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Epidémiologie des risques

professionnels (cours 1/3)

A. Leroyer (Université Lille / CHRU Lille)


EPIDEMIOLOGIE : ses débuts... (1)

John Snow et le choléra, 1854

MASTER 2 Pro - Tox Environnementale et Professionnelle 2


EPIDEMIOLOGIE : ses débuts... (2)

Mortalité par le choléra dans des quartiers londoniens approvisionnés en eau


par 2 sociétés différentes, du 8 juillet au 26 août 1854 (d ’après J. Snow)

Société distributrice Population en 1851 Nb de décès Taux de mortalité par


par choléra choléra (/1000 hab.)

Southpark 167 654 844 5.0

Lambeth 19 133 18 0.9

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L’EPIDEMIOLOGIE : définition

« ... un raisonnement et une méthode propre au travail objectif


en médecine et dans d’autres sciences de la santé,

appliqués
à la description des phénomènes de santé,
à l’explication de leur étiologie
et à la recherche des méthodes d’intervention les plus efficaces. »

Jenicek et Cléroux (1982)

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Les enquêtes épidémiologiques

 Enquêtes d’observation +++


(sauf dans le cadre de certaines études
d’intervention)

 A l’échelle des populations


– Le plus souvent avec des données individuelles
– Parfois avec des données collectives

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- I –
Première approche :
les études
portant sur les groupes
= études écologiques
ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

L’idée est de réaliser des études :

- peu coûteuses

- assez rapides à réaliser

- permettant une première approche de certains liens entre des


expositions et la santé

- permettant de proposer des investigations plus poussées

Même si elles ont une portée limitée en termes de niveaux de preuve…

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ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

1 - Variations en fonction des caractéristiques générales des personnes

= étude des contrastes dans la distribution des maladies en fonction du sexe,


de l ’âge, de la CSP, …

 variations de la morbidité et de la mortalité

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ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

2 - Variations géographiques de la fréquence des maladies

= étude des contrastes dans la distribution géographique des maladies

 différentes échelles de contrastes


. variations internationales
. variations nationales
. variations régionales ou locales

 variations locales : études de « clusters »


= petits agrégats locaux

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ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

MASTER 2 Pro - Tox Environnementale et Professionnelle 10


ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

MASTER 2 Pro - Tox Environnementale et Professionnelle 11


ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

Exemple :
Mortalité par cancer du poumon en France et dans la Région Nord-Pas
de Calais

 variations interrégionales

Mortalité par tumeur maligne de la trachée, des bronches ou du poumon


Région Nord - Pas de Calais 1988-90

Standardisation indirecte sur la mortalité française


Sexe Nb observé Nb attendu RSM§ p
hommes 4619 3320 1,39 ***
femmes 459 529 0,87 **
§: Ratio Standardisé de mortalité

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ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES
3 - Études de liaisons entre les variations temporelles d’indicateurs
collectifs d’exposition et de santé = corrélations écologiques

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ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

4 - Études de liaisons entre les variations géographiques d’indicateurs


collectifs d’exposition et de santé = corrélations écologiques

MASTER 2 Pro - Tox Environnementale et Professionnelle 14


ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

Exemple d’étude de corrélations écologiques (d’après Thornley et al. 2011)

 Constat : augmentation des problèmes d’asthme chez l’enfant

 Hypothèses : lien avec l’alimentation pendant la grossesse

 Données :
– Prévalence de l’asthme chez les enfants de 6-7 ans dans 53
pays
– Consommation de sucre raffiné 7 ans auparavant, dans ces
mêmes pays

 Résultats
– Prévalence varie de 1,1 % (Indonésie) à 20,3% (Costa Rica)
– Consommation de sucre : de 8,15 kg/pers./an au Vietnam à
58,95 kg/pers./an au Costa Rica
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(d’après Thornley
et al. 2011)
ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

 Limites des études écologiques

. corrélations entre des variables qui sont des moyennes mesurées sur
un groupe d’individus : est-ce les mêmes individus ?
. effet de dilution
. nombreux facteurs de confusion
. pas de conclusion causale

 Intérêts des études écologiques

. générer des hypothèses


. complémentarité avec les études individuelles

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ETUDES PORTANT SUR LES GROUPES

 Limites des
études
écologiques

exemple

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- II -

Epidémiologie descriptive
EPIDEMIOLOGIE DESCRIPTIVE : les buts

1 – Décrire, situer
les problèmes de santé
les déterminants de santé (expositions)

2 - Surveiller
= situer les indicateurs dans leur environnement temporel et spatial

Spécificités de la surveillance épidémiologique des risques


professionnels :
- problèmes de santé : rarement d’origine mono-factorielle
- caractéristiques cliniques et biologiques non spécifiques
(imputabilité ?)
- effets différés

3 - Formuler des hypothèses (échelon individuel)


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1/ LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

Pour mesurer de la « fréquence » d’une maladie (morbidité) :


- nombre absolu de cas
- mesure relative rapportant le nombre de malades à un nombre de sujets

 Prévalence : proportion de malades présents dans la population


à un instant donné (%)

P = nb de malades / nb de sujets dans la population

 Taux d’incidence : vitesse moyenne de production de nouveaux


cas de maladie (cas/personne-temps)

TI = nb nouveaux malades
/ Σ des durées de participation des non malades

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LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

Prévalence en 2000 = 30%


Taux d’incidence = 12 cas / 100 Personnes-Années
LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

 Calcul approché du taux d’incidence

Cas des populations ouvertes = absence de données individuelles

Calcul : m = nb de nouveaux maladies


m [t ; t+δt[ N0 = effectif de la population
TI = au temps t
δt x [(N0 + N1) / 2] N1 = effectif de la population
au temps t+δt

Hypothèses :
. nb de nouveaux cas négligeable par rapport à l’effectif de la pop.
. durée de suivi des sujets absents une partie de la période
= 50% de la période
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LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

 Pour mesurer de la « fréquence » des décès :


- nombre absolu de décès
- mesure relative rapportant le nombre de décès
à un nombre de sujets suivis dans le temps

* Mortalité globale
* Mortalité spécifique (pour une pathologie donnée)

taux de décès <=> taux d’incidence

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LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

 Taux bruts de mortalité = nombre annuel moyen de décès


au cours d'une année pour 1 000 habitants au milieu de
l'année
(Monde, 2017)

Le taux brut de mortalité est fortement affecté par la distribution par âge de la population…
LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

 Pour comparer la « fréquence » des taux de décès


(ou de taux d’incidence) :

- nécessité de « standardiser » les taux afin d’avoir des


chiffres qui puissent être comparés entre eux…

- taux standardisés de mortalité = prise en compte de l’âge


(les analyses sont généralement
séparées selon le sexe)

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LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

 2 méthodes de standardisation :

o Standardisation directe :
- On calcule les taux que l’on s’attendrait à trouver dans les
populations étudiées si elles avaient toutes la même
composition (selon la variable que l’on cherche à contrôler,
comme par exemple l’âge)
= on applique les taux de décès (par âge) de la population
étudiée à la structure de la population choisie comme
référence

- Utilisation de population « type »

- On obtient des TAUX STANDARDISES


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28
Standardisation directe

29
LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

 Exemple

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Exemple de taux standardisés

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LES INDICATEURS DESCRIPTIFS DE SANTE

 2 méthodes de standardisation (suite) :

o Standardisation indirecte :
- Comparaison de la population étudiée avec une population de
référence proche de la population étudiée (ex : France, région, …)
- On utilise applique les taux de décès (par âge) de la population de
référence à la population à laquelle on s’intéresse
- On obtient un « nombre de cas attendus » sous l’hypothèse d’une
mortalité identique à celle de la population de référence

- Calcul du Ratio Standardisé de Mortalités (RSM) :


= nb décès observé / nb décès attendus
→ RSM > 1 (ou 100 si exprimé en %) = risque de décéder dans la population étudiée
plus élevé que dans la population de référence
→ RSM < 1 (ou 100 si exprimé en %) = risque de décéder dans la population étudiée32
moins élevé que dans la population de référence
Standardisation indirecte

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34
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Les RSM en santé au travail
 Contexte : comparaison de la mortalité d’une
population de salariés à celle d’une population de
référence

 Exemple : cohorte des agents EdF du nucléaire


– 22 393 agents EdF
– Exposés aux RI pendant au moins 1 an
– Durée médiane de suivi : 20 ans
– Fin 2003 : 874 décès

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(La Lettre Nuclaire et Santé n°76 – oct 2009) 37
« Un travailleur n’occupe
L’EFFET un poste
« TRAVAILLEUR que»si sa santé
SAIN
le permet » (Gollac, Volkoff, 2006)
Effet « travailleur sain » ou « Healthy Worker Effect »

Avant l’emploi Pendant l’emploi

Personne en âge Bonne santé Exposition forte


de travailler
Apparemment Exposition moyenne
bonne santé

Santé incertaine Exposition légère


Mauvaise santé

Restent sans emploi Quittent l’entreprise


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Exemple : Surveillance de la mortalité par suicide des
agriculteurs exploitants (Santé Publique France, 2016)

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http://www.lafranceagricole.fr/r/Publie/FA/p1/Infographies/Web/2016-10-
05/rapport_surveillance_mortalite_suicide_agriculteurs_exploitants%20(6).pdf
Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs
exploitants (Santé Publique France, 2016)

RSM = 1,52

IC95%
[1,05-2,09])

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2010 2011
2/ LES DONNÉES DESCRIPTIVES
EN SANTÉ AU TRAVAIL

Avant de faire des études spécifiques, voir ce qui existe déjà…

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Les données descriptives
en santé au travail

 Sources variées
– CARSAT et CNAMTS  AT /MP
– Etablissements publics (Santé Publique France, …)
– Administrations publiques
• DARES, Ministère du Travail
• INSEE, Ministère de l’Economie, Finances, Industrie
– Equipes de recherche (INSERM, universités, …)
– Médecins du travail
– …
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Les statistiques AT/MP
 Accidents du travail
– Depuis la Loi du 9 avril 1898, un accident est présumé
d’origine professionnelle dès lors qu’il est survenu
pendant le temps et sur le lieu de travail.
– Il est indemnisé comme tel par la Sécurité Sociale,
depuis 1946
– Optique :
• Logique d’assurance
• Proposer des actions de préventions
– Données publiées : dénombrent seulement les accidents
ayant entrainé un arrêt de travail donnant lieu à un
premier versement d’IJ et/ou à un premier règlement en
réparation d’une IPP ou/et d’un décès.

NB : ce ne sont pas des données « épidémiologiques » 43


Les AT – Les différents indicateurs

 Taux de fréquence = nb d’AT / 106 h travaillées

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Les AT – Selon le secteur d’activité

45
Les AT – Les différents indicateurs

46
Les AT – Les différents indicateurs

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Les statistiques AT/MP

 Maladies professionnelles
– MP = Conséquence de l’exposition plus ou moins prolongée
à un risque qui existe lors de l’exercice habituel de la
profession
– Indemnisée :
• Si la maladie figure dans des « tableaux de MP » et que l’on
a été exposé aux nuisances spécifiées (conditions à remplir)
• Si la maladie est responsable d’une IPP d’au moins 25% et
apport de la preuve d’un lien direct et essentiel entre une
exposition professionnelle et la maladie
– Ne sont dénombrées que les MP déclarées,
reconnues et indemnisées par la Sécurité Sociale

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Les MP – Quelques repères

49
Les MP – Quelques repères

50
Mise en place de
procédures plus
systématiques de
recherche des
expositions
professionnelles

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Les données AT/MP

 http://www.risquesprofessionnels.ameli.fr/statisti
ques-et-analyse/sinistralite-
atmp/dossier/syntheses-et-analyses-statistiques-
de-la-sinistralite-par-ctn.html

 Atlas régional de la santé au travail


– Site CARSAT NP
– Site de la Direccte

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Santé Publique France
http://www.santepubliquefrance.fr/

 1999 : création du Département Santé Travail (DST) à


l’InVS  environ 50 ETP en 2015

 En 2016, l'InVS, l'Inpes et l'Eprus ont fusionné pour


créer Santé publique France, la nouvelle agence de
santé publique

 En 2018, intégration des activités relatives à la santé


au travail à l’axe « Maladies et traumatismes »
Santé Publique France
http://www.santepubliquefrance.fr/

 Les missions :
– la surveillance épidémiologique des risques professionnels,
– la veille sanitaire en milieu de travail,
– la mesure de l’impact de l’activité professionnelle sur la santé
publique,
– Valorisation des résultats et accompagnement de leur prise en
compte par les décideurs et les parties prenantes
La Santé au Travail à SPF
Autres sources de données :
enquête SUMER (DARES)

 Enquête transversale répétée (1994, 2003, 2010, 2016-2017),


qui fournit une évaluation des expositions professionnelles des
salariés, de la durée des ces expositions et des protections
collectives ou individuelles éventuelles mises à disposition.

 Les données sont recueillies par le médecin du travail lors de


l’entretien médico-professionnel au cours des visites
périodiques,

 La conception du questionnaire et les spécifications de la


collecte ont été élaborées par un comité de pilotage
regroupant des experts des conditions de travail et de la
santé au travail issus de nombreuses institutions et de
disciplines variées, ergonomie, épidémiologie, sociologie etc.
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Autres sources de données :
enquête SUMER (DARES)

 Enquête 2016-2017 :
– 1 200 médecins du travail (> 20 % des MdT en exercice),
– 26 500 questionnaires exploitables

 Expositions étudiées (questionnaire médecin)


– les contraintes organisationnelles et relationnelles
– les ambiances et contraintes physiques (bruit, nuisances
thermiques, radiations ou rayonnements, contraintes posturales, …).
– les expositions aux agents biologiques,
– les agents chimiques
 Auto questionnaire (rempli par le salarié)
– le ressenti sur sa situation de travail (Karasek)
– une estimation de son état de santé et quelques indicateurs sur le
lien qu’il fait entre sa santé et sa situation de travail,
– … 57
58
Les évolutions des
contraintes de travail

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Autre source : observatoire Evrest
http://evrest.istnf.fr/

 Observatoire pluriannuel par questionnaire, construit par des


médecins du travail pour pouvoir analyser et suivre
différents aspects du travail et de la santé de salariés.

 Il permet de traduire, au moins partiellement, et sous une


forme standardisée adaptée à une exploitation quantitative,
des informations élaborées au cours des entretiens
médicaux.

 Explore de façon large mais non approfondie le travail et la


santé des salariés

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Exemples de résultats concernant
certains aspects du travail

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Exemples de résultats concernant la santé

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Exemples de résultats en entreprise

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Autres sources utiles…

 Enquête Conditions de Travail (CT)


– DARES et INSEE
– tous les 7 ans depuis 1978 (2005, 2012, …)

 Enquête Santé Itinéraire Professionnel (SIP)


– DREES et la DARES
– 2006 + 2010
– explore les liens entre les problèmes de santé et les
parcours professionnels et conditions de travail

 Enquêtes ESTEV, VISAT, …

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