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Stratégies identitaires : le cas des organismes latino-américains au Québec

ESCALANTE-RENGIFO Guadalupe
guadalupe.escalante.1@ulaval.ca

Cette communication constitue une partie de ma thèse doctorale qui examine la


production discursive de l’appellation identitaire latino-américaine dans la société québécoise en
trois périodes entre 1973 et 2011, à partir de l’Analyse de discours du point de vue de la
sociologie de la connaissance (ADSC) (Keller, 2012). La recherche est basée sur trois types de
sources : documents publics administratifs, articles de la presse écrite québécoise francophone et
récits des fondateurs et des représentants des organismes latino-américains au Québec. L’objectif
de cette contribution consiste à présenter principaux résultats préliminaires du troisième volet de
l’étude et, ensuite, se concentrer sur un des aspects clés des résultats : les stratégies identitaires
dans le processus d’auto-identification de ces organismes au Québec.

L’utilisation de la nomination « latino-américaine » pour définir un groupe d’immigrants


comme un bloc collectif et unitaire n’est pas assez transparente comme semblerait-elle. Au
Canada, le terme latino-américain est employé couramment dans la vie quotidienne, l’espace
public (les médias de communication, par exemple) et la littérature académique pour désigner
indistinctement un groupe ethnique, une communauté ethnoculturelle ou de manière individuelle,
des immigrants des pays de l’Amérique du Sud, de l'Amérique Centrale et du Mexique
(Amérique du Nord). Depuis 1986, le gouvernement canadien utilise cette nomination identitaire
pour classifier un groupe de « minorité visible »1, en tant que catégorie administrative, à propos
de l’équité en matière d’emploi, construite sur la base de deux critères : la race et la couleur de la
peau. Dans le même ordre d’idées, la division du Statistiques Canada et le Ministère
d’immigration, diversité et inclusion de Québec2 emploient le terme pour classifier un groupe
ethnique basé sur les critères de l’origine des ancêtres.
Plusieurs études ont mis en question la pertinence du terme latino-américain pour
identifier les immigrants provenant de différents pays de l’Amérique du Sud, Centrale, du Nord
et des Caraïbes (Recalde, 2002; Andrijevic, 2013). D’autres ont problématisé l’existence d’une
communauté latino-américaine au Canada (Mata, 1987; Hartzman, 1991) et même le fait de
désigner les Latino-américains comme un groupe ethnique (Gilbert et Lee, 1986).
Compte tenu de la complexité de définir et de quantifier les Latino-américains au Canada
et au Québec, les chercheurs établissent différents critères pour les identifier comme objet
d’étude. Par exemple, Del Pozo (1997) inclut dans son corpus d’analyse les immigrants de
l’Amérique du Sud et Centrale (hispanophones) compris les Brésiliens (lusophones) et les
Haïtiens (francophones). Veronis (2006) fait référence à la nomination latino-américaine pour
identifier les immigrants originaires des pays hispanophones de l’Amérique du Sud, Centrale et
du Nord. Elle exclut les immigrants des Caraïbes et des pays de l’Amérique latine qui ne parlent
pas l’espagnol. Armony (2013) utilise la nomination latino-américaine pour définir les
immigrants de 18 pays hispanophones du continent américain et du Brésil.


1
La catégorie « minorité visible », engloba dix groupes : Noirs, Indo-Pakistanais, Chinois, Coréens, Japonais,
Asiatiques du Sud-est, Philippins, habitants des autres îles du Pacifique, Asiatiques de l'Ouest et Arabes ainsi que
Latino-Américains, à l'exception des Argentins et des Chiliens.
2
Avant été le Ministère d’immigration et communauté culturelle (MICC).
Cette ambigüité a fait une sorte que d’autres chercheurs (Schugurensky et Ginieniewicz,
2006, Andrijevic, 2013), mettent l’accent sur l’importance de différencier entre deux catégories:
hispaniques et Latino/latino-américaine. La première inclut seulement les immigrants qui parlent
l’espagnol et la deuxième inclut les Brésiliens et exclut ceux qui viennent de l’Espagne. Dans
cette partie de la recherche, nous proposons un regard inversé : le passage des identifications
externes vers des identifications internes à partir du cas des organismes latino-américains au
Québec. Paraphrasant Espiritu (1992), cette partie de la recherche essaie de répondre à la
question suivante : quelles sont les conditions qui ont amené aux immigrants des différentes
origines nationales à dépasser les frontières de leurs identifications individuelles et nationales
pour se réunir et s’auto-définir sous l’appellation latino-américaine?
Tableau 2. Facteurs qu’interviennent dans l’auto-identification des organismes latino-américains au Québec

Mise en ouvre concrète


Dimensions
(1970) (1980) (1990) (2000 et après)
-Contexte en Amérique Latine : - Contexte pré-post-migratoire - Contexte post-migratoire :
Les dictateurs au Chili Lutter contre les dictatures
et à l’Argentine - Faire connaître la culture des pays de l’Amérique latine à la société québécoise
- Les difficultés d’intégration socioprofessionnelle qualifiée et la dévalorisation professionnelle
Motivations et - Parler l’espagnol -Partage linguistique
circonstances - Faciliter l’intégration des nouveaux immigrants des pays de l’Amérique latine
- Les problèmes de la violence des jeunes
- L’intégration entrepreneuriale
- Transmettre des valeurs culturelles et
familières aux enfants
Groupes religieuses québécois -Catégorisation et assignation identitaire (externe)
Solidarité ver l’Amérique Latine -La place symbolique qu’occupent dans la mémoire collective des Québécois
(Raisons humanitaires) -La politique de catégorisation du multiculturalisme -interculturalisme
Agents
(passage de soutien des cultures minoritaire à une politique de promotion de liens civiques)
qu’interviennent
- La classification d’organismes :
dans la création des
mono-ethniques et pluriethniques.
organismes latino-
- Les critères de financement
américains
- Filiation pan-ethniques (interne) -Filiation pan-ethnique
- Solidarité des Québécois (externe)
-Sollicitation du gouvernement (externe)
Sensibiliser sur la violence - La perception de la société québécoise :
politique en Amérique latine Latino-américain comme une unité/homogène
Besoin de solution La vision folklorique des latino-américains (musique, cuisine, fêtes)
(enjeux sociaux) Le stéréotype de latino-américains comme travailleurs non qualifiés et les gangs de rue
La vision de l’Amérique latine comme : pauvre, analphabète et violente
- La situation de vulnérabilité socioprofessionnelle des immigrants qualifiés
Positionnement Défense des droits humains - Organismes : revendication positive de l’identification latino-américaine
L’Amérique Latine - Entre immigrants: Similitudes : la langue, les valeurs familiales, le passé colonial.
Différences : territoriales, culturels, scolarité, statuts social, type d’immigrant
Référents - Avec la société québécoise : Similitudes : latinos, religion, l’expressivité.
identitaires Différences : Les valeurs familiales
- Transnationaux : -L’imaginaire péjorative des « latinos » aux États-Unis
-L’imaginaire de la « grande patrie » latino-américaine.

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