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1. Introduction
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Dante Alighieri
En raison de son morcellement politique, l'Italie voit tardivement se constituer une littérature nationale qui alternera périodes de
renouveau, décisives pour la culture européenne – le XVe s. –, et périodes de marasme – le XVIIe s.–, et qui posera périodiquement le
problème de la langue, lié à celui de l'unité et de l'identité italiennes.
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la Magna Curia de l'empereur Frédéric II (1194-1250), que naît la première école poétique proprement italienne, fondée sur une
transcription de la poétique provençale à travers une stylisation artistique du dialecte sicilien (Frédéric II, son fils Enzo, roi de
Sardaigne, Pietro della Vigna, Giacomo da Lentini, Rinaldo d'Aquino, Odo delle Colonne, Giacomino Pugliese, Cielo d'Alcamo).
Avec le déclin de la cour souabe après la bataille de Bénévent (1266), la Sicile cède sa prépondérance culturelle à la Toscane, où la
recherche poétique de l'école précédente est poursuivie, avec plus de complexité et de raffinement par Guittone d'Arezzo, dont le
lyrisme érotique cède le pas à partir de 1266, date de son entrée dans les ordres, à une tragique inspiration religieuse. Le discrédit jeté
sur lui par Dante (De vulgari eloquentia) et la naissance du mouvement du dolce stil nuovo, qui doit son nom à Dante (Purgatoire), fondé
par Guido Guinizelli (avant de trouver son unité dans l'amitié liant, autour de Dante et de Cavalcanti, un groupe de jeunes poètes
florentins et toscans, dont Lapo Gianni, Gianni Alfani, Cino da Pistoia). Fondée sur un aristocratique mysticisme amoureux, leur poésie
célèbre dans une atmosphère de perpétuel émerveillement les vertus rédemptrices de la femme aimée, non sans exprimer parfois, en
particulier chez Cavalcanti, l'angoisse existentielle du désir. À leur poésie quintessenciée, on a coutume d'opposer l'idéal bourgeois et
les outrances réalistes de la poésie comique, qu'illustrent Folgore da San Gimignano ( XIIIe-XIVe s.), l'Arétin Cenne da la Chitarra (mort en
1336), le Florentin Rustico di Filippo (vers 1235-vers 1300), le Siennois Cecco Angiolieri et Dante lui-même. Il importe cependant de ne
pas oublier que le comique n'est qu'un des styles prescrits par la rhétorique médiévale, et que la plupart de ces poètes ont à la même
époque écrit des poésies s'inspirant des préceptes les plus raffinés du dolce stil nuovo.
et Boccace
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3.1. Dante, Pétrarque, Boccace et leurs imitateurs
Boccace
Consacrés classiques de leur vivant même, Dante, Pétrarque et Boccace font du XIVe s. un siècle décisif dans l'histoire de la langue et
de la littérature italienne. Leur œuvre a été investie pour des siècles du prestige doublement mythique de l'origine et de la perfection.
Alors que la puissance des gibelins décline et que s'affirment de nouveaux États indépendants, Dante Alighieri s'interroge sur le sens de
la littérature. Avec Vita nuova (vers 1294), il se livre à une analyse critique de son expérience d'écrivain représentatif du stil nuovo, puis,
avec la Divine Comédie (1306-1321), il fait de la poésie un instrument de connaissance active du monde, au même titre que les autres
disciplines. Tout en restant critique à l'encontre du monde antique, Pétrarque cherche dans la tradition gréco-latine une riposte à
l'effondrement de la civilisation médiévale. Son œuvre en fait le premier grand humaniste de la Renaissance, mais il est aussi un poète
inspiré, avec le Canzoniere (publication posthume, 1470), qui réunit des sonnets en toscan dédiés à Laure de Noves. Dans la même
perspective, Boccace s'efforce d'offrir de nouvelles valeurs à un individu libéré du poids de la hiérarchie féodale, à travers
son Décaméron (1348-1353). Il connaîtra une longue crise religieuse, illuminée par l'amitié qui le lie à Pétrarque, et ses méditations
seront nourries d'études austères, notamment de la culture latine et grecque. Sa démarche s'inscrit dans un phénomène qui
caractérisera toute une époque : l'humanisme. Aussitôt érigée en modèle, la trilogie des grands Toscans du XIVe s. a été le plus puissant
facteur d'unification de la langue et de la littérature italiennes. En contrepartie, la force de ces chefs-d'œuvre a confiné la plupart des
auteurs du siècle dans l'imitation. Imitation de Dante : Fazio degli Uberti (les Dits du monde), Federico Frezzi (mort en 1416, Il
Quadriregio), Iacopo Alighieri (fils de Dante, mort en 1348, Il Dottrinale). Imitation de Pétrarque : Sennuccio Del Bene (vers 1275-1349),
Matteo Frescobaldi (mort en 1348), Fazio degli Uberti. Imitation de Boccace : Giovanni Sercambi et Ser Giovanni Fiorentino (Il
Pecorone), dont l'inspiration puise aussi à des sources plus populaires. Le noble florentin Franco Sacchetti affirme cependant une
personnalité originale, faite de bon sens, de réalisme et d'humour, aussi bien dans ses Lettres, dans ses poésies (dont est célèbre la
ballade « O belles bergères montagnardes »), ses méditations religieuses (Présentations de l'Évangile) que surtout dans son recueil de
300 Nouvelles, dont seules 223 nous sont parvenues.
La prose historique s'élabore également à cette époque à Florence, qui donne le jour à deux grands chroniqueurs.
La Chronique de Giovanni Villani, de structure encore médiévale, part de la tour de Babel pour s'interrompre l'année de la mort de son
auteur, tandis que la Cronica delle cose occorrenti ne' tempi suoi de Dino Compagni se limite à la période contemporaine (1280-1312) et est
animée par une vive passion politique alliée à un art consommé de la narration. D'autre part, l'anonyme Vita di Cola di Rienzo, écrite en
dialecte romain, en dépit d'une certaine rigidité d'exposition, est un des chefs-d'œuvre de la prose du XIVe s.
La littérature religieuse contemporaine est aussi riche qu'originale et contribue largement au raffinement de la langue vulgaire. En
particulier : les Fioretti di san Francesco, écrits par un anonyme florentin, les Vite dei Santi Padri, du Pisan Domenico Cavalca (vers 1270-
1342), et le recueil de sermons (Specchio di vera penitenza) du dominicain florentin Iacopo Passavanti (vers 1302-1357). Il Dialogo della
Divine Provvidenza et les 381 Lettres [dont la plus justement célèbre relate à Raimond de Capoue la décollation de Niccolo da Toledo]
de sainte Catherine de Sienne méritent une place à part, la plus haute, pour l'énergie du style et la ferveur mystique qui les enflamme.
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4.1. Les premiers textes italiens en langue vulgaire
La mort de Boccace (1375) fut ressentie par ses contemporains comme la fin d'une époque. La culture vulgaire subit incontestablement
une période de crise à la fin du XIVe s. et au début du XVe s., tandis que la découverte de manuscrits classiques enflamme la passion des
premiers humanistes pour pour les œuvres de l'Antiquité gréco-latine. Si les historiens de la civilisation choisissent volontiers la date de
1492 (découverte de l'Amérique, mort de Laurent le Magnifique) comme terme du premier âge humaniste qui s'ouvre alors, une véritable
révolution s'effectue dans l'histoire de la langue et de la littérature italiennes dès 1470, avec l'impression des premiers textes en langue
vulgaire : 1470, édition vénitienne du Canzoniere de Pétrarque ; 1471, édition vénitienne du Décaméron de Boccace ; 1472, trois éditions
de la Divine Comédie de Dante (Foligno, Mantoue, Venise). La naissante industrie éditoriale rend, à partir de 1470, tout son lustre à la
tradition littéraire italienne, tout en contribuant à l'élaboration d'une norme, aussi bien grammaticale que lexicale, et du contact même
avec les chefs-d'œuvre de l'Antiquité. En fait, c'est moins contre la langue vulgaire que contre la latinité médiévale que s'exerçait l'action
des humanistes. Et, après une incontestable période de crise que subit la culture vulgaire à la fin du XIVe s. et au début du XVe s., au
moment de plus grande ferveur archéologique des premiers philologues classiques (découverte par Pétrarque des Lettres à Atticus de
Cicéron ; par Coluccio Salutati de son recueil Ad familiares ; par le Pogge de L'Institutio oratoria de Quintilien, des Silves de Stace et
du De nature rerum de Lucrèce), il était dans la logique de l'humanisme de restituer indirectement la littérature de langue vulgaire à une
nouvelle dignité, par la critique du concept médiéval d'autorité, par l'identification de l'homme à sa liberté, et à travers une expérience
rhétorique enrichie au contact direct des chefs-d'œuvre de l'Antiquité. Malgré la médiocrité des concurrents qui y participent, le concours
poétique en langue vulgaire qu'organise à Florence Leon Battista Alberti (Certame coronatio) témoigne d'une nouvelle autonomie des
lettres italiennes, préludant au triomphe, avec Laurent de Médicis (1449-1492) et le Politien, de ce qu'on a appelé l'humanisme vulgaire.
Cosme l'Ancien
Le grand centre de la philologie et de l'érudition humanistes fut Florence, avec Coluccio Salutati (1331-1406), le Pogge, Marsile Ficin,
traducteur (en latin) et exégète de Platon et de Plotin, auteur de la Théologie platonicienne sur l'immortalité de l'âme (1482), et le génial Pic
de La Mirandole (Heptaplus, 1489, De ente et uno, 1492), qui réussit en moins de trente ans à assimiler la science la plus vaste de temps,
y compris la connaissance l'arabe et de l'hébreu. À Rome se distinguent Giulio Pomponio Leto et Flavio Biondo (1392-1463) (Roma
instaurata, Roma triumphans, Decades), et à Naples Giovanni Pontano (Lepidina, De amore coniugali). L'Hypnerotomachia Poliphili (1499)
enfin, de Francesco Colonna, est l'exemple plus saisissant de parodie linguistico-stylistique de la latinité en prose vulgaire.
D'autre part, si Leon Batista Alberti écrit en latin son De re aedificatoria, il rédige en italien le traité Della pittura (1436) et les trois
livres Della famiglia (1443). De même le Napolitain Iacopo Sannazzaro doit sa gloire moins à sa virtuosité de versificateur latin (Eclogae
piscatoriae, 1486, Elegiarum libritres, v. 1500, De partu Virginis, 1526), qu'à son roman pastoral italien l'Arcadie (1504), inspiré de
Boccace, comme le Novellino, édité après la mort de son auteur, Masuccio Salernitano (vers 1415-1475). Quant à Léonard de Vinci, qui
proclamait volontiers son ignorance des « lettres », il ne recourut jamais qu'au vulgaire, bien pour son Trattato della pittura, que pour
ses Pensieri. Saint Bernardin de Sienne et Jérôme Savonarole comptent également parmi les plus grands prosateur du siècle.
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vivement appréciées dans l'entourage de Laurent de Médicis, et l'œuvre éclectique de celui-ci en conserve mainte trace à côté
d'éléments empruntés à culture néo-platonicienne contemporaine (Altercazione, Selve d'aurore, Rappresentazione di San Giovanni e
Paolo, Caccia col falcone, peinture de la cour médicéenne, Beoni, catalogue plus grands buveurs du temps, Nencia da Barberino, idylle
rustique d'un grâce bouffonne, Canti carnascialeschi, Ambra, Corinto), alors que dans les Stanze du Politien cette même cour médicéenne
est idéalisée avec un art d'une extrême subtilité. C'est également en Toscane que renaît la vogue populaire des poèmes
chevaleresques français, qui, de transposition en transposition, aboutiront au chef-d'oeuvre de l'Arioste, le Roland furieux : d'Antonio
Pucci (vers 1310-1388) à Andrea da Barberino (vers 1370-vers 1431, I Reali di Francia, en prose) et Luigi Pulci (Il Morgante), jusqu'à
l'Orlando innamorato de l'aristocrate émilien Boiardo, dernier relais avant le Roland furieux.
Le théâtre est alors avant tout un divertissement de cour. Les auteurs comiques empruntent au répertoire gréco-latin des intrigues et
des situations toutes faites, qu'ils se contentent de combiner, voire de compliquer à l'envi, et la production est aussi abondante que
monotone. Méritent cependant une mention : La Calandria (1513), du cardinal Bernardo Dovizi, dit le Bibbiena, Gl'Ingannati, d'un
anonyme siennois (1531), Il Vecchio amoroso, de Donato Giannotti (1492-1573), Gli Straccioni, d'Annibale Caro, le Siennois Anton
Francesco Grazzini, dit il Lasca, le Florentin Giovanni Maria Cecchi (1518-1587), le Napolitain Giambattista Della Porta, outre bien sûr
l'Arioste, l'Arétin et Machiavel, dont la Mandragore (1518) est le chef-d'œuvre du genre. La tragédie, inaugurée en 1515 par
la Sofonisba du Trissin, est prisonnière d'une trop stricte observance de la poétique aristotélicienne. Le Discorso sulle commedie e sulle
tragedie (1554) de Giambattista Giraldi Cintio (1504-1573) relance, en s'inspirant de Sénèque, la vogue de l'horrible, où s'illustre Sperone
Speroni. Le drame pastoral, d'abord conçu comme simple intermède (cf. l'Orfeo du Politien et la Tirsi de B. Castiglione), conquiert son
autonomie en 1554 avec le Sacrificio d'Agostino Beccari (vers 1510-1590), et ses lettres de noblesse avec l'Aminta (1573) du Tasse et Il
Pastor fido (1590) de Battista Guarini. À Florence enfin, à la Camerata de'Bardi, naît le mélodrame avec le concours du poète Ottavio
Rinuccini, librettiste de la Dafne (1598) et de l'Euridice (1600) de Jacopo Peri ainsi que de l'Arianna (1608) de Claudio Monteverdi.
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5.3. Un nouvel idéal humain au e s. XVI
Baldassarre Castiglione
L'élite des cours élabore à son propre usage un nouvel idéal humain qu'incarne le Courtisan (1528) de B. Castiglione. Dans
le Galateo (1555), Giovanni Della Casa fixe le code des bienséances. La casuistique amoureuse, le dialogue humaniste et la nouvelle
comptent également parmi les passe-temps rituels des cénacles courtisans : Agnolo Firenzuola (Ragionamenti d'amore, Discorsi della
bellezza delle donne, Prima veste dei discorsi degli animali), Giambattista Gelli (La Circe, I Capricci del bottaio), Matteo Bandello, le plus
célèbre et le plus licencieux conteur du siècle. Le Cene (vers 1540) de Grazzini et Le Piacevoli Notti (1550-1553) de Giovan Francesco
Straparola puisent à des sources plus populaires, et les Ecatommiti (1565) de Giraldi, auquel Shakespeare emprunta la trame d'Othello,
confirment le goût de l'horrible qu'il préconisait déjà pour la tragédie.
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5.4. La réflexion politique et historique italienne
au e s. XVI
Nicolas Machiavel
Les vicissitudes de l'Italie contemporaine sollicitent avec urgence la réflexion politique et historique, où s'illustre Machiavel. Si
l'incompréhension à laquelle celui-ci se heurte est d'ordinaire d'ordre moral ou religieux, dans ses Considerazioni sui Discorsi del
Machiavelli (1527-1529) François Guichardin le réfute sur le plan de l'objectivité politique, en contestant le bien-fondé de son perpétuel
recours à l'histoire romaine. S'il n'a pas le génie conceptuel de Machiavel, Guichardin possède une plus vaste expérience des affaires
publiques, qui, alliée à une plus grande modernité d'écriture et de composition, fait tout le prix de ses Ricordi politici e civili et de l'Histoire
de l'Italie, dont l'exposé (1492-1534) complète celui des juvéniles Storie fiorentine (1378-1509) et des Cose fiorentine (1375-1441). Par
ailleurs, l'historiographie est de caractère trop souvent régional ou hagiographique (Istorie della citiez di Firenze de Iacopo Nardi [1476-
1563], Storia fiorentina de Benedetto Varchi). La théorie politique dans ses rapports avec l'éthique fait l'objet de Della perfezione nella vita
politica (1579) de Paolo Parutta (1540-1598) et de Ragion di Stato (1589) de Giovanni Botero. Les Vies d'artistes italiens (1550)
de Giorgio Vasari sont un texte fondamental dans l'histoire de la critique d'art.
À l'exception de Michel-Ange, les poètes lyriques sont entièrement assujettis aux modèles pétrarquesques : Bembo, Gaspara Stampa
(1523-1554), Vittoria Colonna (1490-1547), Galeazzo di Tarsia (1520-1553), Luigi Tansillo, Giovanni Della Casa. Giovanni Rucellai
(1475-1525), Luigi Alamanni (1495-1556) et Tansillo composent en vers libres des traités d'agriculture et d'élevage dans la tradition
des Géorgiques, et Francesco Berni (Orlando innamorato) représente avec brio la poésie burlesque. Au nom de la poétique
aristotélicienne, récemment remise à l'honneur, le poème épique est au centre de nombreuses polémiques, et la tyrannie des règles
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contraint fâcheusement l'inspiration de Trissino (L'Italia liberata dai Goti), d'Alamanni (Girone il Cortese, l'Avarchide) et de Giraldi (Ercole).
Le chef-d'œuvre poétique du siècle n'en est pas moins le Roland furieux de l'Arioste, expression la plus harmonieuse des idéaux
esthétiques de la Renaissance. Quant à la vie et à l'œuvre du Tasse, elles appartiennent déjà, à maint égard, à la civilisation qui, issue
de la Contre-Réforme, allait conduire au triomphe du baroque.
6.1. Le marinisme
Si l'on excepte Giordano Bruno et T. Campanella, que leur génie visionnaire place au-dessus des genres, le phénomène poétique le
plus spectaculaire du siècle, celui du moins auquel on assimile d'ordinaire le baroque littéraire italien, fut le marinisme. L'art
de Giambattista Marino, en effet, a influencé aussi bien l'écriture de ses admirateurs les plus proches (Girolamo Preti, 1582-1626,
Claudio Achillini, 1574-1640) que celle de ses ennemis (Tommaso Stigliani, 1573-1651). Excepté Ciro Di Pers (1599-1663) et le jésuite
napolitain Giacomo Lubrano (1619-1693, Scintille poetiche), la plupart des marinistes se distinguent de Marino par une originalité moins
poétique que thématique, un goût exacerbé du bizarre saisi dans ses manifestations les plus quotidiennes, la passion de l'actualité
(machines, architectures et catastrophes naturelles) et d'infinies variations sur le thème de la beauté paradoxale (« la belle édentée »,
« la belle bègue », « la belle boiteuse », « la belle pouilleuse », etc.) : Gian Francesco Maia Materdona (de Lecce), les deux frères
napolitains Lorenzo et Pietro Casaburi, Antonio Muscettola (1628-1679), Marcello Giovannetti (1598-1631), Scipione Errico (1592-1670),
Girolamo Fontanella (1610-1644), Ludovico Leporeo (1582-vers 1655), Francesco Melosio (1609-1670), Lodovico Tingoli (1602-1669),
Maffeo Barberini (Urbain VIII, 1568-1644), Giambattista Manso (1561-1641), Giuseppe Artale (1628-1679), Antonio Bruni (1593-1635).
Dans une tradition plus classique, où le baroque se tempère en préciosité et s'anime d'intentions morales, Gabriello Chiabrera (1552-
1638) et Giovanni Ciampoli (1589-1643) font école, suivis de Fulvio Testi, Alessandro Guidi (1650-1712) et Vincenzo da Filicaia (1642-
1707). Le poème épique sacrifie pesamment aux conventions (Gabriello Chiabrera, Gotiade, Francesco Bracciolini, Croce racquistata,
Girolamo Graziani, Il Conquisto di Granata), tandis que le poème héroï-comique d'Alessandro Tassoni, La Secchia rapita, est d'une
grandiose bouffonnerie. Iacopo Soldani (1579-1641) et le peintre napolitain Salvator Rosa excellent dans la satire. Bacco in
Toscana de Francesco Redi est un des chefs-d'œuvre de la poésie burlesque italienne.
Après la satire antiaristotélicienne conduite par Traiano Boccalini (1556-1613) dans ses Ragguagli di Parnaso et la critique de Pétrarque
par Tassoni, la poétique de Marino fut au centre des plus vives polémiques littéraires (cf. l'Occhiale de Stigliani). Vers le milieu du siècle,
celles-ci font place à une réflexion plus sereine et plus ample sur la rhétorique, avec Matteo Pellegrini (1595-1652, Delle acutezze), Pietro
Sforza Pallavicino (1607-1667, Considerazione sopra l'arte dello stile e del dialogo) et surtout Emmanuele Tesauro (1592-1675, Il
Cannocchiale aristotelico), génial théoricien d'une prodigieuse érudi-tion. Secondo Lancellotti (1583-1643) dans l'Oggidi se fait le Il
Cannocchiale aristotelico), génial théoricien d'une prodigieuse érudition, se fait le champion inconditionnel de la modernité. Daniello
Bartoli, qui selon Leopardi est à la prose ce que Dante est à la poésie, a laissé une œuvre immense allant de l'éloquence sacrée à
l'histoire, de l'essai rhétorico-philosophique au traité scientifique (Della storia della Compagnia di Gesù, L'Uomo di lettere difeso ed
emendato, La Ricreazione del savio, Del ghiaccio e della coagulazione). L'Istoria del Concilio tridentino de Paolo Sarpi (1552-1623) et l'Istoria
del Concilio di Trento du cardinal Pietro Sforza Pallavicino, réfutation de la précédente, sont des textes essentiels à l'interprétation de la
Contre-Réforme. Le jésuite Paolo Segneri (1624-1692, Quaresimale) est le plus justement célèbre parmi les prédicateurs d'un siècle qui
en fut aussi riche que d'épistoliers de talent.
Sur le modèle de Galilée, la prose scientifique italienne, encouragée par de remarquables académies (Accademia nazionale dei Lincei,
fondée en 1603 par Federico Cesi, Accademia del Cimento, fondée en 1657 par Léopold de Médicis), est illustrée par Francesco
Redi (Osservazioni intorno aile vipere, Expériences sur la génération des insectes),
6.2. Le roman
Le roman, qui, à l'intérieur de structures chevaleresques, pastorales ou historiques, amalgame les expériences stylistiques, politiques et
existentielles les plus disparates, est de loin le genre le plus populaire de l'époque : Giovan Francesco Biondi (1572-1644, Eromena, La
Donzella des terrata, Coralbo), Gian Francesco Loredano (1606-1661, Dianea), Giovanni Ambrogio Marini (le Calloandre fidèle), Francesco
Fulvio Frugoni (Il Cane di Diogene), Girolamo Brusoni (1614-1686, Gondola a tre remi, Carrozzino alla moda, Peota smarrita).
6.3. Le théâtre
L'intense activité théâtrale du XVIIe s. se partage entre la « commedia dell'arte », le drame didactique d'inspiration religieuse et les
tragédies ou comédies « régulières », bridées par la poétique aristotélicienne ou flattant le goût de « horrible », dérivé de Sénèque.
Deux noms dominent la scène tragique : Federico Della Valle (ludit, La Reina di Scozia) et Carlo Dottori (1618-1685, Aristodemo), et pour
la comédie : Michelangelo Buonarroti le Jeune, La Tancia, La Foire).
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en fait au maniérisme baroque que pour créer une nouvelle « manière », archaïsante et pastorale, qu'illustrent entre tant d'autres Giovan
Battista Zappi, Carlo Innocenzo Frugoni, Aurelio Bertola de Giorgi (1753-1798), Jacopo Vittorelli, Paolo Rolli, tandis que Métastase,
disciple et successeur à la cour de Vienne de Apostolo Zeno, triomphe dans le mélodrame (Didone
abbandonata, Ohmpiade, Demofoonte, La Clemenza di Tito, Temistocle, Attilio Regolo). Le Palermitain Giovanni Meli anime, par l'usage du
dialecte, ce que l'inspiration arcadique pouvait avoir de trop compassé.
Mais l'« Arcadie » ne fut pas seulement un courant littéraire, à travers ses cénacles où se réunissaient librement les hommes les plus
éclairés (de Vico à Goldoni, de Parini et Alfieri à Goethe). Elle contribua au renouvellement de la culture italienne qui coïncida avec
l'illuminisme. Renouvellement dont les premiers effets se manifestent dans le domaine de l'érudition historique : Lodovico Antonio
Muratori, Pietro Giannone, Girolamo Tiraboschi (1731-1794, Storia della letteratura italiana).
Si Vico est le plus grand penseur de son temps, il ignorait tout des langues vivantes, véhicules, en particulier le français et l'anglais, des
nouvelles idées. Les principaux centre de l'illuminisme sont Milan et Naples. À Milan, l'économiste Pietro Verri fonde Il Caffe (1764-1766)
le plus célèbre périodique cosmopolite, et le juriste Cesare Beccaria s'attire une renommée européenne avec Des délits et des peines. À
Naples se distinguent Antonin Genovesi, Gaetano Filangieri, Francesco Mario Pagano (1748-1799, Del civile corso delle nazioni, tandis
que l'abbé Ferdinando Galiani, formé dans les cercle illuministes napolitains, vécut dix ans à Paris, où il écrivit en français ses Dialogues
sur le commerce des blés (1770).
Nombre des idées nouvelles confluent dans l'essai et la critique littéraires : Francesco Algarotti, Saverio Bettinelli, Melchiorre
Cesarotti. Giuseppe Baretti, fondateur du périodique vénitien La Frusta Letteraria (1763-1765), brillant polémiste et remarquable
lexicographe, écrivit en français son Discours sur Shakespeare et monsieur Voltaire (1777) et en anglais son Account of the Manners and
Custon of Italy (1768).
C'est au théâtre que le XVIIIe s. italien doit ses chefs-d'œuvre, avec Goldoni pour la comédie et Alfieri pour la tragédie. Mais c'est au
poète lombard Giuseppe Parini que revient le mérite d'avoir le premier ouvert le formalisme académique de l'« Arcadie » à l'expression
d'une nouvelle conscience civile et moral annonçant ainsi, plus encore que néo-classicisme et le romantisme du Risorgimento, le
« classicisme engagé » de Manzoni et de Leopardi, voire de Carducci, et autant par ses Odi (1758-1795) que pour son poème
satirique la Journée, où la vanité de la noblesse contemporaine est illustrée à travers l'emblématique rituel quotidien, aussi frivole que
harassant, d'un giovin signore et de sa dame (le Matin, le Midi, le Soir, la Nuit).
8.1. Le romantisme
Le romantisme en Italie fut un produit d'importation, et relativement tardif. La querelle romantique s'engage en 1816 à propos d'un article
de Mme de Staël, paru à Milan, Sulla maniera e Putilitet delle traduzioni, auquel fit écho la Lettera semiseria di Grisostomo de Giovanni
Berchet. Au romantisme, la littérature italienne emprunte moins une esthétique ou une poétique que le concept de littérature nationale,
interprété dans un sens soit politique (littérature comme instrument de la libération nationale), soit plus proprement
linguistique : Manzoni fondant (anticipant) dans son œuvre (les Fiancés) la langue de la « Nouvelle Italie », fusion de la langue littéraire
classique et du toscan parlé. D'autre part, les deux plus grands poètes italiens du XIXe s., Foscolo et Leopardi, expriment les tourments
d'une sensibilité romantique à l'intérieur d'une rhétorique rigoureusement classique, à l'école du néo-classicisme, qui coïncida en Italie
avec la période de domination napoléonienne et dont la figure capitale fut le poète Vincenzo Monti, versificateur d'une grande fécondité
et d'une remarquable habileté technique, auteur d'une traduction de l'Iliade (1810) qui fait date. Au même courant appartiennent Ippolito
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Pindemonte, traducteur de l'Odyssée (1822) et dédicataire des Sepolcri de Foscolo, et le puriste Pietro Giordani, célèbre pour avoir deviné
le génie de Leopardi.
Les poètes qui s'engagèrent directement dans la bataille romantique furent avant tout des « poètes de la patrie » : Giovanni
Berchet, Giuseppe Giusti, le dramaturge Giovanni Battista Niccolini, Gabriele Rossetti, Luigi Mercantini (1821-1872, L'Inno di Garibaldi),
Arnaldo Fusinato (1817-1888), Goffredo Mameli, auteur de l'hymne national italien : Fratelli d'Italia.
Sans autre ambition que de représenter la société (même si Porta a formellement adhéré au mouvement romantique), deux poètes
dialectaux de génie, pour la première fois dans la littérature moderne italienne, donnent la parole au peuple : plus théâtral et plus
fabuleux le Romain Giuseppe Gioacchino Belli, auteur de plus de deux mille sonnets, plus réaliste et incisif le Milanais Carlo Porta.
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8.5. À l'aube de la littérature italienne moderne
Gabriele D'Annunzio
Chantres de la Nouvelle Italie, dont De Sanctis est le père spirituel, Carducci, Pascoli et surtout D'Annunzio représentent le triple seuil
au-delà duquel commence la littérature moderne italienne.
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douée des romancières italiennes contemporaines : Anna Banti (Artemisia, Campi Elisi). Les romans d'Elsa Morante, L'Île
d'Arturo, Mensonge et Sortilège) appartiennent au contraire à l'après-guerre.
Luigi Pirandello
Si l'on dresse un premier bilan de la littérature italienne du XXe s. à la veille de la libération, on s'aperçoit qu'elle a déjà produit nombre de
ses textes fondamentaux. Au théâtre, avec Pirandello, avec Ungaretti et Montale, autour desquels gravite désormais la poésie moderne,
dans le roman, avec Svevo (la Conscience de Zeno), Federigo Tozzi (Trois Croix, Il Podere), Giuseppe Antonio Borgese (Rubé), Corrado
Alvaro (Gens en Aspromonte, Vent'anni), Buzzati (le Désert des Tartares), Aldo Palazzeschi (les Codes de Perelà, les Sœurs Materassi), Giovanni
Comisso (Au vent de l'Adriatique, 1928, Jours de guerre, 1930), Riccardo Bacchelli (les Moulins du Pô), Alessandro Bonsanti (1904-
1984, Racconto militare), Moravia, et s'ils ne les ont pas encore publiés en volume, Romano Bilenchi (1909-1989), génial précurseur du
néo-réalisme et de Pavese, a déjà écrit ses Racconti, et Gadda la Connaissance de la douleur et l'Affreux Pastis de la rue des Merles. Mais, à
cette date, si les textes existent, ils demeurent épars, ils n'ont pas encore été intégrés dans un contexte culturel unitaire qui fonde la
littérature moderne italienne comme telle. Cette prise de conscience sera l'œuvre des générations suivantes. À cet égard, l'opération
critique de G. Contini assignant à l'écriture de Gadda une fonction cardinale dans la littérature moderne italienne est historiquement
aussi importante que l'œuvre entière de Pavese ou celle de Pasolini, pour ne citer que les plus grands. De même, en
redécouvrant Palazzeschi, les néo-avant-gardes ont enrichi la bibliothèque des années 1960 de quelques-uns de ses plus beaux textes.
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comme celles de Moravia, d'Elsa Morante, de Pasolini et de Sciascia. Aux motivations existentielles, morales et politiques de ceux-ci
s'oppose le goût de l'expérimentation linguistique de tout un courant de la littérature moderne italienne, qui trouve ses expressions les
plus intéressantes chez Gadda et ses ancêtres parmi les « Scapigliati » lombards de la fin du XIXe s., et dans le Groupe 63,
dont Arbasino, Balestrini, Umberto Eco, Manganelli et d'autres auteurs parmi le plus importants de l'après-guerre ont fait
partie. Malaparte propose un tableau de la guerre et de la vie moderne (la Peau, 1949). À partir de la moitié des années 1940, l'œuvre
de Calvino incarne une autre tendance du renouvellement de la littérature italienne. En partant de positions « réalistes », il a revitalisé la
veine fantastique de la narration italienne dans les structures de plus en plus sophistiquées de ses « machines ». L'histoire de la Sicile
est prétexte pour Giuseppe Tomasi Di Lampedusa à recréer la saga d'une famille aristocratique sicilienne (le Guépard, 1958).
Outre la révélation d'un des romanciers les plus originaux, Paolo Volponi (Memo riche, La Macchina mondiale), les années 1960 voient le
triomphe des poétiques et des œuvres d'avant-garde. Avant-garde comme pastiche chez Alberto Arbasino, comme divertissement
linguistique chez Antonio Pizzuto, comme impasse expressive chez Tommaso Landolfi, comme révolution chez Edoardo Sanguineti,
critique, poète, chef de file des Novissimi (Elio Pagliarini, Alfredo Giuliani, Nanni Balestrini, Antonio Porta) et romancier (Caprice
italien, le Noble Jeu de l'Oye). Mais l'expérience poétique la plus radicalement révolutionnaire est sans doute celle du vénitien Andrea
Zanzotto, conduite sous le double signe d'Holderlin et de Lacan (Derrière le paysage, 1951, la Beauté, 1968).
Le bouillonnement des années 1950 et 1960 s'étant épuisé, la littérature italienne semble plonger dans une crise qui a été exacerbée
par l'avènement d'une société de consommation. Dominée par la télévision, elle envahit tous les domaines de la vie publique italienne
d'une façon très particulière. Aujourd'hui, on peut toutefois remarquer différentes tendances qui expriment une forte résistance, ce qui
permet d'espérer que la littérature puisse avoir un avenir même à l'époque « post-moderne ». Certains écrivains reprennent la leçon
de Calvino (De Carlo, Del Giudice), d'autres mêlent leur écriture narrative à une grande culture, philosophique
(Calasso, Corti, U. Eco, Magris) ou biblique (De Luca), d'autres encore fondent leur écriture sur les mécanismes qui règlent la « société
du spectacle » (les Cannibales). De plus, on enregistre un renouveau du roman policier (Camilleri, Fois, etc.) et de la science fiction
(Evangelisti) de même qu'une nouvelle vague dans la littérature féminine (Campo, Loy, Rasy). Quant à la poésie moderne italienne, elle
a su à la fois sauvegarder sa rigueur formelle tout en se rafraîchissant (avec Montale, Ungaretti, Zanzotto) et procéder à de nouvelles
expériences (Leonetti, Roversi, Sanguineti). La poésie de Caproni, en reprenant en partie l'enseignement de Saba, occupe une place à
part car elle est moins un instrument pour avancer des positions intellectuelles qu'un moyen pour exprimer les aspects immédiats de la
vie quotidienne à la lumière toutefois de la culture la plus riche du XXe s.
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