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Francis Lesourd
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nouvelle-2006-1-page-55.htm
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* Psychologue clinicien, docteur en Sciences de l’éducation, chargé de cours à l’université Paris VIII
(EXPERICE).
Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, vol. 39, n° 1, 2006
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que si l’homme est bien «malade du temps»
(REINBERG, 1979), on peut se demander duquel. Suivant le niveau d’observation
choisi, les figures du temps apparaissent en effet fort hétérogènes. Au niveau sociétal,
le rétrécissement des horizons temporels collectifs et les injonctions associées de se
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orchestrés ; elle se relie à elle-même, horizontalement par la juste cadence des instants
successifs» (1963, p. 139). De ce point de vue, l’existence apparaît comme une super-
position «verticale», ou synchronique, d’instants, de temps ou de rythmes pluriels,
perpendiculairement conjugués à une diachronie rythmée, «horizontale». En d’autres
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termes, les temps successifs sont à la mélodie ce que les temps coprésents sont à l’har-
monie. Je vais, pour développer mon propos introductif, passer en revue quelques-uns
de ces temps coprésents avant de revenir sur la nécessité de penser leurs résonances.
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temporels sont loin de se limiter aux conditions de travail tayloriennes. Grossin décrit
encore l’incidence des excès de temps structurés chez les cadres. «Les formes nouvelles
de l’organisation recherchent les moyens d’une gestion du temps pourchassant les
temps morts [...] S’il ne s’agissait que d’efforts physiques, la fatigue musculaire impose-
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rait ses limites. Le travail mental franchit les siennes.» (GROSSIN, 1996, p. 136). Des
projets en temps limité sont «entrepris dans une stimulation générale et quasiment
dans une sorte d’euphorie, la nervosité collective entraîne un “état second” où l’effort
s’exalte dans une atmosphère de challenge. Pour soutenir l’effervescence créatrice, les
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répondre de façon synchrone aux mouvement affectifs et sexuels l’un de l’autre,
chaque demande tombant à contretemps. Or, dans le transfert, la patiente qui, de façon
répétitive, semblait désirer recevoir les paroles de l’analyste rejetait violemment la
moindre réponse : «notre communication était devenue anorexique» (DUPARC, 1997,
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p. 1504). Ce cas met en relief les incidences du style temporel du couple parental sur
la constitution du temps vécu du sujet, sur la constitution de son propre modèle
interpersonnel d’articulation des temps.
À chaque niveau d’observation, les temporalités apparaissantes peuvent être consi-
dérées comme des synchroniseurs du temps vécu. Internes ou externes, ces
synchroniseurs sont définis comme des rythmes capables d’entraîner ou de commander
d’autres rythmes, d’autres temps, de leur faire «battre la mesure» (PINEAU, 2000,
chap. 9). Les horaires de travail salarié et l’alternance jour/nuit constituent deux
exemples parmi d’autres de synchroniseurs qui rythment le temps vécu des sujets et,
ce faisant, soutiennent ou entravent leur action. Mais, dans la perspective transdisci-
plinaire adoptée, les temps ou les synchroniseurs relevant d’un seul niveau
d’observation ne peuvent certes pas être considérés comme pathogènes à eux seuls. Les
horaires de travail n’affectent pas «le sujet» en général mais chacun en fonction de la
singularité de l’organisation temporelle de sa famille, de ses propres temps intérieurs,
etc. Ainsi on interrogera plutôt les mises en résonance singulières de ces temps, de ces
mobilités multiples, de ces rythmes hétérogènes. Et sans doute peut-on considérer ces
résonances temporelles psychosociales non comme de simples corrélats de la santé mais
comme des conditions de celle-ci.
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aux affects, etc., que l’on peut également saisir au centre du champ, remarquer comme
en passant, ou ressentir vaguement à la périphérie. Il peut également être utilisé pour
comprendre l’expérience temporelle quotidienne.
À ce sujet, imaginons que, à titre professionnel, nous devions effectuer un travail
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assez pesant – par exemple administratif – qui comporte des étapes, qu’il convient
d’effectuer à un certain rythme, etc. Nous pouvons, pour alléger la pression exercée
par ce temps administratif, rendre présente, dans le champ de notre attention, la
perspective du week-end – perspective qui renvoie à un temps social, celui de l’orga-
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d’action, qui ne nécessitent pas d’être conscientisés pour opérer. Ce qui ne signifie pas
que de telles actions aient quoi que ce soit de facile ou d’évident. Elles constituent –
pour reprendre le terme de Bachelard – un véritable travail d’orchestration des temps.
Et des erreurs d’orchestration peuvent survenir, voire des «fausses notes» : le rendez-
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vous que l’on oublie (qui est tombé hors du champ attentionnel) ; les temps
professionnels qui envahissent les temps pour soi (ou réciproquement) ; la difficulté
de garder son idée en mémoire en continuant d’écouter autrui… On peut ainsi
envisager le dysfonctionnement des savoir-orchestrer les temps.
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d’observation à l’autre. Dans la pratique, les histoires de vie favorisent l’accès du sujet
à des temporalités longues. Elles permettent d’appréhender un contexte existentiel sur
le fond de quoi peut se détacher, par exemple, une discontinuité, une transition.
Partant de cette transition, les histoires de vie peuvent également amorcer la focalisa-
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tion de l’attention sur un moment plus précis, notamment un moment d’engagement
en formation. C’est là que l’entretien d’explicitation prend le relais en permettant
l’exploration, à l’intérieur de ce moment, des micromoments que les interviewés eux-
mêmes désignent comme centraux dans le processus de transition. Ainsi, on accède
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progressivement à des moments-clés très fugaces. C’est à cette échelle que l’on peut
observer ce que fait le sujet pour orchestrer les temps. On n’accompagne plus le dire
réflexif du sujet quant à ce qu’il pense avoir fait à ce moment, on guide son accès à ce
qu’il a fait sans se le dire, c’est-à-dire à la dimension préréfléchie de son action tempo-
relle (LESOURD, 2005).
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dans ce moment-là avec l’envie d’y aller, comme quand je faisais de la gym et qu’il
fallait faire du cheval d’arçon. Il y a je ne sais plus combien de mètres à courir, mais
c’est réglementaire avant d’arriver sur le tremplin. Et il y a tout un moment à se
mettre en condition, à trouver le bon rythme de course qui fait que le bon pied va
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arriver sur le tremplin au bon moment et va permettre de donner l’élan. Et j’ai
l’impression que quand j’arrive au début de cette grille, euh… je sais que je peux
prendre mon élan et c’est quelque chose… c’est pas comme un cheval mais… oui, je
vais sauter qualitativement d’impression.
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Ici, Joséphine oscille entre deux temps : lequel sera choisi, lequel sera renvoyé à la marge
de son champ attentionnel ? Le rythme de la grille sera finalement retenu. Pourquoi ?
Parce que, dit-elle, «il faudrait que je me soucie de ce qui va se passer cinq minutes après,
deux heures après parce que voilà, je serai au boulot mais… je sais que ça peut être
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ailleurs. Ce que je sens c’est que même s’il y a plein de choses graves et que c’est
compressé, c’est tellement absolument ça d’abord que le reste est absent le temps qu’il
faut pour que ça, ce soit là» (J33). «Il va y avoir quelque chose de l’ordre de… alors
“révélation” ça fait pompeux mais… quelque chose qui va venir. Et du coup… je me
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mets à marcher le long de cette grille, confiante dans le fait qu’elle va m’aider dans ce
processus-là» (J32). En somme, Joséphine parvient à «pousser» à la marge de son champ
attentionnel les temps socioprofessionnels prêts à jouer le rôle d’organisateurs de son vécu
et à entraver l’émergence en cours. Parallèlement, elle se synchronise avec le rythme de
la grille qui, au contraire, l’aide à maintenir la dynamique intrapsychique au centre du
champ jusqu’à ce que ça puisse, comme elle dit, «sauter qualitativement d’impression».
Ces extraits d’entretien suggèrent que, grâce à des microactes mentaux, à des «tours
de main» extrêmement fugaces et effectués de façon semi-délibérée, l’interviewée a pu
synchroniser subjectivement plusieurs temps et construire, de cette façon, l’architec-
ture temporelle de son propre moment de transformation. Cette synchronisation
personnelle a joué sur des temporalités sociales, du corps, de l’environnement naturel,
ainsi que sur une dynamique intrapsychique identitairement déterminante. Ainsi le
sujet n’apparaît ni tout-puissant ni tout-impuissant vis-à-vis des différents synchro-
niseurs. Il est coauteur de l’orchestration des temps d’où émerge le présent qu’il vit.
Dans une certaine mesure, il peut synchroniser les synchroniseurs.
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spatiaux (perte «d’enveloppe corporelle limitée» - J42) et temporels (moment qualifié
d’«atemporel» - J44). Tout comme certains «voyages» de toxicomanes, ce type d’expé-
rience évoque une dépersonnalisation certes légère et transitoire mais qui, si elle se
répétait, conduirait facilement le médecin scrupuleux à porter attention à la présence
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du dehors, c’est comme si ça me traçait un chemin pour que… voilà, là, je suis suffi-
samment en sécurité, je vais pouvoir faire un paquet de tout ça, donc, voilà, je sens
le café, mais je n’y accorde pas d’attention. Voilà, je sais juste que le café est là. Je…
Mais je ne sors surtout pas, et là effectivement il y a quelque chose de volontaire, mais
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je ne me mets surtout pas à écouter et à regarder quelque chose de précis.
À nouveau, cette expérience évoque aussi bien une «descente» de trip qu’une fin
de transe où le groupe installe une atmosphère sécurisante et contenante pour le sujet
– à ceci près que Joséphine assure seule cette fonction de sécurisation.
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On voit que le fait d’aborder via l’explicitation biographique les vécus de transi-
tion existentielle à cette échelle permet ainsi d’en dégager des caractéristiques
inattendues. Tout se passe comme si Joséphine avait construit les conditions tempo-
relles de sa révélation : se détournant provisoirement du temps chronologique et
compressé du monde commun, elle a opéré une mise en suspens de certains temps et
une mise en avant d’autres temps qui a débouché sur un moment de «hors temps»,
central dans son processus de transition, avant de revenir au monde commun avec
lenteur et précaution.
De tels moments de «hors temps» ont été interrogés par différents psychanalystes.
Selon Green, le temps transitionnel en tant que tel est un «temps hors du temps, temps
potentiel s’instaurant» (1975, p. 107). Pour Kaès, ces temporalités particulières «sont
partie intégrante du processus qui conduit à une nouvelle naissance ; c’est ce temps
mort qui sera peut-être nécessaire à l’établissement de la discontinuité individuante
[…] qui précède la phase où nous vivons créativement : sans doute ce blanc, ce vide
crée-t-il aussi l’espace nécessaire à la naissance de la pensée, un trou dans le vécu ou
dans le savoir, une attente à combler» (1979, pp. 61-62). Guillaumin considère,
quant à lui, que ce type de temporalité constitue la condition de l’appropriation d’une
temporalité propre : «tout se passe comme si, écrit-il, la dynamique des trois dimen-
sions communes du temps, passé, présent et avenir, ne prenait sa pleine et vive valeur
[…] que de l’intervention d’un autre point de vue à certains égards intemporel, qui
la croise, la nie et la dépasse en la signifiant» (GUILLAUMIN, 1997, p. 1658). Ou
encore : «le temps ne saurait jamais s’assumer comme temps personnel, temps de
l’histoire vécue du dedans, que par le surgissement de ce regard transverse porté sur
son mouvement que je considère comme une quatrième dimension de la temporalité,
dimension à certains égards elle-même intemporelle – comme une sorte de présent
suspendu du deuxième degré» (pp. 1661-1662). Le vécu associé est décrit comme la
sensation «d’être actuellement suspendu dans l’existence, et pour un instant d’une
durée indéterminée» (p. 1658), comme «une disposition particulière assez ambiguë,
disons un état de pensée et d’affect légèrement troublé, sorte d’ébranlement de l’appa-
reil psychique» (p. 1657).
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temporelle renvoie moins, de mon point de vue, à des expériences temporelles norma-
lisées (avec repères chronologiques forts) qu’à une alternance irrégulière d’expériences
temporelles hétérogènes (où le temps coule tantôt vite tantôt lentement, fait pression
sur le sujet ou au contraire le soutient, où il apparaît continu ou scandé, vaste comme
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Ainsi, pour autant que leur pratique reste modérément dure, les stimulants tels que
café, tabac, cocaïne ou amphétamines favorisent chez le sujet une certaine adhésion voire
une adhésivité au temps chronologique et participent des excès de temps structurés et
accélérés. À ce titre, ces produits s’inscrivent dans un vaste ensemble de discours et
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d’expériences qui s’intercautionnent. À maints égards, ils favorisent l’adaptation aux
cadres temporels (décrits par Grossin comme rigides, coercitifs, réguliers, réitérés) et
coupent le sujet de ses propres temps intérieurs dont la nature est changeante et la vitesse
variable. Les cadres temporels sont d’ailleurs rencontrés dès l’école, dont la tempora-
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moins constituer une négation du temps du monde, comme dans le cas des opiacés,
qu’une relativisation de ce temps. Dans les sociétés traditionnelles, les expériences
hors temps initiatiques sont reliées aux mythes de la culture concernée qui, à travers
l’expérience hallucinogène, font l’objet d’un apprentissage (ELIADE, 1968). Ces mythes
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vu que les psychotropes se retrouvent dans chacune de ces résonances multiniveau. Ceci
me porte à considérer les psychotropes comme des analyseurs du rapport au temps des
individus et des collectifs.
Mais revenons, pour finir, à la constellation psychosociale abordée par l’entrée des
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désigner la neige, nous qui vivons dans un environnement temporel de plus en plus
prégnant et complexe ne disposons que d’un vocabulaire très pauvre pour discriminer
nos expériences temporelles. Peut-être faut-il donc cesser de nous convaincre à la
suite de saint Augustin que les temps sont par nature indicibles. Lentement, les choses
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semblent pourtant changer, du moins dans certains secteurs, ainsi que le montre
l’augmentation des publications récentes mentionnant au pluriel les temps et non le
temps. Cette lenteur est sans doute à la mesure de la complexité du défi que suppose
une prévention des chronopathologies.
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a vast system of environmental, social, institutional, interpersonal, intra-psychic and
biologic temporality, different and connected. However, as suggested by the interview
extracts, the subject is far from being powerless in front of this multiple temporality;
he or she is capable of orchestrating them in himself or herself. The learning of this
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Francis LESOURD. Éducation, santé et temporalités. Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, Sciences
de l’éducation et santé, vol. 39, n° 1, 2006, pp. 55-73. ISSN 0755-9593. ISBN 2-9506879-6-2.
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