culture des microalgues
strictement réservées à l’usage privé du copiste sur le digestat et leurs
et non destinées à une utilisation collective, et performances des unités de
d’autre part, les analyses et courtes citations THÉMATIQUE MÉTHANISATION méthanisation 68 utilisations comme substrat
justifiées par le caractère scientifique ou Artois Méthanisation, unité de de la digestion anaérobie 103
d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont Par Anthony Kerihuel,
incorporées (Loi du 11 mars 1957). La direction méthanisation territoriale David Guianvarch et Par Faten Saidane-Bchir,
se réserve le droit de refuser toute insertion
sans avoir à justifier de sa décision. Retour d’expérience après 2 ans Germain lheriau Hana Ganoun et
de fonctionnement Moktar Hamdi
Focus sur la diversité THÉMATIQUE MÉTHANISATION
des substrats 33 Le développement du biogaz THÉMATIQUE MÉTHANISATION
Par Alice Delaire, agricole et industriel allemand et La méthanisation des fumiers,
Maelenn Poitrenaud et son cadre politique - L’avenir est le procédé Ducelier-Isman 106
Jesus Cacho dans la production flexible Par Marc-André Theoleyre

NUMÉRO THÉMATIQUE - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES -1


4 journées
èmes

industrielles
méthanisation
S
i les publications faisant état de la recherche et du développement
de la méthanisation abondent, les applications industrielles de
la méthanisation sont, elles, très peu documentées. Elles sont
pourtant, via l’exemple, le principal moteur de diffusion d’une technologie. La
première installation est toujours un challenge, et celles qui suivent restent
encore souvent source d’amélioration de par la variabilité des matières
premières à traiter dans l’espace et dans le temps. Pourtant, les consultants,
les constructeurs et les exploitants des digesteurs accumulent une solide
expérience, un savoir-faire, qui ne sont que rarement publiés et échangés.

Les 4èmes « journées industrielles méthanisation » sont aussi riches que


les précédentes de par la variété, les techniques et les exemples qui y sont
rapportés. Ici aussi, la principale vocation des exposés a été de parler d’expériences
industrielles mais aussi des outils qui sont mis à disposition pour améliorer constamment les
performances et la maîtrise de la mise en œuvre de ce processus naturel, et ceci dans tous
les domaines d’applications.

Cette année, nous avons essayé d’innover en couplant la réalisation des actes avec
une large diffusion post congrès, grâce au concours de la revue « L’Eau, L’Industrie, Les
Nuisances ». Un grand merci aux éditions Johanet qui ont permis cela.
Cette année aussi, la réponse des conférenciers pour proposer des exposés s’est
largement accrue par rapport aux années précédentes et le choix a été difficile à faire bien
que nous ayons augmenté le nombre de présentations. Nous avons aussi la chance de voir
intervenir des « éléphants » du biogaz qui viennent de Chine, d’Allemagne, du Canada, des
Pays-Bas… Ils viennent de loin pour partager leur connaissance et leurs expériences.
Merci aux membres du conseil scientifique pour leur aide et leurs analyses. Je sais que la
tâche vient s’ajouter à leur travail quotidien déjà fort chargé.
Je tiens à remercier les sponsors et notamment les industriels pour leur participation
financière qui a permis de réduire au maximum les frais d’inscriptions et de proposer aux
chômeurs et étudiants d’y être inscrits gratuitement.

Je souhaite que ces journées apportent un maximum de réponses à vos questionnements


et que vous en sortiez « un peu plus riche » de connaissance… et de questionnements !

RENÉ MOLETTA, Président du comité d’organisation


www.revue-ein.com NUMÉRO THÉMATIQUE - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES -3
THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Caractérisation
des transferts hydriques
au sein d’un digesteur
de méthanisation
par voie sèche André Laura, Durante Maëlle, Lutz Pascale, Lespinard
Olivier, Pauss André, Ribeiro Thierry & Lamy Edvina
Erigène - UTC/ESCOM – Lassalle Beauvais

L
a méthanisation ou digestion anaé- Les installations de méthanisation par voie sèche sont utilisées pour traiter
robie est un processus microbiolo- des déchets organiques dans un but de production d’énergie. Afin de les
gique naturel qui permet de trans- exploiter au mieux, les opérateurs industriels ont besoin d’informations sur
former la matière organique en un biogaz les processus physiques et biologiques qui surviennent dans ces installa-
riche et un résidu, le digestat, aux excel- tions. Leur objectif est d’obtenir une biodégradation anaérobie optimale de
lentes qualités fertilisantes (Moletta, 2013). la matière organique des déchets, afin d’augmenter la quantité de biogaz
Compte tenu de la teneur en eau des subs- produite et par ce fait d’augmenter la rentabilité des installations. Pour
trats traités par digestion anaérobie, il atteindre cet objectif, parmi de nombreux paramètres intervenant dans
existe deux types de technologie : la métha- ce procédé, l’optimisation des transferts hydriques et de la répartition de
nisation par voie liquide qui s’applique sur l’humidité au sein de ces installations, paraissent comme des paramètres
des substrats ayant un taux de matière essentiels à maîtriser. Des techniques de traçage ont été employées afin
sèche inférieur à 15 % et la méthanisa- de caractériser les transferts hydriques au sein des déchets agricoles, au
tion par voie sèche ou le taux de matière cours de leur digestion anaérobie.
sèche est compris entre 15 et 40 %. Dans Mots clés  : transferts hydriques, hydrodynamique, digestion anaérobie par
les deux cas, la présence d’un consortium voie sèche.
microbien permet de mettre en œuvre la
fermentation anaérobie. La méthanisation
par voie sèche est actuellement appliquée c­ onnaissances et de recul sur son compor- est plus faible (zones de contact avec les
en Europe pour le traitement des déchets tement biologique, hydraulique et méca- bactéries non optimisées). Ceci entraîne
municipaux, alimentaires et agricoles dans nique. La nature hétérogène du matériau une diminution de rendement de biogaz.
un but de production d’énergie (Li et al., poreux, ainsi que son évolution au cours du Des études disponibles dans la littérature
2011). Dans ce procédé, le substrat est temps, entraîne une distribution non homo- mettent en évidence une relation linéaire
placé dans des compartiments fermés her- gène de l’inoculum et d’autres composés à entre la teneur en eau du substrat et l’acti-
métiquement et une recirculation d’une l’intérieur du digesteur. D’un point de vue vité méthanogène spécifique (Le Hyaric et
phase liquide (l’inoculum) est réalisé afin physique, l’hétérogénéité du substrat modi- al., 2011). De ce fait, la caractérisation des
d’accélérer la fermentation. Cette recircu- fie l’hydrodynamique du milieu poreux transferts hydriques, ainsi que la réparti-
lation permet d’optimiser la valorisation et celle-ci devient un facteur déterminant tion de la teneur en eau locale au sein du
des déchets (El Mashad et al., 2006). dans les processus de transfert des compo- digesteur sont des facteurs clés dans l’opti-
Ce procédé soulève de nombreuses sés présents (Lamy et al., 2013). Cette hété- misation de ce procédé.
questions du fait de la complexité du rogénéité crée des zones de dégradation Afin de caractériser les transferts hydriques
­substrat, mais également du manque de importante et des zones ou la dégradation dans le massif solide, des techniques de
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t­raçage (injection d’un traceur et suivi de
l’élution au cours du transfert en réacteur)
ont été employées sur des digesteurs d’un
volume de 60 L, remplis de déchets agri-
coles.

Les substrats utilisés


Des déchets frais, issus de l’agriculture,
ont été utilisés comme substrats de dégra-
dation : du fumier bovin et de l’ensilage
de maïs provenant de la ferme de l’Insti- Figure 1 : Substrats utilisés : a) Fumier bovin ; b) Ensilage de maïs ; c) Tonte d’herbe.
tut LaSalle Beauvais ainsi que de la tonte
d’herbe prélevée sur la ferme équestre de L’Inoculum toutes les heures. La digestion s’effectue
Bois Guilbert (figure 1). Ces substrats ont L’inoculum utilisé pour les cycles de fer- en condition mésophile (37 °C). La pro-
été prélevés en respectant des conditions mentation anaérobie provient d’une cuve duction de biogaz est suivie par un sys-
décrites par un plan d’échantillonnage (Gy de stockage ayant déjà subi un cycle métha- tème automatisé de suivi de la production
P., 1988) et n’ont subi aucun prétraitement. nisation et laissé par la suite au repos en de biogaz (AMPTS) version I (Bioprocess
Ils ont été placés dans des digesteurs cuve ouverte. Il a été homogénéisé à l’aide Control). La composition en gaz est rele-
et caractérisés en termes de transferts d’une pompe avant le prélèvement, puis fil- vée quotidiennement à l’aide d’un analy-
hydriques par des techniques de traçage, tré afin de limiter le contenu en matière seur gaz (Multitec 540, Sewerin).
décrites ci-dessous. Ensuite, certains subs- solide. L’inoculum a été caractérisé en
trats ont subi un cycle de méthanisation. termes de matière sèche et de matière orga- Caractérisation de l’écoulement
Ainsi, des digesteurs contenant 21 kg des nique, en plaçant les échantillons respecti- au sein des matrices
matières suivantes : fumier 100 %, et un vement à 105 °C pendant 24 h et à 550 °C hétérogènes avant
mélange fumier bovin (70 %) – ensilage de pendant 2 heures. Les teneurs en matière et après digestion anaérobie
maïs (30 %) ont été placés en dégradation sèche et matière organique s’élèvent à 2 % Des grilles de diamètre de 2 mm sont pla-
anaérobie pendant 30 jours. La digestion de matière sèche et à 60 % de matière orga- cées de part et d’autre du lit poreux (le
anaérobie n’a pas été réalisée sur la tonte nique par rapport à la matière sèche. substrat), mis en place dans des digesteurs
d’herbe ainsi que l’ensilage seul en raison de 60 L. Ce dispositif permet de limiter le
de leur caractère acidifiant, qui ne permet Fermentation anaérobie lessivage du matériau. Une pompe, placée
pas de les méthaniser sans co-substrat. des déchets agricole en entrée de digesteur, permet d’injecter
Des échantillons issus de chaque substrat La fermentation anaérobie a été réalisée de l’eau du bas vers le haut du digesteur à
ont été placés dans une étuve à 105 °C pen- dans des digesteurs de 60 L, fournis par le un débit constant afin de saturer le milieu
dant 24 heures afin d’estimer leur teneur laboratoire de la société ERigène. La quan- poreux (figure 2). La percolation de bas en
en matière sèche. La teneur en matière tité de substrat utilisé a été déterminée haut facilite la sortie de l’air et conserve
sèche obtenue des substrats avant diges- pour réaliser au mieux la digestion anaé- la saturation des digesteurs. Une cellule
tion anaérobie est de 24 % pour le fumier robie. Ainsi 25 L d’inoculum ont été ajou- de conductivité, disposée à la sortie du
bovin, 23 % pour la tonte d’herbe et de tés pour 21 kg de substrat. L’inoculum est digesteur, permet de suivre l’évolution de
39 % pour l’ensilage de maïs. Après diges- injecté par aspersion en haut du digesteur à la conductivité électrique par une mesure
tion anaérobie, cette teneur diminue à 12 % un débit de 100 L/h. Il est ensuite récupéré directe en continu. Les traçages sont réa-
pour le fumier bovin et à 9 % pour l’ensilage en bas afin d’être re-circuler de nouveau lisés pour deux taux de saturation en eau :
de maïs respectivement. dans le digesteur par cycle de 2 minutes saturation totale (conditions saturées) et
saturation partielle (conditions non satu-
rées). Le réacteur est saturé avec de l’eau
du réseau de ville et lavée jusqu’à l’obten-
tion d’une valeur stable de la conductivité.
Afin de caractériser l’écoulement dans la
matrice poreuse, l’ion chlorure a été utilisé
comme solution traçante. Le traceur a été
injecté en réacteur sous forme de NaCl 10-1
M et détecté par une mesure de conduc-
tivité électrique. Le volume de traceur
injecté dans toutes les expériences repré-
Figure 2 : Dispositif expérimental en conditions saturées et non saturées : 1 : saturation du digesteur sente 16 % du volume poreux de la matrice
en eau ; 2 : traçage en conditions saturées ; 3 : drainage pendant 24h ; 4 : traçage en conditions solide. Il est ensuite élué par un volume
non-saturées. ­suffisant d’eau jusqu’à l’obtention d’une
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valeur stable conductivité. La concentra- partie mobile et une autre immobile ou sta- tifs estimés de zones mobiles et immobiles.
tion du traceur est corrélée à la mesure de gnante. Dans la région mobile, le transport Plus le volume d’eau mobile est important,
conductivité électrique. de solutés se produit par convection – dis- plus l’écoulement est homogène.
Dans le cas des expériences en condi- persion. Dans la région de l’eau immobile, Un exemple des courbes d’élution du tra-
tions non saturées, le digesteur préalable- le transfert de solutés s’effectue par diffu- ceur obtenues lors des expériences de tra-
ment saturé, est drainé par gravité pen- sion moléculaire uniquement et est modé- çage en début et à la fin du cycle de métha-
dant 24 heures. Les solutions (le traceur et lisé par une ­cinétique de 1er ordre. Ce trans- nisation est présenté à la figure 3. Dans
l’eau de lavage) sont injectées du haut vers fert non réactif est régi par les équations toutes les configurations étudiées, le bilan
le bas dans le digesteur. Un pompage est suivantes : de masse, déduit par l’intégral de l’aire sous
enclenché en sortie de digesteur afin d’as- les courbes d’élution, est proche de 1. Ceci
surer un régime hydraulique permanent indique que le traceur est entièrement res-
(égalité du débit en entrée et en sortie de titué et il est conservatif, à l’exception de
digesteur). la tonte d’herbe. En effet, une partie du tra-
ceur est absorbé par ce milieu. Pour cela,
Courbes d’élution, analyses ce substrat n’a pas été utilisé dans la suite
et modélisation où θm et θim sont respectivement la teneur des expérimentations.
L’étude de l’élution du traceur dans les dif- en eau mobile et la teneur en eau immobile Toutes les expériences ont été dupliquées,
férents systèmes s’appuie sur la comparai- (cm3 cm-3), Cm la concentration du soluté et les résultats obtenus présentent une très
son des courbes d’élution et sur l’analyse dans la fraction d’eau mobile (mol l-1) ; Cim bonne répétabilité. Des essais effectués à
des courbes par l’approche dynamique des la concentration dans la fraction d’eau différents débits d’injection ont menés à la
systèmes (Sardin et al., 1991). Les courbes immobile (mol l-1) ; Dm le coefficient de même allure des courbes d’élution (résul-
d’élution sont présentées sous forme adi- dispersion hydrodynamique dans la frac- tats non présentés). De ce fait, toute dif-
mensionnelle : [C]/[C]0 (concentration en tion mobile (cm2 min-1), α le coefficient férence entre ces courbes est attribuée
solution au cours du temps/concentra- d’échange entre les deux fractions d’eau ­uniquement au type du milieu traversé par
tion initiale de la suspension ou soluté) (min-1) et q la vitesse darcienne (cm min-1). le traceur. Leur allure donne une indication
en fonction de V/V0 (volume élué au cours La détermination des paramètres hydro- du degré d’homogénéité de l’écoulement
du temps/volume d’eau dans la colonne). dynamiques (teneur en eau dans la zone au sein des colonnes (Sardin et al., 1991).
Ces courbes aident à définir le bilan de mobile et immobile, dispersion de soluté Les courbes symétriques sont témoins
masse (masse éluée/masse injectée). L’élu- dans la zone mobile et échange de solu- d’un écoulement homogène. En conditions
tion du traceur est également modéli- tés entre les deux zones) est réalisée par ­saturées, ces courbes présentent une allure
sée avec en modèle de transfert basé sur ajustement des courbes d’élution calcu- similaire pour tous les substrats t­estés
des équations de convection-dispersion lées (solutions du modèle MIM) aux résul- avant le cycle de dégradation anaérobie
en milieu poreux hétérogène : il s’agit du tats expérimentaux des essais de traçage. (figure 3a). Elles se caractérisent par une
modèle de convection-dispersion à deux Ces derniers permettent de quantifier dissymétrie très nette, une sortie précoce
régions (Mobile IMobile) (Van Genuchten les pourcentages volumiques des pores du traceur (pic de concentration avant 1 V/
et Wierenga, 1976), et mis en œuvre dans le directement accessibles, accessibles par V0) et une traînée importante dans la ­partie
code HYDRUS-1D (Simunek et al., 1999). Il l’échange diffusif et totalement exclus de décroissante de la courbe. Cette traînée
s’appuie sur une hypothèse selon laquelle l’écoulement. Le degré de l’homogénéité de de la courbe est témoin d’un écoulement
la région liquide peut être divisée en une l’écoulement dépend des volumes respec- hétérogène. Ceci illustre la présence de

Figure 3 : Exemples de courbes d’élution obtenues en conditions saturées : a) avant digestion anaérobie pour différents substrats testés, b) avant et en fin
de dégradation anaérobie pour le fumier bovin.

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c­ hemins préférentiels dans les macroporo- est moins importante que celle en condi- début et en fin de dégradation, témoigne
sités de ces milieux. tions saturées. Ce résultat peut s’expli- d’une modification de l’écoulement au sein
Ces observations sont également confir- quer par l’hypothèse selon laquelle lorsque du substrat, due à une évolution de ce der-
mées par la modélisation du traceur. Ainsi, le milieu se désature, les pores les plus nier. Quelques simulations numériques réa-
le calage du modèle MIM sur les courbes larges se vident et n’interviennent pas dans lisées sur le fumier on permis de quanti-
d’élution expérimentales, a permis de l’écoulement. Ceci entraîne un écoule- fier les pourcentages volumiques des pores
caractériser le degré d’homogénéité de ment moins dispersif. La comparaison des directement accessibles à l’écoulement
l’écoulement dans les digesteurs remplis courbes d’élution obtenues sur le même (62 % de pores). Ceci implique que 38 % de
de fumier. Les valeurs des fractions d’eau substrat (fumier bovin) en début et à la fin pores sont soit accessibles par l’échange
mobile, de l’ordre de 62 % ont été obte- du cycle de méthanisation montre une sor- diffusif, soit totalement exclus de l’écoule-
nues dans le fumier avant la dégradation, tie plus tardive (pic d’élution décalé vers ment. Cette répartition de l’eau au sein de la
et confirment l’hypothèse d’un écoulement la droite) du traceur en fin de dégradation matière, affectera le transfert des composés
hétérogène au sein de ce milieu. Ces ajuste- (figure 3b). Ceci montre une modification nécessaires à la dégradation du substrat, et
ments ont été obtenus pour des valeurs de de l’écoulement au sein du substrat, due à par ce biais, le rendement du procédé. Des
dispersivité du fumier de l’ordre de 4,2 cm. une évolution durant la digestion anaéro- expériences de traçage sont en cours avec
La dispersivité est un paramètre caractéris- bie de ce dernier. la matrice fumier bovin, réalisées à diffé-
tique du milieu poreux, qui dépend du dia- rents temps de la dégradation anaérobie,
mètre des grains solides, du diamètre des Conclusions et perspectives dans le but de mettre en évidence une éven-
pores, des dimensions du réacteur et du Les résultats obtenus à l’aide de traçages tuelle modification du milieu et par ce biais
degré de saturation du milieu. Les valeurs non réactifs ont indiqué un écoulement des transferts hydriques associés au cours
obtenues de l’ordre de 4,2 cm sont témoin hétérogène dans les digesteurs remplis du temps. Ces essais permettront d’appro-
d’un écoulement dispersif au sein de ce de déchets d’origine agricole. Ce mode fondir la compréhension des processus
milieu. d’écoulement est attribué à la nature très étudiés et d’établir une relation entre le
En conditions non saturées (résultats hétérogène de ces matrices poreuses. La transfert de composés et la production du
non présentés), la dispersion du traceur différence entre les courbes d’élution en biogaz au sein du digesteur. n

Références bibliographiques
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Gy P. 1988. Hétérogénéité, échantillonnage, organic waste. Renew. Sust. Ener. grev. 15(1)  : ARS-USDA, Riverside, CA, USA.
homogénéisation, ensemble cohérent de théories. 821 – 826. vanGenuchten, M.T., et Wieranga, P.J. 1976.
Edition Masson. 1 – 607. Moletta R. 2013. La méthanisations, aspects Mass transfer studies in sorbing porous media.
Lamy E., Lassabatere L., Bechet B., et Andrieu généraux. L’eau, l’industrie, les nuisances Hors série ­Analytical solutions. Soil Sci. Soc. Am. J. 40, 473
H. 2013. Effect of a nonwoven geotextile on solute méthanisation. 9 – 14. – 480.
and colloid transport in porous media under both

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Microaération en phase
liquide pour diminuer
la concentration
d’H2S dans le biogaz
d’un méthaniseur EGSB
traitant des effluents
papetiers
Arnaud Thierry, Giot Serge, Tartakovsky Boris
Veolia - CNRC

L
a présence d’H2S dans le biogaz En présence de biogaz et d’air des bactéries jection d’air était connecté à la boucle de
des méthaniseurs industriels est autochtones type Thiobacillus oxydent l’H2S recirculation du pilote avec possibilité de
redoutée par les opérateurs car et forment des précipités de soufre élémen- réglage du débit d’injection.
elle génère de graves problèmes de corro- taire. Cette solution permet de diminuer à
sion dans les réacteurs, les canalisations et moindre coût la concentration en H2S avec Protocole expérimental
systèmes de valorisation du biogaz (chau- des limites techniques liées à l’encrassement Le principe de fonctionnement du procédé
dières, cogénération). du ciel gazeux et de la ligne biogaz par accu- Canoxis est simple, il consiste à l’inser-
Il existe déjà de nombreuses solutions mulation des précipités minéraux sur les tion d’une chambre de microaération sur
de traitement de l’H2S disponibles sur le parois internes des ouvrages. la boucle de recirculation d’un méthani-
marché industriel et applicables directe- L’objet de cette étude était de tester seur industriel. La technique est également
ment sur la ligne biogaz (filtres biologiques, une technique de microaération (brevet applicable sur un digesteur anaérobie de
tours de lavage chimique). Ces techniques CANOXIS -US5599451) dans la boucle de boues de station d’épuration urbaine ou
sont efficaces mais souvent très coûteuses recirculation liquide d’un pilote EGSB. Il encore sur une unité de codigestion multi-
en investissement comme en exploitation. s’agissait de vérifier l’efficacité du procédé substrats. La configuration du procédé est
D’autres techniques permettent de pié- et vérifier si l’accumulation du soufre s’ef- schématisée sur la figure 1. Le montage
ger le soufre directement à l’intérieur du fectuait plutôt dans la zone liquide du réac- pilote réalisé pour les essais est présenté
méthaniseur avant qu’il ne soit libéré dans teur que dans le ciel gazeux. Les essais ont sur la photo 1 (pilote EGSB dans le contai-
le biogaz, comme l’addition de chlorure fer- eu lieu sur un site industriel où Veolia a ner gris vertical « Biothane » à gauche et
rique ou la microaération. construit et exploite un méthaniseur UASB réacteur de microaération dans le petit
La microaération s’est beaucoup dévelop- traitant des effluents papetiers depuis plus container en aggloméré à droite).
pée sur les méthaniseurs agricoles d’Europe de dix ans. Un pilote EGSB de 5 m3 utiles L’injection de l’oxygène était réalisée par
du Nord. L’air est injecté en faible concentra- était alimenté en continu à une charge volu- un petit compresseur d’air réglable de 0,2 à
tion directement au niveau du ciel gazeux. mique de 5 kg DCO/m3.j. Un système d’in- 2,3 litres/minute.
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injecté, nous avons calculé les concentra-
tions de H2S « attendues », qui étaient fon-
dées sur la concentration moyenne en H2S
estimée lors des tests de contrôle et la dilu-
tion du biogaz avec de l’air. Ce calcul sup-
pose que l’azote n’est pas transformé dans
le réacteur, tandis que l’oxygène peut être
transformé en dioxyde de carbone par les
bactéries aérobies.
Entre le 18 octobre et le 5 novembre 2012,
soit peu de temps après le démarrage du
réacteur, la production de biogaz a été plus
élevée que durant la période de contrôle
n° 2 (février 2013), qui a été réalisée dans
les mêmes conditions de fonctionnement.
Apparemment, lors de l’essai de contrôle #
1 le réacteur n’était pas encore en équilibre.
On peut supposer que le fonctionnement
Figure 1 (gauche) : Schéma du système de microaération connecté à un méthaniseur EGSB (Crédit du réacteur avec une concentration éle-
Veolia). vée de sulfate, de novembre 2012 à ­Janvier
Photo 1 (droite) : Photo des pilotes EGSB et microaération sur le site industriel (Crédit Veolia). 2013, a augmenté le nombre de bactéries
sulfato-réductrices (BSR), conduisant ainsi
Pour éviter tout risque d’explosivité une p­ roduction de méthane pour chaque à des concentrations élevées d’H2S dans
mesure de potentiel redox était effectuée période. Pour tenir compte de la diminu- le biogaz, qui se sont m­ aintenues dans les
en continu et en aval du point d’injection tion de la concentration en H2S en intégrant essais suivants en raison de l’activité amé-
d’air dans la boucle de recirculation et le la dilution avec l’azote contenu dans l’air liorée des BSR.
circuit biogaz était équipé d’une mesure
en continu de la concentration en oxygène Tableau 1 : principales périodes et conditions
avec un seuil de détection très bas. des essais pilotes
Un suivi analytique complet en entrée/sor-
tie du pilote GESB était effectué journaliè- Débit d’air
Périodes Début Fin H2SO4 addition
m3/jour
rement, y compris le débit de biogaz et les
1. Contrôle #1 18-Oct-2012 5-Nov-2012 0 non
concentrations en méthane, sulfure d’hy-
2. Contrôle #2 6-Nov-2012 21-Jan-2013 0 oui
drogène et oxygène. Au niveau de l’unité
3. Aération #1 22-Jan-2013 29-Jan-2013 1.37 oui
de microaération, nous avons mesuré régu-
4. Contrôle #3 2-Fev-2013 25-Fev-2013 0 non
lièrement le débit d’air du surpresseur et le
potentiel redox en sortie. 5. Aération #2 26-Fev-2013 19-Mar-2013 0.72 non

Les périodes d’essais sont résumées dans 6. Aération #3 22-Avr-2013 14-Mai-2013 2.04 non
le tableau 1. 7. Aération #4 15-Mai-2013 23-Mai-2013 3.40 non
Nous avons effectué deux principales
séries d’essais :
Tableau 2: Résultats des essais pilotes
– Une série avec adjonction complémen-
description Cntrl #1 Cntrl #2 Aer #1 Cntrl #3 Aer #2 Aer #3 Aer #4
taire d’acide sulfurique dans
– Les effluents en entrée de pilote H2S, % 0.27* 1.0 0.13 0.5 0.19 0.15 0.08
(tableau 1 : périodes 2 et 3). H2S, % attendu1 0. 1.0 0.9 0.47 0.43 0.40 0.27
– Une série sans adjonction d’H 2SO 4 H2S rendement % n/a n/a 86 0 (contrôle) 57 62 70
(tableau 1 : périodes 4 à 7), en ne comp- pH 6.42 6.16 6.28 5.96 6.35 6.50 6.43
tant que sur les concentrations originelles SO42- entrée g/jour 957 3600** 3600** 553 896 788 330
de sulfates dans les effluents en entrée de SO42- sortie g/jour 404 529 369 245 335 189 114
pilote. CH4, % 72.5 72.0 60.2 71.6 61.9 55.3 47.3
CH4 ratio2, Nm3/kg DCO 0.417 0.429 0.340 0.319 0.410 0.308 0.326
Résultats et commentaires
* estimation.
Les principaux résultats sont présentés ** avec addition d’H2SO4.
dans le tableau 2. 1- Concentration H2S estimée avec la dilution à l’air (lors des essais d’aération).
Le tableau 2 donne les valeurs moyennes 2- QCH4/(FDCOsin - FDCOsout), avec QCH4, la production de méthane en Nm3/jour, FDCOsin, la charge en DCO
de réduction d’H2S ainsi que le ratio de soluble en kg par jour, et FDCOsout, le rejet de DCO soluble en kg par jour.

12 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


Pendant le fonctionnement du réacteur que la présence d’oxygène dans le biogaz boues prélevées dans les réacteurs anaéro-
à une concentration en sulfate élevée, la n’ait pas été détectée, cette aération peut bies pilote et industriel :
teneur en H2S du biogaz a été diminuée de être considérée comme excessive, ce qui 9,1 g S/kg MS pour le réacteur industriel
86 % (test d’aération # 1) et au cours de l’es- pourrait se traduire par la présence d’oxy- (granules sans microaération utilisés pour
sai sans addition de H2SO4 la teneur en H2S gène dans le biogaz et promouvoir la crois- démarrer le pilote)
a été diminuée de 57 à 62 % (aération essais sance et le métabolisme de micro-orga- 9,9 g S/kg MS pour le pilote de microaéra-
n° 2 et 3). Dans les deux essais, la concen- nismes aérobies. La figure 2 montre l’élimi- tion en fin de période d’essai #4.
tration en H2S a diminué au-dessous de nation d’H2S et le pourcentage de méthane Il faut également noter que la quantité
0,2 % (2 000 ppm) et de l’oxygène n’a pas en fonction du débit de microaération. Le d’oxygène fournie par la microaération
été détecté dans le biogaz, c’est-à-dire que rendement sur l’H2S était le plus important était pour la plupart du temps supérieure à
pratiquement 100 % de l’oxygène injecté pour un débit d’air de 2 m3/jour. la demande théorique pour une oxydation
dans le réacteur a été transféré. Comme Fait intéressant, les analyses des sulfates complète en sulfate.
prévu, la microaération a diminué le pour- en entrée et sortie du pilote ainsi que
centage de méthane dans le biogaz en rai- les concentrations en H2S dans le biogaz Conclusions
son de sa dilution avec de l’azote. Néan- laissent fortement présumer que l’oxyda- Les résultats des essais pilotes obtenus
moins, la teneur en méthane du biogaz est tion de l’H2S produit du soufre élémentaire montrent que la microaération peut être
restée supérieure à 50 % (tableau, aération plutôt que des sulfates. En effet, l’H2S peut utilisée avec succès pour l’élimination de
# 2 et # 3). être oxydé en soufre élémentaire (équa- l’H2S dans le biogaz. Les essais ont montré
Dans l’essai d’aération #4, le débit d’air a tion 1) des réductions de concentration en H2S de
été augmenté jusqu’à 142 L/h (3,4 m3/jour), 60 à 90 % dans le biogaz pour des concen-
ce qui correspond à près de 30-40 % du débit trations initiales allant de 5 000 à 10 000
(1)
de biogaz attendu. Cela a entraîné une dilu- ppm. La diminution était très rapide après
tion importante de production de biogaz démarrage de la microaération. ­Pendant
avec une teneur en méthane de 47,3 % et la ou en sulfates (équation 2) les essais, le potentiel redox est resté stable
concentration théorique en H2S de 0,27 %. autour de -300 mV et aucune trace d’oxy-
(2)
La concentration en H2S réelle était de gène n’a été détectée dans le biogaz. L’H2S
0,08 % (sur la base d’une seule mesure en Cette transformation en soufre élémentaire semble être oxydé en soufre ­élémentaire et
raison d’une courte durée de ce test). Bien semble être confirmée par les analyses de stocké dans les boues ana­érobies. n

Références bibliographiques
S.R. Guiot, R.J. Stephenson, J.-C. Frigon, J.A. S.R. Guiot, Process coupling of anaerobic and aero- S.R. Guiot, Anaerobic and aerobic integrated sys-
Hawari, Single-stage anaerobic/aerobic biotreatment bic biofilms for treatment of contaminated waste tem for biotreatment of toxic wastes (CANOXIS),
of resin acid-containing wastewater, Water Science liquids, Studies in Environmental Science, Volume United States Patent No. 5,599,451, Feb. 4, 1997.
and Technology, Volume 38, Issues 4–5, 1998, 66, 1997, Pages 591–602. Canada Patent No. 2,133.265, January 8, 2002.
Pages 255–262.

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

L’ARKOMETHA :
Technologie
de méthanisation
en matière épaisse,
multi-étapes,
modélisable
Bonhomme Michel
Arkolia Energies

C’
est une technologie développée la pression partielle d’H2 est le facteur • Le fonctionnement de type tunnel, avec
par Arkolia Energies en parte- central pour une bonne réduction de la un front de matière, agité « par tranche »,
nariat avec Michel Bonhomme matière. Celle-ci induit la voie prise par la respecte l’évolution et la sélectivité des
fermentation. populations bactériennes et favorise l’auto-
L’ARKOMETHA, technologie • Le fonctionnement dans une première ensemencement par secteur.
en rupture étape à une température de l’ordre de • Un système de brassage du fermenteur
Le schéma du procédé (figure 1) est décrit 65 °C participe à l’hydrolyse thermo- par un réseau de cheminées qui permettent
dans le schéma ci-contre : enzymatique et permet également d’hygié- d’injecter du gaz sous pression, dans les
La technologie repose sur : niser la matière organique (70 °C pendant secteurs de fermentation, à des débits
• Un fermenteur cloisonné en deux com- une heure étant la température d’hygièni- importants engendrant un mouvement
partiments eux-mêmes subdivisés en sec- sation reconnue). convectif de la matière épaisse, fluide
teurs de fermentation correspondant aux
étapes de la fermentation dans des milieux
biochimiques évolutifs. (hydrolyse, acido-
génèse, acétogénèse et méthanogènèse).
• Deux niveaux de température et un pH
évoluant au cours du processus visant à
sélectionner les espèces (dissociés ou non
dissociés) et à maîtriser l’évolution des
principaux métabolites de la fermentation.
Ceux-ci deviennent à certains niveaux de
concentration des inhibiteurs de la fermen-
tation : NH4+, NH3-, H2S, H2 etc. La concen-
tration d’AGV serait plutôt une consé-
quence d’un mauvais équilibre du système
plutôt qu’une conséquence. La gestion de Figure 1 : Schéma du procédé.

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non newtonien. Les vitesses de gaz sont duite en fonction de la température et du dation de la matière passe par un optimum
modulables et dépendantes de la viscosité PH. La température agit également sur les de viscosité qui se traduit par un équilibre
de la matière, viscosité renseignée grâce au seuils de solubilisation-gazéification des entre les éléments solides, solubles et le
rapport débit/vitesse/durée. métabolites produits et sur la pression liquide.
partielle d’hydrogène, l’hydrogène étant Le comportement hydraulique et la vis-
Le bien-fondé massivement produit lors de l’hydrolyse cosité des substrats dépendent de nom-
de la méthanisation thermo-enzymatique. breux paramètres qui sont en substance
multi-étapes La maîtrise du PH et de la température les caractéristiques du substrat, le taux de
Les travaux menés par ARKOLIA ENER- selon les étapes de la fermentation oriente fibre, le taux d’inerte, sa capacité d’absorp-
GIES et ses partenaires ont montré le bien- la forme des espèces moléculaire et parti- tion à une température donnée, les espèces
fondé de la méthanisation multi-étapes en cipe également à l’équilibre biochimique de chimiques, les réactions chimiques, la
voie épaisse. La phase d’hydrolyse est favo- la fermentation. La forme NH3- libre pour- vitesse de dégradation dans un milieu
rable à une évolution rapide de l’acidogéne rait dénaturer les protéines membranaires donné.
(pH acide < 6 et production importante et augmenter la toxicité. Nous notons par exemple une différence
d’H2), ce qui permet de maîtriser l’équi- Un fonctionnement à 65 °C permet égale- fondamentale de comportement entre des
libre de l’acétogénèse à un PH proche de ment l’hygiénisation de la matière à l’entrée ordures ménagères triées OM, des biodé-
la neutralité. Celui-ci évolue dans les sec- du fermenteur. Une adaptation à 70 °C pen- chets et le fumier. Le taux de matière sèche
teurs de l’ARKOMETHA au fur et à mesure dant une heure pour répondre aux normes favorable à l’écoulement, au brassage et
de la minéralisation de l’azote. Nos travaux sur l’hygiénisation est rendu ainsi facile. aux échanges biochimiques peut se rap-
portent également sur la problématique de procher de 30 % sur des OM, alors que sur
dilution des substrats secs par des liquides Les limites du taux le fumier celui-ci descend à moins de 20 %.
de dilution. Selon le lieu du système où de matière sèche
est prélevé ce liquide on est confronté à Les travaux portant sur la rhéologie nous Les problématiques
des augmentations des éléments solubles, ont amenés à ne plus raisonner en fonction de fond confirmées ou mises
acides, azote ammoniacale et sel qui, à un du taux de matière sèche pour déterminer en évidence
certain taux, deviennent inhibiteur. Le sys- les limites de l’agitation mais en termes de En voie épaisse (ou voie sèche) la problé-
tème doit pouvoir les évacuer. viscosité de la matière entrante et en fer- matique essentielle est de devoir diluer des
Dans un système à flux piston on atteint un mentation. substrats secs pour les ramener en dessous
bon équilibre biochimique favorable à une On devrait d’ailleurs, à notre sens, parler du seuil de non écoulement. On utilise le
cinétique de production de biogaz rapide- de matière épaisse plutôt que de matière plus souvent une partie de la matière digé-
ment, aussi bien dans les étapes hyper- sèche. Le terme matière sèche est infondé rée et des jus après séparation de phase
thermophile, thermophile et mésophile. La ou erroné pour plusieurs raisons. du digestat pour diluer les substrats secs
montée en température ne pose pas de pro- La méthanisation en continu à forte entrants. On constate une accumulation
blème et se fait rapidement. Cela n’est pas concentration de MS présente des seuils et problématique de métabolites qui, à une
le cas en sens inverse. limites ou limitants. La matière en fermen- certaine concentration, sont inhibiteur de
Même si nos travaux en cours ne per- tation doit s’écouler soit naturellement ou la méthanisation. L’intérêt d’un écoulement
mettent pas de l’affirmer encore de manière sous l’effet d’une force ou pression. piston est d’évacuer ces éléments.
absolue (de par la multiplication des para- La matière faite d’une partie solide et d’une On trouve l’accumulation d’AGV notam-
mètres en jeu), le fonctionnement dans une partie liquide subit des séparations de ment sous sa forme propionate, des sels
première étape d’hydrolyse à 65 °C associé phase. Il faut pouvoir garder le substrat Na, Ca et surtout l’ammonium NH4+ qui
à une deuxième grande étape à 55 °C ou homogène. Le brassage ne peut s’exer- engendrent la basification du milieu plus
à 38 °C semble être la meilleure configu- cer que sur une matière suffisamment vis- favorable à la production de NH3+ et d’H2S
ration. Les temps de séjour respectifs des queuse et homogène faite d’une phase en orientant la voie sulfato-réductrice en
étapes restent à optimiser en fonction de la liquide et d’une phase solide. compétition avec la voie de fermentation
nature des substrats. Chaque étape est sub- La phase solide et la phase liquide de l’acétogénèse. L’H2S peut contribuer
divisée en étapes intermédiaires dans un sont indispensables pour permettre les dans certaines conditions à la complexa-
nombre de secteurs dépendant aussi de la échanges de métabolites, la diffusivité tion des éléments métalliques nécessaires
taille des fermenteurs. enzymatique et l’accessibilité des bactéries à la croissance bactérienne. L’infiniment
La production de biogaz serait à peu près aux substrats. On retrouve dans les subs- mélangé qui nécessite de forte dilution
équivalente dans les deux configurations trats en voie épaisse à la fois des fibres et la recirculation de substrats fermen-
thermophile et hyperthermophile. La stabi- solides, des éléments en suspension et des tés favorise la concentration progressive
lité du milieu et la conservation de l’azote éléments solubles. La solubilisation de la d’AGV, de sels et d’azote minéralisé, un
seraient favorisées avec une première matière organique ne peut se faire que s’il y temps de séjours des espèces aléatoire et
étape hyperthermophile. Cela s’explique a un milieu suffisamment humide pour per- la confusion bactérienne. Ce qui nécessite
par la nature des espèces chimiques et la mettre la dilution. des temps de séjour importants.
forme de l’azote minéralisé NH4+/NH3- pro- L’optimisation des échanges et de la dégra- La méthanisation multi-étapes en voie
16 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
épaisse reposant sur une dissociation, favoriser les voies de fermentation favo- gramme des Investissements d’Avenir est
notamment de l’acidogénèse et de la métha- rable à la production de biogaz et à l’éva- de passer d’un pilotage pragmatique des
nogénèse présente de nombreuses possibi- cuation des inhibiteurs de la fermentation. installations à un pilotage prédictif et cor-
lités d’intervention sur le process pour L’objectif poursuivi dans le cadre du pro- rectif sur serveurs locaux et à distance. n

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Présent à

HALL 6 Stand G259


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Unité de purification
biogaz « AE – Compact »
pour les petits débits
Bossan David et Reijerkerk Sander
Arol Energy

L
a méthode de valorisation clas- Mot clés : biogaz, purification, membranes, bio-GNV, injection réseau, à la
sique du biogaz issu de la méthani- ferme, compact.
sation agricole est la cogénération.
La valorisation par cogénération (la produc-
tion simultanée d’électricité et de chaleur)
permet à l’exploitant de vendre l’électricité
produite au tarif préférentiel grâce au dis-
positif d’obligation d’achat prévu par la loi.
En plus, la chaleur dégagée par le moteur
est récupérée avec l’aide des échangeurs
et permet de chauffer de l’eau à 80-90 °C.
Cette chaleur peut être utilisée directement
pour le chauffage des digesteurs ou elle
peut être valorisée par des autres moyens
en utilisant un réseau de chaleur.
Pourtant, la valorisation de cette chaleur
est souvent difficile (pas suffisamment
des besoins sur sites ou des longueurs de
réseau de chaleur économiquement pas
attractive). Cette difficulté a un impact Figure 1 : Cout d’investissement spécifique (en €/Nm3/h) pour les différentes technologies de purifica-
direct sur l’économie d’un projet de métha- tion : lavage à l’eau (bleu), lavage aux amines (rouge), lavage organique physique (orange), membranes
nisation agricole dû au fait que le tarif de (verte) et PSA (violette)1.
rachat inclus une prime à l’efficacité éner-
gétique. Sans valorisation de la chaleur, tion du biogaz en biocarburant sont deve- à 150 Nm3/h). Cette faible capacité impose
cette prime ne sera pas accordée et ceci nues des alternatives crédibles à côté de la des coûts d’investissements spécifiques
représente une baisse des revenus pour cogénération. (€/Nm3/h biogaz brut) élevés (voir figure 1).
l’exploitant de 23 à 26 %, qui rend un gros Aujourd’hui, pour limiter les coûts d’in-
nombre des projets non-viables. Le biométhane à la ferme vestissements spécifiques, des projets de
Avec l’arrivée du biométhane en France Le potentiel du biométhane à partir de la taille plus importante sont montés (300-
par l’autorisation d’injection en 2011, le méthanisation à la ferme est large, mais 600 Nm3/h) par le regroupement des diffé-
marché du biogaz a fondamentalement actuellement la production est limitée du fait rents acteurs dans un même secteur géo-
changé et l’injection du biométhane dans que la capacité des installations de produc- ___________________
1. SGC Rapport 2013:270 ; Biogas upgrading – Review of commercial
le réseau du gaz naturel et la transforma- tion du biogaz est souvent faible (inférieur technologies; www.sgc.se

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(< 150 Nm3/h biogaz brut), un segment de
marché ou la solution classique est actuel-
lement la cogénération.
Comme même la taille des petits projets à la
ferme peut être très variable, notre gamme
AE-COMPACT se décline en trois plages
de débits différents, à savoir 40-75 Nm3/h,
60-100 Nm3/h et 90-150 Nm3/h (exprimé en
biogaz brut) pour couvrir la totalité des
attentes.

Figure 2 : La solution AE-COMPACT.

graphique (souvent 10-20 acteurs). Cette


construction, même si elle est bénéficiaire
sur un plan économique, peut entraîner des
contraintes logistiques et elle alourdit for-
tement les procédures administratives de
la gestion de l’unité.
Autrement, la situation géographique peut
faire en sorte qu’un regroupement soit
impossible à mettre en place.
Il y a donc un fort potentiel de la produc-
tion et valorisation du biométhane sur
des petites unités (débit biogaz brut < 150
Nm3/h), mais cette part de marché est très
peu explorée pour l’instant du fait des
conditions économiques défavorables.

La solution Figure 3 : Implémentation typique d’une unité


AE-COMPACT AE-Compact sur un site agricole.
Afin de répondre aux
besoins des agricul- Dans la présentation, nous présente-
teurs et aux attentes rons notre solution technique, mais
Société Française de Réservoirs de marché, Arol nous voulons surtout accentuer l’ana-
Energy a développé lyse économique afin de montrer les
FABRIQUANT ET INSTALLATEUR une gamme de pro- avantages financiers de la petite pro-
FRANÇAIS DE RÉSERVOIRS duits parfaitement duction du bio-GNV (bio-GNV à la
MÉTALLIQUES BOULONNES adaptés aux petits ferme) et l’injection réseau.
RÉSERVOIRS ACIER
débits (débit bio- Une première analyse montre que la
GALVANISÉ-INOX-ALUMINIUM- gaz brut inférieur à production de bio-GNV est plus attrac-
EPOXY-VITRIFIÉ ET AUTRES 150 Nm 3/h), nommé tive que l’injection dans le réseau et
REVÈTEMENTS AE-COMPACT. Ce encore plus par rapport à la cogéné-
produit, jusqu’à ration. Par exemple, pour une instal-
ÉTANCHÉITÉ PAR
GÉOMEMBRANE OU
aujourd’hui non-exis- lation de 500 kW (70-100 Nm 3/h biogaz
MASTIC TECHNIQUE tant sur le marché, se brut), les recettes pour une produc-
base sur la technolo- tion de bio-GNV sur 15 ans sont supé-
COUVERTURES DE gie séparation mem- rieures entre + 21 % et +157 % par rap-
RÉSERVOIRS GALVANISÉES- branaire déjà utili- port à la cogénération (prime d’effica-
GEOMEMBRANES-ALUMINIUM
ET AUTRES MATIÈRES sée dans la gamme cité à 4 c€ inclus, valorisation chaleur
AE-Membrane d’Arol entre 0-40 €/MWh). D’ailleurs, pour l’in-
Energy, mais le pro- jection la différence se situe entre + 7
40560 VIELLE SAINT GIRONS duit est spécifique- et + 127 %.
05.58.42.09.90 ment conçu pour La valorisation du biogaz en biomé-
EIN 367/2013

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20 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
THÉMATIQUE MÉTHANISATION

La réalisation d’essais
en réacteurs pilotes
en vue d’une demande
d’homologation
de digestat
Cordelier M, Lascourreges JF., Peyrelasse C.,
Lagnet C., Pouech P.
APESA

A
ctuellement, le digestat issu d’une ché à minima au moment de la mise en ser- l’ALimen­tation, Ministère de l’agriculture,
unité de méthanisation a le statut vice de l’unité. Pour ce faire, il est possible de l’agroalimentaire et de la forêt) peut
de déchet, nécessitant une utilisa- de réaliser un essai pilote, dans les mêmes accorder une autorisation provisoire de
tion réglementée. conditions que celles de la future unité, afin vente pour 2 ans.
d’obtenir un digestat équivalent à la future
L’homologation du digestat production. Ce digestat est ensuite analysé Le protocole de réalisation
en France, une possibilité pour selon les préconisations de l’ANSES afin en vue de répondre
passer du statut déchet à produit d’obtenir les résultats nécessaires à la réa- aux prescriptions de l’ANSES
La grande majorité des unités Françaises lisation du dossier. À ce jour, l’APESA a réalisé deux essais
valorisent le digestat sur des terres agri- L’ANSES a publié une mise à jour, en pilotes dans l’objectif d’une homologation.
coles par la mise en place d’un plan d’épan- août 2013, de la note d’information aux
dage. pétitionnaires concernant l’homologation La mise en place du pilote en vue
Pour être considéré comme un produit, des matières fertilisantes et support de de reproduire les conditions
le digestat peut, soit être composté (il culture2 ; y est indiqué que dans le cas d’une industrielles
rentre ainsi dans la norme NFU 440511), production pilote les analyses de carac- Afin de pouvoir assimiler le digestat issu
soit homologué. L’homologation est une térisation doivent être menées sur 5 lots du pilote à celui qui sera produit par l’unité
procédure visant à prouver la qualité, l’in- et les essais toxicologiques, écotoxicolo- industrielle, les paramètres de fonction-
nocuité et l’efficacité du produit. La réalisa- giques et l’efficacité potentielle doivent nement du pilote doivent être identiques
tion de ce dossier est relativement longue être réalisés sur au moins 1 lot. L’ANSES a à ceux de la future unité. Les intrants ont
car les analyses doivent être réalisées sur ainsi défini des valeurs de références pour été échantillonnés chez des futurs appor-
des lots de production différents. les éléments traces métalliques (ETM) les teurs de matières pour s’assurer de leur
Certains porteurs de projet souhaitent composés traces organiques (CTO) et cer- représentativité. Les intrants sont conser-
exporter le digestat dès la mise en service tains microorganismes. Suite à ces ana- vés dans une chambre froide à 6 °C pen-
de leur installation, ce qui nécessite d’ob- lyses, la DGAL (Direction Générale de dant toute la durée de l’essai pilote. Ils sont
tenir une autorisation de mise sur le mar- ensuite introduits tous les jours (du lundi
2. Note d’information aux pétitionnaires concernant l’homologation
au vendredi) dans les mêmes proportions
1. AFNOR, NFU 44 051, avril 2006 des MFSC, ANSES, rapport DPR/UMFSC/6/01-b, publié le 01 aout 2013 que le futur site.
www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 23
digestat à un temps de séjour d’intervalle.
Les essais toxicologiques, écotoxicolo-
giques et d’efficacité, peuvent s’effectuer
au travers de nombreux tests de labora-
toire et de plein champ. Néanmoins, les
contraintes imposées par un essai en réac-
teur pilote ne permettent pas d’obtenir du
digestat en quantité suffisante pour pou-
voir effectuer plusieurs essais différents
qui permettraient de caractériser large-
ment les différentes propriétés du diges-
tat. Dès lors, il est nécessaire de proposer
certains bio-essais pertinents et réalisables
à l’échelle d’un pilote de laboratoire. Les
essais retenus sont le test cresson, AT4 et
un essai de biodisponibilité et de minérali-
sation de l’azote.

Les résultats et limites

Paramètres agronomiques
Le tableau 1 présente les principaux
Figure 1 : photographie d’un pilote à une seule cuve de digestion. paramètres agronomiques des matières
entrantes et du digestat. On note une dimi-
Le pilote peut être constitué d’une ou deux comprend un digesteur et un post diges- nution du taux de matières sèche, de la
cuves permettant de simuler un digesteur teur le premier à 43 °C, le deuxième à 37 °C matière organique et du C/N.
simple ou la combinaison d’un digesteur et pour un temps de séjour total de 53 jours, On peut également noter un coefficient de
d’un post-digesteur. seuls les C3 ont été hygiénisés. variation, sur les 3 semaines de prélève-
L’essai est partagé en 4 phases de fonction- ment, inférieur à 10 % pour la majorité des
nement : phase de lancement (adaptation Les analyses réalisées paramètres. Les résultats présentés ci-des-
de l’écosystème selon une méthode éprou- Les analyses de caractérisations ont été sus (tableau 2), montrent une évolution de
vée au sein de l’APESA), phase de mon- réalisées sur le mélange entrant et sur le l’azote organique en azote ammoniacal.
tée en charge (augmentation de l’ali-
mentation jusqu’à la charge organique Tableau 1 : Paramètres agronomiques de la ration entrante et du
prévue dans le futur projet), phase de
digestat obtenu sur les deux essais
fonctionnement stabilisé (vérifica-
ESSAI n°1 ESSAI n°2
tion des performances sur minimum
Coeff Alimen- Coeff
un temps de séjour), phase d’échan- Alimentation Moyenne
variation tation
Moyenne
variation
tillonnage du digestat (récupéra- moyenne digestat digestat
digest moyenne digest
tion et analyses sur différents lots). MS % PB 20,33 8.02 9 % 13.59 5.97 3.5 %
Un ensemble d’instrumentation et MO g/kg MS 833,57 716 3 % 817 711 2.2 %
d’analyses régulières permettent d’as- C organique g/kg MS 416,67 358 3 % 367 356 2.2 %
surer le suivi du pilote (mesures de la NTK+Nox g/kg MS 27,14 71.61 16 % nc nc nc
température, du débit de biogaz, de N ammoniacal g/kg MS 3,83 35.32 23 % nc nc nc
la composition de biogaz, du pH, du NTK g/kg MS 71 93.77 2.8 %
redox, des AGV, et des bicarbonates, N org g/kg MS 23.26 36.31 22 % 6
de la matière sèche, de la matière
C/N 15,47 5.12 15 % 8.3 3.77 1.5 %
organique).
MO/Norg 36,07 20.38 19 %
Les résultats présentés ci-après ont
P2O5 g/kg MS 12,73 31.81 5 % 30.52 51.10 3.1 %
été obtenus sur deux essais pilotes
K2O g/kg MS 5,92 18.44 8 % 39.45 45.83 8.0 %
avec des intrants d’origine agricole et
MgO g/kg MS 2,99 7.11 3 % 8.64 13.27 5.8 %
agroalimentaire. Le premier avec un
CaO g/kg MS 20,94 49.88 4 % 26.74 48.63 6.9 %
seul digesteur, un temps de séjour de
40 jours et une température de 39 °C, Na2O g/kg MS 3,26 10.47 6 % 6.50 9.53 7.4 %
SO3 g/kg MS 7,27 15.21 7 % 4.45 15.90 5.5 %
tous les déchets intrants étant hygié-
nisés au préalable. Le deuxième essai Chlorures g/kg MS 2,09 7.02 19 % 4.85 12.27 5.9 %

24 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


très variables autant dans l’alimentation du
Tableau 2 : Principaux éléments fertilisants dans la ration
pilote que dans le digestat.
entrante et le digestat de l’essai n°1 Certaines méthodes de mesure ne semblent
Alimentation moyenne moyenne digestat pas appropriées à l’analyse du digestat,
MS % PB 20,33 8,02 notamment pour les staphylocoques où
NTK+Nox g/kg brut 5,49 5,70 les résultats sont < 100 000 UFC/g signi-
Azote ammoniacal g/kg brut 0,78 2,80 fiant qu’après 5 dilutions par 10, il n’y a
Azote orga g/kg brut 4,70 2,90 pas d’UFC de staphylocoques observables.
P2O5 g/kg brut 2,58 2,55 Les résultats sur Clostridium perfringens
K2O g/kg brut 1,19 1,47 étaient prévisibles du fait de leur résistance
à des températures élevées. On peut noter
Tableau 3 : Concentration en ETM et tonnage maximal épandable que le Clostridium perfringens survit à
Ref. anses l’hygiénisation car l’alimentation de l’essai
tonne tonne
digest 1 digest 2 flux max 1 a été totalement hygiénisée et on relève
de digest 1 de digest 2
annuel (g/ha) toujours leur présence.
Cr mg/kg MS 29,04 42,7 600 258 235 Le cas des entérocoques pose question,
Cu mg/kg MS 270,06 212 1000 46 79 dans l’essai n° 2 (tableau 5) ils ont été
Ni mg/kg MS 16,13 24 300 232 209 abattus significativement et ce à un seuil
Zn mg/kg MS 302,84 526,67 3000 124 95 permettant de respecter les critères de
Cd mg/kg MS 0,33 2,27 15 567 111 l’ANSES. Dans le cas n° 1, après hygiéni-
Pb mg/kg MS 47,45 24,13 900 237 625 sation et avant introduction dans le diges-
Hg mg/kg MS 0,1 0,3 10 1247 558 teur, la présence des entérocoques est rela-
Se mg/kg MS 0,65 2,27 60 1151 443 tivement faible : 517/g PB, après digestion
As mg/kg MS 2,45 1,4 90 458 1077
anaérobie ils sont mesurés à 1,5 108/g PB.

Tableau 4 : CTO dans la ration entrante et le digestat des deux essais
Essai pilote N°1 Essai pilote N°2
Alimentation valeur référence
Digest S1 Digest S2 Digest S3 Digest S1 Digest S2 Digest S3
moyenne ANSES
PCB 028 mg/kg MS < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 0,30 < 0,01 < 0,01 < 0,01
PCB 052 mg/kg MS < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 0,30 < 0,01 < 0,01 < 0,01
PCB 101 mg/kg MS < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 0,30 < 0,01 < 0,01 < 0,01
PCB 118 mg/kg MS < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 0,30 < 0,01 < 0,01 < 0,01
PCB 138 mg/kg MS < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 0,30 < 0,01 < 0,01 < 0,01
PCB 153 mg/kg MS < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 0,30 < 0,01 < 0,01 < 0,01
PCB 180 mg/kg MS < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 0,30 < 0,01 < 0,01 < 0,01
somme 7 PCB mg/kg MS < 0,07 < 0,07 < 0,07 < 0,07 1,20 < 0,07 < 0,07 < 0,07
Fluoranthène mg/kg MS < 0,08 0,21 0,18 0,17 6,00 0.06 < 0.05 0.07
Benzo(b)fluoranthène mg/kg MS < 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,05 4,00 < 0.05 < 0.05 < 0.05
Benzo(a)Pyrène mg/kg MS < 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,05 2,00 < 0.05 < 0.05 < 0.05

Éléments traces organiques Composés traces organiques Une des hypothèses est que la présence
Le tableau 3 reprend les concentrations en On peut noter que les teneurs en com- d’entérocoques proviendrait de l’inocu-
ETM dans les digestats. La valeur de réfé- posés traces organiques sont largement lum, cependant la concentration en enté-
rence de l’ANSES porte sur un apport maxi- inférieures aux valeurs de référence de rocoques dans l’inoculum a été mesurée à
mal annuel d’ETM aux champs (sur une l’ANSES (tableau 4). Globalement, il n’y a 8*104, cette valeur n’atteint pas les 152 810
moyenne de 10 ans). Ainsi, à partir de cette pas d’évolution de ces valeurs au cours de 000 retrouvés dans le digestat, le milieu
valeur et des concentrations des digestats, il la digestion anaérobie. aurait donc été propice à leur développe-
est possible de c­ alculer le tonnage maximal ment.
annuel (moyenné sur 10 ans) qu’il est possible Microbiologie Le programme VALDIPRO3 a également
d’apporter.La valeur limitante est le cuivre, Les valeurs de références ANSES corres- rencontré une problématique sur ces ana-
mais 46 T/ha correspondent à un apport de pondent aux valeurs attendues pour les lyses dans le digestat et propose une autre
266 kg de N/ha, ce qui est déjà trop pour une grandes cultures, ces valeurs peuvent être méthode de mesure : Slanetz.
majorité de culture. Dans les conditions nor- plus contraignantes pour des cultures légu-
males d’épandage, les flux d’ETM seraient mières ou des prairies. La première consta- 3. Résultats des analyses microbiologiques du digestat réalisées dans le
cadre de Valdipro  ; ValDiPro Compilation des données IF2O, DIVA et
donc en deçà des valeurs de l’ANSES. tation est que les résultats (tableau 5) sont autres sites ; 14 octobre 2013

www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 25


Tableau 5 : Résultats des analyses microbiologiques dans les intrants et le digestat des deux essais
ESSAI n°1 ESSAI n°2
Valeur
Alim Coeff Digest Coeff Alim Coeff Digest Coeff
réf
moyenne variation moyen variation moyenne variation moyen variation
ANSES
Entérocoque /gPB 517 74,00% 1,5*108 70,70% <10 000 493 293 103,6% 2 957 17,10 %
Clostridium
ufc/gPB 767 76,40% < 100 0,00% 49 095 161,9% 3 733 19,40 %
perfringens
100
Spore Clostridium
/gPB 367 56,80% 533 84,50% 2 839 140,9% 2 433 38,00 %
perfringens
Salmonella /gPB 0 0 Absence abs 0% abs 0 %
Listeria monocy-
/gPB 0 0 0 0 %
togenes
Levure et moisissure /gPB < 20 86,60% 70 124,50% 61 523 68,1% < 40 0 %
Micro-organisme
ufc/gPB 99 000 20,30% 46 833 333 172,30% 68 034 667 70,8% 8 633 333 67,00 %
aérobie à 30°C
Spore anaérobie
ufc/gPB 3 167 19,30% 6 400 132,00%
sulfito-réducteur

Staphylococcus
aureus ou à coagu- ufc/gPB < 400 129,90% < 100 000 129,90% <10 30 116,0% < 100 000 0,00 %
lase +

larve de nématode /g 0 0 Absence abs 0 %


Œuf de nématode /g 0 0 Absence abs 0 %
Escherichia coli NPP/gPB 843 74,70% 2 833 33,20% < 1 000 6 893 46,3% < 100 0,00 %
Aspergillus /gPB < 10 0,00% < 10 0,00% abs 0% < 20 86,60%
Anaérobie
ufc/gPB 15 367 60,10% 8 200 29,00%
sulfito-réducteur

Tableau 6 : Résultat des tests AT4 sur l’essai n°1


Composé
Paramètre Digestat à T0 Digestat à T0 + 1 mois
stabilisé
Consommation O2 (mg O2/gMS) 104 135 100
Indice de respiration dynamique
1417 1843 1000
(mg O2/kg MVS/h)

Tableau 7 : Résultats du test cresson avec du digestat issu Figure 2 : photographie de l’essai cresson à T0.
de l’essai n°1 stocké 3 mois
Taux par rapport t-test significatif Test cresson (phytotoxicité)
  Témoin Mélange
au témoin (p = 0,05) Le digestat testé à T0 et T0+1 mois ne
Germinations à 3 j (%) 81% 8% 10% S permet pas l’émergence de plantule.
Germinations normales à 7j (%) 97% 84% 87% S Avec du digestat stocké 3 mois
Germinations anormales à 7j (%) 0% 0% - - (tableau 7), la germination commence
Biomasse aérienne à 7j (mg/pl) 60,61 18,86 31% S mais n’atteint pas le niveau du témoin. Il
doit rester encore une concentration non
Tests de stabilité et de phytotoxicité fit souvent pas à obtenir un degré suffi- négligeable de résidus de fermentation
sant de stabilité de la matière organique et en particulier les acides gras volatils,
Test AT4 (stabilité de la matière et un stockage ou une maturation aéro- intermédiaire de la fermentation avec
organique) bie permet de « finaliser » la transforma- l’acide acétique majoritaire.
Le test AT4 (tableau 6) montre des valeurs tion du carbone résiduel accessible dans Le stockage du digestat brut en bidon
certes au-dessus des seuils indicateurs le digestat et ainsi obtenir un produit avec pendant trois mois n’a pas été suffisant
(composé stabilisé) mais cependant une stabilité d’évolution conforme aux pour abattre efficacement ces molé-
bien inférieures à celles obtenues sur attentes d’un amendement organique nor- cules. Ce résultat montre qu’il est impor-
des matières fraîches démontrant que la malisé. tant de préciser à l’utilisateur de ne pas
méthanisation augmente le taux de stabi- Le stockage du digestat en bidon sur 1 semer une culture juste après l’épandage
lité de la matière organique mois reste encore insuffisant pour aug- mais attendre un laps de temps suffisant
L’étape seule de méthanisation ne suf- menter la stabilité du produit. pour que ces composés antigerminatifs
26 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
soient biodégradés dans le en fosse ou d’une fraction Mélange, Transfert, Broyage
sol. Sur une culture déjà en solide en tas) ou encore de dans les unités de Méthanisation
place, le phénomène ne sera séchage peuvent être réali-
pas observé à condition de sés mais il est difficile d’en-
respecter les doses préco- visager du stripping ou de la
nisées. séparation membranaire à
l’échelle pilote en raison des
Conclusion faibles volumes produits dis-
La mise en place d’un essai ponibles.
pilote et la réalisation des Les aspects microbiolo-
essais appropriés permet giques sont certainement les
une caractérisation globale plus importants à prendre En tant que leader mondial et spécialiste
du digestat nécessaire à la en compte dès l’établisse- de la technologie Biogaz, nous vous
réalisation d’un dossier d’ho- ment du protocole de l’es- proposons des systèmes particulièrement
mologation. Les résultats sai (contrôle en amont sur adaptés à tous les stades du process des
obtenus sont dépendants les produits frais, évalua- unités de méthanisation.
des conditions du protocole tion de l’impact du stockage
mis en place comme de stoc- des produits sur l’évolution
Pompe mélangeuse
kage des déchets entrants des populations, choix des des intrants solides et liquides
(conservation au frais ou bonnes méthodes de mesure avant digesteur type
pas, congélation) et de post- des différents types de NEMO® B.Max®
traitement pas toujours réa- microorganismes, connais-
lisables à l’échelle pilote. sance de la microbiologie
Certains aspects sont bien initiale du réacteur…).
maîtrisés (paramètres agro- Les essais réalisés au sein
nomiques, ETM, CTO), et de l’APESA ont mis en évi-
les analyses sont bien repré- dence l’importance du plan
sentatives des évolutions du d’échantillonnage pour
La gamme des pompes NEMO® à rotor
produit au cours de la métha- la mesure des paramètres
excentré, des pompes à lobes TORNADO®
nisation et du stockage. microbiologiques et le choix
et des systèmes de broyage permet le
De même, les essais agro- des méthodes de dénombre-
mélange, le transfert et le broyage
nomiques permettant d’éva- ment.
des différents intrants, substrats et
luer la stabilité, la phytotoxi- Au final, l’équivalence
digestats.
cité et l’efficacité du produit, entre le pilote et l’installa-
montrent des résultats très tion industrielle pourra être
satisfaisants. réellement établie lors de la
Les essais réalisés montrent mise en service des unités
que les conditions de post- correspondant aux essais
traitement du digestat réalisés.
influencent la composition Cependant, au cours d’un
et l’évolution de ce dernier essai contrôlé en réacteur
selon la durée du stockage. pilote, on a pu montrer l’évo- Dilacérateur M-Ovas®
Il est donc important, lors de lution et la qualité du produit
ces essais pilotes, d’envisa- que l’on est susceptible d’ob- Pompe à lobes TORNADO®
ger la mise en place de l’en- tenir dans la future unité. pour transfert du substrat
liquide ou du digestat
semble de la chaîne prévue Un outil intéressant et
de post-traitement/stockage utile pour enrichir de don-
du digestat. nées mesurées le dossier de
Ainsi, des essais de sépara- demande d’homologation et,
tion de phase, de stockage plus largement, la démarche r e 2 0 14 - L y o n E ur e
(simulation d’un stockage globale du projet. n em b NETZSCH Frères Sarl
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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Optimiser
les performances
des digesteurs : l’utilité
des tests en laboratoire
et mesures Flash
BMP® de potentiels
méthanogènes
Cresson Romain, Latrille Eric, Torrijos Michel
INRA

C
et article présente les plus récents procédés de méthanisation, depuis l’ana- La mesure Flash BMP®, fruit de la colla-
développements réalisés dans lyse technique et économique d’un pro- boration entre Ondalys, Veolia Environne-
les domaines de la mesure et des jet, le dimensionnement des installations ment Recherche et Innovation et le Labo-
essais en laboratoire appliqués à la méthani- de traitement et de valorisation, jusqu’à ratoire de Biotechnologie de l’Environ-
sation. Ces innovations, directement issues ­l’évaluation des performances d’un pro- nement de l’INRA de Narbonne, permet
de la recherche, permettent aujourd’hui cédé. de déterminer le potentiel méthanogène
d’appréhender de manière fiable et stan- Les méthodes « standard » de mesure des déchets organiques solides en seule-
dardisée les processus et les procédés de reposent sur la mise en culture en bio- ment quelques heures. L’analyse repose sur
méthanisation. Ces nouveaux outils analy- réacteur fermé d’une quantité connue une analyse de la matière organique d’un
tiques, expérimentaux et de modélisation, de matière organique à caractériser en échantillon par spectroscopie proche infra-
offrent ainsi aux opérateurs de nouvelles présence de micro-organismes anaéro- rouge (SPIR). La SPIR est une technique
solutions pour prévenir les dysfonction- bies (inoculum). Au cours de l’essai, les analytique éprouvée qui analyse quantitati-
nements et optimiser les performances de microorganismes dégradent la matière vement et qualitativement la matière orga-
leurs unités de méthanisation. organique apportée, ce qui se traduit par la nique en distinguant les différentes familles
production de biogaz. Le potentiel méthane de molécules (glucides, protéines, lipides,
La mesure du potentiel méthano- est déterminé à partir de la quantité cumu- fibres, etc…). La modélisation à partir
gène : du BMP au Flash BMP® lée de méthane produit au cours de l’essai. de spectres issus de SPIR repose sur une
Le potentiel méthanogène, également La durée de ce type d’essai constitue un des méthode par apprentissage : un ensemble
appelé BMP (Biochemical Methane Poten- principaux freins à son application pour d’échantillons d’étalonnage est utilisé afin
tial), correspond à la quantité de méthane le suivi des unités de méthanisation. Elle d’établir le lien entre les spectres PIR des
produit par un substrat organique lors de varie en fonction de la nature des substrats échantillons (les déchets) et une valeur
sa biodégradation en condition anaérobie. testés, de quelques dizaines de jours, à plus d’intérêt (le BMP, mesuré par méthode
Sa mesure est un élément central et incon- de 90 jours dans le cas de substrats solides standard). Flash BMP® a été établi à l’aide
tournable pour toute réflexion autour des lentement biodégradables. de 500 substrats de natures ­différentes, afin
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de le rendre le plus robuste possible vis- À la différence du protocole standard de de la cinétique de dégradation.
à-vis des différents substrats organiques mesure du potentiel méthanogène, le pro- La quantité de substrat ajouté à chaque
existant. tocole prévoit plusieurs ajouts successifs cycle d’alimentation est faible, ce qui
Les avantages de Flash BMP® sont nom- (généralement 6 à 7) du même substrat, implique des temps de réaction courts
breux : jusqu’à ce que les profils de production (< 7 jours pour la majorité des substrats),
– La mesure est rapide, seulement 1 de biogaz d’un essai à l’autre soient repro- et permet le maintien d’une activité métha-
minute pour l’analyse spectrale et quelques ductibles. La mesure est ainsi effectuée nogène stable et optimale lors des ajouts
heures pour la préparation de l’échantillon avec un écosystème anaérobie acclimaté successifs de substrat, plus proches des
(séchage / broyage), contre plus de 90 jours au substrat. En effet, des essais réalisés conditions mises en œuvre à l’échelle
dans le cas des substrats solides les plus dans des réacteurs discontinus ont mon- industrielle.
lentement biodégradables, tré que la cinétique de production de bio- Le débit de biogaz est mesuré en continu
– Il est aisé de multiplier le nombre d’échan- gaz mesurée lors du premier ajout de subs- (une mesure toutes les 2 minutes ou tous
tillons analysés, ce qui répond aux problé- trat est souvent très différente des ciné- les 3 ml) à l’aide d’un débitmètre adapté
matiques d’hétérogénéité et de variabilité tiques mesurées lors des ajouts suivants permettant de visualiser la cinétique de
des substrats, (figure 1). Il est donc essentiel de tenir biodégradation du substrat. Les ajouts suc-
– La validation a été faite sur une grande compte de cette adaptation de l’écosys- cessifs de substrat sont ainsi réalisés sans
base de données d’échantillons divers, ce tème anaérobie au substrat pour la mesure aucune phase de latence et seule la ciné-
qui rend Flash BMP® robuste vis-à-vis des
différents substrats.
Flash BMP® peut ainsi constituer un outil
de choix pour optimiser les performances
des digesteurs industriels, notamment
grâce à :
– une aide au dimensionnement des instal-
lations de méthanisation,
– la caractérisation plus rapide des intrants
adaptée aux contraintes des exploitants,
permettant l’optimisation « en temps réel »
des mélanges de co-digestion,
– l’évaluation du potentiel méthanogène
résiduel grâce à la caractérisation des
digestats en sortie de digesteur.
Figure 1 : Exemple d’évolution des cinétiques de production de biogaz lors des ajouts successifs
Mesure des vitesses de substrat (déchet de charcuterie).
de biodégradation des substrats
et « recettage »
Les travaux réalisés au Laboratoire de Bio-
technologie de l’Environnement de l’INRA
de Narbonne, ont abouti à la mise au point
d’un protocole standardisé de mesure du
rendement en méthane et de la cinétique
de dégradation de la matière organique des
substrats solides en condition anaérobie.
Les données obtenues grâce à ce type d’es-
sai permettent d’accéder de manière très
précise à la mesure du potentiel métha-
nogène et du potentiel biogaz, mais elles
peuvent également être utilisées pour clas-
ser les substrats en fonction de leurs ciné-
tiques de dégradation afin de :
– Déterminer la charge appliquée spécifi-
quement pour chaque substrat,
– Optimiser les mélanges en co-digestion Figure 2 : Valeurs mesurées expérimentalement et valeurs prédites par le modèle « ADM1 based
en tenant compte des vitesses de dégrada- AcoD » : du volume cumulé de biogaz produit en semaine 2 (a); du volume cumulé de biogaz produit
tion propres à chaque substrat. en semaine 15 (b) ; du pH (c) ; du taux de matière volatile (d) et de l’alcalinité (e), de la 2ème à la 15ème
Le protocole semaine

30 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


Figure 3 : Cinétique de biodégradation de la matière organique dans un même digesteur fonctionnant à différentes charges appliquées

tique finale mesurée après acclimatation


des microorganismes au substrat est inter-
prétée.

Interprétation des résultats


À partir des essais réalisés en batch, les
constantes cinétiques des différents subs-
trats peuvent être estimées et être utili-
sées pour simuler le fonctionnement de
digesteurs de co-digestion en utilisant le
modèle ADM1 modifié pour la co-digestion
(ADM1-based AcoD). Ce modèle mathéma- Figure 4 : réacteurs de laboratoire pour la méthanisation de substrats solides (photo de gauche),
tique permet de simuler la production de liquides ou pâteux (photo de droite) - 1) Débitmètre gaz, (2) Balance (suivi en ligne de la masse), (3)
biogaz d’un réacteur industriel de co-diges- Système de régulation de température, (4) Moteur d’agitation, (5) Réacteur double-enveloppe, (6)
tion. La figure 2 : Valeurs mesurées expé- Sas d’alimentation/soutirage, (7) Système de contrôle et d’acquisition des données en ligne, (8)
rimentalement et valeurs prédites par le sondes pH et température
modèle « ADM1 based AcoD » : du volume
cumulé de biogaz produit en semaine 2 met de prédire la production de biogaz cédés de méthanisation existants : réac-
(a) ; du volume cumulé de biogaz produit d’un réacteur de co-digestion en fonction teur contact anaérobie, méthaniseurs voie
en semaine 15 (b) ; du pH (c) ; du taux de des paramètres opératoires (charge appli- sèche continue ou discontinue (batch),
matière volatile (d) et de l’alcalinité (e), quée, temps de séjour, etc…). La figure 3 : méthaniseurs voie humide, méthaniseurs
de la 2ème à la 15ème semaine montre l’excel- Cinétique de biodégradation de la matière bi-étape, réacteurs à lits fluidisés, à bio-
lente correspondance entre les valeurs de organique dans un même digesteur fonc- films ou à granules (UASB), etc...
production de biogaz, les taux de matière tionnant à différentes charges appliquées Les résultats obtenus grâce à ce type de
volatile, le pH et l’alcalinité mesurés sur montre ainsi l’accumulation de matière simulation en réacteur fournissent des
un méthaniseur en fonctionnement et ces organique lentement biodégradable dans informations fiables permettant de réaliser
mêmes paramètres simulés à partir des le digesteur lorsque la charge appliquée des bilans matière et énergie r­ eprésentatifs,
données cinétiques mesurées en réacteur est trop forte (5 kg.m-3.j-1), alors que la tota- d’identifier les limitations éventuelles et de
batch. lité de la matière organique est dégradée proposer des solutions adaptées afin de
Une modélisation plus simple peut égale- lorsque la charge appliquée est égale à 2 définir les paramètres de fonctionnement
ment être utilisée. La matière organique kg.m-3.j-1. optimaux de digesteurs industriels.
des substrats est divisée en 3 compar- Un essai à l’échelle pilote peut être réalisé
timents ayant des vitesses de dégrada- Essais en réacteurs pilotes : dans le cadre d’une étude précédant l’im-
tion différentes : un compartiment rapi- dimensionnement et optimisation plantation d’une unité de méthanisation.
dement biodégradable (K1), un compar- Les essais réalisés en réacteurs pilotes ont Elle a alors pour objectif de fournir au por-
timent moyennement biodégradable (K2) pour objectif de reproduire les conditions teur de projet ou au constructeur les infor-
et un compartiment lentement biodégra- opératoires et le comportement des diffé- mations fiables, nécessaires au dimension-
dable (K3). Les substrats peuvent alors rents procédés industriels. Il existe ainsi nement du méthaniseur, concernant :
être classés en fonction de leurs cinétiques de nombreux types de digesteurs pilotes – les performances du procédé (taux
de dégradation. Ce modèle simple per- permettant de tester tous les types de pro- ­d ’épuration, taux de dégradation de la
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matière) afin de valider le choix d’une préférentiellement avant leur introduction der mondiaux dans le domaine de la diges-
technologie adaptée aux caractéristiques dans le méthaniseur industriel ; tion anaérobie. Il bénéficie d’une implanta-
du gisement ; – de mettre en évidence des phénomènes tion de 4 800 m2 dont 1 900 m2 de halle expé-
– le débit et la composition du biogaz pro- de carence ou de déséquilibres nutrition- rimentale et d’un équipement scientifique
duit (CH4, CO2, H2S, Siloxanes, NH3,…) afin nels, et de tester des solutions permettant et analytique de pointe. Les différentes pla-
de dimensionner les installations de traite- d’y remédier (complémentation, modifica- teformes analytiques et expérimentales
ment et de valorisation énergétique, tion de la composition de la ration d’ali- offrent un ensemble d’équipements, per-
– la quantité et la composition du diges- mentation,…). mettant l’étude des procédés et des filières
tat, afin d’envisager les filières de valori- Certains substrats subissent également, de traitement des effluents et des rési-
sation matière et d’entamer les démarches en amont de la méthanisation, des étapes dus solides (déchets ménagers, agricoles,
d’homologation des matières fertilisantes de stockage ou de prétraitement : broyage, boues de stations d’épuration) ou de valo-
issues du méthaniseur. homogénéisation, tri, séparation, hygié- risation de biomasses par méthanisation.
Dans le cadre du suivi d’une unité de nisation, pasteurisation, dilution, hydro- Centre de ressource et de transfert tech-
méthanisation en fonctionnement, la mise lyse,…. Ces phases de stockage et de pré- nologique, adossé au LBE, INRA Transfert
en œuvre de ce type d’essai permet : traitement vont modifier la biodégrada- Environnement (www.montpellier.inra.fr/
– de tester la biodégradabilité anaérobie bilité et les caractéristiques physiques, it-e) consacre une large part de son acti-
de nouveaux substrats ou d’un mélange chimiques et microbiologiques des vité à la réalisation d’analyses et d’expéri-
de substrats dans les conditions opéra- matrices organiques. L’étude de ces prétrai- mentations dans le domaine de la métha-
toires représentatives du fonctionnement tements à l’échelle pilote permet d’évaluer nisation, depuis la caractérisation de gise-
de l’unité industrielle, évitant ainsi les dys- leur efficacité ou leurs impacts en amont ments de matières organiques jusqu’à la
fonctionnements potentiels du procédé en de la digestion anaérobie. réalisation de prestations « sur-mesure »,
exploitation (changements trop brutaux Où réaliser ce type d’essais et d’analyses qui correspondent à des réponses spécifi-
des conditions d’alimentation, surcharges Principal centre de ressource dans le quement adaptées au problème du deman-
organiques, etc…) ; domaine de la méthanisation au niveau deur : études de faisabilité au stade labo-
– d’identifier et de résoudre les problèmes national, le Laboratoire de Biotechnolo- ratoire et/ou au stade pilote, étude des
de toxicité ou d’inhibition, dus à la pré- gie de l’Environnement (LBE-INRA, à Nar- microorganismes dans leur environne-
sence de certains composés (solvants, anti- bonne : www.montpellier.inra.fr/narbonne) ment, expertise des procédés industriels
biotiques, substrats azotés ou soufrés,…), est un des laboratoires de Recherche lea- de dépollution, ... n

32 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Artois Méthanisation,
unité de méthanisation
territoriale
Retour d’expérience
après 2 ans de
fonctionnement
Focus sur la diversité
des substrats Delaire Alice, Poitrenaud Maelenn, Cacho Jesus
Sede, Veri

A
RTOIS METHANISATION est
une unité de méthanisation ter-
ritoriale située à Graincourt-les-
Havrincourt dans le Pas de Calais, conçue,
construite et exploitée par Veolia Environ-
nement.
Artois Méthanisation en quelques chiffres,
c’est, annuellement :
• 25 000 t de déchets valorisés,
• 3,5 millions de m3 de biogaz, soit l’équi-
valent de 2 700 foyers alimentés en élec-
tricité et
• 7 000 t de digestats utiles aux sols de la
région.
ARTOIS METHANISATION a été conçue
pour valoriser tous types de sous-produits
organiques issus de l’agriculture, des agro-
industries, de la grande distribution et des
collectivités.
Pour cette raison, le choix a été fait d’une
technologie en 2 phases, hydrolyse puis Figure 1 : Les étapes principales du process sur le site d’Artois Méthanisation.

www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 33


digestion, procédé BIOMET® de Veolia
WSTI Italie.
Cette unité s’est implantée sur le site de
compostage d’Artois Compost, ce qui a
permis à l’installation de méthanisation
de bénéficier de la synergie des infrastruc-
tures et activités existantes :
• Proximité des utilisateurs de matières
fertilisantes,
• Transport par voie fluviale,
• Valorisation du digestat sur l’unité de
compostage présente sur le site,
• Valorisation de l’énergie thermique pro-
duite par la méthanisation pour le traitement Figure 2 : Vue aérienne Artois Méthanisation.
des effluents liquides (évapo-concentrateur).
Cette unité a reçu le soutien financier, de la matière sèche (MS), teneur en matière orga-
Région Nord Pas-de-Calais, de l’Ademe et nique (MV), teneur en azote total (NTK),
de l’Union Européenne via le FEDER. teneur en azote ammoniacal (N-NH4+)….),
Démarrée en avril 2012, elle a aujourd’hui oligo-éléments, éléments traces,
quasiment atteint sa capacité nominale, • Caractéristique du digestat : teneur en
mais les origines du projet remontent à matière sèche (MS), teneur en matière
bien plus loin. organique (MV), Acide Gras Volatils (AGV),
En effet, avant de se lancer dans cette expé- Alcalinité (TAC), teneur en azote ammonia-
rience, les équipes de SEDE ont travaillé plu- cal (N-NH4+).
sieurs mois à l’échelle pilote afin de carac- 8 mélanges ont été ainsi caractérisés et
tériser les différents gisements potentiels testés.
de la région et de tester les bons dosages de
mélanges pour fabriquer la fameuse « soupe » Résultats
qui alimente aujourd’hui le digesteur. Les caractéristiques des mélanges testés
sont présentées ci-dessous en tableaux 1
Matériel et méthode et 2. Figure 3 : Pilote 100 l.
Sur le site d’Artois Méthanisation, un pilote
Tableau 1 : composition physico-chimique des mélanges testés en pilote 100l
de 100 l a été mis en œuvre environ 1 an
Paramètres physico-chimique (kg/t brut)
avant le démarrage de l’installation indus-
MS MO MO (%MS) pH C/N T NTK N-NH4 P205 K20 CaO MgO
trielle.
SAM 1 22,09 15,1 63,34 5,80 21,43 6,45 0,47 3,33 1,59 12,54 1,06
Ce pilote a pour objectif de reproduire la
SAM 2 24,2 18,90 78,1 5,28 15,62 6,784 0,733 3,93 1,93 9,74 0,94
biologie de l’installation industrielle. Il est
SAM 3 14,7 11,9 80,5 5,53 > 7,90 8,64 1,129 4,24 1,72 8,58 0,57
chauffé et maintenu en température par
SAM 4 18,9 14,3 75,7 5,07 > 10,25 7,94 0,948 3,77 1,84 11,38 1,19
une double enveloppe régulée par résis-
SAM 5 18,1 15,4 85,3 4,41 9,08 7,71 0,495 3,83 1,94 7,54 0,66
tance chauffante, agité par pales, avec une
alimentation par le dessus et vidange par SAM 6 23,3 17,7 76,1 4,97 > 13,25 < 6,675 0,878 3,82 1,01 10,07 1

le dessous. SAM 7 20,4 16,4 80,7 4,35 9,25 < 8,89 1,194 5,97 1,71 7,82 0,79

Il est également équipé de piquages pour SAM 8 35,1 23,2 66,1 4,42 17,23 < 6,743 1,185 12,27 1,51 8,84 1,19
prélèvement à différentes hauteurs.
Sur l’ensemble des expérimentations, les Tableau 2 : composition en oligo-éléments des mélanges testés en pilote 100l
analyses suivantes ont été réalisées afin de Oligo-élements (g/t MB)
vérifier les conditions opératoires appli- Bore (B) Cobalt (Co) Fer (Fe) Manganèse (Mn) Molybdene (Mn)
quées et de caractériser le déchet entrant.
SAM 1 5,03 1,56 17,30 18,44 0,60
Les analyses sont réalisées quotidienne-
SAM 2 4,29 < 2,13 12,66 26,18 0,428
ment ou à chaque alimentation.
SAM 3 3,04 - 1309,26 21,51 0,47
• Paramètres opératoires : redox, pH et
SAM 4 3,3 1519,96 10,93 0,26
température,
SAM 5 2,24 < 10,02 1478,91 10,67 0,47
• Production de biogaz : qualité (teneur en
SAM 6 3,51 < 2,51 1708,63 20,75 0,45
CH4 et CO2) et quantité,
SAM 7 4,51 1726,37 17,51 0,54
• Caractérisation du déchet entrant :
SAM 8 4,16 < 3,23 3378,33 31,14 0,72
paramètres physico-chimique (teneur en
34 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
Les différents mélanges ont des taux de MS
qui varient entre 15 % et 35 % et des taux
de MO qui varient entre 64 % et 85 %. Cette
variation est due à une très grande variabi-
lité des entrants, en lien avec les fluctua-
tions du marché et à la saisonnalité de cer-
tains produits, variabilité à laquelle le site
doit pouvoir s’adapter.
Ces différents mélanges ont été testés en
pilote afin de valider avant l’alimentation Figure 4 : Exemple de courbe de production de biogaz de l’installation pilote, en l de biogaz.
du digesteur leur stabilité, l’objectif étant
de pousser en pilote jusqu’au taux de charge
optimale pour la production de biogaz. En
fonction des résultats obtenus (production
de biogaz en particulier), l’alimentation du
digesteur peut ainsi être anticipée.
La courbe ci-contre (figure 4) présente le
suivi complet du mélange SAM 6 en terme
production de biogaz, pour un temps de
séjour hydraulique moyen de 35 jours,
proche de la recommandation construc-
teur qui se situe à 36 jours en mésophile.
La courbe ci-contre (figure 5) présente le
suivi de production de biogaz de l’installa-
tion industrielle durant 4 mois, pour un mix
proche de la composition de SAM 6 sur le
deuxième semestre 2013, pour un temps de
séjour hydraulique moyen de 40 jours. Figure 5 : courbe de production de biogaz de l’installation industrielle, en m3/j de biogaz.
La courbe de suivi montre une globale sta-
bilité de production de biogaz, malgré les outil biologique (phénomènes de mous- d’autres contraintes d’exploitation ont
aléas inhérents au fonctionnement d’une sage notamment) mais permet de garan- été identifiées lors de la phase de démar-
unité industrielle. tir aujourd’hui la stabilité du réacteur, rage et ont permis d’optimiser le site ou
grâce au retour d’expérience des diffé- de conforter les hypothèses de départ en
Conclusion rents mélanges testés ou en expérimen- termes de choix des matériels tout parti-
Cette préparation en pilote, en amont du tant encore aujourd’hui de nouveaux gise- culièrement (modification des pompes,
démarrage biologique de l’installation n’a ments. absence de matériel en mouvement dans
certes pas pu éviter tous les aléas d’un Au-delà des phénomènes biologiques, le réacteur par exemple). n

Sécheur de biomasse
à injection
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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

L’agitation
dans la méthanisation
de Romance Nathalie
Missenard Quint B

V
oici quelques réflexions concer- Bien qu’ils aient l’avantage d’optimiser viser une hauteur de cuve inférieure ou
nant les agitations verticales uti- la chaîne cinématique pour des hauteurs égale au seuil A.
lisées dans les installations de de cuve élevées, ils ont l’inconvénient de Influence du diamètre de cuve :
méthanisation. devoir être contrôlés régulièrement, ce Il y a deux manières d’aborder le diamètre
Nous allons aborder les aspects techniques qui implique un accès dans la cuve, afin de de cuve :
suivants : vérifier qu’ils remplissent bien leur rôle de – installer un seul agitateur. Dans ce cas,
– influence des aspects physico-chimiques guidage. le diamètre a une influence sur le coût de
des déchets, Ils peuvent de plus être sensibles à la pré- l’agitateur. En effet, nous limitons le dia-
– influence de la géométrie de l’installation, sence de solides abrasifs. mètre des mobiles à 5 mètres. Or, lorsque le
– influence des performances hydrau- Il existe ensuite deux seuils, à quantifier ratio diamètre de mobiles sur diamètre de
liques. selon la puissance installée et la géométrie cuve devient faible, les seules possibilités
de l’appareil (figure 1). pour augmenter les performances hydrau-
Influence des aspects liques sont :
physico-chimiques • d’augmenter la vitesse de rotation. Or, ce
des déchets principe a 2 conséquences :
L’industrie française a choisi de traiter augmentation de la puissance installée
dans les unités de méthanisation un large sachant que la puissance est
spectre de déchets tant par : proportionnelle à la vitesse au cube, et aug-
– leur nature : solide, liquide ; mentation des performances
– leur type : lisiers, déchets alimentaires, proportionnelle au nombre de débit des
déchets agricoles, tontes, farines… ; mobiles. (cf. tableau 1 sur un cas théo-
– la densité et la granulométrie des solides. rique).
Le spectre des densités est donc étendu. En d’autres termes lorsque le diamètre de
De plus, la mesure de viscosité permet Figure 1. cuve est élevé, il n’est plus possible d’ajus-
de déterminer le comportement rhéolo- ter le couple diamètre de mobile/vitesse de
gique (newtonien ou non-newtonien). Si le – Seuil A en dessous duquel la version sans rotation.
liquide est non newtonien, il faut en tenir palier de fond est moins chère qu’une ver- Ce qui ne correspond pas à l’optimum de
compte pour dimensionner l’agitateur et sion avec palier de fond. consommation énergétique, ni de dimen-
calculer le diamètre de la zone de mélange. – Seuil B en dessous duquel il est possible sionnement mécanique.
de définir une chaîne cinématique sans – installer plusieurs agitateurs. Dans le
influence des aspects palier de fond, mais qui est lourde donc choix de cuves de grand diamètre, c’est la
géométriques des cuves chère. Ce type d’agitateur est présent dans solution à privilégier.
le stockage d’acide phosphorique
Influence de la hauteur de cuve – Seuil B au-dessus duquel la chaîne ciné- Influence des performances
Dans la mesure où l’exploitation des cuves matique est trop éloignée de l’optimum hydrauliques
doit rester la plus simple possible, il faut technique pour que cette solution soit Nous n’avons pas connaissance d’une
prohiber les systèmes de guidage de l’arbre viable. étude paramétrique qui ferait le lien entre
en fond de cuve. En conclusion, de façon optimale, il faut le rendement de méthanisation et le degré
36 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
Tableau 1  – Calcul du ratio puissance installée sur volume de cuve
Cas n° 1 2 3 4
Volume de cuve V/2 V 2.5V 5V
Diamètre de cuve 0.7 T T 2T 3T
Diamètre mobile (*) 0.35 x (0.7T) 0.35T 0.2 (x2T) 0.13 (x3T)
Vitesse de remontée :
Vitesse dans l’espace annulaire Identique
Entre la paroi de cuve et le mobile
Vitesse de rotation N x 1.43 N N x 2.9 N x 6.75
Puissance installée P x (1.43)³ x (0.7) = 0.49 P
5
P P x (2.9)³ x (0.4/0.35) = 47.5P
5
P x (6.75)³ x (0.39/0.35)5 = 528 P
Ratio puissance installée / volume 0.98 P/V P/V 19 P/V 105.6 P/V
(*) Type de mobile et nombre de pales identiques
d’agitation. Ceci serait néanmoins fort utile ron un dixième du diamètre de la cuve – Étudier et optimiser l’ensemble cuve/agi-
pour valider le degré d’agitation et permet- (figure 2), tateur indissociable pour un projet viable.
trait de statuer s’il doit être du même ordre • Par l’excentration de l’agitateur (figure – Estimer les performances à chaque étape
de grandeur quel que soit le type de déchet. 3), de l’étude pour valider le procédé étape
Il est important de créer au sein du liquide • Par l’inclinaison de l’agitateur (figure 4). par étape.
des flux verticaux favorables à l’homogé- – Se nourrir du retour d’expérience lors
néisation. Conclusion des montages et démarrage sur site des
On peut les obtenir de trois manières : Il est fortement conseillé de poser le agitateurs afin d’aller toujours dans le sens
• Par la mise en place d’écrans anti-cavi- problème en amont en gardant à l’esprit de l’amélioration de nos systèmes d’agita-
tation dont la largeur correspond à envi- trois objectifs : tion. n

Figure 2 : Mise en place d’écrans anti-cavitation. Figure 3 : Excentration de l’agitateur. Figure 4 : Inclinaison de l’agitateur.

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Méthanisation agricole
en voie sèche continue :
une première en France
Dorka Peter, Driegen Jan, Martin Romain
Ogin - Ineval

L’
installation de méthanisation du En s’appuyant sur cette technologie de de minimiser l’énergie consommée et de
GAEC La Lougnolle (Prahecq, base, deux types de procédés industriels réduire le coût des installations, par rapport
Deux-Sèvres) est la première ont été développés depuis le milieu des aux applications industrielles existantes.
unité de production de biogaz utilisant un années 1980 par des sociétés dans les- L’ensemble des pièces mécaniques
procédé en voie sèche continue thermo- quelles OGIN a été impliquée. Tout d’abord, (pompes, tuyauterie, vannes, mélan-
phile, de type « piston », à l’échelle d’une un procédé de digestion en voie liquide avec geurs), la géométrie et les modes
exploitation agricole, en France. Elle a un mélange central (ascendant ou bien des- constructifs des digesteurs, les moyens
été développée et réalisée par les sociétés cendant), mais aussi un procédé de diges- de chauffage, les modes de stockage, de
OGIN (Pays-Bas) et INEVAL (France), avec tion horizontal avec brassage transversal gestion et de traitement du biogaz ont été
pour objectif d’implémenter un procédé de ou bien longitudinal, dédié aux substrats réétudiés en fonction de leur efficacité et
digestion intensif et moderne développé au solides avec prétraitement et post-traite- de leur durabilité et en prenant en compte
cours de la dernière décennie, à l’échelle ment biologique et/ou mécanique. la contrainte de la grande variabilité des
d’une exploitation agricole. Depuis 2002, notre expérience a été utili- substrats et des digestats. Des prototypes
L’approche moderne dans la conception sée pour optimiser et mettre en application d’installations en voie liquide et en voie
et la réalisation, basée sur une expérience toutes ces technologies pour la réalisation solide ont été r­éalisés, testés et amélio-
de plus de 20 ans dans les technologies de d’unités de méthanisation non industrielles rés, puis des ­installations de plus grandes
méthanisation à des échelles variées, a per- à des fins de production d’énergie renouve- tailles ont été développées et mises en
mis d’innover et d’intégrer des réponses lable. L’objectif de ces développements est service. ­L’exploitation de ces installations
industrielles aux défis actuels de la métha-
nisation « agricole » tels qu’une efficacité
renforcée, un temps de rétention faible, une
autoconsommation réduite, un prétraite-
ment efficace des substrats solides pailleux
et une digestion en continu d’un mélange
solide compact, le tout mis en œuvre dans
une unité extrêmement compacte.

Évolutions de l’approche
innovante de la méthanisation
chez OGIN et INEVAL
La mise en œuvre initiale de la métha-
nisation, et celle que l’on rencontre tou-
jours majoritairement aujourd’hui, est la
digestion de lisier en régime mésophile,
en utilisant un procédé en une ou deux
étapes à l’aide d’un ou plusieurs digesteurs Figure 1: Première unité de méthanisation par ”piston” thermophile en France – GAEC La Lougnolle
­infiniment mélangés. (Prahecq, Deux-Sèvres).

38 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


a montré l’importance de l’implémenta- d’en tirer une énergie abondante et faire de vant est qu’il peut gérer indifféremment
tion d’étapes de préparation des subs- ce projet un succès économique. tout type de substrat solide quelle que soit
trats pour améliorer le déroulement de la OGIN et INEVAL ont proposé un procédé la granulométrie de la matière ou sa consis-
méthanisation, tout en réduisant le temps adapté à la biomasse solide, sous la forme tance.
de séjour et en augmentant la production de deux digesteurs « piston » thermo- L’unité suivante dans le procédé est le
de biogaz. philes, précédé d’un traitement intensif à Molares®. C’est un broyeur à marteau
INEVAL s’est associée à OGIN dès 2009 la fois mécanique, thermique et biologique. développé par OGIN pour le broyage et
afin d’adapter les procédés développés par le défibrage des substrats. L’objectif du
OGIN au marché français dont l’une des Description du procédé : broyeur Molares® est de rendre dispo-
spécificités est la forte demande de trai- Environ 40 % de la biomasse entrante nible la matière végétale intracellulaire
tement de matière pailleuse. C’est dans (mélange de fumier et de lisier) est issu de via la destruction des parois des cellules
le cadre de cette collaboration qu’a été l’étable, depuis laquelle elle est raclée puis végétales, ce qui facilite l’accession des
conçue puis construite l’unité de méthani- acheminée automatiquement dans une tré- enzymes et des bactéries et leur consom-
sation du GAEC La Lougnolle. mie de stockage et d’alimentation d’envi- mation des parois et du contenu des cel-
ron 100 m3. Les restes de la biomasse solide lules. Cet objectif a été poursuivi en inté-
Le projet du GAEC La Lougnolle sont introduits dans cette même trémie au grant une démarche d’efficacité énergé-
Le GAEC La Lougnolle est situé sur la com- moyen d’un chargeur télescopique. La tré- tique. En effet, le Molares® a la capacité
mune de Prahecq, dans les Deux-Sèvres. Il mie est équipée d’un fond mouvant consti- de traiter de 6 à 8 tonnes de substrat solide
a été créé en 2007 et est issu de la réunion tué de 9 lates de 6 m de long. Les fonctions par heure, mais ne consomme pour ce faire
de deux GAEC familiaux. de la trémie sont à la fois le stockage tam- qu’environ 3 kWh d’électricité par tonne de
L’exploitation est constituée d’un troupeau pon, la maturation des substrats solide et substrat traitée.
d’environ 110 vaches laitières, d’un pou- leur dosage. L’intérêt majeur du fond mou- Au sortir du Molares®, nous avons installé
lailler d’environ 2 000 poules pondeuses et
enfin de 450 ha dédiés à l’alimentation du Tableau 1
bétail et à la culture de semences (bette- Biomasse Quantité de matière (t/an) MS estimée (%)

raves, maïs). Fumier bovin lait 2 500 19,7

Après avoir entamé une réflexion sur une Fumier bovin pailleux 1 806 24,0
unité de méthanisation dès 2009, le GAEC Lisier bovin 1 900 6,0
se lance dans une étude de faisabilité en Fumier volailles 50 40,0
2010. INEVAL et OGIN sont consultés en Fumier caprin 1 415 35,0
2011. La solution proposée est un procédé Ensilage maïs (semence, mâle) 300 33,0
« piston » continu en régime thermophile, Luzerne 154 19,5
capable de gérer et de valoriser l’ensemble Issues de céréales 800 87,0
de la biomasse disponible. Menues pailles 725 89,0
Ainsi, l’installation a été conçue pour trai- Ensilage RGI 1 250 19,5
ter 11 000 tonnes de matière par an, à un TOTAL 10 900 30,0
taux moyen de matière sèche de 30 %.
La biomasse proposée était la suivante voir
tableau 1.
Il est à noter que jusqu’à ce moment-là, un
tel mélange n’était valorisé en méthanisa-
tion que par une technologie discontinue,
à faible efficacité. Parallèlement, la techno-
logie en voie sèche continue n’était mise en
œuvre que pour le traitement des déchets
ménagers.

Mise en œuvre du procédé


L’unité de méthanisation du GAEC La Lou-
gnolle a été développée pour valoriser un
mélange de substrats constitué essentiel-
lement des effluents de l’étable principale,
qui accueille de 100 à 120 vaches laitières
installées sur logettes paillées.
Le défi était de trouver un moyen d’exploi-
ter efficacement ce mélange complexe afin Figure 2: Schéma du procédé de méthanisation du GAEC La Lougnolle.

www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 39


une autre innovation d’OGIN : une pompe concentration en méthane de 60 %. Après – La salle de traite du GAEC,
piston qui a été conçue pour le transport la digestion, une presse à vis sépare le – Deux habitations situées à proximité,
de matière organique solide (jusqu’à 45 % digestat en un solide fibreux et un digestat – L’école primaire et le collège de Prahecq,
de matière sèche). Celle-ci n’assure pas liquide. Le digestat liquide est stocké dans – Une usine d’embouteillage.
seulement le transfert de matière solide, une lagune couverte de 4,800 m3 jusqu’aux Le site est aussi équipé d’une chaudière
mais permet également d’éviter les avaries périodes d’épandage, alors que le diges- mixte au fuel et au biogaz, afin d’assurer
mécaniques créées par les pierres, les plas- tat solide est stocké sur une plateforme en la continuité de fourniture de chaleur lors
tiques, les pièces métalliques, le bois, etc. plein air. d’arrêts de l’unité de cogénération ou de la
En parallèle de la ligne d’alimentation en Le biogaz produit est stocké dans un bal- production de biogaz.
matière solide, une alimentation en matière lon de 300 m3 placé directement au-dessus Après une année d’exploitation, nous
liquide est possible. Ainsi, une cuve de des digesteurs, ainsi que dans la lagune de constatons que la majorité des objectifs
40 m3 recueille de la biomasse livrée par stockage de digestat qui a ainsi une double initiaux du projet ont été atteints. L’un des
camion-citerne, du digestat liquide issu de fonction. résultats les plus intéressants est la per-
séparation de phases, ou encore les eaux formance atteinte par le système de pré-
blanches et vertes du site. Ce liquide est Performances traitement intensif suivi de l’hydrolyse en
utilisé pour diluer la biomasse solide pour Le biogaz est brûlé dans une unité de cogé- voie solide et des digesteurs « piston ». En
atteindre un maximum de 30 % de matière nération d’une puissance électrique de effet, le rendement en méthane est de
sèche. Il s’agit du maximum toléré par 400 kW. L’électricité produite est injectée 290 L(CH4)/ kg(MO), avec un temps de
la phase d’hydrolyse et par le digesteur sur le réseau public de distribution. séjour en digestion de 18 jours. Ainsi,
« ­piston ». La consommation d’électricité du système l’efficacité de ce procédé continu pour la
La cuve d’hydrolyse en voie solide de 40 m3 est équivalente à environ 6 % de l’électri- digestion de substrats très pailleux a été
sert à hydrolyser la biomasse liquide et cité produite. démontrée.
les substrats riches en fibres, non dissous. Par ailleurs, environ 15 % de la chaleur pro- Les difficultés rencontrées ont concerné
Cette cuve a été conçue sur mesure et duite par l’unité de cogénération est utili- la mécanique du système de prétraitement
selon un nouveau concept. Il s’agit d’un sée pour le chauffage de la biomasse et le sur laquelle nous sommes intervenus à
procédé qui traite de la matière fibreuse maintien en température : l’hydrolyse est plusieurs reprises afin d’assurer la capa-
jusqu’à 30 % de matière sèche, selon un maintenue en conditions mésophiles et les cité de traitement souhaitée, et de gérer
déplacement vertical de bas en haut et deux digesteurs sont maintenus en condi- les grandes variations de texture de la bio-
équipé d’un mélangeur vertical lent, piloté tions thermophiles. masse.
par une unité hydraulique. Le temps de Le reste de la chaleur est valorisée dans un
rétention appliqué à cette étape d’hydro- réseau de chaleur qui alimente : Développements
lyse solide semi-aérobie est de 36 heures. – Un sécheur à foin et paille (balles rondes Au cours de l’année écoulée, nous avons
Au cours de cette hydrolyse, la biomasse et carrées) sur le site du GAEC, développé et mis en œuvre un modèle de
déjà broyée et défibrée émet de l’oxygène – Une cellule sécheuse de semences, sur le digesteur « piston » de taille plus impor-
sous forme de CO2, elle est homogénéisée site du GAEC, tante (1,250 m3), de forme rectangulaire
et permet une bonne acidification grâce
à un phénomène de percolation. Par ail-
leurs, cette phase d’hydrolyse fonctionne
en régime mésophile (32 °C).
La matière prétraitée est extraite de la par-
tie haute de la cuve d’hydrolyse, puis est
transportée via une seconde pompe pis-
ton pour alimenter les deux digesteurs pis-
ton de 330 m3, construits en acier. L’alimen-
tation quotidienne est de 30 tonnes par jour.
Un mélangeur longitudinal est mis en place
dans chaque digesteur pour le brassage et
le chauffage de la matière. Sur l’une des
faces, le brasseur est entraîné par une unité
hydraulique.
Le temps de rétention dans chaque diges-
teur est d’environ 18 jours. La charge orga-
nique appliquée est légèrement supé-
rieure à 13 kg MO/m3 réacteur/jour. Cette
charge organique permet aux digesteurs de
produire 160 m3 biogaz/heure, avec une Figure 3: Nouveau procédé de prétraitement intensif.

40 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


et en béton. Nous avons également adapté tion à haut rendement par digesteur « pis- Les restrictions techniques à son utilisation
le système de prétraitement pour être en ton » continu, donne une ­perspective très se retrouvent fortement diminuées.
mesure d’alimenter un tel digesteur. Plu- intéressante pour l’utilisation de la paille et Enfin, un autre développement techno-
sieurs adaptations ont par ailleurs été déve- d’autres matériaux fibreux de façon pérenne logique mené par OGIN et INEVAL est la
loppées pour la digestion quasi mono-subs- en France. Ce procédé de prétraitement a mise au point d’un procédé de prétraite-
trat de biomasse très sèche comme le fumier récemment été complété avec une étape de ment capable de préparer les fientes ou
équin. découpe et de mouillage de la paille. Cette le fumier de volaille, notamment en pas-
Le procédé de prétraitement unique et inno- étape renforce encore notre position de sant par une réduction de la charge azotée,
vant développé par OGIN et INEVAL, en considérer la paille comme un substrat de pour être digéré en mono-substrat dans un
combinaison avec la technologie de diges- valeur importante pour la méthanisation. digesteur continu. n

Conseils,
études techniques,
planification et
construction d’installations

• Gestion et traitement des déchets


• Épuration des eaux usées industrielles
• Installations de biogaz

Chemin du Coteau, 28
CH-1123 ACLENS / Suisse
Tél. 0041 21 869 98 87
EIN 369/2014

info@erep.ch
www.erep.ch
Bureau de liaison France : 04 82 53 85 69

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Procédés de
méthanisation et gestion
des risques industriels
Retour d’expérience
en France et en Allemagne
Evanno S., Weinberger B.
Ineris

L’enjeu de la maîtrise des risques et de la pérennité de la filière méthanisation


ABSTRACT dans un contexte de transition énergétique est d’améliorer une culture des
The issue of risk management and sustainability of
the sector in the context of anaerobic energy transi- risques accidentels, sanitaires et environnementaux, inégale selon les exploi-
tion is to improve the accidental risks culture, health tants.
and environmental uneven operators. Le rôle de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris)
The role of Ineris is to support the development of the est d’accompagner le développement de la filière de méthanisation en toute
biogas sector in a safe and risk management. This is
to assist operators in the awareness and management sécurité et maîtrise des risques. Il s’agit d’assister les exploitants dans la prise
of accidental risks and environmental impacts asso- de conscience et la gestion des risques accidentels et des impacts environnemen-
ciated with these facilities. taux associés à ces installations. Ce document permet de recueillir des retours
For this purpose, Ineris conducted in 2012 for the d’expérience d’installations et leur niveau de maîtrise des risques et identifie des
Directorate General for Risk Prevention (DGPR) of situations qui peuvent générer des difficultés en termes d’impacts accidentels,
the Ministry of Ecology, Sustainable Development
and Energy (Medde) an analysis of feedback specific sanitaires et environnementaux.
processes related accidents biogas so that it can then L’Ineris a réalisé en 2012 pour la direction générale de la prévention des risques
operate in the identification of major accident scena- (DGPR) du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie
rios. This analysis of the feedback focused on France (Medde) une analyse du retour d’expérience spécifique aux accidents relatifs aux
and Germany.
Despite the large number of incidents and several procédés de méthanisation afin de pouvoir l’exploiter ensuite dans l’identification
accidents in the agricultural sector with biogas plants des principaux scénarios accidentels.
in Germany, it was difficult to get public informa- Malgré le grand nombre d’incidents et quelques accidents dans le secteur agri-
tion on the causes of incidents and sequences of cole avec des installations de méthanisation en Allemagne, il a été difficile d’obte-
events. nir des informations publiques sur les causes des incidents et leurs déroulements.
After discussions with various actors in the biogas
sector in Germany, there is a difficulty in obtaining Après des échanges avec divers acteurs de la filière biogaz en Allemagne, on
their share this type of information, presumably to constate une difficulté à obtenir de leur part ce type d’informations, probablement
defend the interests of the development of the anaero- pour défendre les intérêts particuliers du développement de la filière de la métha-
bic pathway. nisation.
Generally the process of anaerobic digestion of bio-
mass and waste generate different accident risks D’une manière générale, les procédés de méthanisation de la biomasse et des
(and health and environmental in extenso) especially déchets génèrent différents risques accidentels (et, par extension, sanitaires
during phases of operation and/or maintenance. et environnementaux), notamment au cours des phases d’exploitation et/ou de
The main hazards to consider are respectively fires, maintenance.
toxic gas emission unexpected (H2S) and it must be Les principaux phénomènes dangereux à considérer sont respectivement les
controlled explosions to make the development of this
sector and sustainable secure a risk assessment car- incendies, l’émission imprévue de toxiques gazeux (H2S) et les explosions qu’il
ried out by the h­ older project or the operator accom- convient de maîtriser afin de rendre le développement de cette filière sûr et
panied by a competent body. pérenne par une évaluation des risques réalisée par le porteur du projet ou par
It is therefore necessary to ensure, according to the l’exploitant accompagné par un organisme compétent.
biomass used, protection against explosion of flam-
mable gases (CH4, CO, H2S and H2), protection Il est donc nécessaire d’assurer, en fonction de la biomasse utilisée, la protection
against fire and protection against the emission of contre l’explosion des gaz inflammables (CH4, CO, H2S et H2), la protection contre
toxic gases (including H2S). les incendies et la protection contre l’émission de toxiques gazeux (notamment
Keywords: anaerobic digestion, feedback analysis, ATEX, biogas,
l’H2S).
explosion, H2S, fire, Mots-clés : méthanisation, ATEX, biogaz, explosion, H2S, incendie.
42 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
L
e présent travail de recherche Europe. La collecte du retour d’expérience qui se sont produits concernent des incen-
documentaire sur le retour d’ex- n’a pas été suffisante pour pouvoir réaliser dies et que, dans la majorité des cas, leurs
périence a été réalisé en 2011 par une analyse quantitative et statistique de causes n’ont pas pu être identifiées de
l’INERIS dans le cadre de ses travaux d’ap- ces données. manière certaine. L’évolution tend vers des
puis auprès du MEDDE/DGPR dans le En Allemagne, il existe une base de don- accidents mieux maîtrisés et par voie de
cadre de la prévention des risques liés aux nées intitulée Zentralen Melde- und Aus- conséquence aux effets moindres sur et
procédés de méthanisation de la biomasse wertestelle für Störfälle und Störungen in hors site.
et des déchets [1]. Ce travail a permis de verfahrenstechnischen Anlagen (ZEMA) À la lecture de ces éléments, il est possible
constituer un inventaire d’accidents rela- gérée par le ministère fédéral de l’Envi- d’établir une liste des incidents se produi-
tifs aux procédés de méthanisation à partir ronnement qui recense les incidents ou sant le plus fréquemment sur les installa-
de différentes sources de la littérature et accidents soumis à déclaration obliga- tions de tri et de valorisation des déchets.
propres aux industriels. toire selon l’ordonnance sur les accidents L’accident le plus fréquent est l’incendie.
Un travail d’identification des bases de majeurs 12. BImSchV conformément à l’an- La plupart des accidents recensés relèvent
données sur l’accidentologie a été mené nexe VI depuis 1993. De plus, une analyse de la zone de stockage. Sur les cas relevés,
avec le Centre d’information et de valorisa- sur le retour d’expérience en Allemagne aucun impact notable sur l’environnement
tion scientifique (CIVS) de l’Institut natio- a été facilitée par le travail réalisé par la n’a été enregistré. Les effets secondaires
nal de l’environnement industriel et des Commission pour la sécurité des installa- ont été la plupart du temps restreints. Les
risques (Ineris) afin de collecter un retour tions auprès du ministère fédéral allemand seules conséquences des incendies à l’ex-
d’expérience le plus complet possible rela- de l’Environnement, de la Protection de térieur des installations de méthanisation
tif à l’activité méthanisation et en sollici- la nature et de la Sécurité nucléaire, qui a sont liées à la formation de nuages de
tant la base de données ARIA du Bureau constaté dans son avis technique « Sécurité fumées résultant de la combustion des
d’analyses des risques et pollutions indus- dans les installations de biogaz » en 2009 déchets. L’intervention des pompiers a été
trielles (Barpi) de la direction générale (rapport technique KAS-12) que les instal- sollicitée lors de ces incendies de centres
de la prévention des risques (DGPR) du lations de méthanisation ont souvent des de transfert.
Ministère de l’Écologie, du Développement défaillances concernant la conception, la Parmi les incidents répertoriés dans les ins-
durable et de l’Énergie (Medde). construction et l’exploitation [2]. tallations de méthanisation des déchets, on
Ce premier travail a permis d’orien- note également :
ter la recherche du retour d’expérience Retour d’expérience – une fuite sur le réservoir de stockage et/
vers les installations de méthanisation en sur les activités ou sur le réseau de distribution du biogaz ;
­l’Allemagne (pays échangeant le plus d’in- de méthanisation issu du BARPI – une fuite suite à la réalisation de travaux
formations sur le retour d’expérience) où sur les lieux de stockage et/ou de distribu-
la filière méthanisation est la plus déve- Accidents recensés tion du biogaz ;
loppée. L’Ineris présente ci-après une liste d’acci- – l’émission accidentelle d’H2S notamment
Le réseau biogaz en France constitué dents issus de la base de données ARIA dans les fosses de mélanges des déchets ;
depuis plusieurs années (Club biogaz, asso- sur la gestion des accidents gérée par le – une pollution des eaux causée par un
ciation Amorce, association Méthéor) a BARPI (Bureau d’analyses des risques et rejet d’effluents ;
également été sollicité ainsi que les indus- pollutions industrielles) de la DGPR. La – le débordement des systèmes d’épura-
triels concernés par la filière de la métha- base de données ARIA exploitée par le tion ou de contrôle des eaux pluviales suite
nisation en leur demandant de nous retour- BARPI recense essentiellement les événe- à des événements pluvieux exceptionnels,
ner les informations suivantes : le lieu de ments accidentels qui ont, ou qui auraient à des défaillances des équipements en cas
l’accident, le type d’événement acciden- pu, porté atteinte à la santé ou la sécurité d’apport massif d’eaux d’extinction d’in-
tel (explosion, incendie, déversement…), publique, l’agriculture, la nature et l’envi- cendie ;
les procédés, équipements et produits mis ronnement. Pour l’essentiel, ces événe- – la découverte dans les déchets à trier de
en cause, les causes supposées, les consé- ments résultent de l’activité d’usines, ate- produits dangereux susceptibles de porter
quences matérielles, humaines, environne- liers, dépôts, chantiers, élevages… classés atteinte à la santé du personnel.
mentales. au titre de la législation relative aux instal- L’analyse des événements indique que peu
Le retour d’information sur les incidents lations classées, ainsi que du transport de d’accidents relatifs au stockage du biogaz
et accidents à partir des bases de données matières dangereuses. sont survenus au cours de la dernière décen-
publiques et du réseau biogaz a été com- Le recensement et l’analyse de ces acci- nie en France. La majorité des accidents ont
plété par le retour d’expérience de deux dents et incidents, français ou étrangers, comme origine une fuite du réservoir de
industriels français – Syndicat interdépar- sont organisés depuis 1992. Ce recense- stockage ou du réseau de distribution.
temental pour l’assainissement de l’agglo- ment, qui dépend largement des sources De la synthèse des accidents survenus dans
mération parisienne (Siaap), autre indus- d’informations publiques et privées, n’est les installations de méthanisation, il est
triel – et par une recherche documentaire pas exhaustif. possible de mettre en lumière les princi-
en Allemagne dans le secteur agricole où Il ressort du recensement sur le retour pales dérives suivantes relatives aux instal-
la méthanisation est la plus développée en d’expérience que la plupart des accidents lations de méthanisation.
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Émission accidentelle d’H2S notamment Envol de la membrane souple Retour d’expérience issu de la collecte
dans les fosses de mélanges des déchets d’un méthaniseur industriel de données d’un industriel français
L’information et la formation des employés La membrane souple d’un méthaniseur Un industriel français (station d’épura-
aux dangers de l’H2S ne sont pas à négliger : industriel (équipé d’une membrane simple) tion) a transmis à l’Ineris un recueil de don-
procédures d’intervention en atmosphère s’est envolée libérant ainsi le biogaz stocké nées d’incidents et d’accidents (sur l’année
toxique, travail en milieu confiné, contrôle à l’intérieur. 2011) sur la filière de méthanisation (avec
de l’atmosphère, port d’équipement de pro- Une violente tempête a provoqué la sortie indication du scénario, de ses causes, de
tection individuelle. du boudin de fixation de sa gorge et donc ses conséquences et des mesures exis-
l’envol de la membrane. tantes et correctives mises en place par
Débordement du méthaniseur Cet événement est à considérer pour les l’exploitant). Au total, 12 événements ont
Ce type d’incidents se produit assez régu- gazomètres qui doivent être dimensionnés été recensés en 2011 :
lièrement en Allemagne (estimation de pour des vents de 150 km/h. – fuite de biogaz sur bride d’une vanne
trois à quatre fois par an). Il peut être dû à manuelle située en amont de la torchère ;
une accumulation de sables, par exemple. Retour d’expérience – fuite de biogaz par les gardes hydrau-
Ce risque peut être maîtrisé par : issu d’industriels français liques des filtres à l’aspiration des com-
– le procédé de production de boues L’Ineris a reçu le retour d’expérience de presseurs ;
avant leur digestion qui permet un certain deux exploitants de stations d’épuration – fuite de biogaz aux soupapes des diges-
contrôle de leur qualité (notamment dessa- françaises. teurs à la suite d’une perte d’utilités (air/
blage des effluents) ; instrumentation) ;
– le brassage des digesteurs au biogaz ; Retour d’expérience issu de la collecte – chute de pression des dômes des diges-
– le système d’alimentation du digesteur de données d’un site teurs ;
(vasque avec trop-plein) assure de façon pas- Différents événements ont conduit l’exploi- – pannes répétées sur l’automate de sécu-
sive un niveau constant dans le digesteur. tant à renforcer l’analyse des accidents au rité ;
sein de ses usines : – fuite de biogaz au niveau du raccord de la
Gel des soupapes du méthaniseur – plusieurs déboîtements de joint « Viking » tête de manomètre ;
Il est plusieurs fois arrivé que les soupapes ou rupture de canalisations à la suite de – fuite de biogaz sur la torchère à l’arrêt ;
d’un méthaniseur gèlent et ne soient donc travaux de terrassement dont les consé- – fuite de biogaz suivant le déclenchement
plus en état de fonctionner. Le non-fonc- quences s’étendent de la fuite isolée, à une accidentel de l’arrêt d’urgence de l’auto-
tionnement d’une mesure de maîtrise des fuite suivie d’une explosion ou d’un feu mate de sécurité ;
risques (soupape par exemple) doit être torche ; – fuite de biogaz à l’atmosphère au niveau
pris en compte dans l’analyse des risques – plusieurs explosions à la suite de la d’une canne de brassage de digesteur ;
de l’installation. fermentation de boues dans des zones – fuite de biogaz dans l’atmosphère au
mortes ; niveau d’un raccord fileté ;
Surpression interne – nombreuses fuites de biogaz ou d’en- – détérioration du réfractaire de la tor-
dans le méthaniseur trée d’air par les circuits en dérivations chère ;
Des événements ont impliqué la forma- (purges, évents…) des réseaux principaux. – problème de pression d’air pilote des
tion d’une surpression interne responsable L’analyse de l’accidentologie interne du vannes de sécurité du réseau biogaz.
du déversement à l’extérieur du contenu site et externe montre que les événements
du méthaniseur. Dans l’un des cas, des initiateurs ou redoutés pris en compte lors Retour d’expérience
matières plastiques s’étaient accumulées des analyses de risques (dans le cadre des en Allemagne
à l’intérieur du méthaniseur jusqu’à for- études de dangers ou de l’évaluation des En France, la méthanisation est orientée
mer une couche étanche à la surface de risques liés aux procédés) sont dans la vers la production du compost et du bio-
la phase liquide. La réaction de fermenta- majeure partie des cas plausibles, car avé- gaz à partir de déchets organiques, contrai-
tion s’est poursuivie sous cette couche. La rés comme le démontrent les cas suivants : rement à l’Allemagne où la majorité de la
surpression engendrée par cette accumu- – corrosion/déboîtement de tuyauterie : production du biogaz est issue de cultures
lation est responsable de l’éclatement du cinq incidents répertoriés ; énergétiques.
méthaniseur, avec l’émission de projectiles – rupture lors de terrassement : deux inci- Les installations allemandes se sont déve-
et l’épandage des matières présentes. Les dents répertoriés ; loppées rapidement en particulier depuis
soupapes, situées en partie haute, sont inu- – fuite dans local/zone confinée, en parti- l’application de la loi sur les énergies
tiles pour prévenir ce type d’incident. Ce culier lors des opérations de purge : nom- renouvelables (EEG) entrée en vigueur en
risque peut être maîtrisé par : breuses anomalies et quatre incidents ; 2000 qui a été ensuite modifiée en 2004 et
– le procédé de production des boues avant – impact de la foudre : deux incidents 2008. Les installations allemandes ont pu
leur digestion qui empêche l’accumulation répertoriés ; notamment bénéficier d’un tarif d’achat
de matières plastiques (notamment dégril- – défaut en stockages (gazomètre/sphère) incitatif de l’électricité produite à partir
lage des effluents à 6 mm et floculation) ; entrée d’air et fuite : trois incidents réper- du biogaz.
– le brassage des digesteurs au biogaz. toriés. Dès 2004, une prime aux cultures énergé-
44 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
sion ou un rejet toxique (H2S) dans des uni-
tés de méthanisation.
Les principales causes d’incendie et d’ex-
plosion sont les sources d’inflammation
électriques (installations défectueuses…),
les échauffements mécaniques et les tra-
vaux par points chauds (opérations de sou-
Fachagentur Nachwachsende Rohstoffe e.V. (FNR)

dage, en particulier en période d’arrêt de


l’installation…). De cette liste d’identifica-
tion des sources d’inflammation, on peut
constater la similitude avec les sources
d’inflammation les plus fréquentes en
ce qui concerne l’inflammation d’atmos-
phères explosibles (mécanique, électrique,
points chauds).

Figure 1. Développement des installations produisant du biogaz en Allemagne. Constat de la commission de sécurité
KAS sur la sécurité des installations
tiques de 6 c€/kWh a également été créée imprécise ou contradictoire selon les avis de biogaz en Allemagne
en Allemagne. Ce qui explique la forte moti- d’experts (expertises au nom des assureurs La commission pour la sécurité des installa-
vation des nombreux fermiers d’investir ou expertises au nom des propriétaires). tions auprès du ministère fédéral allemand
dans cette nouvelle technologie et à accé- Il en ressort qu’il est souvent difficile de de l’Environnement, de la Protection de la
lérer le développement de cette filière en connaître avec précision l’événement ini- nature et de la Sécurité nucléaire constate
Allemagne. tial du scénario accidentel. dans son avis technique « Sécurité dans les
5 905 installations de méthanisation agri- Cette base de données « ZEMA » est loin installations de biogaz » [9] en 2009 que les
cole ont ainsi été recensées en 2010 pour d’être exhaustive si on la compare avec la installations de méthanisation ont souvent
une puissance de 2 291 MW (figure 1). base de données du LSV (organisme d’as- des défaillances concernant la conception,
Cette puissance aurait atteint 2 900 MW surance sociale agricole en Allemagne, la construction et l’exploitation.
pour plus de 7 000 unités de méthanisation figure 2) qui a recensé jusqu’à 140 acci- En outre, ils constatent que 80 % des ins-
en 2011. dents en 2009 (ce qui représente presque tallations contrôlées (159 installations au
3 % des installations de méthanisation en total) présentent des défauts importants.
Inventaire des incidents/accidents Allemagne). Les défauts les plus fréquemment consta-
recensés dans la littérature Pour les différents accidents répertoriés tés concernent le domaine de la protection
En Allemagne, il existe une base de don- (proches de configurations relatives à la contre l’explosion, de la conception des
nées intitulée Zentralen Melde- und Aus- méthanisation), sont recensés en annexes composants et de la conception des sorties
wertestelle für Störfälle und Störungen in quelques accidents survenus dans des ins- de secours et de sauvetage.
verfahrenstechnischen Anlagen (ZEMA) tallations de méthanisation en Allemagne Notamment, ils constatent dans le rapport
gérée par le ministère fédéral de l’Envi- ayant entraîné un départ de feu, une explo- KAS-12 :
ronnement qui recense les incidents ou
accidents soumis à déclaration obliga-
toire selon l’ordonnance sur les accidents
majeurs 12. BImSchV conformément à l’an-
nexe VI depuis 1993.
Dans cette base de données, deux inci-
Landwirtschaftliche Sozialversicherung (LSV) Breich Prävention.

dents relatifs à la filière de la méthanisation


sont enregistrés [3-7]. La majorité des inci-
dents identifiés dans ce rapport sont issus
de témoignages, de démarches volontaires,
notamment d’associations locales contre
l’implantation d’installations de biogaz [8],
confortées par des rapports des services
d’intervention et de secours, des rapports
de la police locale, des enquêtes publiques
et des informations de la presse.
Pourtant pour la plupart des cas, la cause
de ces sinistres reste inconnue, voire Figure 2. Nombre des accidents sur des installations produisant du biogaz en Allemagne.

www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 45


– des zonages ATEX inadéquats/ou non 2010 « Biogas Basisdaten Deutschland gazeux (H2S).
documentés ; [10] » (Biogaz – Données de base pour l’Al- Des dangers sont certes existants de par la
– des installations et équipements anti- lemagne) une probabilité d’occurrence de composition du biogaz, ce qui est attesté
explosion incomplets ou manquants et un 1,2 incident par 10 kWel/an. Cette valeur par le retour d’expérience, mais les consé-
manque de contrôles ; inclut tous les incidents techniques et est quences sur les populations et l’environ-
– un mauvais dimensionnement des com- issue d’une étude réalisée sur 31 installa- nement restent limitées. Il existe un levier
posants, tels que des essais insuffisants de tions entre 2004 et 2005 [11]. d’action de maîtrise des risques par la prise
résistance des gazoducs et des films sur L’évaluation des incidents montre que les en compte d’une démarche rigoureuse de
le fermenteur, des joints défectueux, des unités fonctionnelles telles que : prévention en respect de la réglementation
garanties de surpression insuffisantes ; – les centrales de cogénération ; des installations classées pour la protec-
– un non-respect de la distance de sécurité – les systèmes d’injection des solides ; tion de l’environnement (ICPE) – arrêtés
entre le lieu de stockage de gaz et la cogé- – les pompes, les tuyaux et des vannes ; méthanisation, dossier d’autorisation d’ex-
nération ; – et les agitateurs, ploiter (DAE) – et la réglementation ATEX
– un manque de protection contre les sont particulièrement vulnérables (863 (document relatif à la protection contre les
explosions dans le domaine de la fosse de incidents sur 1 168 incidents analysés), ce explosions) :
réception ; qui implique des défaillances sur la sécu- – axer la démarche de maîtrise des risques
– un manque de système de protection rité du système (perte de confinement, sur une sécurisation du procédé en amont,
contre la foudre ; fuites…). dès la conception des installations, accom-
– des plans manquants ou non coordonnés pagnée de la mise en place de barrières
avec le service d’intervention ; Conclusion techniques et humaines de sécurité ;
– la formation inadéquate du personnel ; L’Ineris a procédé à une étude du retour – contrôler régulièrement la fiabilité de ces
– l’utilisation de substances pour lesquelles sur expérience à partir de bases de don- barrières de sécurité (techniques et organi-
le système n’est pas conçu (par exemple les nées publiques, d’informations recueillies sationnelles) pour garantir leur bon fonc-
déchets avec des propriétés dangereuses, auprès du réseau biogaz et d’éléments plus tionnement sur le long terme (entretien et
avec dégagement d’H2S lors des mélanges détaillés fournis par deux industriels fran- maintenance) ;
de substrats selon des processus biolo- çais. – prendre conscience de situations à risque
giques activés par des bactéries sulfatoré- De façon semi-quantitative et d’une manière lors des phases d’intervention dans des
ductrices). générale, les procédés de méthanisation de digesteurs, dans des locaux contenant des
En outre, il est constaté qu’il y a quatre dif- la biomasse et des déchets génèrent diffé- canalisations de biogaz (travaux par points
férents procédés législatifs pour obtenir rents risques accidentels (et par extension chauds, maintenance…), et les phases
une autorisation et que la plupart des ins- sanitaires et environnementaux), notam- transitoires (démarrage d’installation, mise
tallations de méthanisation existantes ne ment au cours des phases d’exploitation et/ à l’arrêt) ;
sont pas concernées par cette réglemen- ou de maintenance. Les principaux phéno- – mettre en place des sessions de formation
tation. mènes dangereux à considérer sont classés des exploitants aux risques liés à la mise en
L’association Fachagentur Nachwachsende par ordre de priorité en terme de probabi- œuvre du biogaz afin que les mesures de
Rohstoffe (Agence pour les ressources lité d’occurrence : les incendies, les explo- sécurité soient convenablement comprises
renouvelables) publie dans un rapport en sions, l’émission imprévue de toxiques et appliquées. n

Références bibliographiques
[1] Retour d’expérience relatif aux procédés [7] www.lebenswertes-ratzenried.de/stoer- à déclaration sous la rubrique n° 2781-1
de méthanisation et à leurs exploitations faelle.html (NOR : DEVP0927295A), version avec
réalisé en 2012 pour le Medde (Etude [8] http://biogasanlagen-versus-anwohner. l’annexe publiée au BO du MEEDDM le
Ineris Ref : DRA-12-117442-01013A), dans de 10 décembre 2009.
le cadre du programme d’appui de l’Ineris [9] Kommission für Anlagensicherheit, Mer- • Arrêté du 10 novembre 2009 fixant
auprès de la DGPR/MEDDE sur les risques kblatt Sicherheit in Biogasanlagen, KAS-12, les règles techniques auxquelles doivent
liés aux procédés de méthanisation de la 06/2009 ; www.kas-bmu.de/index.htm satisfaire les installations de méthani-
biomasse et des déchets. [10] Biogas Basisdaten Deutschland 2010, sation soumises à autorisation. NOR :
[2] Kommission für Anlagensicherheit, Mer- www.biomassehof-achental.de/tl_files/ DEVP0920874A, en application du titre Ier
kblatt Sicherheit in Biogasanlagen, KAS-12, images/bioenergie_region/vortraege_info- du livre V du Code de l’environnement.
06/2009 ; www.kas-bmu.de/index.htm material_sonstiges/Basisdaten_Biogas.pdf • Arrêté du 12 août 2010 relatif aux pres-
[3] ZEMA : www.infosis.uba.de/index.php/ [11] Erfassung und Analyse von Defiziten criptions générales applicables aux instal-
de/zema/index.html an landwirtschaftlichen Biogasanlagen FKZ : lations classées de méthanisation relevant
[4] http://buergerinitiative-kreuzkrug.de/ 22012804 ; www.nachwachsende-rohstoffe. du régime de l’enregistrement au titre de la
index.php?option=com_content&view=article de rubrique n° 2781-1. NOR : DEVP1020761A.
&id=25&Itemid=26 • Guide de bonnes pratiques « Règles de
[5] www.freetz.de/biogasanlagen_unfaelle. Autres références sécurité des installations de méthanisation
html • Arrêté du 10 novembre 2009 relatif aux agricole » réalisée pour le Ministère de l’Agri-
[6] www.biogasanlagepfuhl.de/Gefahren. prescriptions générales applicables aux culture (Etude Ineris Ref : DRA-09-103637-
html installations de méthanisation soumises 084077A).

46 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Optimiser le rendement
des unités
de méthanisation
par la technique
d’incorporation Geish Emilien
Vogelsang France

A
vec la hausse du prix de l’élec- rotatifs auto-affutés et maintenus en pres- (hygiénisation notamment, < 12 mm). La
tricité issue du biogaz en 2006, sion (système ACC). combinaison de divers éléments (maille de
la mise en place d’unités de grille, nombre de couteaux, vitesse de rota-
méthanisation en France s’est clairement Utilisation et avantages tion) permet de répondre à ces exigences.
développée. Le RotaCut® est utilisé aussi bien dans le De façon générale, quelle que soit l’ins-
Contrairement au modèle allemand, le mar- domaine de la méthanisation à la ferme tallation, ce dilacérateur va permettre de
ché français fait bien souvent appel à des que dans le domaine industriel (assainisse- réduire la taille des substrats organiques,
sous-produits agricoles, industriels et, de ment, déconditionnement, ordures ména- faciliter leur digestion (longues fibres
façon générale, tout type de déchet orga- gères, CET), en zone ATEX ou non, sur des notamment) mais aussi prévenir la forma-
nique. Ce marché du déchet engendre des installations de toute taille. tion de strates dans le digesteur. Même les
adaptations technologiques afin de pouvoir Son design compact, en ligne, permet aussi éléments les plus résistants pourront être
incorporer la variété de ces substrats. bien de le prévoir à la conception de l’unité réduits grâce à son système de mise en
C’est bien souvent pour ces raisons que que de l’installer sur des usines existantes, pression des couteaux sur la grille (ACC).
certaines usines ont dû être équipées de selon les contraintes et évolutions des ins- Dans le même temps, son piège à cailloux
machines appropriées dès leur concep- tallations (extensions, diversification des permettra d’éviter la présence de corps
tion ou bien après retours d’expérience intrants… etc.). étrangers dans le digesteur et protégera
selon les contraintes et évolutions des ins- Selon les intrants, certaines installations les équipements en aval (casse, bouchage).
tallations (extensions, diversification des peuvent exiger une granulométrie précise Par ailleurs, les fluides et les suspensions
intrants… etc.).

Principe du RotaCut®
Depuis sa création en 1929, Vogelsang s’est
attaché à développer des machines pour
répondre aux problématiques rencontrées
par ses clients. C’est également dans ce
cadre qu’a été conçu le RotaCut®.
Ce broyeur par voie humide permet la sépa-
ration des corps étrangers (piège à cailloux
intégré) et la réduction des matières en sus-
pension. Il est composé d’une robuste tête
de coupe munie d’une grille et de couteaux Figure 1 : Principe du RotaCut®.

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sont homogénéisés et moins visqueux, digestion était rendu difficile par une mau- niques issus de l’exploitation agricole. Une
réduisant ainsi la consommation énergé- vaise homogénéisation des boues (couches seconde étude a été lancée fin 2007 avec
tique des équipements installés en aval flottantes, croûtes formées en surface du une installation plus puissante, nécessitant
(agitation, transfert, séparation… Etc.). digesteur). la recherche de déchets supplémentaires
Le rendement de l’installation se voit ainsi En 2011, le SIVOM a fait le choix d’installer pour fonctionner mais dont la rentabilité
considérablement optimisé. sur la boucle de recirculation (20 m3/h, 7 % serait plus assurée qu’avec une installation
Hors du procédé, cette machine permet MS, 35 °C, 24 h/j) en pied de digesteur, un plus petite (source RAEE). Cependant l’ap-
une autonomie en termes de maintenance RotaCut 5000 Pro Compact XL, motorisé port de ces déchets bruts à fort potentiel
avec un changement rapide des pièces 4 kW, en zone ATEX. méthanogène, impliquait des contraintes
d’usure par l’opérateur, à un coût dérisoire. Après quelques semaines d’utilisation, les d’incorporation et d’usure prématurée de
strates dans le digesteur avaient disparu et la pompe d’alimentation du digesteur. C’est
Exemples de réalisations l’installation tournait beaucoup plus sou- pour cette raison qu’a été installé début
Combiné à une pompe à lobes Vogelsang plement. Aucun incident n’a été à déplo- 2011 un RotaCut 5000 Pro Compact XL,
(BioCut) ou seul, ce dilacérateur a trouvé rer depuis. motorisé 9,2 kW.
sa place au sein de bon nombre d’instal- Le GAEC les Châtelets à Gruffy en Haute- Aujourd’hui, l’unité peut recevoir sans pro-
lations. Savoie est une exploitation agricole de blème des intrants divers (déchets de can-
La station d’épuration du SIVOM de Val 150 ha spécialisée dans l’élevage bovin tines, graisses extérieures notamment) et
Cenis en Savoie, possède depuis 2007 un et la production laitière sous label AOC les incorporer de façon homogène via la
digesteur pour la réduction de son volume « Tomme des Bauges ». Pour sécuriser et pompe installée, sans dommages, proté-
de boues à traiter et produire du biogaz. De développer le revenu du GAEC, les asso- gée par le RotaCut®. La production est net-
capacité nominale 16 000 équivalent habi- ciés cherchaient à diversifier leurs activi- tement accrue et les rendements attendus
tants, l’usine traite quotidiennement plus tés. En 2005, les frères Domenge décident sont ainsi atteints. Avec cette unité, ce sont
de 1 300  m3 d’eaux usées en moyenne. Du de se lancer dans un projet de méthanisa- aujourd’hui 3 200 tonnes de matières orga-
fait d’une concentration importante en tion agricole. niques qui sont valorisées par an, 7 mai-
fibres et filasses dans ces eaux, l’instal- En 2006, le projet, relativement modeste sons qui sont chauffées pour une produc-
lation rencontrait régulièrement des pro- (30 kW), est alors dimensionné en ne pre- tion globale de 175 kW.
blèmes d’usure prématurée des pompes nant en compte que les déchets orga- Le GAEC P2MN à Courtes dans l’Ain, est
de recirculation, de consommation élec-
trique élevée (enchevêtrement de filasses
sur l’agitation) allant jusqu’à la casse de
l’agitateur immergé. Au-delà de l’aspect
mécanique, le processus biologique de

Figure 3 : RotaCut® sur la boucle de recirculation du digesteur de la step du SIVOM de Val Cenis (73).

Figure 2 : RotaCut 5000 Pro compact. Figure 4 : RotaCut® sur l’alimentation du digesteur du GAEC les Châtelets à Gruffy (74).

48 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


un élevage de vaches laitières de race face d’attaque des micro-organismes
Prim’Holstein géré par 4 associés. Le et bactéries. Le procédé est souple
GAEC compte 295 bovins et produit 1 050 et l’incorporation facilitée.
000 litres de lait par an et possède 254 ha
répartis en prairie, céréales, luzerne et Conclusion
colza. Le RotaCut ® permet donc de
L’objectif de leur unité de méthani- répondre à bon nombre de
sation est de valoriser leurs contraintes de ce marché
effluents d’élevage tout en spécifique français. Le
diversifiant les activités et les service R&D de Vogel-
revenus du GAEC. Les asso- sang permet également
ciés se sont orientés vers une aujourd’hui de propo-
installation en autonomie, de ser et développer d’autres
50 kW, basée essentiellement sur technologies adaptées aux
les effluents d’élevage de l’ex- diverses applications que
ploitation (fumier mou, fumier l’on peut ­rencontrer dans le
sec, eaux vertes et blanches). domaine de la méthanisa-
Le projet intègre également tion (EnergyJet®, BioCut,
des déchets de maïs prove- Figure 5 : Système de pompage et broyage BioCut installé au GAEC P2MN à Courtes QuickMix, BioCrack ® ,
nant de la ­coopérative agri- (01). X-Ripper).
cole voisine (source RAEE). En effet, avec l’essor
Les fumiers étant les plus longs à digérer permet une recirculation sur la fosse de actuel de la production de biogaz et ce
(lignine) et difficiles à incorporer (fibres mélange (14 % MS, température ambiante) développement du marché du déchet, les
longues), les associés ont fait le choix pour aider à mélanger et réduire les lon- techniques d’incorporation restent des
­d ’installer un BioCut (pompes à lobes gues fibres pailleuses. Il assure ainsi quo- outils clés, à choisir avec attention, pour
Vogelsang  + RotaCut® - 13 kW, 30 m3/h) tidiennement l’incorporation de substrats garantir un rendement élevé des unités en
dès le départ de l’installation. Le système fins et homogènes pour augmenter la sur- fonctionnement et à venir.  n

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Qualité et analyses
du biogaz :
bonnes pratiques
et conséquences
technico-économiques
sur la valorisation
Germain C., Chatain V., Metivier H.
Deltalys - LGCIE

L
a valorisation des biogaz, en tant vement et d’analyse du biogaz restent donc rieures à 200 g.mol-1, sont produits pen-
que source d’énergie renouvelable, des facteurs importants pour la bonne ges- dant les étapes de la méthanogénèse, par
fait partie des nouvelles stratégies tion des installations de production et de de multiples transformations biophysi-
de diversifications énergétiques à l’échelle valorisation du biogaz. cochimiques de la matière organique ini-
européenne. En France, les marges de pro- tialement présente. Les grandes familles
gression dans ce domaine sont encore Principaux composés chimiques de composés organiques sont
importantes et la filière biogaz est en plein pénalisants du biogaz généralement représentées. L’analyse
essor. Une installation industrielle de méthanisa- exhaustive d’un biogaz, quelle que soit son
Dans la pratique, les conditions de valori- tion peut être décrite de manière simplifiée origine, indique la présence d’hydrocar-
sation d’un biogaz sont directement liées en la considérant comme deux unités juxta- bures plus ou moins saturés, de composés
au couplage de multiples paramètres, cou- posées : l’unité « amont » qui produit le gaz oxygénés, de terpènes, de composés aro-
vrant un ensemble complexe d’étapes inter- brut et l’unité « aval » qui conduit jusqu’à matiques dérivés du benzène, de composés
dépendantes : types et qualité des intrants, l’étape de valorisation du gaz épuré. Cha- halogénés, soufrés, siliciés, …
procédé de méthanisation, potentiel éner- cune de ces unités est constituée de plu- L’ensemble de ces composés ne présente
gétique des substrats, qualité du gaz pro- sieurs sous-ensembles qui communiquent et pas des propriétés homogènes (en particu-
duit, mode de traitement, contraintes éco- dont les contraintes aux interfaces sont spé- lier du point de vue de leur polarité), de par
nomiques du projet, conditions locales, cifiques. Le vecteur qui relie ces deux enti- leurs différences de structures, notamment
réglementation, etc. Le choix d’un mode tés est un gaz complexe dont les caractéris- la présence (ou non) d’oxygène. Ils auront
de valorisation énergétique, ainsi que son tiques qualitatives et quantitatives évoluent, de ce fait un comportement différent vis-à-
taux de disponibilité et sa pérennité dans le et qui doivent être maîtrisées pour un pilo- vis des principaux traitements épuratoires
temps dépendent de tous ces paramètres, tage optimal de l’ensemble de l’installation. du biogaz mais également des techniques
le gaz lui-même étant finalement le vecteur de mesure.
principal de la valorisation. En plus des composés majeurs du biogaz Parmi ces COV, différentes classes
En ce sens, la qualité du biogaz et sa varia- (CH4, CO2, H2O), on peut y trouver N2 et posent problème et constituent actuel-
bilité constituent des paramètres clés dans O2, ainsi que plusieurs centaines de Com- lement un frein à la valorisation du bio-
la chaîne de valorisation. La compréhen- posés Organiques Volatils (COV). Ces COV, gaz. C’est notamment le cas des composés
sion et la maîtrise des techniques de prélè- de masses molaires généralement infé- ­organiques volatils du silicium (COVSi  -
50 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
de nombreux COV non siliciés sont adsor- la phase de production. Cette probléma-
bables : il est nécessaire de les identifier et tique doit être prise en compte, ou tout du
de les quantifier (même de manière globale) moins ne pas être sous-estimée, à toutes les
pour un dimensionnement correct de l’ad- étapes du projet.
sorbeur et la maîtrise des coûts. De manière évidente, bien gérer une
Par ailleurs, il est également intéressant de chaîne de production/valorisation de bio-
souligner les difficultés analytiques liées à gaz nécessite des choix analytiques réflé-
la complexité du biogaz ainsi que généra- chis (type de molécules suivies) et oppor-
lement à la présence d’une humidité rési- tuns (fréquence de suivi).
duelle. C’est en particulier le cas du suivi En ce sens, la mise en place d’une straté-
des teneurs H2S et en COVSi dans des gie globale de suivi de la qualité du bio-
matrices gazeuses complexes et humides. gaz adaptée à la typologie de chaque pro-
Figure 1 : Composés organiques volatils du sili- jet est un des éléments clés du succès
cium (COVSi – communément appelés siloxanes); De l’intérêt de bien connaître opérationnel des installations de produc-
son biogaz tion, l’objectif d’une telle démarche étant
communément appelés siloxanes) et des Considérant la complexité du biogaz, bien entendu de maîtriser l’ensemble des
composés soufrés. sa variabilité dans le temps et sa dépen- risques liés à la qualité du gaz produit, et
En effet, les COVSi sont à l’origine de dance au procédé de production dans son ce tout au long de la vie des projets depuis
dépôts de solides siliciés au niveau des sys- ensemble, chaque biogaz peut être consi- la phase de financement jusqu’à la pro-
tèmes de conversion d’énergie (cf. photo déré, dans une certaine mesure, comme duction.
ci-contre d’un élément de turbine à gaz), étant « unique ». Le logigramme (figure 2) résume les prin-
avec pour conséquence des besoins de La connaissance de la qualité du biogaz cipaux éléments concernés par les problé-
maintenance accrus et/ou d’éventuels dys- produit est donc indispensable pour maî- matiques de qualité du biogaz et devant
fonctionnements. Pour ce qui est des sou- triser les impacts potentiels sur la valori- être considérés à priori par les différents
frés, le principal composé pénalisant est sation du gaz, ces impacts pouvant être de acteurs du projet :
l’hydrogène sulfuré (H2S) dont la présence différentes natures : La mise en place d’une telle stratégie glo-
peut entraîner des problèmes de corrosion • impact technique et financier : dégrada- bale nécessite d’avoir un certain recul sur
des installations de combustion, la forma- tion du rendement des installations, dégra- les principales techniques de mesures dis-
tion d’oxydes de soufre indésirables dans dation prématurée du matériel, frais de ponibles à ce jour pour les principaux com-
les gaz produits, (sans oublier les risques maintenance, pertes d’exploitation, etc. posés pénalisants. Ces techniques, leurs
pour la santé des personnels en raison de • impact réglementaire : non-respect des avantages mais aussi leurs limites font l’ob-
sa toxicité). normes et réglementations (rejets, fumées) jet du paragraphe ci-dessous.
Il est également intéressant de noter que • impact sécurité : présence de mélanges
d’autres COV ne sont pas pénalisants pour la gazeux toxiques et/ou explosifs présentant Les techniques d’analyses :
valorisation du biogaz en tant que telle, mais des risques pour l’intégrité des personnes. avantages et limites
peuvent avoir un impact en d’autres points Dans le cadre des projets industriels, les L’analyse de matrices gazeuses complexes
de l’installation de méthanisation, notam- problématiques concernant la qualité du riches en composés variés majeurs et à
ment au niveau du traitement du biogaz. Par biogaz ont généralement une influence l’état de traces pose des difficultés analy-
exemple, un mode de traitement usuel des depuis la phase de financement jusqu’à tiques spécifiques, notamment l’analyse
COVSi est l’adsorption sur charbon actif, or

Exemple  : Un moteur produit 1  MW


électrique en étant alimenté par un
débit de biogaz (à 50 % de méthane) de
600 Nm3/h. Si le biogaz contient 1 mgSi/
Nm3 (teneur maximale préconisée par
certains constructeurs de moteurs), ce
sont potentiellement plus de 5  kg de
silicium par an qui peuvent engendrer
des dépôts. A titre indicatif, la teneur
en silicium peut atteindre jusqu’à la
dizaine de mg/Nm3 dans un biogaz de
station d’épuration, plusieurs dizaines
de mg/Nm3 dans un biogaz d’installation
de stockage de déchets non dangereux. Figure 2 : Le logigramme résume les principaux éléments concernés par les problématiques de qualité
du biogaz et devant être considérés à priori par les différents acteurs du projet.

www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 51


des constituants mineurs. Le choix de la posés du biogaz (H2S, NH3, CO2, CH4,…). considération lors de l’utilisation des résul-
technique la plus appropriée dépend des Ces appareils sont généralement équipés tats d’analyse obtenus. Le LGCIE de l’INSA
molécules recherchées, de leur teneur, de de cellules infrarouges (IR) pour l’analyse de Lyon a déposé un brevet en 2006 sur une
la matrice plus ou moins complexe et de la du CH4 et du CO2 et de cellules électrochi- méthode originale de prélèvement et d’ana-
précision souhaitée. miques pour d’autres composés dont H2S. lyse permettant d’obtenir la teneur totale
Comme dans toute approche métrolo- Malgré une concentration minimale d’oxy- en Silicium d’un biogaz. Une revue plutôt
gique, l’obtention d’une mesure concer- gène nécessaire au fonctionnement nor- exhaustive de ces techniques de prélève-
nant un ou plusieurs composé(s) gazeux mal de toutes les cellules électrochimiques, ment et d’analyse a été réalisée par ce labo-
doit être prise dans son ensemble. Dans il est possible d’analyser sur une courte ratoire en 2011 (doctorat Cl. Chottier).
la perspective d’une stratégie globale durée (quelques minutes) un gaz cible dans Ce manque de fiabilité des mesures pose
concernant la qualité d’un biogaz, la un échantillon gazeux pauvre en oxygène plusieurs problèmes, tels que :
chaîne métrologique à mettre en place doit comme le biogaz car l’électrolyte contient • l’impossibilité d’anticiper la maintenance
s’envisager en intégrant tous les é­ léments de l’oxygène dissout. du système de valorisation ;
impactant les mesures obtenues, notam- Une étude sur les analyseurs de H2S dans •  l’impossibilité d’évaluer l’efficacité d’un
ment : le biogaz menée par l’Ineris en 2011 a par traitement et son dimensionnement.
• les spécificités de la matrice gazeuse contre montré que la réponse des cellules Au regard des problèmes spécifiques posés
analysée, électrochimiques dérive rapidement (en 2 par les COVSi présentés précédemment
• le type de prélèvement réalisé et les jours). Ces appareils doivent donc être éta- et de leurs conséquences néfastes sur la
conditions associées (en ligne, discon- lonnés régulièrement. De même, il a été pérennité des filières de valorisation du
tinu, etc.), montré que les capteurs électrochimiques biogaz, savoir quantifier les COVSi dans
• les spécificités du dispositif de dédiés à l’analyse d’H2S sont influencés le biogaz est donc un véritable enjeu tech-
mesure au regard des composés analysés par le taux d’humidité, la température et la nique et économique.
et sa calibration, pression. L’étude a également montré que
ainsi que toutes les étapes intermédiaires certains appareils sont non linéaires et pré- Impacts sur la valorisation :
requises pour l’obtention d’une mesure sentent un écart de mesure par rapport à la maîtrise et bonnes pratiques
(transport des échantillons, interventions valeur vraie. Compte tenu des éléments exposés dans
humaines, etc.). Concernant les mesures en continu, les cet article, quelques bonnes pratiques et
Il est important de rappeler que l’incerti- technologies disponibles reposent princi- solutions concrètes peuvent être propo-
tude de toute mesure doit être évaluée au palement sur les techniques classiques de sées. L’idée globale étant de maîtriser le
regard des incertitudes cumulées sur l’en- chromatographie en phase gazeuse et celles mieux possible les risques liés à la qua-
semble de la chaîne de mesure. La préci- de spectroscopie (fluorescence UV, absorp- lité du biogaz, et ce pour tous les acteurs
sion de la mesure ne doit en aucun cas être tion IR (NDIR, FTIR, IR photoacoustique). (des financeurs aux exploitants) inter-
confondue avec la limite de détection de la Les points faibles de ces technologies pour venants au cours de la vie des projets
méthode analytique retenue pour l’obten- la mesure d’H2S dans des matrices gazeuses biogaz. Il est entendu que chaque pro-
tion des mesures. complexes évolutives telles que le biogaz jet étant unique, les propositions et idées
La question du prélèvement (échantillon- sont l’inadaptabilité d’un même appareil à ci-dessous sont à adapter en fonction du
nage) concerne les méthodes d’analyses uti- des gammes de concentrations variables contexte et des problématiques propres
lisées en mode extractif. En effet, l’échan- (plusieurs décades), les problèmes liés à la au projet en q­ uestion.
tillon gazeux est prélevé de sa conduite et présence de poussières (notamment le col-
amené jusqu’à l’analyseur par une ligne matage) et surtout les interférences analy- Analyse de risque
dite d’échantillonnage. Pour conserver tiques dues à la présence d’H2O. De manière tout à fait générale, il convient
­l’intégrité de l’échantillon, la conception Enfin, en ce qui concerne les COVSi, si les d’intégrer les problématiques liées à la qua-
de la ligne doit limiter au maximum les problématiques associées à la présence de lité du biogaz dans l’analyse de risque prélimi-
interactions entre les espèces gazeuses et ces composés dans le biogaz sont mainte- naire mise en place au démarrage du projet.
le matériau de la ligne d’une part, la pré- nant reconnues, il n’existe pas à ce jour de
sence de points froids pouvant condenser méthode normalisée d’analyse de ces com- Diagnostic préliminaire
l’eau et d’autres gaz corrosifs d’autre part. posés dans une matrice gazeuse. Quelques Dans la mesure du possible, un diagnostic
Des recommandations sont précisées dans laboratoires ont étudié ce problème, en préliminaire de la qualité du biogaz doit être
la norme AFNOR NF X 20-251 (1982) por- proposant différentes méthodes de pré- réalisé le plus en amont possible, même à
tant sur les « organes de prélèvement et de lèvement (collecte d’un volume de gaz l’échelle laboratoire lors d’un diagnostic BMP
transfert des gaz destinés à alimenter une dans un sac, absorption en phase liquide, (Potentiel BioMéthanogène) par exemple.
unité analytique ». adsorption sur solide) et d’analyses (ioni-
En ce qui concerne l’analyse de biogaz, les sation de flamme, spectrométrie de masse, Mise en place d’une stratégie globale
mesures ponctuelles sont habituellement d’émission atomique), chacune de ces « qualité gaz »
réalisées par des analyseurs portables méthodes présente des avantages et incon- L’analyse de risque (et le diagnostic prélimi-
développés pour le suivi de quelques com- vénients qu’il est nécessaire de prendre en naire le cas échéant) doit servir à la mise en
52 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
place d’une stratégie de gestion et de suivi dans le temps de la qualité du biogaz. Ce toring des installations de production et de
de la qualité du gaz dès le démarrage du pro- suivi doit être adapté, aussi bien en terme traitement
jet. Cette stratégie doit permettre, au même de contenu que de fréquence afin d’appor- • l’utilisation d’outils de modélisation plus
titre que le plan de maintenance général des ter un maximum de valeur ajoutée à l’ex- poussés permettant une meilleure maî-
installations, d’intégrer la gestion de la qua- ploitant (et donc être focalisé sur les vraies trise des procédés aux différentes étapes
lité du gaz au sein même du projet et d’en problématiques de l’installation) sans pour des projets,
appréhender rapidement les potentielles autant générer des surcoûts prohibitifs. • la mise sur le marché de nouvelles tech-
conséquences techniques et financières En parallèle, et de manière à anticiper niques (ou technologies) d’analyse du gaz,
pour l’ensemble des acteurs concernés. au mieux, il est également important de adaptées aux contraintes propres au bio-
mesurer l’impact potentiel de tout change- gaz.
Implémentation : phase de conception ment biophysicochimique sur les installa- Parmi ces nouvelles technologies et à titre
La conception des unités doit inté- tions (prise en compte d’un nouveau type d’exemple, la technique OF-CEAS (Opti-
grer toutes les contraintes identifiées et d’intrants par exemple) sur la qualité du cal Feedback Cavity Enhanced Absorption
­relatives à la qualité et à la variabilité du gaz pour d’évaluer les risques qui y sont Spectrometry), mise en œuvre de façon
biogaz dans le temps (débit, qualité, etc). ­associés. exclusive par le constructeur scientifique
Cette conception doit aboutir au choix des De manière générale et pour conclure, il est ap2e, peut analyser en continu des com-
matériels, solutions de traitement et solu- important de garder, autant que possible, posés gazeux majeurs ou à l’état de trace
tions analytiques de mesure appropriées un regard critique sur les mesures et ana- parmi une quinzaine proposée actuelle-
au projet. lyses réalisées au vu de la complexité de la ment (dont H2S). La résolution et la sensibi-
Il convient notamment de s’assurer que le matrice que constitue le biogaz. lité sont les plus hautes connues à ce jour.
mode de valorisation choisi, les matériels La définition au montage des composés
et la maintenance associés (y compris la Opportunités et perspectives ciblés et de leur gamme de concentrations
solution de traitement) sont compatibles Au regard de l’évolution de la filière biogaz, est essentielle pour configurer un appareil
avec les incertitudes liées à la qualité du au moins au niveau Français, les probléma- sans interférences grâce au choix de diodes
biogaz. tiques liées à la qualité du biogaz restent lasers adaptées… L’appareil accède ainsi à
tout à fait d’actualité. L’augmentation du des raies fines, même de faible intensité,
Implémentation : phase de démarrage nombre de projets et de prospects visant sans interférence due à l’absorption des
À ce stade, et comme il est généralement à valoriser le biogaz via l’injection de bio- autres constituants du mélange gazeux. Les
prévu, la phase de démarrage permet de méthane dans le réseau de gaz naturel ou limites de détection sont de l’ordre du ppb
valider le bon fonctionnement global des encore à produire du bio-GNV tend même voire du sub ppb pour HF. La linéarité est
installations mais également de valider que à renforcer l’intérêt pour la compréhension annoncée comme vérifiée sur 4 à 5 décades.
la qualité du biogaz produit est en accord fine de la qualité du biogaz. Les normes Dans le cadre d’une étude RECORD (cf.
avec les prévisions. Il semble important présentes et futures encadrant l’injection ci-dessous), un appareil dédié à l’analyse
pendant cette phase de s’assurer de la de biométhane, couplées au faible retour du biogaz a été mis en œuvre sur un site
bonne calibration des appareils de mesure d’expérience des technologies d’épuration industriel pendant six mois afin d’évaluer
en ligne (si installés, et notamment dans le de gaz (tout du moins en France) nécessite- sa robustesse technique, une étude com-
cas où des pics de polluants sont observés ront probablement d’aller encore plus loin plémentaire en laboratoire a permis d’éva-
pendant le démarrage). De plus, il semble dans la maîtrise des techniques d’analyses luer sa robustesse analytique en conditions
important de réaliser a minima une ana- du gaz afin de maîtriser les aléas des pro- contrôlées. En complément des principaux
lyse complète du biogaz une fois le process jets (silicium, métaux, COV, etc). Il semble avantages déjà évoqués, l’appareil a pu ana-
stabilisé, afin de garder une référence de la en effet important que la filière biogaz dans lyser en continu un biogaz humide et cor-
qualité du gaz. son ensemble puisse avoir accès à de nou- rosif avec présence de poussières et four-
velles pratiques, méthodes et outils pour nir des résultats corrects avec une grande
Implémentation : en cours pérenniser ces nouvelles installations sur autonomie. Outre l’intérêt de la technolo-
de production le plan technique mais aussi financier. gie analytique, la ligne de prélèvement basse
En plus de la maintenance prévue de Plusieurs pistes sont encore à explorer pression associée à l’appareil de mesure est
manière classique sur les équipements, il afin d’aller vers toujours plus de maîtrise également un atout pour l’analyse de gaz
convient de s’assurer de la bonne mainte- des installations de valorisation du biogaz. humides.
nance (et calibration) des appareils d’ana- Parmi ces pistes qui permettront de renfor-
lyse du biogaz. Il n’est pas du tout impos- cer encore davantage la compétitivité de la Auteurs et références
sible d’avoir à terme une dérive natu- filière, quelques-unes des plus pertinentes La société Deltalys a pour vocation d’offrir
relle des capteurs de mesure (jusqu’à plu- à ce jour concernent : à ses clients des solutions à forte valeur
sieurs %). Les impacts sur le pilotage et le • l’amélioration des techniques et procédés ajoutée permettant de mieux comprendre
rendement de l’installation pouvant être d’épuration du biogaz, et notamment pour et d’optimiser le fonctionnement des ins-
dans ce cas non négligeables. Il semble la production de biométhane, tallations industrielles de production de
également important de réaliser un suivi • la généralisation des solutions de moni- gaz et notamment de gaz d’origine renouve-
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lable (biogaz, gaz de synthèse, etc). la chaîne de traitement et de valorisation gaz complexes n’est pas triviale, au point
Deltalys intervient sur l’ensemble de la du gaz que cette dimension analytique constitue
chaîne de valorisation du gaz et offre une • Des solutions innovantes d’optimisation elle aussi l’un de nos axes de recherche.
gamme complète de solutions et de ser- technique et financière des installations de L’élaboration de cet article repose essen-
vices centrée sur la qualité du gaz, son production tiellement sur plusieurs thèses effectuées
traitement et sa valorisation. Basée sur Depuis plus de dix ans, le LGCIE développe au LGCIE, notamment celles de A. Ohan-
une vision transverse des problématiques une activité de recherche autour des bio- nessian (2008) et de C. Chottier (2011), sur
industrielles et en partenariat avec la gaz issus de la méthanisation de déchets nos contributions aux éditions successives
LGCIE de l’INSA de Lyon, la société pro- solides, production et traitement en vue de de l’ouvrage « La méthanisation » coor-
pose notamment : valorisation, qui lui permet d’avoir à ce jour donné par R. Moletta et sur une récente
• Des campagnes de mesure et des dia- une bonne connaissance de l’ensemble des étude (encore confidentielle) financée par
gnostics qualité du gaz et du biogaz (COV, problématiques de la filière. Le diagnos- l’association RECORD (REseau Coopératif
Silicium) tic qualité du biogaz est primordial en tout de Recherche sur les Déchets et l’Environ-
• Des expertises à forte valeur ajoutée sur point de la filière et l’analyse de ce type de nement). n

54 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Biométhanation du gaz
de synthèse par couplage
avec la digestion
anaérobie
Guiot Serge R., Groupe de Bio-ingénierie
Portefeuille Énergie, Mines & Environnement
Conseil national de recherches du Canada

L
e digestat, constitué de matières digestat anaérobie peut représenter jusqu’à (généralement au-delà de 500 °C) dans un
organiques récalcitrantes qui ne 14 MJ/kg solide sec. Le digestat produit environnement limité en oxygène (le ratio
sont pas dégradées par la diges- à partir de matières premières avec une stoechiométrique de combustion (combu-
tion anaérobie (DA), de biomasse bacté- teneur plus élevée en fibres a tendance à rant/carburant) est situé entre 0 et 1). La
rienne et de matières inorganiques, est une avoir un PCI plus élevé. Ce contenu éner- présence d’oxygène est contrôlée afin de
source de matière humique et ligneuse, de gétique peut être extrait par la gazéifica- maintenir le processus de g­ azéification
nutriments et de minéraux qu’il est souhai- tion du digestat déshydraté mécanique- énergétiquement autosuffisant. Le gaz de
table de retourner au sol agricole, qu’il soit ment pour produire un gaz de synthèse. synthèse produit dans ces conditions est
utilisé directement ou séparé en une par- Dépendamment du contenu calorifique des composé de monoxyde de carbone (CO)
tie liquide et solide. À certaines périodes solides du digestat, un séchage thermique et d’hydrogène (jusqu’à 85 % pour le total
de l’année, le digestat peut être utilisé supplémentaire peut être nécessaire pour des deux) ; les autres composés du syngaz,
directement dans l’agriculture ; dans la plu- être en mesure de soutenir une gazéifica- mineurs, sont la vapeur d’eau, le méthane,
part des cas cependant, il doit être stabi- tion auto-thermique du digestat. La teneur des hydrocarbures légers, des impuretés
lisé, par exemple par traitement aérobie en matière sèche nécessaire pour soutenir volatiles et particulaires. Le gaz de syn-
(compostage), avant d’être appliqué sur une gazéification auto-thermique peut aller thèse, sans azote, a un PCI qui se situe
les champs. La valorisation des résidus de 40 à 70 % ou plus. Les procédés ther- entre 8 et 16 MJ/Nm3. Après un nettoyage
de digestion anaérobie est parfois impos- miques sont plus coûteux que le compos- adéquat le gaz de synthèse peut être utilisé
sible pour diverses raisons (manque d’es- tage en raison de la demande en énergie pour produire de la chaleur et de l’électri-
pace pour le compostage, difficulté d’écou- élevée, notamment pour le séchage, et de cité, avec des chaudières, des moteurs à
ler le compost pour cause de non-accepta- la complexité du procédé. Par ailleurs, combustion interne adaptés, des turbines à
bilité sociale ou de saturation du marché, le produit principal de la gazéification, le gaz, ou des piles à combustible. Mais il peut
réglementation inadéquate, incompatibilité gaz de synthèse ou syngaz, est valorisable aussi être utilisé comme substrat chimique
avec les pratiques agricoles, horticoles ou énergétiquement ou chimiquement, et son de base dans divers procédés catalytiques
sylvicoles, etc.). Ces excédents de digestat, sous-produit, les cendres (charbonneuses de transformation. Par exemple la métha-
composté ou non, se retrouvent alors en ou totalement minérales), sont recyclables nation du syngaz est utilisée pour enrichir
site d’enfouissement sanitaire ou en inci- comme amendements pour réduire l’aci- le syngaz en méthane, et ainsi le transfor-
nérateurs. dité des sols, leurs besoins en engrais et mer en gaz naturel renouvelable, ré-injec-
potasse et leurs émissions à effet de serre table dans le réseau après élimination du
Comme alternative, on pourrait envisa- (oxyde nitreux, méthane). CO2 et des impuretés.
ger de traiter le digestat par une voie ther-
mochimique, telle que la gazéification. La gazéification est une dégradation ther- La méthanation est un procédé chimique
Le ­pouvoir calorifique inférieur (PCI) du mochimique sous haute température fortement exothermique permettant la
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conversion sur des catalyseurs (en géné- (89 g solide sec (SS)/kg) mélangée avec un OLR de 2 g SV/Lrxr·jour, sur une période
ral à base de nickel) de l’hydrogène et du des carottes (11 g SS/kg) a été utilisée de plus de 300 jours. Quand le CSTR était
monoxyde de carbone en méthane. On comme simulation de déchets alimentaires opéré en présence de FW et de CO (donc en
obtient en sortie de méthanation un gaz (FW). Le rapport carbone/azote/phosphore mode de co-digestion), le taux de conver-
riche en méthane, mais contenant encore des déchets alimentaires ainsi reconsti- sion du CO était maximal (12 mmol CO/g
de l’eau et du CO2. Ces procédés de catalyse tués était d›environ 100/6/0,7. L’inoculum SV·jour) sous une charge en CO de ¼ mol/
chimique sont bien établis. Mais ils sont (boue anaérobie granulaire) était issu d’un Lrxr·jour, avec un rapport CO/FW de 0,18
coûteux et impliquent habituellement des digesteur industriel (Lassonde, Rouge- mol CO/g SV (4 NL CO/g SV), une pres-
pressions et températures élevées, peuvent mont, Québec). L’activité spécifique métha- sion partielle en CO de 0,2 atm et un TRH
être problématiques lorsque des impure- nogénique [mmol CH4/g sec de biomasse gazeux de 0,04 jour. Cependant, durant
tés sont présentes et ont tendance à avoir bactérienne·jour] sur les substrats ci-des- le régime de co-digestion (FW + CO) l’ef-
une faible sélectivité par rapport au produit sus, ajoutés individuellement, se classait ficacité de destruction des solides orga-
(Gallei & Schwab 1999). Ces inconvénients comme suit : CO [0,6] < FW [1,1 - 1,3] < cel- niques était de 71 %, tandis que l’efficacité
pourraient néanmoins être évités en utili- lulose [1,4] < glucose [1,5] < propionate de dégradation de la demande chimique
sant des voies microbiennes pour transfor- [1,9] < acétate [4,3] < H2 [54]. Le potentiel en O2 (DCO) combinée (FW + CO) pou-
mer les composés du syngaz en méthane, à biochimique en méthane (BMP) des subs- vait à peine atteindre 39 %, avec au mieux,
température et pression normales. Comme trats ci-dessus a ensuite été évalué, en un rendement en méthane de 0,135 NL
on l’a démontré précédemment (Guiot et batch et en triplicata, en présence ou non CH4/g DCO ajoutée, en raison notamment
al. 2011), les boues de digesteur anaéro- de CO, pour différents rapports CO/co- du pauvre transfert de CO dans la phase
bie ont un potentiel carboxydotrophique substrat et charges organiques. Bien que le liquide et du potentiel d’inhibition du CO
(de consommation du CO) méthanogène méthane soit le principal produit, en géné- sur les populations microbiennes, en parti-
significatif, sans qu’une acclimatation par- ral on détectait aussi de l’acétate, du pro- culier des bactéries méthanogènes. Cepen-
ticulière ne soit requise. Le CO du syngaz pionate, et des traces d’acétone, de propa- dant le rendement en méthane relatif à
est utilisé comme source de carbone et nol, d’éthanol et de méthanol dans le pro- la dégradation des matières solides pou-
d’énergie par certaines souches méthano- cessus de co-digestion. L’accumulation vait monter à 0,7 NL/g SV dégradé, en rai-
gènes dans des réactions directes pour pro- d’ammonium (NH4+) a également été obser- son de la contribution du CO à la produc-
duire du méthane. D’autres réactions indi- vée en présence de déchets alimentaires. tion de méthane. À titre de comparaison,
rectes se produisent également, dans les- En mode de co-digestion avec les déchets pendant la digestion des déchets sans CO,
quelles le CO et l’H2 sont convertis en acé- alimentaires on observait une diminution l’efficacité de destruction des solides pou-
tate par des bactéries homoacétogènes et (d’environ un tiers) de l’activité carboxydo- vait atteindre 84 % avec des rendements
finalement en méthane (Sancho-Navarro trophique des populations microbiennes, en méthane variant entre 0,215 et 0,28 NL
et al. 2014). Quelles que soient les voies en raison de l’accumulation d’ammonium CH4/g DCO ajoutée, c’est-à-dire entre 0,30
utilisées, le rendement est de 0,25 mole produit à partir des déchets ainsi que de la et 0,40 NL CH4/g SV ajouté, soit entre 0,30
de CH4 par mole de CO, plus 0,25 mole de concurrence entre le FW et le CO comme et 0,39 NL CH4/g DCO consommée. Au-delà
CH4 par mole d’H2. Selon les teneurs du sources de carbone pour les populations. d’un rapport CO/FW de 0,18 mol CO/g SV, le
syngaz en CO et H2, cela équivaut à envi- Le CO a eu un impact plus faible sur les rendement en CH4 par unité de solide orga-
ron 0,2 à 0,4 Nm3 de CH4 par kg de solide activités d’hydrolyse et d’acidogenèse que nique ajouté a diminué d’au moins 40 %, en
volatile (organique) (SV) gazéifié lorsque sur les activités acétogène et méthanogène. dépit de la présence de CO comme source
le syngaz est injecté efficacement et dis- Le BMP des substrats en co-digestion n’a supplémentaire de carbone.
sous dans la liqueur mixte anaérobie. Par pas été significativement affecté par le CO
analogie à la nomenclature utilisée en cata- à une pression partielle de 0,2 atm. Cepen- Le transfert de masse gaz-liquide et le
lyse chimique, on parlera de biométhana- dant, à des concentrations en CO supé- régime d’alimentation du réacteur (rapport
tion pour spécifiquement nommer cette rieures, la production de méthane a été CO/FW) seraient les principales limites
transformation biochimique du syngaz en retardée et relativement diminuée. du procédé. Il est nécessaire de tester le
méthane, et ainsi la différencier du terme régime de co-digestion avec le mélange
de biométhanisation, synonyme de diges- Ensuite, la co-digestion du monoxyde de complet (p. ex. CO 40 %, H2 40 %, CO2 20 %),
tion anaérobie de matière organique. carbone avec les déchets alimentaires a et d’évaluer jusqu’à quelle valeur du rap-
été étudiée dans des réacteurs complè- port CO/FW (en dessous du rapport actuel
Dans ce projet, le potentiel de biométhana- tement mélangés (CSTR) à l’échelle du de 0,18 mol CO/g SV) l’efficacité de dégra-
tion de gaz de synthèse (ou syngaz) recons- laboratoire. Un réacteur de 2 L a été utilisé dation des déchets organiques ne serait pas
titué (CO 40 %, H2 40 %, CO2 20 %) a été en conditions mésophiles et en mode semi- entravée de manière significative (limite de
étudié en mode de co-digestion avec des continu avec un temps de rétention hydrau- la technologie). En dessous de ce seuil, on
déchets alimentaires ou diverses sources lique (TRH) moyen de 28 jours, un taux de peut s’attendre à un rendement en méthane
de carbone (cellulose, glucose, acétate, charge organique (OLR) de 1 g de SV par haussé d’environ 20 % par l’ajout de syngaz.
propionate, H2/CO2) individuellement. De litre de réacteur (Lrxr) et par jour, puis en
la nourriture pour chiens commerciale mode continu, avec un TRH de 21 jours et Les procédés thermiques sont plus coûteux
56 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
d’opération, de maintenance et
de surveillance. Par contre, dès
l’instant où l’on adopterait l’op-
tion de traiter thermiquement le
digestat pour en extraire l’éner-
gie résiduelle (figure 1), il ne
serait plus impératif de maximi-
ser l’efficacité de dégradation
des solides et le rendement en
biogaz de la DA, qu’on réalise
habituellement en recourant
à une étape de prétraitement
chimique ou thermique avant
le digesteur. En éliminant ainsi
Figure 1. Concept de couplage de la digestion anaérobie (DA) et de la gazéification (B) comparé à la digestion l’investissement dans une étape
anaérobie conventionnelle avec prétraitement (A). de prétraitement, on peut espé-
rer compenser (en partie ou en
que le compostage en raison de la demande séchage, et de la complexité du procédé totalité) le surcoût associé au séchage et à
d’énergie élevée, notamment pour le entraînant plus de frais d’investissement, la gazéification du digestat. n

Références bibliographiques
Gallei E, Schwab E. 1999. Development of Potential of wastewater-treating anaerobic SR. 2014. Specific inhibitors for identifying
technical catalysts. Catalysis Today 51 granules for biomethanation of synthesis gas. pathways for methane production from carbon
(3-4) : 535-546. DOI : 10.1016/S0920- Environ. Sci. Technol. 45 (5) : 2006–2012. monoxide by a non-adapted anaerobic mixed
5861(99)00039-5. DOI : 10.1021/es102728m. culture. Can. J. Microbiol. 60 (6) : 407-415.
Guiot SR, Cimpoia R, Carayon G. 2011. Sancho-Navarro S, Cimpoia R, Bruant G, Guiot DOI : 10.1139/cjm-2013-0843.

Hall 5 - Allée E
Lyon - Eurexpo • 2-5 décembre
Stand n°178

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

La gestion
du digestat en France :
possibilités techniques
et juridiques Ingremeau Claire
Club Biogaz ATEE

L
e digestat est la partie résiduelle de plus finement la fertilisation. Enfin, étant ces éléments se retrouvent plus ou moins
la matière organique après diges- donné la législation actuelle, le traitement concentrés et sous différentes formes
tion. Il est destiné à retourner au peut être appliqué afin d’obtenir un produit (liquide, solide, gazeux).
sol, pour lui apporter ainsi qu’aux plantes commercialisable sur le marché. Les données collectées par l’Association
les éléments qui le composent. Plusieurs traitements applicables aux des Agriculteurs Méthaniseurs de France
Cependant, il peut y revenir sous des digestats sont aujourd’hui connus et (AAMF) auprès de ses adhérents nous
formes physiques et chimiques variées, documentés. Le digestat brut peut être donnent un aperçu des traitements utili-
selon les traitements appliqués, et sous dif- épandu tel quel, être séché ou subir une sés sur 17 installations de méthanisation
férents statuts juridiques. séparation de phase par presse à vis ou agricole françaises mises en route avant
Nous nous proposons ici d’aborder le centrifugation. Les deux phases obtenues janvier 2012. Deux tiers des 110 000 m3
retour au sol des digestats en France. peuvent également être transformées. de digestats concernés sont directement
Quelles sont les traitements appliqués et Les traitements les plus poussés abou- épandus et un tiers subit une séparation de
pourquoi ? Comment les lois nationales et tissent à séparer les éléments fertilisants phase. Ensuite, 89 % du volume des diges-
européennes encadrent leurs utilisations ? majeurs que sont l’azote, le phosphore et tats ayant subi une séparation de phase sont
le potassium et obtenir différents lots où directement épandus. Les traitements plus
La gestion du digestat en France
Après digestion, la matière restante est
principalement composée d’eau, d’élé-
ments minéraux issus de la dégradation de
la matière organique et de matières orga-
niques non biodégradables (lignine, hémi-
cellulose…) ou encore non dégradées.
Sa teneur importante en eau (environ
80/90 %), exige de grandes capacités de
stockage et de transport. La présence de
minéraux directement assimilables par les
plantes et de matière organique lui confère la
double propriété d’engrais et d’amendement.
Les traitements du digestat peuvent donc
faciliter sa gestion, par élimination d’élé-
ments comme l’eau, et par séparation ou
concentration des autres selon leurs quali-
tés agronomiques. Ces traitements permet-
tront de faciliter le stockage, l’épandage
ou le transport du digestat, et de piloter Figure 1 : Traitements du digestat. Source : Club Biogaz.

58 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


programme ­prévisionnel d’épandage, le
registre où sont enregistrés les épandages
réellement effectués et le bilan annuel
agronomique. Dans le cadre de l’épandage,
le digestat ne pourra être utilisé que sur les
parcelles inscrites au plan d’épandage de
l’installation, dans les conditions décrites
dans celui-ci et conformément à la légis-
lation régissant l’épandage. Le digestat
est alors un déchet, son producteur en
est responsable jusqu’au retour au sol. Ce
cadre rigide est contraignant pour les ins-
tallations puisque l’utilisation sur de nou-
velles parcelles du digestat nécessitera
modification du plan d’épandage, qui est
une procédure relativement lourde et
longue.
L’homologation est une seconde possibi-
lité. Il s’agit d’obtenir une autorisation de
mise sur le marché pour un digestat uni-
Figure 2 : traitements du digestat sur 17 sites agricoles. Source : Trame/AAMF. quement, de la part du Ministère de l’agri-
culture. Pour cela, un dossier doit être
poussés sont l’évapo-concentration de la déposé auprès de l’Agence Nationale de
phase liquide, le séchage suivi ou non de la Encadrement réglementaire Sécurité Sanitaire (Anses) où est démon-
granulation de la fraction solide et son com- du retour au sol tré l’intérêt agronomique, l’innocuité de la
postage. Le retour au sol du digestat est motivé par matière fertilisante, ainsi que son homogé-
Si l’on s’intéresse aux sites identifiés par sa valeur nutritive. Comme toute matière néité et son invariance de composition. Le
l’Ademe au stade projets, la moitié des ins- fertilisante, il est donc encadré par la loi, Ministère de l’agriculture, qui a reçu l’avis
tallations à la ferme prévoit de traiter le et notamment l’article L255-2 du Code de l’Anses, décide d’accorder ou non l’ho-
digestat. Pour un peu plus des deux tiers Rural. Cet article présente les différentes mologation à la matière qui pourra être
d’entre elles, il s’agira d’une séparation de voies d’utilisation pour ces matières : plan mise sur le marché pendant 10 années
phase, et pour les autres du séchage du d’épandage, homologation, norme… (renouvelables). Le digestat homologué
digestat brut. Pour leur part, toutes les uni- La plus utilisée pour les digestats et le plan obtient le statut de produit, la responsabi-
tés centralisées prévoient un traitement, d’épandage. Ce plan fait partie du dossier lité du producteur incombe alors au pro-
la séparation de phase en grande majo- Installation Classée pour la Protection de ducteur et les obligations de traçabilité
rité. Cette séparation pouvant être suivie l’Environnement (ICPE), il est donc rédigé s’en trouvent allégées. Le coût du montage
d’une évapo-concentration, d’une osmose en amont de la mise en service de l’instal- du dossier est évalué à 25-35 k€, auxquels
inverse ou d’un compostage. lation. Il comprend la carte des parcelles il faut ajouter la taxe de dépôt à l’Anses, de
Les onze sites d’ordures ménagères en concernées et l’identité des prêteurs de 6 k€. Le traitement du dossier par l’Anses
fonctionnement fin 2013 compostent leur terres. Ensuite, l’exploitant devra four- nécessitera au minimum 6 mois.
digestat. nir chaque année les documents suivants : Le programme Valdipro, dont l’objectif
Ademe

Ademe

Figure 3 : Traitement du digestat par les unités agricoles. Figure 4 : Traitement du digestat par les unités centralisées identifiées.

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de matières organiques, et/ou une teneur
supérieure à 3 % de l’un des éléments fer-
tilisants majeurs ou à 7 % de l’ensemble).
Ces travaux qui demandent une mobilisa-
tion importante des acteurs de la filière et
le partage de données prennent du temps.
Le temps nécessaire aux échanges et à la
rédaction d’un dossier pour la normalisa-
tion (similaire à celui de l’homologation) va
fortement dépendre des connaissances ini-
tiales sur la matière et du consensus entre
les acteurs de la fertilisation. On évalue
à 2,5 à 5 ans la durée minimale d’élabora-
tion d’une norme en prenant en compte les
différentes étapes d’enquêtes et de rédac-
Club Biogaz

tion. L’ultime étape d’une norme française


concernant les matières fertilisantes et les
Figure 5 : Devenirs du digestat. supports de culture étant son intégration
dans les textes, par lesquels elle est rendue
est de faciliter la mise sur le marché des l’intégration des digestats dans des normes d’application obligatoire.
­digestats, s’est particulièrement penché actuelles ou à créer. Une enquête menée La réglementation européenne encadre
sur l’homologation. La campagne d’analyse en 2013 a permis de collecter une quaran- également la mise sur le marché de cer-
réalisée ainsi que l’accompagnement de taine d’analyses de digestats brut et post taines matières fertilisantes au sein de
dépôts de dossier a abouti sur la rédaction séparation de phase ou traitements plus la Communauté. Actuellement, le règle-
de guides sur la mise en marché et de syn- poussés. La majorité des retours sont trop ment 2003/2003 régit la commercialisation
thèses sur les caractéristiques des diges- peu concentrés en matières organiques d’engrais minéraux. Les engrais minéraux
tats qui aideront les futurs pétitionnaires. et éléments fertilisants pour être considé- concernés sont maintenant uniquement
Quatre dossiers ont été déposés en 2013 et rés comme engrais ou amendements. Des encadrés par la législation européenne et
trois (provenant du même site) ont obte- sous-groupes se sont mis en place pour sont donc sortis des normes françaises.
nus leur homologation début 2014. Ces 3 travailler sur les digestats solides issus de Des travaux sont en cours concernant la
dossiers concernaient : la fraction solide séparation de phase, les digestats issus création d’un règlement plus général englo-
de la séparation de phase du digestat, Geo- de séchage (avec ou sans séparation de bant également les engrais organiques et
NorgP ; le retentât d›ultrafiltration de la phase préalable) et ceux chaulés. L’ob- les amendements. Ils pourraient aboutir au
fraction liquide du digestat : Retexia-NK ; jectif de ces sous-groupes étant de mieux plus tôt en 2017. Pour les digestats, la Com-
et le concentrât d’osmose inverse du filtrat connaître ces digestats afin de les rappro- mission bénéficie des travaux réalisés par
d’ultrafiltration : Fertixia-NKS. cher des normes actuelles si les caracté- un groupe de travail sur les composts et
Depuis mars 2013, il est également possible ristiques éléments fertilisants et matière digestats et le Joint Research Center dans
de déposer un dossier pour plusieurs diges- organique sont atteignables (plus de 20 % le cadre de « End of Waste ». Ceux-ci ont
tats provenant de différents sites s’ils sont
produits dans des conditions et ont des
caractéristiques finales identiques.
Enfin, le produit peut être mis sur le mar-
ché conformément à une norme. Pour cela,
il doit correspondre (par son mode de
production et ses caractéristiques) à une
norme existante. En France, seul le diges-
tat composté est présent dans des normes :
la norme amendement organique (NFU 44
Club Biogaz à partir d’un graphique CRAB

051) et celle pour les composts contenant


des Matières d’Intérêt Agronomique issues
du Traitement des Eaux (NFU 44 095).
Cependant, des travaux sont en cours
au sein du bureau de normalisation des
matières fertilisantes et supports de culture,
le BN Ferti. Un groupe de travail s’est mis
en place sur les digestats. Son objectif est Figure 6 : Résultats de l’enquête BN Ferti.

60 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


Figure 7 : Outils proposés par l’observatoire.

débouché sur un document présentant le celui de produit implique de se conformer ordures ménagères, ce qui leur permet
périmètre des matières concernées et leurs à la réglementation Reach. Le digestat n’est d’être mis sur le marché sous une norme
spécifications. Le périmètre exclut la frac- pour l’instant pas clairement exonéré. française. Les premières homologations de
tion fermentescible des ordures ménagères En conclusion, on parlera plutôt des diges- digestat ont vu le jour en 2014. Leur retour
collectées en mélange, les boues de sta- tats que du digestat, étant donné la diversité d’expérience devrait bénéficier aux dos-
tions d’épuration urbaines et d’industries des matières obtenues selon les intrants, siers déposés à leur suite. Le digestat est
papetières. les technologies de digestion et surtout les un point clef des projets à ne pas sous-esti-
Les échéances des travaux nationaux et post-traitements appliqués. Les choix sont mer. Il fait d’ailleurs l’objet d’un volet entier
européens sont donc relativement conco- orientés par la volonté de l’utilisateur final du plan Energie Méthanisation Autonomie
mitantes. Cependant, il n’est pas inutile de et/ou du producteur concernant le lieu, les Azote cosigné en 2013 par les Ministères de
travailler au niveau national car il est indis- modes d’application, et les besoins agro- l’agriculture et de l’environnement. Sa valo-
pensable de bien connaître les particula- nomiques auxquels ils répondent. Dans risation dépendra de la logique de chaque
rités des digestats et de la digestion fran- la pratique, la majorité des digestats sont porteur de projet et de son contexte d’im-
çaise afin de pouvoir défendre ensuite une épandus dans le cadre d’un plan d’épan- plantation. La filière suit de près les évolu-
position qui leur soit adaptée auprès de dage brut ou après séparation de phase. tions attendues pour faciliter sa mise sur le
l’Europe. Certains sont compostés, notamment les marché, ce qui devrait faciliter le dévelop-
Attention, le passage du statut de déchet à digestats de la fraction fermentescible des pement de très nombreux projets. n

Retrouvez l’ensemble des livres blancs, études, outils de l’observatoire et l’activité du Club Biogaz et de la filière sur son site internet : www.biogaz.atee.fr

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Les grands chantiers


du Club Biogaz
en 2014
Ingremeau Claire
Club Biogaz ATEE

2
014 est l’année de la loi sur la tran- 50 propositions issues de l’expérience de ser d’un outil permettant d’évaluer l’impact
sition énergétique, aboutissement terrain de ses adhérents et partenaires de modifications de différents paramètres
des débats ayant eu lieu l’année y sont présentées. Elles concernent les structurants tels que par exemple les tarifs
précédente. Le Club Biogaz, interprofes- orientations stratégiques, les évolutions d’achat, les subventions, la fiscalité, la maî-
sion de la filière biogaz française, a apporté du dispositif tarifaire et du cadre juridique trise des investissements et des coûts d’ex-
sa contribution aux pouvoirs publics dans ainsi que la mise en place d’un plan de ploitation.
deux livres blancs, produits de l’exper- développement du biométhane carburant Un groupe de travail, ouvert à tous les adhé-
tise de ses adhérents sur les besoins de (bioGNV). rents du Club Biogaz, a été constitué afin de
la filière. Ces propositions s’appuient éga- Ce Livre Blanc souligne les spécificités de mobiliser l’expertise collective. Ce groupe
lement sur deux études publiées en 2014 : la production de biogaz : technique de valo- de travail, qui s’est réuni à six reprises, était
l’une concernant la rentabilité des instal- risation des matières organiques, source constitué d’agriculteurs, constructeurs,
lations et l’autre l’emploi dans la filière. de fertilisants « non fossiles » et éner- exploitants, pouvoirs publics, financeurs,
Autres chantiers importants pour le Club gie renouvelable multiforme. Ce docu- bureaux d’étude, développeurs.
qui fête ses 15 ans cette année, la finalisa- ment décrit aussi les nombreux atouts La première étape a permis de construire
tion de l’observatoire du biogaz et la mise qui confèrent à cette filière des perspec- un outil de calcul et de définir des « cas-
en place de travaux sur la structuration de tives majeures de développement dans le types » fictifs, représentatifs des situations
filière. cadre de la transition énergétique. Enfin, il rencontrées sur le terrain. Une douzaine de
détaille les propositions de la filière. Elles « cas types » ont été créés, en s’inspirant
Livre blanc pour le biogaz : ont vocation à enrichir les travaux engagés de plusieurs cas réels. Ils se distinguent
50 propositions pour la filière dans le cadre de la modernisation du droit par leur taille, le portage (agricole, indus-
Le Club Biogaz a souhaité contribuer à la de l’environnement et de la simplification triel), les types d’intrants traités (diffé-
transition énergétique par un Livre Blanc. de l’action publique. Elles sont simples à rentes matières, avec/sans redevance).
mettre en œuvre, peu exigeantes en argent Pour ces cas-types, l’étude compare les
public et garantissent une protection équi- montants d’investissements par kWe ins-
valente pour l’environnement et les per- tallé et les charges annuelles ainsi que deux
sonnes. indicateurs de rentabilité calculés avec les
Retrouvez l’ensemble des propositions tarifs actuels hors subventions : le taux de
détaillées dans le Livre Blanc, sur notre rentabilité interne (TRI) et le taux de cou-
site internet. verture de la dette (DSCR). Enfin, l’étude
analyse les coûts de production des diffé-
Étude rentabilité rents cas-types et les compare à la rému-
Une étude a été commandée après appel nération perçue dans le cadre du contrat
d’offres par le Club Biogaz au groupement d’obligation d’achat.
SOLAGRO – EREP – AILE afin de déve- Les principaux résultats sont les suivants.
lopper un outil d’expertise économique de Le poste « fourniture de matières » est le
la filière méthanisation. L’objectif est de seul poste de charge qui ne diminue pas
construire une vision partagée des condi- avec la taille de l’installation. Il explique les
tions de rentabilité des projets, et de dispo- différences importantes de charges entre
62 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
projets selon les dis-
tances parcourues pour
des matières accompa-
gnées ou non d’une rede-
vance. De plus, le coût
de production n’est pas
fonction de la taille de
l’installation. Les effets
d’échelle permettent de
réduire les charges d’in-
vestissement des postes
« production de biogaz »
(méthaniseur et équipe-
ments de traitement des
matières en amont et
en aval du digesteur) et
« conversion en énergie »
(cogénérateur et équipe-
ments de valorisation du
biogaz). Cependant, ces
effets d’échelle sont, pour
les petits collectifs agri- Figure 1 : propositions tarifaires du Club Biogaz pour l’électricité obtenue à partir du biogaz, issue de l’étude sur la rentabi-
coles et les projets ter- lité.
ritoriaux très agricoles,
annulés par le poids du poste « fourni- Livre blanc bioGNV atouts environnementaux et économiques :
ture de matières ». De plus, les besoins de Le bioGNV ou biométhane-carburant est ressource renouvelable, peu d’émission
subvention sont confirmés pour la majo- issu du biogaz produit par la méthanisa- d’oxydes d’azote, pas de fumées noires,
rité des projets et les conditions tarifaires tion de déchets organiques. Le bioGNV très peu de polluants de type CO, NOx,
actuelles n’assurent pas leur rentabilité. est le cousin renouvelable du GNV (Gaz comparé aux véhicules roulant au diesel
Enfin, l’optimisation possible des coûts, Naturel Véhicule) ou méthane-carburant, ou à l’essence, meilleur bilan des carbu-
sans dégrader la qualité des équipements qui est, lui, produit à partir de gaz natu- rants pour ce qui concerne les émissions de
et des services, ne suffira pas à résorber rel. Tous deux constituent une alternative gaz à effet de serre (GES), et création d’em-
ces problèmes. aux hydrocarbures de type essence ou die- plois non délocalisables. Pourtant, la filière
Ces résultats débouchent sur des propo- sel : 18 millions de véhicules dans le monde se heurte à des obstacles qui entravent son
sitions tarifaires de la part du Club Bio- roulent déjà au biométhane/méthane (envi- décollage : absence de véhicules légers, de
gaz. À coûts en CSPE équivalents, les tarifs ron 1,7 % du parc mondial de véhicules, série, de marque française roulant au bio-
de base proposés sont plus importants avec une tendance de 18 % de croissance GNV/GNV et, principalement, la faiblesse
pour les plus petites puissances puis quasi- annuelle). du maillage en stations de ravitaillement.
stables au-delà de 300 kWe. De plus, la Le développement du bioGNV, carburant En outre, la filière a besoin d’un leadership
prime effluent d’élevage serait augmen- renouvelable, est étroitement lié à celui de de la part des pouvoirs publics pour que se
tée et pourrait être obtenue quelle que soit la filière GNV, le gaz naturel constituant un déclenche une dynamique entre les entités
la taille de l’exploitation. Ceci pour per- carburant fossile de transition avant que le du système industriel français. À partir de
mettre un développement mieux partagé biométhane ne prenne une part importante ce constat, le Club Biogaz ATEE présente
entre les méthanisations individuelles, col- dans les réseaux de transport et distribu- ses recommandations pour créer les condi-
lectives et territoriales. Comme dans le tion de gaz naturel. En France, la filière tions d’un décollage de la filière bioGNV
tarif injection, d’autres matières agricoles bioGNV/GNV connaît une progression sen- d’abord dans les flottes captives (bus, véhi-
(menues pailles, cultures intermédiaires sible depuis 2011 mais, malgré tout, elle ne cules d’entreprises, taxis…) puis pour les
etc.) seraient intégrées dans la prime, pour représente que 0,04 % du parc national de véhicules des particuliers.
une plus grande autonomie en intrant des véhicules. Les usages se sont surtout déve- Ces recommandations, détaillées dans le
sites. loppés du côté des métropoles urbaines, présent Livre Blanc, s’articulent autour de
L’étude montre que les externalités posi- pour les transports collectifs ou les bennes 5 axes :
tives de la filière (production d’électricité à ordures, et du côté de la grande distribu- 1. Afficher une stratégie de long terme
et de gaz, emplois, tonnes de CO2 évitées) tion, pour les flottes de véhicules de ser- 2. Inciter les collectivités et les transpor-
compensent d’elles-mêmes les dépenses vices. teurs à utiliser le bioGNV/GNV
liées à la rémunération des producteurs Le bioGNV, produit sur le territoire national 3. Envoyer un signal clair aux construc-
de biogaz. à partir de déchets, présente de nombreux teurs français de véhicules
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4. Organiser l’approvisionnement en bio- nal pour les Énergies Renouvelables. de travail restreint, nommé « GT Struc-
méthane avec garantie d’origine turation », a été créé afin de proposer
5. Généraliser l’accès à tous; Structuration de la filière des initiatives en lien avec la structura-
Le marché français du biogaz est mar- tion de la filière. Plusieurs réunions ont
Étude emploi 2014 qué par une forte importation d’équipe- eu lieu, p­ ortant notamment sur la mise
L’emploi étant un argument fort en faveur de ments (75 % des équipements – Source : en place d’une solution française « clé
nouvelles filières industrielles, le Club Bio- AEB MethaFrance, Biogaz Europe 2014) en main » et sur les synergies à trouver
gaz a souhaité évaluer le nombre d’emplois et un recours important aux construc- entre équipementiers.
que représente ce secteur en France. teurs étrangers, notamment allemands.
Les résultats de l’enquête menée auprès de Depuis fin 2013, le Club Biogaz a engagé Observatoire du biogaz
370 sites et acteurs de la filière ont permis une réflexion avec ses adhérents autour L’objectif de l’observatoire du biogaz
d’identifier plus de 1 700 emplois en 2013, de la structuration de la filière biogaz. est de centraliser dans un même lieu
dont un tiers lié aux installations biogaz et Il s’agit tout d’abord de disposer d’une un certain nombre d’informations
deux-tiers aux activités connexes. Il s’agit vision plus claire des acteurs et de l’offre actuellement dispersées, notamment
essentiellement d’emplois qualifiés non délo- française sur les équipements. À par- concernant la statistique, les docu-
calisables, 90 % de l’ensemble des travail- tir de cet état des lieux, des synergies ments, les programmes de recherche,
leurs ont une formation post-bac. Dans les doivent être trouvées entre acteurs afin les formations et les aides dispo-
structures hors sites, 70 % ont une f­ ormation de développer des innovations techno- nibles.
supérieure de plus de 4 ans. Les emplois ont logiques ou de mettre en place des uni- Il est alimenté par la veille régulière
fortement augmenté depuis 2010 avec la tés de production industrielle sur le ter- du Club sur ces sujets et la collabora-
mise en service de nouveaux sites. ritoire. tion des structures concernées (orga-
Afin d’estimer le nombre d’emplois qui La constitution d’une matrice de compé- nismes de recherche, de formations,
seront créés à l’horizon 2020 si les objec- tences, recensant tous les acteurs de la délégations régionales de l’Ademe,
tifs de l’état français sont atteints, des ratios filière, a constitué une première étape. collectivités etc.).
« nombre d’emplois/production d’énergie » Cet outil permet de rechercher les entre- L’ensemble de ces informations sont
ont été construits d’après dires d’experts. prises ayant une activité similaire, four- en ligne sur le site internet du Club
Ces ratios ont ensuite été appliqués aux nissant le même type d’équipements ou Biogaz dans la partie Observatoire
objectifs de production d’énergie à partir de localisées sur une même région. du biogaz et Base documentaire et
biogaz présents dans le Plan d’Action Natio- Dans un deuxième temps, un groupe seront mises à jour régulièrement. n

64 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Cogénération biogaz :
Un moteur bien exploité
pour optimiser
la production d’énergie
Joly Xavier
Gaseo

Choisir la technologie Pendant l’étude d’un projet de méthanisation, il faut se souvenir de l’impor-
Le choix technologique de l’installation tance de l’installation de cogénération pour produire électricité et chaleur.
de cogénération doit valider non seule- Parce que 80 % des recettes d’un projet de méthanisation peuvent provenir
ment les avantages techniques et leurs per- de la cogénération. La bonne conception technique et financière du projet
formances de rendements et de disponi- détermine la qualité future d’une exploitation efficace et rentable. Tour
bilités, mais ce choix doit d’abord préfé- d’horizon des points à exiger avant de se lancer…
rer une exploitation aisée, à coûts raison-
nables dans la durée et sur des bases de
technologies bien éprouvées. Il sera égale- Un point important, quelle que soit la tech- particulière au dimensionnement des équi-
ment important d’échanger sur la technolo- nologie retenue, est de connaître l’organi- pements sont des priorités absolues.
gie retenue avec les partenaires financiers, sation du service après-vente, afin d’antici-
toujours attentifs aux « petits détails ». per la réactivité en cas d’arrêt de l’installa- Valider la qualité du biogaz
Sur le marché de la cogénération biogaz, tion. Attention, la réalité ne correspond pas Le biogaz de station d’épuration et de
on trouvera principalement la technolo- toujours au contrat présenté ! méthaniseurs de l’agro-alimentaire béné-
gie moteur. On recueillera également l’avis de son assu- ficie d’une richesse en méthane élevée,
Dérivés des moteurs diesel et moteurs à reur afin de bien identifier les périmètres autour de 55 à 65 %. Le biogaz de station
gaz, les moteurs biogaz sont utilisés sur les assurés et les interfaces : sur un projet d’épuration sera chargé en siloxanes,
biogaz depuis plusieurs décennies, notam- d’une durée de 15 ans, on n’est jamais à dus par exemple à la présence de cosmé-
ment en Allemagne. Ils couvrent toutes les l’abri du « gros pépin ». Un courtier sera tiques dans les eaux usées. La présence de
gammes de puissance jusqu’à plusieurs dans ce cas d’une aide précieuse. siloxanes et leur nature abrasive peuvent
mégawatts. avoir des conséquences lourdes sur les
Leur maintenance nécessite une grande Bien dimensionner l’installation coûts d’exploitation d’une installation de
attention avec la tenue d’un plan de main- Dans un projet de méthanisation, la cogénération : casse de soupapes et de
tenance suivant les recommandations du construction de la cogénération se fait en culasses, dommages sur les cylindrées,
constructeur. même temps que celle des digesteurs. De dégradation de la qualité de l’huile de lubri-
Cette technologie possède un long retour fait, même avec des simulations de produc- fication. D’un projet à l’autre, de l’hydro-
d’expérience. La nécessité d’un traitement tion biogaz très fiables, le dimensionne- gène sulfuré (H2S) se présente également
en amont du biogaz n’est pas systéma- ment de la cogénération n’a pas de référen- en quantités variables, provoquant l’aci-
tique, à étudier selon chaque cas. À dose tiel réel sur les quantités futures en biogaz, dification de l’huile de lubrification, une
mesurée, les moteurs pourront absorber De plus, la production du biogaz se trou- détérioration des rejets à l’atmosphère, des
les siloxanes contenus dans certains bio- vera en « quasi » flux tendu durant toute dommages sur le système de récupération
gaz (station d’épuration). Les rendements la durée du projet. L’observation de la sen- thermique et sur de nombreux organes du
électriques sont de l’ordre de 37 % à 42 % sibilité économique du business plan à la moteur. Si les siloxanes et l’hydrogène sul-
de rendement brut. production d’énergie et une attention toute furé peuvent difficilement être évités à la
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source, il est possible de les éliminer par nance préconisés sans attendre la panne… mique en temps masqué, lors des périodes
charbon actif, mais aussi par voie biolo- ou la casse. de maintenance de l’installation de cogé-
gique pour l’H2S. Les charbons actifs sont C’est une expertise toute particulière que nération. Attention alors à ne pas sous-
très efficaces sur le biogaz : ils ne génèrent celle d’exploitant de moteur biogaz. estimer les temps de refroidissement des
pas de sous-produits dérivés, mais ils sont Il ne faut pas confondre exploitation et équipements de récupération thermique de
onéreux et leurs prix sont directement liés maintenance. La maintenance est définie l’installation. La plus grande attention sera
à la volatilité des prix des énergies fossiles. par le plan d’entretiens et d’interventions portée lors de la mise en service de la pro-
indiqué par le fournisseur du moteur. Ce duction thermique. Le soutien d’un thermi-
Optimiser les revenus plan de maintenance défini avec exactitude cien en cogénération est fortement recom-
Qualité et quantité des intrants et bon fonc- les actions préventives à mener pour un mandé.
tionnement du digesteur vont déterminer bon fonctionnement du matériel. Le non- Si la chaleur est valorisée chez un tiers,
la performance économique d’un projet de respect de ce plan relève de la responsa- alors les interfaces contractuelles, phy-
méthanisation. En aval, les revenus pro- bilité du porteur de projet. Repousser les siques ainsi que les responsabilités en cas
venant de la cogénération seront influen- actions de maintenance pour économiser de non-approvisionnement devront être
cés par le système tarifaire : le tarif d’achat quelques coûts est une idée à bannir sans clairement définies.
de l’électricité établi dans l’arrêté ministé- hésiter car cela pourrait mener à de graves Un système de télésurveillance et de télé-
riel du 19 mai 2011 varie à la baisse avec dommages que les assureurs ne prendront gestion préviendra les dérives des para-
l’augmentation de la puissance installée (et pas en charge. À la maintenance du moteur mètres techniques et permettra une surveil-
non de la puissance produite). Si, de plus, s’ajoutera aussi l’entretien de tous les péri- lance à distance de l’installation 24h/24h
la production de biogaz est en dessous phériques, trop souvent oubliés dans les (SMS, email) dans le cadre d’un système
des prévisions, le projet subira une double business plans (armoires électriques, cap- d’astreinte indispensable.
peine : tarif bas et production électrique teurs fumées, contrôle des rejets, petits Enfin, la qualité et les compétences du per-
plus faible. Le dimensionnement de l’ins- moteurs électriques, connectiques, etc.), sonnel d’exploitation feront toute la diffé-
tallation a donc une influence importante auquel on ajoutera la conduite de l’instal- rence.
sur les revenus. lation par des visites très régulières, des
Le tarif d’achat du 19 mai 2011 permet relevés systématiques de paramètres, des Incertitudes des équipements
­également d’obtenir une prime à l’efficacité contrôles de bon fonctionnement des équi- de mesures
énergétique d’un niveau attractif, puisque pements, la surveillance de dérives des Les revenus provenant de la production
cette prime peut atteindre 4,22 centimes/ paramètres techniques de l’installation, par d’énergie par cogénération d’un projet de
kWh (tarif actualisé). Mais les conditions exemple par analyse de la qualité de l’huile méthanisation peuvent être impactés par
d’obtention sont difficiles à atteindre, car de lubrification en laboratoire. un fonctionnement défectueux de la chaîne
il faut pouvoir valoriser la totalité de la de mesure nécessaire à la facturation du
­chaleur produite durant toute l’année… Récupérer la chaleur coefficient d’efficacité énergétique V défini
hors utilisation de la chaleur dans le diges- Si le projet intègre une prime à l’efficacité dans l’arrêté ministériel du 19 mai 2011.
teur ! Néanmoins, cette prime est réelle- énergétique, il faudra être attentif aux équi- Pour rappel, les comptages sont effectués
ment incitative. Compter sur les revenus libres thermiques : débit, régime de tempé- sur l’électricité, la chaleur et sur le pou-
liés à la valorisation de la chaleur nécessite ratures et puissance thermique délivrée. voir calorifique inférieur (PCI) du biogaz
d’être particulièrement attentif dans l’éta- On essaiera, dans la mesure du possible, entrant.
blissement d’un business plan long terme. d’effectuer l’entretien des échangeurs ther-

Maîtriser l’exploitation
C’est un point décisif pour un projet de
cogénération à partir de biogaz. L’outil est
complexe et nécessite une culture tech-
nique multidisciplinaire. Avec des temps
de fonctionnement compris entre 7 500
à 8 000 heures annuelles durant 15 ans, il
est impératif de se focaliser sur les temps
d’arrêts programmés et d’éviter les temps
d’arrêts non-programmés. La maîtrise du
Photo GASEO – CAMELEON

niveau de polluant dans le biogaz aura un


impact important sur les coûts d’exploita-
tion. Une attention particulière sera portée
sur les actions préventives, les délais d’in-
terventions, la préparation de ces interven-
tions, le respect des intervalles de mainte- Installation de production d’énergie à partir de biogaz sur le site de Cuves (50) - GASEO.

66 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


C ompteur de chaleur : Attention au positionnement du compteur pour éviter la condensation et l’oxydation éventuelle du
matériel. La carte du calculateur du débitmètre sera déportée. Un réétalonnage sur site par le construc-
teur devra être possible. Il est recommandé de prendre un appareil le plus précis possible. Une incerti-
tude inférieure à 2% est une bonne valeur à retenir.

Analyseur biogaz en continu : Les valeurs suivies en continu sont le CH4, l’O2, le CO2 et l’H2S. Il est recommandé de prévoir une carte
de rechange (notamment la carte H2S). Une bonne ventilation de l’analyseur doit être assurée et une
bouteille-étalon in situ permettra une vérification mensuelle, d’ailleurs recommandée par EDF pour le
contrôle de la prime à l’efficacité énergétique. Une incertitude de 1% est une bonne valeur.

Débitmètre biogaz : Le débitmètre sera systématiquement calorifugé, évitant ainsi les dérives de mesures importantes en
cas de différence de température entre l’air ambiant et la température du gaz. Il faut également prévoir
un retour à l’usine constructeur pour le réétalonnage. Une incertitude de 1% est une bonne valeur. Le
débitmètre sera couplé à l’analyseur afin d’assurer le calcul du PCI du biogaz à tout moment.

Compteur électrique : Le compteur sera loué auprès d’ERDF, qui prend la responsabilité de l’entretien.

Calcul des incertitudes : de cogénération biogaz démontrera d’ex- des rendements globaux pouvant dépasser
Incertitude sur la prime à l’efficacité éner- cellentes performances énergétiques, avec 70 %, cela en vaut la peine.
gétique

dQ = Incertitude sur le PCI biogaz


dE = Incertitude sur le comptage électrique
dEC = Incertitude sur le comptage chaleur
Avec une incertitude totale de la chaîne de
mesure de 2,5 %, le projet sera bien équipé.

Le biogaz a le vent en poupe, mais l’exploi-


tation d’une cogénération à partir d’une
station d’épuration ou d’un méthaniseur

Photo GASEO – CAMELEON


agro-alimentaire ne s’improvise pas. Le
principe, simple sur le papier, oblige à s’im-
prégner dès la conception de toutes les dif-
ficultés d’un tel projet pour en assurer de
bonnes performances d’exploitation sur la
durée. Examiné de cette façon, un projet Moteur de cogénération biogaz en container GASEO.

LE BIOGAZ DE DECHARGE : UN EXEMPLE A SUIVRE


Quel que soit le mode de cogénération retenu, il n’existe qu’une
expérience limitée en France sur l’exploitation de projets de métha-
nisation. D’où l’intérêt d’aller observer d’autres biogaz fonctionnant
dans des conditions similaires, voire plus complexes, tel que le bio-
Photo GASEO – CAMELEON

gaz issu des centres d’enfouissement des déchets. Du fait du tarif de


rachat de l’électricité et en sus des problématiques d’incertitudes de
qualité et de quantité d’approvisionnement, ces exploitations n’ont
pas d’autres choix que de s’imposer des temps de fonctionnement de
8000 heures par an pour rester dans un cadre économique favorable
Moteurs de cogénération installés sur le site d’enfouissement au vu de l’arrêté ministériel tarifaire du 19 mai 2011.
de déchets de Chézy (03).

www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 67


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Développement
d’un service outillé
permettant le suivi
des performances
des unités
de méthanisation Kerihuel Anthony, Guianvarch David,
lheriau Germain
Biogas View

L
Le développement de la méthanisation est en plein essor dans l’hexagone e projet d’innovation présenté ci-
notamment la méthanisation agricole après le lancement du plan EMAA après vise donc à répondre aux
en mars 2013. Cependant, les technologies en provenance d’Allemagne, besoins latents exprimés par les
pour la plupart importées depuis l’émergence de la filière en 2006, ne acteurs du marché de la méthanisation.
répondent pas à toutes les exigences et spécificités du marché français. Ces attentes ont été identifiées dans le
En effet, à l’inverse de certains pays qui ont développé la méthanisation cadre d’une étude de 2 ans réalisée pour
à partir de la culture du maïs, le marché Français de la méthanisation est le compte de l’Ademe, dont l’objectif était
prioritairement orienté à des fins de traitement des déchets organiques : la réalisation d’un audit de performance
fumier, lisier, effluent agro-industriel, etc. par un suivi technique, biologique et éco-
Le constat qui en découle est le suivant : les procédés commercialisés en nomique de 11 installations de méthani-
France sont, à ce jour, dépourvus d’outils de monitoring en mesure d’opti- sation.
miser et sécuriser le fonctionnement des unités, qui s’avèrent, de fait, bien Cette étude a mis en exergue l’intérêt de
plus complexes à piloter que celles basées sur des rations majoritairement développer un « service outillé » visant à
composées de maïs. optimiser et de sécuriser la conduite des
Fort de ce besoin latent, la société Biogas View a conçu un service outillé, unités de méthanisation ainsi que de faci-
associant les nouvelles technologies de l’information, permettant de suivre liter les échanges et interactions entre les
en temps réel tous les paramètres de fonctionnement et les indicateurs partenaires associés au projet.
de performances qu’ils soient biologiques, techniques, énergétiques et
financiers. Déroulement du programme
A l’issue d’une période d’observation de 6 mois de cette solution sur un d’innovation
site en fonctionnement, un bilan sur les avantages induits a été établi : Après avoir réalisé une maquette, sous
– Réduction de temps consacré par l’exploitant au suivi d’exploitation et Excel, reflétant de manière simplifiée les
suivi administratif : acquisition et traitement automatisé des données ; fonctionnalités de l’outil visé, nous avons
élaboration de rapport et de bilan automatique répondant aux obligations pu rédiger un cahier des charges tech-
déclaratives ; niques de la nomenclature des données
– Réduction des risques liés aux accidents biologiques brutes à relever, des solutions d’acquisi-
–  Optimisation des performances de l’installation grâce à un pilotage tions à mettre en œuvre, de la base de don-
proactif; nées d’archivage et de centralisation des
68 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
données, et des fonctionnalités de la plate- dement et ainsi sécuriser le projet (TMS, – Adaptation d’un module d’acquisition
forme d’exploitation ad hoc. BMP, …). Pendant la période d’exploita- automatisé permettant le relevé des don-
À l’issue de la phase de conception de ces tion de l’unité, les analyses (réalisées sur nées brutes et leur transfert vers la base de
outils, l’étape suivante a consisté en la le digesteur, sur le biogaz et sur les diges- données dédiée, sans intervention de l’ex-
mise en œuvre d’un prototype au sein d’un tats) permettent de suivre son fonction- ploitant.
méthaniseur en exploitation afin de valider nement et donc d’adapter l’exploitation Ces deux solutions ont été conçues pour
la pertinence des choix techniques retenus. pour éviter les accidents biologiques, assu- répondre à l’ensemble des configurations
L’installation agricole de M. Alain Guil- rer une production maximale de biogaz et possibles et travailler si besoin de concert
laume, située à Plelo (35) et mise en route un digestat de qualité. Les analyses por- pour la récupération des données d’exploi-
début 2009, a donc été choisie. L’unité a été tant sur le digestat permettent d’adapter la tations brutes nécessaires au suivi. Elles
construite par AEB Méthafrance en parte- quantité de digestat à apporter aux plantes sont synchronisées à une seule et même
nariat avec Biogaz Hochreiter. Cette instal- afin d’être au plus près de leurs besoins. base de données, élément central de l’ou-
lation présente une technique particulière Les unités de méthanisation sont suivies à til de suivi.
dite « tank-in-tank » à savoir deux cuves l’aide de plusieurs paramètres.
de digestion concentriques. Semi-enterré, On distingue 3 types de paramètres : Base de données (stockage
le post-digesteur, encerclé par le digesteur, • Les paramètres imposés au système de et contrôle)
est surmonté d’un gazomètre et est ali- fermentation : la charge organique, la tem- La base de données constitue le cœur du
menté par surverse. Le biogaz est valorisé pérature, le temps de séjour (résultante de système. Elle a été conçue pour intégrer
par trois cogénérateurs dont un fonctionne la charge organique et du volume utile du et centraliser les données spécifiques aux
en dual fuel. réacteur) unités de méthanisation. Ce système crée
À l’instar de la plupart des installations • Les paramètres de fonctionnement : ainsi un guichet unique pour l’accès aux
de méthanisation agricole, nous avons reflètent l’état de fonctionnement du données recueillies par le module d’ac-
constaté que l’unité de GAZEA disposait milieu de fermentation. Ils sont mesurés quisition, par l’outil de saisie ou ajouter
d’une automatisation et d’une instrumen- tout au long de l’expérimentation. par nos soins (caractérisation laboratoire
tation sommaire ne répondant, en l’état, • Les paramètres de performance : reflètent des intrants par exemple). Il est déporté
que très partiellement aux exigences d’un le niveau de production du scénario simulé. et hébergé dans un datacenter administré
suivi d’exploitation efficace et performant. Ils sont calculés à partir des valeurs de par un prestataire spécialisé garantissant
Lequel impose le suivi de paramètres de suivi, les comparaisons de performances se le plus haut niveau de sauvegarde des don-
fonctionnement et d’indicateurs de perfor- font à partir de la moyenne hebdomadaire. nées et de confidentialité.
mances biologiques, techniques et énergé- Au vu de l’ensemble des paramètres à
tiques. Or, l’instrumentation initialement suivre, on se rend compte de la complexité Application de saisie
prévue sur une unité de méthanisation lors pour un exploitant agricole de mettre en Pour la majorité des installations de métha-
de sa construction relève principalement place un suivi d’exploitation exhaustif et nisation, l’acquisition des paramètres
d’une réponse aux besoins du constructeur proactif. nécessaires à la réalisation du suivi n’est
en matière de contrôle-commande ; et non pas intégralement automatisable. Comme
à ceux d’un suivi complet d’exploitation. À Description de la solution décrit précédemment, certaines variables
titre d’exemple, des sondes transmettent la technique développée relèvent de l’estimation de l’exploitant
température des digesteurs à un automate (intrants et volume de digestat traité par
qui agit en conséquence sur une vanne ou Acquisition des données exemple) ou sont accessibles par lecture
une pompe pour maintenir cette tempéra- La réalisation d’un suivi efficace et réac- directe sur une instrumentation dépour-
ture à une consigne donnée. tif d’une installation de méthanisation vue de sortie (régulateur de température
Il est à noter que la vocation de cette solu- passe nécessairement par la récupération basique). Il est donc primordial de propo-
tion n’est pas de se substituer aux fonc- et la centralisation des données d’exploi- ser un outil complémentaire de récupéra-
tions de contrôle-commande de l’auto- tation brutes, relatives à chaque site. Cette tion guidée pour ces données essentielles.
mate mais s’inscrit au contraire dans une récupération peut-être automatique ou Cet outil devait conjuguer fiabilité et ergo-
logique de complémentarité afin de pallier manuelle en fonction des équipements de nomie.
ses insuffisances en termes de suivi com- mesure disponibles sur site. Il est donc Dans ce but, en s’appuyant sur les nou-
plet d’exploitation. important de proposer la mise en œuvre velles technologies d’information et de
de deux solutions complémentaires pour mobilité, nous mettons à disposition de
Description des paramètres répondre à ces besoins : chaque exploitant un support mobile de
nécessaires pour réaliser – Mise à disposition d’un support mobile type tablette tactile sur lequel est embar-
un suivi d’exploitation type tablette tactile embarquant une appli- quée une application dédiée permettant
Des analyses sur les matières entrantes cation dédiée permettant la saisie des don- la saisie des variables nécessaires et leur
doivent être réalisées en amont du pro- nées brutes par l’exploitant et leur trans- transmission à la base de données.
jet pour valider les hypothèses de com- fert automatique vers la base de données Le caractère mobile de cet outil offre
position, de dimensionnement et de ren- dédiée. la possibilité à l’exploitant d’agir sur le
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f­ormulaire depuis n’importe quel empla-
cement de son site en évitant par la même
occasion la multiplication des supports et
la perte d’information à la recopie.

Plateforme d’exploitation :
La plateforme de supervision et d’exploita-
tion des données a été conçue pour offrir
une solution ouverte et universelle capable
de prendre en charge l’hétérogénéité des
infrastructures de production d’énergie
sans frein lié à la technologie, à la typologie
des infrastructures, aux interfaces, ou aux
langages de communication utilisés par
les équipementiers. Cet objectif a imposé Synoptique de l’architecture de l’outil Methassur®
la conception d’une structure logicielle
purement orientée objet particulièrement
flexible et évolutive.

Résultats fonctionnels :
– Visualisation des données d’exploitation
et indicateurs de performances
• Graphiques et tableaux de bords dyna-
miques
• Construction d’indicateurs personnalisés
– Détection aisée des éventuelles dérives
biologiques ou énergétiques
• Alertes mails personnalisées
– Optimisation de la productivité
• Rapports d’exploitation périodiques auto-
matiques
• Rapports répondant aux obligations
déclaratives : DREAL ; DDPP (outil de tra-
çabilité favorisant l’agrément sanitaire
et l’élaboration du plan de fertilisation) ;
ADEME ; ANSES etc.
– Gestion du plan de maintenance
• Rappel configurable pour la maintenance
préventive
– Communication et transmission vers les
parties prenantes du projet
• Plateforme collaborative : accès multi-
utilisateurs
– Réalisation des bilans
• Détermination des indicateurs pertinents
• Mise en relation avec une équipe d’ex-
perts pour répondre aux besoins
– Archivage des données
• Hébergement des données sur un ser-
veur sécurisé
• Analyses comparatives avec des périodes
antérieures

Conclusion
À l’issue de six mois d’utilisation de la solu-
tion Methassur sur le site de Gazea, les
70 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
outre, la centralisation et l’archivage numé-
risé des analyses des matières entrantes et
sortantes instaure de fait une traçabilité
réglementaire à même de favoriser les agré-
ments sanitaires ainsi que les procédures
d’homologation du digestat. Lesquelles
constitueront à l’avenir une démarche stra-
tégique pour les exploitants aux fins de
diversifier leurs sources de revenus. n

valeurs ajoutées suivantes (cf. schéma ci-


contre) ont pu être identifiées.
Ainsi, cette innovation s’inscrit dans une
démarche d’outil « d’aide à la décision »
en offrant un cadre et un référentiel com-
mun dédié à l’évaluation de la performance
et ce, quelles que soient les technologies
employées.
En effet, la plateforme d’exploitation dis-
pose d’indicateurs calculés, standardisés
et universels, présentés, en autres, sous
la forme de tableaux de bord, permettant
ainsi d’évaluer en temps réel le degré de
performance des unités et d’en déduire les
gisements d’amélioration potentiels. En

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Le développement
du biogaz agricole
et industriel allemand
et son cadre politique -
L’avenir est
dans la production
flexible d’électricité
Köttner Michael, Huba Elisabeth
GERBIO German Biogas and Bioenergy Society

La présentation met en lumière la situation du secteur de production de biogaz en Allemagne en regard du soutien
des politiques de l’énergie, des technologies protectrices pour le climat et l’économie de marché de l’exploitation
des installations de production de biogaz. A partir de la situation actuelle, elle résume l’évolution de ce secteur
depuis la loi allemande sur l’alimentation électrique et la loi sur les énergies renouvelables qui sont entrées en
vigueur en 1991 et 2000, et présente plusieurs technologies qui offrent des rendements accrus de production de
biogaz et ainsi des avantages financiers pour les exploitants d’installations de production de biogaz. Le ministère
allemand de l’environnement a annoncé dans un nouvel amendement en 2008 (EEG), que les objectifs pour
2020 avaient augmenté de 30 % par rapport aux précédents de 27 % (amendement de 2004). L’EEG oblige les
gestionnaires de réseau à donner la priorité aux usines de production d’électricité à partir de sources d’énergies
renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biomasse et énergie géothermique) en les reliant à leur réseau ainsi
qu’en achetant l’électricité produite. Bien que des progrès remarquables aient été accomplis, le potentiel de
marché n’est toujours pas satisfait. Les principales conclusions sont les suivantes: (1) de nos jours plus de 7800
centrales de production de biogaz fonctionnent et atteignent une puissance installée d’environ 3500 MW. (2) Les
cultures énergétiques sont largement acceptées comme matières premières en raison de la situation particulière
de l’agriculture en l’Allemagne qui est fortement intégrée dans le marché de l’agriculture européen ; donc la pro-
duction de cultures alimentaires est réglementée par le marché et les règles de politique (3) La co-fermentation et
la fermentation sèche comme option technologique, fournissent aux agriculteurs qui sont exploitants d’installation
des rendements plus élevés de gaz et des avantages économiques. (4) Le gouvernement allemand est conscient
du potentiel économique et écologique et facilite les investissements dans les énergies renouvelables. Mais le
débat de la nourriture versus le carburant ainsi que la perception négative du public vis-à-vis de la technologie du
biogaz est l’un des nombreux obstacles à lever dans un avenir proche.

Mots clés : biogaz, Allemagne, cadre politique pour la production de biogaz, Co-fermentation, Fermentation sèche,
économie des énergies renouvelables
72 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
G
ERBIO, la Société Allemande du ouest du pays, où dans plusieurs régions d’œuvre et en soutenant la continuité des
Biogaz et de la Bioénergie, est relativement petites dans lesquelles plus processus biologiques impliqués ; (5) un
une association non gouverne- de 40 digesteur de petite et grosse capacité environnement favorable et des incitations
mentale allemande, créée en 2001, avec sont en fonctionnement. économiques grâce à un cadre politique
l’objectif de promouvoir la production consolidé qui supporte les futures techno-
durable et l’utilisation de l’énergie faite à Vue d’ensemble logies écologiques adaptées.
partir de biomasse. Son succès de pion- Depuis que la loi sur les énergies renouve- Plus de 1 500 entreprises travaillent actuel-
niers du biogaz dès les années soixante- lables a été lancée en 2000, le développe- lement dans le secteur ; environ 7 800 ins-
dix, a permis la mise en place d’une tech- ment du biogaz en Allemagne a connu une tallations de biogaz fonctionnent. Les tech-
nologie en auto construction en kits, de augmentation constante, non seulement nologies promouvant le biométhane (135
taille appropriée à l’échelle d’une ferme. en nombre d’installations installées, mais projets) et le biogaz comme carburant de
Ses domaines d’activités sont donc la tech- aussi dans la reconnaissance du public en transport (plus de 100 stations de remplis-
nologie du biogaz, les huiles végétales à tant que haute technologie tournée vers sage de biogaz avec 100 % de biométhane et
usage énergétique, la production de gaz l’avenir (tableau 1). plus de 288 stations-service au gaz naturel
de bois et son utilisation, le traitement du Les raisons de l’accélération du dévelop- avec une part de 10 à 50 % de biométhane)
fumier, du lisier et du digestat ainsi que la pement du marché du biogaz pourraient sont mises en œuvre aussi, également des
gestion des eaux usées décentralisée géné- être désignées comme (1) des normes éle- technologies de pointe pour l’utilisation
ratrice de bioénergie. Les activités de GER- vées en matière de développement tech- efficace de l’énergie thermique et le trai-
BIO relatives à la technologie du biogaz se nique mises en œuvre et respectées par les tement des digestats pour une application
sont concentrées sur le transfert du savoir- techniciens et les fabricants qualifiés ; (2) comme engrais.
faire lors des ateliers internationaux, des Des types de technologie de digesteurs et Au cours des 15 dernières années, un nou-
visites d’études et des activités de forma- d’usine différents mais normalisés - tous veau secteur industriel du biogaz a émergé
tion, des services de conseil, des contacts bien testés et réellement mis à l’épreuve, avec des bureaux d’études spécialisés,
avec des experts en matière de planifica- encadrés par des autorités de certifica- des constructeurs d’installations ainsi que
tion, de conception et de construction, des tion (TUEV) - résultant ainsi en une saine des fournisseurs de services et de mainte-
contacts avec des entreprises spécialisées, concurrence entre les différents ingénieurs nance. Certaines de ces entreprises sont
et un réseau national et international de dif- et les entreprises ; (3) la consolidation de la devenues relativement grosses, souvent
férents pays et régions. technologie de fermentation sèche comme en mesure de lever des fonds importants
Le nombre d’usines de production de bio- étant la technologie appropriée pour les en ouvrant leur capital. L’industrie des
gaz en Allemagne a augmenté de façon mesures d’économie d’eau ; (4) l’automa- énergies renouvelables s’est engagée dans
significative depuis 2006, il y a des concen- tisation du contrôle du système et de l’ex- des investissements transfrontaliers, tant
trations dans le sud et dans la partie nord- ploitation en réduisant les coûts de main- à l’intérieur qu’au-delà de l’Europe, ce qui

Tableau 1 : Evolution de la filière biogas en Allemagne


2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Nombre d’installations 2600 3500 3710 3900 4984 5905 7175 7515 7772

Capacité électrique installée (MWel) 650 1100 1270 1370 1893 2291 2984 3200 3356

Electricité (TWh/a) 2.8 >5 7.4 10.3 12.0 14.8 19.09 22.84 24.38

Contribution à la production globale d’électricité 0.5% >1% 1.4% 1.6% 2.0% 2.46% 3.17% 3.85% 4.10%

Génération de revenus pour les fabricants


0.5 1 0.65 0.6 1.2 - - - -
(Milliards €)

Génération de revenus pour les exploitants


360 650 750 800 1200 - - - -
(Millions €)
Chiffre d’affaires en Allemagne
- - - - 4.40 - 8.3 7.3 6.9
(Milliards €)

Participation dans le secteur export 8% 12% >15% 10% 10% 10% 10% 44%

Emplois 5,000 10,000 10,000 8,500 16,000 39,100 60,000 45,000 40,000

Réduction de CO2 (Millions t/a) 2.5 5.0 6.4 8.5 9.6 11.4 14.1 16.9 18.0

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a permis aux entreprises allemandes de Il y a en outre une tendance pour l’ave- pendance ­vis-à-vis de l’importation et donc
bénéficier des tendances internationales nir de la technologie du biogaz de décou- un approvisionnement en carburant et de
en matière de déploiement des énergies vrir les avantages du « biométhane », qui l’énergie « moins cher ». Les aspects envi-
alternatives, y compris le biogaz. est comme du gaz naturel, mais produit ronnementaux peuvent alors être pris en
Le potentiel total en Allemagne est estimé localement, avec une alimentation garan- compte à un second niveau, mais ils sont
à 24 milliards de m³ de biogaz pour la pro- tie, et toujours économique. Les deux, le également compris par le public comme
duction de 50 millions de MWh d’électri- consommateur potentiel et les décideurs des raisons importantes pour l’investisse-
cité et 72 millions de MWh de chaleur. politiques sont à la recherche de l’indé- ment.
Actuellement, le biogaz contribue à envi-
Tableau 2 : caractéristiques des différentes sources d’énergie.
ron 14,5 millions de MWh de production
d’électricité, correspondant à 2,5 % de sa Source: Institut pour l’Energie et l’Environnement, Leipzig, 2007:
consommation d’énergie réelle. Kosten und Ökobilanzen von Biokraftstoffen
Process Energy YIeld Average
Matières premières rape to bio-diesel 45 GJ/ha 55 GJ/ha 50 GJ/ha 38 %
pour la production de biogaz Starch to ethanol 50 GJ/ha 53 GJ/ha 52 GJ/ha 39 %
en Allemagne lignocellulose to ethanol 35 GJ/ha 65 GJ/ha 50 GJ/ha 38 %
Il est évident que - depuis 2005 – les cultures lignicellulose to biogas 105 GJ/ha 160 GJ/ha 133 GJ/ha 100 %
énergétiques jouent de loin, le rôle le plus
important dans l’histoire du succès du bio-
gaz en Allemagne (figure 1). Mais la figure
ci-dessous montre aussi très clairement
que la production de biogaz en Allemagne
repose sur une grande variété de matières
premières. Comme l’ensilage de maïs et
de plantes sont les matières premières en
cultures énergétiques prédominantes pour
ces installations, ils sont maintenant culti-
vés sur environ 850 000 hectares (2011) de
terres agricoles.
Pourquoi les cultures énergétiques ? Il
existe différents moyens efficaces de pro-
duire de l’énergie à partir de biomasse
(tableau  2) :
Figure 1 : répartition des intrants dans les digesteurs en Allemagne.
Production de Biogaz en Europe
(2012)
Décharge, agriculture et eaux usées sont
les sources les plus courantes de biogaz,
non seulement en Allemagne mais aussi
dans d’autres pays européens :
Selon le Fachverband Biogas, la plus
ancienne et la plus grande association
en Allemagne d’agriculteurs producteurs
de biogaz et de constructeurs d’installa-
tions – fondée en 1992 par à peu près le
même groupe de professionnels et d’agri-
culteurs qui a mis en place plus tard
GERBIO – le marché des moyennes et
grandes usines de production de biogaz
(Source : EUROBSERVER 2012

avec une capacité de production d’élec-


tricité n’a pas encore atteint sa satu-
ration. Le graphique (figure 2) suivant
montre le nombre d’installations de bio-
gaz et la puissance installée en Europe
et l’évolution constatée en Allemagne
(figure 3). Figure 2 : Nombre d’installations de biogaz et puissance installée en Europe.

74 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


Depuis janvier 2012, de nouveaux règle-
ments « feed-in-law » pour le biogaz se sont
mis en place ; ils fournissent plus d’incita-
tions pour les installations de biogaz agri-
coles et pour le traitement des déchets.
Aujourd’hui, 135 projets d’injection de bio-
méthane dans le réseau de gaz naturel ont
été approuvés à ce jour et sont déjà en
exploitation ou en cours de mise en œuvre.
L’objectif gouvernemental définit qu’avant
2030, il y ait au moins 10 % de biogaz dans
le réseau de gaz naturel.

La loi sur les énergies


renouvelables et les incitations
en faveur de l’utilisation
du biogaz
Figure 3 : Evolution du nombre d’installation de biogaz en Allemagne. La loi sur les énergies renouvelables EEG
a toujours été le facteur le plus important
pour le développement du biogaz jusqu’à
présent. Depuis 2012, pour la première
fois, l’industrie du biogaz a dû soutenir des
réductions modérées des tarifs d’achat et a
dû remplir certaines conditions à l’utilisa-
tion des cultures énergétiques, comme par
exemples 60 % maximum d’ensilage vert de
récolte de maïs et 60 % minimum d’obliga-
tion d’utilisation en chaleur.
Mais l’accent a aussi été mis sur l’utilisa-
tion de lisiers/fumiers dans les installations
de méthanisation de petite échelle jusqu’à
75 kW et une nouvelle compensation des
biodéchets triés à la source en provenance
des ménages a été mise en place. La consé-
Figure 4: Les amendements 2014 en Allemagne. quence a été une baisse significative dans
la construction de nouvelles installations
En parlant du potentiel, il faut consi- La majeure partie du potentiel se situe dans en 2012 et 2013, puisque la hausse avec
dérer que 10 milliards de m3 de biomé- la demande de cultures énergétiques, et en près de 1 300 nouvelles usines a été la plus
thane pourraient être produits sur 10 % particulier dans ces cultures qui sont culti- élevée en 2011. Ceci est exactement l’ob-
des terres agricoles avec un rendement vées seulement pour la production de bio- jectif du gouvernement français d’ici 2020
énergétique de 62 000 kWh/ha. L’option gaz. Là encore, il est important de préciser dans sa totalité.
d’améliorer ce rendement jusqu’à 100 que le système de production agricole de
000 kWh/ha est à portée de main. Pour l’Allemagne n’est qu’une partie du puzzle Augmentation du nombre
l’Allemagne, les comparaisons suivantes de l’agriculture européenne : les agricul- d’installations de méthanisation
sont intéressantes : 16 milliards de m 3 teurs doivent suivre les règles strictes de liée à des changements
de biométhane correspondant (1) à 50 % production, du marché international et de dans les lois
des importations de gaz en provenance la planification des prix. et les réglementations
de Russie ; (2) jusqu’à 17 % de l’électri- Dès 2014, une baisse encore plus impor-
cité consommée ; (3) jusqu’à 20 % de Perspectives tante du nombre de nouvelles installations
la consommation de gaz naturel ; (4) La loi sur les énergies renouvelables modi- de méthanisation doit être attendue du
jusqu’à 35 % du carburant de transport fiée se concentre sur l’efficacité thermique, fait que le gouvernement de grande coa-
consommé. Aujourd’hui déjà, le total du l’écologie et la réduction des émissions ; lition, en particulier le Parti social-démo-
biogaz produit correspondrait à 20 % du bien que l’Allemagne a déjà atteint une crate, a complètement réduit les primes
gaz naturel consommé en Allemagne, si réduction notable des émissions, mais aux cultures énergétiques pour les instal-
tout le biogaz brut avait été mis à niveau les objectifs à long terme ne peuvent lations de biogaz agricoles (figures 4 et 5).
à la qualité du gaz naturel. être atteints avec les efforts actuels. Même les cultures dérobées de vieilles
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herbes et les nouvelles plantes dévelop-
pées à grande valeur écologique ne peuvent
être utilisées du fait que les incitations
sont si faibles que cela ne sera plus viable.
Seules les installations de méthanisation de
petite échelle avec du fumier et des déchets

Source : adapté selon Fachverband Biogas e.V., 2014


végétaux ­atteindront un niveau vaguement
­acceptable de soutien. Toutefois, la nou-
velle emphase, qui est aussi le plus grand
atout de la production d’énergie de bio-
gaz, est tournée vers ​la production souple
d’électricité à la demande en conjonc-
tion avec les énergies solaire et éolienne.
Seule une production souple d’électricité,
avec une énergie relativement coûteuse
provenant du biogaz peut atteindre tout Figure 5 : Nombre de construction de digesteur par an suite aux décisions administratives.
son potentiel à l’avenir.

Exemples de différentes
installations de biogaz
avec une unité de cogénération
Pour rendre la production de biogaz viable
économiquement, l’utilisation efficace de
la chaleur produite est cruciale (figure 6).
Ce n’est pas souvent le cas, ou parfois
difficile à atteindre. Mais avec la chute
des tarifs de rachat, tous les avantages
économiques de la production de biogaz
doivent être pris en compte. Les principaux
revenus directs proviennent des ventes
de l’électricité, de la chaleur, des engrais
et des redevances pour les déchets. Les
revenus indirects sont générés à partir des Figure 6 : schéma d’une installation de biogaz avec exploitation de la chaleur issue du cogénérateur.
engrais, des substitutions à la litière pour
les animaux ainsi qu’à partir de sa propre de 100 % de celle d’énergie thermique. La économie circulaire, en utilisant autant de
production d’électricité et de chaleur. co-fermentation de boues d’épuration, de produits biologiques que possible pour la
Les exemples suivants provenant de trois fumier et de biodéchets est un processus production d’énergie renouvelable et de
installations de méthanisation illustrent les qui a été mis en place en Allemagne pour recyclage dans les champs (engrais), il faut
différents concepts et les différentes tech- traiter les boues d’épuration ou le fumier s’assurer que ce recyclage ne contamine
nologies qui conduisent dans tous les cas à avec des biodéchets comme co-substrats pas le sol, l’eau, la nourriture avec des pro-
des avantages économiques et écologiques dans des digesteurs de stations d’épura- duits secondaires provenant du transpor-
à la fois pour les propriétaires et pour l’en- tion, de fermes ou d’installations spécia- teur de la production d’énergie. À cet égard,
vironnement. lisées de traitement de biogaz à partir de les agriculteurs et les opérateurs d’installa-
déchets centralisés. tions de méthanisation (intéressés par des
Amélioration du rendement Une installation de biogaz centralisée, rendements élevés de gaz) pourraient faci-
de biogaz avec des co-substrats via la production de chaleur et d’électri- lement s’opposer aux autorités de santé et
et de la co-fermentation cité, pourrait (1) fournir l’assainissement d’environnement. La question centrale est
Le traitement anaérobie du fumier et des et l’homogénéisation de tous les déchets de soit donner la priorité à la génération de
boues d’épuration sont les procédés préfé- organiques, (2) produire un produit nutri- l’énergie durable ou à celle de la protection
rés pour la stabilisation des boues et pour tionnel défini pour servir comme engrais des eaux souterraines et du sol. Par consé-
le traitement du fumier tableau 4). Les dans les champs, (3) réduire la pollution de quent, les lois et les réglementations natio-
digesteurs des boues de step sont instal- l’air et (4) est une source d’énergie renou- nales et européennes sont mises en place
lés dans des unités de traitement des eaux velable neutre vis-à-vis du CO2. pour contrôler les produits finaux quant à
usées (stations d’épuration), ils peuvent Cependant, il y a un conflit derrière la co-fer- leurs résidus et à leur contenu en agents
répondre à environ 30 – 50 % de leur propre mentation : alors que la co-fermentation est pathogènes (réglementation européenne
demande d’énergie électrique et à près un outil important dans la promotion d’une des engrais et de la gestion des déchets).
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Tableau 3 : caractéristiques d’unités de production de biogaz
Installation de méthanisation Installation de méthanisation Gebeke Installation de fermentation sèche
Thomas Karle - Kupferzell (Biomassehof Langenau)
Informations générales Données de production Données de production
- En fonctionnement depuis 2001 Volume de biogaz : 7300 m³/j Utilisation d’électricité pour le fonctionnement :
- Ajout d’une nouvelle installation en 2004 Teneur en CH4 : 53 % aprox.2%
- Turbine à gaz et système de séchage des boues (2007)   Production d’électricité : 4.050 MWh/a (7 500
- Superficie agricole : env. 100 ha heures de fonctionnement/a)
Coûts d’investissement : 1,9 Millions d’euros
Substrats Substrats Substrats
- Lisier (bovins) Ensilage vert : 27 t/j Déchets végétaux : 4 000 t/a
- Ensilage de maïs- Ensilage d’avoine Ensilage de maïs : 4,7 t/j Ensilage de maïs : 8 000 t/a
- Récolte et déchets de production (teneur en MS ~ 15 %) Fumier de bovins : 2 m³/j Ensilage vert et grains : 2 000 t/a
Terres agricoles : 75 ha + 7 ha (maïs) Terres cultivées : 150-200 ha de cultures
énergétiques
Description technique Description technique Description technique
- Digesteur : 1 x 600 m³ Volume du digesteur : 2 x 1000 m³ Digesteur garage : 7 x 500 m³
- Digesteur (nouvelle installation) : 1 x 1 600 m³ Post-digesteur : 1000 m³ Réservoir percolation : 320 m³
- Réservoir de stockage (couvert avec deux membranes) : Temp. de fonctionnement : 48 ° C Récipient de gaz (2 heures pleines de cogénéra-
2 000 m³ Stockage des boues : 3600 m³ tion) : 600 m³
- Système d’alimentation pour le substrat : 45 m³ Capacité électrique installée : 500 kWel. Stockage des boues : 3 600 m³
- Cogénération : moteur à gaz de type MDE 320 kWel Cogénération : moteur à gaz de type CES – MAN Cogénération : (3) MAN 180 kWel. c/u
- Turbines Microgas (2) : 130 kWel Capacité électrique : 500 kW
- Excédent de production de chaleur : « electrical pig » en Utilisation de l’excédent de chaleur : Séchage du
utilisant le système de serre pour le séchage électrique des bois, chauffage urbain (prévu)
boues

Économie une installation de biogaz si la quantité En plus, elles contiennent des détergents
L’exploitant d’une installation de co-fer- est inférieure à 8 m3/j ; (2) une personne (biodégradables), shampoings, etc. ; (5)
mentation de biogaz augmente ses r­ evenus (en Allemagne) produit chaque jour de une ­personne pourrait générer environ
de deux manières : (1) juste en prenant des 80 à 120 L d’eau usée ; (3) ces eaux usées 0,9 kWhél/jour ; (6) 150 €/an représente les
substrats qu’il doit ou veut éliminer ; (2) contiennent des excréments et des déchets économies de frais de traitement des eaux
en augmentant la production de gaz. Les organiques de la cuisine et les repas ; (4) usées dans le système tarifaire actuel et les
matières de co-fermentation sont géné-
ralement toutes les matières qui sont fer-
Tableau 4 : Exemples de rendements de biogaz à partir
mentées en plus du substrat de base. Cela de différentes matières premières
peut être des résidus agricoles, mais aussi Substrat Rendement de biogaz

des résidus biodégradables provenant de Graisse concentrée, ensilage de poisson, etc. 200 – 1000 m3/t
l’extérieur du monde agricole (figure 7). Eau des déchets de poisson, boues et graisses de flottation, déchets
d’abattoirs, déchets de produits laitiers, déchets organiques des ménages, 50 – 200 m3/t
Il est censé d’ajouter des matériaux de co- etc.
fermentation afin de maintenir les cycles
Déchets de fruits et de légumes, eaux usées industrielles, boues d’épuration 10 – 70 m3/t
naturels fermés, d’augmenter les rende-
ments de production de biogaz, et obte-
nir un revenu de traitement et d’élimina-
tion des déchets. Il existe 3 principales
fractions de co-substrats : (1) les déchets
industriels, (2) les résidus agricoles, (3) les
déchets municipaux biodégradables.

Coûts d’investissement
d’une installation de biogaz
Le coût d’investissement dépend de la
capacité de l’installation (figure 8).
Des bilans énergétiques de la décentrali-
sation du traitement des eaux usées des
ménages en tant que co-substrat, il résulte
les principales conclusions suivantes : (1)
la réglementation allemande définit : les
eaux usées contenant des excréments Figure 7 : Exemple de variation des rations quotidiennes de purée de biodéchets, de déchets de
humains pourraient être traitées dans séparateur de graisse et de boues traitées dans une codigestion.

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économies de frais de raccordement au
réseau d’égout.
Les avantages et inconvénients de la co-­
fermentation peuvent être résumés ainsi :
(1) les co-substrats augmentent la teneur
en matière organique des substrats et ont
donc pour effet d’augmenter les rende-
ments de biogaz ; (2) la co-fermentation
n’est rentable que si les co-substrats sont
situés à une « distance économique » ;
(3) la teneur en matière sèche doit être
de 2 à 12 % pour garantir la fonctionna-
lité des pompes à boues standardisés
disponibles et un bon mélange ; (4) les
co-substrats présentent un risque plus
élevé au niveau hygiène et ont parfois
besoin de prétraitements spécifiques ; Figure 8 : évolution du coût d’investissement d’unités exploitant le biogaz par cogénération.
(5) les co-substrats comme la graisse des
résidus contiennent des nutriments riches la diminution des réserves de phosphate Pour plus d’informations :
en azote ; (6) la co-fermentation présente minéral - la technologie permet de produire www.fnbb.org, www.gerbio.org,
une contribution active à la lutte contre le des engrais à partir des matières premières info@gerbio.org, www.biogas-zen-
changement climatique et - compte tenu de secondaires. trum.de n

78 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Cas d’application
de l’outil
Métatranscriptomique
pour l’optimisation
des procédés industriels
de méthanisation Lacroix Sébastien, Marandat Grégory,
Arnaud Thierry, Bouchez Théodore,
Lepeuple Anne-Sophie
Veolia - Irstea

L
es procédés biologiques anaérobies (Ward, 1990). Depuis un quart de siècle, l’écologie microbienne fait actuellement
appliqués au traitement de l’eau et des outils de biologie moléculaire, indépen- face à une révolution, par la convergence
des déchets s’orientent vers une dant des techniques classiques de cultures de ces nouveaux moyens. Il est désormais
logique de valorisation énergétique. Ces microbiologiques, se développent pour possible de caractériser, de manière plus
bioprocédés utilisent les capacités natu- caractériser ces populations microbiennes fine et plus complète, les communautés
relles des microorganismes à transformer complexes. Ils permettent, par exemple, complexes de microorganismes (CCM) des
la matière organique (Falkowski, 2008), de suivre les dynamiques des populations bioprocédés. La métatranscriptomique est
dans un but à la fois d’épuration mais aussi grâce à des techniques d’empreintes molé- l’analyse de l’ensemble ARN d’une com-
de production de dérivés à valeur ajoutée. culaires (ARISA, DGGE), ou de détecter munauté bactérienne complexe (Yu, 2012).
La conception et la conduite de bioréac- et quantifier certains groupes bactériens Cette technique permet d’appréhender la
teurs nécessitent une meilleure connais- grâce à la réaction de PCR. communauté microbienne d’un échantillon
sance des biomasses, pour améliorer le Depuis 2006, de nouveaux outils molé- ou d’un procédé dans son ensemble. Elle
fonctionnement des installations et orien- culaires couplés à la bioinformatique fournit une vision quasiment exhaustive
ter plus précisément les flux de matière émergent. Ils permettent d’obtenir, en de la composition de la flore microbienne,
vers des composés d’intérêt. une expérience, un niveau d’information mais surtout des activités métaboliques qui
Dans l’optique de la compréhension et de incomparablement plus élevé qu’avec les y sont réellement exprimées.
l’optimisation des procédés biologiques, méthodes habituelles. L’évolution rapide Dans cet article, nous allons décrire deux
le suivi des paramètres physico-chimiques des technologies de séquençage d’ADN cas d’application de la métatranscripto-
est essentiel mais pas suffisant, et doit (Metzker, 2005 et 2010), associée une minia- mique sur des procédés de méthanisation à
être couplé à une caractérisation micro- turisation et à une forte diminution des l’échelle pilote et industrielle :
biologique. En effet, le pouvoir épuratoire coûts, a permis une forte implantation de • Un digesteur de boue activée de type
de ces procédés repose sur les microor- ce type de matériel dans les laboratoires. UASB Psychrophile (17 °C) : avec pour
ganismes présents, qui peuvent être for- Parallèlement de nombreuses banques de objectif de mieux décrire les populations
tement impactés par les conditions opé- données de séquences nucléotidiques et microbiennes impliquées, ainsi que les
ratoires. Moins de 1 % de ces microorga- protéiques se sont constituées et rapide- voies métaboliques exprimées dans la
nismes sont cultivables à l’heure actuelle ment enrichies. Ainsi, la manière d’aborder digestion anaérobie à basse température.
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• Un digesteur de type EGSB traitant cellule, synthétisée en fonction des besoins des espèces bactériennes et des fonctions
des effluents papetiers : l’objectif est ici de la cellule. métaboliques précises.
d’estimer l’impact d’une technique de La première étape du workflow méta-
microaération (procédé Canoxis) comme transcriptomique (figure 2) correspond à Cas d’application n° 1 : Carac-
moyen de lutte contre la production de l’échantillonnage. Du fait de la durée de térisation d’un digesteur UASB
H2S, sur les populations microbiennes et vie très courte de la molécule d’ARN, cette psychrophile
les voies métaboliques exprimées. étape est très critique pour la suite des ana- Dans cet exemple, l’objectif était de carac-
lyses. Les échantillons prélevés sur les dif- tériser la flore microbienne d’un digesteur
Protocole expérimental férentes installations doivent donc être fonctionnant à basse température (17 °C)
très rapidement plongés dans de l’azote et d’estimer si cette communauté micro-
Principe général liquide (-196 °C) puis conservés à -80 °C bienne complexe était stable dans le temps.
de la métatranscriptomique jusqu’à l’extraction des acides nucléiques. Le digesteur étudié est de type UASB, trai-
La métatranscriptomique repose sur le Ainsi fixée, la molécule d’ARN conser- tant boues biologique issues d’une sta-
séquençage et l’analyse de l’ensemble des vera son intégrité et pourra donc être ana- tion d’épuration municipale. Le volume du
molécules d’ARN présentes au sein d’un lysée correctement. L’ARN est ensuite réacteur est de 2,4 m3 pour une hauteur de
échantillon. L’ARN, est une molécule cen- extrait puis converti en ADN complémen- 5 m. Le temps de séjour hydraulique appli-
trale dans la cellule. Elle assure le lien entre taire (ADNc) pour pouvoir être séquencé. qué est de 12 heures et le temps de séjour
l’ADN, qui est le support stable de l’infor- L’ADNc est ensuite fragmenté en morceaux de la biomasse est de 20 jours. La moyenne
mation génétique qui définit l’ensemble des d’environ 300 paires de bases qui sont de production de méthane du digesteur est
fonctions biologiques d’un organisme, et la finalement séquencés. Lors d’une analyse de 0,21 m3/jour. Les principales caractéris-
protéine qui est la molécule assurant l’en- secondaire, les séquences produites sont tiques des effluents entrant et sortant sont
semble des fonctions cellulaires (figure 1). triées en fonction de différents filtres de résumées dans le tableau 1.
L’ARN est donc une molécule transitoire, qualité, nettoyées puis comparées à des Le pilote a été échantillonné 2 fois à deux
avec une durée de vie très courte dans la bases de données pour être assignées à mois d’intervalle lors d’une période de
fonctionnement stable, sans dysfonction-
nements notables. Dans ce cas précis, les
analyses de séquençages ont été réalisées
sur l’ADN et sur l’ARN extrait à partir de
la biomasse. Ceci permet d’avoir une infor-
mation sur les espèces microbiennes pré-
sentes (à partir de l’ADN) mais également
sur les espèces actives (à partir de l’ARN).

Composition Communauté microbienne


de l’UASB
Figure 1 : Dogme Central de la Biologie Moléculaire. Les analyses bioinformatiques réalisées
à partir du séquençage de l’ADN ont per-
mis de mettre en évidence que la popu-
lation méthanogène au sein du diges-
teur était composée principalement de
Methanomicrobiales et de Methanosarci-
nales (figure  3A). L’analyse des données
de séquençage de l’ARN montrent que
la fraction méthanogène active est très
majoritairement composée des Metha-
nomicrobiales (figure 3B) qui sont des
microorganismes méthanogènes hydrogé-
notrophes exclusifs. Les Methanosarci-
nales, sont bien présents mais moins actifs
que les Methanomicrobiales. Ces observa-
tions permettent de formuler l’hypothèse
que dans le cas de ce digesteur anaérobie
fonctionnant à basse température, la voie
hydrogénotrophe de la méthanogénèse est
privilégiée.
Figure 2 : Workflow de l’analyse Métranscriptomique. À côté des microorganismes méthano-
80 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
A B

Figure 3 : A) Profils et classification hiérarchiques deux deux prélèvement effectués à 1 mois d’intervale sur le digesteur UASB.
B) Répartition des populations méthanogènes et estimation de leur niveau d’activité (Ratio ARN/ADN).

Figure 4 : Reconstruction de la carte métabolique de la méthanogénèse avec le positionnement les enzymes exprimées lors des prélèvements 1 (vert) et
2 (rouge).

gènes, les populations bactériennes les que la composition de la communauté bac- Sur l’ensemble des séquences obtenues
plus actives présentes dans le digesteur térienne est extrêmement stable au cours à partir de l’ARN extrait des échantillons
appartiennent majoritairement aux classes du temps. En effet, les profils de popula- de l’UASB (respectivement 3 et 5 millions
des Betaprotéobactéries et des Deltapro- tion observés pour les deux prélèvements pour les deux dates), il ressort que presque
téobactéries et au phylum des Bacteroi- effectués à deux mois d’intervalle sont très 36 % de ces séquences correspondent à des
detes et des Firmicutes. Ces taxons repré- similaires (Figure 3A). gènes impliqués dans voie de méthanogé-
sentent à eux seuls 90 % de la population nèse. Ces observations peuvent permettre
bactérienne retrouvée dans le digesteur. Activités Métaboliques exprimées de fournir des informations détaillées sur
Il est également très important de noter au sein de l’UASB les voies métaboliques, ainsi que sur les
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principales sources de carbone utilisées.
Une carte métabolique de la méthanogé-
nèse a ainsi pu être reconstruite (figure 4).
Ces résultats montrent une forte implica-
tion de la voie hydrogénotrophe dans le
processus global de la méthanogénèse. Des
marqueurs de la voie acétoclastique sont
également présents mais en moindre pro-
portion (figure 4).
Les métabolismes du soufre et de l’azote
ont également été analysés en détail mais
ils ne représentent qu’une fraction mineure
des activités métaboliques exprimées au
sein du digesteur (respectivement 0,55 % et
0,65 % des séquences identifiées).
Les activités métaboliques les plus repré- A B
sentées en dehors de la méthanogénèse

Veolia
correspondent à des activités de bases
de la cellule (Biosynthèse des protéines, Figure 5: A) Schéma du système de microaération connecté à un méthaniseur EGSB (crédit Veolia),
repliement des protéines, Réactions de B) Pilote EGSB et module de microaération sur le site industriel.
transfert d’électrons, ATP synthase,…).
Ces premières approches métatranscripto- Table 1 : Caractéristiques des effluents entrant et sortant
miques appliquées à un méthaniseur de type Paramètre mesuré Effluent entrant Effluent sortant
UASB ont permis de mieux caractériser la TSS (mg.l-1) 456 141
communauté microbienne complexe impli- DCO totale (mg.l ) -1
845 342
quée dans un processus de digestion anaé-
DCO soluble (mg.l-1) 137 65
robie à basse température et ainsi de voir
Sulfates mg.l-1) 84 36
qu’elle était très proche de celle souvent
observée dans un méthaniseur fonctionnant
en conditions mésophiles. Les analyses fonc- l’impact sur la communauté microbienne – Une série avec adjonction complémen-
tionnelles sur l’ARN ont permis de mettre de la microaération, aussi bien en termes taire d’acide sulfurique dans les effluents
en évidence que la voie hydrogénotrophe de de composition de la population que d’acti- en entrée de pilote (tableau 1 : périodes 2
la méthanogénèse était dominante dans ces vité métabolique exprimée. et 3).
conditions de fonctionnement. Description des essais – Une série sans adjonction d’H 2SO 4
Les essais ont eu lieu sur un site industriel (tableau 1 : périodes 4 à 7), en ne comptant
Cas d’application n° 2 : Digesteur où Veolia a construit et exploite un métha- que sur les concentrations originelles de sul-
de type EGSB traitant des niseur UASB traitant des effluents pape- fates dans les effluents en entrée de pilote.
effluents papetiers tiers depuis plus de dix ans. Le pilote étu- Des prélèvements ont été effectués pour
Ces analyses s’inscrivent dans le cadre dié est un EGSB de 5 m3 utiles, alimenté réaliser des analyses métatranscritomique
d’une étude d’évaluation de la technique en continu à une charge volumique de 5 kg tout au long des essais.
de microaération (procédé Canoxis) pour DCO/m3.j. Un système d’injection d’air était
diminuer la concentration en H2S dans un connecté à la boucle de recirculation du Résultats des analyses métatranscrip-
méthaniseur. pilote avec possibilité de réglage du débit tomique
L’air est injecté en faible concentration d’injection.
directement au niveau du ciel gazeux. En Un suivi analytique complet en entrée/sor- Analyse taxonomique
présence de biogaz et d’air, des bactéries tie du pilote GESB était effectué journaliè- Il ressort de ces analyses que la commu-
autochtones type Thiobacillus oxydent rement, y compris le débit de biogaz et les nauté microbienne présente au sein du
l’H2S et forment des précipités de soufre concentrations en méthane, sulfure d’hy- digesteur est restée très stable au cours de
élémentaire. Cette solution permet de dimi- drogène et oxygène. Au niveau de l’unité l’étude. Ni l’injection de H2SO4, ni la mise en
nuer à moindre coût la concentration en de microaération, le débit d’air du surpres- place de la microaération n’ont entraîné de
H2S avec des limites techniques liées à l’en- seur et le potentiel redox en sortie ont été variation significative de la composition de
crassement du ciel gazeux et de la ligne bio- mesurés. la population microbienne active (figure 6).
gaz par accumulation des précipités miné- Les différentes périodes d’essais sont résu- Les microorganismes méthanogènes sont
raux sur les parois internes des ouvrages. mées dans le tableau 1. très abondants et représentent près de 70 %
L’objectif de l’analyse métatranscripto- Deux principales séries d’essais ont été des microorganismes actifs présents dans
mique, dans ce cas-là, est donc de mesurer réalisées : le digesteur. Le genre Methanosaeta est
82 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
de l’étude. Aucune variation significative
Table 2: principales périodes et conditions des essais pilotes du niveau d’expression de ces différentes
voies métaboliques ne semble être provo-
Débit d’air H2SO4 quée par les changements de conditions
Périodes Début Fin
m3/jour addition
opératoires (injection de H2SO4 et microaé-
Contrôle #1 18-Oct-2012 5-Nov-2012 0 non ration).
Cependant, une différence notable a pu
Contrôle #2 6-Nov-2012 21-Jan-2013 0 oui
être mise en évidence. Après injection
Aération #1 22-Jan-2013 29-Jan-2013 1.37 oui de H 2SO 4, une enzyme (1.8.99.1) indui-
Contrôle #3 2-Fev-2013 25-Fev-2013 0 non sant la production d’H2S par réduction des
Aération #2 26-Fev-2013 19-Mar-2013 0.72 non
ions sulfites est exprimée fortement alors
qu’elle n’était pas détectée avant lors de la
Aération #3 22-Avr-2013 14-Mai-2013 2.04 non
phase initiale (t0). Lors de la mise en place
Aération #4 15-Mai-2013 23-Mai-2013 3.40 non de la microaération dans le système, l’ex-
pression de cette enzyme est à nouveau
inhibée (figure 7).
Il apparaît donc que la microaération induit
une inhibition de la voie de synthèse de
H2S. Cette observation, en corrélation avec
les données du suivi physico-chimique qui
montrent une diminution de la concentra-
tion en H2S dans le biogaz lors de la mise en
place de la microaération sur le digesteur.
Dans le cadre de cette étude, la méta-
transcriptomique a donc permis de
mettre en évidence l’impact d’un système
d’élimination du H2S sur l’activité méta-
bolique des microorganismes directement
Figure 6: Proportion des 20 genres actifs les plus représentés au sein du digesteur au cours de l’étude dans le digesteur. Cet outil innovant a donc
(Chronologie d’ échantillonnage : R0, S0, S1, A0, A1, E0, E1). permis, dans ce cas, d’apporter une aide à
la décision pertinente pour l’évaluation du
système testé.

Conclusion générale
L’analyse métatranscriptomique permet de
fournir une quantité d’informations sur les
communautés microbiennes complexes
sans équivalent comparée aux autres tech-
niques de biologie moléculaires. Si une
grande partie de ces informations pré-
sente surtout un intérêt pour la compré-
hension et la connaissance plus fondamen-
tales de l’écologie microbienne des procé-
dés de digestion anaérobie, cette technique
montre ici qu’elle peut déjà être utile pour
l’optimisation des installations.
Les objectifs de l’application de cet outil
sont multiples :
– à court terme, d’explorer, caractériser
Figure 7: Analyse du métabolisme du soufre avant (t0) injection de H2SO4, après injection de H2SO4 , et mieux comprendre les dynamiques des
et après mise en place de la microaération avec injection de H2SO4. communautés microbiennes complexes,
aujourd’hui partiellement connues, et iden-
l’espèce méthanogène majoritaire dans le Analyse fonctionnelle tifier des profils taxonomiques et fonction-
digesteur (figure 6). Cette information per- Les voies métaboliques de la méthanogé- nels caractéristiques, lors de régimes per-
met de dire que la voie acétoclastique est nèse, de l’azote et du soufre sont toutes turbés et productifs des bioprocédés,
privilégiée lors de la méthanogénèse. exprimées dans le digesteur tout au long – à moyen terme de faire le lien entre le
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design des procédés, les paramètres opé- la conduite et le design des procédés, hypothèses fondamentales et potentiel-
ratoires, les performances mesurées et – à long terme, de repousser les limites de lement identifier de nouveaux biocata-
la biomasse active, afin de lever les ver- fonctionnement des installations, même lyseurs environnementaux ou nouvelles
rous actuels. La métatranscriptomique dans des conditions défavorables (ex : voies métaboliques, industriellement utili-
­fournirait un outil d’aide à la décision pour faible température), générer de nouvelles sables. n

Références bibliographiques
• Falkowski, P. G. (2008). The microbial engines • Metzker, M. L. (2010). Sequencing techno- • Yu K, Z. T. (2012). Metagenomic and meta-
that drive Earth’s biogeochemical cycles. logies - the next generation. Nature Reviews transcriptomic analysis of microbial community
Science 320(5879), 1034-1039. Genetics vol. 11, 31-46. structure and gene expression of activated
• Metzker, M. L. (2005). Emerging technologies • Ward, D. M. (1990). 16S rRNA sequences sludge. PLoS One., 7(5):e38183.
in DNA sequencing. Cold Spring Harbor Labora- reveal numerous uncultured microorganisms in
tory Press, 15:1767–1776. a natural community. Nature 345(6270), 63-65.

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84 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Biogaz et biométhane
Une implication forte
de GrDF dans la filière
d’injection Le Noc David
Grdf

Plusieurs voies de production


de gaz renouvelables
à des degrés de maturité
différents
Trois voies principales de production de
gaz renouvelables sont aujourd’hui en
développement ou à l’étude :
– La méthanisation, c’est-à-dire la fermen-
tation anaérobie d’une biomasse fermen-
tescible constituée de déchets (biodéchets
des ménages, déchets de l’industrie agroali-
mentaire, effluents agricoles, boues de sta-
tion d’épuration…) ou plus prospectif de
microalgues cultivées à dessein, pour pro-
duire du biogaz utilisable directement en Figure 1 : Les voies possibles de valorisation d’énergie primaire renouvelable en gaz renouvelable.
cogénération ou, une fois amené aux spé-
cifications du gaz naturel par épuration, encore modeste en France et plus fortement – Enfin, si la voie de production d’hydro-
sous forme de biométhane injectable dans dans d’autres pays (Allemagne, Suède), elle gène et de méthanation fait aujourd’hui
les réseaux et utilisable comme carburant, connaît un développement accéléré depuis appel à des technologies matures, leur
– La gazéification de biomasse ligneuse la révision des tarifs d’achat de l’électri- pertinence à terme suppose encore des
(bois, paille…), c’est-à-dire l’oxydation par- cité cogénérée à partir de biogaz et de la développements conséquents des éner-
tielle de la biomasse à haute température création des tarifs d’achat du biométhane gies renouvelables non pilotables ainsi
afin de produire un gaz de synthèse, amené injecté dans les réseaux de gaz, qu’une optimisation technico-économique
aux spécifications du gaz naturel par une – La gazéification de biomasse ligneuse fait des procédés.
étape de méthanation et une étape d’épu- encore l’objet de développements au stade
ration, des pilotes industriels en Europe dont un Le potentiel technique
– Enfin, la production d’hydrogène par en France. Les perspectives de déploie- de production de gaz renouve-
électrolyse à partir d’électricité renou- ment des premières unités industrielles en lables en France est considérable
velable excédentaire valorisable directe- France sont à horizon 2020, – Forte production agricole et agroalimen-
ment ou amenée aux spécifications du gaz – Le développement d’une production de taire, et donc de déchets liés, favorable
naturel par une étape de méthanation (voir microalgues dédiées au moins en partie à la à la méthanisation, en complément des
fiche dédiée), voie dite de « power-to-gas ». production d’énergie par méthanisation se autres biodéchets : ordures ménagères et
Ces voies sont à des degrés de développe- situe à un horizon plus prospectif encore, boues de STEP.
ment différents ces microalgues font aujourd’hui l’objet Le gisement global mobilisable à 2030
– La méthanisation de déchets fermentes- d’une activité de R&D importante notam- pour la méthanisation, estimé par l’étude
cibles est mature, développée à un niveau ment en France, ADEME-SOLAGRO-INDIGGO (avril 2013)
www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 85
« Estimation des gisements potentiels de d’hydrogène ou de méthane de synthèse toirs, de l‘industrie laitière, mais aussi
substrats utilisables en méthanisation » est de 19 à 35 TWh à horizon 2050 (exemple boues de stations d’épurations, etc...)
évalué à 130 millions de tonnes de Matière pour l’Ademe : « Contribution de l’Ademe à La composition du biogaz obtenu varie en
Brute soit 56 TWh d’énergie primaire en l’élaboration de visions énergétiques 2030 fonction de la nature du substrat, du type
production de biogaz. Il est composé à 90 % 2050 », avril 2013). de procédé et dans le temps : on retrouve
de matières agricoles. Ce gisement mobili- essentiellement du méthane (30 à 75 %),
sable représente 30 % du gisement net dis- Ce potentiel total de 400 à 550 TWh du CO 2 (20 à 40 %) avec des quantités
ponible, le potentiel de production de bio- PCS est à comparer à la consommation variables d’eau, d’hydrogène sulfuré (H2S),
gaz à partir des ressources considérées actuelle de gaz en France, soit 520 TWh et d’autres composants plus ou moins indé-
dans cette étude étant évalué à 185 TWh. en 2011. La combinaison du dévelop- sirables suivant la valorisation envisagée.
– Fort potentiel de production forestière et pement des productions de gaz renou- Après un traitement poussé jusqu’à
de résidus agricoles ligneux favorables à velables et de la maitrise des consom- atteindre la qualité du gaz naturel, le bio-
la gazéification avec un potentiel estimé mations permet donc d’imaginer des gaz est appelé biométhane et peut être uti-
par l’étude GrDF, GDF SUEZ, ADEME, scénarios 100 % gaz renouvelables en lisé directement sous forme de carburant
MEDDE, MINEFI et MAAF de 2013, de 90 France à horizon 2050, au moins au et/ou injecté dans le réseau de gaz naturel.
– 114 TWh PCS à horizon 2020 et 160 – 280 regard des limites physiques. L’injection de biométhane dans le réseau
TWh PCS à horizon 2050 (référence étude de gaz naturel permet de déplacer la valo-
« Biométhane de gazéification, Évaluation Focus sur la méthanisation : risation au plus près des lieux de consom-
du potentiel de production en France aux un procédé mature en cours mation.
horizons 2020 et 2050 », février 2013, dispo- de déploiement De même, une utilisation directe en car-
nible sur le site internet www.grdf.fr) Le biogaz est un gaz issu de la fermenta- burant nécessiterait d’équilibrer finement
– Un potentiel de développement des tech- tion anaérobie (en absence d’oxygène) de entre la consommation de la flotte de véhi-
nologies de microalgues en coproduc- matières organiques. Il est obtenu soit par cules desservis et la production du métha-
tion avec la chimie verte et l’alimentation captage dans les Installations de Stockage niseur, production en général très stable
animale voire sur d’autres secteurs éco- de Déchets Non Dangereux (ISDND, autre- dans l’année et la journée ; l’injection dans
nomiques, pour un potentiel maximum de ment dit des décharges, où il se forme de le réseau permet de bénéficier du foison-
production estimé par l’étude GrDF, GDF manière spontanée), soit par un procédé nement des consommations du territoire et
SUEZ, ADEME, MEDDE, MINEFI et MAAF standardisé et contrôlé appelé méthani- évite de recourir à du stockage de gaz ter-
de 2013 à 9 TWh PCS à horizon 2020 et 23 sation. restre, soumis à des contraintes réglemen-
TWh PCS à horizon 2050 (référence étude Les déchets qui entrent en jeu dans la pro- taires fortes en matière de sécurité.
« Biométhane de microalgues, Évaluation duction de biogaz peuvent provenir de Les décrets et arrêtés de novembre 2011,
du potentiel de production en France aux sources très variées : déchets collectifs ou complétés par le décret « double valorisa-
horizons 2020 et 2050 », février 2013, dispo- municipaux (biodéchets issus du tri sélec- tion » de février 2013 permettent au biomé-
nible sur le site internet www.grdf.fr) tif des ordures ménagères, des déchets thane d’être injecté dans les réseaux de dis-
– Des scénarios prospectifs visant le Fac- verts, déchets des cantines, etc.), déchets tribution et de transport de gaz :
teur 4 (Negawatt 2011 ou ADEME 2012) agricoles (effluents d’élevage type lisiers, • Lorsqu’il est produit par méthanisa-
estiment quant à eux le potentiel de déve- fumiers…), déchets industriels (déchets de tion à partir de déchets agricoles, (lisier,
loppement du « power-to-gas » sous forme l’industrie agroalimentaire, déchets d’abat- fumier…), de déchets de l’industrie agroa-
limentaire (résidus de pressage de laite-
ries, résidus d’abattoirs…), de déchets
urbains, des établissements de restaura-
tion collective ou des déchets verts.
• Lorsqu’il est obtenu par captage en Ins-
tallation de Stockage de Déchets Non
Dangereux (ISDND ou décharges).
La réglementation pour l’injection définit
la liste de ces intrants, à partir de l’avis
donné par l’Agence Nationale de Sécurité
Sanitaire de l’alimentation, de l’environ-
nement et du travail (ANSES).
À noter que les boues de stations d’épura-
tion urbaines ont fait l’objet d’une autori-
sation au mois de juin 2014.

Économie
Figure 2 : potentiels techniques de développement des gaz renouvelables en France (arrondis). Le développement de la production d’élec-
86 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
tricité seule ou par cogénération à par-
tir de biogaz est soutenue par des tarifs
d’achat qui garantissent aux producteurs
une rémunération acceptable des inves-
tissements et des coûts opérationnels de
leurs projets. Le surcoût vis-à-vis de l’élec-
tricité est payé par les consommateurs
d’électricité via la contribution au service
public de l’électricité.
De même, l’injection de biométhane n’est servie en biométhane carburant ainsi que par du biométhane en 2020 (= 20TWh). Cet
pas aujourd’hui encore une technologie l’ouverture de la station publique de biomé- objectif est porté à 30 TWh en 2030, repré-
compétitive par rapport aux prix du gaz thane carburant à Morsbach. sentant environ 10 % des consommations.
sur les marchés. Pour soutenir le lance- Ces chiffres sont cohérents avec la feuille
ment de cette filière, les producteurs béné- Quelques chiffres : de route ADEME (étude 2013), qui prévoit
ficient d’un tarif d’achat (novembre 2011, + de 13 millions de véhicules GNV dans en 2030, un gisement de biogaz mobilisable
puis février 2013 pour la double valorisa- le monde compris entre ~30 TWh (12 TWh injectés,
tion) qui garantit une rémunération des 1 million dans l’Union Européenne 500 installations d’injection) dans le cadre
investissements et des coûts opération- le carburant GNV progresse au rythme d’un scénario tendanciel, à ~61 TWh (31 TWh
nels de leurs projets. Le surcoût vis-à-vis de 18 % par an. injectés, 1400 installations d’injection) dans
du gaz naturel est payé par l’ensemble des Le potentiel de production de biomé- le cadre d’un scénario volontariste.
consommateurs raccordés au réseau via la thane carburant est équivalent à 30 % de Mi2014, 4 projets injectent du biométhane
« contribution biométhane ». la consommation totale de carburant dans les réseaux, tous dans les réseaux de
en France, améliorant ainsi la balance distribution
Les ordres de grandeur commerciale nationale sur les carbu- • Le Centre de Valorisation Organique
des tarifs rants. (CVO) de Lille-Séquedin : projet pionnier
Pour les installations de stockage de qui injecte depuis juillet 2011. La collecte
déchets non dangereux (ISDND ou des déchets est faite sur le territoire de
décharges), les tarifs d’achat du biomé- Le potentiel de la filière, 85 communes et 1,1 million d’habitants, il
thane injecté sont compris entre 4,5 et les réalisations s’agit de la fraction organique des déchets
9,5 c€/kWh selon la taille de l’installation. En France, la valorisation sous forme de ménagers, des déchets verts, de la restau-
Pour les autres unités de méthanisation, les biométhane est émergente avec un cadre ration collective, déchets municipaux. Près
tarifs d’achat du biométhane injecté se com- réglementaire récent, ce qui n’empêche de 15 GWh de biométhane ont été injectés
posent d’un tarif de base comprise entre 6,4 pas GDF Suez d’avoir l’objectif ambitieux, depuis sa mise en service.
et 9,5 c€/kWh selon la taille de l’installation, affiché dans le cadre du Débat sur la Tran- • Méthavalor porté par le Sydeme (Syndi-
auquel peut s’ajouter une prime calculée en sition Energétique, de 5 % des consomma- cat des déchets de Moselle Est) à Forbach
fonction de la nature des matières traitées tions françaises de gaz naturel assurées (57) injecte depuis mai 2013. Il fait de la
par méthanisation (« intrants ») utilisés
(cf. décrets novembre 2011).

Intérêt environnemental –
Zoom sur le bioGNV
Le GNV est aujourd’hui une technologie
mature, déjà déployée (en France 10 000
véhicules légers, 750 bennes à ordure, 2200
bus, 50 % des villes de plus de 200 000
habitants ont des bus GNV…) et en crois-
sance forte avec 13 millions de véhicules
dans le monde (+18 %/an) ce qui en fait
le 1er carburant alternatif d’après l’AIE.
Le développement du GNV et du biomé-
thane pour approvisionner les véhicules
est aujourd’hui une stratégie développée
avec succès en Suède (+14 000 véhicules
et +300 GWh de biométhane entre 2000
et 2008) et en Suisse, et qui démarre en
France avec la flotte de bus de Lille des-
www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 87
« double valorisation », c’est-à-dire qu’une
partie du biogaz produit est co­générée
et le reste, après épuration est injectée
dans le réseau de distribution. La produc-
tion de biométhane est d’environ 4 GWh/
an (8 GWH à court terme). Une station
publique de GNV et bio-GNV permet d’ali-
menter la flotte du SYDEME (33 véhicules :
tracteurs, porteurs, bennes de collecte
des biodéchets, véhicules utilitaires) de
toutes tailles), et 6 bus de la collectivité,
les ­Forbus.
Quelques chiffres (/an) : 450 000 tonnes
d’intrants méthanisées ; 5 500 000 Nm3/an
de biogaz produit valorisés en : électricité
(10.9 GWh/an), chaleur (12.4 GWh/an), 100
Nm3/h très prochainement)
compost (~ 8 000 t/an), effluents liquides (~
10 000  m3/an), engrais (10 000 m3/an).
• Bioénergie de la Brie à Chaume en
Brie (77) est le 1er projet agricole. Il injecte
depuis fin août 2013. Effluents d’élevage,
lactosérum de la fromagerie voisine,
Cultures Intermédiaires à Vocation Energé-
tique (CIVE), poussières de céréales, pulpe
de betterave, au total, 12 500 tonnes d’in-
trants récoltés localement seront méthani-
sées annuellement pour produire environ
8,5 GWh par an de biométhane.
Le digestat remplace 90 % de l’engrais
chimique qui était avant utilisé par la ferme.
• Agri-biométhane à Mortagne sur Sèvre
(85) injecte depuis mi-avril 2014. Ce projet
est porté par 10 agriculteurs. Le rôle de GrDF dans l’injection …pour favoriser l’émergence d’une
Au total, 15 000 tonnes de fumiers et lisiers de biométhane dans les réseaux filière qui se structure autour d’un
et 6 000 tonnes de déchets IAA seront de distribution tissu industriel national : Contractuali-
méthanisées annuellement pour pro- GrDF, acteur de l’aménagement durable sation, recherche de financement, instruc-
duire : environ 6,5 GWh de biométhane, des territoires, a choisi de jouer un rôle tion des dossiers administratifs, construc-
1 600 tonnes de digestat solide composté, essentiel et reconnu de rassembleur tion, les projets d’injection prennent plu-
17 000  m3 de digestat liquide épandu. dans la filière naissante du biomé- sieurs années à se concrétiser. GrDF -
Bénéfices : 70 tonnes/an d’engrais chimique thane… acteur du long terme - mobilise ses équipes
économisé, 15 000 tonnes de CO2/an évitées …pour que l’objectif « 20 TWh en pour apporter un appui et accompagner les
D’ici fin 2014, 3 à 4 projets supplémen- 2020 » puisse être atteint : GrDF a un entrepreneurs et les acteurs de terrain.
taires devraient injecter sur le réseau rôle actif pour faire émerger et favoriser
de distribution. les projets de territoires et s’implique for- Les résultats concrets
Plus de 400 projets sont à l’étude chez tement dans les études destinées à favori- GrDF fait évoluer son offre technique pour
GrDF pour l’injection dans son réseau de ser les injections : rebours (capacité à faire répondre au mieux aux demandes d’injec-
distribution ; Près de 80 % ont des intrants remonter le gaz en amont du réseau), stoc- tion. Cette offre technique concerne :
agricoles ou issus des industries agro-ali- kage, injection décentralisée…
mentaires, et la moyenne sur le réseau …pour que la filière se construise Les études
GrDF se situe à 240 m3/h soit environ 20 sur des bases de transparence et de En amont des projets, les études de faisa-
GWh injectés par an. rigueur, et renforce la capacité aux bilité, détaillées, de dimensionnement, éva-
Les autres opérateurs, GRTGaz, TIGF, fournisseurs à faire naître des offres luent les quantités de biométhane qui pour-
GrDF, Gaz de Strasbourg, REGAZ…, ont gaz « vertes » auprès de leurs clients : ront être injectées en fonction des consom-
aussi identifiés des projets sur leur terri- GrDF est Gestionnaire du Registre des mations de la zone concernée par l’injection.
toire. Garanties d’origine. Leur précision et fiabilité sont essentielles
88 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
car la rémunération du porteur de projet est Les postes d’injection sont la propriété grâce à des procédés vertueux, sera valo-
directement liée aux quantités injectées. de GrDF qui perçoit une rémunération de risée à sa juste valeur, et que chaque
Elles donnent aussi la dépendance des la part du producteur. Cette rémunéra- molécule de gaz appelé « Biométhane »
consommations à quelques gros consom- tion comprend 3 composantes : la mise à a bien été produite suivant des procé-
mateurs qui pourraient fragiliser le pro- disposition du poste d’injection, sa main- dés énergétiquement et écologiquement
jet s’ils changeaient d’énergie, réduisaient tenance (pièces, main-d’œuvre, déplace- efficaces.
ou interrompaient leur activité ; une faible ments, mises à niveau réglementaire, rem- L’intérêt et la pérennité de la filière biomé-
dépendance rassure les financeurs, la fia- placement en fin de vie), et l’exploitation thane reposent avant tout sur les garan-
bilité de nos études sur ce point est donc du réseau dans lequel le biométhane est ties d’origine. Sans ce dispositif de traçabi-
aussi essentielle. injecté. lité, le biométhane ne serait qu’un produit
Elles évaluent le coût du raccordement du Cette prestation est dans le catalogue des financier pour des producteurs rémunérés
projet au réseau de distribution. prestations de GrDF. par un tarif d’achat qui ne se soucient guère
Depuis début 2012, près de 200 études de de l’usage fait de cette énergie renouve-
faisabilité et détaillées ont été réalisées Retour d’expérience sur les projets qui lable à haute valeur ajoutée, une fois injec-
par GrDF. injectent tée dans le réseau.
Les contrôles ponctuels de tous les pro- Les garanties d’origine permettent
L’injection jets qui injectent ont toujours été par- de capter la valeur du gaz vert en le
Une 1ère génération de poste d’injection faitement conformes. Concernant les suivant depuis sa production jusqu’à
fonctionne et a inspiré les cahiers des contrôles continus, quelques interrup- sa valorisation. Elles permettront
charges des autres opérateurs de réseaux. tions ont été constatées, peu nombreuses à une collectivité locale de com-
En 2014, un 2ème appel d’offres européen et de courtes durées. Le réglage de l’épu- muniquer sur l’origine de l’énergie
a été lancé qui a permis de retenir 2 pres- ration ou de l’odorisation suffit à rendre consommée et le devenir des déchets
tataires pour fournir la 2ème génération de le biométhane de nouveau conforme. traités.
postes d’injection. La crédibilité acquise par ces 1ères réa- Plus largement, le contexte énergétique
Ces postes ont 4 fonctions : lisations rassure la filière et génère européen favorise et accélère l’émergence
• l’odorisation du gaz (cette fonction une mobilisation croissante du monde rapide de sites de production de biomé-
peut éventuellement être réalisée par le agricole. thane dans tous les pays. GrDF, en sa qua-
producteur) : le biométhane est inodore. GrDF communique largement sur ces suc- lité de gestionnaire du registre français, et
Pour être détectable en cas de fuite même cès qui rassurent les financeurs et suscitent à la demande de l’ADEME, participe à un
très faible, il est, comme le gaz naturel, l’intérêt de nouveaux porteurs. groupe de travail qui pose les bases d’une
odorisé. coopération entre gestionnaires pour per-
• le contrôle en continu de la qualité du GrDF est gestionnaire mettre les transferts de biométhane entre
biométhane du Pouvoir Calorifique Supé- du registre des les pays européens.
rieur (PCS), de l’indice de Wobbe, de la Garanties d’Origine
densité, du point de rosée eau, de la teneur Le contexte réglementaire qui permet Conclusions
en H2S, de la teneur en COS, de la teneur depuis novembre 2011 d’injecter du bio- Depuis 2 ans, plusieurs projets se sont réa-
en O2, de la teneur en CO2 et de la teneur méthane dans les réseaux de distribution lisés et injectent sur le réseau de distribu-
en Tétrahydrothiophène (THT), ainsi que et transport, prévoit la mise en place, dans tion.
la température du biométhane, sont effec- le cadre d’une Délégation de Service Public Le retour d’expérience que GrDF fait sur
tués par les analyseurs en ligne de l’Instal- (DSP), d’une durée de 5 ans, d’un registre ces projets est très positif : la qualité du
lation d’injection. national qui assurera la traçabilité des biométhane est conforme aux spécifica-
À noter : En plus des contrôles conti- volumes de ce gaz renouvelable (décret tions, les arrêts sont peu nombreux et de
nus, des contrôles ponctuels effectués n° 2011-1596 du 21 novembre 2011). GrDF courte durée.
par un laboratoire permettent de mesu- a été choisi à l’issue d’une procédure d’ap- L’offre technique d’épuration s’est élar-
rer la teneur en soufre total, le chlore (Cl), pel d’offres et est donc gestionnaire du git : épuration à l’eau pour le projet de
le fluor (F), l’hydrogène (H2), l’ammoniac registre des Garanties d’Origine pour une Lille Sequedin, membranes à Morsbach
(NH3), le monoxyde de carbone (CO), ainsi durée de 5 ans jusqu’en 2017. et Chaumes en Brie, PSA à Mortagne sur
que les mercaptans et le mercure (Hg). Une garantie d’origine (GO) corres- Sèvre. Plusieurs fournisseurs différents se
Ils sont effectués 1 fois/mois la 1ère année pond à 1MWh de biométhane injecté ; sont positionnés sur ce marché, les pro-
mais pourront éventuellement être espa- elles sont émises, transférées, annulées jets qui seront bientôt en service élargiront
cés ensuite. et détruites. Le registre trace ces tran- encore ce panel de techniques ou de four-
• la régulation en pression qui permet au sactions, valide les quantités produites, nisseurs.
biométhane d’être prioritaire sur le réseau échangées ou vendues, et mémorise les Actuellement, dans tous les cas, les biomé-
• le comptage des quantités qui permet- acteurs intervenant dans ces actions. thanes sont conformes. Voilà de quoi ras-
tra au producteur de percevoir sa rému- Ce rôle est essentiel car il garantit que surer les investisseurs, les porteurs de pro-
nération chaque molécule de biométhane p­ roduite jets, les pouvoirs publics.
www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 89
Toutefois, il reste de nombreux sujets filière) ou du partenariat ADEME/GrDF, tion décentralisée et injection centralisée,
d’étude pour faciliter l’implantation des de nombreux chantiers sont lancés. Ils acceptabilité des projets. Tous sont néces-
projets et améliorer leur rentabilité : Dans portent sur des sujets techniques, socio- saires et tous nécessitent un fort investis-
le cadre du GTinjection (groupe de concer- logiques et stratégiques : rebours, gestion sement de notre part en pilotage, coordina-
tation qui réunit tous les acteurs de la des files d’attente et des capacités, produc- tion, validation et déploiement. n

Pour en savoir plus :

www.injectionbiomethane.fr

90 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Gérer les ressources


microbiennes :
Exemples d’applications
aux procédés
de méthanisation
Moletta-Denat Marina
INRA

P
lébiscité par le domaine des bio- de fonction), ils permettent maintenant Polymorphism, ARISA : Automated Ribo-
technologies pharmaceutiques, d’améliorer, d’anticiper, de diagnostiquer somal Intergenic Spacer Analysis, DGGE :
chimiques, agro-alimentaires, et et de gérer les bioprocédés. Le suivi de la Denaturing Gradient Gel Electrophore-
les sciences environnementales, la ges- colonisation des supports, le choix d’un sis, T-RFLP : Terminal Restriction Frag-
tion des ressources microbiennes appa- inoculum, la recherche et la gestion de ment Length Polymorphism…). En parti-
raît d’actualité depuis quelques années, fonction spécifique (méthanogenèse, cycle culier, elles sont utilisées afin de surveiller
notamment pour ces attraits en matière de l’azote, biodégradation de composés la diversité microbienne d’un environne-
d’ingénierie écologique ou pour contrô- pharmaceutiques), le développement et ment et de comparer les échantillons sur
ler les microflores indésirables. Les tra- l’utilisation de bioindicateurs traçant une la base de leur diversité. Les résultats du
vaux de recherche menés depuis plus de fonction ou un groupe microbien cible suivi peuvent être archivés dans une base
20 ans sur la microbiologie des procédés (pathogènes, archées méthanogènes, …) de données et être analysés par des outils
de méthanisation ont permis de décrire la sont des exemples d’applications du mana- statistiques. Ceci permettant de comparer
microbiologie de ces systèmes complexes gement des écosystèmes de méthanisation. rapidement chacun des points de contrôle
en lien avec ses potentialités fonction- Cet article présente les outils de microbio- par rapport à une diversité microbienne de
nelles. L’efficacité et la stabilité de ce pro- logie moléculaire disponibles pour gérer référence associée à un fonctionnement
cessus dépendent entièrement de l’activité les écosystèmes microbiens de méthanisa- optimal du procédé.
concertée et syntrophique de micro-orga- tion ainsi que leur applicabilité en termes Par exemple, elles ont été appliquées à
nismes appartenant à différents groupes de délai de réponse (figure 1). l’évaluation du potentiel de cinq écosys-
fonctionnels (hydrolyse, fermentation, tèmes anaérobies industriels à s’adapter
acétogenèse et méthanogenèse). De nou- Empreintes moléculaires à la production de biogaz à partir d’un
veaux outils analytiques associés à des Les empreintes moléculaires permettent substrat facilement biodégradable. Pour
analyses bioinformatiques des méta-don- d’observer et de mesurer la diversité chaque écosystème, l’amélioration de la
nées ont été développés pour permettre microbienne d’un écosystème. Plusieurs performance observée n’était pas due à la
de gérer la diversité structurelle et fonc- techniques permettent de réaliser rapide- croissance de certaines populations micro-
tionnelle des écosystèmes de méthanisa- ment, par électrophorèse de fragments biennes. Les résultats ont montré que cette
tion. Rapides, sensibles et spécifiques, qua- d’ADN préalablement amplifiés par PCR, amélioration était probablement liée à l’ac-
litatifs (séquençage haut-débit, empreintes une empreinte moléculaire des commu- tivation enzymatique des populations pré-
moléculaires) ou quantitatifs (PCR quan- nautés microbiennes présentes dans un sentes initialement et ont souligné le rôle
titative (Polymerase Chain Reaction) sur écosystème (CE-SSCP : Capillary Elec- de l’inoculum de départ (Mabala et al,
groupes microbiens spécifiques ou gènes trophoresis-Single Strand Conformation 2012).
www.revue-ein.com HORS SÉRIE MÉTHANISATION - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - 91
Structure
de la diversité,
Structure et
Concentration, Concentration, abondance
Informations abondance
Potentiel Activité des popula-
de la diversité
tions, identifi-
cation
Bactérie, archée, Bactéries, archées,
Bactéries, archées,
eucaryote fonctions clés (mé-
fonctions clés Bactéries,
Principales producteur d’hy- thanogenèse, dégra-
(méthanogenèse, archées
cibles drogène, bactéries dation de
dégradation de eucaryotes…
sulfato-réduc- xénobiotiques,
xénobiotiques…)
trices… pathogènes…)
Temps
2 jours 2 jours 2 jours 1 mois
de réponse

Figure 1 : Outils moléculaires pour la gestion des ressources microbiennes.

Figure 2 : Divergence génétique entre les 5 écosystèmes pour les bactéries (A) et (B) analysées à partir des données de CE-SSCP
et des performances du bioréacteur (SMA = activité méthanogène spécifique). (Mabala et al, 2012).

PCR quantitative et RT-PCR espèce, d’un gène ou d’un groupe micro- Appliquée sur l’ADN, elle permet de ren-
quantitative en temps réel bien au sein d’un échantillon. La concen- seigner la présence et donc le potentiel
La quantification par PCR quantitative en tration mesurée est exprimée en copies de d’une biomasse en termes de quantité et
temps réel donne la concentration d’une gènes par unité de masse ou de volume. de fonction. Elle peut être aussi appliquée
92 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
à l’ARN (molécule produite après la trans- tive des proportions d’archées de la popu- (principalement la séquence de l’ARN ribo-
cription de l’ADN et avant la synthèse pro- lation totale. La comparaison de ces pro- somique). Les nouvelles technologies de
téique), on parle alors de RT-PCR quanti- portions avec celle de l’inoculum montre séquençage (NGS) permettent de multi-
tative (Reverse Transcription-Polymerase que certains matériaux favorisent l’adhé- plier la profondeur du séquençage autre-
Chain Reaction). Ainsi, elle traduit directe- sion (ABS, PC, PVC) et la colonisation des fois utilisé (méthode de Sanger) par 100.
ment l’activité d’une biomasse de manière archées (Habouzit et al, 2011). Les limites d’interprétation sont les mêmes
globale (mesure à partir de l’ARN riboso- que celle des technologies de type San-
mique 16S ou 18S) ou de l’activité d’une Séquençage haut-débit ger mais les réponses apportées amènent
fonction (mesure à partir de l’ARN des (Next Generation Sequencing) une importante plus-value aux questionne-
gènes de fonction codant pour les enzymes Les outils de séquençage haut-débit per- ments sur les écosystèmes microbiens com-
clés des processus biologiques). Elle peut mettent d’accéder de manière très fine à la plexes. Leurs applications en microbiologie
être utilisée pour le suivi du démarrage diversité structurelle et fonctionnelle des des bioprocédés sont très développées et
d’un procédé et la surveillance de la charge procédés de digestion anaérobie. Plusieurs montrent la pertinence des réponses appor-
microbienne globale (Bactérie, Archée, technologies sont disponibles (454 GS FLX tées à des questionnements très concrets.
Eucaryote) ou de groupes microbiens Titanium Roche ; SOLIDTM Applied Biosys- Par exemple, dans le cas du suivi des diges-
spécifiques tels que les microorganismes tems ; MiSeq® System Illumina…). L’ana- teurs anaérobie, elles sont utilisées afin de :
pathogènes. Il est possible de corréler la lyse bioinformatique des données géné- • identifier sans a priori la diversité micro-
production de biogaz avec l’abondance rées est le point critique de l’utilisation de bienne d’un digesteur anaérobie,
de différents groupes archées retrouvés ces analyses et demande une expertise • suivre l’adaptation/le maintien des capaci-
dans les digesteurs anaérobies et de choi- importante, forcément externalisée. Cepen- tés fonctionnelles de départ de la diversité
sir/gérer les performances du procédé sur dant, l’intérêt principal réside dans l’iden- microbienne de l’inoculum à un procédé
la base de ces données de concentrations. tification sans a priori des genres ou des (tableau 1),
Par exemple, les travaux sur la comparai- espèces présentes et la possibilité d’ana- • créer des bases de données de référence
son de différents matériaux supports sur lyses de grande envergure renforçant la sur un procédé permettant d’aider au dia-
l’efficacité d’adhésion et de colonisation validité des résultats obtenus. La caractéri- gnostic en cas de dysfonctionnement,
des archées sont présentés (figure 3). Les sation sans a priori des espèces présentes • développer de nouveaux bioindicateurs
résultats mettent en évidence le rôle des dans un procédé est effectuée par le séquen- spécifiques et pertinents permettant d’al-
matériaux par la mesure par PCR quantita- çage basé sur des marqueurs moléculaires léger le suivi microbiologique du procédé.

Figure 3 : Suivi quantitatif de la colonisation de supports dans un procédé de méthanisation. (Habouzit et al, 2011).

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Tableau 1 : Identification par pyroséquencage 454 des communautés bactériennes
et archées supérieures à 1 % d’abondance, dans l’inoculum, et après 14 jours
dans des bioréacteurs fonctionnant à 10%, 19% et 29% de matière sèche (TS).
Les lignes de couleur gris foncé représentent les espèces supérieures à 5% d’abondance
et les lignes de couleur noir, celles supérieures à 20 % d’abondance.
La diversité est mesurée par l’indice de CHAO. (D’après Motte et al, 2014)
CLASS Pretreated
10 % TS 19 % TS 29% TS
Genus & Species Inoculum
CLOSTRIDIA 88.8 % 59.3 % 29.7 % 30.6 %
Ruminococcus bromii 53.0 % 43.1 % 1.4 % 0.1 %
Coprothermobacter proteolyticus 2.6 % 7.1 % 12.3 % 19.5 %
Ethanoligenens cellulosi 15.4 3.4 % 0.0 % 0.0 %
Sarcina ventriculi 11.9 % 0.0 % 0.0 % 0.0 %
Thermoanaerobacterium saccharolyticum 2.6 % 3.2 % 11.0% 0.0 %
 
Halothermothrix orenii 0.1 % 0.2 % 0.3 % 4.9 %
Natranaerobius thermophilus 0.1 % 0.4 % 2.4 % 0.9 %
Thermaerobacter nagasakiensis 1.0 % 0.0 % 0.1 % 0.1 %
Other Clostridiumsp. (17 species) 0.6 % 0.5 % 1.2 % 1.3 %
Other Clostridia (19 species) 1.4 % 1.3 % 1.1 % 4.0 %
BACILLI 1.5 % 5.1 % 20.7 % 5.2 %
Bacillus coagulans 0.4 % 1.5 % 9.9 % 0.0 %
Sporolactobacillus racemilacticus 0.4 % 1.0 % 7.7 % 0.1 %
Paenibacillus larvae 0.2 % 1.1 % 1.1 % 2.5 %
Aneurinibacillus thermoaerophilus 0.1 % 0.1 % 0.3 % 0.9 %
Other Bacilli (15 species) 0.4 % 1.4 % 1.7 % 1.8 %
BACTEROIDETES 0.5 %  2.1 % 12.8 % 4.5 %
Lewinella nigricans 0.3 % 1.3 % 7.3 % 1.8 %
Dysgonomonas mossii 0.0 % 0.5 % 2.9 % 0.8 %
Other Bacteroidetes (9 species) 0.2 % 0.3 % 2.6 % 1.9 %
ACTINOBACTERIA 0.1 % 0.3 % 3.3 % 3.3 %
Actinomyces lingnae 0.0 % 0.0 % 0.8 % 1.1 %
Georgenia muralis 0.0 % 0.0 % 0.5 % 0.6 %
Other Actinobacteria (18 species) 0.1% 0.2 % 2.0 % 1.6 %
ARCHAEA 0.2 % 0.5 % 2.1% 10.7 %
Methanobacterium beijingense 0.1 % 0.3 % 1.7 % 7.3 %
Methanothermobacter thermautotrophicus 0.1 % 0.2 % 0.3 % 1.0 %
Methanosaeta concilii 0.0 % 0.0 %  0.0 % 0.9 %
Other Archaea (5 species) 0.0 % 0.1 % 0.2 % 1.5 %
PROTEOBACTERIA 0.2 % 0.5 % 2.2 % 4.1 %
Aeromonas simiae 0.0 % 0.0 % 0.2 % 1.9 %
Pseudomonasmendocina 0.0 % 0.2 % 0.5 % 0.3 %
Other Proteobacteria (26 species) 0.2 % 0.3 % 1.5 % 1.9 %
SYNERGISTIA 0.7 % 2.7 % 1.8 % 9.5 %
Thermanaerovibrio acidaminovorans 0.5 % 2.3 % 1.2 % 7.4 %
Anaerobaculum mobile 0.2 % 0.2 % 0.6 % 1.4 %
Other Synergistia (2 species) 0.0 % 0.2 % 0.0 % 0.7 %
OTHER BACTERIA GROUPS 8.0 % 29.7 % 27.5 % 31.9 %
OP9 (candidate division) 6.8 % 26.2 % 22.2 % 18.9 %
Thermotoga/ Petrotoga mobilis 0.9 % 3.0 % 4.5 % 9.7 %
Chloroflexi/ Thermobaculum terrenum 0.0 % 0.2 % 0.1 % 1.0 %
Other Bacteria (15 species) 0.2 % 0.3 % 0.7 % 2.3 %
CHAO RICHNESS ESTIMATION 153±17 136±13 120±10 125±13

94 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


Où réaliser ce type d’essais de la diversité microbienne par des outils tèmes microbiens de dépollution, les com-
et d’analyses moléculaires, pétences analytiques d’INRA Transfert Envi-
INRA Transfert Environnement est une • des prestations « sur-mesure » qui cor- ronnement s’étendent également à l’eau et
unité de service d’INRA Transfert, filiale respondent à une réponse spécifique- à d’autres matrices environnementales plus
privée de l’INRA (Institut National de la ment adaptée au problème du deman- particulières dont l’air, les surfaces et les
Recherche Agronomique), adossée au deur : études de faisabilité au stade labo- matériaux. Les prestations d’INRA Trans-
Laboratoire de Biotechnologie de l’Envi- ratoire et/ou au stade pilote, étude des fert Environnement regroupent des analyses
ronnement (LBE-INRA). Depuis 10 ans, microorganismes dans leur environne- quantitatives et qualitatives permettant de
INRA Transfert Environnement a construit ment, expertise/suivi des procédés indus- diagnostiquer, identifier, surveiller, préve-
une offre de services répondant à la triels de dépollution, ...etc. nir et suivre le microbiome. INRA Transfert
demande sociétale. Dans ce cadre, INRA Les activités de microbiologie moléculaire Environnement propose également le déve-
Transfert Environnement est amenée à proposées sont issues des compétences loppement de moyens de gestion tels que la
réaliser : scientifiques et techniques du LBE en termes construction de base de données spécifiques
• des prestations « standards » des mesures de caractérisation des écosystèmes micro- et la définition d’indicateurs microbiens basés
de concentration et des caractérisations biens complexes. Spécialisés sur les écosys- sur ces métadonnées. n

Références bibliographiques
• Mabala, J.-C.  (2012). Aptitude d’écosystèmes • Motte J.C., Trably E., Hamelin J., Escudié, R., • Habouzit, F.  (2010). Rôle des matériaux-sup-
anaérobies industriels à produire du méthane à partir Bonnafous A., Steyer J.P., Bernet N., Delgenès J.P., ports sur la mise en place du biofilm  : Applica-
d’éthanol en conditions psychrophile, mésophile et Dumas C. (2014) Total solid content drives hydrogen tion au démarrage d’un procédé de méthanisa-
thermophile (Thèse de doctorat, Montpellier SupAgro - production through microbial selection during ther- tion (Thèse de doctorat, Université Montpellier
Centre International d’Etudes Supérieures en Sciences mophilic fermentation. Bioresource Technology 166: 2).
Agronomiques). 610–615.

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Solidia : une plateforme


expérimentale de
démonstration pour la
digestion anaérobie de
ressources organiques
solides par voie sèche
discontinue
Pommier S., Paul E., Mauret M., Mengelle E.,
Debenest G., Gandon E., Couturier C.,
Da Lozzo J.L.
Criit – Inra – Cnrs

L
e procédé de méthanisation dis- La rusticité de la méthanisation par voie ratoire permet d’aborder des mécanismes
continue par voie sèche est adapté sèche discontinue et sa compatibilité ciblés, mais ne permet pas une extrapola-
à la digestion anaérobie de subs- avec des substrats secs variés, en font tion aisée à l’échelle industrielle en raison
trats à fort taux de matière sèche (> 25 %) un procédé particulièrement adapté aux des couplages phénoménologiques mul-
et ayant une structure hétérogène les ren- exploitations agricoles, et qui possède un tiples.
dant difficilement pompables. Contrai- fort potentiel de développement dans les La plateforme expérimentale SOLIDIA,
rement aux procédés en voie liquide, ou années à venir (le plan « Energie Métha- développée en Midi-Pyrénées, a pour objec-
encore aux procédés par voie pâteuse, la nisation Autonomie Azote » fixe un objec- tif d’offrir la possibilité de mener des expé-
matière solide est chargée manuellement tif de 1 000 méthaniseurs à la ferme d’ici riences à grande échelle pour les acteurs
puis reste statique dans le réacteur. Afin 2020). de la méthanisation par voie sèche discon-
d’assurer une production de biogaz relati- Cependant, le nombre d’acteurs de la tinue. Elle s’adresse aux bureaux d’études,
vement constante, plusieurs réacteurs (au méthanisation proposant des solutions
minimum 4) sont nécessaires et sont char- par voie sèche discontinue sur le territoire
gés de manière séquencée. Les jus produits national est encore restreint (GreenPro,
au cours de la fermentation sont stockés Bekon, Cofely Ineo, Erigène, Méthajade,
dans une enceinte chauffée puis recircu- S2-Watt, Aria Energies …) et souffre d’un
lés dans chaque casier ou couloir de diges- manque de références. De plus ces sys-
tion (cf. figure 1). Ceci permet le maintien tèmes ont été très peu étudiés par la com-
du système en humidité et en température, munauté scientifique en comparaison aux
ainsi que la dispersion au sein du massif de systèmes par voie liquide. Leur spécificité
l’ensemble des éléments nécessaires à la réside dans l’hétérogénéité des matrices
production de biogaz : micro-organismes, réactionnelles, avec un déchet statique Figure 1 : représentation schématique d’un
nutriments, acides organiques, hydrogène, soumis à percolation. Le travail à l’échelle système de méthanisation discontinue
etc. de la paillasse ou du petit pilote de labo- à percolation.

96 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


aux constructeurs, aux agriculteurs qui aucun enjeu de rentabilité économique ne une optimisation du fonctionnement des
souhaitent réaliser des essais pour valider limite la nature et le nombre des essais mis installations.
des hypothèses de performance ou tester en œuvre. D’ailleurs, les quantités de biogaz
des innovations technologiques. et de digestats produites sont trop faibles Principales caractéristiques
pour être valorisées. En conséquence, on
Pourquoi une plateforme peut élaborer un plan d’expérimentations
de taille semi-industrielle ? plus complet, afin d’ajuster au mieux les
paramètres de fonctionnement du pro-
Une échelle représentative cédé et d’accroître la compréhension des
Les phénomènes qui régissent les perfor- processus. On peut également tester de la
mances de la digestion anaérobie par voie technologie.
sèche discontinue sont multiples : biolo- De la même manière, la métrologie mise
giques, chimiques et physiques. Leur inter- en place permet un suivi précis des per-
dépendance est très forte, en particulier en formances. En plus des piquages de prélè- Site d’implantation
raison de la percolation de liquide qui est vements de liquide et de gaz prévus en dif- La plateforme d’essais est accueillie sur le
opérée au travers du massif de déchets. férents points de l’installation, destinés à site de valorisation de déchets organiques
Les phénomènes de transfert de matière des analyses hors-ligne, un suivi en ligne de l’entreprise CLER VERTS à Bélesta-en-
et de chaleur induits sont d’une impor- de nombreux paramètres est assuré : tem- Lauragais à 50 km de Toulouse.
tance majeure pour le bon fonctionne- pérature et pH dans le liquide au collec-
ment du système : apport de nutriments, teur de jus de percolations en pied de mas- Caractéristiques générales
de microorganismes, de pouvoir tampon sif solide et dans la cuve de stockage ; débit La plateforme est constituée de deux lignes
et de chaleur par le liquide provenant de et composition du biogaz produit dans le indépendantes permettant chacune de
la cuve de stockage ; dissolution de com- digesteur solide et dans la cuve de stoc- méthaniser un massif de déchet de 12 m3
posés organiques et minéraux, et lessi- kage ; flux de liquide injectés dans le mas- et ayant une capacité de stockage de jus
vage d’intermédiaires réactionnels trans- sif de déchets et flux de liquide écoulé de 10 m3. Il est ainsi possible de mener en
portés vers la cuve stockage. Or, les carac- introduit dans la cuve de stockage. L’évo- parallèle des modes opératoires différents
téristiques de l’écoulement liquide au tra- lution du potentiel analytique en ligne a été pour un même lot de déchets, ou de faire des
vers du massif sont très fortement dépen- anticipée, avec un câblage mis en attente essais sur des lots de déchets différents avec
dantes de sa structure physique : porosité, pour l’implantation de multiples sondes le même mode opératoire. La figure 2 pré-
capillarité, perméabilité. Pour travailler à au cœur du massif selon les besoins de sente des photographies de la plateforme
l’échelle du laboratoire, il est nécessaire chaque étude. (avant l’achèvement de sa réalisation).
de prendre des échantillons de taille rai-
sonnable (quelques dizaines de litres maxi- Un outil pédagogique et un levier pour Équipements de chaque ligne
mums), et d’en modifier la structure phy- le développement de la filière biogaz de digestion
sique (broyage, compaction, …) même de Les pilotes de méthanisation installés sur la Les deux lignes de digestion sont toutes les
manière involontaire. Le risque d’obtenir plateforme, de par leur taille et leur niveau deux composées des éléments suivants :
des résultats non représentatifs de l’échelle d’instrumentation, sont également desti- – Un casier d’environ 20 m3 offrant une
industrielle est donc double : d’une part nés à être un support pédagogique pour charge utile de 12 m3, ce qui permet de
à cause de l’hétérogénéité de la composi- les apprentissages en génie des procédés faire des essais sur des massifs de 2 à 5
tion des massifs méthanisés, d’autre part appliqués à la digestion anaérobie. tonnes de matière brute. Le casier est en
à cause de la spécificité du comportement De plus, SOLIDIA a une vocation de béton, isolé et équipé d’un plancher chauf-
mécanique de ces massifs. La vocation pre- démonstration pour la méthanisation par fant et d’un maintien en température des
mière de la plateforme SOLIDIA est ainsi voie sèche discontinue. En offrant la pos- parois externes par un circuit en serpentin.
d’offrir des pilotes de méthanisation per- sibilité de réaliser des essais sur des lots Un batardeau interne étanche et amovible
mettant de mener des expériences dans de taille conséquente, la plateforme va per- ­permet le maintien du massif et son immer-
des conditions réelles de manipulation, sur mettre de mieux cerner les performances sion complète le cas échéant.
des gros volumes, et sans modifier les pro- que l’on peut atteindre avec un tel système, – Une cuve de stockage de digestats de
priétés physiques des substrats étudiés. en apportant une garantie supérieure à de 10 m3, isolée, et équipée d’une boucle de
simples tests de potentiel méthanogène. recirculation interne (pompe centrifuge
Un outil pour l’expérimentation Enfin, il s’agit d’un outil susceptible de évoluant à 3 m3/h) assurant la chauffe au
Même si les quantités de substrat testées démontrer l’aptitude de la voie sèche dis- moyen d’un échangeur à plaques et le bras-
sur les digesteurs de la plateforme sont continue à valoriser des gisements variés sage du liquide à l’intérieur de la cuve.
importantes (plusieurs tonnes), SOLIDIA (actuellement l’essentiel des substrats uti- Une pompe péristaltique à débit variable
reste un outil dédié à l’expérimentation, lisés dans ce type de procédé est consti- de 20 à 100 L/h permettant la percolation
et non à la production. Contrairement aux tué de fumiers pailleux), et de valider des depuis la cuve vers le casier.
démonstrateurs industriels à l’échelle une, innovations technologiques permettant – Une pompe péristaltique à débit fixe
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ment ou de post-traitement que les utilisa-
teurs voudraient éprouver.

Une première application :


projet DRYMETHA
La première utilisation des pilotes de
méthanisation est faite dans le cadre du
projet collaboratif DRYMETHA, en par-
tenariat avec la société COFELY INEO.
Ce projet vise à étudier les mécanismes
d’écoulement des jus au travers du mas-
sif afin d’optimiser les stratégies de recir-
culation et améliorer les rendements du
Figure 2 : Photographies de la plateforme SOLIDIA : le site, les casiers, les cuves. procédé de méthanisation par voie sèche

(dans la gamme 20 – 100 L/h) pour l’évacua-


tion des jus lixiviés en pied de casier vers la
cuve de stockage.

Acquisition en ligne
L’analyse de la production de biogaz est
réalisée de manière différenciée sur le
casier et sur la cuve liquide. Les débits sont
mesurés à l’aide d’un débitmètre volumique
RITTER TG5 et la composition en CO2 et Figure 3 : La plateforme est équipée de deux locaux modulaires.
CH4 est quantifiée dans le ciel gazeux du
casier et de la cuve à l’aide d’un analyseur ordinateurs de suivi en ligne, et équipé d’un discontinue. Le substrat modèle choisi est
infrarouge X-STREAM X2GP placé sur une coin cuisine. le fumier bovin. La démarche scientifique
boucle de recirculation interne. Des cap- Un hangar couvert permet de stocker le s’appuie sur le développement d’un modèle
teurs de pression sont également installés matériel de manipulation des déchets, et d’écoulement réactif par l’Institut de Méca-
dans chacun des ciels gazeux. La tempéra- abrite la chaudière au fioul qui alimente les nique des Fluides de Toulouse, une carac-
ture et le pH des jus sont mesurés en ligne circuits de chauffe des digesteurs. térisation physique et biochimique du subs-
au niveau du collecteur en pied de casier et trat au Laboratoire d’Ingénierie des Sys-
à l’intérieur de la cuve. Conditions d’utilisation tèmes Biologiques et Procédés de l’INSA
Un PC industriel récupère en temps réel La plateforme SOLIDIA est propriété de de Toulouse, et des expérimentations à
l’ensemble de ces informations, de même l’INSA de Toulouse. Son utilisation néces- grande échelle sur la plateforme SOLIDIA.
que l’état de chaque pompe péristaltique, site la signature d’une convention de parte- Le projet se termine fin 2015.
à l’aide d’un logiciel de supervision déve- nariat ou d’un contrat de prestation selon le
loppé par le CRITT GPTE de l’INSA de Tou- type de projet concerné. Un comité d’admi- Remerciements
louse. Ce logiciel offre également la pos- nistration a été mis en place et est chargé La réalisation de la plateforme a été cofi-
sibilité d’agir sur le fonctionnement des de statuer sur les demandes d’utilisation nancée par : l’ADEME, la Région Midi-
pompes. Un système de télésurveillance (acceptation, calendrier). Il est composé Pyrénées, COFELY INEO, l’INSA de Tou-
(via internet par l’intermédiaire du logiciel de représentants des membres fondateurs louse.Les partenaires remercient la
Team Viewer) a été mis en place pour pou- de la plateforme (LISBP, CRITT GPTE, société CLER VERTS pour la mise à dis-
voir suivre l’installation à distance et facili- CLER VERTS, SOLAGRO) ainsi que de position du terrain. n
ter les discussions entre les différentes per- l’ADEME et de la Région Midi-Pyrénées.
sonnes impliquées dans les essais réalisés. L’implantation de la plateforme au cœur
d’une région agricole, qui plus est sur le
Équipements annexes site d’une entreprise dont l’activité prin-
La plateforme est équipée de deux locaux cipale est la valorisation de matière orga-
modulaires (figure 3) : nique (CLER VERTS), offre une grande
– un vestiaire équipé de sanitaires, d’une possibilité d’approvisionnement en subs-
paillasse avec évier, d’un frigo et d’un trats pour la réalisation des essais (pailles,
congélateur pour le stockage d’échantil- fumiers, biodéchets, déchets verts, résidus
lons prélevés sur les pilotes ; de culture, etc.). La plateforme peut de plus
– un bureau dans lequel se trouvent les accueillir l’installation d’outils de prétraite-
98 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Prétraitement fongique
pour la méthanisation
de la biomasse
lignocellulosique :
premiers résultats
du projet Stockactif
Rouches E., Zhou S., Gimbert I., Sigoillot J.C,
Steyer J.P., Carrere H.
Inra – Esil/Gbma

L
es végétaux ou biomasse ligno- Récemment, un regain d’intérêt est porté à l’utilisation de résidus ligneux
cellulosique (BL) sont un subs- pour la production d’énergies renouvelables. Cela présente divers avan-
trat de choix pour la production tages mais également un défi technologique, de par la difficulté à hydro-
énergétique car ils sont renouvelables, lar- lyser la lignine contenue dans les végétaux. Ainsi, des prétraitements
gement disponibles et riches en sucres sont nécessaires. Le faible coût d’un prétraitement par des champignons
(55-75 % MS) (Wan & Li, 2012). De plus, la est attrayant. Aussi, le projet ANR STOCKACTIF étudie et optimise ce
méthanisation de la biomasse lignocellu- prétraitement. Lors de la première étape du projet, une souche fongique
losique (résidus agricoles…) possède un a été retenue, notamment vis-à-vis de son aptitude à accroître la quantité
intérêt croissant notamment parce qu’elle de méthane libérée par une paille prétraitée (jusqu’à 38 % de plus par
engendre une compétition limitée vis-à-vis rapport à la MV de la paille témoin). En tenant compte des pertes de
de l’utilisation des terres pour les cultures matière observées lors du prétraitement en conditions non optimisées, il a
alimentaires. Cette compétition doit impé- été constaté jusqu’à 14 % de méthane en plus pour la paille prétraitée par
rativement être prise en compte dans la rapport à la paille témoin.
stratégie de développement des énergies
renouvelables. D’ailleurs, les cultures éner- fermentescibles peu accessibles. Chandler de la transformation du substrat. Il s’agit
gétiques étaient pointées du doigt dès 2007, et al. (1980) montrent qu’un pourcent de donc d’une étape coûteuse représentant
avec la crise alimentaire. Les résidus de lignine décroît la digestion des matières un obstacle significatif pour la commercia-
culture, tels que les pailles, sont donc à pri- organiques d’environ 3 % (Lesteur et al., lisation des procédés de production bioé-
vilégier. 2010). Par conséquent, des prétraitements nergies et pouvant générer des quantités
La biomasse lignocellulosique (BL) est sont nécessaires pour faciliter l’accès aux importantes de déchets. Par ailleurs, la
constituée de cellulose, des hémicelluloses sucres fermentescibles des BL (Monlau et directive européenne 2009/28/CE impose
et de la lignine. L’hydrolyse de la lignine est al., 2013) des performances environnementales pour
difficile et celle-ci est faiblement biodégra- Ces prétraitements, notamment phy- les carburants d’origine renouvelable et
dable en anaérobiose. De plus, dans la BL, siques (broyage…) et thermo-chimiques c’est tout le cycle de vie qui doit être étu-
les liaisons et interactions entre la lignine (alcalin, acide…) représentent parfois dié. Or, les prétraitements biologiques
et les autres polymères rendent les sucres jusqu’à la moitié de l’énergie utilisée lors (champignons, enzymes…) présentent
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c­ onsidérablement moins d’inconvénients. organique (MO) est représentative des bio- dis que ces quantités ont été divisées par
En particulier, l’utilisation de prétraite- masses herbacées (Vassilev et al., 2012) ; quatre pour les lots 2 et 3, afin de réduire la
ments fongiques permettrait un gain éco- – de la principale ressource mobilisable proportion de méthane issu de l’ajout de la
nomique par une faible utilisation d’éner- de résidus agricoles en France (ADEME, solution nutritive. La paille est ensuite pré-
gie (température ambiante, pas d’ajout de 2006) ; traitée sous une humidité constante durant
produits chimiques…). Ils sont aussi moins – d’une biomasse permettant de remédier 12 jours à 25 °C. Les mesures de potentiel
coûteux que les traitements enzymatiques au problème de la saisonnalité des subs- méthanogène ont eu lieu en trois séries dif-
qui nécessitent des étapes de production trats. férentes (une par lot). Un témoin (T) a été
et d’extraction d’enzymes. D’autre part, les La première étape du projet, qui est déve- réalisé : paille de blé non ensemencée et
champignons ont également un intérêt envi- loppée ici, consistait à choisir les souches traitée dans les mêmes conditions.
ronnemental avec une moindre consom- les plus performantes pour délignifier la
mation d’intrants et une faible production paille de façon sélective (peu de consom- FMS en colonne
d’inhibiteurs et de déchets. ­Néanmoins, ce mation des sucres et de pertes de matière). D’autres échantillons ont été obtenus
type de prétraitement requiert plusieurs Ces souches étaient sélectionnées parmi avec une plus grande quantité de subs-
semaines pour l’établissement d’une popu- des basidiomycètes puisqu’il s’agit des trat dans des colonnes FMS en verre. Une
lation fongique suffisante pour altérer signi- dégradeurs les plus efficaces parmi les colonne contient 20 g de matière sèche
ficativement la matière. champignons (Hammel, 1997 ; Sánchez, (MS) de paille de blé, 25 mg de glucose/g
Ainsi, l’idée d’utiliser la période de stoc- 2009). MS et 2,5 mg de tartrate diammonium/g
kage du substrat pour le pré-traiter a Dans un premier temps, l’UMR BCF a réa- MS. Chaque colonne est ensemencée avec
germé. Le projet ANR Stockactif duquel lisé un crible miniaturisé (300 mg de paille une même quantité MS de broyat mycélien.
découle ce travail s’intéresse ainsi à la traitée en microplaques deep-weel) sur Les colonnes sont thermostatées à 28 °C.
croissance des champignons lignolytiques 177 souches. Ces dernières étaient choi- La rétention d’eau initiale de la paille est
par fermentation en milieu solide (FMS). sies pour obtenir une représentativité des de 90 %. Un flux d’air ascendant saturé en
La culture en milieu solide possède l’avan- genres, des espèces et des particularismes humidité est contrôlé à 120 ml/min par un
tage d’une charge en substrat beaucoup géographiques. Après une FMS dans des débitmètre à bille.
plus importante que pour une culture conditions favorables, diverses mesures Pour chacune des souches, les cultures
en milieu liquide, du fait de l’absence de ont été effectuées sur les pailles prétrai- colonnes FMS ont été triplées et les pailles
volume occupé par la phase aqueuse. Par tées (Zhou et al. en préparation). Celles-ci de blé prétraitées obtenues homogénéi-
comparaison, la FMS facilite l’attachement visaient notamment à explorer l’accessibi- sées pour fournir des lots de substrats en
des enzymes au substrat de par le réseau lité des sucres solubles dans l’eau et après quantités suffisantes pour leurs analyses.
mycélien. La diffusion de l’oxygène, néces- hydrolyse afin de déterminer les meilleures Ici aussi, un témoin (T) est réalisé (culture
saire à la délignification, est favorisée. De souches candidates pour la méthanisation. FMS sans inoculation).
plus, le coût est moindre par rapport à la Suite au crible, seize souches ont été pré-
culture liquide (moins d’agitation, d’aéra- sélectionnées. Mesure du potentiel méthanogène
tion et de chauffage) (Tian et al. (2012). ou BMP (Biochemical Methane
Le prétraitement fongique recherché devra Matériel et méthodes Potential)
entre-autres limiter l’hydrolyse des poly-
mères glucidiques (cellulose et hémicel- Prétraitement fongique Méthodologie
luloses) car il s’agit des substrats pour la Les BMP des pailles prétraitées ont été
production d’énergie. D’autre part, il fau- FMS en système miniaturisé mesurés afin de connaître la quantité maxi-
dra veiller à étudier la co-habitation de la Les seize souches candidates sont anony- male de méthane qui puisse être obte-
souche sélectionnée avec la flore endo- misées dans les résultats en vue d’un éven- nue pour ces substrats. Les fioles BMP de
gène, puisque cette dernière peut limiter tuel dépôt de brevet. Elles ont été cultivées 600 ml ont un volume utile de 400 ml, celui-
l’étape de prétraitement (consommation de nouveau en trois lots (ayant lieu à des ci contient le substrat (1,3 g MS/fiole), un
de sucres hydrolysés, limitation de l’im- moments différents dans l’année). Les pré- inoculum de méthaniseur (≈ 3 g MV/L), de
plantation du champignon retenu…). Les traitements ont été réalisés sur trois micro- l’eau, des macro- et micro-éléments ainsi
enjeux du projet consistent à préserver un plaques deep-weel (100 mg/puits soit envi- qu’un tampon bicarbonate afin de s’assurer
maximum de « potentiel d’utilisation de ron 2,5 g/deep-weel). Le substrat (paille de conditions optimales de méthanisation
la biomasse » (bioéthanol, biogaz et syn- stérilisée, broyée à 4 mm) est inoculé avec (voir Monlau et al., 2012 pour la composi-
thons) ; à identifier des conditions de stoc- une quantité standard de champignons tion exacte du milieu).
kage reproductibles et à favoriser la faisabi- et une solution nutritive est ajoutée. Cet Des duplicats ont été réalisés pour la paille
lité industrielle (minimisation des coûts…). ajout d’une source de carbone et d’azote a prétraitée en microplaques deep-weel et des
Le substrat retenu pour l’aspect biogaz est pour but d’assurer le début de croissance triplicats ont été effectués pour les souches
la paille de blé car  il s’agit : du champignon. Pour le lot 1, 200 mg de cultivées en colonne FMS. Les fioles sont
– d’un modèle expérimental notamment glucose/g MS de paille et 18,4 mg de ditar- placées à 36 °C sous agitation et le suivi de
parce que la composition de la matière trate d’ammonium/g MS ont été ajoutés tan- la production de biogaz se fait par mesure
100 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
de pression, jusqu’à la fin de production BMPX, starter et BMPT sont exprimés en de souches d’intérêt est encore réduit (voir
(phase plateau). La mesure de la composi- NmL/g MV prétraitée. encadré noir sur la figure 2) et jusqu’à 20 %
tion du biogaz a été effectuée pour chaque Lors du prétraitement il y a eu des pertes de d’amélioration peuvent être attendus.
relevé de pression avec une analyse par matière (de 10 à 20.5 % selon les souches) Les souches jugées comme non perfor-
micro-chromatographie en phase gazeuse : qui peuvent amoindrir l’efficacité du pré- mantes par rapport au critère Amélio-
Varian GC-CP4900 (voir Motte et al., 2014 traitement pour la conversion du substrat ration 1 appartiennent toutes exclusive-
pour plus de précision). Les valeurs des en méthane, en particulier si les pertes ment au lot 1 (souche B à H), elles ont reçu
volumes sont exprimées dans les condi- concernent les sucres fermentescibles. plus de starter (majoritairement du glu-
tions normales de température et de pres- Afin de considérer cette perte, les BMP ont cose) que les autres. Or, selon Reid et Des-
sion (NmL). été exprimés en NmL/g MS initiale et le champs (1991) le glucose comme co-subs-
ratio Amélioration 2 a été calculé : trat avec une lignine de synthèse limite-
Normalisation des résultats BMP Amélioration 2 = (BMPX - starter)/BMPT rait la délignification. Il est donc possible
Étant donné les deux concentrations dif- avec BMPX, starter et BMPT en NmL/g MS que la plus grande quantité de glucose
férentes de solution nutritive et les trois initiale reçue par le lot 1 ait limité la performance
séries de BMP, il a été choisi de normaliser des souches concernées. Des tests com-
les résultats pour pouvoir comparer tous les Résultats et discussions plémentaires sont cependant nécessaires
échantillons entres eux. Une correction du pour confirmer ou infirmer l’effet du glu-
BMP de la paille traitée (BMPX) est effectuée Échantillons issus des cultures FMS cose sur la délignification dans nos condi-
pour gommer l’effet de la solution nutritive. en microplaques deep-weel tions de culture. Il faut donc néanmoins
Cette correction est justifiée car la solution La figure 1 montre l’amélioration du poten- rester prudent quant à l’interprétation des
a été transformée en champignon (BMP tiel méthane par rapport à la paille témoin résultats du lot 1 en microplaques deep-
élevé) ou est restée sur la paille mais dans et rapportée à la matière volatile de pailles weel (souches B à H).
tous les cas, elle correspond à une biomasse prétraitées. Certaines souches ont un ratio
facilement dégradable. De plus, l’écart entre Amélioration 1 inférieur à un. Elles ont Comparaison avec les échantillons
le BMP de la paille témoin (BMPT) et le BMP donc un BMP moindre que celui de la paille issus des cultures FMS en colonnes
de la paille témoin avec starter correspond non traitée, il est possible que les consom- Afin de compléter les premières analyses,
à la quantité théorique de méthane attendue mations de cellulose et hémicelluloses d’autres essais de FMS ont été réalisés
pour le starter (données non montrées). Les aient été trop importantes, cette hypo- à plus grande échelle et avec les mêmes
BMP sont ensuite normalisés par rapport thèse devant être vérifiée. Ces souches conditions d’ajout de glucose (Tableaux I et
au BMP de la paille témoin pour calculer le ne semblent donc pas présenter d’intérêt II). Afin de pouvoir comparer ces résultats
ratio Amélioration 1 : vis-à-vis de l’objectif. D’un autre côté, les avec ceux obtenus en microplaques, l’amé-
Amélioration 1 = (BMPX - starter)/BMPT souches dont la valeur haute de l’écart-type lioration du BMP est exprimée comme
avec BMPX : BMP de la paille prétraitée par est supérieure à un sont intéressantes (voir suit : (BMPX – BMPT) /BMPT.
la souche X ; encadré noir sur la figure 1). Il peut être Dans ces conditions, certaines souches du
starter : quantité théorique de méthane pro- observé jusqu’à 40 % d’amélioration. lot 1 paraissent intéressantes c’est notam-
duite à partir de la solution nutritive ; Si l’on tient compte de la perte de matière ment le cas des souches G et F, ce qui
BMPT : BMP de la paille témoin. grâce au ratio Amélioration 2, le nombre semblerait démontrer l’effet négatif d’une

Figure 1 : ratio Amélioration 1, Figure 2 : ratio Amélioration 2,


amélioration du BMP rapportée à la en microplaques amélioration du BMP rapportée à la de pailles pré-traitées en microplaques par
par différentes souches. différentes souches.

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concentration trop élevée en glucose sur la humidité…) prévue dans la suite de ce tra- misation se fera en culture colonne (20 g
délignification. vail devraient permettre une plus grande MS) puis de la paille sera prétraitée en
Par comparaison avec les cultures en amélioration. En effet, elles ont une grande pilote (1 kg).
microplaques et sans prise en compte du influence sur le processus de délignifica- Le prétraitement de la paille à plus grande
lot 1 (souche B à H), les mêmes souches tion (Wan & Li, 2012). échelle soulève un besoin de limiter les
d’intérêt ressortent pour des résultats Enfin, on note un intérêt de la souche F pour contaminations du substrat afin de contrô-
rapportés à la matière volatile prétraitée le prétraitement, même après prise en compte ler la réaction. Si le prétraitement se fait
(figure 1 et Tableau I). Ainsi les souches des pertes de matières (Tableaux I et II). dans un réacteur, celui-ci devra être pensé
N, J, I et A permettent d’accroître le BMP Ici, seules les valeurs du potentiel métha- pour éviter des zones difficiles d’accès et la
(NmL/g MV) quel que soit le mode de FMS. nogène ont été étudiées mais le prétraite- marche à suivre en cas de développement
On remarque toutefois que la souche N ment fongique devrait aussi entraîner une important de contaminants est aussi en
donne de meilleurs résultats en colonne amélioration de la cinétique de production cours d’étude. Une réflexion est également
puisque le BMP (NmL/gMV) est amélioré de méthanisation. Celle-ci présenterait, en menée avec les partenaires industriels du
de 21 % contre moins de 2 % après culture effet, un intérêt pour les installations indus- projet (Solagro, Vivescia et Établissements
en microplaques. La souche E semble trielles. Elle sera étudiée dans la suite en Soufflet) quant à la conduite du prétraite-
quant à elle sans intérêt pour l’objectif fixé. réacteurs continus en voie sèche (15 L) et ment fongique à l’échelle industrielle. En
D’autre part, si le BMP par rapport à la MS voie humide (5 L). fin de projet (2015-2016), il est prévu d’uti-
initiale est observé (Tableau II), l’ordre lisée de la paille fongiquement prétaitée
croissant A, J, I est conservé de la même Conclusion en remplacement d’une partie de la ration
façon que dans Amélioration 2 (souche N Suite à ces premiers résultats, une souche d’un méthaniseur industriel.
déplacée). Cependant, de rares pailles pré- a été retenue. Il s’agit de la souche F qui
traitées en colonne ont un BMP supérieur donnait les meilleurs résultats en colonne Remerciements
à celui du témoin lorsqu’on tient compte même en tenant compte des pertes de Les auteurs remercient l’Agence Natio-
des pertes (c’est-à-dire par rapport à la matière. Pour cette souche, les paramètres nale de Recherche pour son soutien
MS initiale). L’optimisation des conditions de culture vis-à-vis de la délignification financier au travers du projet ANR-12-
de cultures (durée de FMS, température, « sélective » seront optimisés. Cette opti- BIOME-0009. n

Tableau I : BMP et amélioration apportée Tableau II : BMP et amélioration apportée
pour des pailles prétraitées en colonnes rapportés pour des pailles prétraitées en colonnes
à la MV 1 rapportés à la MS initiale 1
BMP BMP
Amélioration Amélioration
Souches (NmL CH4/g MV Ecart-type Souches (NmL CH4/g MS Ecart-type
(%) (%)
prétraitée) initiale)
E 178 17 –7 158 15 – 14
Témoin 192 9 A 162 1 – 12
A 202 2 5 N 163 12 – 11
I 204 3 6 J 167 3 –9
J 224 9 16 Témoin 184 9
G 232 3 17 G 185 2 0.6
N 245 18 21 I 191 8 4
F 258 8 28 F 210 7 14

1. Résultats non définitifs (plateau de fin de production non atteint)

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102 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


THÉMATIQUE MÉTHANISATION

Culture des microalgues


sur le digestat
et leurs utilisations
comme substrat
de la digestion anaérobie Saidane-Bchir Faten, Ganoun Hana, Hamdi
Moktar
Letmi -Insat

A
vec l’augmentation actuelle de limité le développement de cette technolo- lules/ml et la production de chlorophylle a,
la taille de la population mon- gie (Rawat et al, 2013). pigment majoritaire de la photosynthèse,
diale et la course acharnée vers La digestion anaérobie représente une ont été décrites par Saidane-Bchir et al.,
la recherche de la technologie et le confort, alternative prometteuse pour la produc- en 2011. Les cultures ont été réalisées
la demande et l’utilisation globale des car- tion de bioénergie. Ce procédé est rendu pendant 20 jours en conditions statiques,
burants, surtout d’origine fossile n’a cessé d’autant plus intéressant par l’apparition non stériles et à température de l’ordre de
d’augmenter. Ces carburants sont carac- du système à deux étages constitué d’une 18-20 °C.
térisés par un coût d’exploitation relati- digestion anaérobie couplée à la culture de L’analyse de la composition du digestat en
vement faible. Cependant, l’épuisement cellules algales (figure 1). minéraux après culture des microalgues a
imminent des plus grandes sources mon- Une limitation technico-économique s’im- été réalisée par spectrophotométrie d’ab-
diales ainsi que la détérioration attestée pose pour ce type de couplage et qui se sorption atomique.
de l’environnement ont détourné l’atten- manifeste au niveau de la culture et de la
tion vers la recherche de nouvelles sources bio-méthanisation des microalgues (Ras et Résultats et discussion
d’énergie renouvelables et non polluantes al, 2011). Nos travaux sont focalisés sur la L’isolement de microalgues a été réalisé
(Hamdi, 2010). sélection des souches de microalgues qui directement sur le digestat d’abattoir après
Le développement de bioénergies d’origine peuvent se développer sur le digestat dans exposition à la lumière. La culture sur
végétale a permis de trouver une alterna- le but de les recycler pour améliorer les milieu BBM solide a permis de purifier et
tive à cette course acharnée vers la produc- rendements de biogaz. d’isoler la souche obtenue. La caractéri-
tion d’énergie. Cependant, plusieurs pro- sation morphologique et l’utilisation des
blèmes ont freiné cet apogée. D’une part, Matériel et méthodes clés d’identification ont permis d’identi-
le problème environnemental dû à l’utilisa- L’optimisation de la culture de la souche fier la souche comme étant une Spongio-
tion massive des pesticides et d’autre part, de l’espèce Spongiochloris sp a été réali- chloris sp.
la crise alimentaire et la flambée des prix, sée par addition des minéraux au diges- Le plan d’Hadamard comporte 11 facteurs
conséquence flagrante de la compétition tat. Cette partie comporte deux principales (KH2PO4, K2HPO4, CaCl2, MgSO4, NaNO3,
pour les terrains agricoles. étapes : une pondération des éléments Na 2EDTA, FeSO 4, H 3BO 3, ZnSO 4, MnCl 2
Les cinq dernières années, la recherche ayant une importance pour la culture via le and NaHCO3) et 12 expériences ont mon-
s’est focalisée sur la production de biodie- plan d’Hadamard suivi d’une optimisation tré que l’addition de FeSO4 et de NaHCO3
sel à partir des microalgues. Cependant, de la concentration des facteurs influents (source de carbone) semble avoir une
les coûts de revient élevés, 4-20 €/Kg, et en utilisant le plan factoriel fractionnel 27-4. forte influence sur les trois réponses étu-
les problèmes techniques rencontrés ont L’estimation des MES, du nombre de cel- diées suivis du MgSO4 (le Mg étant l’atome
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rendement et/ou de la composition du bio-
gaz (Sialve et al., 2009) et qui est surtout
due à l’augmentation du rapport C/N (Ehi-
men et al., 2011). Ce procédé présente aussi
un impact positif sur l’environnement où
le digestat collecté du premier étage sera
épuré de manière biologique avec émission
de très faible pollution liquide et/ou gazeuse.
La culture de ces microalgues a été pos-
sible et performante en conditions non sté-
riles, donc pas de nécessité de coûts sup-
plémentaires pour le traitement thermique
du digestat. Cette complémentarité algue-
bactérie est surtout due à l’échange gazeux
O2/CO2 entre les deux microorganismes, ce
qui aide les bactéries à minéraliser la pol-
lution organique résiduelle et favorise la
croissance des microalgues (McGriff and
McKinney, 1972). De plus, un effet bac-
téricide de certaines espèces de microal-
gues a été rapporté dans plusieurs travaux
(Oswald, 2003 ; Schumacher et al., 2003) ce
qui représente un avantage supplémentaire
Figure 1 : Couplage de la digestion anaérobie et la culture de microalgues. très recherché pour l’épuration microbiolo-
gique des effluents liquides.
central de la molécule de chlorophylle importante dans le digestat d’abattoir. Le L’addition de certains minéraux en faibles
a) et du Na2EDTA (chélateur du fer). Le processus d’absorption est dû en fait, à un quantités de l’ordre de quelques milli-
MnCl2, le NaNO3 et le K2HPO4 présentent échange d’ions à travers les polysaccha- grammes par litre (Saidane-Bchir et al.,
des coefficients globalement positifs mais rides de la paroi cellulaire (Hammouda et 2011) a permis de multiplier la production
de moindre importance que les précédents. al, 1995). de microalgues par 4 après optimisation de
Les facteurs retenus avec la matrice d’Ha- Après culture des microalgues, le rejet la concentration en carbone, fer et magné-
damard : NaHCO3, K2HPO4, MgSO4, NaNO3, a aussi subi une décoloration. Ceci a sium dans le digestat d’abattoir.
Na2EDTA, FeSO4 et MnCl2 ont pu être opti- donc permis non seulement la culture de En plus de la production de biomasse,
misés en utilisant le plan 27-4. microorganismes à haute valeur ajoutée les microalgues sont connues pour leur
La production de biomasse et la syn- mais aussi d’épurer le digestat d’abattoir. absorption des minéraux ce qui permet
thèse de chlorophylle ont également aug- Cette épuration est due à la consommation l’épuration chimique du digestat. Plusieurs
menté. Le plan factoriel 27-4 a donc permis par les microalgues des nutriments (miné- publications scientifiques ont montré cet
de mettre en évidence l’importance d’uti- raux, phosphore, azote…) qui étaient pré- effet où les taux d’absorption ont dépassé
liser une teneur en FeSO4 aux alentours sents dans le milieu. les 90 % pour plusieurs minéraux tels que
de 5 mg/L. Par la suite, la variation de la La culture de microalgues sur le digestat le fer, le cuivre, le manganèse, le sodium et
teneur en fer entre 5 et 8 mg/L a permis d’abattoir a permis, non seulement d’épu- le potassium (Hammouda et al., 1995 ; Sai-
d’améliorer ces résultats en atteignant 53. rer cet effluent, mais aussi de trouver une dane-Bchir et al., 2011).
105 cellules par ml, 1 850 mg/L de biomasse alternative peu chère pour la culture de ces La valorisation de la biomasse obtenue per-
et jusqu’à 65 mg/L de chlorophylle avec microorganismes à haute valeur ajoutée, met de mettre en avant encore plus l’utilité
6,5 mg/L de FeSO4, c’est-à-dire qu’on a pra- même si on est obligé d’ajouter quelques de ce couplage. En effet, des microalgues
tiquement doublé les rendements en opti- minéraux pour améliorer les rendements. riches en lipides, surtout les acides gras
misant la teneur en fer. En effet, ces cellules étant riches en chlo- saturés, peuvent permettre la production
L’analyse des minéraux du digestat d’abat- rophylle et en carbohydrates (60-80 % par de biodiesel de haute qualité avec récupé-
toir avant et après culture a montré que le rapport à la matière sèche) ont aussi été ration et digestion anaérobie des résidus
minimum a été obtenu pour le Zinc avec utilisées avec succès pour la production cellulaires (Ehimen et al., 2011).
seulement 28.68 % d’élimination. Pour les de bioéthanol ce qui augmente encore plus De plus, des souches riches en carbohy-
autres éléments analysés, les taux d’élimi- leur valeur et nous pousse à optimiser et à drates ont été découvertes et utilisées pour
nation ont été assez intéressants puisqu’ils améliorer leur culture. la production de bioéthanol avec des ren-
ont varié entre 69.2 % (pour le calcium) et Le couplage entre culture de microalgues dements qui dépassent 40 % par rapport à
98.59 % (pour le potassium). Ceci indique et digestion anaérobie est très important la matière sèche. Ces souches sont aussi
donc qu’il y a eu une épuration chimique dans la mesure où on a une amélioration du caractérisées par un rendement C/N élevé,
104 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com
d’où leur grand intérêt pour la méthanisa- faible teneur en C/N (Sialve et al., 2009). de biogaz et de biomasse à haute valeur
tion, ce qui permet d’augmenter les rende- Le couplage entre microalgues et diges- ajoutée. Ces deux dernières années, nos
ments en biogaz et/ou en CH4 dans le bio- tion anaérobie représente une solution recherches se sont focalisées pour déve-
gaz (Ward et al, 2014). Les microalgues fiable pour un traitement total (chimique lopper ce procédé afin de trouver la meil-
riches en protéines présentent des limita- et microbiologique) des effluents liquides leure configuration technologique et d’op-
tions pour la méthanisation à cause de la avec double valorisation par la production timiser les conditions opératoires. n

Références bibliographiques

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THÉMATIQUE MÉTHANISATION

La méthanisation
des fumiers,
le procédé Ducelier-Isman
Theoleyre Marc-André
Ecole Centrale

D
ans les années 40-50, la métha- ont obtenus au cours des campagnes 1986- ser 2,3 m.
nisation des fumiers a été étu- 1987 sur le site expérimental de la ferme La cuve doit répondre à 3 impératifs tech-
diée à l’école d’agriculture d’Al- expérimentale de Boigneville (78). niques :
ger par les professeurs Isman et Ducellier. – Solidité : Les cuves sont réalisées en
Après le deuxième choc pétrolier, au début L’installation pilote béton armé vibré, parois et portes sont cal-
des années 80, les instituts techniques agri- de Boigneville culées pour encaisser une poussée équiva-
coles se sont intéressés à la production Les principes de base, retenus pour la lente à 2,3 m de hauteur d’eau.
de gaz à partir des sous-produits de l’ac- conception de cette installation étaient : – Étanchéité aux liquides et aux gaz.
tivité agricole. À l’ITCF, aujourd’hui Arva- – Aération des fumiers en place pour – Isolation thermique soignée pour mainte-
lis, Hubert Monrocq et Jean Pregermain, emmagasiner rapidement une grande quan- nir une température intérieure de 30 à 40 °C.
se sont intéressés à la méthanisation des tité de chaleur et chauffer de façon homo- L’installation pilote de Boigneville était
substrats solides, fumiers, en partant des gène l’ensemble de la masse. constituée de deux méthaniseurs de 15 m3
travaux d’Isman et Ducelier. Ce sont leurs – Immersion totale du fumier en utilisant chacun, 13 m3 utile, du type silo couloir
travaux, financés et publiés par l’AFME (ex un pied de cuve qui assure la mise en anaé- fermé par une porte étanche.
ADEME) qui sont présentés ici. robiose rapide, l’ensemencement et l’ho- Le chargement et le déchargement se font
Les principes de base définis par les concep- mogénéisation des conditions de milieu avec une fourche hydraulique. Des caille-
teurs du procédé étaient les suivants : (température…). bottis bovins ou rainurage en fond de cuve
– Le procédé doit être simple, fiable et Le matériel courant d’une exploitation doit permettent l’aération initiale.
reproductible. pouvoir pénétrer dans la cuve pour la rem- La cuve est fermée par un couvercle amo-
– Le matériel classique de l’exploitation plir et la vider. Elle doit donc être équipée vible pour la récupération du gaz, l’étan-
agricole doit suffire à la manutention des d’une porte d‘au moins 2,5 m de large. Le chéité est assurée par un joint d’eau. Le
produits. remplissage total étant effectué une fois la fumier est maintenu immergé par des barres
Les résultats présentés ici sont ceux qu’ils porte fermée, la hauteur ne doit pas dépas- anti-flottaison, placées sous le couvercle.

Figure 1: a : vue de l’intérieur d’un silo, réservations pour la distribution de l’air, b : déchargement d’un fermenteur.

106 - L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES - HORS SÉRIE MÉTHANISATION www.revue-ein.com


Figure2a : fermenteurs en fonctionnement. 2b : fermeture, porte et couvercle.

que l’échauffement soit aussi homogène que


possible sans sécher ni refroidir le fumier.
Son débit ne doit pas dépasser 1 à 2 m3/m3/h,
de façon continue ou discontinue pendant
une période de 24 à 36 h, durée au-delà de
laquelle la température se stabilise.
La ventilation initiale entraîne un tasse-
ment qui autorise un chargement supérieur
d’environ 15 % de la cuve, respectivement
15 m3 et 13 m3/d. Les deux essais, même
matière première, étant conduits à la même
­température, les productions spécifiques
(m3/kgMS) sont identiques.
Pour être efficace, l’humidité de la matière
Figure 3 : vue en perspective d’un fermenteur. doit être de l’ordre de 60 à 75 %, pour les
fumiers humides, la température finale est
Principes du procédé utilisée pour augmenter la température du plus faible. Les fumiers très compactés, peu
Ducelier-Isman tas de façon homogène et créer les condi- perméables à l’air, chauffent mal. Par com-
Ce procédé est basé sur plusieurs observa- tions favorables au bon démarrage de la fer- paraison avec une fermentation sans venti-
tions. mentation. Le fumier est plutôt un isolant et lation préalable mais dont la température a
Pour des substrats tels que les fumiers, le son chauffage par une autre méthode serait été contrôlée par un chauffage extérieur, on
contrôle de la méthanisation passe par le long et aléatoire. a pu estimer que la ventilation permettait
contrôle de la température de fermentation Cette aération doit se faire en conservant une économie de chauffage de l’ordre de
et par la mise en anaérobiose rapide de la une faible vitesse de passage de l’air pour 15 kWh/m3 de fumier.
matière à fermenter.
Les fumiers sont de mauvais conducteurs de
la chaleur, difficiles à réchauffer. Par contre,
leur aération permet de développer une fer-
mentation aérobie très exothermique, des
températures de l’ordre de 70 °C sont ainsi
atteignables.
Ce sont des milieux poreux peu homogènes,
la circulation des liquides y est assez capri-
cieuse et le volume d’air contenu y est assez
important.

Contrôle de la température,
la préfermentation aérobie
L’aération d’un fumier humide provoque une Figure 4 : Evolution des températures à différentes hauteurs, en cours de ventilation et après
réaction fortement exothermique, elle est l’immersion.

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Bilan hiver 1984 Effet aération m3 pour les litières accumulées et 125 kg
ms fumier % 28,5 de M.S./m3 pour les fumiers évacués tous
AERAT° oui Non les jours.
Les résultats présentés correspondent à
fumier chargé t 7,34 6,35
ceux obtenus pendant les différentes cam-
T immersion °c 36 25
pagnes d’essais d’août 1980 à août 1984.
prod gaz m 3
470 410 Les performances obtenues avec ces
teneur CH4 % 52 53 fumiers sont très hétérogènes, de 75 m3/
energie produite kwh 2302 2047 tms à 317 m3/tms, pour des cycles de 35
energie conso kwh 861 1023 jours.
energie nette kwh 1441 1024
La densité de chargement semble avoir
une influence, pour les fumiers 2 et 9, très
prod specif m /kgms
3
225 227
dégradés, très compacts, présentant une
Figure 5 : Comparaison de deux productions, avec et sans ventilation initiale, même matière première densité de chargement de l’ordre de 200
(VL), durée 42 jours, temp 39°C. kgMS/m3 la production de gaz était faible,
92 et 75 m3/tms. Pour des fumiers pailleux,
Au final, la préfermentation aérobie permet L’immersion impose des contraintes tech- « légers », peu évolués (essais 6 et 7), leurs
d’assurer une température de ­fermentation niques : la cuve doit résister à la poussée du productions spécifiques de gaz se situent
optimale à l’immersion, une augmentation liquide et il faut prévoir un système mainte- à plus de 300 m3/tms. Une limite au tas-
du taux de chargement, et donc une amé- nant le fumier immergé. sement de la matière semble devoir être
lioration du bilan énergétique net. Nous observée. Pour une épaisseur moyenne
n’avons pas observé de perte mesurable de Comparaisons de différentes de fumier de 2 m, le maximum admissible
potentiel CH4. matières premières, résultats semble se situer autour de 150 -170 kg de
Les fumiers étant très hétérogènes, ils sont M.S./m3.
Immersion des fumiers difficiles à caractériser simplement, au L’humidité est un paramètre fondamental :
L’anaérobiose, condition de la méthanisa- regard de leur aptitude à la méthanisation. en dessous de 50 % d’humidité, l’activité
tion, est facilement obtenue par immersion Ils présentent des comportements diffé- bactérienne est très ralentie. Ils chauffent
du fumier. En introduisant dans la cuve de rents suivant l’âge, le type d’élevage et l’es- mal et nécessitent une humidification préa-
l’eau, puis « un pied de cuve » provenant pèce considérée. lable jusqu’à 60-70 % d’eau. C’est le cas pour
d’une fermentation précédente, cette pra- Les critères objectifs les plus pertinents les fumiers de volailles trop secs (essai 9).
tique permet un ensemencement du fumier pour caractériser un fumier sont : Par contre, les fumiers trop humides, et
et un démarrage plus rapide de la fermen- – le taux de matière sèche (M.S. en % du trop denses (essai 8) ne sauraient être trai-
tation. poids humide) tés efficacement selon ce procédé. On se
L’immersion à l’eau permet d’obtenir un – le poids spécifique (Kg/m3) méfiera des produits ayant moins de 20 %
gaz combustible au bout de 6 jours, cette Ils dépendent de la quantité de paille dis- de matière sèche. L’efficacité de l’aération
durée serait encore beaucoup plus longue tribuée par animal mais aussi de l’âge du permet de limiter l’autoconsommation à
sans immersion. Si l’immersion est réa- fumier. moins de 20 %.
lisée avec un pied de cuve provenant Ces deux critères permettent d’évaluer Pour l’essai 10, l’immersion à l’eau explique
d’une fermentation précédente, ce délai la densité de chargement (poids de M.S./ une production en 35J plus faible que pour
est réduit à deux jours et la cinétique est volume de fumier installé) dont dépend l’essai 11.
nettement accélérée. La production totale directement la production de gaz. Pour La mise en œuvre de ce procédé conduit
pour un cycle de 42 jours est supérieure nos essais, cette densité de chargement, se à un démarrage plus rapide de la fermen-
de 11 %. situait, en moyenne, entre 175 kg de M.S./ tation et à une accentuation du carac-
tère dissymétrique de la cinétique de
fumier chargé t 6,26 pro­duction de production de gaz en dis-
Taux ms fumier % 35,5 continu.
Pour assurer une production à peu près
durée fermentation j 42
constante, au minimum, trois fermenteurs
ventilation h 24
en parallèle sont nécessaires.
immersion eau pied cuve
nb j/gaz combustible 6 2 Conclusion
prod gaz m3 431 480 Le procédé Ducelier-Isman, constitue un
teneur CH4 % 53 52 procédé fiable et reproductible pour autant
prod specif m /kgms
3
193 216
que la matière première s’y prête, humi-
dité 20-50 % ms, densité de chargement
Figure 6 : Effet du recyclage du pied de cuve, fumier vache laitière. < 200 kgMS/m3.
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N° essai 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
type fumier mouton mouton bovin bovin bovin poulet cheval porc poulet bovin bovin
date (mm,aa) 08-80 10-80 12-80 01-81 03-81 06-81 07-81 12-81 04-82 06-84 08-84
Matière première
MS % 33 36 29 31 28 56 49 19 67 37 34
poids spécif kg/m 3
440 540 480 380 500 260 200 720 313 445 466
dens chgmt kgMS/m3 144 204 135 120 140 146 101 134 207 165 160
PREFERM AEROBIE
durée h 25 38 40 0 0 30 28 45 30 20 17
T moy finale °C 70 65 70 35 28 70 70 45 49 72 70
T immersion °C 30 50 36 22 25 37 30 35 28 36 35
FERMENTATION 35 Jours
T moy °C 39 42 39 39 39 39 39 37 40 38 39
teneur CH4 % 55 59 52 54 53 51 49 57 45 55 56
Product° gaz m3 415 300 442 290 380 564 468 475 218 394 459
Prod spécif m3/tms 188 92 214 190 209 317 310 232 75 170 210
Prod moy m /m /j
3 3
0,79 0,57 0,84 0,55 0,72 1,1 0,89 0,9 0,41 0,80 0,98
autocons % 18 3 37 57 51 17 22 13 60 18 4
Figure 7: Résultats d’essais de production de biogaz à partir de divers fumiers, tests réalisés à L’ITCF. Volume total cuve= 15 m3, durées normalisées de
35 jours, température maintenue entre 39 et 42°C.

La préfermentation aérobie permet de béné-


ficier d’une température optimale à l’im-
mersion et par conséquent, un démarrage
rapide de la production de gaz et une limi-
tation du besoin de chauffage. L’immersion
par un pied de cuve diminue la phase de
latence de 6 à 2 jours. La production d’un
gaz combustible est plus rapide.
Pour les fermentations conduites dans de
bonnes conditions, densité de chargement
< 200 kgMS/m3, préfermentation aérobie et
Immersion par un pied de cuve actif, les per-
formances suivantes sont raisonnables, (35
jours, 39 °C).

Production spécifique en 35 j : 260 m3/tms


Production moyenne unitaire : 0,95 m3/m3/j
Figure 8 : Cinétique caractéristique de production de gaz, cycles de 40 jours. Taux CH4 : 53 %
n

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