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BROUET MASTER 1 ATRIDA

Julian

Compte-rendu article :

Les monnaies athéniennes au Ve-IVe siècles av. n. è., des mines du Laurion
au marché de la Cité

Christophe Flament est un jeune chercheur qui, depuis 2014 est professeur au
Département de Langues et Littératures classiques, à l’Université de Namur et professeur en
Maîtrise à l’Université catholique de Louvain. Depuis 2006, il est également chercheur associé
aux travaux de l’École française d’Athènes.
Ses principaux domaines sont l’histoire institutionnelle et l’histoire économique du
monde grec, plus précisément l’étude des systèmes économiques et des pratiques monétaires
des cités de la Grèce antique dans leur contexte social, institutionnel et historique. Ces domaines
d’activités lui valent de nombreuses publications, dont plusieurs consacrées à l’étude de
l’économie et des finances athéniennes à l’époque classique, 1 qui lui permettent d’obtenir le
Prix Quinquennal Joseph Gantrelle (Philologie classique) de l’Académie Royale des Sciences,
des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Ou encore, l’étude des ateliers monétaires2 et des
monnayages établis à l’époque archaïque et classique3, y compris une étude sur les monnaies
dites d’imitations4. Tant d’ouvrages essentiels à la compréhension de l’époque classique
athénienne et de ces mécanismes économiques.

1
Flament, C. (2007) : « Une économie monétarisée : Athènes à l’époque classique (440-338) ». Contribution à
l’étude du phénomène monétaire en Grèce ancienne, Louvain — Namur.
2
Flament, C. (2010) : « Contribution à l’étude des ateliers monétaires grecs. Étude comparée des conditions de
fabrication de la monnaie à Athènes, dans le Péloponnèse et dans le royaume de Macédoine à l’époque classique »,
Louvain-la-Neuve.
3
Flament, C. (2007) : « Le monnayage en argent d’Athènes. De l’époque archaïque à l’époque hellénistique
(c. 550-c. 40 av. J.-C.) », Louvain-la-Neuve.
4
Flament, C (2011) : « Faut-il suivre les chouettes ? Rélexions sur la monnaie comme indicateur d’échanges à
partir du cas athénien d’époque classique », dans Homas Faucher, Marie-Christine Marcellesi, Olivier Picard (éd.),
Nomisma : la circulation monétaire dans le monde grec. Actes du colloque international (Athènes, 14-17 avril
2010), supplément no 53 du Bulletin de Correspondance Hellénique, Athènes — Paris, École française d’Athènes
— De Boccard, 39-51.
Ces différentes publications font suite au travail d’une dissertation doctorale réalisée
entre 2002 et 2006, intitulée : « Étude des systèmes économiques et des pratiques monétaires
dans les cités de la Grèce antique » ; recherches aboutissants au mandat d’aspirant du Fonds
National de la Recherche scientifique. L’article que nous proposons de donner sous forme d’un
compte rendu, intitulé : « Les monnaies athéniennes au Ve-IVe siècles av. n. è., des mines du
Laurion au marché de la Cité » s’inscrit logiquement dans ce travail d’érudition.

Depuis Christopher Howgego5, Olivier Picard6, Colin M. Kraay7, ou encore François


de Callataÿ8, on lie généralement l’intensité des frappes monétaires à celles des conflits
monétaires. De même que nous admettons que la monnaie serait essentiellement produite pour
financer le paiement des troupes. Cependant pour le chercheur belge, la finalité en serait tout
autre pour l’archè. En effet, il suggère que le processus d’exploitation et de production
monétaire dépendrait étroitement des entrepreneurs miniers et que la destination de ces
monnaies nouvellement frappées serait bien plus complexe que ce que nous pourrions
l’entendre. Tout comme ces chercheurs précédemment cités, Christophe Flament se questionne
sur la raison de ces frappes à Athènes et sur leur destination. Il soutient que l’argent monnayé
produit à Athènes servait à alimenter plusieurs marchés économiques au sein de la Cité et non
exclusivement au financement des soldats.
Afin de développer cette hypothèse, il propose de retracer de manière détaillée les
mécanismes monétaires propres à Athènes, en s’intéressant aux éléments qui pourraient retracer
le parcours de transformation que suivait l’argent à Athènes, depuis l’extraction du minerai
d’argent, jusqu’à sa transformation en pièce de monnaie.
Pour cela, il choisit d’argumenter ses propos en évaluant tout d’abord le seuil minimal
de rentabilité pour le secteur minier, en donnant une estimation des coûts engendrés par
l’exploitant pour l’exploitation des gisements des mines du Laurion. Une fois cette tâche menée,
il propose ensuite de clarifier les relations qui unissent l’exploitation minière et la production
monétaire par l’analyse de plusieurs documents épigraphiques.
Pour répondre à cette première problématique, l’auteur passe en revue de nombreux
documents épigraphiques et passages d’auteurs antiques. En effet, afin de calculer le seuil
minimal de rentabilité pour les exploitants, Flament n’hésite pas à mobiliser la célèbre stèle des

5
Howgego, C.J. (1990) : « Why did ancient states strike coins », The Numismatic Chronicle, 150, 2.
6
Picard, O. (2000) : « Le monnayage des cités grecques et la guerre », Revue Numismatique, 6, 155, 7.
7
Kraay, C.M. (1984) : « Greek monnayage and War, Ancient Coins of the Graeco-roman World, The Nickle
Numismatic Papers », éd. W. Heckel - R. Sullivan, 1984, p. 3-18.
8
Callataý, F. (1997) : L’histoire des guerres mithridatiques vue par les monnaies, Louvain.
Polètes — document épigraphique du IVe siècle regroupant de nombreuses adjudications de la
Cité — et à multiplier les passages d’auteurs classiques. Citant par exemple des auteurs comme
Aristote au travers de la « Constitution d’Athènes », ou encore Hérodote avec les « Histoires »,
Démosthène au travers de plusieurs plaidoyers et enfin Xénophon avec les « Revenus ». Tout
autant d’auteurs contemporains de l’époque classique et de ces problématiques, qui permettent
d’enrichir la qualité de ses propos.
On appréciera son style d’écriture, et la manière dont l’auteur parvient à rendre
compréhensible ses propos. De même que la présence d’un tableau synthétisant l’ensemble des
éléments nécessaire à l’estimation des frais engendrés par l’exploitation minière, et l’ajout des
traductions et des passages originaux qu’il cite, permettent d’appuyer son argumentaire et de
confirmer la volonté de l’auteur de rendre ses propos accessibles à un public qui n’est pas
forcément spécialiste.
Grâce à ces sources, Flament parvient à estimer ce seuil à minimum de 800 talents. En
effet, ce montant provient de l’addition des éléments disponibles au chercheur. Comprenant
notamment l’estimation des redevances versées à l’État (environ 180 talents), le cout de la
location des esclaves et les frais nécessaires à leur « fonctionnement ». On regrettera cependant
l’absence d’estimation pour les frais divers comme le bois et le charbon et la location des
installations métallurgiques. Malheureusement, ces sources ne sont pas disponibles, mais elles
n’empêchent pas la précision de sa synthèse et ne remettent pas en cause la qualité de son
argumentation. Une fois ce seuil établi à un minimum de 800 talents, la démarche de l’auteur
s’articule ensuite autour des modalités de conversion de l’argent brut.
Pour aborder cette idée, Christophe Flament choisit tout d’abord d’utiliser le décret sur
les poids et les normes athéniennes — le célèbre décret mis en place à partir de 415 avant J.C.,
au moment de la reprise des hostilités entre Athènes et Sparte, après la paix de Nicias. Très
lacunaire, la section V se contente seulement d’indiquer que des opérations de monnayage
pouvaient se tenir dans l’atelier. Un élément que nous retrouvons également dans un extrait des
comptes à apousia du corpus delphique, mais qui à la différence du précédent, précise les
modalités de rétribution des monnayeurs chargés des opérations. D’après Flament, ce sont les
artisans monnayeurs (argurokopoi) qui se chargeaient de convertir les stocks d’argent en
monnaie nouvelle, en échange d’un prélèvement calculé selon le poids du stock d’argent.
Cette seconde partie ne souffre pas non plus d’un manque de recherche. En effet,
l’auteur est capable de propose une diversité de documents épigraphiques pour renforcer son
argument. Allant même jusqu’à mobiliser des documents sortis de leur contexte historique. Par
exemple, Flament propose d’utiliser l’article 11 de la loi du 7 germinal 1803. Celle-ci a le
mérite de trouver son compte par des similitudes avec la situation athénienne à l’époque
classique, et plus particulièrement avec la section d’IG I3 1453, sur le fait que seuls les frais de
fabrication calculés au poids étaient exigés par les particuliers pour la fabrication des monnaies.

Ainsi, en retraçant le parcours de transformation de l’argent, depuis son extraction


jusqu’à la frappe des monnaies, Flament a été capable de montrer que les entrepreneurs miniers
jouaient un rôle essentiel dans l’économie athénienne. C’est par le biais de l’activité minière et
de ces différents points que l’auteur a été capable de démontrer que la frappe de monnaie ne
permettait pas de financer uniquement le paiement des soldats. Mais plutôt de financer un
marché plus complexe. En effet, l’activité minière nécessitait un investissement important
comprenant la location d’esclaves, la location des beaux miniers en échange d’une redevance,
ou encore l’entretien de l’effectif et la location des installations de traitement. Autant de frais
que l’entrepreneur devait s’acquitter s’il souhaitait exploiter les gisements d’argent. Ces
différents frais étaient exclusivement payables en monnaie athénienne. Et par la variété de ces
frais, il est possible d’identifier les différents canaux que pouvaient emprunter ces monnaies
nouvellement frappées. En exploitant les mines, les entrepreneurs miniers participaient
indirectement au développement d’un commerce local. Commerces frumentaires, commerce
servile, commerce religieux ou encore au financement des infrastructures publiques établies sur
l’agora et l’Acropole au préalable de la redevance.
Si nous devions donner les limites d’un tel sujet, il nous faudrait simplement reprendre
les propos de Christophe Flament. Rappelant qu’Athènes était à l’époque classique, une cité
complexe. Complexe d’un point de vue politique par l’adoption d’un régime politique inédit
pour l’époque, mais également complexe d’un point de vue économique. À la tête d’une
thalassocratie, Athènes était capable de subvenir à ces besoins parce qu’elle disposait sur son
territoire au Sud de l’Attique, des mines du Laurion. Mines qu’elle exploitait depuis l’époque
archaïque sous Pisistrate. Par ces critères, Athènes constitue donc une entité à elle seule. Par
conséquent et comme le rappelle Flament, l’enjeu de déterminer les modalités
d’approvisionnements et de fonctionnement des ateliers monétaires des autres cités posent des
problèmes en raison de l’absence de ces critères. Une telle étude ne peut être possible qu’à
Athènes tout simplement parce qu’il s’agit du lieu où le corpus épigraphique et littéraire est le
plus abondant du monde grec.
Au travers de ces différents circuits économiques, il serait également intéressant de se
questionner sur la proportion des monnaies qui partaient directement à l’étranger sur les
marchés extérieurs notamment par le biais des soldats. En effet nous savons que les soldats
pouvaient dépensaient la moitié de leur solde lorsqu’ils étaient en mission. Cette étude pourrait
notamment être envisagée par l’étude des Historiai de Thucydide9 et par les comptes des trésors
de la divinité Athéna, pour laquelle nous avons une connaissance détaillée par un travail
abondant de l’érudition.

9
Se référer à la traduction française de la guerre du Péloponnèse par Jacqueline de Romilly.

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