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DICTIONNAIRES
Henri Béjoint
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Henri Béjoint
Université Lumière-Lyon 2
Abstract: The use of computers is the most important thing that has happened to lexicography in the
last fifty years. It has had an influence on the presentation of dictionaries, that now come in various
electronic forms, and above all it has transformed the work of the lexicographers. Computers have
allowed them to increase the sizes of the corpora that they have always used, and in English some
corpora now exceed several hundred million words. This in turn has profoundly modified the text of
the dictionary, which has become more representative of common usage and better adapted to
encoding tasks.
1. Introduction
Tout le monde est d’accord : la mise en œuvre de l’informatique dans toutes les phases du
travail du lexicographe et dans l’acte de consultation de l'utilisateur est sans doute le point le
plus important de l’évolution de la lexicographie au cours des dernières décennies. C'est en
tout cas le plus évident. L'objectif de cet article est d'esquisser un portrait de cette évolution
depuis que la lexicographie a commencé à utiliser l'informatique, et de tracer les grandes
lignes de l’avenir de la discipline 1 .
Cette présentation n'a rien de très original. En effet, les lexicographes éprouvent depuis
quelques années le besoin de faire le point et d’essayer de voir de quoi leur avenir sera fait,
parce qu'ils n'échappent pas à une certaine perplexité au milieu des bouleversements de leur
travail, et parce que la profession de lexicographe est plus que jamais précaire. On voit ces
inquiétudes transparaître dans plusieurs articles qui essaient de tracer les grandes lignes de la
1
Cet article fait suite à deux communications, l’une faite en août 2003 au congrès d'ASIALEX à Tokyo
(Murata, M., Yamada, S. et Tono, Y., dirs.), et l’autre faite en mai 2004 au congrès de l'ACFAS à
Montréal (L’Homme et Vandaele, dirs.).
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lexicographie dans un futur plus ou moins immédiat (Atkins 1996 ; Hanks 2000 ; van
Sterkenburg 2003).
Je parlerai surtout de dictionnaires monolingues généraux, et plus particulièrement de
dictionnaires monolingues généraux d'anglais et de français produits en France et en Grande-
Bretagne depuis quelques décennies, parce que ce sont ceux que je connais le mieux, et parce
qu'ils sont parmi les plus concernés par l'utilisation de l'informatique et des corpus.
une mort prochaine, et qu'il sera remplacé par d'autres supports, et il semble bien que cette
prédiction soit en voie de réalisation. On prévoit déjà la même chose du DVD. Je fais comme
tout le monde : j'attends.
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dans des conditions un peu différentes (certains diraient plus agréables) de celles du multi-
fenêtrage (Varantola 2003, 229). Enfin, d'aucuns diront que rien ne remplace pour tout
amateur de livres le plaisir du toucher et de la vue du papier, de la reliure, l'odeur de la colle,
les titres alignés sur les dos épais rangés côte à côte sur une étagère et que l'on parcourt d'un
regard amoureux ou pressé au moment du choix, et peut-être surtout les annotations
marginales que l'on retrouve des années plus tard qui font que, d’une certaine manière, on
s’approprie le texte du dictionnaire. Argument auquel répondent facilement les partisans du
tout électronique en disant que rien n'égale pour eux le plaisir de jouer avec cette merveilleuse
machine qu'est l'ordinateur. Joute verbale où nul jamais ne convaincra l'autre. Question,
partiellement, de génération…
Les prévisions de disparition prochaine du dictionnaire papier sont démenties au fur et à
mesure que les années passent : Meijs, par exemple, prévoyait en 1992 (1992, 152) que dix
ans plus tard, soit en 2002, le CD-ROM serait devenu la norme et le papier l’exception ! On
peut penser qu'un certain nombre de dictionnaires sur papier subsisteront quelque temps
encore, en particulier les dictionnaires de taille modeste. Mais je ne m'aventurerai pas à dire
combien de temps ils dureront. Cela dépend du temps qu'il faudra pour que s'éteignent
progressivement les habitudes de consultation installées au cours des générations successives
d'utilisateurs de dictionnaires sur support papier, en particulier du temps qu'il nous faudra
pour perdre l'usage de l'ordre alphabétique. Cela dépendra des progrès accomplis par les
dictionnaires électroniques, des efforts consentis par les développeurs et les éditeurs pour en
généraliser l'usage, de la réceptivité des enseignants, etc.
3.2. Le corpus
3.2.1. Le corpus lexicographique
La notion de corpus n’est pas nouvelle, mais sa version moderne, celle d’un ensemble de
textes authentiques assemblés sous forme électronique selon un certain nombre de critères
préalablement à tout travail linguistique (définition adaptée de Bowker & Pearson 2002, 9),
avait besoin de l’informatique pour que s’épanouissent toutes ses potentialités. Le corpus de
Littré ou même celui de l’Oxford English Dictionary avaient des caractéristiques bien
différentes et une place tout autre dans le travail lexicographique.
Le corpus lexicographique, par rapport à des corpus destinés à d’autres usages, est surtout
caractérisé par ses dimensions (Kennedy 1998, 117). En effet, si un corpus modeste peut
donner accès à la totalité, ou à la quasi-totalité, des phénomènes linguistiques relevant de la
phonologie ou de la syntaxe, il n'en est pas de même en ce qui concerne le lexique. Seul un
très vaste ensemble de textes peut donner une image raisonnablement « représentative » (voir
ci-dessous § 4.1.) de l'emploi des éléments lexicaux d'une langue. Le corpus « Bank of
English », par exemple, a plus de 450 millions de mots (Sinclair 2003, 193), et il est alimenté
en permanence. La question de l'ouverture du corpus à usage lexicographique se pose en effet.
La tendance – tout au moins pour ce qui concerne la langue anglaise – semble être d’aller vers
des corpus ouverts (en anglais monitor corpus), condition indispensable pour ne pas perdre le
contact avec les évolutions de la langue.
Kilgarriff & Tugwell (2002, 125) distinguent quatre âges dans l’histoire de la
lexicographie de corpus. Le premier, avant l’ordinateur, n’est que la collecte des citations,
comme chez Samuel Johnson ou dans l’Oxford English Dictionary. Le second commence
avec la compilation de la première édition du Collins COBUILD Dictionary au début des
années 1980, avec son corpus de 7 millions de mots d’où étaient tirées toutes les informations.
Le troisième correspond à la période où les corpus deviennent tellement grands que les
lexicographes ont besoin d’aide pour les utiliser, et le quatrième est celui où les lexicographes
disposent d’outils permettant d’extraire du corpus des « portraits de mots » plus ou moins
prêts à l’emploi.
La plupart des dictionnaires produits en Grande-Bretagne et un nombre croissant de ceux
qui sont produits aux Etats-Unis utilisent désormais un corpus. Il en est de même pour un
certain nombre de dictionnaires dans d'autres pays en Europe ou ailleurs, mais contrairement à
ce que pourrait laisser croire la lecture des revues ou des actes de colloques de lexicographie
depuis quelques années, un grand nombre de dictionnaires de par le monde sont encore
préparés aujourd’hui sans corpus. Situation incongrue où certains se battent pour pouvoir
disposer d'un minimum alors que d'autres éprouvent les pires difficultés pour pouvoir se servir
de corpus qui sont devenus trop grands pour être facilement utilisables. En lexicographie
comme dans d'autres domaines, certains ont trop, d'autres trop peu.
J'ai bien peur que la lexicographie française, en dehors du TLF, ne soit pas la mieux
placée : où sont les corpus des deux dictionnaires français les plus vendus, le Petit Larousse et
le Petit Robert ? Que les maisons d'édition me pardonnent si je me trompe, mais je ne les ai
jamais vus, ces corpus, et je n’ai même pas la moindre information sur eux, alors que les
corpus utilisés par les dictionnaires anglais sont connus, décrits et souvent même plus ou
moins accessibles. C'est en partie une question d’argent, bien sûr : les dictionnaires de langue
anglaise rapportent suffisamment d’argent à leurs éditeurs (plutôt d’ailleurs qu’à leurs
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auteurs !) pour qu'ils investissent dans des améliorations méthodologiques susceptibles de leur
donner un avantage sur leurs concurrents.
2
Cette préparation des textes du corpus pose des problèmes à certains, qui y voient une défiguration des
discours authentiques par des critères arbitrairement choisis par les informaticiens – contrepoint
rafraîchissant aux déclarations de ceux pour qui l'informatique serait la clé de tous les problèmes (Sinclair
2003).
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Bien sûr, le lexicographe qui utilise Word Sketch peut d’un simple clic avoir à sa disposition
la totalité des contextes d’utilisation du mot étudié. Cet outil a été utilisé pour la compilation
du Macmillan English Dictionary (2002). Il est possible ensuite de confronter la combinatoire
de deux mots différents. Incidemment, cet outil est donc très utile pour étudier les synonymies
potentielles. Il permet de constater qu’il existe en général des différences de comportement
cooccurrentiel entre deux quasi-synonymes.
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Un autre domaine d’activité intense est ce que les anglophones appellent « Word sense
disambiguation », c’est-à-dire la mise au point d’outils servant à déterminer quel est le sens de
chaque « mot » polysémique ou ambigu dans chacune de ses occurrences dans un texte (voir
l’expérience SENSEVAL menée par Kilgarriff et quelques autres). Ces travaux utilisent un
dictionnaire existant pour essayer de faire coïncider les sens des mots en contexte avec les
sens identifiés par le lexicographe. Evidemment, cela ne résout en rien la question de ce
qu’est un sens, combien un mot polysémique a de sens différents, etc. Je prends toujours avec
mes étudiants l’exemple du mot pied, et les résultats sont ceux qu’on attendait : le nombre de
sens distingués spontanément par eux est variable, le découpage n’est pas le même, sans
compter qu’ils oublient toujours des « sens », comme par exemple celui de « chaussure »,
comme dans Je vais essayer le pied gauche 3 .
Mais le corpus n’est après tout qu’un moyen, même si la littérature lexicographique récente
pourrait laisser penser le contraire. Ce qui compte, c’est quand même le texte du dictionnaire
tel qu’il est produit avec le secours de l’informatique en général et du corpus en particulier. Je
voudrais montrer en quoi le texte dictionnairique qui résulte de l’utilisation d’un corpus est
différent du texte du dictionnaire traditionnel, en quoi il est meilleur sur beaucoup de points,
et je terminerai en montrant qu’il ne faut peut-être pas, tout de même, se laisser aller à un
optimisme excessif.
3
On aura noté par ailleurs que l’exploitation informatique du corpus remet sur le devant de la scène la
notion de « mot », dont les linguistes avaient essayé de se débarrasser.
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Evidemment, plus l'ensemble est restreint, moins il sera difficile à circonscrire : par exemple, la langue
française de la cardiologie de 1980 à 2000 sera plus facile à décrire que la langue de la médecine depuis
1950, qui sera plus facile que la langue de la science au XXe siècle, et que la langue française en général.
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présent à l'esprit des locuteurs, plus que sur la fréquence, que ce soit dans le choix des
éléments de la nomenclature ou dans celui des sens des unités polysémiques.
Introspection is a very flawed technique. Corpus studies indicate that there is an inverse
relationship between cognitive salience (what we can come up with by means of introspection)
and social salience (what we find in corpora). We human beings are wired to register the
unusual in our minds […] But we fail to pay any attention to the commonplace. (Hanks, 2000, 4)
L’expérience de James Murray pour la compilation de l’Oxford English Dictionary de ce
point de vue est une bonne illustration de ce phénomène : ce que ses lecteurs lui rapportaient,
d’ailleurs dans le droit-fil de ses recommandations mais en les poussant un peu loin, c’étaient
surtout les bizarreries de l’usage plutôt que les lignes de force (Simpson 2003).
Accessoirement, le corpus permet aujourd'hui au lexicographe de cantonner au strict
minimum la part de l’information tirée de son intuition ou de ses prédécesseurs. Cela lui
permet de corriger les erreurs ou les archaïsmes qui ont tendance à être transportés de
dictionnaire à dictionnaire sans que soit posée la question de leur authenticité. Le
lexicographe a désormais à sa disposition les moyens de s'assurer que chacune des
informations qu'il donne est corroborée par l'usage tel qu'il est représenté par le corpus.
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climb /klaim/, climbs, climbing, climbed. 1 If you climb or if you climb something
tall such as a tree, mountain, or ladder, you move or travel to- wards the top of it, often
with some effort or difficulty. EG We started to climb the hill… He climbed the stairs
to his bedroom… I climbed up the ladder. ▼used as a noun. EG We were still out of
breath from the climb.
2 If you climb somewhere, you move there slowly, carefully, and often rather
awkwardly, for example because you are moving into a small space or trying to avoid
falling …
Bien sûr, cette prise en compte de l'environnement syntagmatique des mots est beaucoup plus
nette pour les verbes et certains adjectifs que pour les noms. Elle varie également selon le mot
traité et selon le dictionnaire. A terme, on peut s’attendre à ce que les dictionnaires soient en
mesure grâce aux observations faites sur un corpus de rendre compte de cooccurrences plus
floues, plus distantes, moins lexicales et plus grammaticales, du type de celles qui sont
décrites par Sinclair (1991, 110) lorsqu’il évoque son « principe d’idiomaticité » (idiom
principle). Globalement, on peut dire que dans les dictionnaires modernes le mot unique
conserve sa fonction d'étiquette servant au classement des articles du dictionnaire et donc à
leur repérage, mais qu'il ouvre désormais sur un article qui tend à traiter d'entités discursives
plus étendues, repérées et traitées grâce au corpus.
5
Qui a donné naissance au fameux Advanced Learner's Dictionary de A.S. Hornby & al., publié depuis
1948 par Oxford University Press (voir Cowie 1999).
6
Le Meccano (contraction de make and know) a été inventé en 1901 par l'anglais Frank Hornby, dont le
nom le prédestinait à être cité dans un article sur la lexicographie, le même qui lancera trente ans plus tard
les non moins célèbres Dinky Toys.
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constatation de l'usage, comme la sémantique des cadres de Fillmore. Mais ceci est une autre
histoire.
L’informatique permet d’ores et déjà de produire des dictionnaires de meilleure qualité sur
certains points, on l’a vu. En outre, les possibilités offertes à l'utilisateur d’un dictionnaire sur
support informatisé constituent un défi pour le lexicographe, ainsi poussé à inventer, à
innover pour que le contenu soit à la hauteur du contenant, et on peut donc penser qu’il y aura
d’autres améliorations. Dans l'état actuel de nos techniques, par exemple, les dictionnaires
électroniques donnent accès à l'article qui traite de l'unité recherchée, mais pas encore à la
seule partie de cet article qui répond à la question posée. Beaucoup travaillent sur cette
problématique, mais les obstacles n'ont pas tous été levés.
Mais l’utilisation de l’informatique peut aussi, si l'on en croit certains, comporter des
dangers pour la lexicographie. Pour Landau (2001, 399), la facilité avec laquelle le texte
dictionnairique peut être produit désormais a en fait rendu les dictionnaires plus médiocres
dans leur contenu. Les lexicographes travaillent avec des contraintes de temps et de rentabilité
pires que jamais. Par ailleurs, les éditeurs de dictionnaires ont tendance désormais à
concentrer leurs efforts sur ce que Bernard Quemada (1987) appelle le lexicographique, c’est-
à-dire la préparation des bases de données lexicales, au détriment du dictionnairique, c’est-à-
dire la compilation des dictionnaires. Parce qu'ils considèrent le dictionnaire comme un
produit de consommation comme un autre, qui doit être financièrement rentable, ils cherchent
à augmenter la productivité en extrayant le plus de variations possibles de la même base de
données, au détriment des projets originaux qui comportent toujours une part de risque
(Landau 2001, 400).
Enfin, et paradoxalement (mais est-ce aussi paradoxal ?), il y a de plus en plus de
lexicographes préparés par les universités mais les lexicographes travaillent de plus en plus
comme des ouvriers sous-qualifiés qui font fonctionner des machines et appliquent des
consignes. Il n'y a plus de lexicographes vedettes capables d'imprimer à leur dictionnaire la
marque de leur génie : les Samuel Johnson, Noah Webster, Emile Littré, Pierre Larousse,
James Murray, Paul Robert, Jean Dubois ne sont plus là, et ils n’ont pas été remplacés. Les
éditeurs semblent convaincus qu’un bon technicien suffira à préparer un dictionnaire sur la
base du matériau qu’on lui fournit, et qu’il n’est donc nul besoin de s’offrir les services d’une
star. Indirectement, l’informatique aura donc contribué à la disparition des grands noms de la
lexicographie, en réduisant le champ d'application de leur génie : tout rédacteur de
dictionnaire sait désormais qu'une proportion importante de ce que le dictionnaire contiendra
est fixé, par avance, par l'application mécanique des outils mis à sa disposition, sans qu'il y
puisse rien changer.
Le corpus a permis d’ores et déjà de transformer, et peut-être d’améliorer, le texte
dictionnairique, on l’a vu. Mais un optimisme béat serait là aussi excessif. Le corpus n’a pas
simplifié le travail du lexicographe ; il l’a modifié (Landau 2001, 44 ; Rundell 1998, 325). Là
où il travaillait naguère avec beaucoup d’intuition et de bonnes facultés d’analyse, il a
désormais besoin de puissance de déduction et de pouvoir de synthèse. Il est clair que le
corpus ne peut pas tout faire seul. Il est surtout utile pour la mise au point de la nomenclature,
mais même ces problèmes ne peuvent pas être totalement traités par le seul corpus : aucun
corpus ne permet de rassembler une nomenclature sans intervention complémentaire du
lexicographe. Quant aux problèmes de microstructure, comportements syntagmatiques,
définitions, étiquetage, nous ne sommes qu'à l'aube de l'utilisation des moyens informatiques
pour les résoudre.
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Dans ces conditions, que peut-on prévoir pour l'avenir de la lexicographie ? On peut être
certain qu'il y a de l'avenir pour les outils de référence de tout poil, les monolingues et les
bilingues, les généraux et les spécialisés, les encyclopédiques et les linguistiques, les
sémasiologiques et les onomasiologiques, et que nous ne sommes donc pas prêts de voir la fin
de la lexicographie. En effet, le besoin d’information ponctuelle et immédiate, en particulier
de repères linguistiques, sera de plus en plus grand, parce que nous sommes de plus en plus
pressés, parce qu’il y a de plus en plus de personnes qui interagissent par le langage avec des
personnes issues de la même communauté ou de communautés linguistiques différentes, parce
que nous avons besoin d‘outils fiables, dépositaires du code. Mais on peut se demander si ce
sont bien les dictionnaires que nous connaissons qui sont promis à ce brillant avenir.
A quoi ressembleront les dictionnaires du futur ? En quoi seront-ils différents des
dictionnaires actuels ? Le dictionnaire survivra-t-il tel qu'il est, ou disparaîtra-t-il pour
rejoindre les vitrines des musées comme tant d’autres artefacts du passé, la tablette d’argile ou
la règle à calcul ? Sera-t-il remplacé par des outils qui n'ont guère de rapport avec lui ?
L'avenir le dira, mais cela ne fait guère de doute. D'ores et déjà, il est clair que le dictionnaire,
qui fut un des grands instruments de la promotion sociale et qui était devenu plus récemment
et plus modestement l'outil idéal pour toute question sur l'usage linguistique, a commencé à
perdre ce dernier monopole. Il joue désormais un rôle réduit dans l’acculturation des locuteurs
culturellement désavantagés, dans la mesure où il existe d’autres moyens plus modernes et
donc plus attractifs d'auto-enseignement. À terme, c'est donc bien la définition même du
dictionnaire qui sera remise en cause.
7
On notera que Grefenstette a choisi des termes polylexicaux, qui éventuellement ne seront même pas
traités dans un dictionnaire.
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22 Henri Béjoint
C’est donc ce défi que la lexicographie doit relever : il s’agira désormais de produire des
outils adaptés à leur temps, c’est-à-dire qui tiennent compte de l’existence d’autres sources
d’information, et qui en tirent le meilleur parti. À la question posée par Gregory Grefenstette
en 1998 « Y aura-t-il encore des lexicographes en l’an 3000 ? », on peut sans doute répondre
« Oui », mais ils auront des compétences, des objectifs, des contraintes, des conditions de
travail et des techniques bien différentes.
Henri Béjoint
Université Lumière Lyon 2 / Centre de Recherche en Terminologie et Traduction (CRTT)
86 rue Pasteur, 69365 Lyon Cedex 7
<Henri.Bejoint@univ-lyon2.fr>
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