Vous êtes sur la page 1sur 19

La petite agriculture marocaine : analyse des systèmes de production

agricole de la commune rurale d’El Faid (Province de Taroudant)


DRISS SADI 1, LARBI AZIZ 2 ET ABDELATIF KHATABI 3
1
Ingénieur agronome, Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès, Maroc
2
Enseignant-chercheur, Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès, Maroc
3
Enseignant-chercheur, Ecole Nationale Forestière des Ingénieurs, Maroc
Résumé
Connue par l’abondance des terres collectives et des ressources hydriques, la
commune rurale El Faid, relevant de la province de Taroudant, est considérée
comme l’une des zones les plus propices pour l’agriculture. La présente étude a
pour objectif d’analyser les systèmes de production de cette commune. Pour
atteindre cet objectif des enquêtes ont été réalisées auprès d’un échantillon
composé de 52 agriculteurs locaux. L’analyse des données recueillies a été
effectuée moyennant l’analyse statistique descriptive. Les résultats obtenus
montrent une diversification au niveau des systèmes de production locaux et une
utilisation très limitée des engrais minéraux. La moitié de la surface agricole
utile des exploitants est conduite en irriguée et le mode d’irrigation le plus
répandu est le gravitaire. L’élevage est la principale source de revenu des
enquêtés et il est dominé en effectif par les caprins. Les exploitations étudiées
font face à plusieurs contraintes qui entravent leur fonctionnement notamment la
pénurie d’eau suite aux effets de l’évolution du climat local et à la
surexploitation de l’eau souterraine.
،‫ نظام المحاصيل‬،‫ نظام االنتاج‬،‫ الفايد‬/‫الكلمات المفاتيح‬
‫ التغيرات المناخية‬،‫نظام الثروة الحيوانية‬
Mots clés : El Faid, système de production, système de culture, système
d’élevage, changement climatique.
Keywords : El Faid, production system, cropping system, livestock system,
climate change.
Introduction
Le secteur agricole marocain demeure le principal pourvoyeur d’emplois
puisque trois quart de la population active du milieu rural tire son revenu de la
branche agricole (MAPM, 2012). Pour consolider cette position, le
gouvernement marocain a lancé en 2008 une stratégie baptisée « Plan Maroc

5
Vert ». Elle a pour objectif principal de faire de l’agriculture un secteur
performant apte à être un moteur de l’économie toute entière, lutter contre la
pauvreté et maintenir une population importante en milieu rural (ADA1, 2012).
Concrètement, cette stratégie visait deux objectifs, le premier est relatif au
développement d’une agriculture moderne, intensive et productiviste à haute
valeur ajoutée, puis le deuxième vise la lutte contre la pauvreté rurale par
l’amélioration du revenu agricole des petites exploitations (Akesbi et al., 2011).
Ceci correspond au passage d’une agriculture qui est petite et traditionnelle à
faible productivité à une agriculture moderne, commerciale et intensive à haute
productivité (MAPM2, 2010).
Néanmoins, ce secteur reste majoritairement représenté par les petites et
moyennes exploitations agricoles (PMEA), on compte un nombre de 1.5
Millions d’exploitations agricoles dont 70% possèdent une surface inférieur à 5
ha (CGDA3 , 2008). Mais cette petite agriculture présente plusieurs forces telles
que celles qui sont liées à l’aspect environnemental à savoir la faible utilisation
des facteurs de production comme les engrais, les produits chimiques
(agriculture biologique) et la motorisation (BAD4, 2013). De l’autre côté, elle
fait face à plusieurs faiblesses: d’une part, la faible production avec un
assolement dominé par les céréales, et d’autre part, la difficulté d’accès au
financement, la taille réduite des exploitations et le fort taux d’analphabétisme
(CGDA, 2010).
Pour analyser ce type d’agriculture, nous avons réalisé une étude 5 au niveau de
la commune d’El Faid relevant de la province de Taroudant (Région Souss-
Massa). L’article se propose d’analyser les dynamiques en place du système
agraire local et de la vulnérabilité de la petite agriculture de la commune d’El
Faid vis-à-vis de ces dynamiques et des changements climatiques. Plus
concrètement, nous avons cherché à analyser les systèmes de production
agricole prévalant dans cette commune.

1
Agence pour le Développement Agricole
2
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime
3
Conseil Général du Développement Agricole
4
Banque Africaine de Développement
5
Etude réalisée dans le cadre du projet « Vulnérabilité environnementale et socioéconomique et potentiel
d’adaptation au changement climatique dans la commune rural El Faid », coordonnée par par l’Association
Marocaine des Sciences Régionales, Rabat, et bénéficiant du soutien d’Ouranos, Canada, à travers un
financement octroyé par le Fonds vert dans le cadre du Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques
du gouvernement du Québec.

6
1. Eléments méthodologiques
a. Présentation de la zone d’étude
La commune rurale El Faid est située au centre de la province de Taroudant.
Elle est distante de 60 km de la ville d’Ouled Berhil dont elle dépend
administrativement, de 75 km de Taroudant chef-lieu de la province et de 180
km d’Agadir chef-lieu de la région.
La commune rurale d’El Faid dépend du cercle d’Ouled Berhil, Caïdat El Faid,
regroupe 50 douars et s’étale sur 430 km2, soit 2.6 % du territoire provincial. La
superficie totale de cette commune est de 53 200 ha, dont 15 900 ha de
superficie agricole utile, 3 000 ha de parcours et 30 500 ha de forêt, alors que les
terres incultes occupent 3 800 ha (ORMVA SM6, 2016). Le territoire est en effet
composé à 50% de montagnes, 20% de plaines (plaine du Souss) et 30% de
plateaux. Les sols de la commune possèdent des caractéristiques favorables à
l’agriculture intensive (sol de type argileux-sablonneux), comme en témoigne
les importantes parcelles agricoles irriguées au Nord-est du territoire
(Benmimoun, 2019).
Selon le recensement général de la population de 2014, la population totale d’El
Faid est de 12 011hab, avec une dominance féminine puisqu’elle se répartie à
hauteur 53,6% de femmes et 46,4% d’hommes. Près d’un tiers de la population
est âgée de moins de 15 ans (29,2%) et près des deux tiers (60,4%) sont âgés de
moins de 35 ans. Alors que, 61,3% sont en âge d’activités (15 – 65 ans) et
17,1% sont en âge de scolarisation (6 – 14 ans).
Sur l'année, la température moyenne à El Faid est de +28,0 °C et les
précipitations moyennes sont de 200 mm. Ces précipitations peuvent varier
d’une année à l’autre et posent un problème pour les cultures en Bour. Les vents
dominants sont d’Ouest plus frais et d’Est plus chaud.

6
Office Régional de la Mise en Valeur Agricole de Souss Massa

7
Figure 1 : Localisation de la commune rurale El Faid (Azedou, 2020)
b. Outils d’investigation et méthodes d’analyse
Nous avons réalisé une enquête par questionnaire auprès de 52 agriculteurs
répartis sur plusieurs douars. Pour le choix des douars, nous avons fait recours à
une carte d’occupation du sol d’El Faid (figure 2) en optant pour les douars où
l’activité principale est l’agriculture. Ainsi, les agriculteurs enquêtés
appartiennent aux douars situés au nord de la commune où existent des
exploitations agricoles, contrairement à la zone sud dominée par la forêt.

Figure 2 : Carte d’occupation du sol de la commune rurale d’El Faid (Azedou, 2020)

8
Le questionnaire administré aux agriculteurs a porté sur l’identification socio-
économique de l’enquêté, l’identification de l’exploitation agricole et sur les
caractéristiques du système de production de l’exploitation agricole pour
connaître leur fonctionnement. L’analyse des données recueillies a été effectuée
moyennant l’analyse statistique descriptive.
2. Résultats
2.1. Données socio-professionnelles des enquêtés
La commune d’El Faid comptant 12 011 habitants en 2016 (ORMVASM, 2016),
contre 11 998 habitants en 2014 (RGP, 2014) et 12 811 habitants en 2004 (RGP,
2004); la densité communale y est ainsi de 27,9 hab. /km2, contre 29,8 hab. /km2
en 2004. Entre 2004 et 2014 la commune a connu un taux d’accroissement
annuel négatif de -0,65% avec une évolution annuelle moyenne de +0,94% de
nombre des ménages. La baisse de la population constatée entre 2004 et 2014,
est due à l’exode rural que connaît El Faid vers les communes les mieux
équipées en infrastructures de base et en équipements, et surtout vers les grandes
villes d’Agadir, Taroudant, Marrakech, Essaouira, offrant davantage
d’opportunités d’emplois (C.T El Faid, 2015).
Sur l’ensemble de la population âgée de 15 ans et plus, la population active
communale compte 2 852 personnes, soit un taux d’activité de seulement 33,5%
en 2014. Ce taux est beaucoup plus important pour la composante masculine
pour laquelle il est de 69,7% contre seulement 5% pour la composante féminine
(RGP, 2014). Ce qui explique en quelque sorte la dominance des hommes dans
l’échantillon enquêté.
L’âge de la population enquêtée varie entre 30 et 75 ans avec une moyenne de
49 ans. En effet 52% des agriculteurs enquêtés ont un âge variant entre 40 et 60
ans, suivis par la classe des agriculteurs les plus jeunes dont l’âge ne dépasse pas
40 ans (31%) et en dernier lieu, la classe des agriculteurs ayant plus de 60 ans,
occupe 17% de la population enquêtée (Tableau 1).

9
Tableau 1 : Répartition des agriculteurs enquêtés selon leur classe d’âge

Classes Effectifs Pourcentage


d’âges %
[30 – 40] 16 31
] 40 – 60] 27 52
] 60 – 75] 9 17

Sur l’ensemble des agriculteurs enquêtés, 10% d’entre eux sont analphabètes,
23% ont un niveau coranique alors que les agriculteurs qui ont un niveau
d’instruction primaire représentent 32%, soit le même pourcentage de ceux
ayant un niveau secondaire. Un seul exploitant a pu continuer ses études
jusqu’au supérieur (Figure 3).

35% 32% 32%


30%
25% 23%
20%
15%
10%
10%
5% 2%
0%

Figure 3 : Répartition des agriculteurs selon leur niveau d’instruction

Concernant les activités extra-agricoles des exploitants enquêtés, les résultats de


nos enquêtes montrent que 64% des agriculteurs ont pour activité principale
l’agriculture, alors que 36% exercent d’autres activités extra-agricoles
(commerçant, ouvrier).
2.2. Caractéristiques des exploitations enquêtées
L’activité dans la commune d’El Faid s’appuie en premier lieu sur l’agriculture
et l’élevage qui emploient la grande majorité de la population active. En fait
l’agriculture profite d’un climat propice à certaines cultures et de la fertilité des

10
terres sur certaines zones. Toutefois, la SAU occupe une faible part du territoire
communal en raison du relief et du domaine forestier. La surface irriguée est
aussi peu importante, la majorité des cultures étant en Bour (85% de la SAU).
Les terres irriguées à fort potentiel (agrumes) se trouvent dans la partie Nord de
la commune située aux alentours de l’Oued Souss (Benmimoun, 2019).
Pourtant, l’agriculture reste encore très traditionnelle et dépendante des aléas
climatiques.
2.2.1. Structure foncière
Les statuts juridiques présents dans la commune sont le Melk et le collectif. Ce
dernier reste le statut dominant avec une superficie de 8 730 ha, soit 63% de la
SAU. Le reste de la superficie (soit 37% de la SAU) est représenté par le Melk
avec 5 120 ha. C’est ce que l’on retrouve aussi dans la structure foncière des
exploitations de nos enquêtés. En effet, les terres des exploitations agricoles
enquêtées relèvent en grande partie du collectif : 77% des terres sont sous le
statut collectif et le Melk ne représente que 23% des terres exploitées. La taille
des exploitations enquêtées varie entre 1.5 ha et 30 ha avec une moyenne de
10.65 ha par exploitation.
A travers le tableau ci-dessous, nous remarquons qu’il y a une dominance des
exploitations ayant une superficie comprise entre 5 et 10 ha avec un pourcentage
de 56% des enquêtés. 23% des enquêtés exploitent une superficie variant entre
10 et 20 ha et 11,4% possèdent une superficie allant de 20 à 30 ha. Le reste est
représenté par la classe des agriculteurs disposant d’une taille inférieure à 5 ha
(9.6)

11
Tableau 2 : Répartition des agriculteurs selon la taille des exploitations
2.2.2. Mécanisation et bâtiments des exploitations
Au niveau de notre échantillon, 71% des agriculteurs sont sous équipés en
matière de matériel agricole. Ils ne disposent d’aucune machine agricole ; le seul
matériel traditionnel de travail du sol dont ils disposent est l’araire. Ils ont
souvent recours à la location du matériel pour leurs travaux ou à l’utilisation du
tracteur de l’AUEA à laquelle ils adhérent. Les exploitations moyennement
équipées ne représentent que 17% et disposent d’un tracteur et d’un
pulvérisateur. Alors que les exploitations très équipées sont détenues par 12% de
la population enquêtée. Les agriculteurs de cette classe possèdent un matériel
composé de : tracteur, moissonneuse batteuse, pulvérisateur, véhicule de
transport, machine de traite pour ceux qui pratiquent l’élevage bovine et d’autres
matériels agricoles.
Concernant les bâtiments dont disposent les exploitations étudiées, 50% de nos
enquêtés possèdent une étable traditionnelle avec un bâtiment de stockage
(engrais, aliments de bétails, etc.). Par contre, 35% des agriculteurs ne possèdent
qu’une étable traditionnelle et le stockage se fait généralement dans un coin à
l’intérieur de l’habitation. Le reste (15%) est représenté par le groupe des
agriculteurs qui disposent d’une étable moderne et d’un bâtiment de stockage.
2.3. Analyse du système de production
Un système de production est un ensemble structuré de moyens de production
combinés entre eux pour assurer une production végétale et/ou animale en vue

12
de satisfaire les objectifs et besoins de l’exploitant et de sa famille (Jouve,
1988). De là, il concerne à la fois le système de culture et le système d’élevage.
Dans ce qui suit, nous analysons ces deux systèmes tels qu’ils se présentent au
niveau de la commune d’El Faid.
2.3.1. Système de culture
Du moment que chaque système de culture se définit selon la nature des cultures
et leur ordre de succession ainsi que les itinéraires techniques appliqués à ces
cultures (Sébillote, 1976), nous avons cherché à relever les cultures pratiquées
par les agriculteurs enquêtés. Or, dans la commune, les cultures pratiquées sont
principalement la céréaliculture, l’arboriculture (essentiellement les agrumes,
l’amandier, l’olivier, le bananier, etc.), les légumineuses (fèves, lentilles, petits
pois) et dans une moindre mesure les cultures fourragères, notamment la luzerne
et le mais fourragère pour l’alimentation du bétail (ORMVASM, 2016). Nos
résultats montrent que ce sont ces mêmes cultures qui sont cultivées par nos
enquêtés. Les céréales viennent en premier lieu avec une superficie de 372 ha,
soit 67,20% du total de la SAU cultivée dont disposent 92.30% des agriculteurs
enquêtés. Cette prédominance des céréales par rapport aux autres cultures plus
exigeantes en eau peut être expliquée notamment par la sècheresse récurrente
qu’a connue la zone d’El Faid ces dernières années, en plus du problème de
rabattement de la nappe phréatique.

Tableau 3 : Les cultures pratiques dans la commune rurale d’El Faid (2019 – 2020)

La deuxième place est occupée par l’arboriculture qui est représentée


exclusivement par l’olivier et l’amandier. La superficie arboricole occupe 95 ha,
soit 17,20% de la SAU cultivée et détenue par 46% des agriculteurs enquêtés.

13
Les cultures maraichères viennent en troisième position avec une superficie de
51,5 ha, soit 9,3% de la SAU cultivée, détenues par 19,23% du total des
agriculteurs enquêtés. Les cultures fourragères représentent 30 ha, soit 5,4% de
la SAU exploitée. Elles sont considérées parmi les cultures les plus importantes
pour ceux qui pratiquent l’élevage dans la commune. Alors que les
légumineuses viennent en dernier lieu avec une superficie qui ne dépasse pas 5
ha (0,90 % de la SAU) ; elles ne sont pratiquées que par 5 agriculteurs parmi nos
enquêtés.
Ces différentes cultures sont cultivées sur des terres irriguées et des terres bour.
En fait, 52,5% de la superficie totale cumulée de toutes les exploitations
agricoles étudiées sont conduites en irrigué et 47.5% sont des terres bour.
- La céréaliculture
Comme il est mentionné ci-dessus, les céréales constituent la culture la plus
dominante dans la zone. Les agriculteurs enquêtés optent pour cette culture pour
diverses raisons: les céréales assurent un revenu relativement stable pour
l’agriculteur, elles s’adaptent aux conditions climatiques de la zone d’étude, et
ne demandent pas d’irrigation ; leur itinéraire technique est facile et maitrisée
par les agriculteurs avec la non exigence de main d’œuvre importante ; elles
répondent aux différents besoins de l’agriculteur notamment la consommation
humaine et l’alimentation du cheptel (grains, son, paille, chaume…).
Parmi les 372 ha emblavés par les céréales, 184,5 ha sont occupés par l’orge,
soit la moitié de la SAU exploitée (49,46%). Les agriculteurs expliquent cette
préférence de l’orge par le fait qu’ils la considèrent comme l’espèce la plus
résistante à la sècheresse par rapport aux autres céréales (blé dur et blé tendre) et
elle est la plus préférée parmi les céréales pour l’alimentation du bétail.
D’ailleurs, 91% de la population enquêtée cultive l’orge. Au deuxième rang,
nous trouvons le blé dur avec une superficie de 112 ha, suivi par le blé tendre
occupant 75,5 ha de la SAU cultivée.
Concernant les rendements moyens au niveau de la zone irriguée, ils sont de 28
qx/ha, 29 qx/ha et 25 qx/ha respectivement pour le blé tendre, le blé dur et l’ogre
(ORMVASM 2016). Alors qu’au niveau de la zone Bour, ils sont en étroite
relation avec les conditions hydriques de l'année et les niveaux enregistrés sont
de 7 qx/ha, 8 qx/ha et 6,5 qx/ha respectivement pour le blé tendre, le blé dur et
l'orge.

14
- L’arboriculture fruitière
Les plantations fruitières au niveau des exploitations étudiées occupent une
superficie de 95 ha soit 17,20% de la SAU exploitée. En termes de superficie,
les plus importantes espèces concernées sont, par ordre d’importance
décroissant, l'olivier (50,5 ha), les agrumes (30 ha), l’amandier (13.5 ha) et le
caroubier (1 ha).
Pour l’olivier et l’amandier, les agriculteurs ont déclaré que la totalité de la
superficie de ces deux espèces est conduite en un système extensif et en hais, et
elles sont conduites en irriguée comme en bour. En ce qui concerne les agrumes,
elles ne sont pratiquées que par un seul agriculteur et sont conduites en irriguée.
Les petits agriculteurs ne s’adonnent pas aux agrumes car ils trouvent qu’elles
sont exigeantes en eau et en main d’œuvre et leur marché est dominé par les
grands investisseurs qui ont des fermes dépassant les 30 ha. Quant au caroubier,
il est considéré comme une nouvelle culture introduite dans la zone et il est
cultivé par un seul agriculteur. Ce dernier justifie l’adoption de cette culture par
sa rentabilité élevée et son adaptation aux effets du changement climatique.
- Les cultures maraichères
Comme il est déjà mentionné ci-haut, les cultures maraichères représentent une
superficie de 51,5 ha soit 9,3% de la SAU exploitée par tous les agriculteurs
enquêtés. Parmi ces cultures, la pastèque arrive en tête avec une superficie de 36
ha répartis entre 6 agriculteurs. En deuxième lieu vient la courgette avec une
superficie de 13,75 ha, soit 26,6% de la SAU cultivée en maraichage. Le reste de
la superficie emblavée en cultures maraichères, soit 1,75 ha, concerne les
cultures d’aubergine et la tomate ; chacune de ces deux cultures n’est pratiquée
que par un seul agriculteur.
Il ressort de ces résultats que le maraichage ne représente pas une forte priorité
dans le système de culture des agriculteurs locaux à cause, selon eux, de sa forte
consommation en eau.
- Les cultures fourragères et les légumineuses
La superficie réservée aux cultures fourragères dans notre échantillon est de 30
ha ; elle constitue 5,40% de la SAU cultivée. Les cultures les plus pratiquées
sont le maïs fourrager (19,75 ha) et la luzerne (10,25 ha) qui constituent les
principaux aliments pour le cheptel dans la zone d’étude. Dans la zone, les

15
rendements moyens sont estimés à 30 tonnes par hectare pour la luzerne et 40
tonnes par hectare pour le bersim (ORMVASM, 2016).
Les légumineuses sont représentées en totalité par la fève avec une superficie de
5 ha (0.90% de la SAU) ; elle est pratiquée par 5 agriculteurs, soit 9,61 % du
total des agriculteurs enquêtés.
2.3.2. Les facteurs de production
- Les ressources en eau dans la commune
La commune d’El Faid est traversée par Oued Souss qui constitue d’ailleurs la
limite Nord du territoire communal, et fait ainsi partie du bassin hydraulique du
Souss qui constitue le réservoir phréatique le plus important du pays
(Benmimoun, 2019). Celui-ci joue un rôle central dans le développement
économique et social de la région toute entière. Néanmoins, ce bassin
hydraulique du Souss a connu ces dernières années une baisse continue de sa
piézométrie en raison de sa surexploitation par les puits et les fourrages et par la
sécheresse récurrente qui sévit dans la région depuis de nombreuses années
(ABHS, 2017).
Le territoire communal est par ailleurs traversé par de nombreux cours d’eau
saisonniers tels que l’Oued Tadenasst, Takenatine, Ait Lahssin, Aourir, Ait
Oualil, Imaouen, etc. Leur caractère torrentiel lors de forte pluies occasionne des
dégâts sur les infrastructures, notamment routières. Il existe également, au
niveau de la commune, 4 sources d’eau à savoir : Ait Abdellah, Amaoune,
Tamkit et Tarket.
La nappe phréatique d’El Faid est très profonde, elle atteint 80 mètres
(ORMVASM, 2005). Cette nappe connait un rabattement continu d’une année à
l’autre. Ce rabattement est expliqué, d’une part, par les sécheresses récurrentes
qu’a connues la zone, et d’autre part, par le développement de l’agriculture
intensive (agrumes, maraichages, etc.). D’ailleurs, le centre d’Ouled Berhil dont
relève notre zone d’étude, était caractérisée par l’existence d’un grand nombre
de khettaras7. Ces modes d’irrigation traditionnels sont marginalisés, puis
abandonnés au profit des nouvelles techniques d’irrigation telles que l’adoption
de la motopompe dans les années 1980 (Ait-Hssaine, 2004).
- Mode d’irrigation au niveau des exploitations étudiées

7
Khettaras : est un mode d’irrigation traditionnel

16
Concernant l’origine de l’eau d’irrigation, les agriculteurs enquêtés se
répartissent en deux catégories : les agriculteurs ayant des terres cultivées en
bour et donc dépendant exclusivement de la pluviométrie et ceux mobilisant
l’eau souterraine pour l’irrigation. En effet, sur les 52 exploitants enquêtées,
40% d’entre eux mènent leur agriculture en pluvial et 60 % irriguent leurs
exploitations.
Les agriculteurs qui n’irriguent pas leurs parcelles évoquent les raisons
suivantes :
- il y’a des agriculteurs qui ne bénéficient pas de l’eau du barrage d’Aoulouz,
soit parce qu’ils ne sont pas des ayants droits ou bien à cause de
l’éloignement du barrage ;
- la majorité des agriculteurs qui n’ont pas recours à l’irrigation déclare que
l’eau souterraine pompée ne peut servir que pour leur approvisionnement en
eau potable. Dans ce sens, un agriculteur souligne que : « l’AUEA de notre
douar nous a creusé un puit pour l’approvisionnement en eau potable ;
pourtant, la quantité d’eau ainsi mobilisée n’est pas suffisante. Donc
comment je vais trouver l’eau d’irrigation ? » ;
- certains agriculteurs avancent que l’Agence du bassin hydraulique de Souss
refuse de leur octroyer l’autorisation de creusement de puits bien qu’ils aient
le statut Melk (privé) de leurs terres. Pour illustration, un agriculteur nous a
déclaré : « J’ai envoyé ma demande de creusement à l’ABH de Souss, mais
ils refusent sans me justifier les causes de leurs refus, contrairement aux
nouveaux investisseurs qui se sont installés proches de moi et qui reçoivent
tout ce qu’ils veulent » ;
- la topographie de certains douars empêche de creuser des puits, notamment
ceux situés au sud de la commune.
¾ des exploitants qui irriguent leurs exploitations utilisent le mode gravitaire,
contre 26% qui adoptent le mode d’irrigation goutte à goutte. Au moment où un
seul agriculteur combine les deux modes d’irrigation. Ce qui montre que le
système d'irrigation gravitaire reste toujours le système dominant chez les
enquêtés. L’adoption de l’irrigation localisée est moins importante car, selon les
agriculteurs enquêtés ils ne peuvent pas bénéficier des subventions accordées par
l’Etat, puisque le foncier de la zone est majoritairement collectif.
- Accès à l’eau d’irrigation

17
Parmi les 31 agriculteurs qui irriguent leurs parcelles, 45% d’entre eux
exploitent l’eau provenant de l’oued et seguia alimentés à partir du barrage
d’Aoulouz, suivi par un pourcentage de 42% représentant les exploitants qui
irriguent à partir de puits/forages. En troisième lieu nous trouvons la catégorie
des exploitants qui font recours aux pompages privés (10%). Un seul agriculteur
combine entre l’irrigation par l’eau du barrage et l’irrigation par son propre
puits.
Tableau 4 : Différentes sources d’eau d’irrigation

Concernant les 13 exploitants qui pompent l’eau des puits et des forages, 8
d’entre eux exploitent l’eau des puits individuellement, alors que 5 agriculteurs
exploitant collectivement l’eau pompée.
- Fertilisation et entretien des cultures
63,5% des agriculteurs enquêtés n’apportent pas d’engrais à leurs cultures pour
les raisons suivantes :
 Selon eux, la fertilisation à base des engrais nécessite la présence de l’eau
d’irrigation ; ce qui empêche les agriculteurs qui ont des superficies
conduites en bour à adopter ce mode de fertilisation ;
 les agriculteurs qui ont de petites superficies préfèrent ne pas utiliser les
engrais car ils contribuent à l’augmentation du coût de production.
A la place des engrais chimiques, 83% des agriculteurs utilisent le fumier.
Tandis que 17% d’entre eux n’apportent aucune fumure puisque certains d’entre
eux ne pratiquent pas l’élevage et ceux qui le pratiquent préfèrent vendre leur
fumier aux nouveaux investisseurs qui se sont installés dans la commune.

18
Concernant l’utilisation des produits phytosanitaires, seulement 25% des
agriculteurs déclarent qu’ils utilisent ces produits pour protéger leurs cultures.
Cette catégorie est composée d’agriculteurs ayant de grandes superficies
emblavées par des cultures à hautes valeurs ajoutée (agrumes, pastèque,
courgette…).
2.3.3. Système d’élevage
L’élevage occupe une place très importante dans les systèmes de production des
exploitations enquêtées ; il représente la deuxième source de revenu des
agriculteurs locaux. Il constitue un fond de trésorerie permettant à l’agriculteur
de disposer de liquidités en cas de besoin (financer d’autres activités agricoles
au moment de crise ou pour répondre aux besoins de consommation de la
famille). C’est pourquoi 80 % de nos enquêtés s’adonnent à cette activité.
Dans la commune, l’élevage ovin et caprin représente plus de 90% du cheptel,
favorisés par les terres de pâturages conséquentes que représentent l’espace
forestier et la zone montagneuse (ORMVASM, 2016) C’est le cas aussi au
niveau des exploitations étudiées. En fait, l’analyse du tableau ci-dessous montre
que les caprins occupent la plus grande part de l’effectif du cheptel de nos
enquêtés (63,53%). Au deuxième rang viennent les ovines avec un effectif de
833 têtes, soit un pourcentage de 30,90%, suivis des bovins qui représentent la
plus faible proportion de l’ensemble du cheptel des enquêtés avec un
pourcentage de 5,60%.

Tableau 5: Effectif du cheptel dans les exploitations étudiées

19
Il ressort de ce tableau que l’élevage bovin n’est pas très pratiqué par nos
interlocuteurs : une moyenne de 3 vaches par exploitation contre des moyennes
de 16 et 51 têtes par exploitations respectivement en ovins et en caprins. Selon
nos enquêtés, les causes de la faible proportion de l’effectif des bovins par
rapport aux caprins et ovins sont diverses : les sècheresses récurrentes qu’a
connu la zone, ce qui a causé une pénurie d’eau et donc l’augmentation des prix
des aliments de bétail ; la majorité des exploitants ne pratiquent que les céréales,
particulièrement l’orge dont la production reste insuffisante pour couvrir les
besoins en alimentation des bovins; l’absence de main d’œuvre familiale qui
s’occupe du troupeau (pâturage, entretien, etc.) ; le rétrécissement des surfaces
de parcours, à cause de l’installation des investisseurs sur les terres pastorales, a
conduit vers une diminution de l’activité d’élevage par la réduction de la taille
du cheptel en général et plus spécifiquement de celle du troupeau bovin. Alors
que les caprins constituent un élément essentiel dans les systèmes d’élevage au
niveau de la commune d’El Faid. En fait, la totalité des éleveurs enquêtés
considère les caprins comme une priorité dans leurs exploitations. Selon eux
cette importance est justifiée par plusieurs raison à savoir : les charges des
caprins sont faibles par rapport à l’élevage bovin et ovin, car la majorité des
éleveurs fait paitre ses caprins dans les forêts d’arganier, ce qui va diminuer
l’achat des aliments de bétail ; la forte adaptation des caprins au relief de la zone
et à la sècheresse ainsi que leur tolérance vis-à-vis de l’augmentation de la
température.
2.3. Contraintes des exploitations étudiées
Les agriculteurs enquêtés notent l’existence de plusieurs contraintes qui
entravent le bon fonctionnement de leurs exploitations agricoles. Parmi ces
contraintes, ils citent la pénurie d’eau, l’exode rural et d’autres liées à l’héritage,
le morcellement des terres, la commercialisation de leurs productions et la main
d’œuvre

20
50
50
%
40 d'agriculteurs
26 25 25 Nobre
30
d'agriculteurs
20 13 13

10

0
PuneriePunerie
d'eau d'eau+ exode rural
Autres

Figure 4 : Contraintes rencontrées par exploitations enquêtées

Au niveau de la commune rurale d’El Faid, l’eau est devenue une problématique
cruciale. C’est ainsi que 50% de nos enquêtés affirment que la vraie contrainte
derrière la régression du profit de leurs exploitations est la pénurie d’eau. Alors
que 25% d’entre eux déclarent qu’en plus de la pénurie d’eau, ils font face à
l’exode rural, surtout des jeunes, vers les grandes villes. Le reste des
agriculteurs, soit 25% de notre échantillon, notent que les contraintes majeures
entravant le fonctionnement de leurs exploitations agricoles résident dans :
- le problème de morcellement des terres : le morcellement provenant de
l’héritage impacte négativement la valorisation des terres agricoles puisque le
partage des terres entre héritiers conduit à la réduction des superficies des
exploitations des héritiers ;
- le problème de la commercialisation des productions : les agriculteurs
trouvent des difficultés pour l’écoulement de leurs productions en raison,
selon eux, de la forte concurrence imposée par les investisseurs. Aussi,
notent-ils les prix sur le marché des produits agricoles ont chuté mettant en
cause la rentabilité économique de leurs exploitations ;
- le problème de la main d’œuvre : les petits agriculteurs souffrent de la rareté
de la main d’œuvre due, d’une part, à l’exode rural, et d’autre part, à la
préférence des ouvriers à travailler chez les investisseurs qui leur offrent une
rémunération plus intéressante. En plus, les fils des chefs des exploitations, et
qui forment la main d’œuvre familiale, ne sont plus intéressés par l’exercice
des travaux agricoles et préfèrent migrer en villes ;
- les maladies des cultures : les différentes cultures pratiquées par les
agriculteurs enquêtés sont assujetties à leur attaque par plusieurs maladies et

21
ravageurs. Ces agriculteurs soulignent une quasi absence des actions du
conseil agricole par les structures qui en sont responsables. Les enquêtés
réclament l’organisation des actions de conseil et d’encadrement pour les
aider à mieux entretenir leurs cultures.
Conclusion
Dans la commune d’El Faid, il y a la prédominance de la petite et moyenne
agriculture. En fait, la quasi-totalité des exploitations étudiées, a une taille
inférieure à 10 ha et ces exploitations sont sous équipées à moyennement
équipées en termes de bâtiment et de matériel agricole. Les chefs de ces
exploitations se caractérisent par un âge relativement avancé (52% ont entre 40
et 60 ans) avec un taux d’analphabétisme assez faible (10%).
L’analyse des systèmes de production nous montre que les céréales occupent
une place prépondérante (67,20% de la SAU totale) dans ces systèmes. La
moitié de la SAU des exploitants est conduite en irriguée (52,50%) et le mode
d’irrigation le plus répandu est le gravitaire. D’autre part, un nombre important
des exploitations n’utilise pas d’engrais et fait plutôt recours au fumier. D’autre
part, l’élevage représente la principale source de revenu des enquêtés et il est
dominé en effectif par les caprins (63,50%).
Malgré la diversité présente au niveau des systèmes de production d’El Faid, les
exploitants affirment que la pénurie d’eau et l’exode rural représentent les
principales contraintes entravant le bon fonctionnement de leurs exploitations.
Cette pénurie d’eau a entrainé un changement au niveau du système de
production de certains agriculteurs et entrainera dans le futur proche, selon nos
enquêtés, une évolution du système agraire local. En fait, la surexploitation de
l’eau souterraine, surtout avec l’installation de nouveaux investisseurs, et les
effets du changement climatique, que ressentent déjà nos interlocuteurs, risquent
de saper sérieusement l’agriculture locale si rien n’est fait !
Références bibliographiques
- Agence pour le Développement Agricole., 2012. Evaluation
environnementale stratégique du Plan Maroc Vert, 158 p.
- Akesbi et al., 2011. Le Plan Maroc Vert : une analyse critique, Questions
d’économie marocaine, Association Marocaine des Sciences
Economiques, 190 p.

22
- Azedou A., 2020. Evaluation de la prédiction spatiale de la susceptibilité à
l’érosion et au ravinement dans la commune rurale d’El Faid en utilisant
différents modèles de prédiction et la télédétection, Mémoire de fin
d’étude, Ecole Nationale Forestière d’Ingénieurs, 168 p.
- Banque Africaine de Développement., 2013. Programme d’appui au Plan
Vert du Maroc (PAPMV), Évaluation environnementale et sociale
stratégique, Hommes, Terre et Eaux N° 157-158 (sep/Dec), pp. 47-54.
- Benmimoun M., 2019. Diagnostic territorial, orientations d’aménagement
et projet de plan d’aménagement, Etude du plan d’aménagement du centre
d’El Faid province de Taroudant, 80 p.
- Conseil Général du Développement Agricole., 2008. Les petites et
moyennes exploitations agricoles (PMEA) Quel avenir ? Du million
d’hectares irrigués au million d’entreprise agricoles. Ministère de
l’agriculture et de la Pêche Maritime, Maroc.
- Conseil Général du Développement Agricole., 2010. Atlas de
L’Agriculture Marocaine.
- Jouve P., 1988. « Quelques réflexions sur la sphéricité et l’identification
des systèmes agraires», Les cahiers de la recherche-développement, n°20,
pp. 5-16
- Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, Maroc.
- Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime., 2012. L’agriculture
en chiffres, 30 p.
- Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime., 2010. Site officiel.
- Office Régional de la Mise en Valeur Agricole du Souss-Massa., 2016.
Monographie de la province de Taroudant, Document non publié.
- Sébillotte M., 1976. Jachère, système de culture, système de production,
institut national agronomique Paris Grignon.

23

Vous aimerez peut-être aussi