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MANIF

A Paris, des SDF et des


mal-logés demandent la
réquisition d’immeubles
vides
Par Miren Garaicoechea(https://www.liberation.fr/auteur/21479-miren-
garaicoechea) — 11 décembre 2020 à 21:59 (mis à jour le 12 décembre
2020 à 02:01)

Ce vendredi, lors d'un rassemblement de sans-abri et mal logés devant la préfecture d'Ile-
de-France. Photo Denis Allard pour Libération
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées
devant la préfecture de Paris vendredi après-midi. Ils
réclament la mobilisation de bâtiments vides pour
être logés décemment.

Au pied de la préfecture de Paris et d’Ile-de-France, dans le XVe


arrondissement, un bus dépose une centaine de sans-papiers, pour la
plupart tchadiens et soudanais. Tous occupent un squat à Saint-Denis, un
immeuble de trois étages à l’abandon. Sidibe, 22 ans, y est depuis un mois.
Le Guinéen n’arrive pas à dormir. «Tout me pèse, mais le logement, c’est
mon problème numéro 1. C’est dégueulasse, humide, il y a des herbes. On
dort à quinze dans la pièce, le chauffage fonctionne mal.»

Comme Sidibe, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées


vendredi après-midi pour demander la réquisition de logements inutilisés
sur Paris. Outre des migrants sans-papiers et sans domicile fixe, des mères
de famille mal logées ou menacées d’expulsion ont aussi répondu à l’appel
des associations Droit au logement (DAL), Utopia 56 ou encore de
la Coordination des sans-papiers de Paris (CSP 75)
Sidibe, 22 ans, qui occupe un squat à saint Denis est venu manifester au pied de la préfecture de
Paris. Photo Denis Allard pour Libération

En revanche, les personnes expulsées du campement de Saint-Denis le


17 novembre(https://www.liberation.fr/france/2020/11/23/depuis-l-
evacuation-du-camp-de-saint-denis-c-est-la-chasse-a-l-homme_1806365),
ou évacuées de la place de la
République(https://www.liberation.fr/france/2020/11/23/a-paris-
plusieurs-centaines-de-migrants-installent-des-tentes-place-de-la-
republique_1806517) le 23 novembre, étaient rares à la manifestation.
«500 personnes sont à la rue sèche (n'alternant pas entre la rue, des
centres, chez des connaissances, ndlr). Mais très peu se sont déplacés
aujourd’hui, ils sont épuisés», explique Kerill Theurillat, 25 ans,
coordinateur de l’antenne Utopia 56 de Paris. En France, le Fondation Abbé
Pierre estime à 300 000 le nombre de personnes sans domicile fixe et à
3,9 millions de personnes les mal-logés.

La dignité par le logement


Originaire de Côte d’Ivoire, Oumou, 44 ans, n’en peut plus d’enchaîner les
foyers(https://www.liberation.fr/societe/2014/12/30/les-sdf-en-allant-en-
centre-d-accueil-ont-peur-de-perdre-leur-place-dans-la-rue_1172022) de
femmes. «J’en suis à mon troisième depuis mon arrivée en France il y a
six ans. On est deux dans une chambre prévue pour une personne. Nos lits
sont à moins d’un mètre l’un de l’autre.» Le plus dur, pour cette aide à
domicile pour personnes âgées, «ne pas pouvoir cuisiner dans mon
logement. C’est interdit».
Oumou, 44 ans, n'en peut plus d'enchainer les foyers. Photo Denis Allard pour Libération

Bchira aimerait aussi un logement pour retrouver sa dignité. Cette


Tunisienne de 41 ans diplômée d’un master en histoire, arrivée il y a
cinq ans en France, se dit psychologiquement à bout. «C’est violent. Rien
que 7m2, ce serait déjà un espace pour moi.» Elle loge chez plusieurs amis
différents en Seine-Saint-Denis, sauf trois soirs par semaine, où l’aide à
domicile reste chez son employeur.

«La honte doit changer de camp»


Retrouver un logement peut changer la vie. Achraf, 25 ans, est venu soutenir
la manifestation. L’an dernier, sa mère frappait à la porte du DAL après un
licenciement. Faute de moyens suffisants, cette femme de ménage a dû
déménager dans un studio de 30m2, avec sa fille, atteinte d'un handicap
moteur, et son bébé. Achraf est alors parti chez des amis pour ne pas
aggraver le surpeuplement du studio.

A LIRE AUSSI
Mal-logement : de plus en plus d’appartements
surpeuplés(https://www.liberation.fr/france/2018/01/29/mal-logement-de-plus-en-plus-d-
appartements-surpeuples_1626023)
Le DAL a depuis aidé sa mère à trouver un trois-pièces décent à Pierrefitte-
sur-Seine (Seine-Saint-Denis) L’étudiant en droit ne comprend pas
«comment la France peut être la cinquième puissance mondiale, et que les
promesses d’Emmanuel Macron sur le
logement(https://www.liberation.fr/checknews/2019/01/26/macron-
avait-il-promis-qu-il-n-y-aurait-plus-de-sdf_1705325) ne donnent rien. La
honte doit changer de camp».
Achraf, 25 ans, étudiant en droit, ne comprend pas que les promesses de Macron pour le logment
ne donnent rien. Photo Denis Allard pour Libération
Crise économique, crise du logement
Pour certains, les menaces d’expulsion planent à l’issue de la trêve
hivernale, le 31 mars. A côté de la poussette de son fils de deux ans, Fatima,
33 ans, tient à être ici. Elle vit à Bobigny avec son mari, sans-papiers
également, venu d’Algérie, et leurs quatre enfants. Le RSA de Fatima ne
suffit pas à payer les 1 100 euros de loyer mensuel. «J’ai peur de devoir
appeler le 115», lâche-t'elle.

Fatima, 33 ans, vit à Bobigny. Elle est venue soutenir les manifestants sans-papiers. Photo Denis
Allard pour Libération

Samsarah, 28 ans, n’en dort plus la nuit. «J’ai reçu le jugement d’expulsion,
on doit partir en mars.» Cette mère célibataire de trois enfants en bas âge,
ne peut plus assumer les 1 200 euros de loyer à Clignancourt depuis que son
conjoint l’a quittée. A la recherche d’un emploi, elle ne reçoit aucune aide
financière de la part de ce dernier. «J’ai peur que ma fille, qui travaille
super bien à l’école, ne puisse plus faire ses devoirs si on n’a plus de
maison», confie-t-elle.
Sept immeubles, de quoi loger 1 300 personnes
«Crise grave du logement. Crise sanitaire. Et hiver.» Selon Jean-Baptiste
Eyraud, porte-parole du DAL, la situation justifie l’application de la loi de
réquisition de logements vacants ou inoccupés «pour les sans-abri, mais
aussi les mal-logés et les menacés d’expulsion». Le DAL invoque les
articles L641-3 et L345-2 et 3 du code de la construction et de l’habitation et
qui, selon lui, aurait permis le logement de «100 000 personnes dans des
logements réquisitionnés» depuis 1945.

A LIRE AUSSI
«Le coronavirus aura un effet dévastateur quand on fera le décompte des morts de la
rue»(https://www.liberation.fr/france/2020/03/31/le-coronavirus-aura-un-effet-
devastateur-quand-on-fera-le-decompte-des-morts-de-la-rue_1783582)

Au total, la délégation a demandé la réquisition de sept immeubles vides,


qui pourraient abriter, selon le DAL, quelque 1 300 personnes. «Un dans le
VIIIe arrondissement, près de la gare Saint-Lazare. Vide depuis vingt ans,
il appartient à un groupe financier étranger. Deux immeubles appartenant
à la RIVP, la Régie immobilière de la ville de Paris, dans le XIIIe.
Un bâtiment de la BNP boulevard Haussmann. Et trois dépendant de
l’Etat, une partie inutilisée de l’Hôtel-Dieu (AP-HP), le Val-de-Grâce, vide
à 90%, et l’ancienne Documentation, quai Voltaire dans le VIIe
arrondissement.» Les associations enverront, sur demande de la préfecture,
les 370 formulaires en recommandé. «On espère une réponse d’ici dix
jours.»

Miren Garaicoechea (https://www.liberation.fr/auteur/21479-miren-garaicoechea)

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