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T r i b u n e

La globalisation, la concurrence accrue, les concentrations,


la versatilité des marchés et le manque de visibilité de bout en
bout de leur Supply Chain amènent les entreprises à reconfigurer
les organisations leur permettant de délivrer le service au client et
d’optimiser les ressources impliquées. La capacité pour l’entreprise
et son réseau d’être réactifs, flexibles, efficaces et efficients pour
gagner un avantage concurrentiel impose l’adoption de modèles
de référence de processus Supply Chain. Le modèle SCOR est un
des modèles adoptés par les entreprises les plus performantes.

Le modèle SCOR,
vecteur d’excellence
de la Supply Chain
John Paul, Jean-Jacques Laville,
Managing Director, iCognitive Senior Supply Chain
International et professeur Consultant,
associé à l’ISLI iCognitive Europe
john.paul@icognitive.com jj.laville@icognitive.com

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L
e modèle SCOR a été développé en Diverses attentes cash). Il facilite et initie, par ailleurs, l’inté-
1996 par le Supply Chain Council des entreprises gration des différents acteurs de la chaîne.
(SCC), organisation sans but lucratif D’après notre expérience, les entreprises Le modèle réalise l’intégration à la fois
regroupant à l’origine deux cabinets de optent pour l’utilisation du modèle princi- verticale (de la stratégie à la transaction) et
conseil et 69 sociétés américaines. Le SCC palement afin de : horizontale (de bout en bout) de la chaîne.
compte désormais plus de 800 membres, ◆ soutenir leurs décisions stratégiques : le
dont les entreprises les plus performantes. modèle SCOR est un excellent vecteur de Le cœur de SCOR
Les membres de cette organisation ont mis mise en place des décisions issues de la SCOR est un outil de modélisation. Il défi-
en exergue qu’il n’existe pas de différence planification stratégique des entreprises, nit une démarche, des processus, des indi-
entre une entreprise industrielle et une ◆ fournir un cadre cohérent à la mesure cateurs et les meilleures pratiques du
entreprise délivrant des services : le point de leurs performances : le modèle soutient moment pour représenter, évaluer et dia-
commun à tout modèle économique est le les entreprises face à la complexité des gnostiquer la Supply Chain. Cette métho-
client. En effet, il n’existe pas de Supply structures organisationnelles qui engen- dologie basée sur le client est générique,
Chain sans client. Basé sur ce postulat, le drent des dysfonctionnements de commu- rigoureuse, complète et structurante.
modèle SCOR sert, à ce jour, de référence nication et des incohérences dans la Elle met en premier lieu à disposition des
à de multiples secteurs industriels et de ser- construction et l’utilisation des indicateurs acteurs de la Supply Chain un langage
vices dans le monde (aéronautique, chimie, clés de performance, commun et standardisé (alphabet, proces-
agroalimentaire, électronique, grande dis- ◆ contribuer aux opérations d’intégration sus, indicateurs) qui répond à un besoin de
tribution, prestations logistiques…). En interne et externe : le modèle aide à définition unique, afin d’accélérer l’intégra-
outre, de par sa structure complète, ce concevoir des structures de flux transver- tion interne et externe des entreprises.
modèle est devenu un standard de fait sur sales permettant aux entreprises de créer de L’internationalisation accentue ce besoin et
le marché. Sa seule limite étant la créativité véritables pipelines depuis l’entrée de la le modèle contribue à procéder à un aligne-
des entreprises. commande jusqu’à son paiement (order to ment des filiales, la plupart du temps, cul-

N°13 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MARS 2007


turellement très différentes. Par ailleurs, la
multiplication actuelle de projets collabo-
ratifs (prévisions,…) renforce ce besoin de

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définition commune et standard.
Le modèle permet de passer d’une vision
des opérations par fonction, matérialisée
par la chaîne de valeur de Michaël Porter, Figure 1 – Le modèle SCOR donne une visibilité de bout en bout de la Supply Chain

à une vision des opérations par processus,


qui seule, répond aux nouveaux défis éco-
nomiques et financiers. Le modèle a une
approche dite Top Down qui établit le lien
entre la stratégie de l’entreprise et la ges-
tion individuelle des ordres.
Le modèle SCOR s’organise autour des
besoins du client (commandes, réclama-
tions, demandes d’informations...) et
recouvre les processus impliqués dans :
◆ les interactions avec le client depuis la
réception de la commande jusqu’au paie-
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ment de la facture,
◆ les échanges depuis le client du client
jusqu’au fournisseur du fournisseur, Figure 2 - Les différents niveaux du modèle SCOR

◆ les interactions liées à la demande


depuis son analyse jusqu’à l’exécution de
chaque commande.
Le modèle repose sur 5 processus dis-
tincts de management : planifier, approvi-
sionner, fabriquer, livrer et retourner.
L’ensemble des règles de gestion consti-
tuant un sixième processus qui gère toutes 97
les interactions existantes entre les pro-
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cessus. (Figure 1)
Les différents niveaux du modèle SCOR :
◆ le niveau 1 (stratégique) est le plus agrégé
et définit la Supply Chain selon 5 proces- Figure 3 - Table de configuration. Niveau 2 du modèle SCOR

sus génériques : planification, approvision- prise sur sa position actuelle et montre et financiers. Cette modélisation SCOR lie
nement, production, livraison, retour client comment les objectifs de performance de les performances de la Supply Chain aux
et fournisseur, la Supply Chain peuvent être atteints. La indicateurs financiers. La mesure de la per-
◆ le niveau 2 (tactique) permet, en accord modélisation se fait chronologiquement formance, vecteur incontournable de la
avec la stratégie de l’entreprise, de suivant trois étapes : réussite des meilleures entreprises, revêt un
(re)configurer la Supply Chain à partir de ◆ un « Business Process Reengineering » modé- caractère fondamental. Le modèle SCOR
30 sous processus. Le modèle met à dis- lise la situation actuelle au niveau 1, 2 et 3, définit une structure hiérarchique des indi-
position à ce niveau une « table de confi- ◆ une étape de Benchmarking positionne cateurs clé de performance en parfaite cor-
guration » Supply Chain, l’entreprise dans son environnement rélation avec la structure des entreprises.
◆ au niveau 3 (opérationnel), les entre- concurrentiel, Le modèle rend possible la sélection d’indi-
prises peuvent préciser les activités des ◆ une analyse des « Best Practices » défi- cateurs adéquats en fonction de la typologie
sous processus, les meilleures pratiques, nit le modèle de référence cible de l’entre- de Supply Chain. Afin de se repositionner
les ruptures de flux, les fonctionnalités prise. (Figure 4) continuellement par rapport à l’environne-
des progiciels et des outils existants, ment concurrentiel, il convient d’établir des
◆ le niveau 4 n’est pas dans le modèle de Les indicateurs clés SCORcard qui doivent être équilibrés, tout
référence. Il convient à chaque entreprise de performance comme la structure de l’entreprise.
de définir les tâches élémentaires des acti- Les nouvelles stratégies en matière de Ces mesures de performance ont deux
vités. (Figures 2 et 3) Supply Chain ne peuvent plus se définir facettes : l’une orientée sur les perfor-
Le modèle apporte un éclairage à l’entre- sans intégrer des indicateurs opérationnels mances perçues par le client, et l’autre,

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sur les performances internes. (Figure 5)


Par ailleurs, un lien peut être aisément
établi avec les Balanced Scorcards, dont
le concept a été introduit par Kaplan et
Norton, en tant qu’outil de positionne-
ment stratégique de l’entreprise.

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Les apports du modèle SCOR
Outre les bénéfices liés à l’essence même
du modèle, voici d’autres domaines de Figure 4 - Modèle de référence de processus
compétences couverts :
◆ Sécurisation de la Supply Chain Métrique Attribut de performance l’étape de formation au modèle est une des
SCOR Orientation client Orientation
La représentation opérée par l’intermé- niveau 1 interne clés essentielles à la réussite du projet.
diare du modèle permet la mise en évi- Fiabilité Vélocité Flexibilité Coûts Actifs

dence de potentielles sources uniques Taux de livraison ● Convergence SCOR/Six


parfaite
d’approvisionnement, de ruptures organi- Délai d’exécution ● Sigma/Lean
sationnelles, de traitements redondants, de d’une commande Conjuguer les trois méthodologies
flux d’information empruntant des circuits Adaptabilité de la ● SCOR/Six Sigma/Lean Manufacturing
Supply Chain à la hausse
tortueux… Le modèle SCOR conduit donc Flexibilité de la Supply ● rend plus efficace les efforts d’améliora-
à identifier les chemins critiques de la Chain à la hausse tion. Les utilisateurs les plus avancés du
Supply Chain (nœuds et liaisons). Ce qui Adaptabilité de la ● modèle SCOR sont actuellement tournés
Supply Chain à la baisse
est essentiel car il est nécessaire de centrer Coût total ● vers cette convergence qui leur assure
ses ressources sur les points critiques. de la Supply Chain une meilleure rentabilité de leur Supply
La base de métriques proposée par le Coût des produits ● Chain. Les gains issus de cette conver-
vendus
modèle peut permettre aux entreprises de Durée de cycle ●
gence sont de 3 à 5 fois supérieurs
sélectionner des indicateurs clés de per- d’exploitation aux investissements. La méthodologie
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formance pertinents pour évaluer et suivre Rotation des actifs ● SCOR structure l’alignement des opéra-
de la Supply Chain
le niveau des risques dans un cadre préa- Rotation du fonds ●
tions sur les indicateurs et objectifs stra-
lablement défini. Une fois les points de de roulement tégiques et identifie les opportunités
98 défaillances identifiés et évalués, des trai- Figure 5 – Indicateurs clés de performance d’amélioration de la profitabilité.
du modèle SCOR niveau 1
tements peuvent être proposés par l’inter- La méthodologie Six Sigma aide à diagnos-
médiaire de meilleures pratiques réperto- fournisseur, augmentation imprévue de la tiquer et à réduire les variations des proces-
riées par le SCC. Le modèle SCOR rend demande, …). sus. Elle est basée sur la réalisation de cinq
cohérentes les actions de diminution des ◆ Autres apports étapes qui se contractent en DMAAC
défaillances entre elles, afin que la ges- Par essence, étant générique, le modèle (DMAIC en anglais) pour Définir, Mesurer,
tion des risques s’inscrive dans un cadre s’adapte à la plupart des problématiques Analyser,Améliorer (Improve en anglais) et
d’actions global et non pas local. Supply Chain issues de changements straté- Contrôler. Chaque étape possède des outils
◆ Alignement de la Supply Chain giques tels que les fusions/acquisitions d’en- différents qui sont regroupés dans une
Notons tout d’abord que, grâce au modèle, treprises, analyses précédant la mise en démarche cohérente. Quant au Lean, c’est
la Supply Chain peut répondre aux objec- place de nouveaux SI… (Lors de la fusion une évolution des techniques d’élimination
tifs stratégiques. Ajoutons que la modélisa- avec Compaq, HP a annoncé une économie des gaspillages et de rationalisation des pro-
tion SCOR permet des configurations et d’environ 1 Md $ sur la marge opération- cessus élaborées dans le cadre du Juste à
reconfigurations rapides de la Supply nelle après mise en place du modèle SCOR, temps. Son principe est de ne réaliser «que
Chain, rendant possible la mise en place de ce qui tend à confirmer que lorsqu’il est par- ce qui est demandé, quand c’est nécessaire,
modèles économiques répondant à l’envi- faitement mis en place, ce modèle assure un dans la quantité exacte, avec le minimum de
ronnement changeant. Le modèle SCOR retour certain et significatif). ressources ». Le modèle SCOR est donc un
fournit donc à la Supply Chain la capacité Bien évidemment, comme tout projet très bon outil pouvant s’intégrer à la mise en
d’être à la fois robuste, grâce à la structure transversal, mener un projet sur le modèle œuvre de démarches Six Sigma et Lean.
du modèle, mais également résiliente, grâce SCOR et de surcroît, s’il est conjugué avec Globalement, les faiblesses de chaque
aux reconfigurations possibles, rendues d’autres démarches liées, elles aussi, à méthodologie sont comblées par la mise en
indispensables. Rappelons qu’appliqué à la l’amélioration continue, nécessite le sou- œuvre combinée des trois démarches. Sans
Supply Chain, la résilience est la capacité tien de la direction générale ainsi que l’ad- nul doute, la Supply Chain tend ainsi vers
d’un système de retrouver un état stable hésion de tous les acteurs impliqués dans le l’excellence attendue par le marché et les
après une perturbation (défaillance d’un projet. Par ailleurs, il est évident que actionnaires ! ◆

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