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'// pont de Kita Bisa caille botis central.

Photo Michel Virlo$


e
III PARTIE

Un des tunnels du métropolitain de New-York. Extrait de


La N a t u r e , 1905.

RECHERCHE
ET
INNOVATION
Innovation
et pont suspendu
Michel Cotte dans la France de 1825

LE CONTEXTE GÉNÉRAL
SOUS LA RESTAURATION
Le pouvoir mis en place avec la Restauration poursuit une
politique relativement active d'aménagement routiet dans la
France des années 1820. Par exemple, les adjudications de ponts
suspendus se multiplient après 1826.
L'Ecole des ponts et chaussées se développe. Elle accueille,
au titre d'école d'application prestigieuse, des élèves formés à
l'Ecole polytechnique, parmi les plus brillants. Les effectifs aug-
mentent, maintenant tous destinés au Corps. Le niveau scienti-
fique théorique devient excellent et contribue à créer une spécificité
française, en particulier dans la rechetche de modèles mathématisés
généraux. Navier, ingénieur et professeur de l'Ecole, illustre
parfaitement cette tendance pour les ponts suspendus '.
Avec Becquey, le directeur général, à la fois h o m m e de l'art,
par son passé d'ingénieur, et politicien de longue expérience,
l'administration des Ponts et Chaussées connaît une remarquable
stabilité. Il sait maintenir, pendant près de quinze ans, un équilibre
entre la montée de l'esprit de corps de ses ingénieurs et la poussée
d'ambition des entrepreneurs privés encouragée par le régime.
Cette puissante direction des Ponts et Chaussées a un pouvoir
technique à peu près absolu, le directeur s'appuyant sur un conseil
général formé d ' h o m m e s expérimentés et compétents. Ils sont
chargés d'examiner les projets et de les évaluer techniquement.
La volonté politique de la Restauration, à partir de Villèle,
est de faire largement confiance aux entrepreneurs privés pour la
réalisation des grands travaux publics. Le système de l'adjudica-
tion concurrentielle de la totalité du projet, « aux risques et périls »
du soumissionnaire, se développe, en particuliet pour la consttuc-
tion des ponts, dans le début des années 1820. La contrepartie est
le droit de péage, d o n t le m o n t a n t et la durée forment le fond des
adjudications. L'administration territoriale des Ponts et Chaus-
sées s'éloigne alors de la consttuction réelle, définissant le cahier
des charges, m e n a n t les enquêtes, assurant l'adjudication, récep-
t i o n n a n t les travaux mais ne les surveillant plus obligatoirement.
Plusieurs ingénieurs du Corps deviendront cependant construc-
teurs privés de premier rang, interrompant leur carrière adminis-
Portrait de Marc Seguin (1786-1875) trative m o m e n t a n é m e n t ou parfois définitivement.
Les Ponts et Chaussées ne forment pas u n ministère, sauf à machines ou de pièces, la venue parfois définitive de techniciens
la disgrâce de Becquey, d u r a n t quelques semaines, avant la anglais en France, p o u r c o m p r e n d r e le rôle de modèle puissant
révolution de Juillet 1830. Si la continuité de la Direction joué par le décollage technico-industriel anglais. La copie d u
p e n d a n t la Restauration se remarque, le circuit administratif des maître n e sera cependant pas servile, et l'élève le dépassera parfois
dossiers de travaux publics demeure complexe et long. Après brillamment. Les p o n t s suspendus en forment u n exemple typi-
l'accord des Ponts et Chaussées, il faut encore obtenir ceux, plus que, avec, dès 1 8 2 3 , la modélisation analytique de Navier et, à la
politiques, d u ministère de l'Intérieur, d u Conseil d'Etat, avant de m ê m e époque, le câble de fil de fer fin, doublé d ' u n véritable
parvenir à la signature de l'ordonnance royale. E n a m o n t , les « standard » de la structure légère suspendue, par les Seguin.
choses ne sont pas moins complexes. D e u x administrations E n matière de p o n t s suspendus, la première génération,
m è n e n t des enquêtes parallèles, en principe complémentaires : avec utilisation de chaînes de fer, naît aux Etats-Unis dans u n
Ponts et Chaussées et préfecture, le génie militaire d o n n e aussi son contexte très inventif. E n 1 8 0 1 , la première réalisation est à l'actif
avis p o u r les ponts importants. U n souci réel des intérêts locaux de l ' h o m m e de loi James Finley. Il obtient u n e patente en 1808,
amène de nombreuses consultations et des allers-retours de et vers 1815 u n e vingtaine d'ouvrages suspendus sont déjà réalisés,
dossiers, avec l'avis des conseils municipaux, de l'assemblée principalement en Pennsylvanie. Le plus fameux est celui de la
départementale, voire des chambres consultatives... Rapports et rivière Merrimack, avec u n e portée de 75 m , soit l'équivalent des
enquêtes se multiplient ; lorsque les intérêts e n j e u sont puissants, arches de fonte surbaissées les plus remarquables des anglais,
la C h a m b r e des députés est parfois saisie. c o m m e à Sunderland . 6

Cet envahissement de la procédure administrative, aux C'est à partir de 1814 que naissent plusieurs projets anglais
frontières mêmes de l'innovation technique, va constituer u n e de p o n t s suspendus, t o u t de suite m o n u m e n t a u x . O n trouve à la
autre spécificité française ; garde-fou de l'intérêt public et œuvre source de ces premières études le célèbre ingénieur de travaux
de coordination de l'aménagement d u territoire p o u r les uns, publics T h o m a s Telfort, associé au physicien Barlow. Il s'agit
retard arbitraire et outil de d o m i n a t i o n d ' u n corps d'Etat sur d'essayer de franchir de larges estuaires, ou des bras de mer, chose
l'initiative privée p o u r les autres. C e débat, qui nous occupe jusque-là impensable. La première réalisation de grande enver-
encore si fortement aujourd'hui, s'extériorise clairement à cette gure, sur la M e n a i , est entreprise en 1819, p o u r s'achever en 1826.
époque, dans le cadre des premiers pas de la révolution industrielle La portée centrale atteint 152 m , à 30 m au-dessus des eaux.
en France. Travaux publics et transports sont alors au premier D'autres ouvrages moins ambitieux mais parfaitement adaptés
rang des m u t a t i o n s techniques décisives. aux réalités économiques sont entrepris par Brown, fabricant de
chaînes p o u r la marine, sur la T w e e d en Ecosse, avec U n i o n
L'EXEMPLE ANGLO-SAXON Bridge en 1 8 1 9 - 1 8 2 0 . Seguin verra cet ouvrage anglais en 1 8 2 3 ,
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et s'en inspirera assez explicitement . Le choix d u p o n t suspendu
L'exemple anglais et la découverte, après les événements de léger s'amorce avec cette réalisation. D'autres constructeurs se
1815, de son avance technologique incontestable sur le continent, manifestent, c o m m e Brunei père, que rencontre M a r c Seguin lors
constitue u n élément essentiel d u c o m p o r t e m e n t de n o m b r e u x de son premier voyage. La technique anglaise est basée sur la
ingénieurs, notables et entrepreneurs de la Restauration. Le désir suspension par chaînes formées de « barres à œil » forgées ; des
de s'informer et d'évaluer les réalisation anglaises o u m ê m e essais de barres soudées sont également effectués. Ces pratiques
américaines est puissant. Les volumineux comptes rendus de nécessitent u n excellent niveau des ouvriers forgeurs, u n métal de
voyages en Grande-Bretagne d u baron Charles D u p i n consti- qualité et b o n marché, c'est-à-dire des conditions peu faciles à
tuent u n exemple fameux de ce pôle d'attraction britannique . Il 2
réunir sur le continent, en 1820.
motive d'abord des voyages privés, puis assez vite des missions
parfois très officielles, c o m m e celles de D u t e n s et plus tard de
Marestier p o u r les bateaux à vapeur américains, ou de Navier sur LE GOULOT D'ÉTRANGLEMENT DU
les ponts suspendus anglais . 3
SYSTÈME « PIERRE-BOIS »
Le m o u v e m e n t de traduction d'ouvrages techniques, d'ar-
ticles anglo-saxons, de comptes rendus de réalisations, est très vif. Le système classique de construction des ponts repose soit
L'ingénieur des Ponts et Chaussées Cordier s'y illustre p o u r les sur l'ouvrage en dur, basé sur la pierre, soit sur le p o n t de
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travaux publics , puis son collègue Mellet p o u r les machines à charpente. Le premier a évolué tout au cours des siècles, particu-
e
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vapeur . Des revues se spécialisent dans la traduction, c o m m e la lièrement en France aux XVII et x v i i f siècles. Ces efforts p o u r -
Bibliothèque universelle des Genevois Pictet et de Candolle, dans suivent ceux des ingénieurs italiens de la Renaissance, les premiers
des comptes rendus de réalisations plus o u moins développés avec à explorer le d o m a i n e des voûtes fortement surbaissées, p o u r
le Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, ouvrir le débouché t o u t en abaissant la h a u t e u r d u passage. Les
ou les Annales de l'industrie nationale. T o u t e une information architectes, les ingénieurs c o m m e Gabriel, Mansart, La H i r e ,
technico-économique, souvent spécialisée, parfois à échelle lo- Perronet recherchent l'abaissement d u cintre ou de nouvelles
cale, à l'occasion dans la presse générale, d o n n e des échos de formes c o m m e l'« anse de panier ». Les résultats sont excellents,
l'industrialisation anglaise ou américaine. Par exemple, u n c o m p t e à l'aune d ' u n e architecture ne c o m p t a n t que sur la pierre, et de
r e n d u sur le p o n t s u s p e n d u de Schuylkill River, près de magnifiques réalisations équipent alors la région parisienne, la
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Philadelphie, paraît dès 1817. Loire, etc. .
Le dynamisme de cette information, les échos certains Le p o n t de bois occupe, à côté de ces réalisations prestigieu-
qu'elle recueille jusque dans de modestes entreprises provinciales, ses, u n e place essentielle dans le réseau routier des premières
c o m m e celle des Seguin à Annonay, en 1820, sont u n trait de années d u XIX siècle. T o u t l'oppose au précédent : c'est u n e
e

l'époque. Il faut y ajouter les contacts privés, les achats de œuvre périssable, plutôt fragile, qui nécessite u n entretien régulier
et des réparations fréquentes. Certains constructeurs deviennent Marc, ses quatre frères et u n beau-frère forment le noyau
cependant célèbres à la fin de l'Ancien Régime, c o m m e M o r a n d . d'une société familiale, à Annonay, dans le nord de l'Ardèche, d o n t
U n système mixte connaît u n succès certain, au début d u siècle, l'activité traditionnelle porte sur la fabrication et le négoce des
avec des piles maçonnées classiques et allégées portant des arches ie
draps de laine. L'entreprise Seguin et C a acquis de bonnes spé-
en bois. Il réduit le coût de premier établissement, avec u n cialités c o m m e les feutres de papeterie. Elle cherche à se diversifier,
entretien simplifié. Les Seguin eux-même l'utiliseront avec suc- depuis cinq à six ans, vers des productions mécaniques ou l'industrie
cès, de préférence à u n ouvrage suspendu, p o u r le premier p o n t de agro-alimentaire. Elle est surtout marquée par u n état d'esprit
chemin de fer sur la Saône, entre Perrache et La Mulatière, en tourné vers le marché de l'innovation. Marc, l'aîné, s'est taillé une
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1828-1830 . réputation régionale d'ingénieur en aménagement de chutes d'eau
L'usage de la fonte o u d u fer battu, malgré les célèbres et en innovations mécaniques ; le second frère, Camille, est u n
exceptions parisiennes d u p o n t des Arts (1802) et d u p o n t excellent gestionnaire financier, alors que Jules se spécialise dans
d'Austerlitz (1806), n'a pas de descendance technique directe en la fonderie en région lyonnaise. L'appui d u réseau négociant et
France. Ces matériaux restent chers, dans u n système de production papetier d'Annonay, très actif à l'époque, vient les épauler.
sidérurgique d o m i n é par la fonte au bois, peu apte aux p r o d u c - Le projet consiste à franchir le R h ô n e avec deux travées
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tions massives de qualité régulière . suspendues par des câbles de fil de fer fin, chacune avec u n e
D'autres techniques sont parfois évoquées, c o m m e le p o n t portée de 87 m . Les deux culées et la pile centrale supportent des
de bateaux de Rouen, célèbre par les planches de l'Encyclopédie. portes m o n u m e n t a l e s maçonnées destinées à recevoir les attaches
Mais ce sont des ouvrages peu généralisables, d'usage probable- des suspensions.
m e n t temporaire, q u a n d aucune autre solution n'est possible, et Seguin est u n empiriste qui d o n n e l'impression de procéder
d ' u n e gêne considérable à la navigation. E n l'absence d'ouvrage par expériences successives de dimensions croissantes. O n trouve
d'art, o n utilise le « bac à traille », d ' u n e manière assez généralisée en effet u n e gradation à peu près chronologique de l'importance
dans la m o y e n n e vallée d u R h ô n e par exemple. des réalisations qu'il fait lui-même ou qu'il inspire : la première
Les techniques d u p o n t butent, dans le premier quart d u passerelle sur la Cance (17,5 m ) , à A n n o n a y , dans l'hivers 1 8 2 1 -
e
XIX siècle, sur deux problèmes principaux : le premier est que la 1822 ; le projet de passerelle sur la Galaure à Saint-Vallier, dans
voûte de pierre, qui atteint son apogée, ne peut, en construction la D r ô m e (30 m ) , rédigé en mai 1822 et réalisé en 1824 ; le projet
standard de plaine, guère dépasser les 3 0 - 3 5 m , malgré les progrès de passerelle à deux travées sur les fossés de Genève (23 m et
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de la période classique ; l'autre est celui des coûts, et l'idéal d u 3 3 , 5 0 m ) , élaboré lors d u voyage de décembre 1822 et construit
p o n t de pierre définitif, défiant les siècles, devient financièrement 14
par Dufour dans l'été de 1823 ; enfin le p o n t de T o u r n o n - T a i n
impensable dans beaucoup de cas, tant p o u r les fonds publics q u e sur le Rhône, achevé en août 1825, sur u n projet définitif de
p o u r le capitalisme privé. Les difficultés rencontrées p e n d a n t près novembre 1822.
de quinze ans p o u r achever le p o n t de Bordeaux, aboutissement Mais en réalité u n premier projet sur le R h ô n e , tout à fait
de la technique classique, illustrent ce goulot d'étranglement. complet, avec l'idée des câbles de fil de fer fin, est déposé aux Ponts
et Chaussées de l'Ardèche dès mars 1822. L'expérience de la
LE PROJET DE PONT SUSPENDU Cance constitue u n premier essai pratique des fils de fer, en
préambule au dossier d u grand p o n t . Les deux autres projets
À TOURNON-TAIN, LE CÂBLE DE FIL correspondent à des c o m m a n d e s , d o n t une des savants genevois
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DE FER FIN Pictet et Candolle, enthousiastes après leur visite à Annonay, et
qui, les premiers, publient u n c o m p t e rendu de l'ouvrage de la
L'aménagement d u R h ô n e moyen a été délaissé p e n d a n t Cance. Ces projets intermédiaires sont en fait de modestes
très longtemps. D e p u i s cinq siècles aucune construction en d u r passerelles et servent à confirmer des idées de Seguin. Le p o n t de
n'a été réalisée. E n 1820, le franchissement d u fleuve par des ponts Genève vérifie, avec Dufour, le bien-fondé de l'usage des fils de
est fort rare, et son é q u i p e m e n t peut être considéré c o m m e fer. Le projet sur la Galaure qui tarde à se concrétiser peut tout de
e
n e t t e m e n t inférieur à celui de la fin d u XIII siècle ! Seuls subsistent m ê m e , en mai 1824, « servir d'essai relativement à la grande
le p o n t de la Guillotière à Lyon et l'ouvrage des frères pontifes à construction de T o u r n o n », principalement p o u r la pose des
Saint- Esprit. Le p o n t romain de Vienne, malgré des siècles de suspensions et la structure d u tablier.
rafistolage, a définitivement rendu l'âme, et celui de Saint- La longueur apparente de la procédure administrative doit
Bénezet n'a pas survécu à la fin des papes en Avignon et aux fureurs généralement se distinguer d u débat technico-scientifique entre
d u fleuve. Il est cependant remplacé par u n formidable ouvrage en les Seguin et les Ponts et Chaussées. Mais la décision finale des
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charpente de 600 m . U n p o n t de bateaux est déployé à Beaucaire, Ponts et Chaussées et d u Conseil d'Etat, p o u r T o u r n o n - T a i n , a
au moins au m o m e n t de la célèbre foire d'été. C'est tout, et c'est d é p e n d u très directement de l'accord scientifique de l'Institut,
bien peu, p o u r le R h ô n e moyen, sur environ deux cents kilomètres qui entend l'aîné des Seguin en septembre 1823.
en aval de Lyon.
M a r c Seguin se lance assez b r u s q u e m e n t dans le projet d ' u n
p o n t suspendu sur le R h ô n e , à T o u r n o n - T a i n , précisément au
centre de cette zone délaissée, dans l'hiver de 1821-1822. Il est Ci-contre :
encouragé et m ê m e sollicité par l'ingénieur local des Ponts et
(1) : Planche originale du pont de Tournon-Tain sur le Rhône, publiée dans le livre
Chaussées, Plagniol, qui l'aide à rédiger le premier dossier tech- de Seguin Des ponts en fil de fer, 1824 ; deux travées de 87 m.
nique et lui d o n n e de multiples renseignements sur les travaux
(2) : Les ponts du Rhône moyen et inférieur, avant et après le pont suspendu Seguin,
publics. A u c u n ouvrage de ce type n'a encore été construit, ni er e
1 : en 1824, 2 : en 1831, d'après le rapport Vicat « Ponts suspendus sur le Rhône »,
m ê m e envisagé, en France ou sur le continent européen. Annales des Ponts et Chaussées, vol 1, 1831, p.93.
LES P O N T S DU R H O N E M O Y E N HUIT P O N T S S U S P E N D U S
ET INFÉRIEUR V E R S 1820 C O N S T R U I T S S U R LE R H Ô N E
DE 1825 A 1831

Pont de 1» Gui M o l i è r e
(Innocent V. fin XIII*) LYON
Pont de bois Morand (1775)
VIENNE
2 o u v e r t u r e s de 8S »

- I - Le pont ronain de Vienne, longtemps r a f i s t o l é


au r.cyen Age, n ' e x i s t e plus au XIX*. 2 ouvertures de 87 t*
- 2 - A i l l e u r s le passage s ' e f f e c t u e :
par des bacs à " t r a i l l e s " ; VALENCE
de p e t i t s bateaux pour les p i é t o n s ;
voir des gués aménagés (La Roche de Glun). 2 ouvertures de l )7 tu

Pont de p i e r r e des "frères pontifes"


(dé>ul.X!V)

Pont teuporaire de.bateaux AVIGNON gigantesque pont de b o i s , (6autriey),


pendant la f o i r e le pont St-Béne:et e s t effondré. BEAUCAIRE-TARASCOM,.
BEAUCAIP.S < ouvertures:
FOURQUES ( s u r l e P e t i t Rhône) - 2 c e n t r a l e s de 120 »
2 o u v e r t u r e s de 70 n - 2 l a t é r a l e s de 91 «

Médi terrsinée
Méditerranée
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LE CHOIX DES FILS DE FER blablement de l'automne 1822, q u a n d le projet définitif se met en
place, à l'été 1823, lorsque l'aîné achève le manuscrit de son livre
Le choix des fils de fer en faisceaux parallèles apporte la Des ponts en fil defier. Les produits des principaux maîtres de forges
première véritable invention de Marc Seguin. Plagniol, son de Franche-Comté, spécialisés dans le fil de fer, sont testés. Les
collaborateur du premier dossier rhodanien, la revendiquera Seguin essaient d'en entraîner quelques-uns dans des essais de
tardivement. O n peut envisager une naissance de l'idée dans les tirage à la filière, mais en vain.
discussions entre les deux h o m m e s . L'attitude expérimentale de Seguin est assez originale pour
Un Fait retient l'attention : le choix des fils de fer est l'époque, elle tranche avec les habitudes d'essais en résistance des
intrinsèquement lié aux divers projets. C'est un thème initial, matériaux. O n étudie pour l'essentiel le fer en compression et en
fondateur de la technique, et Seguin y reste fidèle malgré les fortes 17
flexion . Le métal reste pour l'essentiel un matériau de substitu-
pressions des Ponts et Chaussées pour utiliser des chaînes à tion au bois ou à la pierre. O n exprime en général des moyennes,
l'anglaise : « L'emploi des chaînes nous éloignerait tellement de dans les performances mécaniques, que l'on a tendance à minorer
nos calculs que l'excès de dépense que cela nous occasionnerait pour des raisons de sécurité. La mise en avant des facteuts de qualité
rendrait la chose mauvaise de b o n n e qu'elle est » Les forgerons est surtout celle des savoir-faire régionaux des maîtres de forges.
aptes à réaliser une suspension de chaînes forgées sont rares. Seguin Seguin étudie systématiquement la charge de rupture,
se méfie également de la qualité des fers qu'il trouve sur le marché. ramenée au millimètre carré de section, qu'il n o m m e « ténacité »
Les barres du commerce seront-elles bien homogènes ? T o u t d u fil. Il repère également les paramètres d'allongement et de
l'édifice ne risque-t-il pas d'être à la merci d'une simple paille ? Au déformation n o n élastique. Il étudie point par point l'influence
départ, le choix des fils de fer n'a rien de scientifique. U n souci du diamètre du fil sur la ténacité.Il en c o m p r e n d l'origine dans la
d'économie et de plus grande facilité de mise en œuvre le guide, fabrication à la filière : « J'ai cru pouvoir en conclure que le fer
ainsi que de l'atténuation du risque par une multitude de brins. soumis au tirage éprouve dans l'arrangement de ses cristaux une
L'autre problème, lié au câble en faisceau, est celui de modification à laquelle est due sa plus ou moins grande ténacité . » 18

l'oxydation, et Seguin en a également conscience rapidement. Il Les modes de production d o n n e n t la meilleure résistance
teste des bain d'huile chaude, enrichis de litharge ou d'autres du fil de fer p o u r 3 m m de diamètre, car c'est le dernier passage
produits réputés anticorrosifs dans lesquels les fils sont plongés à à la filière sans réchauffage, d o n c sans recuit annulant le traitement
plusieurs reprises avant d'être assemblés. Il prévoit ensuite u n de surface d u tirage. La performance de ce fil « n° 18 » est de près
goudronnage du câble installé. 2
de 80 kg par m m , soit le double de la charge de rupture des fers
L'étude de la résistance à la traction devient u n véritable 19
forgés admise à l'époque, ou des fils recuits . N o t o n s que les études
p r o g r a m m e d'étude expérimental des fils commerciaux, vraisem- de Dufour d o n n e n t à peu près les mêmes résultats, et donc les
mêmes modes de production, p o u r les fils de fer suisses . 20
cement de l'ouvrage, guidé par la rive droite exposée au courant,
Cette étude met n o n seulement en évidence le rôle de résout une partie d u problème grâce à u n e barre granitique à fleur
Seguin dans l'établissement d'une science expérimentale de la d'eau à l'étiage. Le problème demeure entier p o u r la pile centrale,
résistance des matériaux, mais elle confirme le bien-fondé d'uti- avec u n épais fond de gravier, et dans u n e m o i n d r e mesure p o u r
liser le câble de fil de fer fin c o m m e suspension. Le premier aspect la culée de rive gauche, moins exposée. C'est bien le problème
est pleinement reconnu par l'Institut, après la présentation des principal, u n e fois la question des suspensions réglée. Le R h ô n e ,
résultats, le 15 septembre 1823. Le rapport encourage fortement en effet, ne permet pas d'employer les techniques traditionnelles
Seguin à poursuivre dans cette voie expérimentale. d u batardeau étanche avec épuisement, en raison de son courant
L'étude des fils de fer et la réalisation pratique des suspen- brutal et de son niveau rapidement variable. Pour les mêmes
sions forment la part centrale du livre Des ponts en fil de fer. C e raisons, o n ne peut envisager le caisson progressivement immergé.
n'est cependant pas la seule innovation autour de la construction La solution des Seguin fait appel à u n e spécificité régionale,
d u p o n t suspendu sur le R h ô n e , m ê m e si le livre est parfois discret, avec les chaux naturellement hydrauliques d u Teil, à u n e cin-
car tout n'a pas été simple. quantaine de kilomètres au sud de T o u r n o n , sur les bords d u
fleuve. C'est déjà u n Lafarge qui les exploite à cette époque. La
prise sous l'eau de bétons à la chaux d u Teil est déjà en usage dans
LE CHANTIER : la vallée d u R h ô n e , où elle semble u n savoir-faire ancien.
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INNOVATIONS EN GRAPPE Pour utiliser le béton hydraulique directement coulé dans
l'eau, il faut d'abord réaliser u n « encrêchement », sorte de
Le chantier se met en place au p r i n t e m p s de 1824, après coffrage sous l'eau. Il mobilise les énergies d u chantier d u r a n t tout
l'ordonnance royale de concession, en date d u 2 2 janvier de la le premier été : o n bat les pilots à partir d ' u n p o n t de service fixe,
m ê m e année. Le retard semble d û à des difficultés locales de les paleplanches d'intervalle suivent. Enfin, les charpentiers, à
dernière m i n u t e , alors que le délai prévu p o u r la construction est l'aide d'une cloche mise au p o i n t par Seguin, « recèpent » (met-
ie
de dix-huit mois. Seguin et C assure la responsabilité technique tent à niveau) et « moisent », sous le niveau des eaux, le dispositif.
et le financement d u p o n t . L'enjeu est de taille p o u r la famille qui C e travail difficile engendre des tensions entres les ouvriers
engage tout son crédit dans l'affaire ; aucune erreur n'est permise. charpentiers et Seguin.
E n contrepartie, u n péage lucratif, sur la base de quatre-vingt-dix-
neuf ans de concession, assurera le départ de la fortune familiale.
Les difficultés majeures sont de fonder la pile au milieu d u Ci-dessus : demi-coupe desfondations de la pile, pont de Tournon- Tain, 1824-1825,
R h ô n e et d'éviter l'affouillement des culées. Le choix de l'empla- restitution.
recherche de l'efficacité. La suggestion venant de l'ouvrier a
TENACI TE
a
autant de valeur, a priori, que celle de l'ingénieur. C'est la réalité,
en k g / m m
l'épreuve des faits, qui tranche.
Cet amalgame progressif d'idées, la réalisation d'outils au
fur et à mesure des besoins, u n e réflexion p e r m a n e n t e sur l'orga-
nisation des gestes de chacun et d u groupe d o n n e n t u n ensemble
d y n a m i q u e et adaptable. Il y a rassemblement de multiples
innovations déjà utilisées plus ou moins isolément. Le résultat d u
chantier est d'abord u n e pile au milieu du R h ô n e , u n e première
depuis cinq siècles ! C'est ensuite u n e nouvelle manière de fonder,
avec coulée directe de béton hydraulique jusqu'à l'étiage ; puis,
seulement après, u n bâti de pierres de taille.
Il faut ajouter l'usage de longues tiges de fer horizontales ou
verticales, dans la masse intérieure de béton de la pile et des culées.
Elles lient les parements extérieurs de pierre avec le noyau central
de béton dans u n premier temps. Elles renforcent aussi l ' h o m o -
des fers de 1'époqu généité de la construction destinée à recevoir ensuite les suspen-
sions. Voilà u n usage précurseur du béton armé !
La conception d u tablier est très intéressante elle aussi.
Seguin redoute, à juste titre, les oscillations verticales. Il attend,
surtout p o u r cette raison, les expérimentations de la passerelle de
la Galaure. Ses idées s'appuient sur la légèreté maximale des
suspensions, grâce au câble de fil de fer fin, et sur u n tablier de bois.
La rigidité doit provenir de la structure et n o n de la masse, c o m m e
chez Telford ou Navier. Soulignons l'originalité de ce point de
vue qui forme le c o m p l é m e n t naturel de la légèreté apparue à
DIAMETRE DU FIL U n i o n Bridge, et préfigure les treillis. Le chantier de Seguin
m o n t r e qu'il plonge directement ses racines dans les traditions des
charpentiers. Le parapet en croix de Saint-André est judicieusement
renforcé, puis solidement fixé aux lisses inférieures du platelage
Le dragage constitue l'opération suivante, afin de placer le par de grands boulons de fer. La travée en U assure une assez
niveau inférieur de la dalle de béton assez profondément dans le b o n n e rigidité avec u n m i n i m u m de matière, mais l'ensemble
gravier. Seguin le redoute beaucoup, et la fabrication de dragues tablier-suspension reste cependant déformable au passage de la
mues à la main à partir de bateaux, puis la mise au p o i n t des charge, jusqu'à 30 cm aux essais.
manœuvres l'occupent longuement. L'opération s'avère plus U n e structure « en berceau » des cordes de suspension, avec
facile que prévu, en raison de la nature des graviers à cet endroit. une légère courbure vers l'intérieur des câbles, complète par la
U n e n r o c h e m e n t extérieur, après dragage, termine la phase de suite le standard de construction d u p o n t suspendu Seguin qui va
préparation : il formera u n e défense de la dalle de béton tout en se diffuser et s'améliorer progressivement, dans toute l'Europe
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assurant la contrebutée d u coffrage au m o m e n t de la coulée. continentale, jusqu'en 1850 .
La préparation des bétons va nécessiter toute une organisa-
tion p o u r pouvoir atteindre des productions en rapport avec les
3
besoins : plus de 500 m sont nécessaires aux fondations. Cette DÉBATS ET MODÉLISATION DU PONT
tâche de production et de mise en place d u béton occupe à elle SUSPENDU
seule la majorité des 2 0 0 ouvriers et m a n œ u v r e s d u chantier, dès
septembre. U n e bétonnière horizontale est mise en place, après Dès son premier rapport d u printemps de 1822, Navier
l'accident de la crue du R h ô n e du 3 novembre 1824. Cette colère impose u n débat à Seguin sur l'usage d u fil de fer comparé à celui
destructive d u fleuve entraîne une révision assez fondamentale des des chaînes. Seguin est obligé de se justifier p o u r obtenir la
méthodes d u chantier, vers plus de mécanisation et plus de concession de l'ouvrage, et il met clairement en évidence l'avantage
simplicité. Les p o n t s de services disparaissent au profit de p o n t o n s des faisceaux de fil de fer sur les chaînes anglo-saxonnes.
flottant, la production de béton augmente n e t t e m e n t alors que les O n trouve dès lors en France deux écoles p o u r les suspen-
effectifs de manœuvres décroissent. sions. N o u s avons vu la lignée de Seguin et de son émule Dufour,
Les couches successives sont d ' u n e trentaine de centimètres les premiers à entrer en action dès 1 8 2 2 - 1 8 2 3 . L'usage des chaînes
à chaque coulée. Diverses méthodes de coulée sont essayées, c'est se fait, vraisemblablement p o u r la première fois en France, en
celle d u « camion de monsieur Vicat » qui s'impose. 1824, avec la passerelle de la propriété de l'industriel Delessert, en
L'ensemble des techniques utilisées m o n t r e l'esprit de ras- région parisienne. Navier conduit u n vaste projet parisien aux
semblement d'idées, de savoir-faire, venus d'horizons différents. Invalides, avec u n e portée de 150 m . Les travaux débutent en août
Seguin sait parfaitement s'entourer, c o m m e avec l'ingénieur 1824, les chaînes se posent dans l'été de 1826, p o u r être ensuite
Plagniol puis l'architecte Thévenet ; mais aussi avec des ouvriers retirées. L'ouvrage ne sera jamais achevé, et les causes accidentelles
capables et fidèles, ou des c o m p a g n o n s de haute compétence. Le et financières bien réelles de son échec ne peuvent totalement faire
dialogue semble la règle, et il n'y a pas de protocole social dans la oublier sa conception m ê m e de « p o n t lourd ». Plus significative,
p o u r les possibilités de la technique des chaînes forgées en France, exercées sur les supports, en haut des structures maçonnées. Il
est la réussite à Grenoble, en 1825-1827, d u p o n t d u Drac conçu étudie u n cas précis à l'aide d ' u n e m é t h o d e basée principalement
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par le brillant ingénieur en chef de l'Isère, C r o z e t . 23
sur la géométrie et le calcul n u m é r i q u e .
Dans les années suivantes, le débat se poursuit de manière Il ne poursuit cependant pas dans la voie théorique. Pour
plus indirecte, avec par exemple la défense des chaînes par le maître lui, les mathématiques ne sont q u ' u n e technique de prévision
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de forge Emile Martin . Le succès des câbles de fil de fer fin est parmi d'autres, sans rôle privilégié, ni dévalué d'ailleurs. Il a
assuré par les collaborateurs plus ou moins directs de Marc Seguin : toujours soin de distinguer le mathématicien, qui a le loisir
son frère Jules, ses associés Mignot d'Annonay, l'ingénieur Chaley, d'aborder de multiples problèmes abstraits ou généraux, d u
son client Quenot... N o t o n s que personne ne dépose de brevet de constructeur absorbé par les tâches pratiques. O n touche là à u n
p o n t au cours de cette période initiale, à l'exception de Barrés du débat indirect sur la formation des ingénieurs et sur la responsa-
Mollard, technicien un peu fantaisiste qui sera obligé d'abandonner bilité de l'entrepreneur. Seguin est u n e des premières grandes
sa concession de Valence à Jules Seguin. figures d'ingénieur civil, partiellement autodidacte, mais en fait
D e manière plus souterraine, u n autre débat oppose Navier m a r q u é par les traditions d u Conservatoire des arts et métiers
et Seguin, à propos d u modèle du p o n t suspendu. Il se ramène à acquises au contact de son grand-oncle Joseph Montgolfier.
deux aspects principaux : le modèle mathématique, et les principes
physiques autour d u p o n t suspendu. LE STANDARD DU PONT SUSPENDU
C o n t r a i r e m e n t aux impressions d'ignorance mutuelle lais-
sées par les écrits officiels des deux h o m m e s , ils se connaissent par
LÉGER
les projets de l'un et les rapports de l'autre. La critique d u
Le modèle d u p o n t suspendu Seguin n'est pas de type
professeur de l'Ecole des ponts et chaussées pousse l'Annonéen à
théorique général et préalable à la construction, c o m m e l'exprime
plus de rigueur, à une recherche m é t h o d i q u e . La qualité de ce
Navier. C'est u n modèle technologique qui se dégage et s'affine
débat technologique est à souligner. Navier est interrogé par la
au fur et à mesure des réalisations pratiques en synthétisant
nature m ê m e d u projet de Seguin, si radicalement opposée à son
l'ensemble des innovations acquises, de la plus prestigieuse à la
approche. Il n'est pas impensable, qu'il développe, à son tour, la
plus simple. Il s'agit d u p o n t suspendu léger, à rigidité de structure
théorie analytique d u p o n t suspendu basée sur l'hypothèse para-
et à suspension par câble de fil de fer fin. Les apports p o u r réaliser
bolique, p o u r affirmer son autorité face à u n rival potentiel. Les
les fondations et les superstructures maçonnées forment u n e sorte
critiques directes de Navier sont cependant très physiques : elles
d'option, systématiquement utilisée dans la vallée d u R h ô n e et
portent sur l'oxydation c o m m e nous l'avons vu, mais aussi sur
l'inégale tension des brins d u câble, sur le m o m e n t de renversement
des culées, sur les attaches des suspensions, les ancrages, etc.
D e son côté Seguin, n'est pas u n p u r empiriste dépourvu de Ci-contre : l'étude expérimentale des fils de fer, la mise en évidence d'une meilleure
toute idée m a t h é m a t i q u e . Dès son premier projet, il a u n e vision résistance au millimètre carré des fils de fer, par traitement de surface dans le passage
à la filière, fonde la supériorité du câble de fer sur les chaînes ; Seguin, 1822-1823.
personnelle théorique d u problème, basée sur la courbe chaînette.
Il en déduit fort correctement la longueur d u câble et les tensions Ci-dessus : le pont Seguin à Tournon.
ensuite généralisée par les ciments artificiels de Vicat. Notes
La réussite, dans le sud-est de la France en particulier, fut
1. Claude Navier, Rapport et mémoire sur les ponts suspendus, première
très rapide après l'ouverture en août 1825 d u p o n t de T o u r n o n -
édition, Paris, 1823 ; seconde édition, Paris, 1830, avec une notice descriptive du
T a i n . C e dernier fut u n succès financier immédiat. Estimé dans projet des Invalides. Pour l'histoire de l'Ecole des ponts et chaussées : Antoine
les devis officiels à près de 2 0 0 0 0 0 francs, il n'a sans d o u t e coûté Picon, thèse ENPC, 1991.
guère plus de 150 0 0 0 francs, ce qui est u n prix très bas si on le
2. Charles Dupin, Voyages de la Grande-Bretagne entrepris relativement aux
compare à ceux des ponts de pierre ou m ê m e des ponts suspendus services publics de la guerre, de la marine et des Ponts et Chaussées en 1816, 1817,
à chaînes de fer forgé. Son revenu approche 50 0 0 0 francs dès la 1819 et 1820, Paris 1821-1824, 5 vol.
première année, soit u n retour d u capital investi en trois ans ! 3. Dutens, Mémoire sur les travaux publics de l'Angleterre, Paris, 1818 ;
Le rapport de l'ingénieur Vicat, en 1 8 3 1 , porte déjà sur huit Marestier, Mémoire sur les bateaux à vapeur des Etats-Unis d'Amérique, Paris, 1824 ;
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ponts d u Rhône, entre Lyon et la Méditerranée . Les portées vont Navier, op. cit. première partie.

de 7 0 à 120 m par travée. La comparaison avec d'autres réalisa- 4. J. Cordier, Histoire de la navigation intérieure de la France, de l'Angleterre
tions ou projets contemporains m o n t r e u n sensible avantage et des Etats-Unis, Paris, 1818-1821, 2 vol.
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technique procuré par le câble . 5. Thomas Tredgold, Traité des machines à vapeur, traduction et notes de
Bien entendu, et en dépit de son succès très rapide, le p o n t Mellet, Paris, 1828.
suspendu n'est pas sans défauts. 6. De nombreux ouvrages et articles aux Etats-Unis, par exemple : Emory
En pratique, si la réalisation ou l'entretien des câbles est L. Kemp, « Long span suspension Bridges : History and performance », ASCE
médiocre, l'oxydation p e u t devenir dangereuse. Et en 1 8 3 1 , déjà, National convention, n° 70-78, Boston 1978, pp. 1-31.

Vicat dresse sous cet angle u n e critique assez vive des suspensions 7. Seguin Aîné, Des ponts en fil defer, première édition, Paris 1824 ; Paris,
de plusieurs ouvrages rhodaniens. 1826, p. 31.

La résonance d u tablier est le problème fondamental, 8. Fritz Leonhardt, Ponts/Puentes, l'Esthétique des ponts, Presses polytech-
lorsqu'une sollicitation extérieure se répète à une fréquence niques romandes, 1986 ; Jean Mesqui, le Pont en France avant le temps des ingé-
nieurs, Picard, Paris, 1986.
proche de la fréquence propre de la structure en suspension.
Seguin, dès ses premiers essais, perçoit bien l'existence d ' u n 9. Archives nationales, F 14 9032.
danger, et il p r e n d des mesures préventives en d é m o n t a n t la 10. Bertrand Lemoine, « L'origine des ponts métalliques en France»,
passerelle de la Cance, ou en interdisant dès 1826 de marcher au Annales des Ponts et Chaussées, n° 19, nouvelle série, 1981, pp. 44-52.
pas sur le p o n t de T o u r n o n . La fréquence de résonance des tabliers
11. Jean Mesqui, op. cit., pp. 161-215 ; J.R. Perronet (l'œuvre de), Bâtir
légers de 80 à 100 m est en effet proche d u pas h u m a i n . Navier, des ponts au xvnf siècle, ENPC, Paris, 1987.
de son côté, d o n n e d'élégantes solutions aux problèmes d y n a m i -
12. Archives départementales de l'Ardèche, S 30-12 et 41 J, pièces 27,
ques de la structure en utilisant l'analyse de Fourier. Il en décrit 33(2), 51, 95, 211, 234, principalement ; Michel Cotte, « Seguin et C (1806- ie

les modes oscillants, mais ne prévoit pas le danger physique de la 1824), du négoce familial du drap au pont suspendu de Tournon-Tain », History
résonance, sans d o u t e par m a n q u e de réalisation pratique. Son and Technology, 1988, vol. 6, pp. 95-144.
o p t i o n d u p o n t lourd déplace le problème vers les basses fréquen- 13. E.M. Gauthey, publié par Navier, Œuvres de Gauthey, Paris, 1809, t. 1.
ces, mais ne le supprime pas. D e fait, les terribles accidents des
14. Dufour, Description du pont suspendu en fil de fer construit à Genève,
années 1850, à La Basse-Chaîne à Angers, ou à La Roche-Bernard, Genève Paris 1824 ; R. Wagner et R. Egermann, Die ersten Drahtkabelbriicken,
sur l'estuaire de la Vilaine, briseront net cette première période de Werner-Verlag, Diisseldorf, 1987, pp. 137-157 ; Tom F. Peters, Transitions in
développement d u p o n t suspendu. Engineering, Guillaume Henry Dufour, Birkhàuser, Basel, Boston, 1987.

Enfin, dans les réalisations d ' E u r o p e continentale, le tablier 15. Archives départementales de l'Ardèche (A.d.A), 41J, pièces 22,23,27,
n'est pas assez rigide p o u r permettre le passage du chemin de fer. 30, 51, 106, 189, 210 principalement.

Cette raison structurelle vient renforcer de manière déterminante 16. A.d. Ardèche, 41 J, 270-4 bis, correspondance de Seguin aîné à sa
le déclin brutal de la première génération des ponts suspendus, femme, septembre 1823.
dans les années 1850. Il faudra attendre le succès des ponts 17. Duleau, Essais, théorie et expériences sur larésistance des fers forgés, Paris, 1820.
américains, c o m m e le Brooklyn Bridge des Roebling à la fin d u
18. Seguin aîné, Des ponts enfilde fer, première édition, Paris, 1824,p. 36.
siècle, et le câble torsadé d'Arnodin en France, p o u r que l'on
2

restaure valablement les survivants et q u ' u n e nouvelle génération 19. Soit environ 800 N/mm .

de ponts suspendus voie le jour... 20. Dufour, op. cit.

21. Michel Cotte, « Le système technique des Seguin en 1824-1825 »,


History and Technology, 1990, vol. 7-2, pp. 119-147.

22. D. Amouroux et B. Lemoine, « L'âge d'or des ponts suspendus en


France, 1823-1850 », Annales des Ponts et Chaussées, n° 19, nouvelle série, 1981,
pp. 53-63 ; Marcel Prade, Ponts et viaducs au XIX siècle, Brissaud, Poitiers, 1988.
e

23. Archives départementales de l'Isère, 1 S 4-28.

24. Emile Martin, Du fer dans les ponts suspendus, Paris, 1829.

25. Michel Cotte, « L'approche mathématique du pont suspendu chez


Marc Seguin, 1822-1826 », Revue d'histoire des sciences, en cours de publication.

26. Vicat, « Ponts suspendus en fil de fer sur le Rhône », Annales des Ponts
et Chaussées, 1831, pp. 93-143.

27. Michel Cotte, article cité, History and Technology, 1990, pp. 140-144.

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