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À eux seuls, les transports de denrées alimentaires, leur stockage et leur commercialisation sont responsables

en France de 11 % des émissions de gaz à effets de serre (GES) dans la chaîne alimentaire (Ifen, 2006).
L’optimisation de la chaîne logistique est l’une des clés pour réduire leur impact environnemental. Sur ce point,
l’agriculture urbaine apporte des solutions : commercialisation de produits de saison, vente directe, temps
moindres de stockage et déchets de conditionnement réduits. Cependant, avec 29 % d’émissions de GES, le
mode de production des denrées alimentaires reste la source la plus polluante dans la chaîne alimentaire en
France (Ifen, op.cit). Or l’implantation spatiale des projets d’agriculture urbaine entraîne très souvent une forte
co-visibilité et une proximité relationnelle entre producteurs et consommateurs. Des pratiques culturales
respectueuses de l’environnement sont donc fortement présentes au sein des projets d’agriculture urbaine  :
bien souvent, aucun traitement phytosanitaire chimique, intrants d’origine naturelle, forte présence de
biodiversité végétale et animale, etc. D’un autre côté, la proximité à l’outil de production, voire la participation
active du consommateur dans le processus de production, entraîne une amélioration des pratiques de
consommation (Pourias, 2014).

2Plusieurs fermes urbaines revendiquent cette proximité au consommateur, comme c’est le cas par exemple
aux États-Unis : À Chicago en cœur de ville, une micro-ferme intra urbaine (Figure 1) s’est implantée sur la
toiture d’un restaurant : l’Uncommon Ground. Ce toit a été le premier certifié biologique par l’USDA (U.S.
Department of Agriculture). Il permet la production de 700 kg par an de légumes sur 230 m², dont 60 m² de
surface agricole utile. L’ensemble de la production couvre environ 2 à 3 % des besoins en légumes frais du
restaurant situé au rez-de-chaussée. Le chef participe d’ailleurs à l’élaboration du plan de culture avec le
jardinier-maraîcher responsable du site. Plus qu’un outil de production cette toiture sensibilise à la culture de
fruits et légumes frais produits localement, car près de 200 clients par jour visitent, voient et sentent les
produits qu’ils vont consommer.

3À plus grande échelle cette fois, la Ferme du Budé à Genève produit et commercialise ses fruits et légumes sur
plus de 4 000 m² en centre-ville. Véritable « micro-hub urbain alimentaire », elle propose un marché paysan
qui centralise les produits issus de l’agriculture périurbaine genevoise. Il rassemble plus de 340 entreprises
(production, transformation et distribution) sous le Label « Terre d’Avenir ». Forte de son succès, la ferme
participe aujourd’hui à la reconversion du parc paysager voisin en espace à vocation comestible tout en
accueillant de nombreux écoliers ainsi sensibilisés à la consommation de produits agricoles sains et locaux.

Figure 1. En cœur de ville, la production alimentaire sur toiture limite les transports et favorise le
rapprochement entre producteurs et consommateurs.

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Source : schéma illustrant le fonctionnement du site Uncommon Ground à Chicago, réalisé par Guillaume Morel-
Chevillet. Formats HD disponibles : [en ligne] URL : https://www.dropbox.com/sh/dbtb2uy5ifgjexu/
AAC0gSVzkFzONQogtH1bRGfxa ?dl =0

Recyclage du déchet organique : quand le déchet


devient ressource
4L’ensemble des activités au sein des villes, ou métabolisme urbain, a des conséquences amont et aval en
termes de prélèvements de ressources et de rejets de matières de rebut (vers l’atmosphère, l’eau et les sols),
avec de multiples impacts pour les écosystèmes, et autant d’enjeux de connaissance et d’action (Barles, 2005).
En France, la production de déchets organiques (hors déchets de l’agriculture et de la sylviculture) est de 46,4
millions de tonnes, dont 7,1 millions issus de déchets de cuisines collectives, et 5,1 millions de déchets
domestiques (ADEME, 2015).

5Sur ce point, nos ancêtres étaient plus sages, car la ville et l’agriculture du XIXe siècle représentaient un
modèle en matière de gestion des flux de matière très proche de l’économie circulaire. L’analyse du
fonctionnement des producteurs agricoles situés à proximité de la Ville de Paris aux XVIIe  et XIXe le démontre.
Ainsi, les maraîchers de la petite couronne récoltaient déjà de nombreux déchets organiques urbains (Roy,
2015). Ces déchets étaient variés : fumier de cheval, car Paris comptait plus de 100 000 chevaux à la fin du
XIXe siècle, effluents des abattoirs, drêches des brasseries, meules des champignonnières, déchets verts,
déchets domestiques divers, etc. Les maraîchers repartaient de la ville, les charriots remplis de cette ressource
qui était ensuite épandue sur les champs. Ainsi en 1913, les exportations d’azote de Paris vers l’agriculture
représentent environ 40 % des entrées d’azote alimentaire, soit plus de 9 100 tonnes (Barles, 2005). « Paris
rend en engrais ce qu’il reçoit en nourriture », observait d’ailleurs l’écrivain Maxime Du Camp en 1879.

6Aujourd’hui, les fermes urbaines de bon niveau technique sont une opportunité pour traiter et assimiler une
partie de ces flux de déchets via la mise en place de substrats intégrant ces déchets urbains, sous une forme
compostée pour la production végétale ou sous une forme brute pour la production de champignons par
exemple. Les coûts de ces matériaux, alliés à une sensibilité environnementale forte des porteurs de projets,
induisent une recherche de matériaux d’origine locale, donc urbaine. À titre d’exemple, l’entreprise d’agriculture
urbaine « La Boîte à Champignons » à Paris produit depuis 2011 des champignons (Figure 2) à partir de flux de
sous-produits non valorisés. La récupération de marc de café, en partenariat avec des industriels de machines
automatiques, permet en effet à cette société de produire et commercialiser des pleurotes. Au total, ce sont
plus de 1 000 tonnes de déchets qui sont recyclés chaque année, et 30 tonnes de pleurotes produits et vendus
dans un rayon de 20 km autour du site de production.

Figure 2. La production de champignons en ville s’inscrit dans l’économie circulaire en recyclant les
déchets, ici du marc de café. 2017. Site de production de La Boîte à Champignons. Région Ile-de-
France.

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Crédit : La Boite à Champignons.

7L’utilisation de déchets d’origine urbaine pour la production végétale en milieu urbain fait aussi l’objet
d’expérimentations. Ainsi en France, en 2017, l’équipe dirigée par l’institut technique horticole ASTREDHOR, en
partenariat avec l’UMR SADAPT INRA-AgroParisTech et trois porteurs de projets d’agriculture urbaine : Agricool,
Le Paysan Urbain et Terreauciel, est lauréate du projet de recherche CASDAR Innovation porté par le ministère
de l’Agriculture. Dénommé TECHN’AU, ce programme de recherche entend lever certains verrous
technologiques et garantir la qualité des produits de l’agriculture urbaine. Outre l’accès à la lumière naturelle,
ce projet s’intéresse à l’utilisation de déchets organiques d’origine urbaine au sein de ces systèmes de
production. Une multitude de matériaux sont testés, du compost issu de la ville jusqu’au marc de café avec
mycélium, résidu de la culture des champignons citée ci-dessus . La fertilisation organique d’origine urbaine
utilisée pour la production verticale et hors-sol est aussi à l’étude. Plusieurs végétaux comme les fraises, les
fleurs comestibles ou les aromatiques sont testés, soit en plein air, soit en milieu confiné. Sur la base des
productions issues de ces systèmes innovants, la contamination et la qualité sanitaire des produits font l’objet
de travaux dédiés. Finalement, la perception sociétale de tels produits ainsi que la qualité gustative sont
analysées. Par ce programme, l’équipe souhaite ouvrir de nouvelles voies pour la filière de la production
végétale, comestible ou ornementale. Car démontrer que la proximité à la ville peut être bénéfique, tant sur la
valorisation des déchets qui deviennent ressource, que sur la proximité des consommateurs, c’est aussi inscrire
la filière de la production agricole et horticole dans la dynamique vertueuse de l’économie circulaire.

Recyclage de l’eau : vers une utilisation optimale en


production
8Les fermes urbaines sont au cœur des enjeux sur la préservation de la ressource en eau. Car la gestion
optimale de l’eau de pluie pour la production est attendue par les collectivités. En effet, la récupération de l’eau
apporte de nombreux bénéfices : diminution des pressions sur la ressource, baisse des quantités d’eaux
pluviales envoyées vers les stations d’épuration, réduction des rejets et donc des pollutions vers le milieu
naturel par temps de pluie, et diminution des risques d’inondation par débordement des réseaux lors des
orages. Le démonstrateur des « Fermes en Villes », situé à Saint- Cyr-l’Ecole (78) et porté par l’association « Le
Vivant et la Ville », est un modèle de gestion des eaux de pluie et de leur valorisation au sein d’un modèle
fonctionnel de ferme urbaine. Ici, la topographie du terrain a été travaillée afin de créer des pentes de 2 %
permettant de guider les eaux vers un bassin de récupération. Pour éviter la pollution et pour préserver l’eau de
pluie, une couche de marne calcaire imperméable issue de terrassements voisins a été mise en place sur une
épaisseur moyenne d’un mètre sur l’ensemble du terrain. Cette eau est traitée par UV et fertilisée pour ensuite
irriguer les 13 000 m² de cultures hydroponiques de tomates et de petits fruits comme les fraises ou les
framboises. Outre la gestion de l’eau, cette ferme utilise aussi les composts de déchets verts locaux et des
substrats intégrant des déchets urbains dans son processus cultural. La réplicabilité d’un tel modèle est
d’ailleurs à l’étude, car bon nombre de collectivités sont confrontées à ces problématiques, à l’interface entre
gestion de l’eau, économie circulaire et optimisation de fonciers délaissés.

Figure 3. Même sur les toitures, l’élevage de poissons couplé à la production végétale est possible,
preuve que l’aquaponie est un outil compatible avec le milieu urbain. 2016. Site de production
Urban Farmers à Bâle, Suisse.
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Crédit : Guillaume Morel-Chevillet.

9En matière de gestion efficiente et circulaire de l’eau, l’aquaponie fait aussi figure de modèle puisqu’elle
permet le recyclage de plus de 90 % de l’eau utilisée pour la production tout en limitant les intrants pour la
fertilisation. Cette technique est une forme d’aquaculture intégrée qui associe une culture de végétaux en
symbiose avec l'élevage de poissons dont les déjections, riches en azote (ammonium et urée) et en phosphore
et potassium, sont la source de nutriments pour les plantes. Fort de ces constats, la société suisse «  Urban
Farmers » a construit sa première serre sur toiture de 250 m² à Bâle, Suisse (Figure 3), et a finalisé en mai
2016 le chantier d’une serre de 1 400 m² de production aquaponique à la Hague aux Pays-Bas. Pour ce projet,
les volumes de production attendus annuellement sont de 19 tonnes de poisson et 50 tonnes de végétaux, pour
un investissement total d’environ 2,7 millions d’euros. Aux États-Unis, les fermes urbaines utilisant l’aquaponie
sont nombreuses et peuvent prétendre à la certification « Organic », similaire au label « Agriculture
Biologique » en France, délivrée par le département américain de l’agriculture (U.S.D.A.). À Milwaukee et
Chicago, de nombreux projets ont été créés, notamment pour leur fonction pédagogique, comme la
« Sweetwater Foundation » ou la serre de l’école Montessori. Bien que différente du contexte réglementaire et
sociétal français, cette dynamique nord-américaine permet de sentir une évolution vis-à-vis des produits issus
de l’hydroponie conventionnelle à base de fertilisants minéraux. Cette labellisation permet aux producteurs
américains de vendre la production 15 % à 50 % plus cher qu’une culture conventionnelle (Brentlinger, 2007).
En France, le projet de recherche sur l’aquaponie APIVA rassemble deux instituts techniques, l’ITAVI (Institut
technique de l’aviculture et de l’aquaculture) et ASTREDHOR, mais aussi l’INRA (Institut National de Recherche
Agronomique) et le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement). Des expérimentations ont permis de tester les performances de l’aquaponie dans différentes
modalités de conception de système (eau chaude et eau froide, indépendance et dépendance des
compartiments aquacoles et hydroponiques, et analyse technico-économique).
Optimisation de l’espace urbain : vers un meilleur
usage du foncier et du bâti existant
10Face à l’étalement urbain au détriment des terres agricoles fertiles, les villes sont amenées à être plus
compactes ou mieux conçues afin de limiter, voire annihiler, la destruction des surfaces agricoles. Cela implique
notamment de « construire la ville sur la ville » en optimisant le foncier urbain et le bâti existant ou en prenant
en compte, dans le développement des cités, une « agri-urbanité » (Donadieu, 2015). De nouveaux espaces
publics mêlant intégration paysagère, fonctionnalité urbaine et besoins agricoles se développent dans les
nouveaux programmes de construction de la ville. Dans une logique d’économie circulaire, le foncier doit être
pensé comme une ressource précieuse à préserver (via la protection des terres agricoles au Plan Local
d’Urbanisme par exemple), à réutiliser (toitures accessibles, anciens bâtiments, dents creuses urbaines, sous-
sol, etc.), voire à réparer (dans le cas de terrains dégradés par l’industrie par exemple).

11Le concept de l’économie de la fonctionnalité peut aussi s’appliquer au foncier utilisé dans le cas de projet
d’agriculture urbaine. Dans ce cas, c’est l’usage du bien (surface potagère en toiture ou à l’intérieur du bâti,
ruches urbaines, parcelles en pleine terre, etc.) qui est vendu ou loué, bien souvent accompagné d’une panoplie
de services, et non l’outil de production lui-même. Grâce à leur savoir-faire sur la maîtrise des cycles
biologiques et sur la compréhension des enjeux des villes, les fermes urbaines ont un rôle à jouer. On les
retrouve dans les interstices urbains, sur du foncier délaissé pour cause de pollution ou en mutation, sur les
toitures ou même dans les sous-sols. Elles participent donc à l’économie circulaire liée au foncier en offrant une
meilleure optimisation de l’espace urbain.

12Les volumes disponibles et non-exploités en sous-sol urbain sont très importants. À Paris, les caves
représentent plus de 40 millions de mètres cubes et les égouts près de 8 millions de mètres cubes
(Fernandez.2014). C’est pourquoi les projets innovants considèrent aujourd’hui ces espaces délaissés avec
beaucoup d’attention… À Londres, par 33 mètres de profondeur, dans un ancien abri anti-aérien de la Seconde
Guerre mondiale, l’entreprise « Growing Underground » cultive des jeunes pousses. Roquette, wasabi, basilic
rouge, amaranthe rouge, radis, ciboulette et coriandre iront rejoindre les plus grands restaurants et épiceries
fines de la capitale anglaise. Au total, ce sont plus de 2 000 barquettes de 40 grammes de jeunes pousses qui
sont ainsi produites sur environ 550 m2. Même si l’accessibilité, les circulations et les réglementations peuvent
constituer des freins à la viabilité économique, la production souterraine urbaine offre des perspectives
intéressantes : c’est déjà le cas à Paris (Figure 4)

Figure 4. Dans les sous-sols délaissés des grandes villes, l’agriculture urbaine peut offrir des
solutions pour produire plantes et champignons, comme ici dans d’anciens stationnements enterrés
à Paris. Image de synthèse, projet la Caverne porté par Cycloponics.

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Crédits : Cycloponics.

13En milieu intra-urbain, les espaces au sol sont rares et la toiture fait l’objet de nombreuses convoitises.
Longtemps reléguée au rang de simple espace technique et fonctionnel, la toiture revient au premier plan des
enjeux urbains. Comme la décrivait Le Corbusier, cette « cinquième façade » permet, sous certaines conditions
(portance, accessibilité, localisation), d’accueillir une multitude de formes d’agriculture urbaine, revalorisant ce
foncier autrefois délaissé. On ne compte plus aujourd’hui les nombreux projets de production comestible en
toiture. Parmi ceux-ci, des serres urbaines commencent à̀ apparaître dans plusieurs grandes villes en Amérique
du Nord telles que New York (Gotham Greens : deux serres à Brooklyn : 1 394 m² et 2 000 m², une dans le
Queens : 6 000 m²), Chicago (Gotham Greens : 7 500 m²), etc. On observe également ce développement en
Europe avec notamment la société « Urban Farmers » précédememnt cité, ou le projet « BIGH » avec la
construction en cours d’une serre de 1 800 m² de production aquaponique sur le toit des anciens abattoirs
d’Anderlecht à Bruxelles. En France, la ville de Paris a d’ores et déjà modifié son Plan Local d’Urbanisme afin de
favoriser le développement des serres productives sur ses toits. Ainsi, la société Toit Tout Vert souhaite
construire une serre de 1 500 m² tandis que la rénovation de la Tour Montparnasse envisage une serre
agricole. À Barcelone, une serre expérimentale intégrée au bâtiment imagine déjà l’agriculture du futur (Sanyé-
Mangual et al. 2015). En synergie avec l’architecture, la serre récupère l’eau, mais aussi le CO2 et la chaleur
des airs viciés et chauds issus du fonctionnement du recyclage de l’air intérieur du bâtiment (Figure 5).

Figure 5. Les serres sur toitures peuvent interagir avec le bâtiment au niveau énergétique, sur la
gestion de l’eau et sur la qualité de l’air, pour in fine produire des végétaux localement.

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Graphismes collectif LàBO.

Source : Schéma d’après Sanyé-Mangual et al. 2015.

14Au sol, les liens avec la ville sont plus intenses ; les fermes intra-urbaines s’implantent dans les interstices,
les terrains pollués ou amenés à être urbanisés. De nombreux verrous à leur développement restent encore à
lever comme la possible contamination des produits issus de ces fermes par le sol et l’air pollués, la
réglementation et le statut des fermes et des acteurs qui la composent ou la pérennité du foncier sur lequel
elles s’implantent. À Philadelphie, aux États-Unis, la ferme intra-urbaine « Greensgrow farm » illustre le
développement à long terme d’une ferme intra-urbaine sur un terrain pollué. Cette ferme existe depuis 1997.
L’idée initiale était de fournir des végétaux ultra-frais aux restaurants. Sur une ancienne parcelle industrielle, la
production de départ se composait de salades produites en hydroponie. Puis la ferme s’est tournée vers des
activités plus sociales (cuisine communautaire, formation au jardinage), la centralisation des produits agricoles
locaux via un marché paysan et une activité de jardinerie par la vente de végétaux en conteneurs issus de
productions locales et agrofournitures à destination des urbains. Aujourd’hui, plus de 20 000 clients viennent
chaque année visiter la ferme. Elle génère 80 % du budget nécessaire à son fonctionnement et emploie une
dizaine de personnes au printemps et en été.

Conclusion
15L’agriculture urbaine s’implante progressivement en ville. Pour le moment, les projets fonctionnent en
relative autonomie les uns par rapport aux autres. En revanche, en Amérique du Nord et en Europe, ces projets
sont de plus en plus étroitement liés au métabolisme de la ville : participation à la gestion des déchets urbains,
innovations des systèmes de culture et de commercialisation, gestion de l’eau, optimisation de l’espace,
influence sur les interactions sociales, etc. Les fermes urbaines ont comme objectif d’aller vers un impact
environnemental faible, voire positif. À l’échelle d’un projet, elles proposent des solutions techniques et sociales
innovantes : maîtrise du climat, protection des plantes, gestion de l’énergie, maîtrise de la surface de
production par l’utilisation de systèmes de production hors-sol, nouvelles compétences et nouveaux emplois en
ville, etc.

16Et si l’avenir était la mise en réseau de ces projets d’agriculture urbaine pour s’inscrire pleinement dans
l’économie circulaire ? Une meilleure interconnexion des projets d’agriculture urbaine entre eux permettrait une
économie circulaire plus globale et généralisable à l’échelle d’un territoire. La gestion des déchets de la ville,
quant à elle, pourrait être prise en charge par un maillage de fermes urbaines, les unes, plus centrales et intra-
urbaines collectant et centralisant ces déchets les autres, en périphérie, les transformant en ressources pour la
production agricole ou pour la ville. À l’image des ceintures maraîchères du XIXe siècle, la mise en réseau
moderne des fermes pourrait permettre de recréer une véritable ceinture de production alimentaire locale. Les
fermes intra-urbaines, en lien direct avec les citadins-consommateurs, auraient pour fonction la centralisation,
via une logistique souple et connectée, de produits issus de fermes péri-urbaines, limitant ainsi les
intermédiaires et réduisant l’impact environnemental.

17Au niveau énergétique, selon le même concept que les « smart grid » (Rifkin, 2012), des projets de
production décentralisés et locaux voient le jour. Les fermes urbaines, notamment lorsqu’elles sont en réseau
et couplées à des systèmes de production et de stockage énergétiques (éolien, méthanisation, solaire, etc.),
pourraient produire une partie des besoins énergétiques de la ville. Il se pourrait qu’elles transcendent les
principales fonctions actuellement identifiées pour les projets d’agriculture urbaine à savoir, alimentaire et
sociale. L’agriculture urbaine interconnectée doit à l’avenir s’inscrire dans la « troisième révolution industrielle »
(Rifkin, 2012). Cette expression décrit une nouvelle révolution industrielle basée sur les technologies de
l’information et répond à la diminution de la production de pétrole, nécessitant une «  économie décarbonée »
dans laquelle s’inscrit l’économie circulaire.

18Les projets d’agriculture urbaine obligent ainsi à repenser la construction de la ville et l’économie qu’elle
sous-tend dans une perspective de résilience urbaine (Duchemin, 2012). Ils sont donc au cœur des enjeux de
l’économie circulaire de la ville de demain, plus verte et plus proche de l’économie locale.

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