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G Model

REVMED-5483; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS


La Revue de médecine interne xxx (2017) xxx–xxx

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Mise au point

Vertiges et troubles de l’équilibre : démarche diagnostique


Management of vertigo and dizziness
D. Bouccara a,∗ , F. Rubin a,b,c , P. Bonfils a,b,c , Q. Lisan a,b,c
a
Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital européen Georges-Pompidou, hôpitaux universitaires Paris-Ouest, Assistance-publique–Hôpitaux de
Paris, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France
b
Laboratoire de recherche « Cognition and Action Group », CNRS-Université Paris-V-IRBA, UMR 8257, 75006 Paris, France
c
Faculté de médecine Paris-Descartes, université Paris-V, 75006 Paris, France

i n f o a r t i c l e r é s u m é

Historique de l’article : Les vertiges et troubles de l’équilibre sont fréquents et de causes multiples. La démarche diagnostique
Disponible sur Internet le xxx clinique permet d’identifier les situations d’urgence et les causes les plus fréquentes, en premier lieu
desquelles figure le vertige positionnel paroxystique bénin. L’approche clinique repose sur un examen
Mots clés : systématisé dont le temps principal est l’examen oculomoteur. À partir de ces éléments les indications des
Vertiges explorations fonctionnelles auditives et vestibulaires, et de l’imagerie, seront ciblées vers l’identification
Troubles de l’équilibre d’une cause probable. Chez les personnes âgées la prise en compte du risque de chutes et de leurs
Chute
complications justifie une évaluation spécifique.
Vertiges positionnels
© 2018 Société Nationale Française de Médecine Interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.

a b s t r a c t

Keywords: Balance disorders presenting with symptoms of dizziness and vertigo are due to various diseases. Clinical
Vertigo approach gives the opportunity to identify emergency situations and most common causes, among them
Dizziness the first one being the benign paroxysmal positional vertigo. Oculomotor assessment is pertinent as
Fall major clinical orientation, particularly between peripheral and central diseases. These clinical findings
Positional vertigo
support the respective indication of modern imaging and/or vestibular tests, focused on the direction of
presupposed diagnosis. On elderly the risk of falls and their complications needs a specific evaluation.
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All rights reserved.

1. Introduction développent régulièrement, leur rentabilité diagnostique dépend


des critères cliniques ayant déterminé leur indication. Le recours
Les vertiges et troubles de l’équilibre représentent un motif fré- à un avis spécialisé est réalisé auprès de différents praticiens,
quent de consultation, évalué en France à 300000 consultations avec des variations selon les pays. Ainsi si en France les gériatres,
par semaine, soit plus de 15 millions de consultations par an [1]. neurologues, ORL sont principalement sollicités selon le contexte
Durant une vie la prévalence des troubles de l’équilibre est estimée clinique, dans d’autres pays ce sont plus directement les neuro-
entre 17 et 30 % [2]. Devant la diversité des situations cliniques, des logues qui le sont. Il en résulte des différences en particulier dans
étiologies, et des modalités de prise en charge (consultation, struc- le « recrutement » des patients, et dans la répartition des étiologies
ture d’urgence, etc.) la démarche diagnostique proposée repose recensées [3].
sur l’évaluation clinique initiale. En effet, si de nouvelles tech- Rappelons schématiquement que la fonction d’équilibration est
niques d’imagerie et d’explorations fonctionnelles vestibulaires se une fonction multi-sensorielle [4]. Elle est régulée au niveau du
tronc cérébral par les noyaux vestibulaires. Ces derniers reçoivent
des informations d’origine triple : visuelle, proprioceptive et
labyrinthique. Pour cette dernière les capteurs sensoriels sont
∗ Auteur correspondant.
situés au niveau de l’oreille interne, avec d’une part des capteurs
Adresse e-mail : didier.bouccara@aphp.fr (D. Bouccara).

https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.02.004
0248-8663/© 2018 Société Nationale Française de Médecine Interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Bouccara D, et al. Vertiges et troubles de l’équilibre : démarche diagnostique. Rev Med Interne (2017),
https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.02.004
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d’accélérations rotatoires : les trois canaux semi-circulaires, et utilisée en pratique courante de consultation ORL. Elle consiste
d’autre part des capteurs d’accélérations linéaires : l’utricule et à filmer les yeux dans l’obscurité grâce à des caméras vidéo
le saccule. L’intégration des informations au niveau des noyaux infra rouge. Cette méthode permet d’éviter la fixation oculaire
vestibulaires est modulée par des informations cérébelleuses et et donc de sensibiliser la recherche d’un nystagmus spontané
corticales en particulier. La réponse des noyaux vestibulaires « périphérique », et de réaliser différents tests en disposant d’une
s’exprime par deux voies : vestibulo-oculaire dont la finalité est la observation directe des mouvements oculaires. Rappelons que
stabilisation du regard, et vestibulo-spinale contrôlant la posture tout nystagmus spontané est pathologique et que le sens d’un
et ses adaptations statiques et cinétiques. Enfin, la survenue d’une nystagmus est déterminé par celui de sa secousse rapide, qui
atteinte vestibulaire, qu’elle soit aiguë ou chronique déclenche recentre le regard après la secousse lente, elle-même patholo-
des mécanismes de compensation. Dans la mesure du possible gique. Sont aussi recherchés un nystagmus déclenché par les
l’examen du « patient vertigineux » doit être réalisé au plus près secousses rapides de la tête (« head shaking test »), un nystag-
du début de ses symptômes, afin d’identifier des signes pertinents mus révélé par des manœuvres positionnelles, et une anomalie
[5]. au « head impulse test ». Ce test consiste à faire fixer par le patient
Schématiquement la démarche diagnostique initiale comporte une cible au cours de rotations rapides de la tête d’environ 20◦
trois étapes successives : d’amplitude et à rechercher l’existence d’une saccade de rattra-
page qui traduit alors un déficit vestibulaire périphérique (du côté
• analyser le symptôme principal : vertige et/ou trouble de opposé à la saccade de rattrapage). [5]. La présence d’un « gaze
l’équilibre, et éliminer les « faux vertiges » ; evoked nystagmus » : nystagmus horizontal à la fixation, battant
• identifier une éventuelle urgence, en l’occurrence un accident vers la droite quand le patient fixe à droite et devenant hori-
vasculaire cérébelleux ou du tronc cérébral, pour lequel le vertige zontal gauche quand il fixe à gauche, oriente vers une atteinte
serait le symptôme prédominant ; cérébelleuse ;
• utiliser les données cliniques pour orienter le diagnostic et la • examen neurologique avec principalement recherche d’un syn-
prise en charge thérapeutique : indication à un complément drome cérébelleux et d’une atteinte des nerfs crâniens ;
d’investigations ? Traitement immédiat ? • examen otologique recherchant une anomalie tympanique ainsi
qu’un examen pharyngolaryngé.
Nous présenterons cette stratégie diagnostique après avoir rap-
pelé les principes de l’examen clinique.
3. Démarche diagnostique
2. Principes de l’examen clinique en cas de vertiges et ou
troubles de l’équilibre 3.1. Le vertige et les « faux vertiges »

2.1. Données d’interrogatoire Le motif de consultation « vertige » est très fréquent. Par défi-
nition il témoigne de la sensation erronée, ressentie par le patient,
Celui-ci précise les antécédents otologiques : infectieux et trau- que son propre corps ou que les objets qui l’entourent sont ani-
matiques en particulier, les antécédents généraux : métaboliques, més d’un mouvement giratoire ou oscillatoire. L’utilisation du mot
neurologiques et ostéo-articulaires, les traitements en cours et les vertige dans le langage courant sert régulièrement à désigner des
éventuelles prises de médicaments potentiellement ototoxiques. symptômes qui ne sont pas des « vertiges vrais ». Il s’agit parfois
Sont aussi recherchés des antécédents de migraines, de cinétoses de symptômes tels que des malaises de type vagal, autres lipothy-
(mal des transports) et de pathologies neuropsychiatriques. mies, pertes de connaissance, etc., qui peuvent être en rapport avec
Les symptômes motivant la consultation : vertiges et/ou une pathologie cardio-vasculaire, neurologique, ou métabolique.
troubles de l’équilibre sont analysés : début, déroulement, durée, Les points à rechercher à l’interrogatoire, pour caractériser les ver-
facteur déclenchant et symptômes associés : troubles digestifs, tiges d’origine vestibulaire, périphérique ou centrale, sont soit la
céphalées, symptômes auditifs et neurologique. présence d’une sensation de rotation de l’environnement autour du
patient (« comme dans un manège »), ou du patient lui même ; soit
le ressenti d’une instabilité (« comme sur un bateau qui tanguait »),
2.2. L’examen clinique
ou d’une pseudo-ébriété. D’autres symptômes sont moins caracté-
ristiques : sensation d’enfoncement dans le sol, de latéro-déviation
Il comporte les temps suivants [5] :
lors de la conduite automobile, d’être projeté brutalement, etc. Ces
derniers symptômes sont parfois rattachés à une atteinte des cap-
• observation de la marche, de sa régularité, avec éventuellement
teurs localisés dans l’utricule et le saccule. L’expression spontanée
mise en évidence d’une ataxie, en cas d’atteinte labyrinthique
des caractéristiques des symptômes par le patient lui même est
récente d’une déviation latéralisée systématiquement du même
très variable, influencée par l’intensité du symptôme, sa durée, les
côté, et éventuellement de signes neurologiques, en particulier
symptômes associés en particulier neurovégétatifs : sueurs, nau-
extrapyramidaux. Chez les personnes âgées le « timed up and go
sées, vomissements, ainsi que l’anxiété générée par la survenue
test » et l’analyse de la réalisation d’un demi-tour donneront des
brutale de ce symptôme. Ce temps de l’interrogatoire permet au cli-
informations quant à la gestion globale de l’équilibre, tout comme
nicien une première évaluation du profil psychologique du patient.
la possibilité ou non de maintenir un appui unipodal durant au
moins 5 secondes ;
• recherche d’une déviation du corps aux tests de Romberg et de
Fukuda (piétinement sur place les yeux fermés) ; 3.2. Éliminer une urgence
• étude de l’oculomotricité : elle représente un temps essentiel.
Elle peut être réalisée directement par observation des yeux et de La notion d’urgence intervient s’il s’agit de vertiges intenses
leurs mouvements : recherche d’un nystagmus spontané ou pro- récents, de vertiges post-traumatiques, de troubles de l’équilibre
voqué par différentes manœuvres, et analyse de l’oculomotricité : des personnes âgées, ou de vertiges associés à des symptômes « aty-
poursuite oculaire lente, et saccades volontaires. Elle est actuel- piques ».
lement optimisée par la vidéonystagmoscopie (VNS), technique Le caractère de l’urgence se situe à différents niveaux :

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• l’urgence diagnostique : il s’agit de situations où les troubles de • symptômes récents, d’installation brutale, chez un patient sans
l’équilibre sont liés à une pathologie, le plus souvent neurovas- antécédent vertigineux mais avec des facteurs de risque vascu-
culaire, qui représente une urgence thérapeutique spécifique et laires ou âgé ;
non uniquement symptomatique ; • symptômes anciens modifiés, par exemple des vertiges récidi-
• l’urgence thérapeutique est représentée par l’intensité des vants anciens devenant plus intenses, accompagnés de céphalées
troubles de l’équilibre qui impose une thérapeutique adap- et d’instabilité ;
tée rapide pour réduire l’intensité et la durée des symptômes. • absence de réponse attendue au traitement entrepris : cas par
L’exemple type est la névrite vestibulaire. Il s’agit aussi des acci- exemple d’un patient présentant une symptomatologie évoca-
dents vasculaires qui justifient un bilan neurologique urgent pour trice de vertige positionnel paroxystique bénin mais qui résiste
l’indication éventuelle d’un traitement anticoagulant ; au traitement bien conduit.
• enfin l’urgence « potentielle » est illustrée par les troubles de
l’équilibre des personnes âgées, car ils exposent aux chutes et 3.2.1.2. Vertiges post-traumatiques. Les vertiges et troubles de
à leurs complications. l’équilibre post-traumatiques sont de différents mécanismes : frac-
ture du rocher, vertige positionnel paroxystique bénin, fistule
3.2.1. Urgences diagnostiques péri-lymphatique, etc. [8]. Il peut s’agir d’un traumatisme crânien
Il s’agit de situations pour lesquelles un retard diagnostique isolé ou d’un polytraumatisme. En cas de fracture du rocher avec
risque d’avoir des conséquences en l’absence de thérapeutique otorragie immédiate le diagnostic est plus simple avec analyse à
adaptée. Ce sont essentiellement les accidents vasculaires cérébel- l’imagerie du trait de fracture : trans- ou extra-labyrinthique. Le
leux et du tronc cérébral pour lesquels le symptôme principal peut bilan vestibulaire clinique qui sera réalisé, quantifiera l’importance
être un trouble de l’équilibre. du déficit fonctionnel. En l’absence de fracture, la présence de
symptômes intermittents : vertiges et/ou troubles de l’équilibre
associés à des symptômes auditifs, doit faire évoquer une fistule
3.2.1.1. Quand suspecter un accident vasculaire devant un trouble de péri-lymphatique et réaliser un scanner des rochers précoce à la
l’équilibre ?. Les éléments cliniques à prendre en compte sont : recherche du signe pathognomonique : pneumo-labyrinthe (pré-
sence d’air dans les compartiments de l’oreille interne).
• l’existence de facteurs de risque cardio-vasculaires (HTA, diabète, Il faut rapprocher des traumatismes crâniens les traumatismes
tabagisme et dyslipidémie) ; pressionnels, en particulier lors de la plongée sous marine, qui
• la brutalité de l’installation des troubles, ou leur modification eux aussi peuvent se compliquer de fistule péri-lymphatiques avec
brutale chez un patient déjà suivi pour des vertiges ; troubles de l’équilibre (Fig. 2).
• les symptômes associés : céphalées, troubles moteurs ou sensitifs,
signes d’atteinte des nerfs crâniens, en particulier troubles de la 3.2.1.3. Vertiges postopératoires. À la suite d’une intervention de
déglutition et modifications vocales. l’oreille moyenne, en particulier pour otospongiose ou otite chro-
nique, le patient peut présenter brutalement des vertiges. L’attitude
pratique va prendre en compte d’une part les constatations qui
Les troubles de l’équilibre n’ont aucune spécificité : il peut s’agir
ont été réalisées en peropératoire : données anatomiques, dif-
de vertiges prolongés plusieurs heures, ou d’une instabilité, l’un et
ficultés éventuellement rencontrées et d’autre part l’examen du
l’autre étant d’installation brutale.
patient centré sur la recherche de signes infectieux locaux et celle
Ceci renforce l’intérêt de la recherche systématique d’éléments
de signes d’atteinte vestibulaire récente, au premier rang desquels
cliniques orientant vers une « atteinte centrale » [5–7] :
figure la présence d’un nystagmus spontané. L’orientation rapide
vers le centre chirurgical est souhaitable, pour un complément
• à l’examen oculomoteur la présence d’un nystagmus spontané de d’investigation par imagerie et début d’un traitement adapté, médi-
type central (vertical et non aboli à la fixation), et/ou d’un « gaze cal et parfois chirurgical.
evoked nystagmus » ;
• deux autres signes d’examen sont pertinents dans ce cadre : la
3.3. Urgences thérapeutiques
normalité du « head impulse test » et la présence d’un désaligne-
ment vertical des axes oculaires ; L’intensité des symptômes peut représenter dans certains cas
• la présence de signes neurologiques déficitaires, en particulier
un élément d’urgence une fois le diagnostic établi. C’est le cas
cérébelleux. en particulier pour certaines crises lors de l’évolution de la mala-
die de Menière, de vertiges à la suite d’un traumatisme crânien
Ces éléments confortent la suspicion et conduisent à réaliser avec fracture trans-labyrinthique, et lors des névrites vestibulaires.
une imagerie : IRM avec séquence de diffusions ± angio-IRM dans Ces situations justifient d’un traitement symptomatique immé-
les délais les plus brefs. Dans ces circonstances le recours initial à diat parfois parentéral en hospitalisation en cas de signes digestifs
une structure d’urgence type « Urgences cérébrovasculaires » paraît importants associés.
licite (Fig. 1).
Il peut s’agir soit d’accidents constitués pour lesquels le 3.4. Urgences potentielles
diagnostic est réalisé par l’imagerie ou d’accidents ischémiques
transitoires : vertiges prolongés durant plusieurs minutes à Ce sont certaines situations au cours desquelles il existe des
quelques heures, accompagnés ou non d’autres symptômes et troubles de l’équilibre et vertiges de causes diverses et identi-
régressant complètement. L’examen clinique et l’imagerie pouvant fiées, pour lesquelles la récidive des symptômes expose à des
être normaux, ce sont les antécédents et le déroulement des symp- complications. Il s’agit essentiellement des cas survenant chez
tômes, voire leur répétition, qui font compléter les investigations des personnes âgées : des troubles de l’équilibre parfois modérés
(écho-doppler des vaisseaux cervicaux, bilan cardio-vasculaire, exposent au risque de chute, elles-mêmes potentiellement compli-
etc.). quées de traumatisme plus ou moins graves (fractures, etc.). Le
Au total une pathologie vasculaire à l’origine des vertiges ou dépistage des facteurs de risque de chute (troubles visuels, patho-
troubles de l’équilibre sera suspectée en cas de : logie neurologique, antécédent de chute, polymédication, etc.),

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Fig. 1. a et b : IRM en coupes axiale (a) et sagittale (b), séquences T1 avec injection de gadolinium : ischémie cérébelleuse gauche chez un patient ayant consulté pour des
vertiges positionnels accompagnés d’une instabilité importante et de céphalées.

Tableau 1
Vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) : caractérisation clinique.

Symptômes rapportés
La présence d’une sensation rotatoire avec illusion de
mouvement avec ou sans perception visuelle d’une rotation du
décor
La durée transitoire du symptôme, généralement inférieure à
une minute
Les circonstances de survenue du vertige au décours immédiat
d’un changement d’orientation de la tête
La reproductibilité du vertige dès que le patient place sa tête
dans certaines positions
L’absence de symptôme, en particulier auditif associé
Données d’examen clinique, pour le VPPB du canal postérieur, le plus
fréquent
Absence de signe vestibulaire spontané : pas de déviation
posturale aux tests de Romberg et Fukuda, pas de nystagmus
spontané
Fig. 2. Scanner en coupes coronales, fenêtres osseuses montrant un pneumolaby- Absence de signe neurologique
rinthe gauche. Mise en évidence lors de la manœuvre de Dix et Hallpikea d’un
nystagmus de latence brève (quelques secondes) ayant une
composante double : rotatoire et verticale supérieure, de durée
l’évaluation clinique global de l’équilibre (station unipodale, ana- brève (inférieure à une minute), s’inversant au retour à la position
lyse de la marche, etc.) contribuent à les corriger par des mesures assise, avec une possible diminution en cas de répétition de la
manœuvre
parfois simples : adaptation du traitement, exercices physiques
réguliers, vérification de la correction visuelle [9,10]. D’après [11].
a
Le patient est assis au milieu de la table d’examen, jambes pendantes, face au
praticien. Celui-ci doit en permanence pouvoir observer les déplacements des globes
4. Orientation diagnostique et thérapeutique oculaires. La manœuvre de Dix et Hallpike consiste à tourner de 45◦ la tête du patient
en position assise et de la basculer en arrière avec la tête en extension de 30◦ par
rapport à l’horizontale.
Une fois éliminés une urgence et un « faux vertige », la démarche
diagnostique repose sur la description des symptômes présentés et
les facteurs déclenchants éventuels. Il est recommandé de réaliser un examen audiométrique, pour
vérifier l’absence d’atteinte auditive infra-clinique, sans autre
4.1. Le plus fréquent : le vertige positionnel paroxystique bénin exploration d’emblée. La mise en évidence d’un VPPB caractéris-
(VPPB) tique cliniquement et répondant au traitement sans récidive ne
justifie pas de réaliser un bilan fonctionnel vestibulaire détaillé.
Le VPPB est une pathologie fréquente. Il représente entre 17 et Celui-ci sera proposé en cas de doute diagnostique ou d’évolution
42 % des causes de consultations motivées par un trouble de inhabituelle.
l’équilibre [2,3]. Le diagnostic de VPPB, rattaché à la migration La réalisation des manœuvres thérapeutiques du VPPB justifie
d’otoconies dans l’un des trois canaux semi-circulaires repose sur de la part de celui qui les réalise une connaissance de leur indica-
des critères diagnostiques précis et la détermination du canal semi- tion, leur réalisation prenant en compte la situation clinique propre
circulaire atteint. Sa confirmation et la détermination du canal en à chaque patient (âge, pathologies associées, mode de vie), et le
cause sont basées sur l’examen clinique (Tableau 1). Ces symptômes déroulement de leurs suites.
sont stéréotypés et se répètent à une fréquence variable. Ils peuvent Pour le VPPB du canal postérieur, deux types de manœuvre ont
s’accompagner de cervicalgies modérées, de signes neurovégéta- fait leur preuve : la manœuvre libératoire appelée manœuvre de
tifs : nausées, vomissement, pâleur, sueurs, etc. Les symptômes Semont et la manœuvre dite de repositionnement des otolithes
auditifs, neurologiques ou la survenue d’une perte de connaissance (canalith repositionning procedure : CRP, aussi appelée manœuvre
sont absents lors du VPPB [11,12]. d’Epley). Ces deux manœuvres thérapeutiques ont une efficacité

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clinique similaire [13]. Le choix repose sur les antécédents du Tableau 2


Interprétation des explorations vestibulaires.
patient et sur les habitudes du praticien qui réalise la manœuvre :
la manœuvre libératoire nécessite des mouvements de plus grande A. Explorations canalaires (canaux semi-circulaires). Observation
amplitude que celle d’Epley. et/ou enregistrement des mouvements oculaires (VNS :
vidéonystagmoscopie/VNG : vidéonystagmographie)
Pour affirmer le caractère bénin du VPPB il est nécessaire de
Épreuves caloriques : recherche d’un déficit labyrinthique
contrôler cliniquement à distance d’une semaine de la réalisation unilatéral, partiel (hyporéflexie) ou totale (aréflexie)
des manœuvres thérapeutiques l’absence de tout symptôme et ano- Épreuves rotatoires : recherche d’un déficit unilatéral,
malie d’examen clinique. évaluation de la compensation
Head Shaking Test (« secouage rapide de la tête ») : révèle un
nystagmus spontané latent
4.2. Les vertiges associés à des symptômes auditifs
Video Head Impulse Test : exploration rapide, possible « au lit du
patient », permettant d’identifier un déficit de l’un des trois canaux
L’association de troubles auditifs : hypoacousie, brutale, pro- semi-circulaires, pour les 2 côtés
gressive ou fluctuante et/ou acouphènes, évoque d’emblée une Test vibratoire osseux : identification d’une asymétrie
atteinte de l’oreille interne et indique le côté en cause. Le contexte labyrinthique à des fréquences de stimulation élevées
B. Explorations otolithiques (utricule et saccule)
est parfois évocateur de la cause : labyrinthite si infection récente Potentiels évoqués otolithiques myogéniques
de l’oreille moyenne, traumatisme direct avec fracture du rocher, Verticale visuelle subjective
traumatisme pressionnel (plongée sous marine). Dans d’autre cas C. Explorations globales de la fonction d’équilibration. Posturographie
les symptômes sont dissociés : vertiges et symptômes auditifs non statique et dynamique (évaluation multi-sensorielle de la fonction
d’équilibration)
concomitants.
Le diagnostic de maladie de Menière est basé sur l’association
de crises vertigineuses de plus de 20 minutes, avec signes audi-
névrite vestibulaire [19]. Son début est en général brutal, en
tifs associés (acouphènes, plénitude d’oreille, hypoacousie sur les
quelques heures avec des vertiges intenses, et des signes neuro-
fréquences graves) et une répétition des crises à au moins deux
végétatifs marqués. L’appel en urgence est habituel. Le mécanisme
reprises. Les mécanismes physiopathologiques restent discutés,
causal exact reste discuté. L’hypothèse « classiquement retenue »
mais le rôle de variations des pressions des liquides labyrinthiques,
serait celle d’une atteinte rattachée à une réactivation du virus
définissant l’hydrops endolymphatique, est le plus probable. La
Herpès au niveau des cellules ganglionnaires des nerfs vestibu-
diversité des symptômes d’un patient à l’autre, et pour un même
laires [20]. La conséquence clinique est l’apparition d’un déficit
patient leur évolution dans le temps justifie de disposer de critères
vestibulaire unilatéral brutal comportant à l’examen une déviation
diagnostiques précis. Ces derniers ont été formalisés en particulier
posturale vers le côté atteint et un nystagmus spontané battant vers
sous la forme de recommandations de différentes sociétés savantes
le côté opposé. La réalisation d’un bilan vestibulaire rapide confirme
internationales, dont la SFORL [14–16]. Les examens paracliniques
le diagnostic, ce qui permet de débuter le traitement associant cor-
ont une utilité double. La première est de quantifier l’impact des
ticothérapie, médicaments anti-vertigineux et anti-émétiques, et le
crises sur les fonctions auditives et vestibulaires, ce qui oriente les
lever le plus rapide possible pour faciliter la compensation centrale
choix thérapeutiques. La seconde est par des tests spécifiques et
de ce déficit périphérique. Cette dernière sera favorisée par une
par une imagerie spécialisée d’identifier des modifications carac-
rééducation vestibulaire. L’imagerie est systématique d’une part
téristiques de l’hydrops : tests électrophysiologiques et imagerie
d’éliminer des pathologies périphériques ou centrales pouvant se
par résonance magnétique en particulier. La stratégie thérapeu-
présenter cliniquement avec la même symptomatologie brutale :
tique est adaptée au cas par cas, en fonction de l’impact individuel
vertige intense prolongé. Il peut s’agir de pathologies tumorales :
des symptômes et de leur évolutivité. Initialement basée sur des
schwannome vestibulaire ou autre lésion des voies auditives et
mesures diététiques et des médicaments, le traitement peut par-
vestibulaires : méningiome, hémangiome, kyste arachnoïdien, etc.,
fois utiliser des modalités chirurgicales conservatrices ou radicales :
mais aussi d’une sclérose en plaques.
chirurgie du sac endolymphatique, labyrinthectomie chimique ou
neurotomie vestibulaire. Les indications sont conditionnées par
l’histoire naturelle de la maladie qui évolue vers un arrêt des crises 4.4. Les vertiges isolés et itératifs
vertigineuses, à un moment où l’audition se stabilise à un niveau
relativement bas, après des périodes de fluctuations. La recherche d’un facteur déclenchant : traumatisme, infectieux,
Dans toutes ces situations la réalisation de tests auditifs et vesti- etc. et l’examen clinique permettent parfois d’orienter vers une
bulaires par l’ORL, oriente les éventuelles indications de l’imagerie étiologie. Si ce n’est pas le cas la réalisation des épreuves audio-
(scanner/IRM). Les différentes explorations fonctionnelles ont pour vestibulaires recherchera des signes déficitaires unilatéraux, des
objectifs d’identifier une atteinte des capteurs vestibulaires, de signes d’atteinte centrale, ce qui peut conduire à la réalisation d’une
préciser l’importance de cette atteinte ainsi que le niveau de la imagerie (Tableau 2). Un certain nombre de vertiges sont parfois
compensation (tableau 2). sans diagnostic initial précis. La reprise de l’interrogatoire permet
Parmi les diagnostics systématiquement évoqués en cas de alors parfois de retenir des arguments pour une migraine : anté-
vertiges, associés, mais non systématiquement à des symptômes cédent de migraine caractérisée, association aux vertiges d’autres
auditifs figure celui de schwannome vestibulaire, ou neurinome symptômes en particulier phonophobie et photophobie.
de l’acoustique. Il s’agit de lésions rares dont la difficulté diagnos-
tique repose sur l’absence de spécificité des symptômes [17,18]. 5. Conclusion
La réalisation d’une IRM cérébrale et des rochers avec injection de
gadolinium permettra de l’éliminer. Les indications de celle-ci sont La démarche clinique initiale devant des vertiges et troubles
établies après réalisations d’explorations auditives et vestibulaires de l’équilibre permet d’éliminer une urgence, et dans un certain
qui montrent une atteinte unilatérale. nombre de cas d’identifier une cause parmi les plus fréquentes :
VPPB, maladie de Menière, et névrite vestibulaire. Le rôle des exa-
4.3. Les vertiges isolés et prolongés mens complémentaires, hiérarchisés par cette approche initiale est
d’identifier une pathologie non caractérisée cliniquement. Le temps
Dans cette situation, en l’absence d’antécédent et de facteur essentiel de l’examen clinique est l’analyse des mouvements ocu-
déclenchant notables, le diagnostic le plus probable est celui de laires spontanés et provoqués lors de différents tests. Des données

Pour citer cet article : Bouccara D, et al. Vertiges et troubles de l’équilibre : démarche diagnostique. Rev Med Interne (2017),
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G Model
REVMED-5483; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS
6 D. Bouccara et al. / La Revue de médecine interne xxx (2017) xxx–xxx

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