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Université Mohammed Premier

Faculté des sciences Oujda

Département de Mathématiques et Informatiques

Master Théorie spectrale et applications

Module :

Semestre 2

Théorie des opérateurs linéaires I

Mourad OUDGHIRI

Juin 2012
Copyright © 2012 Mourad Oudghiri

U NIVERSITÉ M OHAMMED P REMIER


FACULTÉ DES S CIENCES , O UJDA

Juin 2012
Table des matières

1 Préliminaires 1
1.1 Théorèmes de Hahn-Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Orthogonalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.3 Théorèmes de Cauchy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.4 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

2 Régularités et calcul fonctionnel holomorphe 7


2.1 Régularités dans les algèbres de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2.2 Calcul fonctionnel holomorphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

3 Opérateurs bornés 17
3.1 Rappels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.2 Adjoint d’un opérateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.3 Spectre d’un opérateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
3.4 Résolvante d’un opérateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.5 Partie quasi-nilpotente et coeur analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
3.6 Coeur algébrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.7 Coeur analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.8 Décomposition spectrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
3.9 Ascente, descente et pôles de la résolvante . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.10 Spectres approximatif et surjectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.11 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

4 Opérateurs compacts 57
4.1 Rappels de topologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
4.2 Propriétés générales des opérateurs compacts . . . . . . . . . . . . . . . 58
4.3 Théorie spectrale des opérateurs compacts . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
4.4 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

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iv

5 Opérateurs semi-réguliers 69
5.1 Métrique du gap . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
5.2 Conorme d’un opérateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
5.3 Opérateurs semi-réguliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
5.4 Spectre semi-régulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
5.5 Résolvante généralisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
5.6 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93

6 Opérateurs de Fredholm 95
6.1 Opérateurs de Fredholm et opérateurs Semi-Fredholm . . . . . . . . . . 95
6.1.1 Algèbre de Calkin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
6.2 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

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Chapitre 1

Préliminaires

Tout au long de ce cours, X et Y dénotent deux espaces de Banach complexes


non réduits à zéro.

1.1 Théorèmes de Hahn-Banach


On note par X ∗ le dual topologique de X , i.e. l’espace de Banach des formes
linéaires continues f : X → C muni de la norme

∥ f ∥= sup{| f (x)| :∥ x ∥≤ 1}.

Théorème 1.1.1 (Forme analytique du Théorème de Hahn-Banach). Soient M un


sous-espace de X et f ∈ M ∗ . Alors il existe une forme linéaire g ∈ X ∗ qui prolonge f
et telle que ∥ g ∥=∥ f ∥.

Théorème 1.1.2 (Forme géométrique du Théorème de Hahn-Banach). Soient C et


K deux ensembles convexes disjoints de X . Si C est fermé et K est compact, alors il
existe ϕ ∈ X ∗ tel que
sup Reϕ(x) < inf Reϕ(y).
x∈C y∈K

1.2 Orthogonalité
Soit M un sous-ensemble de X . L’orthogonal de M dans X ∗ est défini par

M ⊥ = { f ∈ X ∗ : f (x) = 0 pour tout x ∈ M }.

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2 Préliminaires

Soit L un sous-ensemble de X ∗ . L’orthogonal de L dans X est défini par


L = {x ∈ X : f (x) = 0 pour tout f ∈ L}.

Il est clair que M ⊥ et ⊥ L sont des sous-espaces fermés.


Pour tout sous-ensemble A de X , on note par Vect(A) le sous-espace engendré
par A.

Théorème 1.2.1. Soient M et L des sous-ensembles de X et X ∗ respectivement. Alors

⊥ ∗
(M ⊥ ) = Vect(M ) et (⊥ L)⊥ = Vect(L) .

Preuve. Montrons que ⊥ (M ⊥ ) = vect(M ). Il est clair que vect(M ) ⊆⊥ (M ⊥ ). Soit x ∈⊥


(M ⊥ ), si x ∉ vect(M ) alors il existe ϕ ∈ X ∗ tel que ϕ(x) , 0 et ϕ(y) = 0 pour tout
y ∈ vect(M ), en particulier ϕ ∈ M ⊥ . Or x ∈⊥ (M ⊥ ), donc ϕ(x) = 0, absurde.
∗ ∗
Reste à montrer que (⊥ L)⊥ = vect(L) , évidemment vect(L) ⊆ (⊥ L)⊥ . Soit ϕ ∈ (⊥ L)⊥ ,

si ϕ ∉ vect(L) , alors il existe une forme linéaire g continue sur (X ∗ , σ(X ∗ , X )) tel

que g (ϕ) , 0 et g (ψ) = 0 pour tout ψ ∈ vect(L) , en particulier g |L = 0. D’autre part,
il existe x ∈ X tel que g (ψ) = ψ(x) pour tout ψ ∈ X ∗∗ , donc g (ϕ) = ϕ(x) , 0. Pour
tout ψ ∈ L on a g (ψ) = ψ(x) = 0, donc x ∈⊥ L, par suite ϕ(x) = 0, absurde. 

Théorème 1.2.2. Soient {M i }i ∈I une famille de sous-ensembles de X et {L j } j ∈J une


famille de sous-ensembles de X ∗ . Alors

(∪i ∈I M i )⊥ = ∩i ∈I M i⊥ et ⊥ (∪ j ∈J L j )⊥ = ∩⊥
j ∈J L j .

Preuve. Une simple vérification. 

Notons aussi que si M 1 et M 2 sont deux sous-espaces de X , et L 1 ,L 2 sont deux


sous-espaces de X ∗ , alors (M 1 + M 2 )⊥ = M 1⊥ ∩ M 2⊥ et ⊥ (L 1 + L 2 ) =⊥ L 1 ∩⊥ L 2 .

Théorème 1.2.3. Soient M 1 et M 2 deux sous-espaces fermés de X . Alors les assertions


suivantes sont équivalentes :
(i) M 1 + M 2 est fermé ;
(ii) M 1⊥ + M 2⊥ est fermé ;
(iii) (M 1 ∩ M 2 )⊥ = M 1⊥ + M 2⊥ ;

(iv) (M 1⊥ ∩ M 2⊥ ) = M 1 + M 2 .

Rappelons que la somme de deux sous-espaces fermés n’est pas en général un


sous-espace fermé.

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1.3. Théorèmes de Cauchy 3

Théorème 1.2.4. Soient M et F deux sous-espaces de X . Si M est fermé et F est de


dimension finie, alors M + F est un sous-espace fermé.

Preuve. On suppose que M est fermé et F est de dimension finie. Notons π : X →


X /M la surjection canonique, comme dimπ(F ) ≤ dimF < ∞ alors π(F ) est un sous-
espace fermé de X /M par conséquent π−1 (π(F )) = M + F est fermé. 

Notons aussi qu’un sous-espace fermé de X ne possède pas toujours un supplé-


mentaire topologique dans X .

Théorème 1.2.5. Tout sous-espace de dimension finie, ou de codimension finie, pos-


sède un supplémentaire topologique.

1.3 Théorèmes de Cauchy


Définition 1.3.1. Une courbe γ : [a, b] → C est dite fermée lorsque γ(a) = γ(b).

Soit γ la courbe rectifiable fermée définie par γ(t ) = a + e i 2πnt pour 0 ≤ t ≤ 1, où


n est un entier relatif. Alors
Z 1
1 dz 1 1
Z
= i 2πne i 2πnt dt = n.
2πi γ z − a 2πi 0 e i 2πnt
1
R dz
Ainsi 2πi γ z−a représente le nombre de tours fait par γ autour de a, en comptant
positivement les tours effectués dans le sens direct, et négativement ceux effectués
dans le sens rétrograde.

Soit γ est une courbe rectifiable fermée et a ∉ {γ}. On appelle indice de γ par
rapport à a le nombre :
1 dz
Z
Indγ (a) = .
2πi γ z −a
On vérifie facilement que Indγ (a) = −Indγ−1 (a) pour tout a ∉ {γ}.

Théorème 1.3.2. Soit γ une courbe rectifiable fermée. Alors Ind est une fonction à
valeurs dans Z, constante sur chaque composante connexe de C \ {γ} et égale à zéro
sur la composante non-bornée.

Si Γ est une famille finie de courbes rectifiables fermées, γ1 , γ2 , · · · , γn , alors on


pose {Γ} = ∪ni=1 {γi }, et

1
Z
dz X n 1
Z
dz
IndΓ (a) = = pour tout a ∉ {Γ}.
2πi Γ z −a i =1 2πi γi z −a

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4 Préliminaires

Les deux théorèmes suivants sont très bien connus pour les fonctions analy-
tiques à valeurs complexes. Pour les généraliser aux fonctions analytiques vecto-
rielles il suffit de composer avec les formes linéaires continues.

Théorème 1.3.3 (Théorème de Cauchy). Soient G un ouvert de C et f : G → X une


fonction analytique. Si Γ = {γ1 , γ2 , · · · , γn } est une famille de courbes rectifiables fer-
mées dans G telle que IndΓ (w) = 0 pour tout w ∈ C \ G, alors
Z n Z
X
f = f = 0.
Γ i =1 γi

Théorème 1.3.4 (Formule intégrale de Cauchy). Soient G un ouvert de C et f : G → X


une fonction analytique. Si Γ = {γ1 , γ2 , · · · , γn } est une famille de courbes rectifiables
fermées dans G telle que IndΓ (w) = 0 pour tout w ∈ C \G, alors

1 f (z)
Z
IndΓ (a). f (a) = dz pour tout a ∈ G \ Γ.
2πi Γ z − a
Une famille Γ = {γ1 , γ2 , · · · , γn } de courbes fermées rectifiables est dite orientée
positivement si
(i) {γi } ∩ {γ j } = ; pour i , j .
(ii) IndΓ (w) ∈ {0, 1} pour tout w ∈ C \ {Γ}.
Et dans ce cas, Γ est appelé un contour et on définit son intérieur et son extérieur
respectivement par :

IntΓ = {a : IndΓ (a) = 1} et ExtΓ = {a : IndΓ (a) = 0}.

Proposition 1.3.5. Soient G un ouvert de C et K un compact de G, alors il existe une


famille, Γ = {γ1 , γ2 , · · · , γn } de courbes fermées rectifiables, orientée positivement telle
que K ⊆ IntΓ et C\G ⊆ ExtΓ. En plus, les courbes γi peuvent être choisies de classe C ∞ .

1.4 Exercices
Exercice 1.4.1. Soient f , f 1 , · · · , f n ∈ X ∗ . Montrer que les assertions suivantes sont
équivalentes :
(i) f ∈ Vect{ f 1 , · · · , f n } ;
(ii) il existe un réel α > 0 tel que | f (x)| ≤ α max{| f k (x)| : 1 ≤ k ≤ n} ;
(iii) ∩ni=1 N( f i ) ⊆ N( f ).

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1.4. Exercices 5

Exercice 1.4.2. 1. Soit F = { f 1 , · · · , f n } une famille de X ∗ . Montrer que les assertions


suivantes sont équivalentes :
(i) F est une famille linéairement indépendante ;
(ii) il existe {x 1 , · · · , x n } ⊆ X tel que f i (x j ) = δi j pour tous i , j ∈ {1, · · · , n}.
2. Soit E = {x 1 , · · · , x n } une famille de X . Montrer que les assertions suivantes sont
équivalentes :
(i) E est une famille linéairement indépendante ;
(ii) il existe { f 1 , · · · , f n } ⊆ X ∗ tel que f i (x j ) = δi j pour tous i , j ∈ {1, · · · , n}.

Exercice 1.4.3. Soit E = C [0, 1] l’espace de Banach des fonctions complexes conti-
nues sur [0, 1] muni de la norme ∥ f ∥∞ = sup{| f (x)| : x ∈ [0, 1]}. Soit M un supplé-
mentaire algébrique de R[x] dans E . On considère l’application linéaire φ définie
par : φ( ni=0 a i x i ) = ni=0 i a i et φ|M = 0.
P P

(i) Montrer que φ n’est pas continue ;


(ii) En déduire l’existence d’un sous-espace de codimension finie non fermé dans
E.

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6 Préliminaires

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Chapitre 2

Régularités et calcul fonctionnel


holomorphe

Tout au long de ce cours, A désigne une algèbre de Banach unitaire complexe.

2.1 Régularités dans les algèbres de Banach


Définition 2.1.1. Un sous-ensemble non-vide R de A est dit une régularité de A
s’il satisfait les conditions suivantes :
(i) Pour tous a ∈ A et n ∈ N∗ , a ∈ R si, et seulement si, a n ∈ R.
(ii) Si a, b, c, d sont des éléments de A qui commutent entre eux et tels que 1 =
ac + bd , alors ab ∈ R si, et seulement si, a ∈ R et b ∈ R.

Soient R une régularité dans A et a ∈ A, on appelle spectre de a correspondant


à la régularité R, l’ensemble

σR (a) := {λ ∈ C : a − λ ∉ R}.

Remarque 2.1.2. Les deux assertions suivantes découlent immédiatement de la dé-


finition 2.1.1.
(i) Si (R i )i ∈I est une famille de régularités dans A , alors R = ∩i ∈I R i est une ré-
gularité dans A , et σR (a) = ∪i ∈I σR i (a) pour tout a ∈ A .
(ii) Soient B une algèbre de Banach complexe unitaire et φ : A → B un homo-
morphisme d’algèbres. Si S est une régularité dans B, alors φ−1 (S ) est une
régularité dans A .

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8 Régularités et calcul fonctionnel holomorphe

Proposition 2.1.3. Soit R une régularité dans A .


(i) 1 ∈ R ;
(ii) Inv(A ) ⊆ R ;
(iii) Si a ∈ Inv(A ) et b ∈ A commutent entre eux, alors ab ∈ R si, seulement si, b ∈
R;
(iv) Soient p, q ∈ C[z] deux polynômes premiers entre eux. Si p(a)q(a) ∈ R, alors
p(a) ∈ R et q(a) ∈ R.
(v) Si a ∈ R et λ ∈ C∗ , alors λa ∈ R ;
(vi) σR (a) ⊆ σ(a) pour tout a ∈ A ;
(vii) σR (a − λ) = σR (a) − λ pour tous a ∈ A et λ ∈ C.

Preuve. (i) Soit a ∈ R. Comme 1.1 + a.0 = 1, on obtient que 1 ∈ R.


(ii) Soit a ∈ Inv(A ). Comme a.a −1 + a −1 .0 = 1 et a.a −1 = 1 ∈ R, alors a ∈ R.
(iii) On a a.a −1 + b.0 = 1. Comme a ∈ R, alors ab ∈ R si, seulement si, b ∈ R.
(iv) Il existe p 0 , q 0 ∈ C[z] tels que p(a).p 0 (a) + q(a).q 0 (a) = 1. D’où, p(a) ∈ R et
q(a) ∈ R.
(v) Découle immédiatement de (iii).
(vi) Découle immédiatement de (ii).
(vii) On a

σR (a − λ) = {α ∈ C : a − λ − α ∉ R} = {β − λ : a − β ∉ R}
= {β : a − β ∉ R} − λ = σR (a) − λ.

Le théorème suivant découle immédiatement de la Définition 2.1.1.

Théorème 2.1.4. Soit R un ensemble non-vide de A tel que pour tous a, b ∈ A com-
mutant entre eux, on ait
ab ∈ R ⇔ a ∈ R et b ∈ R.

Alors A est une régularité de A .

Preuve. Une simple vérification. 

On rappelle qu’un élément a ∈ A est dit inversible à gauche (resp. à droite) s’il
existe un élément b ∈ A tel que ba = 1 (resp. ab = 1).
On note par Invg (A ) (resp. Invd (A )) l’ensemble des éléments inversibles à gauche
(resp. à droite) de A .

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2.1. Régularités dans les algèbres de Banach 9

Corollaire 2.1.5. Les ensembles suivants sont des régularités de A :


(i) l’ensemble des éléments inversibles de A ;
(ii) l’ensemble des éléments inversibles à gauche de A ;
(iii) l’ensemble des éléments inversibles à droite de A ;

Preuve. Montrons que Invg (A ) est une régularité. Soit a, b ∈ A commutant entre
eux. Si ab ∈ Invg (A ) alors il existe x ∈ A tel que xab = xba = 1, donc a, b ∈ Invg (A ).
Inversement, si a, b ∈ Invg (A ) alors il existe a 0 , b 0 ∈ A tels que a 0 a = b 0 b = 1, on a
donc a 0 b 0 ab = a 0 b 0 ba = a 0 a = 1 ce qui implique ab ∈ Invg (A ). D’après le théorème
2.1.4 Invg (A ) est une régularité. De même on montre que Invg (A ) est une régularité
et donc Inv(A ) = Invg (A ) ∩ Invd (A ) est une régularité. 

Un élément a ∈ A est dit diviseur à gauche (resp. à droite) de zéro s’il existe
x ∈ A non nul tel que ax = 0 (resp. xa = 0).

Corollaire 2.1.6. L’ensemble des éléments de A qui ne sont pas des diviseurs à gauche
(resp. à droite) de zéro est une régularité de A .

Preuve. Montrons que l’ensemble R des éléments de A qui ne sont pas des divi-
seurs à gauche de zéro est une régularité. Soit a, b ∈ A commutant entre eux. Sup-
posons que a ∉ R et soit x ∈ A non nul tel que ax = 0. Alors abx = bax = 0 et donc
ab ∉ R. Réciproquement, supposons que a, b ∈ R et soit y ∈ A tel que ab y = 0.
Comme a ∈ R, on obtient b y = 0. Or, b ∈ R, donc y = 0. D’où, ab ∈ R. Maintenant,
il vient avec le théorème 2.1.4 que R est une régularité. 

Un élément non nul a ∈ A est dit diviseur topologique à gauche (resp. à droite)
de zéro s’il existe une suite (x n )n de A telle que

∥ x n ∥= 1 pour tout n et lim ∥ ax n ∥= 0 (resp. lim ∥ x n a ∥= 0 ).


n→∞ n→∞

Il est clair que

a ∈ A est un diviseur topologique à gauche ⇔ inf{∥ ax ∥: x ∈ A et ∥ x ∥= 1} = 0,

et

a ∈ A est un diviseur topologique à droite ⇔ inf{∥ xa ∥: x ∈ A et ∥ x ∥= 1} = 0,

Corollaire 2.1.7. L’ensemble des éléments de A qui ne sont pas des diviseurs topolo-
gique à gauche (resp. à droite) de zéro est une régularité de A .

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10 Régularités et calcul fonctionnel holomorphe

Preuve. Notons par R l’ensemble des éléments de A qui ne sont pas des diviseurs
topologique à gauche de zéro. Soit a, b ∈ A commutant entre eux. Si a, b ∈ R, alors

α = inf{∥ ax ∥: x ∈ A et ∥ x ∥= 1} > 0 et β = inf{∥ bx ∥: x ∈ A et ∥ x ∥= 1} > 0.

Ainsi, pour tout x ∈ A , on a

∥ abx ∥≥ α ∥ bx ∥≥ αβ ∥ x ∥ .

Ce qui prouve que ab ∈ R. Réciproquement, supposons que ab ∈ R, alors

∥ a ∥ inf{∥ bx ∥: x ∈ A et ∥ x ∥= 1} ≥ inf{∥ abx ∥: x ∈ A et ∥ x ∥= 1} > 0.

D’où, b ∈ R. De même, on montre que a ∈ R. 

2.2 Calcul fonctionnel holomorphe


Pour tout sous-ensemble K compact de C, on note par H (K ) l’ensemble des
fonctions complexes holomorphes sur un voisinage ouvert de K . On identifie deux
fonctions de H (K ) lorsqu’elles coïncident sur un voisinage de K . Notons aussi que
H (K ) est une algèbre complexe.
Soit Ω un sous-ensemble de A . L’ensemble commutant de Ω est défini par

Ωc := {b ∈ A : ab = ba pour tout a ∈ Ω}.

Soient a ∈ A et U un ouvert contenant σ(a). On appelle contour spectral pour a


dans U , tout contour Γ ⊆ U enveloppant σ(a).

Proposition 2.2.1. Soient a ∈ A et U un ouvert contenant σ(a). Si Γ = {γ1 , γ2 , · · · , γn }


et ∆ = {δ1 , δ2 , · · · , δk } sont deux contours spectraux pour a dans U et f : U → C une
fonction holomorphe, alors
Z Z
f (z)(z − a) d z = f (z)(z − a)−1 d z.
−1
Γ ∆
Preuve. Pour 1 ≤ j ≤ k, on pose γn+ j = δ−j où δ−j (t ) = δ j (1− t ). Soit z ∉ U \σ(a), alors
deux cas se présentent :
1) Si z ∉ U alors n+k
P
j =1 Indγ j (z) = IndΓ (z) − Ind∆ (z) = 0 − 0 = 0.
2) Si z ∈ σ(a) alors n+k
P
j =1 Indγ j (z) = IndΓ (z) − Ind∆ (z) = 1 − 1 = 0.
On en déduit que Σ = γ j : 1 ≤ j ≤ n + k est un système de courbes fermées rec-
© ª

tifiables dans l’ouvert V = U \σ(a) et tel que IndΣ (z) = 0 pour tout z ∈ C\V , comme
z 7→ f (z)(z − a)−1 est holomorphe sur V , alors d’après le théorème de Cachy on a
0 = Σ f (z)(z − a)−1 d z = Γ f (z)(z − a)−1 d z − ∆ f (z)(z − a)−1 d z.
R R R


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2.2. Calcul fonctionnel holomorphe 11

Définition 2.2.2. Soient a ∈ A et f ∈ H (σ(a)). On pose

1
Z
f (a) = f (z)(z − a)−1 d z,
2πi Γ

où Γ est un contour spectral pour a dans le domaine de définition de f .

Notons que f (a) ne dépend pas du choix du contour spectral qui enveloppe
σ(a).

Proposition 2.2.3. Soit a ∈ A . Alors on a les assertions suivantes :

(i) Si f (z) = ni=0 αi z i est un polynôme complexe, alors f (a) = ni=0 αi a i .


P P

(ii) f (a) ∈ {a}cc pour tout f ∈ H (σ(a)).

(iii) L’application φ : H (σ(a)) → A , définie par φ( f ) = f (a), est un homomorphisme


d’algèbres.

(iv) Si f n : U → C, où U est un ouvert contenant σ(a), est une suite de fonctions


holomorphes qui converge uniformément sur les compacts de U vers f : U → C
holomorphe, alors limn→∞ f n (a) = f (a).
n n
(v) Si f (z) = ∞n=0 αn z de rayon de convergence R > r(a), alors f (a) = n=0 αn a .
P P∞

Preuve. i) Il suffit de montre que si f (z) = z k avec k ∈ N∗ , alors f (a) = a k . Soit Γ le


cercle de centre 0 et de rayon R > r(a) orienté positivement, on a

1
Z
f (a) = z k (z − a)−1 d z
2πi Γ
1
Z ∞ an
z k−1 (
X
= n
)d z
2πi Γ n=0 z
∞ µ 1 Z ¶
k−n−1
d z an
X
= z
n=0 2πi Γ

= ak
(
R k−n−1 0 si n , k
car Γz dz = .
2πi si n = k
ii) Il est facile de vérifier que (z − a)−1 ∈ {a}cc pour tout z ∉ σ(a), on en déduit
que f (a) ∈ {a}cc pour tout f ∈ H (σ(a)).
iii) Le seul point délicat est de montrer que φ( f g ) = φ( f )φ(g ). Soient U un ou-
vert contenant σ(a), f , g ∈ H (U ) et Γ, Λ deux contours spectraux pour a dans U tels

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12 Régularités et calcul fonctionnel holomorphe

que Γ ∪ IntΓ ⊆ IntΛ. On a


−1
Z Z
f (a)g (a) = 2 f (z)g (λ)(z − a)−1 (λ − a)−1 d λd z
4π Γ Λ
(z − a)−1 − (λ − a)−1
· ¸
−1
Z Z
= 2 f (z)g (λ) d λd z
4π Γ Λ λ−z
g (λ) f (z)
·Z ¸ ·Z ¸
−1 −1
Z Z
−1
= 2 f (z) d λ (z − a) d z − 2 g (λ) d z (λ − a)−1 d λ
4π Γ Λ λ − z 4π Λ Γ λ − z
1
Z
−1
= f (z)g (z)(z − a) d z
2i π Γ
= ( f g )(a)
f (z)
= 0 pour tout λ ∈ Λ.
R
car Γ λ−z d z
vi) Soit Γ = {γ1 , γ2 , · · · , γk } un contour spectral pour a dans U . On a
° Z °
° ° k °
−1
° X £ ¤
° f n (a) − f (a)° = ° °
f n (z) − f (z) (z − a) d z °
°
°i =1 γi °
k °Z 1 £
° °
−1
γ
X ¤ °
≤ °
° f n (γi (t )) − f (γi (t )) (γi (t ) − a) d i (t ) °
°
i =1 0
k Z 1¯
¯ f n (γi (t )) − f (γi (t ))¯ °(γi (t ) − a)−1 ° d ¯γi ¯ (t )
X ¯° ° ¯ ¯

i =1 0
k
X ¯ ¯
≤M sup ¯ f n (z) − f (z)¯
i =1z∈{γi }
½ ¾
où M = max γi , sup (γi (t ) − a) −1 °
° ° ° °
° ° ° : 1 ≤ i ≤ k , d’où le résultat.
0≤t ≤1
n
αi z i et U = D(0, R). 
P
v) Il suffit d’appliquer (i) et (iii) pour f n (z) =
i =0

Théorème 2.2.4 (Théorème de l’application spectrale). Soit a ∈ A . Alors

σ( f (a)) = f (σ(a)) pour tout f ∈ H (σ(a)).

Preuve. Soit λ ∈ σ(a), alors il existe g ∈ H (σ(a)) tel que f (z) − f (λ) = (z − λ)g (z),
par suite f (a) − f (λ) = (a − λ)g (a) et donc f (a) − f (λ) n’est pas inversible, i.e f (λ) ∈
σ( f (a)). Réciproquement, si λ ∉ f (σ(a)) alors il existe un ouvert U ⊇ σ(a) tel que
f − λ ne s’annule pas sur U , donc la fonction g : z 7→ 1/( f (z) − λ) est holomorphe au
voisinage de σ(a), on a donc

g (a)( f (a) − λ) = ( f (a) − λ)g (a) = (( f − λ)g )(a) = 1

d’où λ ∉ σ( f (a)). 

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2.2. Calcul fonctionnel holomorphe 13

Comme le montre le théorème ci-dessous, le théorème de l’application spec-


trale est satisfait par tout spectre relevant d’une régularité.

Théorème 2.2.5. Soient R une régularité dans A et a ∈ A . Alors

σR ( f (a)) = f (σR (a))

pour toute fonction f ∈ H (σ(a)) non-constante sur aucune composante connexe de


son domaine de définition.

Preuve. Soient µ ∈ C et f ∈ H (σ(a)) une fonction non-constante sur aucune com-


posante connexe de son domaine de définition U . Alors

f (z) − µ = (z − λ1 )k1 · · · (z − λn )kn g (z),

où {λ1 , · · · , λn } ⊆ σ(a) et g : U → C est une fonction holomorphe ne s’annulant pas


sur σ(a). Par conséquent

f (a) − µ = (a − λ1 )k1 · · · (a − λn )kn g (a),

et g (a) est inversible car 0 ∉ g (σ(a)) = σ(g (a)). D’où,

µ ∉ σR ( f (a)) ⇔ f (a) − µ ∈ R
Proposition 2.1.3 (iii) ⇔ (a − λ1 )k1 · · · (a − λn )kn ∈ R
Proposition 2.1.3 (iv) ⇔ (a − λi )ki ∈ R pour tout i ∈ {1, · · · , n}
Définition 2.1.1 (i) ⇔ a − λi ∈ R pour tout i ∈ {1, · · · , n}
⇔ λi ∉ σR (a) pour tout i ∈ {1, · · · , n}
⇔ µ ∉ f (σR (a)).

On signale que le précédent théorème n’est pas en général vrai pour les fonc-
tions f constantes sur une composante connexe de leur domaine de définition.

Définition 2.2.6. Soient (F, d) et (G, d) deux espaces métriques, et φ une application
définie sur F et à valeurs dans l’ensemble des parties fermées de G. On dira que
φ est semi-continue supérieurement en un point x 0 ∈ F si pour tout ouvert U de G
contenant φ(x 0 ), il existe δ > 0 tel que

x ∈ F et d(x, x 0 ) < δ ⇒ φ(x) ⊆ U .

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14 Régularités et calcul fonctionnel holomorphe

Soient M , L des sous-ensembles de (G, d). On pose

∆(M , L) = sup{dist(m, L) : m ∈ M },

où dist(m, L) = inf{d(m, y) : y ∈ L}. La distance de Hausdorff est définie par

˜
∆(M , L) = max{∆(M , L), ∆(L, M )}.

Proposition 2.2.7. Soient (F, d) un espace métrique et (G, d) un espace métrique com-
pact. Si φ est une application définie sur F à valeurs dans l’ensemble des fermés de G,
alors les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) φ est semi-continue supérieurement ;
(ii) Si (x n ) est une suite de F qui converge vers x ∈ F , alors limn→∞ ∆(φ(x n ), φ(x)) =
0;
(iii) Si x n ∈ F et y n ∈ φ(x n ) sont des suites telles que limn→∞ x n = x et limn→∞ y n = y,
alors y ∈ φ(x).

Preuve. (i) ⇒ (ii). Soit ε > et posons U = {y ∈ G : dist(y, φ(x)) < ε}. Alors U est un
ouvert contenant φ(x) et donc il existe un réel δ > 0 tel que

d(x 0 , x) < δ ⇒ φ(x 0 ) ⊆ U .

Par suite, il existe un entier positif N tel que φ(x n ) ⊆ U pour tout n ≥ N . Il vient alors
que ∆(φ(x n ), φ(x)) ≤ ε pour tout n ≥ N . D’où, limn→∞ ∆(φ(x n ), φ(x)) = 0.
(ii) ⇒ (iii). Soit ε > 0. Il existe un entier positif N tel que ∆(φ(x n ), φ(x)) ≤ ε pour
tout n ≥ N . Par conséquent, dist(y n , φ(x)) ≤ ε pour tout n ≥ N . D’où, dist(y, φ(x)) ≤
ε. Or, ε est arbitraire, donc y ∈ φ(x).
(iii) ⇒ (i). Supposons qu’il existe un ouvert U contenant φ(x) tel que pour tout
ε > 0, il existe x ε ∈ F tel que dist(x ε , x) < ε et φ(x ε ) * U . Il en résulte qu’il existe
une suite (x n ) qui converge vers x, et une suite d’éléments y n ∈ φ(x n ) \U . Comme
G est compact, on peut supposer sans perte de généralité que y n converge vers un
élément y ∈ G. Or, G\U est fermé, donc y ∉ U , ou encore y ∉ φ(x) ; contradiction. 

Théorème 2.2.8. Soit R une régularité de A . Alors les assertions suivantes sont équi-
valentes :
(i) σR (a) est fermé pour tout a ∈ A , et l’application a → σR (a) est semi-continue
supérieurement en tout a ∈ A ;
(ii) Si a n → a, λn ∈ σR (a n ) et λn → λ, alors λ ∈ σR (a) ;

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2.2. Calcul fonctionnel holomorphe 15

(iii) R est un ouvert.

Preuve. (i) ⇒ (ii). Posons F = {a, a n : n ≥ 0}. Alors F est un ensemble fermé borné.
Comme σR (x) ⊆ σ(x) ⊆ D(0, ∥ x ∥) pour tout x ∈ A , il existe un compact G de C
contenant σR (a) et σR (a n ) pour tout n. En appliquant la Proposition 2.2.7, on ob-
tient que λ ∈ σR (a).
(ii) ⇒ (i). Soit a ∈ A . Il est facile de vérifier que σR (a) est fermé. Considérons la
restriction de l’application x → σR (x) à F = BA (a, c), où c > 0. Alors σR (x) ⊆ K :=
D(0, c+ ∥ a ∥) pour tout x ∈ F . Maintenant il suffit d’appliquer la Proposition 2.2.7
pour obtenir que x → σR (x) est semi-continue supérieurement.
(ii) ⇒ (iii). Soit (a n ) une suite de A \ R qui converge vers a ∈ A . Comme 0 ∈
σR (a n ) pour tout n, alors 0 ∈ σR (a), et donc a ∈ A \ R.
(iii) ⇒ (ii). Si a −λ ∈ R, alors il existera un n pour lequel a n −λn ∈ R, ce qui n’est
pas possible. D’où, λ ∈ σR (a). 

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16 Régularités et calcul fonctionnel holomorphe

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Chapitre 3

Opérateurs bornés

3.1 Rappels
Proposition 3.1.1. Soit T : X → Y une application linéaire. Les assertions suivantes
sont équivalentes :

(i) T est continue,

(ii) T est continue en 0.

(iii) T est continue en tout point de X ,

(iv) il existe un réel c > 0 tel que ∥ T x ∥≤ c ∥ x ∥ pour tout x ∈ X .

Preuve. Il est évident que (i) implique (ii). Par linéarité on obtient l’assertion (iii) à
partir de (ii).
(iii)⇒(iv). Pour ² = 1 il existe un réel δ >° 0 tel°que pour tout
° x ∈°X , kxk ≤ δ on ait
° x ° ° x ° kT xk
kT xk ≤ 1. Soit x ∈ X \{0}, pour c = 1/δ on a ° ckxk ° = δ donc °T ckxk ° = ckxk ≤ 1 , d’où
le résultat.
(iv)⇒(i). Soient y ∈ X et ² > 0. Comme °T (x − y)° ≤ c °x − y ° pour tout x ∈ X ,
° ° ° °

alors il suffit de prendre δ = c² pour avoir : °x − y ° ≤ δ ⇒ °T (x − y)° ≤ ².


° ° ° °


Toute application vérifiant une des assertions précédente est dite opérateur borné.
La norme d’un tel opérateur T est définie par

∥ T ∥= sup{∥ T x ∥:∥ x ∥≤ 1}. (3.1.1)

Il est facile de vérifier que :

(i) ∥ T x ∥≤∥ T ∥∥ x ∥ pour tout x ∈ X ;

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18 Opérateurs bornés

(ii) ∥ T ∥= sup{∥ T x ∥:∥ x ∥= 1} = sup{∥ T x ∥ / ∥ x ∥: x ∈ X \ {0}}.

On note par L (X , Y ) l’ensemble des opérateurs bornés de X dans Y .

Proposition 3.1.2. Les assertions suivantes sont satisfaites :

(i) Si T, S ∈ L (X , Y ) alors T + S ∈ L (X , Y ) et ∥ T + S ∥≤∥ T ∥ + ∥ S ∥.


(ii) Si T ∈ L (X , Y ) et α ∈ C alors αT ∈ L (X , Y ) et ∥ αT ∥= |α| ∥ T ∥.
(iii) Soit Z un espace de Banach complexe. Si T ∈ L (X , Y ) et S ∈ L (Y , Z) alors ST ∈
L (X , Z) et ∥ ST ∥≤∥ S ∥∥ T ∥.

Preuve. (i) Pour tout x ∈ X on a k(T + S)xk ≤ kT xk + kSxk ≤ (kT k + kSk) kxk , donc
kT + Sk ≤ kT k + kSk .
(ii) On a kαT k = sup{kαT xk : kxk = 1} = |α| sup{kT xk : kxk = 1} = |α| kT k .
(iii) Pour tout x ∈ X on a kST xk ≤ kSk kT xk ≤ kSk kT k kxk , donc kST k ≤ kSk kT k .


Muni de la norme (3.1.1), L (X , Y ) est un espace de Banach complexe et L (X ) =


L (X , X ) est une algèbre de Banach.

On note par B X la boule unité fermée de X .

Théorème 3.1.3 (Théorème de l’application ouverte). Soit T : X → Y un opérateur


borné. Alors les assertions suivantes sont équivalentes :

(i) T est surjective,


˚
(ii) 0 ∈ T
Ú BX ,
˚
(iii) 0 ∈ T B X .

Preuve. (i)⇒(ii) Comme T est surjective, on a Y = ∪n∈N∗ nT B X = ∪n∈N∗ nT B X . L’es-


˚
pace Y étant complet, d’après le théorème de Bair il existe n ∈ N∗ tel que nT B X , ∅.
Soient donc y ∈ Y et r > 0 tels que BY (y, r ) ⊆ nT B X . Par linéarité de T on vérifie que

1 1
BY (0, r /n) = BY (y/n, r /n) + BY (−y/n, r /n) ⊆ T B X
2 2
˚
d’où 0 ∈ T B X .
(ii)⇒(iii) Il existe un réel c > 0 tel que BY (0, 4c) ⊆ T B X . Soit y ∈ BY (0, c), on
construit par récurrence une suite (x n ) d’éléments de X telle que :

∀n ∈ N∗ , kx n k ≤ 2−n−1 et ° y − T (x 1 + ... + x n )° ≤ c2−n


° °

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3.1. Rappels 19

° °
Ceci est possible car il existe x 1 ∈ X tel que kx 1 k ≤ 1/4 et ° y − T x 1 ° ≤ c/2. En-
suite, si x 1 , ..., x n ont été construits on remarque que °2n y − 2n T (x 1 + ... + x n )° ≤
° °

c et l’on obtient comme précédemment un x n+1 ∈ X tel que k2n x n+1 k ≤ 1/4 et
° n
°2 y − 2n T (x 1 + ... + x n ) − 2n T x n+1 ° ≤ c/2. Comme la série P x n est absolumment
°

convergente, par complétude de X elle converge vers un élément x ∈ X vérifiant


kxk ≤ 1/2. De plus, par continuité de T on a y = T x. Donc BY (0, c) ⊆ 12 T B X ⊆ T B X .
(iii)⇒(i) T est une application ouverte, en effet : il existe un réel c > 0 tel que
BY (0, c) ⊆ T B X . Si Ω est un ouvert non vide de X et y = T (x) avec x ∈ Ω tel que
B X (x, r ) ⊆ Ω alors BY (y, cr ) ⊆ T B X (x, r ) ⊆ T (Ω). Par conséquent T X est un sous-
espace ouvert de Y , il existe r > 0 tel que r BY ⊆ T X , donc pour tout y ∈ Y \ {0} on a
r
2k y k
y ∈ r BY ⊆ T X , ceci signifie que Y = T X . 

Corollaire 3.1.4. Si T ∈ L (X , Y ) est bijective alors T −1 ∈ L (Y , X ).

Preuve. Il est facile de vérifier que T −1 est linéaire. Soit c > 0 tel que BY (0, c) ⊆ T B X ,
comme T est bijective, on a T −1 BY (0, c) ⊆ B X , d’où T −1 BY est borné. 

Théorème 3.1.5 (Théorème du graphe fermé). Soit T : X → Y une application li-


néaire. Alors les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) T est borné ;
(ii) {(x, T x) : x ∈ X } est un sous-ensemble fermé dans X × Y .
(iii) Si (x n ) est une suite convergeant vers zéro et (T x n ) converge vers y ∈ Y , alors
y = 0.

Preuve. Notons P 1 : X ×Y → X et P 2 : X ×Y → Y les projections canoniques, ce sont


des opérateurs bornés.
(i)⇒(ii) On a {(x, T x) : x ∈ X } = {z ∈ X × Y : P 2 (z) = T P 1 (z)} est un sous-ensemble
fermé dans X × Y .
(ii)⇒(iii) Si (x n ) est une suite convergeant vers zéro et (T x n ) converge vers y ∈ Y ,
alors (x n , T x n ) converge vers (0, y) donc y = T 0 = 0.
(iii)⇒(i) Evident. 

Théorème 3.1.6 (Théorème de Banach-Steinhaus). Soit F ⊆ L (X , Y ). Si pour tout


x ∈ X , l’ensemble {T x : T ∈ F } est borné, alors F est borné.

Pour ce théorème classique qui découle du Lemme de Baire, on présente une


nouvelle démonstration élémentaire fournie par Alan Sokal (2010).

On note par B X (a, r ) la boule unité fermé de X de centre a et rayon r .

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20 Opérateurs bornés

Lemme 3.1.7. Soit T ∈ L (X , Y ). Pour tous x ∈ X et r > 0, on a

r ∥ T ∥≤ sup{∥ T y ∥: y ∈ B̊ X (x, r )}.

Preuve. Pour tout z ∈ B X (0, r ), on a

∥ T z ∥ ≤ 1/2(∥ T (x + z) ∥ + ∥ T (x − z) ∥) ≤ max{∥ T (x + z) ∥, ∥ T (x − z) ∥}
≤ sup{∥ T y ∥: y ∈ B̊ X (x, r )}

D’où, r ∥ T ∥≤ sup{∥ T y ∥: y ∈ B̊ X (x, r )}. 

Preuve du Théorème 3.1.6. Supposons que l’ensemble F n’est pas borné, et soit (Tn )n≥0
une suite de F telle que ∥ Tn ∥≥ 4n . Alors il existe une suite (x n )n≥0 de X vérifiant
(
x0 = 0
∥ x n − x n−1 ∥≤ 1/3n et 2/3n+1 ∥ Tn ∥≤∥ Tn x n ∥ pour tout n ≥ 1.

En effet, pour tout n ≥ 1, le Lemme 3.1.7 implique que

2/3n+1 ∥ Tn ∥< 1/3n ∥ Tn ∥≤ sup{∥ Tn y ∥: y ∈ B̊ X (x n−1 , 1/3n )}.

Par conséquent, il existe x n ∈ B X (x n−1 , 1/3n ) tel que 2/3n+1 ∥ Tn ∥≤∥ Tn x n ∥. Il est
clair que la suite (x n ) converge vers un vecteur x ∈ X . D’autre part, pour tous m, n ∈
N, on a
∥ x m − x n ∥≤ 1/3m + 1/3m−1 + · · · + 1/3n+1 ≤ 1/(2.3n ).

En faisant tendre m vers l’infini, on obtient ∥ x − x n ∥≤ 1/(2.3n ). Il vient alors

∥ Tn x ∥ ≥ ∥ Tn x n ∥ − ∥ Tn (x − x n ) ∥≥ 2/3n+1 ∥ Tn ∥ − ∥ Tn ∥∥ x − x n ∥
≥ 2/3n+1 ∥ Tn ∥ −1/(2.3n ) ∥ Tn ∥=∥ Tn ∥ /(6.3n ) ≥ (1/6).(4/3)n .

Ce qui entraîne que l’ensemble {T x : T ∈ F } n’est pas borné, contradiction. 

3.2 Adjoint d’un opérateur


Soit T : X → Y un opérateur borné, on appelle adjoint de T , l’application T ∗ :
Y ∗ → X ∗ défini par T ∗ ( f ) = f ◦ T .

Proposition 3.2.1. Soit T : X → Y un opérateur borné. Alors T ∗ : Y ∗ → X ∗ est un


opérateur borné et ∥ T ∥=∥ T ∗ ∥.

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3.2. Adjoint d’un opérateur 21

Preuve. On a
T ∗ ( f )x = f (T x) pour tous x ∈ X et f ∈ Y ∗ .

Ainsi, pour ∥ x ∥≤ 1 et ∥ f ∥≤ 1, on a

∥ T ∗ ( f ) ∥≤∥ f ∥∥ T ∥ et ∥ T x ∥≤∥ T ∗ ∥∥ x ∥ .

D’où ∥ T ∥=∥ T ∗ ∥. 

Proposition 3.2.2. Soient T, S ∈ L (X , Y ).


(i) Pour tous α, β ∈ C, on a (αT + βS)∗ = αT ∗ + βS ∗ .
(ii) Si R : Y → Z est un opérateur borné, où Z est un espace de Banach complexe,
alors (RT )∗ = T ∗ R ∗ .
(iii) Si T est inversible alors T ∗ l’est aussi et (T ∗ )−1 = (T −1 )∗ .
(iv) L’opérateur T ∗∗ est une extension de T .

Preuve. Les trois premières assertions sont faciles à prouver.


(iv) Soient J : X → X ∗∗ et Q : Y → Y ∗∗ les injections canoniques. Pour tous x ∈ X
et f ∈ X ∗ , on a

T ∗∗ (J x) f = (J x ◦ T ∗ ) f = (T ∗ f )x = f (T x) = Q(T x) f .

D’où, T ∗∗ (J x) = Q(T x) pour tout x ∈ X . 

Pour toute application linéaire T , on note par N(T ) son noyau et par R(T ) son
image.

Proposition 3.2.3. Soit T : X → Y un opérateur borné. Alors


(i) N(T ∗ ) = R(T )⊥ et ⊥ N(T ∗ ) = R(T ).
σ(X ∗ ,X )
(ii) N(T ) =⊥ R(T ∗ ) et N(T )⊥ = R(T ∗ ) .

Preuve. (i) Soit g ∈ Y ∗ . Alors

g ∈ N(T ∗ ) ⇔ T ∗ (g ) = 0 ⇔ g ◦ T = 0 ⇔ R(T ) ⊆ N(g ) ⇔ g ∈ R(T )⊥ .

(ii) Soit x ∈ X

x ∈⊥ R(T ∗ ) ⇔ (T ∗ g )x = 0 pou tout g ∈ Y ∗


⇔ g (T x) = 0 pou tout g ∈ Y ∗
⇔ T x = 0 ⇔ x ∈ N(T ).

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22 Opérateurs bornés

Théorème 3.2.4 (Théorème de l’image fermé). Soit T : X → Y un opérateur borné.


Alors les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) R(T ) est fermé,
(ii) R(T ∗ ) est σ(X ∗ , X )-fermé,
(iii) R(T ∗ ) est fermé.

Preuve. (i) ⇒ (ii). D’après la Proposition 3.2.3, il suffit de montrer que N(T )⊥ ⊆
R(T ∗ ). Soit f ∈ N(T )⊥ et notons par f˜ : X /N(T ) → C et T̃ : X /N(T ) → R(T ) les ap-
plications induites respectivement par f et T . Comme R(T ) est fermé, T̃ est un iso-
morphisme. Considérons la forme linéaire g = f˜T̃ −1 : R(T ) → C qu’on prolonge à X .
Alors il vient que f˜ = g ◦ T̃ et donc f = g ◦ T . D’où, f ∈ R(T ∗ ).
(ii) ⇒ (iii) est clair.

(iii) ⇒ (i). Posons S : X → R(S) l’opérateur défini par Sx = T x. Alors S ∗ : R(S) →

X ∗ . Soient g ∈ R(S) et g̃ sont prolongement à Y . On a

S ∗ g = g ◦ S = g ◦ T = g̃ ◦ T = T ∗ (g̃ ).

D’où R(S ∗ ) = R(T ∗ ). Ainsi, sans perte de généralité, on peut supposer que T est à
image dense, et donc T ∗ est injectif à image fermée, i.e. il existe un réel c > 0 tel
que ∥ T ∗ g ∥≥ c ∥ g ∥ pour tout g ∈ Y ∗ . Il est clair qu’il suffit d’établir que T est
surjective, ou encore par le Théorème de l’application ouverte, que B̊Y (0, c) ⊆ T B X .
Supposons qu’il existe un y ∈ B̊Y (0, c) n’appartenant pas T B X . Le Théorème 1.1.2
assure l’existence de g ∈ Y ∗ vérifiant

g (y) > sup{|g (T x)| : x ∈ B X } =∥ T ∗ g ∥≥ c ∥ g ∥ .

Or, g (y) ≤∥ g ∥∥ y ∥. D’où ∥ y ∥≥ c, ce qui est absurde. 

Le corollaire suivant découle immédiatement du Théorème 3.2.4 et de la Propo-


sition 3.2.3.

Corollaire 3.2.5. Soit T : X → Y un opérateur borné. Alors


(i) T est injectif à image fermée si, et seulement si, T ∗ est surjectif.
(ii) T est surjectif si, et seulement si, T ∗ est injectif à image fermée.

Un opérateur R ∈ L (X , Y ) est dit une isométrie si ∥ R x ∥=∥ x ∥ pour tout x ∈ X .

Théorème 3.2.6. Soient M un sous-espace fermé de X , π : X → X /M la surjection


canonique et i : M → X l’injection canonique. Alors

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3.3. Spectre d’un opérateur 23

(i) π∗ : (X /M )∗ → M ⊥ est une isométrie surjective.


(ii) i ∗ induit une isométrie surjective de X ∗ /M ⊥ sur M ∗ .

Preuve. (i) Il est clair que π∗ : (X /M )∗ → M ⊥ est injectif et que R(π∗ ) ⊆ M ⊥ . Soit ϕ ∈
M ⊥ , alors ϕ = ϕ̃◦π où ϕ̃(x+M ) = ϕ(x), donc ϕ = π∗ (ϕ̃). Par conséquent, R(π∗ ) = M ⊥ .
Soit ψ ∈ (X /M )∗ . Comme ∥ π∗ ∥=∥ π ∥≤ 1, alors ∥ π∗ ψ ∥≤∥ ψ ∥. D’autre part,
pour tous x ∈ X et y ∈ M , on a

∥ ψ(x + M ) ∥ = ∥ ψπ(x) ∥=∥ ψπ(x + y) ∥≤∥ π∗ (ψ) ∥∥ x + y ∥,

ou encore, ∥ ψ(x + M ) ∥≤∥ π∗ (ψ) ∥∥ x + M ∥. D’où, ∥ ψ ∥≤∥ π∗ (ψ) ∥, ce qui montre


que π∗ : (X /M )∗ → M ⊥ est une isométrie.
(ii) Il est clair que i ∗ : X ∗ → M ∗ est une surjection, et donc f + M ⊥ → f |M est un
isomorphisme de X ∗ /M ⊥ sur M ∗ . Soit f ∈ X ∗ . Comme ∥ i ∗ ∥=∥ i ∥= 1, on a

∥ f |M ∥=∥ i ∗ ( f ) ∥=∥ i ∗ ( f + g ) ∥≤∥ f + g ∥,

pour tout g ∈ M ⊥ . Par conséquent, ∥ i ∗ ( f ) ∥≤∥ f + M ⊥ ∥. D’autre part, d’après le


théorème de Hahn-Banach, il existe une forme linéaire h ∈ X ∗ vérifiant h |M = f |M
et ∥ h ∥=∥ f |M ∥. Il vient alors que k = h − f ∈ M ⊥ et ∥ f + k ∥=∥ h ∥=∥ f |M ∥, ce qui
implique que ∥ f + M ⊥ ∥≤∥ i ∗ ( f ). 

Corollaire 3.2.7. Soient M un sous espace fermé de X , x ∈ X et f ∈ X ∗ . Alors :


(i) d(x, M ) =∥ x + M ∥= sup{|g (x)| : g ∈ M ⊥ , kg k ≤ 1} ;
(ii) d( f , M ⊥ ) =∥ f + M ⊥ ∥=∥ f |M ∥.

Preuve. (i) Soit π : X → X /M . Comme π∗ : (X /M )∗ → M ⊥ est une isométrie surjec-


tive, alors

d{x, M } = kπxk = sup{|h(πx)| : h ∈ (X /M )∗ , khk ≤ 1}


= sup{|π∗ h(x)| : h ∈ (X /M )∗ , khk ≤ 1}.
= sup{|g (x)| : g ∈ M ⊥ , kg k ≤ 1}.

(ii) est une reformulation de Théorème 3.2.6(ii). 

3.3 Spectre d’un opérateur


L’identité de l’algèbre de Banach L (X ) sera notée I X , ou tout simplement I lors-
qu’il n’y a pas d’ambiguïté. Notons aussi que ∥ I ∥= 1 et ∥ T n ∥≤∥ T ∥n pour tous
T ∈ L (X ) et n ≥ 0.

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24 Opérateurs bornés

Définition 3.3.1. Soit T ∈ L (X ).


(i) L’ensemble résolvant de T est défini par ρ(T ) = {λ ∈ C : T − λ est inversible }.
(ii) σ(T ) = C \ ρ(T ) est appelé le spectre de T .
(iii) Le spectre ponctuel de T est l’ensemble σp (T ) = {λ ∈ C : T −λ n’est pas injectif }
des valeurs propres de T .

Remarque 3.3.2. Soit T ∈ L (X ).


(i) σp (T ) ⊆ σ(T ).
(ii) Si X est de dimension finie alors σp (T ) = σ(T ).
(iii) σ(T ∗ ) = σ(T ).

Proposition 3.3.3. Soit T ∈ L (X ) un opérateur tel que ∥ T ∥< 1. Alors I − T est inver-
sible. En plus, on a :
(i) (I − T )−1 = ∞ T k,
P
k=0

(ii) ∥ (I − T )−1 ∥≤ 1/(1− ∥ T ∥).

Preuve. (i) On a °T k ° ≤ kT kk pour tout k ∈ N, par suite T k est une série absolu-
° ° P

ment convergente dans l’espace de Banach L (X ). De plus, on a


∞ n
T k = (I − T ) lim Tk
X X
(I − T )
n
k=0 k=0
n
(I − T ) T k
X
= lim
n
k=0

= lim I − T n+1
n

=I
µ ¶

P k
De même, on obtient T (I − T ) = I .
k=0
(ii) Par majoration on obtient :
° °
° ° ∞ ∞
° X
k
−1
kT kk = 1/(1 − kT k).
° X
°(I − T ) ° = °
°
T °≤
°
°k=0 ° k=0

Le corollaire suivant découle immédiatement de la précédente proposition.

Corollaire 3.3.4. l’ensemble des opérateurs inversibles de L (X ) est ouvert.

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3.3. Spectre d’un opérateur 25

On désigne par D(z, r ) le disque de C de centre z et de rayon r > 0. Il résulte aussi


de la proposition précédente que σ(T ) ⊆ D(0, ∥ T ∥) pour tout T ∈ L (X ).

Définition 3.3.5. Soit T ∈ L (X ). On appelle

r(T ) = max{|λ| : λ ∈ σ(T )}

le rayon spectral de T .

Il découle immédiatement de la Remarque 3.3.2 (iii) que r(T ) = r(T ∗ ) pour tout
T ∈ L (X ).

Lemme 3.3.6. Soit (αn ) une suite de nombres réels positifs telle que αn+m ≤ αn αm
pour tous n, m ∈ N. Alors lim α1/n
n = inf αn .
1/n

Preuve. Soit α = inf α1/n


n , on a α ≤ lim inf αn ≤ lim sup αn et donc il suffit de mon-
1/n 1/n

trer que lim sup α1/n


n ≤ α. Soit ² > 0, il existe k ∈ N tel que α1/k
k
≤ α + ². D’autre
part, tout nombre n ≥ k peut s’écrire sous la forme n = mk + r où 0 ≤ r ≤ k − 1,
par suite αn = αmk+r ≤ αr αm
k
≤ M (α + ²)mk où M = max{1, α0 , ..., αk }, donc α1/n
n ≤
M 1/n (α + ²)mk/n , d’où lim sup α1/n
n ≤ α + ². Par conséquent lim sup αn ≤ α.
1/n

1
Théorème 3.3.7. Soit T ∈ L (X ). Alors r(T ) = limn→∞ ∥ T n ∥ n .

Preuve. On suppose que T , 0. Pour tout n ≥ 0 posons αn = kT n k . Alors on a αn+m ≤


αn αm pour tous n, m ∈ N, et par le lemme précédent lim α1/n n = inf α1/n
n . Soit λ
P −(n+1) n
un nombre complexe tel que |λ| > lim αn . Il vient alors que la série λ
1/n
T

converge et (T − λ)−1 = − λ−(n+1) T n , par conséquent r(T ) ≤ lim α1/n
P
n .
n=0
Pour tout nombre complexe λ tel que 0 < |λ| < 1/r(T ) (si r(T ) = 0, on remplace
1/r(T ) par ∞) on a λ−1 − T est inversible. Considérons la fonction f (λ) = (1 − λT )−1
qui est analytique sur l’ouvert {λ ∈ C : |λ| < 1/r(T )} , or pour |λ| < 1/ kT k ≤ 1/r(T )

λn T n , ainsi la formule du rayon de convergence de la série en-
P
on a f (λ) =
n=0

λn T n implique que lim inf α−1/n ≥ 1/r(T ) ou encore r(T ) ≥ lim sup α1/n
P
tière n n =
n=0
lim α1/n
n . 

Proposition 3.3.8. Soit T ∈ L (X ) un opérateur tel que r(T ) < 1. Alors :

(i) limn→∞ T n = 0

T k.
P∞
(ii) I − T est inversible et (I − T )−1 = k=0

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26 Opérateurs bornés

Preuve. (i) Soit α tel que r(T ) < α < 1. Comme r(T ) = lim kT n k1/n alors il existe N ∈ N
n
n 1/n n n
tel que : kT k ≤ α dès que n ≥ N , donc kT k ≤ α −→ 0.
n→∞
(ii) Comme la série αn converge, alors kT n k converge aussi, donc T n existe
P P P

dans L (X ). Comme dans la proposition3.3.3 on obtient


à !
∞ ∞
Tk = T k (I − T ) = I
X X
(I − T )
k=0 k=0

Les deux corollaires suivants découlent immédiatement de la précédente pro-


position et de la définition.

Corollaire 3.3.9. Soit T ∈ L (X ). Alors σ(T ) ⊆ D(0, r(T )).

Corollaire 3.3.10. Soit T ∈ L (X ). Alors r(T ) ≤∥ T ∥.

Définition 3.3.11. Soit T un opérateur borné sur X .


(i) T est dit nilpotent lorsqu’il existe un entier n ≥ 1 tel que T n = 0.
(ii) T est dit quasi-nilpotent si limn→∞ ∥ T n ∥1/n = 0.

Il est clair que tout opérateur nilpotent est quasi-nilpotent. Notons aussi qu’un
opérateur T est quasi-nilpotent si, et seulement si, σ(T ) = {0}, ce qui revient aussi à
dire que T ∗ est quasi-nilpotent.

3.4 Résolvante d’un opérateur


Soit T un opérateur borné sur X . On appelle résolvante de T , l’application RT :
ρ(T ) → L (X ) définie par RT (λ) = (T − λ)−1 . Elle vérifie l’identité de la résolvante :

RT (α) − RT (β) = (α − β)RT (α)RT (β) pour tous α, β ∈ ρ(T ).

Il découle de cette identité que le résolvante est holomorphe sur ρ(T ) et que R0T (λ) =
RT (λ)2 .

Théorème 3.4.1. Soit T un opérateur borné sur X . Alors


−(n+1) n
(i) RT (λ) = − ∞n=0 λ
P
T pour |λ| > r(T ).
(ii) ∥ RT (λ) ∥≤ 1/(|λ|− ∥ T ∥) pour |λ| >∥ T ∥.
(iii) limλ→∞ RT (λ) = 0.

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3.4. Résolvante d’un opérateur 27

Preuve. (i) Soit |λ| > r(T ), alors r(λ−1 T ) < 1 et d’après la proposition3.3.8 I − λ−1 T

est inversible et (I − λ−1 T )−1 = λ−n T n , d’où
P
n=0

RT (λ) = (T − λ)−1 = −λ−1 (I − λ−1 T )−1 = − λ−(n+1) T n
X
n=0

(ii) Pour |λ| > kT k on a


°∞ ° ∞ ¡
° X −(n+1) n ° −1 −1
¢n
kRT (λ)k = ° λ
X
° T °° ≤ |λ| |λ| kT k = 1/(|λ| − kT k)
n=0 n=0

(iii) Découle immédiatement de (ii) par passage à la limite. 

Théorème 3.4.2. Soit T ∈ L (X ). Alors σ(T ) est un sous-ensemble compact non vide
de C.

Preuve. L’ensemble des éléments inversibles de L (X ) étant un ouvert donc σ(T )


est fermé, et comme σ(T ) ⊆ D(0, kT k), alors σ(T ) est un compact de C. Si σ(T ) = ∅,
il vient alors que la résolvante RT de T est une fonction analytique sur C, et comme
limλ→∞ RT (λ) = 0, alors d’après le théorème de Liouville, la résolvante RT est iden-
tiquement nulle, ce qui est absurde puisque RT (λ) = (T − λ)−1 est inversible dans
L (X ). 

On note que si E est un espace vectoriel normé non complet, alors le spectre
d’un opérateur T ∈ L (E ) peut être non borné. En effet, considérons l’espace vecto-
riel E = C[X ] et l’application linéaire T : E → E donnée par T p(t ) = t p(t ) pour tous
p ∈ E et t ∈ C. On vérifie facilement que T − λ n’est pas surjective pour tout λ ∈ C.
En plus, si on munit E de la norme ∥ p ∥= sup{|p(t )| : t ∈ [0, 1]}, alors T est continu
et σ(T ) = C.

1
Théorème 3.4.3. Soient T ∈ L (X ) et λ0 ∈ ρ(T ). Pour tout λ ∈ D(λ0 , ), on a
∥RT (λ0 )∥
(i) RT (λ) = n=0 (λ − λ0 )n RT (λ0 )n+1 .
P∞

γ
(ii) ∥ RT (λ) − RT (λ0 ) ∥≤ 1−γ ∥ RT (λ0 ) ∥, où γ = |λ − λ0 |. ∥ RT (λ0 ) ∥< 1.
1 n
Preuve. Soit λ ∈ D(λ0 , n=0 (λ − λ0 ) RT (λ0 )n+1 est
P∞
). Il est clair que la série
∥RT (λ0 )∥
absolument convergente et donc convergente. En outre,
∞ ∞
(T − λ) (λ − λ0 )n RT (λ0 )n+1 = [(T − λ0 ) − (λ − λ0 )] (λ − λ0 )n RT (λ0 )n+1
X X
n=0 n=0
∞ ∞
(λ − λ0 )n RT (λ0 )n − (λ − λ0 )n+1 RT (λ0 )n+1
X X
=
n=0 n=0
= I.

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28 Opérateurs bornés

Ce qui établit (i). D’autre part,



(λ − λ0 )n RT (λ0 ) ∥n+1
X
∥ RT (λ) − RT (λ0 ) ∥ = ∥
n=1

γn
X
≤ ∥ RT (λ0 ) ∥
n=1
γ
≤ ∥ RT (λ0 ) ∥ .
1−γ

Ce qui termine la preuve. 

Soient λ ∈ C et K un sous-ensemble de C. La distance de λ à K est notée par


dist(λ, K ) = inf{|λ − µ| : µ ∈ K }.

Corollaire 3.4.4. Soit T un opérateur borné sur X .


1
(i) Si λ ∈ ρ(T ), alors ∥ RT (λ) ∥≤ .
dist(λ,σ(T ))
(ii) Si (λn )n ⊆ ρ(T ) est une suite telle que limn→∞ λn = λ, alors

λ ∈ σ(T ) ⇔ lim ∥ RT (λn ) ∥= ∞.


n→∞

Preuve. (i) Par le précédent théorème, il vient que pour tout µ ∈ σ(T ), |λ − µ| ≥
1 1
. D’où, dist(λ, σ(T )) ≥ .
∥RT (λ)∥ ∥RT (λ)∥
(ii) Si λ ∈ σ(T ), alors dist(λn , σ(T )) ≤ [λ − λn | et donc limn→∞ dist(λn , σ(T )) = 0.
Par l’assertion (i), on obtient limn→∞ ∥ RT (λn ) ∥= ∞.
Supposons maintenant que λ ∈ ρ(T ). Il vient que limn→∞ ∥ RT (λn ) ∥=∥ RT (λ) ∥
et donc ∥ RT (λn ) ∥ ne peut pas tendre vers l’infini. 

3.5 Partie quasi-nilpotente et coeur analytique


Soit T un opérateur borné sur X .
(i) Le noyau généralisé de T est le sous espace N ∞
(T ) := ∪n N(T n ) ;
(ii) La partie quasi-nilpotente de T est l’ensemble
1
Ho (T ) = {x ∈ X : lim ∥ T n x ∥ n = 0}.
n→∞

Proposition 3.5.1. Soit T un opérateur borné sur X .


(i) Ho (T ) est un sous-espace contenant N ∞
(T ) ;
(ii) pour tout x ∈ X , x ∈ Ho (T ) si et seulement si T x ∈ Ho (T ) ;

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3.5. Partie quasi-nilpotente et coeur analytique 29

(iii) N(T − λ) ∩ Ho (T ) = {0} pour tout nombre complexe λ non nul.

Preuve. (i) Il est clair que N ∞


(T ) ⊆ Ho (T ). Soient x, y ∈ Ho (T ) et α, β ∈ C, alors
1 1 1 1 1 1
∥ T n (αx + βy) ∥ n ≤ (α ∥ T n x ∥ +β ∥ T n y) n ≤ α n ∥ T n x ∥ n +β n ∥ T n y ∥ n .

D’où, αx + βy ∈ Ho (T ).
(ii) Soit x ∈ Ho (T ). On a
1 1 1
∥ T n+1 x ∥ n ≤∥ T ∥ n ∥ T n x ∥ n .

Par conséquent, T x ∈ Ho (T ). Réciproquement, si T x ∈ Ho (T ), alors


1 1 n−1
lim ∥ T n x ∥ n = lim (∥ T n−1 T x ∥ n−1 ) n = 0.
n→∞ n→∞

D’où, x ∈ Ho (T ).
(iii) Supposons que N(T −λ)∩Ho (T ) contient un vecteur non nul x, alors il vient
1 1
lim ∥ T n x ∥ n = lim |λ| ∥ x ∥ n = |λ| , 0.
n→∞ n→∞

Ce qui contredit le fait que x ∈ Ho (T ). 

Proposition 3.5.2. Soit T ∈ L (X ). Alors les assertions suivantes sont équivalentes :


(i) x ∈ Ho (T ),
(ii) il existe une fonction holomorphe f : C∗ → X telle que (T −λ) f (λ) = x pour tout
λ , 0.

Preuve. (i) ⇒ (ii). Soit x ∈ Ho (T ). Pour tout réel α > 0, il existe un entier positif k tel
que ∥ T n x ∥≤ (α/2)n pour tout n ≥ k. Il vient alors que pour tout complexe λ tel que
|λ| > α, on a
1
∥ λ−(n+1) T n x ∥≤ α−(n+1) ∥ T n x ∥≤ α−1 pour tout n ≥ k.
2n
−(n+1) n
n=0 λ converge normalement sur tout ouvert {λ ∈ C : |λ| >
P∞
Ainsi, f (λ) = T x
α}, où α > 0. Par conséquent, f est analytique sur C∗ . Or, f (λ) = (T − λ)−1 x pour
|λ| >∥ T ∥, donc (T − λ) f (λ) = x pour tout λ ∈ C∗ .
(ii) ⇒ (i). Supposons qu’il existe une fonction f vérifiant (ii). Alors, f (λ) = (T −
λ)−1 x pour |λ| ≥∥ T ∥. D’où, lim|λ|→∞ f (λ) = 0, et par conséquent la fonction g (λ) =
f (1/λ) se prolonge en une fonction analytique sur C. Le développement de g en
n
série entière donne g (λ) = ∞n=0 λ u n pour tout λ ∈ C. Ainsi
P


λ−n u n pour tout λ ∈ C∗ .
X
f (λ) =
n=0

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30 Opérateurs bornés

Alors il vient
∞ ∞ ∞
x = (T − λ) f (λ) = λ−n Tu n − λ1−n u n = λu 0 + λ−n (Tu n − u n+1 ).
X X X
n=0 n=0 n=0

Par suite, u 0 = 0, u 1 = −x et u n+1 = Tu n pour tout n ≥ 1. D’où, u n+1 = −T n x pour


tout n ≥ 0. Soit ε un réel vérifiant 0 < ε < 1. Comme ∞ n=0 ε u n converge, alors il
−n
P
1
existe un entier positif N tel que ∥ u n+1 ∥ εn+1 < εn , ou encore ∥ T n x ∥ n ≤ ε. Ce qui
montre que x ∈ Ho (T ). 

Corollaire 3.5.3. Soit T un opérateur borné sur X . Alors Ho (T ) ⊆ R(T − λ) pour tout
nombre complexe λ non nul.

Théorème 3.5.4. Soit T un opérateur borné sur X . Alors T est quasi-nilpotent si, et
seulement si, Ho (T ) = X .

Preuve. Supposons que T est quasi-nilpotent, et soit x ∈ X un vecteur non nul. Po-
sons f (λ) = (T − λ)−1 x pour tout complexe λ non nul, alors (T − λ) f (λ) = x pour
tout λ , 0. Par conséquent, x ∈ Ho (T ) par la Proposition 3.5.2. D’où, Ho (T ) = X .
Réciproquement, supposons que Ho (T ) = X . Alors pour tout λ ∈ C∗ , R(T −λ) = X
d’après le Corollaire 3.5.3, et N(T −λ) = N(T −λ)∩Ho (T ) = {0} d’après la Proposition
3.5.1. D’où, σ(T ) = {0}. Ce qui termine la preuve. 

Proposition 3.5.5. Soit T ∈ L (X ). Si Ho (T ) est un sous-espace fermé, alors T|Ho (T ) est


quasi-nilpotent.

Preuve. La preuve découle du fait que si Y est un sous-espace fermé de X invariant


par T , alors Ho (T|Y ) = Ho (T ) ∩ Y . 

3.6 Coeur algébrique


Dans toute cette section, on dénote par E un espace vectoriel.
L’existence du Coeur algébrique d’une application linéaire T : E → E découle du
lemme de Zorn.

Lemme 3.6.1 (Lemme de Zorn). . Soit Ω un ensemble non vide muni d’une rela-
tion d’ordre ≤. Si tout sous-ensemble de Ω, totalement ordonné, possède un majorant,
alors Ω possède un élément maximal.

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3.6. Coeur algébrique 31

Notons par Ω l’ensemble des sous-espaces K de E satisfaisant T K = K . Il est clair


la réunion d’une famille de sous-espaces de Ω, totalement ordonnée, est un sous-
espace de Ω. En appliquant le lemme de Zorn, on obtient que Ω possède un élément
maximal. Cet élément est unique, en effet si K et L sont deux éléments maximaux,
alors K + L est un élément de Ω plus grand que K et L. D’où, K = L = K + L.

Définition 3.6.2. On appelle coeur algébrique d’une application linéaire T : E → E ,


qu’on note Co(T ), le plus grand sous-espace, M , de X tel que T (M ) = M .

Proposition 3.6.3. Soit T : E → E une application linéaire. Alors

Co(T ) = {x ∈ E : ∃{u n }n ⊂ E tel que x = u 0 et Tu n+1 = u n }.

Preuve. Soit M = {x ∈ X : ∃{u n }n ⊂ X tel que x = u 0 et Tu n+1 = u n }. Il est clair


que M est un sous-espace vectoriel de E . Comme T Co(T ) = Co(T ), on obtient que
Co(T ) ⊆ M . Pour établir l’autre inclusion, il suffit de montrer que T (M ) = M .
Soit x ∈ M alors il existe une suite {u n }n dans E vérifiant u 0 = x et Tu n+1 = u n .
Si on pose v 0 = T x et v n = u n−1 pour tout n ≥ 1, alors on vérifie facilement que
T v n+1 = v n pour tout n ≥ 0. D’où, T x ∈ M .
Réciproquement, soient x ∈ M et {u n }n une suite dans E vérifiant u 0 = x et u n =
Tu n+1 . Considérons la suite donnée par w n = u n+1 pour tout n ≥ 0. Alors il vient

T w n+1 = Tu n+2 = u n+1 = w n pour tout n ≥ 0.

Ce qui montre que T x = u 1 ∈ M . 

Définition 3.6.4. On appelle image généralisée d’une application linéaire T : E → E



le sous-espace de E , R ∞ (T ) = R(T n ).
T
n=o

Il est clair pour toute application linéaire T : E → E , Co(T ) ⊆ R ∞ (T ).

Proposition 3.6.5. Soit T : E → E une application linéaire. S’il existe un entier m ≥ 0


tel que
N(T ) ∩ R(T m ) = N(T ) ∩ R(T m+k ) pour tout k ≥ 0,

alors Co(T ) = R ∞ (T ).

Preuve. Montrons que T R ∞ (T ) = R ∞ (T ). Comme R ∞ (T ) est un sous-espace in-


variant par T , alors il suffit d’établir que R ∞ (T ) ⊆ T R ∞ (T ). Soient y ∈ R ∞ (T ) et

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32 Opérateurs bornés

(x k )k une suite dans E telle que y = T m+k x k pour tout k ≥ 1. Pour tout entier k ≥ 1,
posons z k = T m x 1 − T m+k−1 x k . Alors il vient que

T z k = T m+1 x 1 − T m+k x k = y − y = 0,

et par conséquent z k ∈ N(T ) ∩ R(T m ) = N(T ) ∩ R(T m+k−1 ), pour tout k ≥ 1. Cela
entraîne que T m x 1 = z k + T m+k−1 x k ∈ R(T m+k−1 ) pour tout k ≥ 1. D’où, T m x 1 ∈
R ∞ (T ). Finalement, y = T m+1 x 1 = T T m x 1 ∈ T R ∞ (T ). 

Théorème 3.6.6. Soit T : E → E une application linéaire. Si l’une des conditions sui-
vantes est vérifiée :

(i) N(T ) est de dimension finie,


(ii) R(T ) est de codimension finie,
(iii) N(T ) ⊆ R(T n ) pour tout n ≥ 0,

alors Co(T ) = R ∞ (T ).

Preuve. Il est clair que si T vérifie (i), alors Co(T ) = R ∞ (T ).


(ii) Supposons que codimR(T ) < ∞, alors X = F ⊕ R(T ) avec dim F < ∞. Posons
D n = N(T ) R(T n ), alors D n+1 ⊆ D n pour tout n = 0, 1, · · · . Soit k ∈ N tel que les
T

sous-espaces D n sont deux à deux distincts pour n = 1, 2 · · · , k. On peut supposer


que D j +1 * D j . Ainsi il existe w j ∈ X vérifiant T j w j ∈ D j et T j w j ∉ D j +1 . Posons
k
λ j u j = 0 alors
P
w j = u j + v j où u j ∈ F et v j ∈ R(T ). Si
j =1

k k
λj w j = λj v j ,
X X
j =1 j =1

et par suite
T k w 1 = T k w 2 = · · · T k w k−1 = 0

et
k k
T k( λ j w j ) = λk T k w k = T k ( λ j v j ) ∈ T k (R(T )) = R(T k+1 ).
X X
j =1 j =1

D’où λk T k w k ∈ D k+1 = N(T ) R(T k+1 ) et puisque T k w k ∉ D k+1 , on a nécessaire-


T

ment λk = 0. De proche en proche on montre que λk−1 = · · · = λ1 = 0 ; ce qui montre


que k ≤ dim F . Finalement, pour m assez grand on a

N(T ) ∩ R(T m ) = N(T ) ∩ R(T m+k ) ∀k ≥ 0,

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3.7. Coeur analytique 33

et par suite Co(T ) = R∞ (T ).


(iii) Si N(T ) ⊆ R(T n ) pour tout n ≥ 0, alors

N(T ) ∩ R(T m ) = N(T ) ∩ R(T m+k ) = N(T ) ∀k ≥ 0

et Co(T ) = R∞ (T ). 

3.7 Coeur analytique


Soit T ∈ L (X ). On appelle coeur analytique de T l’ensemble K(T ) des vecteurs
x ∈ X pour lesquels il existe un réel δ > 0 et une suite {u n }n≥0 satisfaisant

u 0 = x, Tu n+1 = u n et ∥ u n ∥≤ δn ∥ x ∥ pour tout n ≥ 0. (3.7.1)

Notons que la condition

∥ u n ∥≤ δn ∥ x ∥ pour tout n ≥ 0
1
peut-être remplacée par : {∥ u n ∥ n } est une suite bornée.

Proposition 3.7.1. Soit T un opérateur borné sur X . Alors


(i) K(T ) est un sous-espace de X ;
(ii) T K(T ) = K(T ) ;
(iii) K(T ) ⊆ Co(T ) ⊆ R ∞ (T ).

Preuve. (i) Il est facile de vérifier que K(T ) est stable pour la multiplication par un
scalaire. Soient x et y deux vecteurs de K(T ) tels que x + y , 0. Alors il existe deux
réels δ et γ strictement positifs, et deux suite (u n )n≥0 et (v n )n≥0 dans X vérifiant

u 0 = x, Tu n+1 = u n et ∥ u n ∥≤ δn ∥ x ∥ pour tout n ≥ 0.

et
v 0 = x, T v n+1 = v n et ∥ v n ∥≤ γn ∥ y ∥ pour tout n ≥ 0.

On a

∥ u n + v n ∥ ≤ ∥ u n ∥ + ∥ v n ∥≤ c n (∥ x ∥ + ∥ y ∥) où c = max{δ, γ}
∥x ∥+∥y ∥
≤ (cµ)n ∥ x + y ∥ où µ = .
∥x+y ∥

Ce qui prouve que x + y ∈ K(T ).

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34 Opérateurs bornés

(ii) Soit x ∈ K(T ) tel que T x , 0, et (u n )n≥0 une suite vérifiant (3.7.1). Considérons
la suite (v n )n≥0 introduite dans la preuve de la Proposition 3.6.3. Alors il suffit de
montrer qu’il existe un réel α > 0 pour lequel ∥ v n ∥≤ αn ∥ T x ∥ pour tout n ≥ 0. On
a
∥ v n ∥=∥ u n−1 ∥≤ δn−1 ∥ x ∥≤ αn ∥ T x ∥,

où α = δ. max{1, δ−1 ∥ x ∥ / ∥ T x ∥} Par conséquent, T x ∈ K(T ).


(iii) Soient x ∈ K(T ) un vecteur non nul et (u n )n≥0 une suite vérifiant (3.7.1).
Considérons la suite (w n )n≥0 introduite dans la preuve de la Proposition 3.6.3. On a

∥ w n ∥=∥ u n+1 ∥≤ δn+1 ∥ x ∥≤ δn+1 ∥ T ∥∥ u 1 ∥≤ βn ∥ u 1 ∥,

où β = max{1, δ ∥ T ∥}. Ce qui prouve que x = Tu 1 ∈ K(T ). 

Proposition 3.7.2. Soit T un opérateur borné sur X .

(i) Si M est un sous-espace fermé de X tel que T M = M , alors M ⊆ K(T ).

(ii) Si Co(T ) est fermé, alors Co(T ) = K(T ).

Preuve. (i) Comme To = T|M est un opérateur surjectif, alors d’après le théorème de
l’application ouverte, il existe un réel δ > 0 tel que B X ⊆ T B X (0, δ). Ainsi pour tout
a ∈ M il existe b ∈ M tel que a = T b et ∥ b ∥≤ δ ∥ a ∥. Soit x ∈ M et posons u 0 = x.
Alors il existe u 1 ∈ X satisfaisant Tu 1 = u 0 et ∥ u 1 ∥≤ δ ∥ u 0 ∥. Ainsi, de proche en
proche, on construit une suite {u n }n≥0 de vecteur vérifiant

u 0 = x, Tu n+1 = u n et ∥ u n+1 ∥≤ δ ∥ u n ∥ pour tout n ≥ 0.

Il est clair qu’une telle suite vérifie aussi (3.7.1), et par conséquent, x ∈ K(T ).
(ii) Si Co(T ) est fermé, et comme T Co(T ) = Co(T ), on obtient que Co(T ) ⊆ K(T ).
D’où, par la Proposition 3.7.1, Co(T ) = K(T ). 

Théorème 3.7.3. Soit T un opérateur borné sur X . Alors les assertions suivantes sont
équivalentes :

(i) x ∈ K(T ),

(ii) Il existe un ouvert U contenant 0 et f ∈ H (U , X ) tels que (T − λ) f (λ) = x pour


tout λ ∈ U .

Preuve. Soit x ∈ K(T ). Alors il existe un réel δ > 0 et une suite {x n }n≥0 de vecteurs de
n−1
X vérifiant (3.7.1). Posons f (λ) = +∞ n=1 λ u n pour |λ| < δ−1 . Il est clair que f est
P

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3.7. Coeur analytique 35

bien définie et analytique sur son domaine de définition. En plus, on a


+∞ +∞
(T − λ) f (λ) = λn−1 u n−1 − λn u n = u 0 = x.
X X
n=1 n=1

Réciproquement, supposons qu’il existe une fonction f : D(0, ε) → X telle que (T −


λ) f (λ) = x pour tout λ ∈ D(0, ε). Alors il existe une suite {x n }n≥0 de vecteurs de X
n−1
n=1 λ
telle que f (λ) = +∞ u n pour |λ| < ε. Or,
P

+∞ +∞ +∞ +∞
x = (T − λ) f (λ) = λn−1 Tu n − λn u n = λn−1 Tu n − λn−1 u n−1
X X X X
n=1 n=1 n=1 n=2
+∞
λn−1 (Tu n − u n−1 )
X
= Tu 1 +
n=2

pour tout λ ∈ D(0, ε). Par suite, en posant u 0 = x, il vient que Tu n+1 = u n pour tout
n ≥ 0. D’autre part, puisque f (ε/2) existe, la suite {(ε/2)n−1 ∥ u n ∥} a une limite nulle
1
en l’infinie, et donc elle est bornée. Il en découle que la suite {∥ u n ∥ n } est bornée,
ce qui montre que x ∈ K(T ). 

Dans la proposition suivante, on fournit la relation de dualité qui relie le coeur


analytique et la partie quasi-nilpotente.

Proposition 3.7.4. Soit T un opérateur borné sur X . Alors Ho (T ) ⊆⊥ K(T ∗ ).

Preuve. Soient x ∈ Ho (T ) et f ∈ K(T ∗ ). Alors il existe un réel δ > 0 et une suite { f n }n≥0
de formes linéaires sur X tels que

f 0 = f , T ∗ f n+1 = f n et ∥ f n ∥≤ δn ∥ f ∥ pour tout n ≥ 0.

Par suite,

| f (x)| = |T ∗n f n (x)| = | f n (T n x)| ≤∥ f n ∥∥ T n x ∥≤ δn ∥ T n x ∥∥ f ∥ .


1
Comme limn→∞ ∥ T n x ∥ n = 0, alors limn→∞ δn ∥ T n x ∥= 0. D’où, f (x) = 0. 

Corollaire 3.7.5. Soit T ∈ L (X ) un opérateur quasi-nilpotent, alors K(T ) = K(T ∗ ) =


{0}.

Preuve. Comme T est quasi-nilpotent, on a Ho (T ) = X . D’où, ⊥ K(T ∗ ) = {0} d’après


la proposition précédente. Par conséquent, K(T ∗ ) = {0}. D’autre part, T ∗ est aussi
quasi-nilpotent, donc K(T ∗∗ ) = {0}. Or, il est facile de vérifier que J K (T ) ⊆ K(T ∗∗ ) où
J : X → X ∗∗ est l’injection canonique. D’où, K(T ) = {0}, ce qui termine la preuve. 

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36 Opérateurs bornés

3.8 Décomposition spectrale


Théorème 3.8.1 (Lemme de Riesz). Soit T ∈ L (X ) tel que σ(T ) = F 1 ∪ F 2 où F 1 , F 2
sont deux fermés disjoints. Alors il existe deux sous-espaces fermés X 1 , X 2 invariants
par T tels que
(i) X = X 1 ⊕ X 2 , où la somme directe est topologique,
(ii) σ(T|X 1 ) = F 1 et σ(T|X 2 ) = F 2 .

Preuve. Soient U1 et U2 deux ouverts disjoints contenant respectivement F 1 et F 2 .


Considérons f : U1 ∪ U2 → C la fonction donnée par f |U1 = 1 et f |U2 = 0, et posons
P = f (T ). Comme f 2 = f , on a P 2 = P . Posons X 1 = R(P ) et X 2 = N(P ). Alors X 1 , X 2
sont invariants par T puisque P T = T P , et X = X 1 ⊕ X 2 .
Montrons que σ(T|X i ) ⊆ F i pour i = 1, 2. Soit λ ∉ U1 et considérons la fonction
(
(z − λ)−1 si z ∈ U1
g (z) =
0 si z ∈ U2 .

Il vient alors que (z−λ)g (z) f (z) = f (z) pour tout z ∈ U1 ∪U2 . D’où, (T −λ)g (T ) f (T ) =
f (T ), et par suite (T − λ)g (T )|X 1 = I |X 1 . Or, T et g (T ) commutent, donc (T − λ)|X 1 est
inversible et λ ∉ σ(T|X 1 ).
Maintenant, en considérant la fonction h = 1− f , on obtient de la même manière
que le spectre de la restriction de T à X 2 = R(h(T )) est inclus dans U2 .
Finalement, comme σ(T ) = σ(T|X 1 ) ∪ σ(T|X 2 ), il vient

F 1 = σ(T ) ∩U1 = σ(T|X 1 ) ∩U1 = σ(T|X 1 ).

De la même manière, on montre que F 2 = σ(T|X 2 ), ce qui termine la preuve. 

Soit T un opérateur borné sur X possédant un point λ isolé dans son spectre.
Le théorème précédent assure l’existence de deux sous-espaces fermés X 1 , X 2 , in-
variants par T tels que X = X 1 ⊕ X 2 , (T − λ)|X 1 est quasi-nilpotent et (T − λ)|X 2 est
inversible. Le théorème suivant fournit une caractérisation des points isolé λ du
spectre et explicite les sous-espaces associés X 1 et X 2 .

Théorème 3.8.2. Soient T ∈ L (X ) et λ ∈ σ(T ). Alors les assertions suivantes sont


équivalentes.
(i) λ est un point isolé de σ(T ),
(ii) X = Ho (T −λ)⊕K(T −λ), où Ho (T −λ) , {0} et la somme directe est topologique.

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3.9. Ascente, descente et pôles de la résolvante 37

Preuve. Quitte à remplacer T par T − λ, on peut supposer que λ = 0.


(i) ⇒ (ii). D’après le théorème précédent il existe deux sous-espaces fermés X 1 , X 2
invariants par T tels que X = X 1 ⊕ X 2 , T|X 1 est quasi-nilpotent et T|X 2 est inversible.
On a X 1 ⊆ Ho (T ) et X 2 ⊆ K(T ). Montrons que Ho (T )∩ X 2 = {0}. Soit x ∈ X 2 un vecteur
non nul. Alors
n −1 n
−n
∥ x ∥≤∥ T|X 2
∥∥ T|X 2
x ∥≤∥ T|X 2
∥ ∥ T n x ∥,
1
ce qui montre que ∥ T n x ∥ n 9 0, et donc x ∉ Ho (T ). Ainsi,

Ho (T ) = Ho (T ) ∩ (X 1 ⊕ X 2 ) = X 1 ⊕ Ho (T ) ∩ X 2 = X 1 .

Montrons maintenant que K(T ) ∩ Ho (T ) = K(T|Ho (T ) ). Soient x ∈ K(T ) ∩ Ho (T ) et


{u n }n≥0 une suite de vecteurs de X satisfaisant (3.7.1). Puisque Tu 1 = x, u 1 ∈ Ho (T )
d’après la Proposition 3.5.1. En réitérant le même raisonnement, on obtient que
tous les vecteurs u n appartiennent à Ho (T ). D’où, x ∈ K(T|Ho (T ) ). L’autre inclusion
est clair.
Finalement, comme T|Ho (T ) est un opérateur quasi-nilpotent, son coeur analy-
tique est réduit à zéro, et donc K(T ) ∩ Ho (T ) = {0}. Par conséquent,

K(T ) = K(T ) ∩ (Ho (T ) ⊕ X 2 ) = K(T ) ∩ Ho (T ) ⊕ X 2 = X 2 ,

ce qui termine la preuve. 

3.9 Ascente, descente et pôles de la résolvante


Dans cette section on désigne par E un espace vectoriel.

Définition 3.9.1. Une application linéaire T : E → E est dite d’ascente finie s’il existe
un entier n ≥ 0 pour lequel N(T n ) = N(T n+1 ). Dans ce cas, on définit l’ascente de T
par
a(T ) = min n ≥ 0 : N(T n ) = N(T n+1 ) .
© ª

Définition 3.9.2. Une application linéaire T : E → E est dite de descente finie s’il
existe un entier n ≥ 0 pour lequel R(T n ) = R(T n+1 ). Dans ce cas, on définit la des-
cente de T par
d(T ) = min n ≥ 0 : R(T n ) = R(T n+1 ) .
© ª

Lorsque T n’est pas d’ascente (resp. de descente) finie, on note a(T ) = ∞ (resp.
d(T ) = ∞).

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38 Opérateurs bornés

Soit T : E → E une application linéaire nilpotente. Alors

a(T ) = min{n ≥ 0 : N(T n ) = E } = min{n ≥ 0 : R(T n ) = {0}} = d(T ).

On appelle indice de nilpotence de T le plus plus petit entier n ≥ 0 vérifiant T n = 0,


et il est noté par i(T). Il est claire que pour un tel opérateur, a(T ) = d(T ) = i(T).

Lemme 3.9.3. Soient T : E → E une application linéaire et d ≥ 1 un entier. Alors


(i) N(T d +1 ) = N(T d ) si, et seulement si, R(T d ) ∩ N(T n ) = {0} pour tout entier n ≥ 0.
(ii) R(T d +1 ) = R(T d ) si, et seulement si, R(T n ) + N(T d ) = E pour tout entier n ≥ 0.

Preuve. (i) Supposons que N(T d +1 ) = N(T d ) et soit x ∈ R(T d ) ∩ N(T n ). Alors il existe
y ∈ N(T d +n ) tel que x = T d y. Or, N(T d +n ) = N(T d ), donc y ∈ N(T d ) et x = T d y = 0.
Réciproquement, si x ∈ N(T d +1 ), alors T d x ∈ R(T d ) ∩ N(T ) = {0}. D’où, x ∈ N(T d ).
Par conséquent, N(T d +1 ) = N(T d ).
(ii) Supposons que R(T d +1 ) = R(T d ) et soit x ∈ E . Alors R(T d +n ) = R(T d ), et par
conséquent, il existe y ∈ E tel que T d x = T d +n y. Par suite x − T n y ∈ N(T d ), et donc
x ∈ R(T n ) + N(T d ). Ce qui montre que R(T n ) + N(T d ) = E . Réciproquement, pour
n = 1, on a R(T d ) = T d (R(T ) + N(T d )) = R(T d +1 ). 

Proposition 3.9.4. Soit T : E → E une application linéaire. Si T est d’ascente et de


descente finies, alors a(T ) = d(T ) = p et E = N(T p ) ⊕ R(T p ).

Preuve. On pose k = max{a(T ), d(T )}. On a E = R(T k ) ⊕ N (T k ) d’après le lemme


précédent. Écrivons T = T0 ⊕ T1 où T0 = T|R(T k ) et T1 = T|N (T k ) . Comme N (T0 ) =
R(T k ) ∩ N (T ) ⊂ R(T k ) ∩ N (T k ) = {0}, alors T0 est injectif, et comme T0 (R(T k )) =
R(T k+1 ) = R(T k ), alors T0 est inversible et a(T0 ) = d (T0 ) = 0. Comme T1 est nil-
potent, on obtient que
a(T ) = a(T1 ) = d (T1 ) = d (T ).

Le corollaire suivant se déduit de la précédente proposition et sa preuve.

Corollaire 3.9.5. Soit T ∈ L (X ) un opérateur non inversible, d’ascente et de descente


finies p. Alors
(i) R(T k ) est fermé pour tout k ≥ p.
(ii) 0 est un point isolé dans σ(T ),
(iii) Ho (T ) = N(T p ) et K(T ) = R(T p ).

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3.9. Ascente, descente et pôles de la résolvante 39

Preuve. (i) Soit k ≥ p. On a X = N(T k ) ⊕ R(T k ). D’où, R(T k ) est fermé, voir Exercice
3.11.11.
(ii) En utilisant les notations de la preuve de la proposition précédente, T1 est
inversible et T0 est nilpotent. Donc il existe un réel α > 0 tel que Ti − α, i = 1, 2, est
inversible si 0 < |λ| < α. D’où, T − λ est inversible si 0 < |λ| < α, ce qui montre que 0
est un point isolé dans le spectre de T .
(iii) On a N(T p ) ⊆ Ho (T ). Or, la restriction de T au sous-espace fermé R(T p ) est
surjectif, donc on a aussi R(T p ) ⊆ K(T ). Maintenant, comme 0 est un point isolé
dans σ(T ) et a(T ) = d(T ) = p,

X = Ho (T ) ⊕ K(T ) = N(T p ) ⊕ R(T p ).

Ce qui entraîne que Ho (T ) = N(T p ) et K(T ) = R(T p ). 

Notons que la conclusion de la proposition précédente n’est vraie que si l’opé-


rateur est d’ascente et de descente finies. En effet, si T est l’opérateur shift à droite,
alors a(T ) = 0 et d(T ) = ∞. Cependant, si S est l’opérateur shift à gauche, alors
a(S) = ∞ et d(S) = 0.

Proposition 3.9.6. Soit T ∈ L (X ).


(i) Si d(T ) < ∞ alors T ∗ est d’ascente finie et a(T ∗ ) ≤ d(T ). On a équivalence lorsque
R(T k ) est fermé à partir d’un certain rang n.
(ii) Si d(T ∗ ) < ∞ alors T est d’ascente finie et a(T ) ≤ d(T ∗ ). On a équivalence lorsque
R(T ∗k ) est fermé à partir d’un certain rang n.
(iii) T est d’ascente et de descente finie p si, et seulement si, T ∗ est d’ascente et de
descente finie q. En plus, dans ce cas, on a p = q.

Preuve. (i) On a R(T d +1 ) = R(T d ) où d = d(T ). Donc

N(T ∗d +1 ) = R(T d +1 )⊥ = R(T d )⊥ = N(T ∗d ).

D’où, a(T ∗ ) ≤ d(T ).


Supposons que pour k assez grand, on a N(T ∗k+1 ) = N(T ∗k ), R(T k ) et R(T k+1 )
sont fermés. Alors

R(T k+1 ) =⊥ N(T ∗k+1 ) =⊥ N(T ∗k ) = R(T k ),

et T est donc d’ascente finie.


(ii) se démontre de la même manière.

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40 Opérateurs bornés

(iii) Si a(T ) = d(T ) = p alors R(T k ), et donc R(T ∗k ), est fermé pour tout k ≥ p
d’après le Corollaire 3.9.5 (i). Les assertions (i) et (ii) impliquent alors que T ∗ est
d’ascente et de descente finies et

q = d(T ∗ ) = a(T ∗ ) ≤ d(T ) = asc(T ) = p.

Réciproquement, si a(T ∗ ) = d(T ∗ ) = q alors on montre de la même manière que T


est d’ascente et de descente finies et p ≤ q. 

Soit f une fonction holomorphe sur U = {z ∈ C : 0 < |z − a| < c}, où a ∈ C et c


un réel strictement positif, à valeurs dans X . Alors le développement en série de
Laurent de f autour de a donne
+∞
(z − a)n x n ,
X
f (z) =
n=−∞

où la convergence est absolue et uniforme sur tout compact de U et


1 f (z)
Z
xn = dz
2πi γ (z − a)n+1

avec γ(t ) = a + e2πt i pour tout 0 ≤ t ≤ 1, et r un réel arbitraire dans ]0, c[. On note
qu’un tel développement est unique.

Soit T ∈ L (X ) et λ0 un point isolé dans le spectre T . Alors il existe un réel c > 0


tel que
+∞
(λ − λ0 )n A n pour 0 < |λ − λ0 | < c.
X
RT (λ) = (3.9.1)
n=−∞
Posons P la projection sur Ho (T − λ0 ) associée à la décomposition X = Ho (T − λ0 ) ⊕
K(T − λ0 ). Une inspection de la preuve du théorème permet d’établir que
1
Z
P = A −1 = RT (λ)dλ, où 0 < r < c;
2πi γ

en particulier A −1 est toujours non nul. Notons aussi que les opérateurs A n satisfont
les identités suivantes :
(
A −1 = (T − λ0 )A 0 − I
(3.9.2)
A n−1 = (T − λ0 )A n si n ∈ Z \ {0}.

En effet,

I = (T − λ)RT (λ) = (T − λ0 )RT (λ) − (λ − λ0 )RT (λ)


+∞
(λ − λ0 )n ((T − λ0 )A n − A n−1 ) .
X
=
n=−∞

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3.9. Ascente, descente et pôles de la résolvante 41

Maintenant, l’unicité du développement en série de Laurent nous donne les identi-


tés (3.9.2). Ces dernières implique que s’il existe un k ∈ Z tel que A k = 0 alors k ≤ −2
et A n = 0 pour tout n ≤ k.
On dira que λ0 est pôle d’ordre finie lorsqu’il existe un entier k ≥ 1 tel que A −k ,
0 et A −k−1 = 0. Cet entier est est unique et est appelé l’ordre du pôle λ0 .

Théorème 3.9.7. Soient T ∈ L (X ), λ ∈ σ(T ) et p ≥ 1 un entier. Alors les assertions


suivantes sont équivalentes :

(i) λ est un pôle d’ordre p de la résolvante de T .

(ii) λ est un pôle d’ordre p de la résolvante de T ∗ .

(iii) a(T − λ) = d(T − λ) = p.

(iv) a(T ∗ − λ) = d(T ∗ − λ) = p.

Preuve. Sans perte de généralité, on peut supposer que λ = 0. L’équivalence (iii)


⇔ (iv) est établie dans la Proposition 3.9.6. L’équivalence (ii) ⇔ (iv) se déduit par
dualité de l’équivalence (i) ⇔ (iii) qui reste à prouver.
(i) ⇒ (iii). Considérons le développement de RT autour de zéro
+∞
(λ − λ0 )n A n pour 0 < |λ − λ0 | < c,
X
RT (λ) =
n=−∞

où c est un réel convenablement choisi. Alors A −1 est la projection sur Ho (T − λ0 )


associée à la décomposition X = Ho (T ) ⊕ K(T ). D’après (3.9.2) il vient

T p−1 A −1 = A −p , 0 et T p A −1 = A −p−1 = 0.

p p−1
Par conséquent, T|H = 0 et T|H = 0, ou encore, T|Ho (T ) est nilpotent d’indice p.
o (T ) o (T )
Comme T|K(T ) est inversible, on obtient que

a(T ) = a(T|Ho (T ) ) = d(T|Ho (T ) ) = d(T ).

(iii) ⇒ (i). D’après le Corollaire 3.9.5, 0 est un point isolé dans σ(T ) et

X = Ho (T ) ⊕ K(T ) avec Ho (T ) = N(T p ) et K(T ) = R(T p ).

D’autre part, il existe un réel c > 0 tel que


+∞
(λ − λ0 )n A n pour 0 < |λ − λ0 | < c.
X
RT (λ) =
n=−∞

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42 Opérateurs bornés

Écrivons aussi T = T0 ⊕ T1 relativement à la décomposition X = N(T p ) ⊕ R(T p ).


Comme T0 est nilpotent d’indice p, alors

p−1 p
A −p = T p−1 A −1 = T0 A −1 , 0 et A −p−1 = T0 A −1 = 0.

Ce qui montre que 0 est un pôle de la résolvante d’ordre p. 

3.10 Spectres approximatif et surjectif


Définition 3.10.1. Soit a ∈ A .
(i) On dit que a est un diviseur topologique de zéro s’il est un diviseur topologique
de zéro à gauche ou à droite.
(ii) On dit que a est un diviseur topologique de zéro des deux cotés s’il existe une
suie {x n } telle que ∥ x n ∥= 1, limn→∞ ∥ ax n ∥= 0 et limn→∞ ∥ x n a ∥= 0.

Proposition 3.10.2. Tout diviseur topologique de zéro à gauche (resp. à droite) n’est
pas inversible à gauche (resp. à droite).

Preuve. Si a est inversible à gauche, alors il existe un élément b ∈ A vérifiant ba = 1.


Ainsi, pour toute suite (x n ) d’éléments de norme 1, on a

1 =∥ x n ∥=∥ bax n ∥≤∥ b ∥∥ ax n ∥ .

Par conséquent, ax n 9 0 et a n’est pas diviseur topologique de zéro à gauche. De la


même manière, on prouve que tout élément inversible à droite n’est pas un diviseur
topologique de zéro à droite. 

Un élément est dit singulier s’il n’est pas inversible. L’ensemble des éléments
singuliers de A est noté par S (A).

La frontière d’un sous-ensemble F d’un espace topologique E est notée par ∂F .

Lemme 3.10.3. Tout élément de ∂S (A) est un diviseur topologique de zéro des deux
cotés.

Preuve. Comme S = A \Inv(A ) est fermé, ∂S (A) = S (A)\ S ˚(A) = S (A)∩Inv(A ).


Soit a ∈ ∂S (A), alors il existe une suite {x n } d’éléments inversibles convergeant vers
a. Posons z n =∥ x n−1 ∥−1 x n−1 . On a ∥ z n ∥= 1,

∥ az n ∥=∥ (a − x n )z n + x n z n ∥≤∥ a − x n ∥ + ∥ x n−1 ∥−1 (3.10.1)

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3.10. Spectres approximatif et surjectif 43

et
∥ z n a ∥≤∥ a − x n ∥ + ∥ x n−1 ∥−1 (3.10.2)

pour tout n. D’autre part, comme a n’est pas inversible, alors x n−1 a ne l’est pas,
et par conséquent
1 ≤∥ 1 − x n−1 a ∥≤∥ x n−1 ∥∥ x n − a ∥ .

D’où, limn→∞ ∥ x n−1 ∥= +∞. Maintenant, en utilisant (3.10.1) et (3.10.2), on obtient


que les suites {az n }n et {z n a}n convergent vers zéro. 

Corollaire 3.10.4. Soit a ∈ A . Si λ ∈ σ(a), alors a − λ est un diviseur topologique de


zéro des deux cotés.

Preuve. Soit λ ∈ ∂σ(a) alors a−λ ∈ S (A) et il existe une suite (λn ) ⊆ Cσ(a) conver-
geant vers λ. Comme a −λn → a −λ alors a −λ ∈ Inv(A ), par suite a −λ ∈ ∂S (A). 

On dira qu’un opérateur T ∈ L (X ) est inférieurement borné lorsque

inf{∥ T x ∥: x ∈ X et ∥ x ∥= 1} > 0.

Proposition 3.10.5. Soit T un opérateur borné sur X . Alors les assertions suivantes
sont équivalentes :

(i) T est un diviseur topologique de zéro à gauche,

(ii) T n’est pas inférieurement borné.

Preuve. (i) ⇔ (ii). Si T est inférieurement borné, alors il existe un réel m > 0 pour
lequel ∥ T x ∥≥ m ∥ x ∥ pour tout x ∈ X . Soit {S n } une suite d’opérateurs de L (X ) de
norme 1. On a
∥ T S n x ∥≥ m ∥ S n x ∥ pour tout x ∈ X .

D’où, ∥ T S n ∥≥ m ∥ S n ∥= m > 0, et par conséquent T S n 9 0. Ce qui montre que T


n’est pas un diviseur topologique de zéro à gauche.
(ii) ⇔ (i). Soit {x n } une suite de vecteurs de X de norme 1 telle que limn→∞ ∥
T x n ∥= 0. Soit f ∈ X ∗ une forme linéaire de norme 1, et considérons la suite d’opé-
rateurs S n = x n ⊗ f . Alors, ∥ S n ∥=∥ x n ∥∥ f ∥= 1 pour tout n et

∥ T S n ∥=∥ T x n ⊗ f ∥=∥ T x n ∥∥ f ∥=∥ T x n ∥→ 0.

Ce qui termine la preuve. 

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44 Opérateurs bornés

Proposition 3.10.6. Soit T un opérateur borné sur X . Alors les assertions suivantes
sont équivalentes :
(i) T est un diviseur topologique de zéro à droite,
(ii) T ∗ est un diviseur topologique de zéro à gauche.

Preuve. (i) ⇔ (ii). S’il existe une suite {S n }n ⊆ L (X ) d’opérateurs de norme 1 telle
que limn→∞ ∥ S n T ∥= 0, alors ∥ S n∗ ∥=∥ S n ∥= 1, pour tout n, et ∥ T ∗ S n∗ ∥=∥ S n T ∥→ 0.
Donc, T ∗ est diviseur topologique de zéro à gauche.
(ii) ⇔ (i). Soit { f n }n ⊆ X ∗ une suite de formes linéaires de norme 1. Choisissons
un vecteur x ∈ X de norme 1 et posons S n = x ⊗ f n . Alors ∥ S n ∥= 1, pour tout n, et

∥ S n ∥=∥ x ⊗ f n ∥=∥ x ∥∥ f n ∥=∥ f n ∥→ 0.

Ce qui montre que T est un diviseur topologique de zéro à droite. 

Définition 3.10.7. Soit T ∈ L (X , Y ).


(i) Le module d’injectivité est défini par

m(T ) = inf{∥ T x ∥: x ∈ X et ∥ x ∥= 1}.

(ii) Le module de surjectivité est défini par

q(T ) = sup{r ≥ 0 : BY (0, r ) ⊆ T B X }.

On note que pour tout opérateur T ∈ L (X , Y ), m(T ) ≤∥ T ∥ et q(T ) ≤∥ T ∥. En


effet, pour tout x ∈ X de norme 1, m(T ) ≤∥ T x ∥≤∥ T ∥, et pour tout réel r positif tel
que BY (0, r ) est inclus dans T B X ⊆ B X (0, ∥ T ∥), on a r ≤∥ T ∥.

Proposition 3.10.8. Soit T ∈ L (X , Y ). Alors :


(i) T est injectif à image fermée si, et seulement si, m(T ) > 0.
(ii) T est surjectif si, et seulement si, q(T ) > 0.

Preuve. (i) Supposons que T est injectif à image fermée, alors l’opérateur borné
T0 : X → R(T ), défini par T0 x = T x pour tout x ∈ X , est inversible. Par conséquent,
∥ T0−1 ∥∥ y ∥≥∥ T0−1 y ∥ pour tout y ∈ R(T ). Ce qui implique que ∥ T x ∥≥∥ T0−1 ∥−1 ∥ x ∥
pour tout x ∈ X . D’où, m(T ) ≥∥ T0−1 ∥−1 > 0.
Réciproquement, supposons que m(T ) > 0 et soit {T x n }n une suite de Cauchy.
Comme
∥ T x ∥≥ m(T ) ∥ x ∥ pour tout x ∈ X , (3.10.3)

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3.10. Spectres approximatif et surjectif 45

il vient que {x n } est une suite de Cauchy et donc converge vers un vecteur x. Ainsi,
{T x n }n converge vers T x. Ceci montre que R(T ) est fermée. L’injectivité de T dé-
coule immédiatement de (3.10.3).
(ii) Si T est surjectif, alors d’après le théorème de l’application ouverte, il existe
un réel r > 0 tel que BY (0, r ) ⊆ R(T ). D’où, q(T ) > 0. Réciproquement, supposons
que q(T ) > 0 et soit s un réel tel que 0 < s < q(T ). Alors BY (0, s) ⊆ R(T ). Ce qui en-
traîne que R(T ) = X . 

Théorème 3.10.9. Soit T un opérateur borné sur X . Alors

(i) T est un diviseur topologique de zéro à gauche si, et seulement si, T n’est pas
injectif à image fermée.

(ii) T est un diviseur topologique de zéro à droite si, et seulement si, T n’est pas
surjectif.

Preuve. (i) Découle des Propositions 3.10.5 et 3.10.8(i). En utilisant le Corollaire


3.2.5 et la Proposition 3.10.6, (ii) se déduit de (i) par dualité. 

Théorème 3.10.10. Soient T ∈ L (X , Y ) et S ∈ L (Y , Z). Alors

(i) m(S).m(T ) ≤ m(ST ) ≤∥ S ∥ m(T ) ;

(ii) q(S).q(T ) ≤ q(ST ) ≤ q(S) ∥ T ∥.

Preuve. (i) On a

∥ ST x ∥
m(ST ) = inf{ : x ∈ X et ∥ x ∥= 1}
∥x∥
∥Tx ∥
≤ ∥ S ∥ inf{ : x ∈ X et ∥ x ∥= 1} =∥ S ∥ m(T ).
∥x∥

D’autre part, pour tout x ∈ X , on a

∥ ST x ∥≥ m(S) ∥ T x ∥≥ m(S)m(T ) ∥ x ∥,

D’où, m(ST ) ≥ m(S)m(T ).


(ii) Montrons que q(ST ) ≤ q(S) ∥ T ∥. Supposons que q(ST ) > 0 et soit r un réel
tel que 0 < r < q(ST ). Alors T , 0 et

B Z (0, r ) ⊆ ST B X ⊆∥ T ∥ BY .

D’où, r ≤ q(S) ∥ T ∥. Par conséquent, q(ST ) ≤ q(S) ∥ T ∥.

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46 Opérateurs bornés

Supposons que q(S) et q(T ) sont strictement positifs et soient α ∈]0, q(S)[ et β ∈
]0, q(T )[. Alors

B Z (0αβ) = βB Z (0, α) ⊆ βSBY = SBY (0, β) ⊆ ST B X ,

et donc αβ ≤ q(ST ). D’où, q(S).q(T ) ≤ q(ST ). 

Proposition 3.10.11. Si T ∈ L (X , Y ) est inversible, alors


1
m(T ) = q(T ) = .
∥ T −1 ∥
Preuve. On a
∥Tx ∥
½ ¾
1
m(T ) = inf : x ∈ X \ {0} = n o
∥x∥ ∥x∥
sup ∥T x∥ : x ∈ X \ {0}
1 1
= o= .
∥T −1 y∥ ∥ T −1 ∥
n
sup ∥y∥
: y ∈ Y \ {0}

D’après la proposition 3.10.10, on a 1 = q(I ) ≤ q(T ) ∥ T −1 ∥ et donc ∥ T −1 ∥−1 ≤ q(T ).


Soit c ∈]0, q(T ). Alors BY (0, c) ⊆ T B X , et par conséquent T −1 BY ⊆ B X (0, c −1 ). D’où,
∥ T −1 ∥≤ c −1 , ou encore c ≤∥ T −1 ∥−1 . Ce qui montre que q(T ) ≤∥ T −1 ∥−1 . 

Théorème 3.10.12. Soit T ∈ L (X , Y ). Alors

m(T ) = q(T ∗ ) et q(T ) = m(T ∗ ).

Preuve. Notons d’abord que d’après le Corollaire 3.2.5 et la Proposition 3.10.8, m(T ) =
0 si et seulement si q(T ∗ ) = 0, et q(T ) = 0 si et seulement si m(T ∗ ) = 0.
(i) Soit T ∈ L (X ) un opérateur tel que m(T ) > 0. Alors R(T ) est fermé et T0 : X →
R(T ), l’opérateur induit par T , est inversible. Soit i : R(T ) → Y l’injection canonique,
alors T = i T0 et

m(T ) = sup{∥ T x ∥: x ∈ X et ∥ x ∥= 1} = sup{∥ T0 x ∥: x ∈ X et ∥ x ∥= 1}


1 1
= −1
= ∗−1
= q(T0∗ ).
∥ T0 ∥ ∥ T0 ∥
D’autre part, ∥ i ∗ ∥= 1 et q(i ∗ ) = 1, voir Exercice 3.11.15. Donc, comme T ∗ = T0∗ i ∗ ,
le Théorème 3.10.10 (ii) implique que q(T ∗ ) = q(T0∗ ) = m(T ).
(ii) Soit T un opérateur tel que q(T ∗ ) > 0. Alors T = T0Q où T0 : X /N(T ) → Y ,
l’opérateur induit par T , est inversible et π : X → X /N(T ) est la surjection cano-
nique. Comme q(Q) =∥ Q ∥= 1, voir Exercice , le Théorème 3.10.10 (ii) implique que
1 1
q(T ) = q(T0 ) = = = m(T0∗ ).
∥ T0−1 ∥ ∥ T0∗−1 ∥

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3.10. Spectres approximatif et surjectif 47

D’autre part, on a m(Q ∗ ) =∥ Q ∗ Π ∥= 1, voir Exercice 3.11.15. Donc, par le Théorème


3.10.10 (i), on obtient que m(T ∗ ) = m(T0∗ ) = q(T ). Ce qui termine la preuve. 

Proposition 3.10.13. Soient T, S ∈ L (X , Y ). Alors


(i) |m(T ) − m(S)| ≤∥ T − S ∥,
(ii) |q(T ) − q(S)| ≤∥ T − S ∥.

Preuve. Pour tout vecteur x ∈ X de norme 1, on a

∥ Sx ∥≥∥ T x ∥ − ∥ (T − S)x ∥≥ m(T )− ∥ T − S ∥ .

D’où, m(S) ≥ m(T )− ∥ T − S ∥, ou encore ∥ T − S ∥≥ m(T ) − m(S). En interchangeant


T et S, on établit (i)
L’assertion (ii) se déduit de (i) par dualité 

Corollaire 3.10.14. L’ensemble des opérateurs injectifs à image fermée (resp. surjec-
tifs) est un ouvert de L (X , Y ).

Preuve. Soit T ∈ L (X , Y ) un opérateur injectif à image fermée. Pour tout S ∈ L (X , Y )


tel que ∥ S − T ∥≤ m(T )/2, on a m(S) ≥ m(T )− ∥ S − T ∥≥ m(T )/2 > 0, et donc S est
injectif à image fermée.
De la même manière, on montre que les opérateurs surjectifs constituent un
sous-ensemble ouvert de L (X , Y ). 

Soit T un opérateur borné sur X .


(i) Le spectre approximatif de T est défini par

σap (T ) = {λ ∈ C : T − λ n’est pas inférieurement borné }.

(ii) Le spectre surjectif de T est défini par

σsu (T ) = {λ ∈ C : T − λ n’est pas surjectif }.

L’ensemble résolvent approximatif et l’ensemble résolvent surjectif sont respective-


ment ρ ap (T ) = C \ σap (T ) et ρ su (T ) = C \ σsu (T ).

Proposition 3.10.15. Soit T un opérateur borné sur X . Alors


(i) σap (T ∗ ) = σsu (T ) et σsu (T ∗ ) = σap (T ),
(ii) ∂σ(T ) ⊆ σap (T ) ∩ σsu (T ),

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48 Opérateurs bornés

(iii) σ(T ) = σap (T ) ∪ σsu (T ).

Preuve. (i) Découle immédiatement du Corollaire 3.2.5.


(ii) Si λ ∈ ∂σ(T ) alors T − λ est un diviseur topologique de zéro des deux cotés,
et donc T − λ n’est ni inférieurement borné ni surjectif.
(iii) Il est clair que σap (T ) ∪ σsu (T ) ⊆ σ(T ). Réciproquement, si λ ∈ σ(T ) \ σap (T ),
alors on a forcément λ ∈ σsu (T ). 

On note que pour tout T ∈ L (X ), ∂σ(T ) est non vide. En effet, sinon on aurait
˚ ). Or, les seuls ensembles ouverts-fermés de C sont ; et C. Ce qui impos-
σ(T ) = σ(T
sible puisque σ(T ) est borné et non vide.

Proposition 3.10.16. Pour tout T ∈ L (X ), σap (T ) et σsu (T ) sont des sous-ensembles


compacts et non vides de C.

Preuve. Il suffit d’établir que σap (T ) et σsu (T ) sont fermés. Or, ceci découle immé-
diatement du Corollaire 3.10.14 et de la continuité de l’application λ → T − λ de C
dans L (X ). 

Afin de montrer que les spectres approximatif et surjectif satisfont la calcule


fonctionnel holomorphe, on a besoin d’établir certains résultats auxiliaires.

Remarque 3.10.17. Soient R une régularité dans L (X ) et X 1 , X 2 deux sous-espaces


fermés tels que X = X 1 ⊗ X 2 . Posons

R 1 = {T1 ∈ L (X 1 ) : T1 ⊕ I ∈ R} et R 2 = {T1 ∈ L (X 2 ) : I ⊕ T2 ∈ R}.

(i) R 1 et R 2 sont des régularités respectivement dans L (X 1 ) et L (X 2 ). En effet,


pour tout T1 ∈ L (X 1 ),

T1n ∈ R 1 ⇔ T1n ⊕ I = (T1 ⊕ I )n ∈ R ⇔ T1 ⊕ I ∈ R ⇔ T1 ∈ R 1 .

En plus, si A 1 , B 1 ,C 1 , D 1 sont des opérateurs bornés sur X 1 commutant entre


eux et satisfont A 1C 1 + B 1 D 1 = I , alors

(A 1 ⊕ I )(C 1 ⊕ I ) + (B 1 ⊕ I )(D 1 ⊕ 0) = I . (3.10.4)

Comme les opérateurs présent dans 3.10.4 commutent entre eux, il vient

A 1 B 1 ∈ R 1 ⇔ (A 1 ⊕ I )(B 1 ⊕ I ) = A 1 B 1 ⊕ I ∈ R ⇔ A 1 ⊕ I ∈ R et B 1 ⊕ I ∈ R
⇔ A 1 ∈ R 1 et B 1 ∈ R 1 .

De la même manière, on vérifie que R 2 est une régularité dans L (X 2 ).

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3.10. Spectres approximatif et surjectif 49

(ii) Si T = T1 ⊕ T2 ∈ L (X ) où T1 ∈ L (X 1 ) et T2 ∈ L (X 2 ), alors

T ∈ R ⇔ T1 ∈ R 1 et T2 ∈ R 2 .

En effet, comme (T1 ⊕ I )(0 ⊕ I ) + (I ⊕ T2 )(I ⊕ O) = I où les opérateurs présents


commutent entre eux, on a

(T1 ⊕ I )(I ⊕ T2 ) = T1 ⊕ T2 ∈ R ⇔ T1 ⊕ I ∈ R et I ⊕ T2 ∈ R ⇔ T1 ∈ R 1 et T2 ∈ R 2 .

(iii) Si T = T1 ⊕ T2 ∈ L (X ) où T1 ∈ L (X 1 ) et T2 ∈ L (X 2 ), alors σR (T ) = σR 1 (T1 ) ∪


σR 2 (T2 ).

Définition 3.10.18. On dira qu’une régularité R vérifie la propriété (χ) si pour tous
sous-espaces fermés X 1 , X 2 de X tels que X = X 1 ⊕ X 2 , l’existence d’un opérateur
T1 ∈ L (X 1 ) pour lequel σR 1 (T1 ) = ;, où R 1 = {T1 ∈ L (X 1 ) : T1 ⊕ I ∈ R}, impliquera
que R 1 = L (X 1 ).

Il est clair que pour une telle régularité, si X = X 1 ⊕ X 2 est une somme directe
topologique, alors

σR 1 (T1 ) = ; pour un certain T1 ∈ L (X 1 ) ⇔ σR 1 (S) = ; pour tout S ∈ L (X 1 )


⇔ R 1 = L (X 1 ).

Théorème 3.10.19. Soit R une régularité dans L (X ) vérifiant la propriété (χ). Alors

σR ( f (T )) = f (σR (T )) pour tout f ∈ H (σ(T )).

Preuve. Soient f une fonction complexe holomorphe sur un ouvert U contenant


σ(T ) et µ un nombre complexe. Montrons que

µ ∉ σR ( f (T )) ⇔ µ ∉ f (σR (T )).

Sans perte de généralité, on peut supposer que U est borné. Alors il existe U1 ,U2
deux ouverts disjoints tels que U = U1 ∪U2 , la fonction f − µ est nulle sur U1 et ne
l’est pas sur U2 . D’où, ( f − µ)(z) = p(z)g (z) pour tout z ∈ U2 , où p est un polynôme
non nul et g est une fonction holomorphe ne s’annulant pas sur U2 . Considérons
deux sous-espaces fermés X 1 , X 2 tels que X = X 1 ⊕ X 2 , σ(T|X 1 ) ⊆ U1 et σ(T|X 2 ) ⊆ U2 .

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50 Opérateurs bornés

Il vient

µ ∉ σR ( f (T )) ⇔ f (T ) − µ ∈ R
⇔ ( f (T ) − µ)|X 1 ∈ R 1 et ( f (T ) − µ)|X 2 ∈ R 2
⇔ f (T1 ) − µ ∈ R 1 et f (T2 ) − µ ∈ R 2
⇔ 0 ∈ R 1 et p(T2 ) ∈ R 2
⇔ R 1 = L (X 1 ) et 0 ∉ p(σR 2 (T2 ))
⇔ σR 1 (T ) = ; et 0 ∉ ( f − µ)(σR 2 (T2 ))
⇔ µ ∉ f (σR 1 (T1 ) ∪ σR 2 (T2 )),

ce qui termine la preuve. 

Théorème 3.10.20. L’ensemble des opérateurs injectifs à image fermée (resp. surjec-
tifs) est une régularité dans L (X ) satisfaisant la propriété (χ).

Preuve. D’après le Corollaire 2.1.7, l’ensemble des opérateurs injectifs à image fer-
mée et l’ensemble des opérateurs surjectifs sont des régularités dans L (X ). D’autre
part, comme les spectres approximatif et surjectif sont toujours non vides, on ob-
tient que les régularités correspondantes satisfont la propriété (χ). 

Corollaire 3.10.21. Soit T un opérateur borné sur X . Alors

f (σap (T )) = σap ( f (T )) et f (σsu (T )) = σsu ( f (T ))

pour toute fonction complexe holomorphe sur un voisinage de σ(T ).

Comme conséquence direct du Théorème 2.2.8, on a la proposition suivante :

Proposition 3.10.22. Les applications T → σap (T ) et T → σsu (T ) sont semi-continues


supérieurement sur L (X ).

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3.11. Exercices 51

3.11 Exercices
Exercice 3.11.1. Soit M un sous-espace fermé de X . Montrer que les assertions sui-
vantes sont équivalentes :

(i) M possède un supplémentaire topologique ;

(ii) Il existe une projection P ∈ L (X ), i.e P 2 = P , telle que R(P ) = M ;

(iii) Il existe une projection Q ∈ L (X ) telle que N(Q) = M .

Exercice 3.11.2. Soit M un sous-espace de X de dimension finie.

(i) Montrer qu’il existe une projection π ∈ L (X ) telle que R(π) = F .

(ii) En déduire que tout sous-espace de X de dimension finie possède un supplé-


mentaire topologique.

Exercice 3.11.3. Soit M un sous-espace fermé de X de codimension finie.

(i) Montrer qu’il existe une projection π ∈ L (X ) telle que R(π) = F .

(ii) En déduire que tout sous-espace fermé de codimension finie possède un sup-
plémentaire topologique.

Exercice 3.11.4. En utilisant le Théorème de Banach-Steinhaus, montrer que l’al-


gèbre des polynômes munie de la norme

∥ a 0 + a 1 x + · · · a n x n ∥= max{|a i | : 0 ≤ i ≤ n}

n’est pas une algèbre de Banach.

Exercice 3.11.5. Soit T ∈ L (X , Y ). Montrer que

∥ T ∥= min{M ≥ 0 :∥ T x ∥≤ M ∥ x ∥ pour tout x ∈ X }.

Exercice 3.11.6. Soient T, S ∈ L (X ). Montrer que T S et ST sont inversibles si, et


seulement si, T et S le sont.

Exercice 3.11.7. Soit A une algèbre de Banach. Un élément a ∈ A est dit inversible
à gauche (resp. à droite) s’il existe b ∈ A tel que ba = 1 (resp. ab = 1), et dans ce cas
b est appelé un inverse à gauche (resp. à droite) de a.
Montrer que si a possède un unique inverse à gauche (resp. à droite) alors a est
inversible

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52 Opérateurs bornés

Exercice 3.11.8. Soit E = C ([0, 1] l’espace de Banach complexe muni de la norme


∥ ∥∞ . On considère l’application linéaire T : E → E définie par T ( f )x = x f (x) pour
tous f ∈ E et x ∈ [0, 1].
(i) Montrer que T est un opérateur borné.
(ii) Calculer le spectre ponctuel.
(iii) Calculer le spectre T .
(iv) Conclure.

Exercice 3.11.9. Soient E un sous-espace vectoriel dense dans X et T : E → E une


application linéaire continue.
(i) Montrer que E se prolonge d’une façon unique à un opérateur T̃ ∈ L (X ).
(ii) Montrer que si T est inversible, alors T̃ l’est aussi.

Exercice 3.11.10. Un opérateur S ∈ L (X ) est dit une contraction si ∥ S ∥≤ 1.


Soit T ∈ L (X ) un opérateur inversible. Montrer que les deux assertions sui-
vantes sont équivalentes :
(i) T est une isométrie,
(ii) T et T −1 sont des contractions.

Exercice 3.11.11. Soient T ∈ L (X , Y ).


(i) Montrer que s’il existe un sous-espace fermé M de Y tel que R(T )+M et R(T )∩
M soient fermés, alors R(T ) est fermé.
(ii) En déduire que si R(T ) est de codimension finie alors il est fermé.

Exercice 3.11.12. Soit S ∈ L (X , Y ) un opérateur dont l’image est non fermée. Mon-
trer que la restriction de S à tout sous-espace fermé de X de codimension finie n’est
pas inférieurement borné.

Exercice 3.11.13. On note par Inv(X , Y ) l’ensemble des opérateurs inversibles de


L (X , Y ). Montrer que l’application T → T −1 est continue de Inv(X , Y ) dans Inv(Y , X ).

Exercice 3.11.14. Soit E , F deux espaces vectoriels complexes. Pour x ∈ F et f : E →


C une forme linéaire, on note par x ⊗ f l’application linéaire donnée par (x ⊗ f )y =
f (y)x pour tout y ∈ E . Soit T : E → F une application linéaire. Montrer que les as-
sertions suivantes sont équivalentes :
(i) dim R(T ) = n,

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3.11. Exercices 53

(ii) il existe deux familles linéairement indépendantes {x 1 , · · · , x n } ⊆ F et { f 1 , · · · , f n }


sur des formes linéaires sur E tels que T = x 1 ⊗ f 1 + · · · + x n ⊗ f n .
Dans le reste de l’exercice, on suppose que E , F sont des espaces de Banach et que
dim R(T ) = n. Montrer que les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) T est un opérateur borné,
(ii) { f 1 , , · · · , f n } ⊆ E ∗ ,
(iii) N(T ) est fermé.

Exercice 3.11.15. Soient M un sous-espace fermé de X , i : M → X et π : X → X /M


l’injection et la surjection canoniques. Montrer que

m(i ) = q(π) = 1, q(i ∗ ) =∥ i ∗ ∥= 1 et m(π∗ ) =∥ π∗ ∥= 1.

Exercice 3.11.16. Soient S, T ∈ L (X ). Montrer que

RS (λ) − RT (λ) = RS (λ)(S − T )RT (λ) pour tout λ ∈ ρ(S) ∩ ρ(T ).

Exercice 3.11.17. Soit T ∈ L (X ). Montrer que


(i) R(n)
T (λ) = n![RT (λ)]
n+1
.
(ii) Montrer que limλ→∞ λRT (λ) = −I .

Exercice 3.11.18. Soit T ∈ L (X ) et Y , Z deux sous-espaces fermés, invariants par T


et tels que X = Y ⊕ Z , où la somme directe est topologique.
(i) Montrer que Ho (T ) = Ho (T|Y ) ⊕ Ho (T|Z ),
(ii) Montrer que K(T ) = K(T|Y ) ⊕ K(T|Z ).

Exercice 3.11.19. Montrer que si T est injectif à image fermée, alors Ho (T ) = {0}.

Exercice 3.11.20. Soit T un opérateur borné sur X .


1
(i) Montrer que limn→∞ ∥ T n ∥ n existe et que
1 1
lim ∥ T n ∥ n = inf ∥ T n ∥ n .
n→∞ n

(ii) En déduire que s’il existe un entier k ≥ 1 tel que ∥ T k ∥< 1, alors r(T ) = 0.
(iii) Montrer que
∥Tn ∥
r(T ) = inf{α > 0 : }.
αn

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54 Opérateurs bornés

(iv) Établir les équivalences suivantes

∥ T k ∥< 1 pour un certain k ≥ 1 ⇔ r(T ) < 1 ⇔ lim ∥ T n ∥= 0.


n→∞

Exercice 3.11.21. Soit p ∈ [1, +∞) et notons par `p (N∗ ) l’espace de Banach des
suites complexes (x n )n≥1 telles que
∞ 1
|x n |p ) p < ∞ si p < ∞, et ∥ (x n )n≥1 ∥:= sup{|x n |} si p = ∞.
X
∥ (x n )n≥1 ∥:= (
n=1 n≥1

On considère l’opérateur backward shift, T : `p (N∗ ) → `p (N∗ ) donné par T (x 1 , x 2 , · · · ) =


(x 2 , x 3 , · · · ).
(i) Montrer que T est borné et calculer sa norme.
(ii) Déterminer le spectre de T , et préciser ses sous-espaces propres.

Exercice 3.11.22. Soit T : E → E , où E est un espace vectoriel, une application li-


néaire.
(i) Montrer que si p = a(T ) est fini, alors N(T p ) = N(T n ) pour tout entier n ≥ p.
(ii) Montrer que si q = d(T ) est fini, alors R(T q ) = R(T n ) pour tout entier n ≥ q.

Exercice 3.11.23. Soit T ∈ L (X ) un opérateur injectif à image fermée.

(i) Montrer que m(T − λ) ≥ m(T ) − |λ| pour tout λ ∈ C.


(ii) En déduire que le spectre approximatif est un ensemble fermé.
(iii) Refaire les questions précédentes en considérant les opérateurs surjectifs.

Exercice 3.11.24. Soit T ∈ L (X ) un opérateur à image fermée. Montrer que si N(T ) ⊆


R(T ), alors R(T n ) est fermé pour tout n ≥ 1.

Exercice 3.11.25. Soient A, B,C , D ∈ L (X ) commutent entre eux et tels que AC +


BD = I.
(i) Montrer que pour tout entier n ≥ 1, il existe C n , D n ∈ L (X ) tels que A,C n , B, D n
commutent entre eux et satisfaisant

AnCn + B n D n = I .

(ii) Montrer que pour tout entier n ≥ 1, R(AB )n = R(A n ) ∩ R(B n ).


(iii) Déduire de ce qui précède que

max{d(A), d(B )} ≤ d(AB ) ≤ d(A) + d(B ),

où d(T ) désigne la descente de l’opérateur T .

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3.11. Exercices 55

(iv) Montrer que l’ensemble {T ∈ L (X ) : d(T ) < ∞} est une régularité de L (X ).


(v) Énoncer le théorème de l’application spectrale pour

σd (T ) := {λ ∈ C : d(T ) = ∞}.

Exercice 3.11.26. Soit T ∈ L (X ) un opérateur de descente finie d . Pour tout y ∈


R(T d ), on pose
|y| =∥ y ∥ + ∥ S −1 y ∥,

où S : X /N(T d ) → R(T d ) est l’opérateur borné bijective donné par S(x + N(T d )) =
T d x.

(i) Montrer que | | est une norme complète sur R(T d ).


(ii) Montrer que To , la restriction de T à R(T d ), est un opérateur borné pour la
norme | |.
(iii) En déduire qu’il existe un réel δ > 0 pour lequel R(T d ) ⊆ R(T − λ) si |λ| < δ.
(iv) Montrer que R(S − λ) + R(S n ) = X pour tous S ∈ L (X ), n ∈ N et λ un complexe
non nul.
(v) En déduire que T − λ est surjectif pour 0 < |λ| < δ.
(vi) Déduire de ce qui précède que pour tout S ∈ L (X ), σd (S) est un ensemble
fermé et que
C \ σd (S) ⊆ (C \ σsu (S)) ∪ isoσsu (S).

Où σsu (S) désigne le spectre surjectif de S.

Exercice 3.11.27. Soit T ∈ L (X ) un opérateur pour lequel il existe un polynôme non


nul p ∈ C[z] satisfaisant p(T ) = 0. Un tel opérateur est dit algébrique.
Soit λ ∈ σ(T ). On pose p(z) = (z − λ)n q(z) où n ∈ N et q un polynôme tel que
q(λ) , 0.

(i) Montrer que σ(T ) est fini.


(ii) Montrer que Ho (T − λ) ⊕ K(T − λ) = X .
(iii) Montrer que pour tous R, S ∈ L (X ), commutant entre eux, on a RHo (S) ⊆ Ho (S).
(iv) Montrer que Ho (T − λ) = N(T − λ)n .
(v) Déduire de ce qui précède que T − α est de descente finie pour tout complexe
α.

Exercice 3.11.28. Soit T ∈ L (X ) un opérateur tel que σd (T ) = ;

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56 Opérateurs bornés

(i) Montrer que ∂σ(T ) est formé par les pôles de la résolvante de T .
(ii) En déduire que ∂σ(T ) est fini.
(iii) Montrer que σ(T ) = ∂σ(T ).
(iv) Montrer que p(T ) = 0 où p(z) = (z −λ1 )d1 (z −λ2 )d2 · · · (z −λn )dn , σ(T ) = {λi : 1 ≤
i ≤ n} et d i = d(T − λi ) pour 1 ≤ i ≤ n.
Indication : On pourra montrer que le spectre de la restriction de T à R(p(T ))
est vide.

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Chapitre 4

Opérateurs compacts

À la différence des opérateurs linéaires dans un espace de dimension finie, pour


lesquels il existe une description exhaustive, l’étude des opérateurs linéaires arbi-
traires dans un espace de dimension infinie est un problème assez compliqué. Ce-
pendant, certaines classes importantes de ces opérateurs peuvent être décrites de
manière assez complète. L’une de ces classes est constituée par les opérateurs com-
pacts. Ces opérateurs sont, d’une part, assez proches par leurs propriétés de ceux
de dimension finie ; et d’autre part ils jouent un rôle important dans de nombreuses
applications.
Soient X et Y deux espaces de Banach complexes non réduits à zéro.

4.1 Rappels de topologies


Soit E un espace métrique. Une partie A ⊆ E est dite précompact si 1 :
n
∀² > 0, ∃x 1 , ..., x n ∈ E tel que A ⊂ ∪ B (x i , ²)
i =1

Théorème 4.1.1. Soit E un espace métrique complet et A ⊂ E , alors les assertions


suivantes sont équivalentes :
(i) A est relativement compact (i.e A est compact).
(ii) A est précompact.
(iii) De toute suite (x n ) ⊂ A, on peut extraire une sous-suite convergente.

Pour tout espace compact K , on note par C (K , E ) l’espace des fonctions conti-
nues de K dans E muni de a topologie de la convergence uniforme.
1. Les éléments x 1 , · · · , x n peuvent être supposés dans A.

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58 Opérateurs compacts

Théorème 4.1.2 (Arzela-Ascoli). Soient K un espace compact et A ⊂ C (K , E ). Alors A


est relativement compact si, et seulement si les conditions suivantes sont satisfaites :
© ª
(i) ∀x ∈ K , A(x) = f (x) : f ∈ A est relativement compact dans E .
(ii) A est équicontinue, i.e. pour tous a ∈ K et ² > 0, il existe un voisinage V de a tel
que
d f (x), f (a) ≤ ² pour tous f ∈ A et x ∈ V.
¡ ¢

Proposition 4.1.3. Si A 1 et A 2 sont deux parties relativement compactes de X , alors


les parties A 1 + A 2 et λA 1 , où λ ∈ C, sont relativement compactes.

Preuve. On pose K 1 = A 1 et K 2 = A 2 qui sont deux compacts de X . Comme les ap-


plications x, y 7−→ x + y et (λ, x) 7−→ λx sont continues, alors K 1 + K 2 et λK 1 sont
¡ ¢

compacts. Vu que λA 1 ⊂ λK 1 et A 1 + A 2 ⊂ K 1 + K 2 , le résultat découle immédiate-


ment. 

Lemme 4.1.4. Si A ⊂ E est précompact, alors A est séparable.

Preuve. Soit n ∈ N, alors A ⊂ ∪{B X x, n1 : x ∈ A n }, où A n est un sous-ensemble fini


¡ ¢

de A. Par suite, D := ∪{A n : n ∈ N} est un ensemble dénombrable. En plus, pour tout


y ∈ A, on a
¢ 1
d y, D ≤ d y, A n ≤ pour tout n ∈ N,
¡ ¢ ¡
n
¡ ¢
donc d y, D = 0, et par conséquent D ⊂ A ⊂ D. D’où A = D. 

4.2 Propriétés générales des opérateurs compacts


Définition 4.2.1. On dit qu’un opérateur T :X −→ Y est compact si T B X est relati-
vement compact dans Y , où B X est la boule unité fermée de X .

Comme tout ensemble compact est borné, il découle de la définition que tout
opérateur compact est nécessairement borné. On désigne par K (X , Y ) l’ensemble
des opérateurs compacts de X dans Y , et on pose K (X ) = K (X , X ).

En revanche, tout opérateur borné n’est pas nécessairement compact. Par exemple,
l’opérateur I : X → X est compact si, et seulement si X est de dimension finie.

Théorème 4.2.2. Soit Z un espace de Banach complexe.


(i) K (X , Y ) est un sous-espace fermé dans L (X , Y ).

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4.2. Propriétés générales des opérateurs compacts 59

(ii) Soient S ∈ L (X , Y ) et T ∈ L (Y , Z). Si S ou T est compact, alors T S est compact.


En particulier, K (X ) est un idéal bilatère de L (X ).
(iii) Si T ∈ K (X , Y ) et F est un sous-espace fermé de X , alors T|F est compact.

Preuve. (i) Il découle de la Proposition 4.1.3 que K (X , Y ) est un sous-espace vec-


toriel de L (X , Y ). Soient ² > 0 et S ∈ K (X , Y ), alors il existe T ∈ K (X , Y ) tel que
kS − T k ≤ 2² , et donc SB X ⊆ T B X + 2² BY . Comme T B X est précompact, il existe des
vecteurs {y i }ni=1 de Y tels que
n
³ ²´ © ª ²
T B X ⊂ ∪ BY y i , = y 1 , ..., y n + BY .
i =1 2 2
Par conséquent,
ª ² ²
SB X ⊆ y 1 , ..., y n + BY + BY ⊆ y 1 , ..., y n + ²BY ,
© © ª
2 2
ce qui montre que SB X est précompact. D’où, S ∈ K (X , Y ).
(ii) Si S est compact, alors T (SB X ) est un compact contenant T S(B X ), et T S ∈
K (X , Y ). On a SB X ⊆ kSk BY et T S(B X ) ⊆ kSk T BY , ce qui implique que T S est com-
pact si T l’est.
(iii) Comme B F = B X ∩ F , on a T|F (B F ) = T|F (B X ∩ F ) ⊆ T B X . D’où, T|F (B F ) est
relativement compact. 

Définition 4.2.3. Une application linéaire est dite de rang fini si son image est de
dimension finie.

Remarque 4.2.4. On note que


(i) les applications linéaires T : X → Y de rang finie ne sont pas toujours conti-
nues,
(ii) tout opérateur T ∈ L (X , Y ) de rang fini est compact. En effet, dans un es-
pace de dimension finie, les ensembles relativement compacts sont exacte-
ment ceux qui sont bornés.

L’ensemble des opérateurs de L (X ) de rang fini est noté par F (X , Y ). Lorsque


X = Y , on note simplement F (X ).

Théorème 4.2.5. Soit Z un espace de Banach complexe.


(i) F (X , Y ) est un sous-espace vectoriel et F (X , Y ) ⊆ K (X , Y ).
(ii) Soient S ∈ L (X , Y ) et T ∈ L (Y , Z). Si S ou T est de rang fini, alors T S est de rang
fini. En particulier, F (X ) est un idéal bilatère de L (X ).

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60 Opérateurs compacts

Preuve. (i) Soient T1 , T2 ∈ F (X , Y ) et λ ∈ C, on a R(T1 +λT2 ) ⊂ R(T1 )+R( T2 ), et donc


T1 + λT2 ∈ F (X , Y ). Comme K (X , Y ) est fermé et contient les opérateurs de rang
fini, alors F (X , Y ) ⊂ K (X , Y ).
(ii) Si dim R(T ) < ∞, alors T S ∈ F (X , Y ) car R(T S) ⊂ R(T ). Puisque R(T S) =
T R(S), alors T S ∈ F (X , Y ) si S est de rang fini. 

Exemple 4.2.6. Considérons l’opérateur T : `2 (N) → `2 (N) défini par T x = 21n x n ,


¡ ¢

pour tout x = (x n ) ∈ `2 (N). Alors T est borné car kT xk2 = n≥0 41n |x n |2 ≤ kxk2 . Pour
P

tout n ∈ N, on définit l’opérateur Tn : `2 (N) → `2 (N) par Tn x = x 0 , ..., 21n x n , 0, 0, · · · .


¡ ¢

Il est clair que les opérateurs Tn sont bornés et de rang fini. Or,

1 1
k(T − Tn )xk2 = |x k |2 ≤ kxk2
X X
,
k≥n+1 4k k≥n+1 4
k

donc kT − Tn k → 0. Ce qui montre que T est compact.

On note que si T S est un opérateur compact, ou même de rang fini, cela n’en-
traîne pas que T , ou S, est compact. En fait, considérons deux espace de Banach X
et Y de dimension infinie. Posons T = 0 ⊕ I Y et S = I X ⊕ 0, alors T, S ∈ L (X ⊕ Y ),
T S = 0 est de rang fini, mais T et S ne sont pas compacts.

Remarque 4.2.7. Lorsque Y est un espace de Hilbert alors F (X , Y ) = K (X , Y ).


En effet, soient T ∈ K (X , Y ) et ² > 0. Comme T B X est précompact, alors il existe
y 1 , ..., y n ∈ Y tels que T B X ⊂ ∪ni=1 BY y i , 2² . Notons G = Vect(y 1 , ..., y n ) et P la projec-
¡ ¢

tion orthogonale sur G, alors S = P T est un opérateur borné de rang fini. Soit x ∈ B X ,
on a °T x − y k ° ≤ ²/2 pour un certain k ∈ {1, · · · , n}, donc
° °

° ° ° ° ° ° ° °
kSx − T xk ≤ °Sx − y k ° + °T x − y k ° = °P T x − P y k ° + °T x − y k °
≤ kP k °T x − y k ° + °T x − y k ° = 2 °T x − y k ° ≤ ².
° ° ° ° ° °

D’où, kS − T k ≤ ² et T ∈ F (X , Y ).

Théorème 4.2.8. Soit T ∈ K (X , Y ). On a


(i) T ∈ F (X , Y ) si, et seulement si, R(T ) est fermé.
(ii) R(T ) est séparable.

Preuve. (i) Évidemment, la condition est nécessaire. Supposons que R(T ) est fermé,
alors l’opérateur T0 : X → R(T ), induit par T , est surjectif, et donc d’après le théo-
rème de l’application ouverte, il existe un réel c > 0 tel que BR(T ) (0, c) ⊆ T B X . Il vient

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4.2. Propriétés générales des opérateurs compacts 61

alors que BR(T ) , qui est inclus dans T B X , est compact. Ce qui établit que R(T ) est de
dimension finie.
(ii) On a R(T ) = ∪n≥1 nT B X . Or, pour tout n, nT B X est relativement compact,
donc il existe un sous-ensemble dénombrable A n tel que A n = nT B X . Comme toute
réunion dénombrable d’ensembles dénombrables est un ensemble dénombrable,
alors l’ensemble A = ∪n≥0 A n est dénombrable, et en plus on a

A ⊆ R(T ) ⊆ ∪n≥1 A n ⊆ A.

D’où, R(T ) = A, ce qui termine la preuve. 

Théorème 4.2.9 (Shauder). Soit T ∈ L (X , Y ). Alors T est compact si, et seulement si,
T ∗ est compact.

Preuve. On suppose que T est compact. On a K = T B X est un compact de Y . Soit


ϕn ⊂ B Y ∗ et posons g n = ϕn|K . On définit ainsi une suite g n dans l’espace C (K ).
¡ ¢ ¡ ¢

Comme

¯g n (x) − g n (y)¯ ≤ °ϕn ° °x − y ° ≤ °x − y ° pour tous x, y ∈ K et n ∈ N,


¯ ¯ ° °° ° ° °

¡ ¢
le théorème d’Ascoli assure que g n est une suite relativement compacte. Par suite,
il existe une suite extraite (g nk ) de Cauchy dans C (K ). D’autre part,
° ∗
°T ϕn − T ∗ ϕn ° = sup ¯ ϕn − ϕn T x ¯ ≤ sup ¯ ϕn − ϕn y ¯ ,
° ¯¡ ¢ ¯ ¯¡ ¢ ¯
k s k s k s
kxk≤1 y∈K

donc (T ∗ ϕnk ) est de Cauchy dans X ∗ . Ce qui montre que T ∗ est compact.
Réciproquement, supposons que T ∗ est compact. Alors d’après ce qui précède
T ∗∗ est compact. Comme T ∗∗ est une extension de T à X ∗∗ , on obtient que T est
compact. 

Théorème 4.2.10. Soit T ∈ L (X , Y ). Alors les assertions suivantes sont équivalentes :


(i) T est compact.
(ii) Pour toute suite généralisée (x α )α ⊆ B X convergeant faiblement vers zéro, on a
kT x α k → 0.
(iii) Pour tout ² > 0, il existe un sous-espace vectoriel M de X , fermé et de codimen-
sion finie, tel que sup {kTuk : u ∈ M , kuk = 1} ≤ ².

Preuve. (i) ⇒ (ii). On a K = T B X est un compact de Y et l’application I K : (K , k.k) →


(K , σ (Y , Y ∗ )) est un homéomorphisme. Comme T|BX : (B X , σ (X , X ∗ )) → (K , σ (Y , Y ∗ ))

Université Mohammed I Mourad Oudghiri


62 Opérateurs compacts

est continu, alors en composant à droite par I K−1 , il vient que T|BX : (B X , σ (X , X ∗ )) →
(K , k.k) est continu. D’où le résultat.
(ii) ⇒ (iii). Supposons que l’assertion (iii) n’est pas vérifiée. Alors il existe un réel
c > 0 tel que pour tout sous-espace vectoriel fermé de codimension finie M de X ,
il existe un vecteur x M ∈ M satisfaisant kx M k = 1 et kT x M k ≥ c. On obtient ainsi
une suite généralisée indexée par une famille de sous-espaces vectoriels muni de
la relation l’ordre M ≥ M 0 ⇔ M ⊂ M 0 . Si ϕ ∈ X ∗ , alors M 0 = N(ϕ) est un hyperplan
de X , et pour tout M ≥ M 0 , on a ϕ(x M ) = 0. Ce qui implique que (x M ) converge
faiblement vers zéro. Cependant, kT x M k 9 0, absurde.
(iii) ⇒ (i). Si T n’est pas compact, alors il existe un réel c > 0 tel que T B X *
∪{B (T x, c) : x ∈ Ω} pour tout sous-ensemble fini Ω de B X . Soit x 1 ∈ B X , alors il
existe x 2 ∈ B X tel que kT x 1 − T x 2 k ≥ c. Pour Ω = {x 1 , x 2 }, il existe x 3 ∈ B X tel que
kT x 3 − T x 2 k ≥ c et kT x 3 − T x 1 k ≥ c. De proche en proche, on construit une suite
° °
(x n ) ⊂ B X telle que °T x i − T x j ° ≥ c, ∀i , j.
Soient M un sous-espace vectoriel fermé de codimension finie, P ∈ L (X ) la pro-
jection sur M , et ² > 0. Comme R(I −P ) = N (P ) est de dimension finie, alors I −P est
compact, donc il existe j , k ∈ N tels que j , k et °(I − P )(x j − x k )° ≤ ². Il vient alors
° °

°P (x j − x k )° ≤ °x j − x k ° + °(I − P )(x j − x k )° ≤ 2 + ²
° ° ° ° ° °

et
°T P (x j − x k )° ≥ °T (x j − x k )° − °T (I − P )(x j − x k )° ≥ c − ² kT k
° ° ° ° ° °

Par conséquent,
° °
°T P (x j − x k )° c − ² kT k
sup {kTuk : u ∈ M , kuk = 1} ≥ ° ° ≥ .
°P (x j − x k )° 2+²

Or, ² est arbitraire, donc sup {kTuk : u ∈ M , kuk = 1} ≥ 2c , ce qui contredit (iii). 

Corollaire 4.2.11. Soit T ∈ L (X , Y ) un opérateur compact. Si (x n )n est une suite de


X convergeant faiblement, alors (T x n )n converge fortement.

Preuve. Soit (x n )n une suite convergeant faiblement vers x ∈ X , alors y n = x n − x


est une suite qui converge faiblement vers 0, et donc elle est bornée. En appliquant
le théorème précédent, on obtient que (T y n )n , et donc aussi (T x n ), converge forte-
ment. 

La réciproque est vraie lorsque X est réflexif. En effet, dans ce cas B X est faible-
¡ ¢
ment compacte, et donc pour toute suite (x n ) ⊆ B X , il existe une sous-suite x nk k

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4.3. Théorie spectrale des opérateurs compacts 63

¡ ¢
qui converge faiblement, et d’après les hypothèse la suite T x nk k converge en norme,
d’où T B X est relativement compact.

Si l’espace de Banach X n’est pas réflexif alors la réciproque tombe en défaut.


En effet, pour toute suite (x n ) ⊆ `1 (N),

σ(l 1 ,l ∞ )
xn −→ 0 ⇔ kx n k1 → 0 (Lemme de Schur).

Cependant, I : `1 (N) → `1 (N) n’est pas compact.

Exemple 4.2.12. Considérons l’opérateur V : L 2 ([0, 1]) → C ([0, 1]) défini par V ( f )(x) =
Rx
0 f (t )d t . En appliquant l’inégalité de Cauchy-Schwarz au produit χ[x,y] . f on voit
que :
y
¯Z ¯
¯ ¯ ¯ ¯ ° ° ¯ ¯1/2
¯V ( f )(x) − V ( f )(y)¯ = ¯ f (t )d t ¯¯ ≤ ° f °2 ¯x − y ¯ (4.2.1)
¯
x

donc V est bien défini, en plus il est borné car


° ° ¯ ¯ ° °
°V ( f )° = sup ¯V ( f )(x)¯ ≤ ° f ° .
∞ 2
0≤x≤1

Vu l’inégalité (4.2.1), le théorème d’Arzela-Ascoli affirme que V B L 2 ([0,1]) est relative-


ment compact dans C ([0, 1]), donc V est compact. Comme C ([0, 1]) s’injecte dans
L 2 ([0, 1]), alors V est un opérateur compact de L 2 ([0, 1]) dans L 2 ([0, 1]).

4.3 Théorie spectrale des opérateurs compacts


Théorème 4.3.1. Soit K ∈ L (X ) un opérateur compact. Pour tout complexe λ non
nul, on a

(i) N(K − λ) est de dimension finie.

(ii) R(K − λ) est un sous-espace fermé de codimension finie.

Preuve. (i) Comme la restriction de K à N(K −λ) coïncide avec λI , avec λ , 0, alors I
de N(K −λ) dans lui-même est un opérateur compact, et par conséquent dim N(K −
λ) est finie.
(ii) D’après le Théorème 4.2.10, il existe un sous-espace vectoriel fermé M de
codimension finie tel que

|λ|
sup {kK xk : x ∈ M , kxk = 1} ≤ .
2

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64 Opérateurs compacts

On a kT xk ≥ |λ| kxk − kK xk ≥ (|λ| /2) kxk pour tout x ∈ M . D’où, T (M ) est fermé, et
donc R(T ) est fermé, voir Exercice 3.11.12. D’autre part, comme K ∗ est compact,
alors dim N(K ∗ − λ) est finie, et donc R(T − λ) =⊥ N(K ∗ − λ) est de codimension
finie. 

On note que si K ∈ L (X ) est un compact et λ est un nombre complexe non nul,


alors on a :
(i) N(K − λ)n est de dimension finie,
(ii) R(K − λ)n est un sous-espace fermé de codimension finie,
pour tout entier n ≥ 1. En effet, ceci résulte du précédent théorème et du fait que
n
(K − λ)n = C nk (−λ)n−k K k = (−λ)n + K n ,
X
k=0

Lemme 4.3.2. Soit M un sous-espace fermé propre de X . Alors, pour tout ε > 0, il
existe x ∈ X tel que : kxk ≤ 1 + ε et dist(x, M ) = 1.

Preuve. Comme X /M est un espace Banach non réduit à zéro, alors il existe un vec-
teur x 0 ∈ X tel que kx 0 + M k = 1. Donc, pour tout ε > 0, il existe m 0 ∈ M , tel que
kx 0 − m 0 k ≤ 1 + ε et kx 0 − m 0 + M k = kx + M k = 1. 

Théorème 4.3.3. Soit K ∈ L (X ) un opérateur compact. Pour tout complexe λ non


nul, K − λ est d’ascente et de descente finies.

Preuve. Sans perte de généralité, on peut supposer que λ = 1. Supposons que K − I


n’est pas d’ascente finie. Alors, pour tout entier k ≥ 1, d’après le lemme précédent, il
existe x k ∈ N(T k ) tel que kx k k ≤ 2 et dist(x k , N(K − I )k−1 ) = 1. Soient i , j deux entiers
tels que i > j ≥ 1, on a

°K x j − K x i ° = °(K − I )x j + x j − (K − I )x i − x i ° ≥ dist(x i , N(K − I )i −1 ) = 1


° ° ° °

puisque (K −I )x j +x j −(K −I )x i ∈ N(T i −1 ). Il vient alors que la suite (K x k ) ne possède


aucune sous-suite extraite convergente, ce qui contredit la compacité de K .
Comme K ∗ est compact, alors K ∗ − I est d’ascente finie. Or, R(K − I )n est fermé
pour tout entier n, donc d’après la Proposition 3.9.6, K − I est de descente finie. 

Théorème 4.3.4. Soient K ∈ L (X ) un opérateur compact. Pour tout nombre com-


plexe λ non nul, on a

dim N(K − λ) = dim N(K ∗ − λ) = codimR(K − λ) = codimR(K ∗ − λ).

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4.3. Théorie spectrale des opérateurs compacts 65

Preuve. On pose T = K −λ et p = a(T ) = d(T ). Écrivons T = T0 ⊕T1 relativement à la


décomposition X = N(T p ) ⊕ R(T p ). Comme T1 est inversible, alors

codimR(T ) = dim(N(T p )/T N(T p ) = dim N(T p ) − dim T N(T p ).

En plus, l’opérateur induit par T de N(T p )/N(T ) dans T N(T p ) est bijectif. Donc
dim N(T p )−dim T N(T p ) = dim N(T ). Ce qui montre que codimR(T ) = dim N(T ). On
a aussi par dualité codimR(T ∗ ) = dim N(T ∗ ). D’autre part, comme ⊥ R(T ∗ ) = N(T ),
alors dim N(T ) = codimR(T ∗ ), ce qui termine la preuve. 

Il découle en particulier du théorème précédent que si K ∈ L (X ) est un opéra-


teur compact et λ un complexe non nul, alors K − λ est injectif si, et seulement si,
K − λ est surjectif.

Le théorème précédent est connu dans la littérature sous le nom de l’Alternative


de Fredholm. En fait, l’appellation est justifiée par la version suivante de ce résultat :
Si T ∈ L (X ) est un opérateur compact, alors une et une seule des deux alternatives
suivantes est vérifiée :

(i) ou bien pour chaque u ∈ X , l’équation (T − I )x = u possède une unique solu-


tion,
(ii) ou bien (T ∗ − I )x = 0 possède n solutions linéairement indépendantes x i∗ , 1 ≤
i ≤ n, et dans ce cas, pour que l’équation (T − I )x = u possède une solution, il
faut et il suffit que x i∗ (u) = 0 pour tout i ∈ {1, 2, · · · , n}.

Corollaire 4.3.5. Soit K un opérateur compact sur un espace de Banach X de dimen-


sion infinie. Alors :

(i) 0 ∈ σ(K ).
(ii) σ(K ) = {0} ∪ σp (K )

Preuve. (i) Si T est inversible, alors I = T T −1 est compact, absurde.


(ii) Si λ ∈ σ(T ) \ {0}, alors T − λ est non injectif d’après le théorème précédent,
donc λ ∈ σp (T ). 

Théorème 4.3.6. Soit T ∈ L (X ) un opérateur compact. Alors :

(i) Tout λ ∈ σ(T ) \ {0} est un point isolé dans σ(T ).


(ii) σ(T ) est au plus dénombrable. En plus, si σ(T ) est infini, alors 0 est son seul
point d’accumulation.

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66 Opérateurs compacts

Preuve. (i) découle immédiatement du Théorème 4.3.3 et de la Proposition 3.9.5.


(ii) Comme l’ensemble σ(T ) \ {0} est discret, alors Ωn = σ(T ) ∩ {λ ∈ C / |λ| ≥ n1 } est
fini pour tout entier n ≥ 1, et donc σ(T ) = {0} ∪ (∪n Ωn ) est au plus dénombrable.
Comme tout λ ∈ σ(T )\ est un point isolé dans σ(T ), alors λ ne peut pas être un
point d’accumulation de σ(T ). D’autre part, comme σ(T ) est un ensemble infini et
borné, alors il possède un point d’accumulation qui est égale à 0. 

4.4 Exercices
Exercice 4.4.1. Montrer que si T ∈ L (X , Y ) est un opérateur compact qui n’est pas
de rang finie, alors O ∈ {kT xk : kxk = 1}.

Exercice 4.4.2. Soit T l’opérateur borné de `2 (N) dans lui-même donné par T (e i ) =
2−i e i +1 pour tout i ∈ N, où {e i } est la base canonique de `2 (N). Montrer que T est un
opérateur compact et quasi-nilpotent.

Exercice 4.4.3. Soient H un espace de Hilbert complexe.


(i) Montrer que dist(I , F (H) est égale à 0 ou 1.
(ii) Si H est de dimension finie, montrer que
° −1 °−1
°T ° ≤ dist(T, F (H)) ≤ kT k

pour tout T ∈ L (H) inversible.


(iii) On suppose que H est séparable muni d’une base orthonormée {e n : n ≥ 1}.
(a) Soit S ∈ L (H) l’opérateur donné par Se n = e n+1 pour tout n ≥ 1. Calculer
dist(S, F (H)).
(b) Soit T ∈ L (H) l’opérateur donné par Te n = 1/n.e n+1 pour tout n ≥ 1. Mon-
trer, en approchant T , que dist(T, F (H)) = 0.

Exercice 4.4.4. Soient X = C [0, 1] et K une fonction à valeurs complexes continue


sur [0, 1] × [0, 1]. Soit T l’application de X dans lui-même définie par
Z 1
T ( f )(x) = K (x, t ) f (t )dt .
0

(i) Montrer T est un opérateur compact de nome


Z 1
kT k = sup |K (x, t )| dt .
0≤x≤1 0

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4.4. Exercices 67

(ii) Déterminer la norme de T ainsi que son spectre lorsque K (x, t ) = e x+t .

Exercice 4.4.5. Soient X = C [0, 1] et h : [0, 1] → [0, 1] une fonction continue. On


considère l’application T défini sur E par T f (x) = f (h(x)).
(i) Vérifier que T ∈ L (X ) et déterminer sa norme.
(ii) Comment doit être la fonction h pour que T soit un opérateur compact. In-
dication : distinguer le cas d’une fonction constante et d’une fonction non
constante, dans ce cas on cherche à construire une suite de vecteurs de X de
norme 1 dont l’image n’admet pas de sous-suites convergentes.

Problème 4.4.6. Soit T un opérateur borné sur X .


(i) Montrer que si K(T ) = {0} alors 0 est un point isolé dans σ(T ).
(ii) En déduire que si Cardisoσ(T ) ≥ 2 alors K(T − λ) , {0} pour tout λ ∈ C.
(iii) Montrer que les assertions suivantes sont équivalentes :
(a) 0 est un point isolé de σ(T ).
(b) K(T ) est fermé.
(c) K(T ∗ ) est fermé.
(d) K(T ) est de dimension finie.
(e) K(T ) est de dimension finie.
Dans le reste du problème, on suppose que T est compact.
(iv) Montrer que T est quasi-nilpotent si, et seulement si, K(T ) = {0}.
(v) Montrer que σ(T ) = {0, λ1 , · · · , λn } si ,et seulement si, K(T ) est fermé et non
réduit à zéro.
(vi) Montre que σ(T ) = {0, λ1 , · · · , λn , · · · } si ,et seulement si, K(T ) n’est pas fermé.
(vii) Montrer que s’il existe un nombre complexe λ non nul tel que Ho (T − λ) +
Ho (T ) = X alors 0 est un point isolé dans σ(T ).
(viii) Montrer que s’il existe un nombre complexe λ non nul tel que Ho (T ) = K(T −λ)
alors 0 est un point isolé dans σ(T ).
(ix) Montrer que les assertions suivantes sont équivalentes :
(a) 0 est un pôle de la résolvante de T .
(b) Il existe un entier n ≥ 1 tel que R(T n ) soit de dimension fini.
(c) Il existe un entier n ≥ 1 tel que K(T ) = R(T n ).

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68 Opérateurs compacts

(d) T est d’ascente finie.

Exercice 4.4.7. (i) Montrer qu’un opérateur compact T ∈ L (X ) est de descente


finie si, et seulement s’il est de rang fini.
Indication : on pourra utiliser la partie II.
(ii) Montrer qu’il existe deux familles {x n }n≥1 ⊆ X et { f n }n≥1 ⊆ X ∗ de norme 1 véri-
fiant f i (x j ) = δi j pour tous i , j .
(iii) On pose K = ∞ −n
P
n=1 2 x n ⊗ f n . Montrer que K est un opérateur bien défini et
est compact.
(iv) Déterminer σd (T ).
(v) A-t-on f (σd (T )) = σd ( f (T )) pour tout T ∈ L (X ) et toute fonction complexe f
analytique sur un voisinage de σ(T ) ?

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Chapitre 5

Opérateurs semi-réguliers

5.1 Métrique du gap


Si M et N sont des sous-espaces vectoriels de X , on note

d(x, L)
δ(M , L) = sup d(x, L) = sup
x∈M ,kxk≤1 x∈M ,x ,0 kxk

La métrique du gap est définie par

δ(M
b , L) = max{δ(M , L), δ(L, M )}.

Proposition 5.1.1. Si M et N sont des sous-espaces vectoriels de X , alors


(i) 0 ≤ δ(M , N ) ≤ 1.
(ii) δ(M , N ) = δ(M , N ).
(iii) δ(M , N ) = 0 si, et seulement si, M ⊆ N .
(iv) Si N est fermé, alors δ(M , N ) = kΠ|M k où Π est la surjection canonique de X sur
X /N .

Preuve. (i) est clair.


(ii) Comme d(x, N ) = d(x, N ) pour tout x ∈ X , on a δ(M , N ) = δ(M , N ). En outre,
on a aussi δ(M , N ) ≤ δ(M , N ). D’autre part,

d (x, N ) = kx + N k ≤ δ(M , N )kxk pour tout x ∈ M ,

donc
d (x, N ) ≤ δ(M , N )kxk pour tout x ∈ M .

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70 Opérateurs semi-réguliers

Ce qui entraîne que δ(M , N ) ≤ δ(M , N ) ≤ δ(M , N ) et par suite

δ(M , N ) = δ(M , N ) = δ(M , N ).

(iii) Découle immédiatement du fait qued (x, N ) = 0 si, et seulement si, x ∈ N .


(iv) Si N est fermé alors

kΠ|M k = sup kΠ(x)k = sup k x + N k = δ(M , N ).


x∈BM x∈BM

Ce qui termine la preuve. 

Le lemme suivant découle immédiatement de la proposition précédente.

Corollaire 5.1.2. Si M et N sont des sous-espaces vectoriels de X , alors

(i) 0 ≤ δ(M
b , L) ≤ 1.

(ii) δ(M
b , L) = δ(M
b , N ).

(iii) δ(M
b , N ) = 0 si, et seulement si, M = N .

La métrique du gap vérifie une sorte d’inégalité triangulaire comme le montre


le lemme suivant :

Lemme 5.1.3. Soit M 1 , M 2 , M 3 des sous-espaces vectoriels fermé d’un espace de Ba-
nach X . alors

δ(M 1 , M 3 ) ≤ δ(M 1 , M 2 ) + δ(M 2 , M 3 ) + δ(M 1 , M 2 )δ(M 2 , M 3 ).

Preuve. Soit x ∈ M 1 vérifiant kxk < 1. Alors il existe y ∈ M 2 telle que kx − yk ≤


δ(M 1 , M 2 ). Il vient que kyk ≤ kxk + kx − yk < 1 + δ(M 1 , M 2 ), et par conséquent, il
existe z ∈ M 3 telle que kx − yk ≤ (1 + δ(M 1 , M 2 ))δ(M 2 , M 3 ). D’où

d{x, M 3 } ≤ kx − zk ≤ kx − yk + ky − zk
≤ δ(M 1 , M 2 ) + δ(M 2 , M 3 ) + δ(M 1 , M 2 )δ(M 2 , M 3 ).

Ce qui établit l’inégalité. 

Proposition 5.1.4. Soient M , L deux sous espaces fermés de X alors

δ(M , L) = δ(L ⊥ , M ⊥ ) et δ(M b ⊥ , M ⊥ ).


b , L) = δ(L

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5.1. Métrique du gap 71

Preuve. En utilisant le Corollaire 3.2.7, il vient

δ(M , L) = sup d{x, L} = sup sup |g (x)|


x∈B M x∈B M g ∈B L ⊥
= sup sup |g (x)|
g ∈B L ⊥ x∈B M

= sup d(g , M ⊥ ) = δ(L ⊥ , M ⊥ ).


g ∈B L ⊥

la deuxième égalité se déduit de la première. 

Le lemme suivant qui nous sera utile par la suite est établit dans [?].

Lemme 5.1.5. Soient M , L deux sous espaces d’un espace de Banach X de dimension
finie telle que dim M > dim L alors il existe m ∈ M telle que kmk = 1 = d(m, L).

Corollaire 5.1.6. Soit M , L deux sous espaces de X .


(i) Si δ(M , L) < 1 alors dim M ≤ dim L.
(ii) Si δ(M
b , L) < 1 alors dim M = dim L.

Preuve. L’inégalité est évidente si dim L = ∞. Supposons que L est un sous-espace


de dimension finie tel que dim L < dim M et δ(M , L) < 1. On choisit un sous espace
M 0 ⊂ M telle que dim M 0 = dim L + 1. Alors, d’après lemme précédent, il existe m ∈
M 0 telle que kmk = 1 = d{m, L}, ce qui est absurde car δ(M , L) < 1. 

Proposition 5.1.7. Soient M et N deux sous-espaces vectoriels de X . Alors, pour tous


x ∈ X et ε ∈]0, 1[, il existe x 0 ∈ X vérifiant x − x 0 ∈ M et

1 − δ(N , M )
d (x 0 , N ) ≥ (1 − ε) kx 0 ∥ .
1 + δ(N , M )
Preuve. Si x ∈ M on prend x 0 = 0. Supposons que x ∉ M et soit 0 < ε < 1 alors il
existe x 0 ∈ X tel que x − x 0 ∈ X et d(x 0 , M ) ≥ (1 − ε)kx 0 k. On pose α = d(x 0 , N ) et
δ = δ(N , M ). Alors il existerait y ∈ N tel que kx 0 − yk ≤ α + εkx 0 k. D’autre part, on a
d(y, M ) ≤ δkyk, donc

(1 − ε)kx 0 k ≤ d(x 0 , M )
≤ kx 0 − yk + d(y, M )
≤ α + εkx 0 k + δkyk
≤ α + εkx 0 k + δ(α + εkx 0 k+ ∥ x 0 ∥)
≤ (1 + δ)α + (ε + (1 + ε)δ))kx 0 k.

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72 Opérateurs semi-réguliers

Donc (1 + δ)α ≥ (1 − ε)kx 0 k − (ε + (1 + ε)δ))kx 0 k, d’où

1−ε−δ
µ ¶
α = d(x 0 , N ) ≥ − ε kx 0 k. (5.1.1)
1+δ

1−δ 1−δ
Maintenant, comme ε < ε, alors en remplaçant ε par ε < ε dans (5.1.1),
2+δ 2+δ
1−δ
on obtient d(x 0 , N ) ≥ (1 − ε) kx 0 k. 
1+δ

5.2 Conorme d’un opérateur


Pour T ∈ L (X , Y ), le nombre réel positif donné par

kT xk
γ(T ) = inf = inf{kT xk : x ∈ X , ∥ x + N(T ) ∥= 1} si T est non nul ,
x∉N(T ) ∥ x + N(T ) ∥

et γ(T ) = ∞ si T = 0, est appelé conorme de T .

Il est clair que si T ∈ L (X , Y ) est injectif, alors γ(T ) = m(T ).

Pour tout opérateur T ∈ L (X , Y ), on note par Te l’opérateur de X /N(T ) dans R(T )


induit par T , i.e. Te(x + N(T )) = T x.

Lemme 5.2.1. Si T ∈ L (X , Y ) alors γ(T ) = m(Te).

Preuve. On a

m(Te) = inf{kTe(x + N(T ))k : kx + N(T )k = 1} = inf{kT xk :∥ x + N(T ) ∥= 1} = γ(T ).

Proposition 5.2.2. Soit T ∈ L (X , Y ). Alors R(T ) est fermé si, et seulement si, γ(T ) > 0.

Preuve. L’équivalence est évidente si T = 0. Si T , 0 alors R(T ) = R(Te) et R(Te) est


fermé si et seulement si m(Te) > 0. 

Proposition 5.2.3. Pour tout T ∈ L (X , Y ), γ(T ) = γ(T ∗ ).

Preuve. D’après le Théorème 3.2.4 et la Proposition 5.2.2, on a γ(T ) = 0 si, et seule-


ment si, γ(T ∗ ) = 0.
Supposons que γ(T ) > 0, et donc R(T ) est fermé. Alors on a la factorisation
suivante T = i Teπ où π : X → X /N(T ) est la surjection canonique, Te est bijectif
et i : R(T ) → Y est l’injection canonique. Par suite T ∗ = π∗ Te∗ i ∗ . Notons par J :

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5.2. Conorme d’un opérateur 73

Y ∗ /N(T ∗ ) → R(T )∗ l’isomorphisme induit par i ∗ . En utilisant le Corollaire 3.2.6, il


vient

γ(T ) = m(Te) = kTe−1 k−1 = k((Te)∗ )−1 k−1


= m((Te)∗ ) = m(π∗ (Te)∗ J ) = γ(π∗ (Te)∗ i ∗ ) = γ(T ∗ ).

Corollaire 5.2.4. Soit T ∈ L (X , Y ). Alors

γ(T ) = sup{c ≥ 0 : T B X ⊃ B R(T ) (0, c)}.

En particulier, si T est surjectif alors q(T ) = γ(T ).

Preuve. Supposons d’abord que R(T ) est fermé. Avec les notations de la Proposition
5.2.3, on a T = i Teπ. Donc

γ(T ) = m(Te) = kTe−1 k−1 = q(Te).

Comme q(π) = kπk = 1, alors q(Te) = q(Teπ). Or,

q(Teπ) = sup{c ≥ 0 : TeπB X ⊇ B R(T ) (0, c)}


= sup{c ≥: T B X ⊇ B R(T ) (0, c)}.

Si R(T ) est non fermé, alors γ(T ) = 0. Supposons qu’il existe un réel c > 0 telle que
B R(T ) (0, c) ⊆ T B X . Alors il vient

B R(T ) (0, c) ⊆ TeπB X ⊆ TeB X /N(T ) .

Ce qui se traduit par c ∥ x + N(T ) ∥≤∥ T x ∥ pour tout x ∈ X . Ceci contredit le fait que
R(T ) est non fermé. 

Proposition 5.2.5. Soit T un opérateur borné sur X . Alors T est injectif à image fer-
mée (resp. surjectif ) si, et seulement si, T −λ est injectif à image fermée (resp. surjectif )
pour tout |λ| < γ(T ).

Preuve. Supposons que T est injectif à image fermée, alors γ(T ) > 0. Soit λ ∈ C,
|λ| < γ(T ), alors

∥ (λ − T )x ∥≥∥ T x ∥ −|λ| ∥ x ∥≥ (γ(T ) − |λ|) ∥ x ∥ .

Par suite T − λ est injectif à image fermée. Le cas des opérateurs surjectifs se déduit
par dualité. 

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74 Opérateurs semi-réguliers

5.3 Opérateurs semi-réguliers


Définition 5.3.1. Un opérateur T ∈ L (X ) est dit semi-régulier si R(T ) est fermé et
N(T n ) ⊆ R(T ) pour tout n ∈ N.

Il est clair que tout opérateur surjectif, ou injectif à image fermée, est semi-
régulier.

Théorème 5.3.2. Soit T ∈ L (X ) un opérateur semi-régulier. Alors

γ(T n ) ≥ γ(T )n pour tout n ∈ N.

Preuve. Supposons que γ(T n ) ≥ [γ(T )]n pour un certain n ≥ 1 et soit x ∈ X . Alors

∥ T n+1 x ∥=∥ T T n x ∥≥ γ(T ) ∥ T n x + N(T ) ∥ . (5.3.1)

D’autre part, d’après le Lemme 5.3.7, N(T ) = T n (N(T n+1 )). Donc

∥ T n x + N(T ) ∥=∥ T n x + T n N(T n+1 ) ∥= inf ∥ T n (x − u) ∥ .


u∈N(T n+1 )

Or, pour u ∈ N(T n+1 ), on a

∥ T n (x − u) ∥≥ γ(T n ) ∥ x − u + N(T n+1 ) ∥= γ(T n ) ∥ x + N(T n+1 ) ∥ .

D’où,
∥ T n x + N(T ) ∥≥ γ(T n ) ∥ x + N(T n+1 ) ∥ . (5.3.2)

Enfin, par (5.3.1) et (5.3.2), on obtient ∥ T n+1 x ∥≥ γ(T )n+1 ∥ x +N(T n+1 ) ∥. Par consé-
quent γ(T n+1 ) ≥ [γ(T )]n+1 . 

Il découle du théorème précédent que si T ∈ L (X ) est un opérateur semi-régulier,


alors R(T n ) est fermé pour tout n ∈ N.

Proposition 5.3.3. Soit T, S ∈ L (X ) deux opérateurs commutant entre eux. Si T S est


semi-régulier, alors T et S sont semi-réguliers.

Preuve. Pour tout n ∈ N, on a

N(T n ) ⊂ N((T S)n ) ⊆ R(T S) ⊆ R(T ).

Montrons que R(T ) est fermé. Soit {x k } ⊆ X une suite telle que lim T x k = v. Alors
lim ST x k = Sv, et donc Sv = STu pour un certain u ∈ X . Par conséquent,

v − Tu ∈ N(S) ⊆ N(ST ) ⊆ R(ST ) ⊆ R(T ),

ce qui termine la preuve. 

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5.3. Opérateurs semi-réguliers 75

Comme le montre l’exemple suivant, la réciproque de la proposition précédente


n’est en général vrai.

Exemple 5.3.4. Soit H un espace de Hilbert qui a une base orthonormale {e i , j : i , j ∈


Z et i j ≤ 0}. Considérons les opérateurs T ∈ L (H) et S ∈ L (H) définis par
( (
0 si i = 0 et j > 0, 0 si j = 0 et i > 0,
Te i , j = et Se i , j =
e i +1, j sinon, e i , j +1 sinon.

Alors (
0 sii = 0 et j ≥ 0 ou j = 0 et i ≥ 0,
T Se i , j = STe i , j =
e i +1, j +1 sinon.
Par suite, ST = T S et on vérifié facilement que

N(T ) = Vect{e 0, j : j > 0} ⊆ R ∞ (T ) et N(T ) = Vect{e i ,0 : i > 0} ⊂ R ∞ (S).

En outre, T et S sont à image fermée, donc S et T sont semi- réguliers.


D’autre part, comme e 0,0 ∈ N(T S) et e 0,0 n’appartient pas à R(T S), alors T S n’est
pas semi-régulier.

Théorème 5.3.5. Soit T ∈ L (X ) alors les a.s.s.e :


(i) T est semi-régulier,
(ii) T n est semi-régulier pour tout n ∈ N,
(iii) T n est semi-régulier pour un certain entier n ≥ 1.

Avant de prouver ce théorème, on a besoin d’abord d’établir les deux résultats


suivants :

Lemme 5.3.6. Soient E un espace vectoriel et T : E → E une application linéaire.


Alors
R(T m ) ∩ N(T n ) = T m N(T n+m )

pour tous m, n ∈ N.

Preuve. Soit x ∈ R(T m ) ∩ N(T n ). Alors x = T m y pour un certain y ∈ E . Comme x ∈


N(T n ), on a y ∈ N(T n+m ). D’où, x ∈ T m N(T n+m ). L’autre inclusion est claire. 

Proposition 5.3.7. Soient E un espace vectoriel et T : E → E une application linéaire.


Alors les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) N(T ) ⊆ R ∞ (T ).

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76 Opérateurs semi-réguliers

(ii) N ∞
(T ) ⊆ R(T ).

(iii) N ∞
(T ) ⊆ R ∞ (T ).

(iv) N(T n ) = T m (N(T n+m )) pour tous n, m ∈ N.

Preuve. (i)⇒ (ii). On a N(T ) ⊆ R(T ). Supposons que N(T k ) ⊆ R(T ) et soit x ∈ N(T k+1 ).
Alors T k x ∈ N(T ) ⊆ R(T k+1 ), et donc T k x = T k+1 y pour un certain y ∈ E . Par suite,
T y − x ∈ N(T k ) ⊆ R(T ). D’où, x ∈ R(T ).
(ii)⇒ (iii). Supposons que N ∞
(T ) ⊆ R(T m ). Soit x ∈ N(T n ) pour un entier n ≥ 1.
Alors x ∈ R(T ), et donc x = T y pour un certain y ∈ E . Par suite, T n x = T n+1 y = 0 et
y ∈N ∞
(T ) ⊆ R(T m ) D’où, x = T y ∈ R(T m+1 ).
(iii)⇒ (iv). On a T m (N(T n+m )) ⊆ N(T n ). Inversement, soit x ∈ N(T n ). Alors il
existe y ∈ X tel que x = T m y. Il vient alors que y ∈ N(T n+m ) et x ∈ T m N(T n+m ).
(iv)⇒ (i). Pour tout m ∈ N, on a N(T ) = T m (N(T m+1 )). Donc N(T ) ⊂ R(T m ) pour
tout m ∈ N. 

Preuve du Théorème 5.3.5. (i)⇒ (ii) découle immédiatement de la Proposition 5.3.7


et du Théorème 5.3.2.
(ii)⇒ (iii) est claire.
(iii)⇒ (i) est une conséquence directe de la proposition précédente. 

Théorème 5.3.8. Soit T ∈ L (X ). Alors T est semi-régulier si, est seulement si, T ∗ est
semi-régulier.

Preuve. Il est clair que si T , ou T ∗ , est semi-régulier, alors R(T ) et R(T ∗ ) sont fer-
més, et d’après le Théorème 5.3.2, R(T n ) et R(T n∗ ) sont fermés. Ainsi, en utilisant la
Proposition 5.3.7, on obtient


N (T ) ⊆ R(T ) ⇔ N(T ∗ ) ⊆ R ∞ (T ) ⇔ N ∞
(T ∗ ) ⊆ R(T ∗ ).

Ce qui termine la preuve. 

Proposition 5.3.9. Soit T un opérateur semi-régulier, alors

(i) R(T n ) est fermé pour tout n ≥ 1,

(ii) R ∞ (T ) est fermé,

(iii) K(T ) = Co(T ) = R ∞ (T ),

(iv) Pour tout x ∈ X , T x ∈ Co(T ) si, et seulement si, x ∈ Co(T ).

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5.4. Spectre semi-régulier 77

Preuve. (i) On a R(T ) est fermé. D’autre part, comme N(T ) ⊆ R(T n ) pour tout n ≥ 1,
alors Te(R(T n )/N(T )) = R(T n+1 ). Ce qui montre que R(T n ) est fermé pour tout n ≥ 1.
(ii) découle de (i).
(iii) D’après les Propositions 5.3.7 et 3.6.5, on a Co(T ) = R ∞ (T ). D’autre part,
comme Co(T ) est fermé et vérifie T Co(T ) = Co(T ), alors Co(T ) ⊆ K(T ), et par consé-
quent, Co(T ) = K(T ).
(iv) Soit x ∈ X tel que T x ∈ Co(T ). Comme T Co(T ) = Co(T ), alors il existe y ∈
Co(T ) satisfaisant T x = T y. Par suite, x − y ∈ N(T ) ⊆ Co(T ), et donc x ∈ Co(T ). 

Théorème 5.3.10. Soit T un opérateur borné sur X . Alors T est semi-régulier si, et
seulement si, il existe un sous-espace fermé M de X telle que T M = M et l’opérateur
de X /M dans X /M , induit par T , soit injectif à image fermé.

Preuve. Si T est semi-régulier, alors il est clair que le sous-espace M = Co(T ) vérifie
les propriétés du théorème.
Inversement, soit M un sous espace fermé telle que T M = M et l’opérateur Te
de X /M dans lui même, défini par Te(x + M ) = T x + M , est injectif à image fermée.
Alors M ⊆ Co(T ) ⊆ R ∞ (T ). En outre, comme Te est injectif, on a T −1 M = M , et donc
N(T ) ⊆ M ⊆ R ∞ (T ). D’autre part,

R(Te) = (R(T ) + M )/M = R(T )/M ,

et puisque R(Te) est fermé, alors R(T ) l’est aussi. 

Notons que d’après la preuve du théorème précédent, si T ∈ L (X ) est semi-


régulier, alors T /Co(T ) est un opérateur injectif à image fermée.

5.4 Spectre semi-régulier


Soit T ∈ L (X ). L’ensemble des complexes λ tels que T − λ est semi-régulier est
appelé l’ensemble résolvant semi-régulier, et sera noté s − reg(T ). Le spectre semi-
régulier 1 est défini par σs (T ) = C \ s − reg(T ). Il est clair que

s − reg(T ) ⊆ ρ(T ) et σs (T ) ⊆ σ(T ).

et que σs (T ∗ ) = σs (T ).

1. Dans la littérature, le spectre semi-régulier est aussi appelé spectre de Kato.

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78 Opérateurs semi-réguliers

Lemme 5.4.1. Soit T ∈ L (X ) un opérateur semi-régulier. Alors (T −λ)Co(T ) = Co(T )


si |λ| < γ(T ).

Preuve. Soit T0 la restriction de T au sous-espace fermé Co(T ). Comme T0 est sur-


jectif, alors d’après le lemme précédent, (T − λ)Co(T ) = Co(T ) pour |λ| < γ(T0 ).
D’autre part, N(T ) ⊆ R ∞ (T ) = Co(T ), donc N(T0 ) = N(T ). Ce qui entraîne que γ(T ) ≤
γ(T0 ), et par conséquent (T − λ)Co(T ) = Co(T ) pour |λ| < γ(T ). 

Dans le théorème suivant on étend la Proposition 5.2.5 aux opérateurs semi-


réguliers.

Théorème 5.4.2. Soit T un opérateur borné sur X . Alors T est semi-régulier si, et
seulement si, T − λ est semi-régulier pour tout |λ| < γ(T ). En particulier σs (T ) est
fermé.

Preuve. Si Co(T ) = {0} ou Co(T ) = X alors T est injectif à image fermée ou surjectif.
Donc on peut supposer que Co(T ) est un sous-espace propre de X . Soit λ un scalaire
complexe tel que 0 < |λ| < γ(T ). D’après le Lemme 5.4.1, on a (T − λ)Co(T ) = Co(T ).
D’où,
N(T − λ) ⊆ Co(T ) ⊆ Co(T − λ) ⊆ R ∞ (T − λ) ⊆ R(T − λ).

Ainsi il suffit de montrer que R(T − λ) est fermé. Considérons l’opérateur injectif à
image fermée S : X /coal (T ) → X /coal (T ) induit par T . Par la Proposition 5.2.5,

R(S − λ) = (R(T − λ) + Co(T ))/Co(T ) = R(T − λ)/Co(T ),

et donc aussi R(T − λ), est fermé pour |λ| < γ(S). D’autre part, on a

∥ x + Co(T ) ∥ = ∥ x + u + Co(T ) ∥, ∀u ∈ Co(T ),


≤ ∥ x + u + N(T ) ∥, ∀u ∈ Co(T ),
≤ γ(T )−1 ∥ T x + Tu ∥, ∀u ∈ Co(T ),
≤ γ(T )−1 ∥ T x + Co(T ) ∥,

car T Co(T ) = Co(T ). Par suite γ(T ) ≤ γ(S), et R(T − λ) est fermé pour |λ| < γ(T ). 

Proposition 5.4.3. Si T ∈ L (X ) est semi-régulier, alors γ(T − λ) ≥ γ(T ) − 3|λ| pour


tout λ ∈ C.

Preuve. Si Co(T ) = {0} ou Co(T ) = X alors T est injectif à image fermée ou surjectif.
Dans ces deux cas, l’inégalité est satisfaite, à vérifier à titre d’exercice. On suppose
que Co(T ) est un sous-espace propre de X .

Mourad Oudghiri Université Mohammed I


5.4. Spectre semi-régulier 79

Soit x ∈ N(T ) ⊆ Co(T ) = T Co(T ) non nul, alors x = Tu avec u ∈ Co(T ), et on a

∥ u + N(T ) ∥≤ γ(T )−1 ∥ Tu ∥= γ(T )−1 ∥ x ∥ .

Soit 0 < ε < 1, il existe ω ∈ N(T ) tel que (1 − ε) ∥ u − ω ∥≤ γ(T )−1 ∥ x ∥. Posons µ =
(1 − ε)γ(T ) et x 1 = u − ω, alors x 1 ∈ Co(T ), T x 1 = x et ∥ x 1 ∥≤ µ−1 ∥ x ∥. De proche
en proche, on construit une suite {x n }n≥0 ⊆ Co(T ) vérifiant x 0 = x, T x n+1 = x n et

∥ x n ∥≤ µ−n ∥ x ∥ pour tout n ≥ 0. On considère la fonction f (λ) = λn x n . Alors f
P
n=0
est analytique sur D̊(0, µ) et vérifie (T − λ) f (λ) = 0. En plus,

∞ |λ|
δ(N(T ), N(T − λ)) ≤∥ x − f (λ) ∥=∥ λn u n ∥≤
X
n=1 µ − |λ|

pour tout λ ∈ D̊(0, µ). Comme ε est arbitraire, on obtient

|λ|
δ(N(T ), N(T − λ)) ≤ pour tout |λ| < γ(T ).
γ(T ) − |λ|

Soient u ∈ X et |λ| < γ(T ), et posons δ := δ(N(T ), N(T − λ)). D’après la Proposition
5.1.7, il existe v ∈ X tel que

1−δ
u − v ∈ N(T − λ) et d(v, N(T )) ≥ (1 − ε) ∥ v ∥ .
1+δ

Par conséquent,

∥ (T − λ)u ∥ = ∥ (T − λ)v ∥≥∥ T v ∥ −|λ| ∥ v ∥,


≥ γ(T )d(v, N(T ) − |λ| ∥ v ∥,
1−δ
µ ¶
≥ γ(T ) (1 − ε) − |λ| ∥ v ∥ .
1+δ

|λ| 1 − δ γ(T ) − 2|λ|


Or δ ≤ , donc ≥ , et par suite
µ − |λ| 1+δ γ(T )

∥ (T − λ)u ∥≥ (1 − ε)(γ(T ) − 2|λ|) − [λ| d(u, N(T − λ)),


¡ ¢

pour tout u ∈ X . Finalement, γ(T − λ) ≥ (1 − ε)γ(T ) − 3|λ|, et en faisant tendre ε vers


0, on obtient l’inégalité cherchée. 

Corollaire 5.4.4. Soit T un opérateur borné sur X . Alors l’application γ : s − reg(T ) →


R+ est continue.

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80 Opérateurs semi-réguliers

Preuve. Sans perte de généralité, on peut supposer que T est semi-régulier, et dans
ce cas, il suffit de montrer que γ est continue en 0. Soit λ ∈ C tel que |λ| < γ(T ).
Comme T et T − λ sont semi-réguliers, alors

γ(T − λ) ≥ γ(T ) − 3|λ| et γ(T ) ≥ γ(T − λ) − 3|λ|.

Il en résulte que |γ(T ) − γ(T − λ)| ≤ 3|λ| pour |λ| ≤ γ(T ). Ce qui entraîne que γ est
continue en 0. 

Théorème 5.4.5. Si T ∈ L (X ) est un opérateur semi-régulier alors Ho (T ) = N ∞ (T ).

Preuve. L’inclusion N ∞ (T ) ⊆ H (T ) étant évidente, montrons l’autre inclusion. Sup-


o
posons qu’il existe x ∈ Ho (T ) \ N ∞ (T ), alors le réel δ = d(x, N ∞ (T )) est strictement
positif et, pour tout n ∈ N, on a

∥ T n x ∥ ≥ γ(T n )d(x, N(T n )) ≥ γ(T n )d(x, N ∞ (T )),

≥ γ(T n )δ ≥ γ(T )n δ.
1
Donc lim inf ∥ T n x ∥ n ≥ γ(T ) > 0, ce qui est absurde. 
n→∞

Proposition 5.4.6. Soit T ∈ L (X ) un opérateur semi-régulier, alors

(i) Ho (T ) ⊆ Co(T ).

(ii) Ho (T ) =⊥ [Co(T ∗ )].

Preuve. (i) est une conséquence du théorème précédent.


(ii) On a Ho (T ) ⊆ ⊥ [Co(T ∗ )], d’après la Proposition 3.7.4. Montrons l’autre inclu-
sion. Pour tout n ≥ 1, on a N(T n ) ⊆ Ho (T ),et donc Ho (T )⊥ ⊆ N(T n )⊥ = R(T ∗n ). Par
suite, Ho (T )⊥ ⊆ R ∞ (T ∗ ) = Co(T ∗ ) et ⊥ Co(T ∗ ) ⊆ Ho (T ). 

Théorème 5.4.7. Soient T ∈ L (X ), λ0 ∈ s − reg(T ) et Ω la composante connexe de


s − reg(T ) qui contient λ0 , alors Co(T − λ) = Co(T − λ0 ) pour tout λ ∈ Ω.

Preuve. Montrons d’abord que si S ∈ L (X ) est semi-régulier, alors il existe un réel


c > 0 tel que S −λ soit semi-régulier et Co(S −λ) = Co(S) pour |λ| < c. Pour |λ| < γ(S),
S−λ est semi-régulier, et on a Co(S−λ) ⊆ Co(S) d’après la preuve du Théorème 5.4.2.
γ(S)
Pour |γ| ≤ 4 , il vient
γ(S − λ) ≥ γ(S) − 3|λ| > |λ|,

et donc Co(S − λ) = Co(S) si |γ| ≤ 4−1 γ(S). D’où, il suffit de prendre c = 4−1 γ(S).

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5.4. Spectre semi-régulier 81

On poste Λ = {λ ∈ Ω : Co(T − λ) = Co(T − λ0 )}. Il est clair d’après le raisonne-


ment ci-dessus que Λ est ouvert et fermé non vide de Ω. Comme Ω est connexe, on
obtient que Λ = Ω. 

Théorème 5.4.8. Soient T ∈ L (X ), λ0 ∈ s − reg(T ) et Ω la composante connexe de


s − reg(T ) qui contient λ0 , alors Ho (λ − T ) = Ho (λ0 − T ) pour tout λ ∈ Ω.

Preuve. Pour tout λ ∈ Ω on a

Ho (λ − T ) = ⊥ [Co(λ − T ∗ )] = ⊥ [Co(λ0 − T ∗ )] = Ho (λ0 − T ).

Corollaire 5.4.9. Soit T un opérateur borné sur X . Alors ∂σ(T ) ⊆ σs (T ) et par consé-
quent σs (T ) est non vide.

Preuve. Supposons qu’il existe λ0 ∈ ∂σ(T ) s − reg(T ), et soit Ω la composante connexe


T

de s − reg(T ) contenant λ0 . Alors Ω ρ(T ) , ;, et donc Co(T − λ) = X et Ho (T − λ) =


T

{0} pour tout λ ∈ Ω. Ce qui entraîne que R(T − λ) = X et N(T − λ) = {0} pour λ ∈ Ω.
Par suite Ω ⊆ ρ(T ), ce qui est absurde. 

Théorème 5.4.10. Si T ∈ L (X ) est semi-régulier, alors T (Ho (T )) = Ho (T ).

Preuve. Montrons d’abord que T (Ho (T )) = Ho (T ). On a T (Ho (T )) ⊆ Ho (T ). Soit x ∈


Ho (T ) ⊆ R(T ) alors x = T y, avec y ∈ X , et d’après la Proposition 3.5.1, y ∈ Ho (T ).
D’où x ∈ T (Ho (T )) et T (Ho (T )) = Ho (T ). Par conséquent, T Ho (T ) ⊆ Ho (T ). D’autre
part, comme N(T ) ⊆ Ho (T ) et T est à image fermée, alors T (Ho (T )) est fermé et
Ho (T ) = T (Ho (T )) ⊆ T (Ho (T )). 

Théorème 5.4.11. Soient T ∈ L (X ) et λ0 ∈ C tel que R(T − λ0 ) est fermé. Alors les
assertions suivantes sont équivalentes :
(i) λ0 ∈ s − reg(T ).
(ii) l’application λ → γ(T − λ) est continue en λ0 .
(iii) l’application λ → N(T − λ) est continue en λ0 .
(iv) l’application λ → R(T − λ) est continue en λ0 .

Lemme 5.4.12. Soient T ∈ L (X ) et λ, µ ∈ C. Alors


(i) γ(T − λ).δ(N(T − µ), N(T − λ)) ≤ |µ − λ|,
(ii) min{γ(T − λ), γ(T − µ)}.δ(N(T
b − µ), N(T − λ)) ≤ |µ − λ|.

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82 Opérateurs semi-réguliers

Preuve. On suppose que λ , µ.


(i) Soit x ∈ N(T − µ) un vecteur non nul tel que ∥ x ∥≤ 1. Alors x ∉ N(T − λ) et

γ(T − λ)d(x, N(T − λ)) ≤ k(T − λ)xk = |µ − λ|.

D’où,
γ(T − λ).δ(N(T − µ), N(T − λ)) ≤ |µ − λ|.

(ii) se déduit immédiatement du (i) en interchangeant λ et µ. 

Preuve du Théorème 5.4.11. Sans perte de généralité, on peut supposer que λ0 = 0.


(i)⇒(ii) est claire.
(ii) ⇒ (iii) Soit c > 0 tels que γ(T − λ) ≥ 2−1 γ(T ) si |λ| < c. D’après le Lemme
5.4.12, on a
2
δ(N(T
b ), N(T − λ)) ≤ |λ|.
γ(T )
Ce qui montre que l’application λ → N(T − λ) est continue en 0.
(iii) ⇒ (i) Soit x ∈ N(T ). Pour λ ∈ C non nul, on a N(T − λ) ⊆ R ∞ (T ), et donc

∥ x + R(T n ) ∥≤∥ x + N(T − λ) ∥≤ δ(N(T


b − λ), N(T )) ∥ x ∥ pour tout n ≥ 1.

Ainsi, en faisant tendre λ vers 0, on obtient x ∈ R(T n ) pour tout n. En particulier,


N(T ) ⊆ R(T ) puisque R(T ) est fermé. Il en découle alors que R(T n ) est fermé pour
tout n. Par conséquent, N(T ) ⊆ R ∞ (T ) et T est donc semi-régulier.
(i) ⇔ (v) découle par dualité en utilisant le Théorème 5.3.8 et la Proposition 5.1.4.


Proposition 5.4.13. Soient T ∈ L (X ) et Ω une composante connexe de s − reg(T ). Si


{λn }n une suite infinie de Ω qui converge vers λ ∈ Ω, alors

Co(T − λ) = R(T − λn ).
\
n

Preuve. Comme Co(T −λ) = Co(T −λn ) pour tout n, alors Co(T −λ) ⊆⊆ ∩n R(T −λn ).
Soit x ∈ ∩n R(T − λn ). On a

d(x, R(T − λ)) ≤ δ(R(T


b − λn ), R(T − λ)) ∥ x ∥ pour tout n.

Lorsque λn tend vers λ, on obtient x ∈ R(T − λ) = R(T − λ). Soit v ∈ X tel que x =
(T − λ)v. Pour tout n tel que λn , λ, on a x = (T − λn )v + (λn − λ)v, et puisque x ∈
R(T − λn ), on obtient que v ∈ R(T − λn ). Il en résulte que x ∈ ∩n R(T − λn ). 

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5.4. Spectre semi-régulier 83

Proposition 5.4.14. Soit T un opérateur borné sur X . Si R(T ) est fermé et X = N(T )⊕
M où M est un sous-espace fermé, alors les assertions suivantes sont équivalentes :

(i) T est semi-régulier,

(ii) il existe un voisinage U de zéro tel que X = N(T − λ) ⊕ M pour tout λ ∈ U ,

(iii) Il existe un voisinage U de zéro et Q λ , λ ∈ U une famille de projections sur N(T −


λ) telle que l’application λ → Q λ soit continue en 0.

Preuve. (i)⇒(ii). Comme X = N(T ) ⊕ M , il existe α > 0 tel que ∥ x + N(T ) ∥≥ α ∥ x ∥


pour tout x ∈ M . Soit x ∈ M , alors

∥ (T − λ)x ∥ ≥ ∥ T x ∥ −|λ| ∥ x ∥,
≥ γ(T ) ∥ x + N(T ) ∥ −|λ| ∥ x ∥,
≥ (αγ(T ) − |λ|) ∥ x ∥ .

D’où N(T − λ) ∩ M = {0} et R(T − λ) est fermé pour λ dans un voisinage de 0. Ainsi il
nous reste à montrer que R(T −λ) = (T −λ)(M ) pour λ voisin dans un voisinage de 0.
Comme T : M → X est un isomorphisme, posons c =∥ T −1 ∥−1 . Soit u ∈ N(T ) ⊆ R(T ).
Alors il existe u 1 ∈ M tel que Tu 1 = u et ∥ u 1 ∥≤ c ∥ u ∥. Comme u 1 ∈ N(T 2 ) ⊆ R(T ),
alors il existe u 2 ∈ M tel que Tu 2 = u 1 et ∥ u 2 ∥≤ c ∥ u 1 ∥. De proche en proche, on
construit une suite {u n }n≥0 ⊂ M vérifiant u n = Tu n+1 et ∥ u n ∥≤ c n ∥ x ∥, pour tout

λn u n+1 pour |λ| < c. Il est
P
n ≥ 0, avec u 0 = u. On considère la fonction f (λ) =
n=0
clair que f est bien définie, analytique, à valeurs dans M et (T − λ) f (λ) = u pour
|λ| < c. Par conséquent, u ∈ (T − λ)(M ) pour |λ| < c. D’où,

R(T − λ) = (T − λ)(M ⊕ N(T )) = (T − λ)(M ) + N(T ) = (T − λ)(M ),

pour |λ| < c. Ce qui montre que X = N(T − λ) ⊕ M pour tout λ appartenant à un
voisinage de 0.
(ii)⇒(iii). Pour tout λ ∈ U , notons par Q λ la projection sur N(T − λ) relative à la
décomposition X = N(T − λ) ⊕ M . Soit λ ∈ U , alors

γ(T − λ) ≥ γ(T|M − λ) ≥ γ(T|M ) − |λ|.

Or T (M ) = R(T ) est fermé, donc γ(T|M ) > 0, et γ(T −λ) ≥ 2−1 γ(T|M ) si |λ| ≤ 2−1 γ(T|M ).
Il résulte par le Lemme 5.4.12 que lim δ(N(T
b − λ), N(T )) = 0.
λ→0

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84 Opérateurs semi-réguliers

(iii)⇒(i). Soit x ∈ N(T ). Pour tout λ ∈ U non nul, on a Q λ (x) ∈ N(T − λ) ⊆ R ∞ (T ).


Ainsi, en faisant tendre λ vers 0, on obtient x = Q 0 (x) ∈ R(T n ) pour n ≥ 1. Mais,
comme R(T ) est fermé, N(T ) ⊆ R(T ), et on en déduit facilement que R(T n ) est fermé
et N(T ) ⊆ R(T n ) pour tout n. 

Par dualité, on a la proposition suivante.

Proposition 5.4.15. Soit T un opérateur borné sur X . Si R(T ) est fermé, où M est un
sous-espace fermé, alors les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) T est semi-régulier,
(ii) il existe un voisinage U de zéros tel que X = R(T − λ) ⊕ M pour tout λ ∈ U ,
(iii) il existe un voisinage U de zéro et P λ , λ ∈ U , une famille de projections sur R(T −
λ) telle que l’application λ → P λ soit continue en 0.

Corollaire 5.4.16. Si T ∈ L (X ) est un opérateur à image fermée, alors on a


(i) Si N(T ) est de dimension finie, alors T est semi-régulier si, et seulement si, la di-
mension de N(T − λ) est constante sur un voisinage de 0.
(ii) Si R(T ) est de codimension finie, alors T est semi-régulier si, et seulement si, la
codimension de R(T − λ) est constante sur un voisinage de 0.

Preuve. (i) est une conséquence directe de 3.3.3. Montrons l’autre implication. Comme
dim N(T ) < ∞ et R(T ) est fermé alors T est semi-Fredholm et par suite, il existe M
et N deux sous-espaces fermés, invariants par T , tels que X = M ⊕ N , T|M est semi-
régulier et T|N est nilpotent. Puisque T|M est semi-régulier et dim N(T|M ) < ∞ alors
dim N(T|M − λ) est constante au voisinage de 0. D’autre part, si λ est non nul alors
N(T − λ) ⊆ Co(T ) ⊆ M . Par conséquent

dim N(T − λ) = dim N(T|M − λ)


= dim N(T|M )
= dim N(T ),

lorsque λ est voisin de 0. D’où N(T ) = N(T|M ) et N = {0}.


(ii) se déduit de (i) par dualité. 

Théorème 5.4.17. Soit T un opérateur borné sur X . Alors f (σs (T )) = σs ( f (T )) pour


toute fonction f holomorphe sur un voisinage de σ(T ).

Avant de démontrer ce théorème, on a besoin d’établir d’abord les deux résultats


suivants.

Mourad Oudghiri Université Mohammed I


5.4. Spectre semi-régulier 85

Lemme 5.4.18. Soient A, B,C , D ∈ L (X ) des opérateurs commutant entre eux et vé-
rifiant AC + B D = I . Alors :
(i) R(AB ) = R(A) ∩ R(B ) et N(AB ) = N(A) + N(B ),
(ii) R(AB )n = R(A n ) ∩ R(B n ) et N(AB )n = N(A n ) + N(B n ),
(iii) R ∞ (AB ) = R ∞ (A) ∩ R ∞ (B ) et N ∞
(AB ) = N ∞
(A) + N ∞
(B ),
(iv) N ∞
(A) ⊂ R ∞ (B ),
(v) R ∞ (B ) ⊂ R ∞ (A).

Preuve. Notons d’abord que, pour tout n ≥ 1, il existe C n , B n ∈ L (X ) tels que A, B,C n , D n
commutent entre eux et AC n + B D n = I , voir Exercice 3.11.25. En particulier, (ii) et
(iii) deviennent une conséquence de (i).
(i) Comme A et B commutent, alors R(AB ) ⊂ R(A) ∩ R(B ). Soit x ∈ R(A) ∩ R(B ),
alors x = Au = B v pour u, v ∈ X . Posons w = C v + Du, il vient

B w = BC v + B Du = C x + u − ACu = u,

ou encore x = Au = AB w ∈ R(AB ). Par dualité, on obtient la deuxième égalité.


(iv) Soit x ∈ N(A), alors x = B D x ∈ R(B ) alors N(A) ⊂ R(B ). Donc on obtient que
N(A n ) ⊂ R(B n ) pour tout n ≥ 1. Maintenant, pour tous entiers n, m tels que n ≤ m,
il vient que
N(A n ) ⊆ N(A m ) ⊂ R(B m ),

ce qui implique que N ∞


(A) ⊂ R ∞ (B ).
(v) se déduit de (iv) en interchangeant A et B . 

Théorème 5.4.19. L’ensemble des opérateurs semi-régulier de L (X ) est une régula-


rité de L (X ).

Preuve. En tenant compte du Théorème 5.3.3, il suffit de montrer que si A, B,C , D ∈


L (X ) commutent entre eux tels que AC + B D = I et A et B sont semi-réguliers,
alors AB est semi-régulier. Comme A, B sont semi-régulier, alors d’après le lemme
précédent, R(AB ) = R(A) ∩ R(B ) est fermé, et

N(A) ∪ N(B ) ⊆ R ∞ (A) ∩ R ∞ (B ) = R ∞ (AB ).

D’où, N(AB ) = N(A) + N(B ) ⊆ R ∞ (AB ), ce qui montre que AB est semi-régulier. 

Preuve du Théorème 5.4.17. Comme le spectre semi-régulier n’est vide que si l’es-
pace est réduit à {0}, alors la propriété (χ) est satisfaite, et donc le Théorème 5.4.17
devient une conséquence directe du Théorème 3.10.19. 

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86 Opérateurs semi-réguliers

5.5 Résolvante généralisée


Un opérateur T ∈ L (X , Y ) est dit g-inversible, ou admet un inverse généralisé, s’il
existe S ∈ L (Y , X ) tel que T ST = T et ST S = S. Un tel S est dit un g-inverse de T .

Remarque 5.5.1. Soit T un opérateur borné de X dans Y .


(i) Si T est inversible à gauche ou à droite, alors T est g-inversible.
(ii) S ∈ L (Y , X ) est un g-inverse de T si, et seulement si, S ∗ est un g-inverse de T ∗ .

Proposition 5.5.2. Soient T ∈ L (X , Y ) et S ∈ L (Y , X ) un g-inverse de T , et posons


P = T S et Q = ST . Alors P et Q sont des projections avec R(P ) = R(T ) et N(Q) = N(T ).

Preuve. On a R(P ) ⊆ R(T ) et N(T ) ⊆ N(Q). D’autre part, puisque P T = T et T Q = T


alors on a les inclusions inverses. 

Comme T est un g-inverse de S, on déduit de la proposition précédente que


N(P ) = N(S) et R(Q) = R(S). Ce qui entraîne que X = R(T ) ⊕ N(S) = N(T ) ⊕ R(S).

Proposition 5.5.3. Un opérateur T ∈ L (X , Y ) est g-inversible si, et seulement si, il


existe deux sous-espaces fermés M et N tels que X = N(T ) ⊕ N et X = M ⊕ R(T ).

Preuve. Supposons que T est g-inversible. Avec les notations du la Proposition 5.5.2,
il suffit de poser N = R(Q) et M = N(P ).
Réciproquement, soit T0 l’opérateur induit par T de N dans R(T ). Il est clair
que T0 est inversible. Considérons l’opérateur S ∈ L (X ) défini par S |R(T ) = T0−1 et
S |M = 0. Alors il vient que T ST = T et ST S = S. 

Il résulte de la proposition précédente que l’image d’un opérateur g-inversible


est fermée. En particulier, dans un espace de Hilbert, un opérateur est g-inversible
si, et seulement si, son image est fermée.

Définition 5.5.4. Un opérateur T ∈ L (X ) est dit régulier s’il est semi-régulier et g-


inversible.

Il est clair que T est régulier si, et seulement si, T est g-inversible et N ∞
(T ) ⊆
R(T ). On note aussi que T ∈ L (X ) est régulier si, et seulement si, T est régulier.

Proposition 5.5.5. Soient T ∈ L (X ) un opérateur régulier et S ∈ L (X ) un g-inverse


de T . Alors
( (
i i j T i Si −j si 0 ≤ j ≤ i , j i i Si −j T i si 0 ≤ j ≤ i ,
T S T = j
et T S T = j
T si i ≤ j , T si i ≤ j.

Mourad Oudghiri Université Mohammed I


5.5. Résolvante généralisée 87

En particulier, on a T n S n T n = T n pour tout n.

On a besoin d’établir le lemme suivant avant de fournir la preuve de la proposi-


tion précédent.

Lemme 5.5.6. Soit T ∈ L (X ) un opérateur régulier. Si S ∈ L (X ) vérifie T ST = T ,


alors
S(R(T n+1 )) ⊆ R(T n ) et S(N(T n )) ⊆ N(T n+1 ) pour tout n ≥ 1

En particulier, S k (N(T )) ⊆ N(T k+1 ) et S k (R(T k+1 )) ⊆ R(T ) pour tout k ≥ 1.

Preuve. Soit n ≥ 1. Comme T ST = T et T (ST n+1 − T n ) = 0, alors

R(ST n+1 − T n ) ⊆ N(T ) ⊆ R(T n ) et S(R(T n+1 )) = R(ST n+1 ) ⊆ R(T n ).

Soit x ∈ N(T n ) ⊆ R(T ), alors x = T y avec y ∈ X , et

T n+1 Sx = T n (T ST )y = T n T y = T n x = 0.

D’où, Sx ∈ N(T n+1 ) et S(N(T n )) ⊆ N(T n+1 ). 

Preuve de la Proposition 5.5.5. Montrons tout d’abord, par récurrence, que T n S n T n =


T n pour tout n. Supposons que T n S n T n = T n . Comme S n (R(T n+1 )) ⊆ R(T ) = R(T S) =
N(I − T S), alors T S n+1 T n+1 = S n T n+1 et par suite

T n+1 S n+1 T n+1 = T n S n T n+1 = T n+1 .

Soient i et j deux entiers naturels. Si j ≤ i alors, d’après le Lemme 5.5.6,

R(S i − j − S i T j ) = S i − j (R(I − S j T j )) = S i − j (N(S j T j )


= S i − j (N(T j )) ⊆ N(T i )

et S i − j (R(T i )) ⊆ R(T j ) = R(T j S j ) ⊆ N(I − T j S j ). Ainsi T i S i T j = T i S i − j et T j S i T i =


S i − j T i . De la même manière on montre les autre égalités. 

On dira qu’un opérateur qu’une fonction analytique R : U → L (X ), où U est un


ouvert de C, est une résolvante généralisée d’un opérateur T ∈ L (X ) si elle vérifie

(T − λ)R(λ)(T − λ) = (T − λ) et R(λ)(T − λ)R(λ) = R(λ)

pour tout λ ∈ U .

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88 Opérateurs semi-réguliers

Lemme 5.5.7. Soit T ∈ L (X ). Si R est une résolvante généralisée de T sur un voisi-


nage ouvert de 0, alors (T − λ)R(λ)x = x pour tout x ∈ N ∞
(T ) et λ ∈ U .

Preuve. Soient λ ∈ U un scalaire non nul et x ∈ N ∞


(T ). Comme la restriction de
T −λ à N ∞
(T ) est une application linéaire bijective, alors il existe y ∈ N ∞
(T ) tel
que x = (T − λ)y. Il vient

(T − λ)R(λ)x = (T − λ)R(λ)(T − λ)y = (T − λ)y = x.

Par continuité, on étend l’égalité ci-dessus à tout λ ∈ U . 

Soit T un opérateur borné sur X . On appelle ensemble résolvant régulier de T ,


qu’on note par reg(T ), l’ensemble des complexes λ tels que T − λ est régulier.

Théorème 5.5.8. Soit T ∈ L (X ). Alors λ ∈ reg(T ) si, et seulement si, T possède une
résolvante généralisée sur un ouvert U contenant λ.

Preuve. Sans perte de généralité, on peut prendre λ = 0.


Soit S un inverse généralisé de T , alors X = R(T ) ⊕ N(S) = N(T ) ⊕ R(S). Posons
c =∥ S ∥−1 , et considérons la fonction analytique

R(λ) = S(I − λS)−1 = λn S n+1


X
n≥0

définie sur le disque ouvert D de centre 0 et de rayon c. Soit λ ∈ D. Pour tout x ∈


N(T ), le Lemme 5.5.6 implique que S n x ∈ N(T n+1 ) ⊆ R(T ) = R(T S), et donc T S n+1 x =
S n x, pour tout n. Par suite
µ ¶
n+1 n+1
(T − λ)R(λ)(T − λ)x = −(T − λ)R(λ) λ
X
S x
n≥0
λn+2 S n+1 x − λn+1 T S n+1 x
X X
=
n≥0 n≥0
n+2 n+1
λ λn+1 S n x
X X
= S x−
n≥0 n≥0
= −λx = (T − λ)x.

En plus, pour x ∈ R(S) = R(ST ) = N(I − ST ), on a x = ST x et


µ ¶
X n n+1
(T − λ)R(λ)(T − λ)x = (T − λ) λ S (T − λ)x
n≥0
µ ¶
n n n+1 n+1
= (T − λ) λ S x− λ
X X
S x
n≥0 n≥0
= x.

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5.5. Résolvante généralisée 89

Il en résulte que (T − λ)R(λ)(T − λ) = T − λ pour tout λ ∈ D. D’autre part,

R(λ)(T − λ)R(λ) = (I − λS)−1 (S(T − λ)S) (I − λS)−1


= (I − λS)−1 S − λS 2 (I − λS)−1
¡ ¢

= (I − λS)−1 S(I − λS)(I − λS)−1


= R(λ).

Inversement, soient U un ouvert de C contenant 0 et R : U → L (X ) une résolvante


généralisée pour T . D’après le lemme précédent, T R(0)x = x pour tout x ∈ N ∞
(T ),
et donc N ∞
(T ) ⊆ R(T ). D’autre part, T R(0)T = T , et par conséquent T est régulier.


Il découle du théorème précédent, que reg(T ) est un ensemble ouvert.


Le spectre généralisé d’un opérateur T ∈ L (X ), noté σg (T ) est le complémentaire
de reg(T ) dans C. Il est clair que

∂(σ(T )) ⊆ σK (T ) ⊆ σg (T ) ⊆ σ(T ),

et donc σg (T ) est un compact non vide de C.

Définition 5.5.9. On dira qu’une fonction continue R : U → L (X ), où U est un ou-


vert de C, vérifie l’identité de la résolvante si

R(λ) − R(α) = (λ − α)R(λ)R(α)

pour tous α et λ appartenant à la même composante connexe de U .

Il est clair que toute fonction continue satisfaisant l’identité de la résolvante est
analytique.

n
Théorème 5.5.10. Soient T ∈ L (X ) et R(λ) = n≥0 λ Tn
P
une résolvante généralisée
de T sur un ouvert connexe U de C contenant 0. On pose P (λ) = (T −λ)R(λ) et Q(λ) =
R(λ)(T − λ) pour tout λ ∈ U . Alors les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) Tn = T0n+1 pour tout n ≥ 1,
(ii) N(P (λ)) = N(T T0 ) et R(Q(λ)) = R(T0 T ) pour tout λ ∈ U ,
(iii) Il existe deux sous-espaces fermés Z et W de X tels que N(P (λ)) = Z et R(Q(λ)) =
W pour tout λ ∈ U ,
(iv) R vérifie l’identité de la résolvante,

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90 Opérateurs semi-réguliers

(v) R(λ) − R(0) = λR(λ)R(0) pour tout λ ∈ U .

Preuve. (i) ⇒ (ii) Comme T0 = R(0) est un inverse généralisé de T , alors N(T T0 ) =
N(T0 ) et R(T0 T ) = R(T0 ). Soit λ dans U . Puisque Tn = T0n+1 , n ≥ 1, on a

λn T0n (I − T0 T )
X
Q(λ) = T0 T −
n≥1

et
λn T0n ,
X
P (λ) = T T0 − (I − T T0 )
n≥1
ce qui donne R(Q(λ)) ⊇ R(T0 ) et N(T0 ) ⊆ N(P (λ)). D’autre part, on a

λn T0n (I − T0 T ))T0 = T0 ,
X
Q(λ)T0 = (T0 T −
n≥1

et
λn T0n (I − T0 T )) = T0 ,
X
T0 P (λ) = T0 (T T0 −
n≥1
donc R(T0 ) ⊆ R(Q(λ)) et N(P (λ)) ⊆ N(T0 ). Par suite, R(T0 ) = R(Q(λ)) et N(P (λ)) =
N(T0 ), pour tout λ ∈ U .
(ii) ⇒ (iii) est clair.
(iii) ⇒ (iv) Pour tous λ, γ ∈ U , on a

N(R(λ)) = N(P (λ)) = Z = N(P (µ)) = R(I − P (µ))

et
R(R(µ)) = R(Q(µ)) = W = R(Q(λ)) = N(I −Q(λ)),

donc R(λ) = R(λ)P (µ) et R(µ) = Q(λ)R(µ). Par suite,

(λ − µ)R(λ)R(µ) = R(λ)(λ − µ)R(µ)


= R(λ)[(T − µ) − (T − λ)]R(µ)
= R(λ)P (µ) −Q(λ)R(µ)
= R(λ) − R(µ),

pour tous λ, γ ∈ U .
(iv) ⇒ (v) est clair.
n n
(v) ⇒ (i) Pour tout λ ∈ U , il vient n≥1 λ Tn = n≥1 λ Tn−1 T0 ,
P P
ou encore, Tn =
Tn−1 T0 pour tout n ≥ 1. Ce qui donne Tn = T0n+1 , pour tout n ≥ 1. 

Théorème 5.5.11. Soient U un ouvert de C et T ∈ L (X ), alors les assertions suivantes


sont équivalentes :

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5.5. Résolvante généralisée 91

(i) Il existe deux familles de projections continues {P (λ)})λ∈U et {Q(λ)}λ∈U vérifiant


R(P (λ)) = R(T − λ), N(Q(λ)) = N(T − λ), P (λ)P (µ) = P (λ) et Q(λ)Q(µ) = Q(µ)
pour tous λ et µ dans U ,
(ii) T possède une résolvante généralisée satisfaisant l’identité de la résolvante sur
U.

Preuve. (i) ⇒ (ii). Soit λ dans U . Comme R(P (λ)) = R(T − λ), alors pour tout u ∈ X il
existe v tel que P (λ)u = (T − λ)v, on pose R(λ)u = Q(λ)v. Alors R est bien défini. En
effet, si P (λ)u = (T − λ)v = (T − λ)w, on obtient w − v ∈ N(T − λ) = N(Q(λ)), et donc
Q(λ)w = Q(λ)v. Comme P (λ) et Q(λ) sont des projections sur R(T − λ) et N(T − λ),
respectivement, il vient alors que

R(λ)(T − λ) = Q(λ) et T − λ = P (λ)(T − λ) = (T − λ)Q(λ).

Montrons que R est une résolvante généralisée de T sur U . Soient u, v ∈ X tels que
P (λ)u = (T − λ)v, alors

(T − λ)R(λ)(T − λ)u = (T − λ)Q(λ)u = (T − λ)u,

et

[R(λ)(T − λ)](R(λ)u) = [Q(λ)](Q(λ)v) = Q(λ)v = R(λ)u.

Montrons maintenant que R vérifie l’identité de la résolvante. Soit λ, µ ∈ U . Par dé-


finition de R, on a R(λ)P (λ) = R(λ) et Q(γ)R(γ) = R(γ). Par suite,

(λ − µ)R(λ)R(µ) = R(λ)[(T − µ) − (T − λ)]R(µ)


= R(λ)(T − µ)R(µ) − R(λ)(T − λ)R(µ)
= R(λ)P (µ) −Q(λ)R(µ)
= [R(λ)P (λ)]P (µ) −Q(λ)[Q(µ)R(µ)]
= R(λ)[P (λ)P (µ)] − [Q(λ)Q(µ)]R(µ)
= R(λ)P (λ) −Q(µ)R(µ)
= R(λ) − R(µ).

Pour terminer, on a besoin d’établir que R(λ) est un opérateur borné pour tout λ ∈
U . Soient λ ∈ U , {u n }n une suite de X et w ∈ X tels que lim u n = 0 et lim R(λ)u n =
w. Pour tout n, il existe v n avec P (λ)u n = (T − λ)v n ; en particulier, lim(T − λ)v n =
0. Comme R(λ)u n = Q(λ)v n , n ≥ 1, alors w = limQ(λ)v n ∈ R(Q(λ)). D’autre part,

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92 Opérateurs semi-réguliers

(T − λ)v n = (T − λ)Q(λ)v n , n ≥ 1, donc lim(T − λ)v n = (T − λ)w = 0. Par suite, w ∈


N(T − λ) = N(Q(λ)), et donc w = 0 puisque w ∈ R(Q(λ)). Il en résulte que R(λ) est
continu pour tout λ dans U .
(ii)⇒(i)Pour tout λ ∈ U , on pose P (λ) = (T −λ)R(λ) et Q(λ) = R(λ)(T −λ). Il vient
alors que P (λ) et Q(λ) sont des projections vérifiant R(P (λ)) = R(T −λ) et N(Q(λ)) =
N(T − λ). Par conséquent, pour tous λ, µ ∈ U , on a

P (λ)P (γ) = (T − λ)R(λ)(T − µ)R(µ),


= (T − λ)R(λ)[(T − λ) + (λ − µ)]R(µ),
= (T − λ)R(λ)(T − λ)R(µ) + (λ − µ)(T − λ)R(λ)R(µ),
= (T − λ)R(µ) + (T − λ)(R(λ) − R(µ))
= (T − λ)R(λ),
= P (λ)

et

Q(λ)Q(µ) = R(λ)(T − λ)R(µ)(T − µ),


= R(λ)[(T − µ) + (µ − λ)]R(µ)(T − µ),
= R(λ)(T − µ)R(µ)(T − µ) + (µ − λ)R(λ)R(µ)(T − µ),
= R(λ)(T − µ) − (R(λ) − R(µ))(T − µ),
= R(µ)(T − µ),
= Q(µ)

ce qui termine la preuve. 

Théorème 4.1.8. [Mb3, Theorem 2.5] Soit T ∈ L (X ), alors les assertions suivantes
sont équivalentes
(i) T est régulier.
(ii) Il existe un voisinage V de zéro dans C, E et F deux sous-espace fermés de X tels
que X = N(T − λ) ⊕ E = R(T − λ) ⊕ F , pour tout λ ∈ V .
(iii) T admet une résolvante généralisée sur un voisinage de 0.

Preuve. (i)=⇒(ii) est une conséquence directe des propositions 3.3.3 et 3.3.4.
(ii)=⇒(iii) Soit P λ la projection sur R(T − λ) relative à la décomposition X = R(T −
λ) ⊕ F , et Q λ la projection sur E relative à la décomposition X = N(T − λ) ⊕ E , alors
R(P λ ) = R(T − λ), N(Q λ ) = N(T − λ), P λ P γ = P λ et Q λQ γ = Q γ pour tous λ et γ ∈ V .
D’aprés le théorème 4.1.7, T admet une résolvante généralisée dans V .

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5.6. Exercices 93

5.6 Exercices
Exercice 5.6.1. Montrer que si T est injectif à image fermé, alors γ(T −

Exercice 5.6.2. En admettant que la métrique du gap est complète, montrer qu’un
opérateur T ∈ L (X ) est semi-régulier si, et seulement si, limλ→0 γ(T − λ) existe et
est finie.

Exercice 5.6.3. Soit T ∈ L (X ) un opérateur semi-Fredholm. Montrer que T ∈ L (X )


est de descente finie si, et seulement s’il est surjectif.

Exercice 5.6.4. Soit T un opérateur borné sur X .


(i) Montrer que s’il existe S ∈ L (X ) tel que T ST = T alors T est g-inversible.
(ii) Montrer que s’il existe un unique S ∈ L (X ) vérifiant T ST = T , alors T est in-
versible.

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94 Opérateurs semi-réguliers

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Chapitre 6

Opérateurs de Fredholm

6.1 Opérateurs de Fredholm et opérateurs Semi-Fredholm


Définition 6.1.1. Soit T ∈ L (X , Y ). On dira que :
(i) T est un opérateur de Fredholm si dim N(T ) et codimR(T ) sont finis. L’en-
semble des ces opérateurs est noté par Φ(X , Y ), ou Φ(X ) lorsque X = Y .
(ii) T est un opérateur semi-Fredholm supérieurement si dim N(T ) est fini et R(T )
est fermé. L’ensemble des ces opérateurs est noté par Φ+ (X , Y ), ou Φ+ (X ) lorsque
X =Y.
(iii) T est un opérateur semi-Fredholm inférieurement si codimR(T ) est fini. L’en-
semble des ces opérateurs est noté par Φ− (X , Y ), ou Φ− (X ) lorsque X = Y .
(iv) T est un opérateur semi-Fredholm si T ∈ Φ± (X , Y ) := Φ+ (X , Y ) ∪ Φ− (X , Y ).

Remarque 6.1.2. Comme l’image d’un opérateur est fermée si elle est de codimen-
sion finie, alors
(i) Φ(X , Y ) = Φ+ (X , Y ) ∩ Φ− (X , Y ).
(ii) l’image de tout opérateur semi-Fredholm inférieurement est fermée.
(iii) Φ(X ) est un ensemble non-vide puisqu’il contient l’identité. Par contre, Φ(X , Y )
peut-être vide lorsque X , Y .

Pour tout T ∈ L (X , Y ), on note α(T ) = dim(N(T )) et β(T ) = codim(R(T )).


L’indice de tout opérateur semi-Fredholm T ∈ L (X , Y ) est défini par

Ind(T ) = α(T ) − β(T ),

et dans ce cas, on a Ind(T ) ∈ Z ∪ {±∞}. Il est clair que Ind(T ) est fini si, et seulement
si, T est Fredholm.

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96 Opérateurs de Fredholm

Exemple 6.1.3. (i) Dans le cas où X et Y sont de dimension finie, tous les opéra-
teur sont de Fredholm et leur indice égale à dim X − dim Y .
(ii) Tout opérateur inversible de L (X , Y ) est de Fredholm d’indice zéro.
(iii) Si K ∈ L (X ) est un opérateur compact, alors K − λ est un opérateur de Fred-
holm pour tout complexe non-nul λ ∈ C.
(iv) Tout opérateur injectif à image fermée est semi-Fredholm supérieurement d’in-
dice négatif.
(v) Tout opérateur surjectif est de semi-Fredholm inférieurement d’indice positif.

Théorème 6.1.4. Soit T ∈ L (X , Y ) un opérateur à image fermée. Alors

α(T ∗ ) = β(T ) et β(T ∗ ) = α(T ).

En plus, on a :
(i) T est semi-Fredholm supérieurement si, et seulement si, T ∗ est semi-Fredholm
inférieurement ;
(ii) T est semi-Fredholm inférieurement si, et seulement si, T ∗ est semi-Fredholm
supérieurement ;
(iii) T est semi-Fredholm si, et seulement si, T ∗ est semi-Fredholm ;
(iv) T est Fredholm si, et seulement si, T ∗ est Fredholm.
Et dans tous ses cas, on a Ind(T ∗ ) = −Ind(T ).

Preuve. Comme R(T ), et donc aussi R(T ∗ ), est fermé, alors

N(T ∗ ) = R(T )⊥  (Y /R(T ))∗ et X ∗ /R(T ∗ )  N(T )∗ .

Par conséquent, α(T ∗ ) = β(T ) et β(T ∗ ) = α(T ). Maintenant, les autres assertions se
vérifient facilement. 

Théorème 6.1.5. Soient T ∈ L (X , Y ) et S ∈ L (Y , Z).


(i) Si T ∈ Φ+ (X , Y ) et S ∈ Φ+ (Y , Z ), alors ST ∈ Φ+ (X , Z ).
(ii) Si T ∈ Φ− (X , Y ) et S ∈ Φ− (Y , Z ), alors ST ∈ Φ− (X , Z ).
(iii) Si T ∈ Φ(X , Y ) et S ∈ Φ(Y , Z ), alors ST ∈ Φ(X , Z ).

Preuve. Montrons l’assertion (ii). Soient M et N des sous-espaces fermés de dimen-


sion finie tels que Y = R(T )⊕M et Z = R(S)⊕N . Alors il vient que Z = (R(ST )+SM )⊕
N , et comme SM est de dimension finie, on obtient que ST ∈ Φ− (X , Z ).
Les assertions (i) et (ii) se déduisent de (i) par dualité. 

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6.1. Opérateurs de Fredholm et opérateurs Semi-Fredholm 97

Corollaire 6.1.6. Soit T un opérateur borné sur X .


(i) Si T ∈ Φ+ (X ) alors T n ∈∈ Φ+ (X ) pour tout n ≥ 1.
(ii) Si T ∈ Φ− (X ) alors T n ∈∈ Φ− (X ) pour tout n ≥ 1.
(iii) Si T ∈ Φ(X ) alors T n ∈∈ Φ(X ) pour tout n ≥ 1.

Théorème 6.1.7. Soient T ∈ L (X , Y ) et S ∈ L (Y , Z).


(i) Si ST ∈ Φ+ (X , Z ), alors T ∈ Φ+ (X , Y ).
(ii) Si ST ∈ Φ− (X , Z ), alors S ∈ Φ− (Y , Z ).
(iii) Si ST ∈ Φ(X , Z ), alors T ∈ Φ+ (X , Y ) et S ∈ Φ− (Y , Z ).

Preuve. (ii) Comme R(ST ) ⊆ R(S), on obtient que codimR(S) ≤ codimR(ST ). D’où
S ∈ Φ− (Y , Z ).
Les assertions (i) et (ii) se déduisent de (i) par dualité. 

Soient T ∈ L (X , Y ) et S ∈ L (Y , Z). Si T est bijective et S est de Fredholm, alors


ST est de Fredholm et Ind(ST ) = Ind(S)

Lemme 6.1.8. Soient T : X −→ Y un opérateur borné et M un sous-espace de X de


codimension finie n. Alors
T est de Fredholm si, et seulement si, la restriction T0 : M −→ Y est de Fredholm. de
plus Ind(T ) = Ind(T0 ) + n.

Preuve. Il suffit de prouver le resultat pour n = 1 et faire un raisonnement par récu-


rence pour n ∈ N.
Si n = 1 posons X = M ⊕vec t (x 1 ) donc R(T ) = {T x : x ∈ X } = {Tm + αT x 1 : m ∈ M , α ∈ C}
- Si T x 1 ∈ R(T0 ) alors R(T ) = R(T0 ) en effet soit x = m + αx 1 ∈ X = M ⊕ vec t (x 1 ) alors
T x = Tm + αT x 1 ∈ R(T0 ) i.e R(T ) ⊂ R(T0 ).
T x 1 ∈ R(T0 ) ⇒ ∃ m ∈ M : T x 1 = T0 m Soit N(T ) = N(T0 ) + N(x 1 − m) doù T est de
Fredholm ⇔ T0 est de Fredholm et Ind(T ) = Ind(T0 ) + 1 .
- Si T x 1 ∉ R(T0 ) alors R(T ) = R(T0 ) ⊕ vec t (T x 1 ) dans ce cas N(T ) = N(T0 ) . Alors :
T est de Fredholm ⇔ T0 est de Fredholm et on a α(T ) = α(T0 ) et β(T0 ) = β(T ) + 1 i.e
Ind(T ) = α(T ) − β(T ) = Ind(T0 ) + 1 . 

Soit T : X −→ Y un opérateur de Fredholm. Alors N(T ) et R(T ) admettent des


supplémentaires, on peut alors écrire X = N(T ) ⊕X 0 et Y = R(T ) ⊕Y0 .
On peut alors définir un isomorphisme de X 0 × Y0 dans Y noté T̃ par T̃ ((x 0 , y 0 )) =
T x 0 + y 0 . T̃ est dit l’isomorphisme associé à T .

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98 Opérateurs de Fredholm

Théorème 6.1.9. Soient T : X −→ Y et S : Y −→ Z ( Z est aussi un espace de Banach


) deux opérateurs de Fredholm. Alors Ind(ST ) = Ind(S) + Ind(T ).

Preuve. Soient T̃ la bijection associée à T , et T0 la restriction de T à X 0 .


comme T̃ est un isomorphisme et S ∈ Φ(Y , Z ) alors l’opérateur S T̃ est de Fredholm
avec Ind(S T̃ ) = Ind(S).
En identifiant X 0 à X 0 × {0}, on obtient que ST0 est la restriction commune de ST et
S T̃ à X 0 .
Par le lemme précédent S T̃ est de Fredholm si, et seulement si, ST0 est de Fredholm
si, et seulement si, ST est de Fredholm, de plus
Ind(ST ) = Ind(ST0 )+dim(X /X 0 ) = Ind(S T̃ )−dim(X 0 ×Y0 /X 0 ×{0})+α(T ) = Ind(S)+
α(T ) − dim(Y0 ) = Ind(S) + α(T ) − β(T ) = Ind(S) + Ind(T ). 

Théorème 6.1.10. Soient T ∈ Φ− (X , Y ) et S ∈ Φ− (Y , Z ) (ou T ∈ Φ+ (X , Y ) et S ∈ Φ+ (Y , Z )


). Alors :
Ind(ST ) = Ind(S) + Ind(T ).

Preuve. - Si α(S) < ∞ et α(T ) < ∞ alors T ∈ Φ(X , Y ) et S ∈ Φ(Y , Z ) d’où Ind(ST ) =
Ind(S) + Ind(T ).
- Si α(T ) = +∞ alors Ind(T ) = +∞.
on a ST ∈ Φ− (X , Z ) alors β(ST ) < ∞, et comme N(T ) ⊂ N(ST ) alors α(ST ) = +∞ i.e
Ind(ST ) = +∞ = Ind(S) + Ind(T ) car β(S) < ∞ ⇒ Ind(S) = +∞ ou Ind(S) < ∞ et dans
les deux cas Ind(S) + Ind(T ) = +∞.
- Si α(T ) < ∞ et α(S) = + ∞ on a Ind(T ) ∈ Z et Ind(S) = +∞ il suffit donc de montrer
que Ind(ST ) = +∞ ie de montrer que α(ST ) = +∞ car β(ST ) < ∞ puisque ST ∈
Φ− (X , Z ).
On a N(ST )/N(T )  R(T )∩ N(S), il suffit donc montrer que dim(R(T ) ∩ N(S)) = +∞,
ceçi est assurée du fait que β(T ) 〈 ∞. 

Proposition 6.1.11. Soit K : X −→ X un opérateur compact, alors I d X − K est un


opérateur de Fredholm d’indice nul.

Preuve. évident. 

Remarque 6.1.12. Dans le théorème suivant nous obtenons une caractérisation im-
portante des opérateurs de Fredholm utilisant les opérateurs compact.

Théorème 6.1.13. Soit T : X −→ Y un opérateur borné. les assertions suivantes sont


équivalentes :

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6.1. Opérateurs de Fredholm et opérateurs Semi-Fredholm 99

i) T est de Fredholm.
ii) il existe un opérateur borné S : Y −→ X tel que I d Y − T S et I d X − ST sont des
opérateurs de rang fini.
iii) il existe un opérateur borné S : Y −→ X tel que I d Y −T S et I d X −ST sont compacts.

Preuve. (i ⇒ i i ) Soient X 0 et Y0 les sous-espaces associés à la bijection T̃ et T0 la


restriction de T à X 0. T0 est un isomorphisme de X 0 dans R(T ).
Soit P : Y −→ Y la projection sur R(T ) paralèllement à Y0 . Définissons l’opérateur
borné S : Y −→ X par S = T0−1 P .
On a (ST )2 = T0−1 P T T0−1 P T = T0−1 P 2 T = T0−1 P T = ST , alors ST est un projecteur
avec N(ST ) = N(T ) et R(ST ) = X 0 , d’où I d X − ST est un projecteur et R(I d X − ST ) =
N(T ) de dimension fini.
Et on a (T S)2 = T T0−1 P T T0−1 P = T T0−1 P P = T T0−1 P 2 = T T0−1 P = T S, alors T S est un
projecteur avec N(T S) = N(T ) = N(T T0−1 P ) = Y0 et R(T S) = R(T T0−1 P ) = R(T ) par
définition de P sur R(T ) paralèllement à Y0 . Ceçi entraine que I d Y − T S est un pro-
jecteur d’image Y0 de dimension fini.
(i i ⇒ i i i ) I d Y − T S et I d X − ST sont des opérateurs de rang fini donc ils sont com-
pacts.
(i i i ⇒ i ) On suppose qu’il existe un opérateur borné S : Y −→ X telle que K 1 =
I d X −ST et K 2 = I d Y −T S soient compact alors ST = I d X −K 1 et T S = I d Y −K 2 sont
de Fredholm d’où :
ST ∈ Φ+ (X , X ) et T S ∈ Φ− (Y , Y ) alors T ∈ Φ+ (X , Y ) et T ∈ Φ− (X , Y ) i.e T est de Fred-
holm. 

6.1.1 Algèbre de Calkin


Définition 6.1.14. Soient L (X ) l’algèbre de Banach des opérateurs bornés et K (X )
l0 idéal fermé de L (X ).l’algèbre quotient L (X ) /K (X ) formé des classes T + K (X ),
avec T ∈ L (X ) est dite algèbre de Calkin et noté C (X ).

Théorème 6.1.15. Soit T : X −→ X un opérateur borné. Alors T est un opérateur de


Fredholm si et seulement si π(T ) est inversible dans l’algèbre de Calkin.
où π : L (X ) −→ K (X ) est la projection canonique i.e π(T ) = T + K (X ).

Preuve. Supposons que T est de Fredholm alors d’aprés le théorème précèdent il


existe un opérateur borné S : X −→ X tel que I d − T S et I d − ST soient compact.
Ainsi

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100 Opérateurs de Fredholm

π(I d − ST ) = π(I d − T S) = 0 donc π(I d ) = π(ST ) = π(T S) i.e π(I d ) = π(S)π(T ) =


π(T )π(S) enfin π(T ) est inversible dans l’algèbre de Calkin.
Réciproquement supposons qu’il existe π(S) ∈ C (X ) tel que π(I d ) = π(S)π(T ) =
π(T )π(S) donc π(I d − ST ) = π(I d − T S) = 0 i.e que I d − T S et I d − ST sont com-
pact, d’où d’aprés le théorème précedent T est de Fredholm. 

Lemme 6.1.16. Soient T ∈ Φ+ (X , Y ) et M un sous-espace fermé de X , alors T (M ) est


fermé.

Preuve. T ∈ Φ+ (X , Y ) alors N(T ) admet un supplémentaire M 1 dans X i.e X = N(T )⊕


M1 .
Soit M = M ∩ M 1 ⊕ M 0 où M 0 est un sous-espace de X de dimension finie. Alors
T (M ) = T (M ∩ M 1 ) + T (M 0 ).
-On a T /M 1 est injectif à image fermé donc T (M ∩ M 1 ) est fermé, or T (M 0 ) est de
dimension finie alors T (M ∩ M 1 ) + T (M 0 ) est fermé i.e T (M ) est fermé.

Lemme 6.1.17. Soit T : X −→ X un opérateur borné. Alors T ∈ Φ+ (X , Y ) si, et seule-


ment s’il existe un sous-espace M fermé de codimension finie tel que la restriction
T /M est borné inférieurement.

Preuve. (⇒) Si T ∈ Φ+ (X , Y ) alors comme dans le lemme précèdent X = N(T ) ⊕ M ,


M est fermé de codimension finie et T /M est injectif à image fermé.
(⇐) M est de codimension finie on peut donc écrire X = N ⊕ M .
- T /M est injectif alors N(T /M ) = {0} = N(T ) ∩ M par suite N(T ) est de dimension
fini.
- X = N ⊕ M alors T (X ) = T (N )+T (M ). comme T /M est borné inférieurement alors
(T /M )(M ) = T (M ) fermé et on T (N ) de dimension fini alors T (N )+T (M ) = R(T ) est
fermé, enfin T ∈ Φ+ (X , Y ). 

Remarque 6.1.18. Le théorème suivant montre que les pértubations par des opé-
rateurs compacts n’ont plus d’influence sur les opérateurs semi-Fredholm dans le
sens que si l’on somme un opérateur semi-Fredholm et un operateur compact le
resultat reste semi-Fredholm.

Théorème 6.1.19. Soient T : X −→ Y un opérateur de borné et K: X −→ Y un opéra-


teur compact. Alors on a :
i) T ∈ Φ+ (X , Y ) ⇒ T + K ∈ Φ+ (X , Y ).

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6.1. Opérateurs de Fredholm et opérateurs Semi-Fredholm 101

ii) T ∈ Φ− (X , Y ) ⇒ T + K ∈ Φ− (X , Y ).
iii) T ∈ Φ(X , Y ) ⇒ T + K ∈ Φ(X , Y ).
Autrement dit si Φ(X , Y ), Φ− (X , Y ) et Φ+ (X , Y ) sont non vides alors :
i) Φ+ (X , Y ) + K (X , Y ) ⊂ Φ+ (X , Y ).
ii) Φ− (X , Y ) + K (X , Y ) ⊂ Φ− (X , Y ).
iii) Φ(X , Y ) + K (X , Y ) ⊂ Φ(X , Y ).

Preuve. i) Supposons que T ∈ Φ+ (X , Y ), alors d’aprés le lemme précédent il existe


un sous-espace M 1 ⊂ X fermé de codimension finie tel que T /M 1 est borné infe-
rieurement, i.e ∃ c 〉 0 : ∥ T x ∥ ≥ c ∀ x ∈ M 1 : ∥ x ∥= 1. Comme K est compact, alors
pour ε = c/2, il existe un sous-espace fermé M 2 tel que : ∥ K /M 2 ∥ 〈 c/2. Soit alors
M = M1 ∩ M2 .
M est un sous-espace fermé de codimension finie. Soit x ∈ M : ∥ x ∥= 1 On a ∥
(T +K )x ∥ ≥ ∥ T x ∥ − ∥ K x ∥ et comme x ∈ M = M 1 ∩ M 2 on a ∥ T x ∥ 〉 c et ∥ K x ∥ 〈 c/2
alors ∥ (T + K )x ∥ ≥ c/2 donc T + K /M est borné inférieurement d’où par le lemme
précèdent T + K ∈ Φ+ (X , Y ).
ii) Si T ∈ Φ− (X , Y ) alors T ∗ ∈ Φ+ (Y ∗ , X ∗ ) et comme K ∗ ∈ K (Y ∗ , X ∗ ) on a T ∗ + K ∗ ∈
Φ+ (Y ∗ , X ∗ ) i.e T + K ∈ Φ− (X , Y ).
iii) Si T ∈ Φ(X , Y ) alors T ∈ Φ+ (X , Y ) et T ∈ Φ− (X , Y ) d’où T + K ∈ Φ+ (X , Y ) et
T + K ∈ Φ− (X , Y ) , enfin T + K ∈ Φ(X , Y ). 

Théorème 6.1.20. Soit T : X −→ Y un opérateur semi-Fredholm. Alors pour tout


opérateur compact K : X −→ Y on a Ind(T + K ) = Ind(T ).

Preuve. - Dans un premier cas supposons que T ∈ Φ(X , Y ) et soit K ∈ K (X , Y ), il


existe un opérateur borné S : Y −→ X et un opérateur K 1 ∈ K (X ) : ST = I d X + K 1
d’où Ind(ST ) = Ind(S) + Ind(T ) = Ind(I d X + K 1 ) = 0 i.e Ind(T ) = −Ind(S).
S(T + K ) = ST + SK = I d X + K 1 + SK = I d X + (K 1 + SK ) et comme K (X ) est un idéal
de L (X )alors K 1 + SK ∈ K (X ) i.e S(T + K ) = I d X + (K 1 + SK ) ∈ Φ(X , Y ) et
Ind(S(T + K )) = Ind(S) + Ind(T + K ) = 0 i.e Ind(S) = −Ind(T + K ) enfin Ind(T + K ) =
Ind(T ).
- Si T ∈ Φ+ (X , Y ) et T ∉ Φ(X , Y ) alors T + K ∈ Φ+ (X , Y ) et T + K ∉ Φ(X , Y ) d’où
Ind(T + K ) = Ind(T ) = −∞.
- Si T ∈ Φ− (X , Y ) et T ∉ Φ(X , Y ) alors de même T + K ∈ Φ− (X , Y ) et T + K ∉ Φ(X , Y )
ie Ind(T + K ) = Ind(T ) = +∞.


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102 Opérateurs de Fredholm

Remarque 6.1.21. Maintenant nous allons montrer que Φ(X , Y ), Φ− (X , Y ) et Φ+ (X , Y )


sont stables par des petites perturbations. Autrement dit les ensembles Φ(X , Y ),
Φ− (X , Y ) et Φ+ (X , Y ) sont des ouverts.

Théorème 6.1.22. Soit T ∈ Φ(X , Y ). Alors il existe ² > 0 telle que T + S ∈ Φ(X , Y ) et
Ind(T + S) = Ind(T ), pour tout opérateur borné S : X −→ Y avec ∥ S ∥< ².

Preuve. T ∈ Φ(X , Y ) alors il existe U : Y −→ X , un opérateur borné et K 1 : X −→ X ,


K 2 : Y −→ Y deux opérateurs compacts : U T = I d X − K 1 et T U = I d Y − K 2 .
Prenons ² = ∥ U ∥−1 et soit S : X −→ Y un opérateur borné telle que ∥ S ∥< ².
On a ∥ SU ∥ ≤ ∥ S ∥∥ U ∥< ². ∥ U ∥ = 1 et de même ∥ U S ∥< 1 alors les opérateurs
I d X + U S et I d Y + SU sont inversibles respectivement dans les algèbres L (X ) et
L (Y ) donc de Fredholm d’indice nul.
On a U (T + S) = U T +U S = I d X − K 1 +U S = (I d X +U S) − K 1 ∈ Φ(X , Y ) car I d X +U S
est inversible donc de Fredholm d’où T + S ∈ Φ+ (X , Y ).
Et (T + S)U = T U + T U = I d Y − K 2 + SU = (I d Y + SU ) − K 2 ∈ Φ(X , Y ) donc T + S ∈
Φ− (X , Y ) enfin T + S ∈ Φ(X , Y ) et Ind(U (T + S)) = Ind(U ) + Ind(T + S) = Ind((I d X +
U S)−K 1 ) = Ind(I d X +U S) = 0, d’où Ind(T +S) = −Ind(U ) et on a Ind(U T ) = Ind(I d X −
K 1 ) = 0.
Enfin T + S ∈ Φ(X , Y ) et Ind(T + S) = Ind(T ). 

Théorème 6.1.23. Soit T : X −→ Y un opérateur borné. Alors on a :


i) Si T ∈ Φ+ (X , Y ) alors il existe ² > 0 telle que pour tout opérateur borné S : X −→ Y
avec ∥ S ∥< ², on a T + S ∈ Φ+ (X , Y ). De plus α(T + S) ≤ α(T ).
ii) Si T ∈ Φ− (X , Y ) alors il existe ² > 0 telle que pour tout opérateur borné S : X −→ Y
avec ∥ S ∥< ², on a T + S ∈ Φ− (X , Y ). De plus β(T + S) ≤ β(T ).

Preuve. i) On suppose que T ∈ Φ+ (X , Y ) donc dim(N(T )) < ∞, alors N(T ) admet un


supplémentaire, on écrit X = N(T ) + M .
T /M est borné inférieurement alors il existe c > 0 tel que ∥ T x ∥ ≥ c ∥ x ∥, ∀ x ∈ M .
Prenons ² = c/2.
Soit S ∈ L (X , Y ) : ∥ S ∥ 〈 c/2 et soit x ∈ M . On a ∥ Sx ∥ 〈 c/2 ∥ x ∥ alors ∥ (S + T )x ∥ ≥
∥ T x ∥ − ∥ Sx ∥ ≥ c ∥ x ∥ − c/2 ∥ x ∥ ≥ c/2 ∥ x ∥ et donc T + S/M est borné inférieure-
ment d’où T + S ∈ Φ+ (X , Y ).
On a N(T + S) ∩ M = {0} (car T + S/M est injective) et dim(N(T + S)) < ∞ alors
dim(N(T + S)) ≤ codim(M ) = dim N(T ) i.e α(T + S) ≤ α(T ).
ii) Soit T ∈ Φ− (X , Y ) alors T ∗ ∈ Φ+ (Y ∗ , X ∗ ) donc d’aprés i) ∃ ² > 0 : ∥ S ∗ ∥< ² ⇒

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6.1. Opérateurs de Fredholm et opérateurs Semi-Fredholm 103

T ∗ + S ∗ ∈ Φ+ (Y ∗ , X ∗ )
Soit S ∈ L (X , Y ) : ∥ S ∥< ² alors ∥ S ∗ ∥ 〈 ² ( car ∥ S ∗ ∥=∥ S ∥ ) d’où T ∗ +S ∗ ∈ Φ+ (Y ∗ , X ∗ )
i.e T + S ∈ Φ− (X , Y ) et α(T ∗ + S ∗ ) ≤ α(T ∗ ) ie β(T + S) ≤ β(T ).

Corollaire 6.1.24. les ensembles Φ(X , Y ), Φ− (X , Y ) et Φ+ (X , Y ) sont des ouverts de


L (X , Y ) et l’indice est continue sur Φ(X , Y ).

Remarque 6.1.25. Si T ∈ Φ+ (X , Y ) alors R(T ) n’admet pas toujours un supplémen-


taire. Le théorème suivant a résolu le problème( ie quand R(T ) (ou N(T ) ) admet un
supplémentaire si
T ∈ Φ+ (X , Y ) ( ou T ∈ Φ− (X , Y ) )).

Théorème 6.1.26. Soit T : X −→ Y un opérateur borné. Alors les assertions suivantes


sont équivalentes :
i) T ∈ Φ+ (X , Y ) et R(T ) admet un supplémentaire dans Y .
ii) il existe S ∈ L (Y , X ) tel que I d X − ST soit de rang fini
iii) il existe S ∈ L (Y , X ) tel que I d X − ST soit compact.

Preuve. (i ⇒ i i ) Soit Q ∈ L (Y ) une projection de Y sur T (X ).


T ∈ Φ+ (X , Y ) alors N(T ) admet un supplémentaire M dans X , on écrit X = N(T )+M .
La restriction T /M : M −→ T (X ) est bijective, soit S 0 : T (X ) −→ M son inverse.
Définissons alors l’opérateur borné S = S 0Q.
(I d X −ST )(X ) = (I d X −ST )(N(T ))+(I d X −ST )(M ) = N(T )+(I d X −ST )(M ) or (I d X −
ST )/M = 0 alors (I d X − ST )(X ) = N(T ) de dimension finie.
(i i ⇒ i i i ) I d X − ST est un opérateur borné de rang fini alors I d X − ST est compact.
(i i i ⇒ i ) ??

Théorème 6.1.27. Soit T : X −→ Y un opérateur borné. Alors les assertions suivantes


sont équivalentes :
i) T ∈ Φ− (X , Y ) et N(T ) admet un supplémentaire dans Y .
ii) il existe S ∈ L (Y , X ) tel que I d X − ST soit de rang fini
iii) il existe S ∈ L (Y , X ) tel que I d X − ST soit compact.

Preuve. La démonstration est analogue à la démonstration du théorème précédent.

Corollaire 6.1.28. Soit T : X −→ Y un opérateur borné. Alors :


i) T ∈ Φ+ (X , Y ) et R(T ) admet un supplémentaire si, et seulement, si π(T ) = T +K (X )
est inversible à gauche dans l’algèbre de Calkin.

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104 Opérateurs de Fredholm

ii) T ∈ Φ− (X , Y ) et R(T ) admet un supplémentaire si, et seulement, si π(T ) = T +


K (X ) est inversible à droite dans l’algèbre de Calkin.

6.2 Exercices
Exercice 6.2.1. Soit T ∈ L (X ) un opérateur de descente finie d . Montrer qu’il existe
un réel δ > 0 tel que

dim N(T ) ∩ R(T d ) = dim N(T − λ) pour tout 0 < |λ| < δ.

Indication : Avec les notations de l’Exercice 3.11.26, on pourra utiliser le fait que
To − λ est semi-Fredholm pour |λ| < δ.

Exercice 6.2.2. Soit T ∈ L (X ) un opérateur semi-régulier. Montrer que si T ∈ L (X )


est de descente finie alors ind(T ) ≥ 0.

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