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Parmi ces libertés individuelles figurent la liberté créatrice appelée

"droit d’auteur" qui se traduire après la consécration d’une protection


juridique en tant que propriété littéraire et artistique. Compte tenu des
nouvelles exigences de l’Etat de droit et celle de la démocratie, la
protection de la propriété littéraire et artistique, constitue, désormais,
l’un des droits subjectifs consacrés et protégés dans les différentes
conventions internationales et les diverses législations. En effet, la
réglementation de cette propriété, en tant que droit, garantit à chaque
personne de propager ses idées et ses opinions sans avoir des
menaces ou des atteintes à leur encontre. Le cadre juridique de cette
liberté créatrice offre la possibilité au créateur ou à l’auteur d’œuvre
d’une part, de tirer profit de sa créativité et d’autre part, de la protéger.
La propriété littéraire et artistique appelée encore ‘’droit d’auteur’’ est
constituée par l’ensemble des droits que la loi reconnait à l’auteur
d’une œuvre littéraire, culturelle, scientifique ou artistique originale.
Parmi ces œuvres, l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi n°  94-36 du 24
février 1994 relative à la propriété littéraire et artistique cite les œuvres
écrites ou imprimées telles que les livres, les compositions musicales
avec ou sans paroles, les œuvres photographiques, les œuvres
cinématographiques, les œuvres inspirées du folklore, les logiciel, les
cartes, les sculptures de toutes sortes, les œuvres d’architecture. La
liste des œuvres sur lesquelles porte le droit d’auteur n’est pas
limitative.
La protection de la propriété littéraire et artistique a été règlementée,
en Tunisie avant même le protectorat français par la loi du 15 juin
1839. Cette loi a été remplacée par la loi n°12 du 14 février 1966 qui a
régi le domaine du droit d’auteur jusqu’à son abrogation par la loi n°  36
du 24 février 1994 qui a été par la suite modifiée et complétée parla loi
n°33 du 23 juin 2009.
La protection du droit d’auteur suppose que tous les éléments
s’accordent pour assurer sa sécurité dans le monde réel et virtuel.
Face à la prolifération des atteintes, surtout de la contrefaçon,
menaçant les droits d’auteur, la législation tunisienne a-t-elle réussi à
élaborer un corpus de règles juridiques à la fois efficace et optimal
susceptible de protéger la propriété littéraire et artistique ?
Toute œuvre peut être protégée par le droit si elle répond à certaines
conditions. Il convient alors de s’interroger sur les conditions de la
protection d’une œuvre(I).
Il convient d’étudier également la consécration des droits d’auteur pour
qu’un créateur puisse exploiter son œuvre et la protéger contre toute
atteinte (II).
I/ Les conditions de la protection d’une œuvre.
La loi n° 36 du 24 février 1994 relative à la propriété littéraire et
artistique telle que modifiée par la loi n° 33 du 23 juin 2009, a pour
objectif de constater qu’une seule condition est exigée pour que
l’œuvre soit protégée par le droit d’auteur à savoir l’originalité de la
forme (section 2) ; ce qui permet de déduire que certaines conditions
ne sont pas exigées. Ce sont des conditions négatives (section 1).
Section 1 : Les conditions négatives.
La protection d’une œuvre par le droit d’auteur ne nécessite
l’accomplissement d’aucune formalité (SS 1). L’œuvre est protégée
quels que soient sa valeur, la destination, son mode ou sa forme
d’expression ( SS 2).
Sous-Section 1  : La protection de l’œuvre sans l’accomplissement de
formalités.
L’absence de formalités est constatée d’une manière implicite dans la
loi de 1994 qui ne prévoit aucune condition de forme, pour que l’œuvre
soit protégée par le droit d’auteur. C’est la loi de 2009 complétant celle
de 1994 qui a confirmé cette règle dans l’article 18 (nouveau)  : « la
protection est accordée à l’œuvre du seul fait de sa création ».
La Convention de Berne prévoit que la protection des droits d’auteurs
n’est subordonnée à aucune formalité. L’article 5 alinéa 2 de la
Convention de Berne dispose que : « La jouissance et l’exercice de
ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité   ; cette jouissance
et cet exercice sont indépendants de l’existence de la protection dans
le pays d’origine de l’œuvre. Par suite, en dehors des stipulations de la
présente Convention, l’étendue de la protection ainsi que les moyens
de recours garantis à l’auteur pour sauvegarder ses droits se règlent
exclusivement d’après la législation du pays où la protection est
réclamée. »
Le premier alinéa est clair : La protection des droits d’auteurs et leur
équivalents étrangers existent dès la création de l’œuvre, sans
qu’aucune formalité n’ait été accomplie. Le second alinéa est
l’interprétation qui en a été effectuée notamment aux Etats-Unis
affaiblissant considérablement la force du premier.
Sous-Section 2  : La protection de l’œuvre quels que soient sa valeur,
sa destination son mode de création ou sa forme d’expression.
Conformément à l’article 1er de la loi de 1994, la protection légale
d’une œuvre est indépendante de toute considération de la valeur de
l’œuvre dans le ses que si l’œuvre est originale, elle sera protégée par
le droit d’auteur même si elle est mauvaise, courte, laide dangereuse,
inutile ou sans aucune importance.
La protection légale est également indépendante de toute
considération de la destination de l’œuvre. L’œuvre peut avoir un but
esthétique (ex. tableau) ou un but utilitaire (ex. un ouvrage). Elle est
protégée en tant qu’une œuvre d’art pur (ex. un poème, un tableau) ou
d’une œuvre appliquée à l’industrie (un modèle ou un dessin
industriel).
L’auteur d’un dessin ou modèle industriel non déposé ne peut invoquer
la protection par la loi sur les dessins ou modèles industriels, mais il
peut invoquer la protection par la loi sur le droit d’auteur dès lors que
le modèle s’avère original. Le titulaire d’un modèle industriel déposé
peut cumuler la protection de son modèle par le droit d’auteur pour
protéger l’œuvre dans la période précèdent le dépôt du dessin ou
modèle industriel ou suivant l’expiration de sa durée de protection (un
dessin ou modèle industriel est protégé pour une période de 5, 10 ou
15 ans au maximum selon la loi des dessins ou modèles industriels).
De plus, la protection légale est considérée indépendante de toute
considération du mode de création de l’œuvre puisqu’il importe peu
que la création ait été réalisée par les mains ou à l’aide des
instruments ou outils comme l’ordinateur dès lors qu’elle implique une
intervention humaine, et un choix de l‘auteur, amenant à la création
d’œuvres originales et donc protégeables.
Enfin, la protection légale est indépendante de toute considération de
la forme d’expression de l’œuvre. L’œuvre peut être écrite tel un livre
ou un roman, comme elle peut être orale tels qu’une conférence ou un
cours d’université
La non considération de la forme d’expression n’écarte pas l’exigence
d’une forme car sans forme, il n’y a pas de création.
Section 2 : Les conditions positives.
Tant que les conditions positives sont d’exigence primordiale pour la
création littéraire et artistique, pour cette raison, on va se concentrer,
d’une part, sur l’exigence d’une création (SS 1) et d’autre part, sur
l’exigence d’une création originale (SS 2).
Sous-Section 1  : L’exigence d’une création.
L’exigence d’une forme suppose la non protection des simples idées.
Le droit d’auteur ne protège pas les idées mais seulement la forme
dans laquelle celles-ci sont exprimées. On entend par idée : « la
représentation d’une chose de l’esprit, une manière de voir, une
conception de l’esprit ».
L’idée elle-même peut être librement reprise par un tiers sans que
celui qui l’avait formulée en premier puisse prétendre avoir sur elle un
monopole. La loi de 2009 a ajouté un paragraphe à l’article 1er de la
loi de 1994 qui prévoit que « la protection au titre du droit d’auteur
s’étend aux expressions et ne couvre pas  :
  les idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts
mathématiques, en tant que tel.
  Les textes officiels d’ordre législatif, administratif ou judicaire et leurs
traductions officielles.
  Les nouvelles du jour ou les faits divers qui ont le caractère de
simples informations de presse ».
 Ainsi, les idées « brutes » non formalisées d’une façon spécifique
sont considérés comme un fonds commun inappropriable.
Sous-Section 2  : L’exigence d’une création originale.
La condition de l’originalité de l’œuvre est expressément posée par le
législateur dans l’article 1er de la loi de 1994 qui prévoit que «  le droit
d’auteur couvre toute œuvre originale littéraire, scientifique ou
artistique ».
On dit qu’une œuvre est originale lorsqu’elle porte «  l’empreinte de la
personnalité de son auteur ». Mais pour mieux cerner la notion
d’originalité, il y a lieu de la distinguer de la notion de «  nouveauté »
(paragraphe 1) et d’observer que la notion d’« originalité » est une
notion relative (paragraphe 2).
Paragraphe 1. L’originalité n’est pas la nouveauté.
Pour qu’une œuvre soit protégée, il faut qu’elle soit originale. Cela ne
veut pas dire qu’elle doit être nouvelle. L’exigence de la nouveauté est
une condition spécifique et propre à la propriété industrielle. La
création industrielle n’est constituée en tant que telle que si elle est
nouvelle dans le sens où l’invention ou le dessin ou modèle industriel
n’existe pas auparavant. On dit que la notion de la «  nouveauté » est
une notion objective car elle est marquée par l’absence objective
d’antériorité, alors que l’originalité est une notion subjective du fait que
ce qu’on prend en considération ce n’est pas la date de l’apparition de
l’œuvre mais l’apport artistique, scientifique, culturelle ou littéraire de
l’auteur de l’œuvre. On considère qu’une œuvre est originale
lorsqu’elle exprime le style de son auteur, sa façon personnelle de
comprendre et de traiter le sujet choisi (Voir dans ce sens, l’arrêt de la
cour d’appel de Tunis n°35471 du 12-02-1997 rendu dans l’affaire les
journaux El Anwar et El ossouboua et El Moussawar c./Abdelhamid
Salma (Mezghani Nébila, panorama jurisprudentiel relatif au droit
d’auteur au cours des cinq dernières décennies, article de recherche
publié au « Cinquante ans de la jurisprudence civile 1959-2009 » ,
2010, p. 135).
Paragraphe 2. L’originalité est une notion relative.
On a constaté que l’originalité est une notion subjective étant donné
que son appréciation dépend du pouvoir souverain des juges de fond.
A propos d’une affaire jugée par le Tribunal de première instance de
Tunis le 29 décembre 1975, la demanderesse se prévalait d’un contrat
qu’elle a passé avec les héritiers du poète Abou Kacem Echebbi, pour
publier son recueil de poèmes « les chansons de la vie ». Elle
prétendait être chargée de la vérification du texte initial des poèmes et
de la recherche de leur date ce qui, selon elle, lui aurait conféré le
droit d’auteur sur le recueil « les chansons de la vie ». Et à ce titre, elle
demanda la destruction des exemplaires d’un livre initial intitulé
« Abou-Kacem Echebi, sa vie, ses poèmes » qui reprend la majorité
des poèmes contenus dans ‘’les chansons de la vie’’ et dont l’auteur
est Mohamed Kerrou.
Le juge a refusé la qualité d’auteur à la demanderesse, la recherche
de la date des poèmes et des circonstances de leur création ne
pouvant être assimilé à une création personnelle (originale) donnant
lieu à l’octroi du droit d’auteur.

II : La consécration de la protection des droits d’auteur.


L’auteur possède deux types de droits fondamentaux sur son œuvre
qui doivent être protégés : le droit moral (section 1) et les droits
patrimoniaux ou pécuniaires (section 2).
Section 1 : La protection du droit moral.
Les droits moraux sont des droits que détiennent les auteurs d’œuvres
sous droits d’auteurs, reconnus dans les juridictions de Droit civil et,
dans une moindre mesure, dans les juridictions de Droit coutumier. Ils
comprennent le droit à l’attribution, le droit de publier l’œuvre
anonymement ou sous pseudonyme, et le droit à l’intégrité de l’œuvre.
On va traiter les composantes (SS1) et les caractères du droit moral
(SS 2).
Sous-Section 1  : Les composantes du droit moral.
L’article 9 de la loi de 2009 modifiant et complétant la loi du 24 février
1994 consacre quatre prérogatives des droits moraux qui sont le droit
de divulgation (paragraphe 1) le droit de paternité (paragraphe 2), le
droit au respect de l’œuvre (paragraphe 3) et le droit de repentir
(paragraphe 4).
Paragraphe 1. Le droit de paternité.
Ce droit implique que l’auteur conserve le droit de revendiquer la
paternité de l’œuvre et de mentionner son nom sur chaque exemplaire.
Le droit de paternité ou le droit au nom et à la paternité permet à
l’auteur d’être identifié et de proclamer la filiation de son œuvre
(l’article 9/a de la loi du 24 février 1994). Ce droit extrapatrimonial est
réglementé par les dispositions de l’article 9/c de la loi de 2009. Le
législateur tunisien reconnaît à l’auteur la manifestation évidente du
droit à la paternité qui suppose que l’auteur fait mentionner son nom
sur chaque exemplaire de son œuvre. La loi tunisienne s’intéresse à la
face négative du droit de paternité, en admettant expressément dans
l’article 9/a de la loi de 2009 que l’auteur est libre de «  conserver
l’anonymat » au moment où l’œuvre est rendue accessible au public,
ou de préférer l’adoption d’un pseudonyme au lieu de son nom propre.
Sur le plan pratique, le droit de paternité suppose l’indication du nom
de l’auteur dans plusieurs cas qui sont : d’abord, sur chaque
exemplaire, ensuite sur les documents publicitaires de l’œuvre et enfin
sur les citations qui doivent « être accompagnées de la mention de la
source et du nom de l’auteur, si ce nom figure dans la source  » aux
termes de l’article 11 alinéa 2 de la loi du 24 février 1994.
Le principe est que l’œuvre est attribuée à son auteur. Ce dernier
révèle son identité et son emplacement. Le droit de paternité comporte
également le droit d’avoir un pseudonyme (afin de garder l’anonymat).
Toute personne qui révèle le vrai nom derrière le pseudo s’expose à
de grands problèmes comme la violation de la vie privée. L’auteur qui
a un pseudonyme ou adopte l’anonymat, pour ne pas divulguer son
identité, peut exercer ses droits à travers un représentant. Le droit
tunisien admet la représentation dans l’article 3 de la loi du 24 février
1994. L’auteur peut renoncer à son droit de paternité avec ou sans
rémunération. Ce renoncement doit être exprès et délimité. La durée
ne peut pas être éternelle et les conditions du renoncement doivent
être telles qu’elles permettent leur révocabilité.
Le droit d’auteur est chargé de conserver l’anonymat ou le
pseudonyme. Ce droit est temporaire car l’auteur à la possibilité de
révéler son identité. Cette idée trouve son fondement dans les termes
de l’article 9/a de la loi de 1994 qui attribue à l’auteur « le droit de
revendiquer la paternité de l’œuvre et de mentionner son nom sur
chaque exemplaire ». Ce droit paraît en relation intime avec la
personne de l’auteur. Ce dernier peut révéler sa véritable identité
seulement durant sa vie. Le droit tunisien ne prévoit pas la possibilité
pour l’auteur, qui utilise un pseudonyme ou l’anonymat, de révéler son
identité en cas de décès. Malgré la reconnaissance législative
tunisienne du droit de paternité, la jurisprudence est marquée par une
méconnaissance (T.P.I de Tunis n° 28772 du 29 octobre 1996, R.J.L,
Mai 1997, p. 135 et s.). Le droit à la paternité est une condition pour
que l’auteur jouisse des divers droits que lui reconnaît la loi. L’auteur
ne jouit pas seulement de ce droit, il a plusieurs attributs comme le
droit au respect de l’œuvre.
L’auteur a la possibilité d’apprécier les limites et les moyens dans
lesquels il va publier son œuvre. Dès que son œuvre est divulguée,
l’auteur peut exercer les autres prérogatives du droit moral dont le droit
de divulgation.
Paragraphe 2. Le droit de divulgation.
Ce droit implique que seul l’auteur a le droit de présenter son œuvre
au public par tous moyens et procédés. C’est lui qui décide de
divulguer son œuvre ou de ne pas le faire. Comme il est libre de la
divulguer à n’importe quel moment.
Le droit extrapatrimonial assure à l’auteur que sa paternité sur son
œuvre sera constamment reconnue. Ce droit extrapatrimonial, qui est
appelé aussi droit moral, se caractérise par la particularité d’être
inaliénable et imprescriptible. L’article 9 de la loi de 2009 consacre
l’une des prérogatives des droits moraux qui est le droit de divulgation.
Le droit de divulgation consacré dans l’article 9/a de la loi de 2009,
constitue une innovation apportée à l’auteur d’une œuvre scientifique,
littéraire ou artistique. Pour exprimer le droit de divulgation, le
législateur utilise l’expression suivante : « l’œuvre (…) est présentée
au public, sous un mode ou une forme d’expression quelconque  ». Le
droit de divulgation est défini comme étant la volonté de l’auteur à
porter à la connaissance du public son œuvre. Par divulgation, l’auteur
va faire naître tous ses droits sur l’œuvre et les faire entrer dans le
champ culturel. Ce choix est protégé comme une prérogative
discrétionnaire de l’auteur.
Dans une affaire de la première chambre civile de la cour de cassation,
rendue le 29 novembre 2005, il a été considéré qu’« il appartient à
l’auteur seul de divulguer son œuvre et de déterminer les conditions
dans lesquelles, la divulgation doit s’exercer  ; que la propriété
incorporelle de l’œuvre étant indépendante de la propriété de l’objet
matériel qui en est le support, la remise de l’objet à un tiers n’implique
pas la divulgation de l’œuvre ».
Le droit de divulgation donne à l’auteur un pouvoir discrétionnaire qui
lui permet non seulement de décider le temps de publication de son
œuvre mais aussi le mode.
Paragraphe 3. Le droit au respect.
Ce droit implique que l’auteur est en droit de « s’opposer à toute
mutilation (suppression, altération d’une partie d’une œuvre),
déformation ajout ou autre modification de son œuvre sans son
consentement écrit, ainsi qu’a toute atteinte à la même œuvre,
préjudiciable à l’honneur de l’auteur ou à sa réputation  » (le point b de
l’article 9 nouveau). L’auteur peut imposer à toute personne un devoir
de respect de l’intégrité de son œuvre (TPI de tunis n°  87069 du 20
janvier 1996. ca. de tunis n° 43560, 31 octobre 1997, c.cass. n°67973,
3/11/1999).
Le droit au respect de l’œuvre revêt deux aspects qui sont reliés à
l’auteur, à savoir sa relation avec le propriétaire du support matériel
qui incorpore l’œuvre (A) et ses relations avec le cessionnaire des
droits sur l’œuvre (B).
A) Le droit au respect de l’objet matériel.
Le droit au respect de l’œuvre est régi pat l’article 9/b de la loi de 2009
modifiant et complétant la loi de 1994. Ce droit est défini comme étant
« le droit de s’opposer à toute modification ou déformation ou
mutilation de l’œuvre ». En principe, le propriétaire de l’objet matériel,
a le droit d’user, de disposer et de détruire l’œuvre, mais il n’a pas le
droit de faire des modifications, des déformations et des mutilations à
l’œuvre incorporée dans son support matériel. Le fondement de cette
exception, est que l’œuvre, étant le reflet de la personnalité de son
auteur, impose à l’acquéreur du support matériel de respecter son
intégrité. A ce titre, l’article 9/b a prononcé en des termes généraux
que l’auteur a « le droit de s’opposer à toute mutilation, déformation,
ajout ou autre modification de son œuvre sans son consentement écrit,
ainsi qu’à toute autre atteinte à la même œuvre, préjudiciable à
l’honneur de l’auteur ou à sa réputation » sans identifier contre qui il
pourra le faire et sans préciser les conditions dans lesquelles il pourra
faire valoir son droit. Or, l’article 533 C.O.C dispose « lorsque la loi
s’exprime en termes généraux il faut l’entendre dans le même sens  ».
On constate que l’auteur pourra opposer son droit à l’acquéreur du
support matériel de son œuvre. Mais, cette idée n’est pas évidente
compte tenu de l’absence d’une disposition législative formelle.
B) Le droit au respect de l’œuvre et les initiatives du cessionnaire des
droits.
Le droit au respect de l’œuvre signifie que le tiers à qui l’auteur a
concédé des droits d’exploitation sur son œuvre n’en fasse pas un
usage abusif qui le défigurerait. Le tiers qui est autorisé à reproduire
ou à représenter l’œuvre publiquement a le devoir de la reproduire ou
de la représenter, telle quelle, sans changer quoi que ce soit. En outre,
il est interdit à n’importe quel intermédiaire technique ou blogueur ou
autre personne qui exploitent le cyberspace de procéder à des
coupures ou à des ajouts à l’œuvre (Tribunal. Civ. Seine, 6 et 7 avril
1949, aff. P. Blanchar et B. Zimmer c. Société nouvelle des Est.
Gaumont-film.aff.Un seul mour et préoert-carné c. Société nouvelles
Pathé-cinéma, film les enfants du paradis, Gaz-Pal. 1949, 1.249, concl.
Gégout).
Le droit au respect de l’œuvre apparait ainsi comme le complément du
droit de divulgation. L’auteur est le seul juge de l’opportunité de
communiquer son œuvre au public et de la modifier. En effet, « Le
respect est dû à l’œuvre tel que l’auteur a voulu qu’elle soit qu’il
n’appartient ni aux tiers ni au juge de porter un jugement de valeur sur
la volonté de l’auteur, que le titulaire du droit moral est le seul maître
de son exercice » (T.G.I Paris 3ème ch ; 15 octobre 1992, RIDA,
n° 155, janvier 1993, p. 225.). L’auteur jouit d’un autre attribut de son
droit extrapatrimonial, à savoir le droit de repentir.
Paragraphe 4. Le droit de repentir.
Même après la divulgation de l’œuvre, l’auteur est libre de la retirer
entièrement du commerce. Grace à ce droit expressément mentionné
dans le point c de l’article 9 (nouveau) de la loi de 1994, l’auteur d’une
œuvre qui regrette sa décision de divulgation peut remettre en cause
l’exécution à venir d’un contrat d’exploitation pourtant régulièrement
passé par lui, moyennant l’indemnisation, l’exploitant autorisé au cas
où il lui aurait causé un préjudice (T.G.I Paris 3ème ch ; 15 octobre
1992, RIDA, n° 155, janvier 1993, p. 225).
Le droit de repentir est appelé aussi le droit de retrait. Ce droit permet
à l’auteur, malgré la cession de ses droits d’exploitation, de faire
cesser l’exploitation de son œuvre ou de ses droits cédés, à condition
d’indemniser son cocontractant du préjudice causé (l’article L121-4 du
code français de la propriété intellectuelle). C’est un droit qui constitue
une innovation en droit tunisien puisqu’il vise l’extension du droit moral
de l’auteur.
L’article 9/c de la loi de 2009 modifiant et complétant celle de 1994 a
défini le droit de repentir comme étant le droit de retirer l’œuvre «  de la
circulation auprès du public, en contre partie d’une juste indemnité, au
profit de l’exploitant autorisé, ayant subi un préjudice  ». Cette définition
est lacunaire et incomplète parce que le législateur ne précise ni
l’activité de repentir ni la signification de la saisie de la circulation. La
saisie de l’œuvre de la circulation signifie la possibilité pour l’auteur de
mettre fin à son exploitation, puisqu’elle est exprimée en termes
généraux. Cependant, les remaniements apportés par l’auteur à son
œuvre consacrent cette prérogative qui consiste à la retirer de la
circulation d’une façon pure et simple, or « celui qui peut le plus peut
le moins » selon la règle générale de droit, prévue par l’article 550 du
C.O.C. Comme son usage cause une dérogation à la force obligatoire
des contrats, ce droit forme une prérogative exorbitante au droit
commun. A ce propos, il doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Ce
droit ne peut être envisagé qu’en cas de cession du droit d’exploitation.
Sous-Section 2. Les caractères du droit moral.
Il découle de l’article 8 (nouveau) de la loi de 1994 que le droit moral
est un droit inaliénable, imprescriptible, perpétuel et insaisissable.
*) L’inaliénabilité du droit moral.
Le droit moral est un droit de la personnalité. C’est pour cette raison
qu’il est inaliénable. Ainsi, ce droit ne peut se transmettre entre vifs et
toute convention contraire est nulle. La cession de l’œuvre n’implique
pas la cession du droit moral. Le droit moral est transmissible par voie
de succession ou par testament (article 8 nouveau de la loi de 1994).
*) L’imprescriptibilité du droit moral.
L’auteur ne peut perdre son droit moral sur on œuvre même s’il ne l’a
pas évoqué pendant des années. Il peut défendre son œuvre à tout
moment. L’imprescriptibilité implique la perpétuité du droit moral.
*) La perpétuité du droit moral.
Le droit moral survit même après l’expiration du droit pécuniaire. Ainsi,
les héritiers peuvent poursuivre tout usage de nature à porter atteinte à
la réputation de l’auteur même lorsque l’œuvre est déjà tombée dans
le domaine public. Donc, le droit moral dure aussi longtemps que
l’œuvre existe.
*) L’insaisissabilité du droit moral.
L’insaisissabilité est une conséquence nécessaire de l’inaliénabilité.
« Une saisie peut porter sur l’œuvre d’art elle-même, en tant que bien
matériel (…)  ; elle peut aussi porter sur les produits pécuniaires issus
de l’exploitation de l’œuvre. Mais, le droit moral ne peut être saisi  ».
Section 2 : La protection des droits patrimoniaux.
L’auteur bénéficie de toute forme d’exploitation de l’œuvre. L’article 9
bis (ajouté par la loi n° 2009-33 du 23 juin 2009) cite les actes
d’exploitation que l’auteur peut accomplir lui-même ou autoriser son
exploitation par autrui.
Sous-section 1. Le contenu des droits patrimoniaux.
Les droits patrimoniaux sont variés et multiples comme le droit de
reproduction (le point a de l’article 9 bis), le droit de communication au
public, le droit de location, le droit d’adaptation. Généralement, les
prérogatives patrimoniales qu’accorde le législateur tunisien à l’auteur
lui permettent de tirer profit de deux côtés qui sont, d’une part,
l’exploitation de l’œuvre (paragraphe 1) et d’autre part, la participation
à l’augmentation de sa valeur marchande (droit de suite) (paragraphe
2).
Paragraphe 1. Le droit d’exploitation de l’œuvre.
Le droit d’exploitation de l’œuvre comporte deux prérogatives : le droit
de sa reproduction (1) et le droit de sa représentation (L’article 2 de La
loi du 24 février 1994). (2).
1) Le droit de reproduction.
L’auteur d’une œuvre, dispose en principe d’« un droit exclusif
d’accomplir ou d’autoriser que soit accomplie » la reproduction de son
œuvre (A). Cependant, on peut remarquer qu’il y a quelques
exceptions à ce principe (B).
A) Le principe.
La reproduction est l’une des formes d’exploitation de l’œuvre. Elle
constitue "un droit exclusif" pour l’auteur d’une œuvre. Contrairement à
la législation tunisienne qui n’a pas défini ce droit, le législateur
français l’a défini dans l’article 122-3 du C.P.I comme étant la fixation
matérielle de l’œuvre au public par tous les procédés qui ont pour
objectif de la communiquer au public indirectement. Le code de la
propriété intellectuelle cite notamment « l’imprimerie, la photographie
et tout procédé des arts graphiques et plastiques ainsi que
l’enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique  ».
La reproduction est définie aussi comme étant «  la fixation matérielle
de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au
public d’une manière indirecte ».
Le législateur tunisien n’a pas fermé la porte aux innovations
techniques bien qu’il ait eu connaissance des techniques
traditionnelles de reproduction. L’article 2 de la loi du 24 février 1994
prévoit que « le droit d’auteur comprend le droit exclusif d’accomplir ou
d’autoriser que soit accompli l’un des actes suivants  : a) Reproduire
l’œuvre sous forme matérielle quelconque y compris le phonogramme,
l’audiovisuel et autres ». D’après une lecture du paragraphe a, on
constate que le législateur n’identifie pas une forme type du support
utilisé pour la reproduction. En effet, il laisse toute la liberté à l’auteur
de choisir le support matériel qu’il juge adéquat. Les formes de
reproduction inventées par les nouvelles technologies nécessitent
l’autorisation de l’auteur.
Le droit de reproduction de l’œuvre permet à l’auteur de contrôler
l’usage et la circulation de son œuvre. En effet, l’article 3 de la loi du
24 février 1994 permet à l’auteur de savoir la destination de son
œuvre. Cet article cite les mentions obligatoires du contrat, permettant
au tiers de connaître les éléments suivants : le responsable de la
production, le mode d’exploitation (la forme, la langue, le lieu) et la
durée de l’exploitation. En effet, selon le TPI de Bruxelles dans son
arrêt du 16 octobre 1996, association générale des journalistes et
autres centres c/SCRL ( Station, Dalloz 1997,jurisprudence, p.322 note
B. Edelman), a considéré que la connexion à internet d’une base de
données, contenant des œuvres protégées non autorisées par les
auteurs, viole le droit de reproduction au sens de l’article 1er de la loi
belge du 30 juin 1994. Cet article prévoit que l’auteur d’une œuvre
littéraire ou artistique a seul le droit de reproduire ou d’en autoriser la
reproduction, de quelque manière que ce soit, disposition qui nous
renvoie aux articles 2 et 3 de la loi tunisienne du 24 février 1994
relative à la propriété littéraire et artistique.
B) Les exceptions au droit de reproduction.
Les exceptions au droit de reproduction ne sont pas uniformes. Il y a
des cas où les reproductions assurent des bénéfices (a), Mais, il y a
aussi des cas où les reproductions sont libres et gratuites (b).
a) Les reproductions libres avec contrepartie pécuniaire.
La reproduction est régie par l’article 13 de la loi de 2009 qui prévoit
que « Le ministère chargé de la culture peut délivrer des licences non
exclusives pour  : la reproduction d’une œuvre protégée aux fins de
publication, si elle n’a pas été précédemment publiée en Tunisie, à un
prix équivalent à celui pratiqué par les maisons d’éditions nationales,
trois ans après sa première publication s’il s’agit d’une œuvre
scientifique, sept ans après sa première publication s’il s’agit d’une
œuvre de fiction, et cinq ans après la première publication pour toute
autre œuvre ».
D’après une lecture attentive, on constate que l’article 13 fixe deux
conditions à la reproduction faite sans l’autorisation de l’auteur : d’une
part, l’autorisation de l’autorité de la tutelle et d’autre part, la
contrepartie pécuniaire. Dans le cadre de cette exception au droit de
reproduction, le législateur tunisien a octroyé à l’auteur de tirer, de son
œuvre, un intérêt matériel.
b) Les reproductions libres et gratuites.
Le législateur tunisien a prévu des exceptions aux droits des
reproductions qui sont marquées par leur caractère gratuit et libre. En
effet, l’auteur ne jouit pas de contrepartie en cas d’utilisation de son
œuvre. A ce titre, la reproduction de sa création n’exige pas l’obtention
de son autorisation. Il s’agit d’abord des reproductions à usage privé,
ensuite, les reproductions ayant des objectifs éducatifs, scolaires,
culturels ou d’information et enfin, les emprunts et citations. Les
exploitations du droit d’auteur, sont réalisées par une licence libre et
gratuite, issue du domaine public. Il existe plusieurs sites qui offrent
des téléchargements gratuits sous licence créative. En effet, cette
solution, donne la possibilité aux internautes de télécharger les types
de musique qu’ils souhaitent puisqu’ils disposent d’un très grand
répertoire de chansons. Cette solution expose les œuvres quelle que
soit leur nature à une utilisation commerciale.
2) Le droit de représentation ou d’exécution publique.
Le droit de représentation est défini comme étant un «  droit
discrétionnaire de l’auteur d’autoriser ou d’interdire, sous peine de
contrefaçon, la représentation de son œuvre ».
Ce droit est réglementé par l’article 2/b de la loi du 24 février 1994 qui
fournit à l’auteur un droit exclusif en l’autorisant d’accomplir les actes
suivants : d’une part, il est tenu de communiquer l’œuvre au public par
tout moyen et notamment par représentation publique telle que les
représentations dans les hôtels, les restaurants, les moyens de
transport terrestre, maritime, aérien, ainsi que par le biais des supports
de diffusion d’œuvres enregistrées, des moyens de radiodiffusion et
des modes de transmission par câble ou par satellite de
télécommunication ou par d’autres moyens similaires. D’autre part, il
est chargé de communiquer l’œuvre radiodiffusée au public par fil, par
haut-parleur ou par tout autre instrument transmetteur de signes, de
sons ou d’images. D’après une lecture interprétative de l’article 2, il
parait que le législateur tunisien a cité les techniques de diffusion des
œuvres d’esprit à titre indicatif et non limitatif du compte tenu
développement que subit le concept de communication.
Paragraphe 2  : Le droit de suite.
Le droit de suite est défini comme étant « le droit pour l’auteur d’une
œuvre d’art originale, à percevoir un pourcentage sur le prix obtenu
pour toute revente de cette œuvre effectuée par les professionnels du
marché de l’art (maisons de vente aux enchères, galeries ou tout autre
marchand d’art) ».
Ce droit est réglementé, en droit tunisien, par l’article 25 de la loi du 24
février 1994, qui dispose que « les auteurs de manuscrits et d’œuvres
plastiques ont, nonobstant toute cession de l’œuvre originale un droit
inaliénable de participation au produit de toute vente de cette œuvre
faite aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant
après le décès de l’auteur, ce droit de suite persiste pendant l’année
grégorienne en cours et les cinquante années suivantes, il est prélevé
au bénéfice de l’auteur ou de ses héritiers, cinq pour cent sur le
produit de la vente ».
Le législateur tunisien a présenté un champ d’application large au droit
de suite qui reflète deux points de vue : Le premier est que le droit de
suite ne s’applique, en principe, qu’aux ventes publiques. En effet,
l’auteur jouit de ce droit en cas de vente de l’œuvre faite par
l’intermédiaire d’un commerçant (l’article 25 de la loi du 24 février
1994). Le second est que les bénéficiaires du droit de suite sont
seulement les auteurs d’œuvres plastiques. L’auteur qui cède l’une de
ses œuvres plastiques a le droit de tirer profit de la revente ultérieure
de son œuvre. L’auteur dispose d’un droit exclusif d’exploiter
matériellement a des fins pécuniaires. L’auteur a le droit à des revenus
proportionnels aux recettes tirées de l’exploitation de son œuvre. Le
droit d’exploitation est « un droit exclusif » conformément à l’article 2
de la loi de 1994. Ce caractère fait du droit d’exploitation un droit
discrétionnaire. Pour faire entrer l’œuvre dans le circuit commercial, en
décidant sa divulgation, l’auteur est le seul qui a cette compétence.
Cette initiative est l’élément principal qui lui permet d’exercer ses
prérogatives. Les droits d’auteur, qui se caractérisent par leur
multiplication et leur diversité, sont de deux types  : patrimonial et
extrapatrimonial. Puisqu’ils sont d’une grande importance, les droits
d’auteur se trouvent menacés par différentes atteintes visant leur
violation. Alors, la mise en œuvre d’une protection des droits d’auteur
s’avère nécessaire.
Sous Section 2  : Les caractères des droits patrimoniaux.
Les droits patrimoniaux ont une valeur pécuniaire et entrent dans le
patrimoine de la personne, le patrimoine dit pécuniaire et donc
monétaire. Les droits patrimoniaux sont des droits temporaires
(paragraphe 1), exclusifs (paragraphe 2) et cessibles (paragraphe 3).
Paragraphe 1  : Ces droits sont temporaires.
Selon l’alinéa 2 de l’article 18 (nouveau) de la loi de 1994, «  la
protection des droits patrimoniaux de l’auteur dure pendant toute sa
vie, le restant de l’année de son décès et les cinquante années, à
compter du premier janvier de l’année suivant celle de son décès ou
de la date retenue par le jugement déclaratif de son décès, en cas
d’absence ou de disparition ».
Dans le cas d’œuvres de collaboration, seule la date du décès du
dernier auteur survivant est prise en considération pour le calcul de
cette durée (Alinéa 3 de l’article 18 nouveau de la loi de 1994).
Quant aux œuvres anonymes ou portant un pseudonyme, le droit
d’auteur dure cinquante années à compter du premier janvier de
l’année suivant celle de la première publication de l’œuvre (alinéa 4 de
l’article 18 nouveau).
S’il s’agit d’œuvres posthumes publiées après la mort de leur auteur, la
protection dure cinquante années à compter du premier janvier de
l’année suivant celle de la première publication de l’œuvre (Alinéa in
fine de l’article 18 (nouveau) de la loi de 1994).
Pour les œuvres photographiques, les droits patrimoniaux durent
cinquante années à compter de la date de réalisation de l’œuvre
(Article 19 (nouveau) de la loi de 1994).
Pour les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, la durée de
protection des droits patrimoniaux est de cinquante années à compter
de la première représentation publique licite de l’œuvre (Article 42
(bis)- ajouté par la loi n°2009-33 du 23 juin 2009).
Paragraphe 2  : Ces droits sont exclusifs.
Le droit d’auteur donne la possibilité à son titulaire de jouir d’un droit
exclusif d’exploitation de son œuvre et d’interdire cette exploitation aux
tiers.
L’auteur d’une œuvre peut l’exploiter en personne, la céder ou
l’exploiter par l’intermédiaire d’autres personnes. Par la concession
d’une licence, le droit exclusif d’exploitation reconnu au titulaire d’une
œuvre sera transmis pour une période déterminée ou indéterminée à
une tierce personne appelée ‘’licencié’’.
La concession d’une œuvre exige la conclusion d’un contrat écrit
comprenant nécessairement les éléments suivants : « le responsable
de l’exploitation, le mode d’exploitation, la durée de l’exploitation et le
montant de la contrepartie revenant au titulaire du droit » (l’article 9
ter).
Dans ce cadre, on cite l’affaire Moncef Dhouib c/ la société « Nehdi
Production » concernant la représentation de la célèbre pièce de
théâtre « Mekki et Zakia ». Selon les circonstances de cette affaire, la
société « Nehdi Production » et l’acteur lamine Nehdi ont procédé à la
distribution et à la représentation publique de la pièce «  Mekki et
Zakia » sans verser la part qui revient à l’auteur et sans l’obtention du
consentement préalable de ce dernier qui doit se faire par écrit.
L’auteur a intenté une action en référé contre la société « Nehdi
Production » en vue de faire interdire la représentation publique de la
pièce. Le tribunal de première instance de Tunis a accédé à sa
demande. L’appel fut interjeté par la société « Nehdi Production » qui a
évoqué notamment l’acceptation par l’auteur de plusieurs chèques qui
lui auraient été remis en contrepartie de l’exploitation de la pièce.
La cour d’appel de Tunis (C.A de tunis n° 19451. 24/10/1994.) statuant
en référé a jugé que la société « Nehdi Production » n’a pas le droit de
soutenir que la réception de plusieurs chèques par l’auteur de la pièce
à titre de rémunération en contrepartie de l’exécution de la pièce vaut
autorisation au sens de l’article 3 de la loi du 24 février 1994. La
divulgation de la pièce ne doit être effectuée qu’avec deux conditions
qui sont d’une part, le consentement préalable et d’autre part, l’écrit de
l’auteur.
Remarque : Pour les œuvres cinématographiques, l’article 38 de la loi
de 2001 dispose que « en ce qui concerne les œuvres
cinématographiques et audiovisuelles, le droit d’auteur appartient au
producteur. Le producteur d’une œuvre cinématographique ou audio-
visuelle, est la personne physique ou morale qui prend l’initiative de la
production et de la responsabilité de l’exploitation de l’œuvre ».
L’article 39 ajoute que : « Le producteur est tenu, avant d’entreprendre
la production de l’œuvre cinématographique et audio-visuelle, de
conclure des contrats avec tous ceux dont les œuvres sont conçues
pour la réalisation.
Les contrats, exception faite de ceux conclus avec les auteurs de
compositions musicales avec ou sans paroles, comportent, sauf clause
contraire, cession à son profit du droit exclusif d’exploitation.
Les collaborations de l’œuvre, conservent, dans tous les cas leurs
droits moraux. Est notamment considéré collaborateur de la production
de l’œuvre cinématographique ou audiovisuelle  :
  L’auteur de l’adaptation  ;
  L’auteur du scénario  ;
  L’auteur du texte parlé  ;
  L’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles
spécialement réalisées pour l’œuvre  ;
  Le réalisateur ».
Paragraphe 3  : Ces droits sont cessibles.
Contrairement au droit moral, les droits pécuniaires peuvent faire en
tous ou en partie l’objet d’une cession. A l’instar du droit moral, les
droits patrimoniaux sont transmissibles aux héritiers. L’alinéa 3 de
l’article 8 (nouveau) de la loi de 1994 prévoit que «  les droits
patrimoniaux peuvent être transmis partiellement ou totalement par
voie succession par cession ».
Les droits patrimoniaux sont cessibles par contrat écrit signé par
l’auteur ou par les ayants droit. Le contrat doit déterminer les limites
données à la cession de droits. A ce propos, la cession des droits de
représentation n’inclut pas le droit de reproduction et inversement.
La traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la
reproduction artistique ou utilisant un procédé quelconque exige une
cession de droits. En outre, parmi les exceptions qui n’exigent pas la
cession de ces droits, on trouve par exemple : la représentation dans
le cadre privé du cercle familial, la reproduction par copie à l’usage
privé du copiste, les courtes citations, les articles, les revues de presse
et les exceptions pour un usage à des fins exclusives d’illustration
dans le cadre de l’enseignement et de la recherche scientifiques.

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